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COMMISSION DES SCIENCES ET DES TECHNOLOGIES (STC) RENFORCER LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L’OTAN AVEC LES PARTENAIRES ASIATIQUES Rapport général Nusrat GHANI (Royaume-Uni) Rapporteure générale 023 STC 21 F rév. 1 fin | Original : anglais | 10 octobre 2021
TABLE DES MATIÈRES SYNTHÈSE I. INTRODUCTION ................................................................................................................... 1 II. LA SÉCURITÉ DANS UN CONTEXTE TECHNOLOGIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION ......... 2 III. LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES EN ASIE ............................................................ 6 A. LE JAPON .................................................................................................................... 6 B. LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE .................................................................................... 10 C. SINGAPOUR .............................................................................................................. 12 IV. LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L’OTAN AVEC LES PAYS PARTENAIRES ................................................................................................................... 14 A. LE PARTENARIAT DE L’OTAN AVEC LE JAPON ..................................................... 16 B. LE PARTENARIAT DE L’OTAN AVEC LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ....................... 17 V. CONCLUSIONS .................................................................................................................. 18
SYNTHÈSE L’OTAN n’a cessé d’encourager sa coopération avec les pays situés en dehors du périmètre géographique de l’Alliance. Elle noue, grâce à une série de programmes et d’initiatives, des collaborations bilatérales et multilatérales avec des pays qui partagent les mêmes valeurs et intérêts que l’Alliance. La coopération scientifique et technologique fait partie intégrante de cet engagement. Consciente des changements de l’environnement sécuritaire dans la région Asie- Pacifique – dus à la fois à la montée en puissance de la Chine et au rôle stratégique croissant des technologies émergentes et de rupture (TE/TR)–, l’Alliance s’emploie activement à resserrer ses liens avec ses partenaires de la région. Bien que la coopération scientifique et technologique (S&T) soit de manière générale un volet important des partenariats noués par l’OTAN, le présent rapport conclut que la dimension S&T de la collaboration avec ses partenaires asiatiques, est une facette insuffisamment explorée de cette relation pourtant mutuellement bénéfique. Le Japon et la République de Corée représentent des leaders mondiaux dans plusieurs secteurs technologiques notables et, plus globalement, s’érigent en grandes puissances dans le domaine des sciences et des technologies. Le présent rapport expose les avantages comparatifs que possèdent les partenaires de l’OTAN dans le domaine des technologies à double usage ainsi que différentes possibilités d’amélioration de la coopération. La rapporteure est consciente que l’approfondissement et l’élargissement de la coopération dans le domaine scientifique et technologique dépendront du degré d’utilisation, par les pays partenaires, du vaste réseau de connaissances scientifiques et technologiques de l’OTAN. Elle salue par conséquent la décision récente du Comité OTAN pour la science et la technologie (STB) d’octroyer au Japon le statut de partenaire du programme « nouvelles opportunités » (EOP) et suggère que le STB envisage de convier d’autres pays à devenir partenaire EOP s’ils le souhaitent.
023 STC 21 F rév. 1 fin I. INTRODUCTION 1. « Notre objectif pour 2030 doit être de collaborer encore plus étroitement avec des pays partageant les mêmes valeurs que nous, tels que l’Australie, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande. Pour défendre les règles et les institutions internationales qui nous ont permis de préserver notre sécurité pendant des décennies. Pour fixer des normes. Sur l’espace et le cyberespace. Sur les nouvelles technologies et la maîtrise des armements au niveau mondial. Enfin, pour œuvrer en faveur d’un monde où règnent la liberté et la démocratie. » (Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, « NATO 2030 », 8 juin 2020). « Nous renforçons le dialogue politique et la coopération pratique avec nos partenaires de longue date dans la région Asie-Pacifique, à savoir l’Australie, le Japon, la Nouvelle- Zélande et la République de Corée, en vue de promouvoir la sécurité coopérative et de soutenir l’ordre international fondé sur des règles. » (Communiqué du sommet de l’OTAN à Bruxelles, 14 juin 2021) 2. Depuis le début du XXIe siècle, la région Asie-Pacifique est apparue comme le centre de gravité stratégique du système international. En plus d’être le moteur de l’économie mondiale depuis un certain temps, les pays de cette région sont naturellement, grâce à leurs exploits économiques, à la tête d’une nouvelle évolution stratégique : l’émergence de la région en tant que pôle mondial de l’innovation scientifique et technologique. Ainsi, la Chine, le Japon et la République de Corée jouent de plus en plus un rôle de premier plan dans le développement de TE/TR, dont un grand nombre sont à double usage et devraient révolutionner le secteur militaire. 3. Dans le cadre de son développement économique et technologique, la région Asie-Pacifique devient également petit à petit un sujet de préoccupation pour l’Alliance en matière de sécurité. Toutes les inquiétudes sont en fait centrées sur l’ascension de la Chine. Fort de sa puissance économique et technologique croissante, le pays a considérablement accru ses capacités militaires en l’espace de dix ans, de même que sa volonté de les utiliser dans le cadre d’une politique étrangère agressive. En plus de bouleverser l’ordre international fondé sur des règles, Pékin bouscule aujourd’hui l’équilibre sécuritaire en Asie – en particulier dans les mers de Chine méridionale et orientale. Tandis que les Alliés entretiennent des liens économiques importants avec l’Empire du milieu, l’Alliance s’inquiète de ses ambitions régionales et internationales. Dans le même temps, la posture offensive de la Corée du Nord à l’égard de la République de Corée et du Japon, ainsi que la poursuite incessante de son programme illégal d’armes nucléaires, constituent d’autres preuves de l’importance stratégique de la région Asie-Pacifique pour l’OTAN. 4. Face à ces défis, l’OTAN a cherché à resserrer ses liens avec ses partenaires de la région, en particulier le Japon et la République de Corée. Ces deux pays sont de véritables leaders mondiaux dans le domaine technologique, chacun détenant un avantage comparatif dans le développement de TE/TR. L’Alliance s’est empressée de les convier à toutes sortes de programmes bilatéraux et multilatéraux qui, tous, permettent des échanges structurés de connaissances, de compétences et de normes relatives à la défense. 5. Ce bref de rapport donne donc un aperçu de la coopération scientifique et technologique mise en œuvre par l’OTAN avec ses partenaires asiatiques que sont le Japon et la République de Corée. Il met en évidence les avantages mutuels d’une telle coopération, recense les atouts scientifiques et technologiques des uns et des autres dans le domaine de la défense qui sont susceptibles de renforcer davantage cette coopération, et conclut que toutes les parties devraient s’engager dans cette coopération pour tirer parti de ses bienfaits potentiels. 1
023 STC 21 F rév. 1 fin II. LA SÉCURITÉ DANS UN CONTEXTE TECHNOLOGIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION 6. Tout au long de l’histoire, les forces armées dotées des technologies les plus avancées (et d’une connaissance profonde de leur utilisation dans les opérations militaires) ont généralement été victorieuses sur le champ de bataille. En revanche, celles qui enregistraient un retard technologique ont souvent été mises en échec. À titre d’exemple, lors de la seconde guerre mondiale, les innovations britanniques dans la technologie des radars – entre autres innovations des Alliés – ont joué un rôle décisif dans la victoire des Alliés (Harford, 2017). 7. Depuis plus de 70 ans, l’OTAN s’appuie sur la supériorité technologique de ses États membres pour dissuader ses adversaires et assurer sa défense. Pendant la guerre froide, c’est d’abord en s’appuyant sur sa supériorité en matière d’armes nucléaires que l’OTAN a exercé une dissuasion face aux pays du Pacte de Varsovie. Lorsque ces derniers se sont dotés de l’arme nucléaire dans les années 1970, les Alliés ont riposté en mettant au point des technologies avancées dans le domaine des armes conventionnelles – telles que la technologie furtive, les munitions à guidage de précision et la mise en orbite de capacités ISR – afin d’accroître leur défense et leur capacité de dissuasion (Breedlove and Kosal, 2019). 8. Au XXIe siècle, les nouvelles technologies émergentes et de rupture auront d’importantes implications pour ce qui concerne l’avance technologique de l’OTAN et, plus généralement, la sécurité des membres de l’Alliance. Afin de suivre les progrès technologiques rapides d’aujourd’hui et de s’assurer que tous les pays membres bénéficient des technologies les plus avancées, les activités de l’Organisation en matière d’innovation se concentrent actuellement sur sept grands domaines, recensés comme prioritaires dans la stratégie de l’OTAN pour une mise en œuvre cohérente des TE/TR, à savoir : intelligence artificielle (IA) ; données et informatique ; systèmes autonomes ; technologies quantiques ; biotechnologie et amélioration des capacités humaines ; technologies hypersoniques et espace. L’Organisation OTAN pour la science et la technologie (STO) a produit l’an dernier un rapport de première importance sur l’impact probable de ces technologies ainsi que des nouveaux matériaux. Les technologies comme les mégadonnées et l’analytique avancée (BDAA), l’intelligence artificielle (IA), les systèmes autonomes, les armes hypersoniques et la technologie spatiale sont par nature des technologies de rupture dans le sens où elles devraient avoir un impact de grande ampleur dans les dix prochaines années, voire plus tôt (de fait, les armes hypersoniques, l’IA et même les systèmes autonomes sont déjà utilisés par certaines forces armées). D’autre part, l’informatique quantique, la biotechnologie, la fabrication additive (ou impression en 3D) et les nouveaux matériaux sont encore au stade de l’émergence, ce qui signifie que l’on ne sait pas encore quel sera leur impact. Ces technologies sont toutes étroitement liées et interconnectées. Utilisées conjointement, elles pourraient produire des interactions et des interdépendances complexes qui auront une influence sur les capacités militaires futures et, par association, sur l’avance technologique de l’OTAN (STO, 2020). En février 2021, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN ont entériné la stratégie pour une mise en œuvre cohérente des technologies émergentes et des technologies de rupture, qui guidera l’adoption et l’adaptation de ces technologies par l’OTAN. L’objectif de cette stratégie est d’encourager le développement des technologies à double usage et l’échange de bonnes pratiques pour se protéger contre les menaces (OTAN, 2021c). TECHNOLOGIES ÉMERGENTES ET DE RUPTURE 2
023 STC 21 F rév. 1 fin Les mégadonnées désignent des données représentant d’importants défis en Mégadonnées termes de volume, de vitesse, de diversité, de véracité et de visualisation. et analytique L’analytique avancée (des données) fait référence à des méthodes d’analyse avancée élaborées permettant de rendre intelligibles et de visualiser de grandes quantités (BDAA) d’informations. Cela inclut l’intelligence artificielle, l’optimisation, la modélisation et la simulation, l’ingénierie des facteurs humains et la recherche opérationnelle. L’intelligence artificielle (IA) désigne la faculté des machines à effectuer des tâches qui nécessitent normalement l’intelligence humaine (par exemple : reconnaître des motifs, apprendre de l’expérience, tirer des conclusions, faire des Intelligence prédictions ou entreprendre des actions), que ce soit par voie numérique ou avec artificielle (IA) un logiciel intelligent installé sur des systèmes physiques autonomes. L’intelligence artificielle en Russie, au Japon et en République de Corée. Les systèmes autonomes sont capables de réagir dans des situations imprévues en s’inspirant de différents modèles d’action et en opérant parmi eux une sélection de manière à atteindre des objectifs en s’appuyant sur des Systèmes connaissances ainsi que sur une compréhension contextuelle du monde, d’eux- autonomes mêmes et de la situation. Le rapport 2020 de la STCTTS présente des utilisations possibles des systèmes autonomes dans les combats futurs en milieu urbain. Les systèmes autonomes au Japon et en République de Corée. Les systèmes d’armes hypersoniques - avancés - (missiles, véhicules, etc.) fonctionnent à des vitesses supérieures à Mach 5 (6 125 km/h). À cette vitesse, la dissociation de l’air est importante et l’augmentation de la charge thermique est Systèmes très dangereuse pour les véhicules. Ce type de système d’arme inclut les missiles d’armes à lanceur aérien, les corps de rentrée manœuvrables, les torpilles à lanceur hypersoniques terrestre et les avions d’attaque furtifs. Voir aussi le rapport général 2020 de la STC sur les armes hypersoniques. Les systèmes d’armes hypersoniques en Russie et au Japon. Les technologies spatiales utilisent ou se disputent l’environnement opérationnel unique qu’est l’espace (qui commence à 90-100 km au-dessus du niveau de la mer), dont les caractéristiques sont les suivantes : liberté d’action, champ de Technologies vision global, vitesse, liberté d’accès, conditions proches du vide, microgravité, spatiales isolement et conditions extrêmes (températures, vibrations, sons et pression). Voir aussi le rapport spécial 2021 de la STC sur l'espace et la sécurité. Les technologies spatiales au Japon. Les technologies quantiques de nouvelle génération s’appuient sur la physique quantique et les phénomènes qui y sont associés aux niveaux de l’atome et en Technologies deçà. Ces phénomènes favorisent d’importantes avancées technologiques, quantiques principalement dans les domaines suivants : cryptographie, calcul, navigation de précision et référence temporelle, détection et imagerie, communications et matériaux. Les biotechnologies utilisent des organismes, tissus, cellules ou composants moléculaires provenant d’êtres vivants. Le but est d’agir sur des êtres vivants ou d’intervenir sur le fonctionnement des cellules ou de leurs composants Biotechnologies moléculaires, y compris leur matériel génétique. Le rapport 2021 de la STCTTS sur les menaces biologiques éclaire sur certaines des promesses et des menaces des biotechnologies. Les (nouveaux) matériaux avancés sont des matériaux artificiels dotés de propriétés uniques et novatrices. Ils peuvent être fabriqués en utilisant des Nouveaux techniques issues de la nanotechnologie ou de la biologie de synthèse. Cela peut matériaux et inclure : des revêtements présentant une très grande résistance à la chaleur, des fabrication protections corporelles ou matérielles à toute épreuve, des revêtements assurant additive l’indétectabilité, des systèmes de récupération et de stockage de l’énergie, la super conductivité, des capteurs et une décontamination avancés, ainsi que la production en gros de nourriture, de carburant et de matériaux de construction. 3
023 STC 21 F rév. 1 fin Les nouveaux matériaux au Japon. La fabrication additive, souvent synonyme d’impression 3D, est le processus consistant à créer un objet concret, presque arbitraire, en 3D à partir d’un modèle numérique, grâce à la succession de couches de matériaux. La fabrication additive peut être utilisée pour : effectuer des prototypes rapides, produire et réparer des équipements militaires ayant été déployés sur site, fabriquer des pièces uniques, personnalisées ou de précision. La fabrication additive en République de Corée. (Source : Organisation OTAN pour la science et la technologie, 2020) 9. Les importantes initiatives technologiques conjointes de l’Alliance arrivent à un moment opportun. En effet, l’avance technologique de l’OTAN est aujourd’hui menacée, principalement à cause des bouleversements actuels que connaît l’environnement technologique mondial ainsi que de la nature changeante de la conception et de la diffusion des technologies. Pendant la guerre froide, la recherche et développement (R&D) avancée du secteur militaire était financée en grande partie par le secteur public. Des organisations comme la DARPA (Defense Advanced Research Project Agency) ont dirigé la conception de technologies militaires ayant permis à l’OTAN de jouir d’un avantage sur le champ de bataille. Par ailleurs, le développement et la diffusion de ces technologies militaires de pointe pouvaient être étroitement contrôlés par des réglementations gouvernementales et des réseaux d’information protégés. Certaines d’entre elles ont été amplement utilisées dans des applications civiles. Dites « à double usage », ces technologies incluent notamment le réseau précurseur d’Internet, le GPS et le caoutchouc synthétique (Frohlich et al., 2019). Cela dit, depuis la fin de la guerre froide, le rapport s’est inversé. À l’heure actuelle, les projets menés par le secteur privé surpassent ceux financés par le secteur public, et les technologies civiles sont de plus en plus adaptées en vue de leur utilisation dans le domaine militaire. Les entreprises privées ont aujourd’hui un budget de R&D supérieur à celui des États et leur intégration de nouvelles technologies dans des produits grand public a lieu plus rapidement. Il en résulte que les technologies émergentes et de rupture connaissent de nos jours des délais de mise au point plus réduits et une diffusion plus large qu’auparavant sur les marchés civils. 10. Ce contexte technologique en pleine mutation bénéficie aux États moins avancés et moins développés économiquement ainsi qu’aux acteurs non étatiques car il leur permet d’accéder à des capacités auparavant inaccessibles (DARPA, 2019). La Corée du Nord a utilisé par exemple des cybercapacités de pointe pour mener des opérations offensives telles que le vol de fonds à l’échelle internationale ou la recherche de solutions pour compenser ses lacunes en termes de capacités militaires conventionnelles – autant de capacités qui n’étaient autrefois disponibles qu’aux États les plus avancés (DuBois, 2020). Un autre exemple est la révolution en cours concernant l’utilisation de la technologie des drones – une capacité qui, elle aussi, n’était autrefois disponible que par les grandes puissances mondiales – par des États et des acteurs non étatiques : cela a été le cas de Daech en Iraq et en Syrie pour des missions de renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR), ou de l’Iran pour mener une opération cinétique contre des installations pétrolières saoudiennes (Soufan Center, 2018). 11. Un autre aspect encore plus important est que ce nouveau contexte avantage les principaux rivaux stratégiques de l’OTAN, à savoir la Russie et la Chine. Au fur et à mesure que de nouvelles technologies font leur apparition, ces deux pays saisissent la moindre occasion pour dépasser l’avance technologique de l’OTAN et rendre les atouts actuels de l’Alliance obsolètes. L’un et l’autre élaborent des stratégies nationales pour exploiter leurs systèmes d’innovation et tirer parti de leurs investissements dans les sciences et les technologies. Ils ont même, ces dernières années, intensifié leur coopération dans ces domaines, par exemple en instaurant des dialogues et 4
023 STC 21 F rév. 1 fin échanges bilatéraux, en mettant en place des « parcs » industriels axés sur les sciences et les technologies et des pôles d’innovation, ainsi qu’en élargissant la collaboration entre leurs communautés universitaires respectives (Bendett and Kania, 2019). 12. La Chine a entrepris d’accélérer le développement des TE/TR qu’il juge essentielles et a, pour ce faire, élaboré une stratégie nationale de fusion civilo-militaire (MCF). Cette stratégie consiste à supprimer les frontières entre les secteurs technologiques civils et militaires, en rendant les innovations et les ressources du secteur privé chinois accessibles aux instances nationales de défense qui en auraient besoin. Sa mise en place passe par un ensemble de cadres juridiques, mécanismes de financement et partenariats public-privé. La Chine espère, grâce à cette fusion civilo-militaire, devenir une superpuissance non seulement dans le domaine économique, mais aussi militaire. Elle s’intéresse en particulier à l’IA, qu’elle considère comme primordiale pour constituer une « armée de haut niveau d’ici à 2049 ». Ses autres centres d’intérêt sont notamment la 5G, l’informatique quantique, les systèmes autonomes, la robotique, les systèmes hypersoniques et la biotechnologie. 13. De son côté, la Russie n’a pas les moyens financiers requis pour égaler les investissements des Alliés et de la Chine dans le domaine de la R&D. Elle imagine donc des usages asymétriques des TE/TR. Les experts pensent par exemple que la Russie met actuellement en œuvre une stratégie nationale dans le domaine de l’IA, dans l’espoir de devenir d’ici à 2030, si ce n’est un spécialiste, du moins un acteur de premier plan en la matière, en particulier dans des applications militaires de niche comme les systèmes d’armes autonomes et la cyberguerre offensive (Markotkin et Chernenko, 2020). Outre l’IA, la Russie se classerait au premier rang mondial pour le développement et le déploiement de systèmes d’armes hypersoniques. Elle est le premier pays ayant déployé un planeur hypersonique – l’Avangard – et elle développe actuellement plusieurs autres systèmes de ce type qui pourraient être mis en service au cours de la décennie à venir (Davis, 2020). 14. Face à ce contexte technologique en pleine évolution, l’OTAN prend elle-même des mesures pour améliorer ses capacités scientifiques et technologiques. Les Alliés ont renforcé leurs dispositifs internes d’innovation, tandis que l’Organisation exploite les efforts menés conjointement par les pays membres et partenaires dans le domaine des sciences et des technologies (Alleslev, 2020). La pièce maîtresse de la coopération scientifique et technologique de l’OTAN est l’Organisation OTAN pour la science et la technologie (STO) et son réseau collaboratif. Ce dernier, géré activement par le Bureau de soutien à la collaboration (CSO) de la STO, réunit plus de 6 000 scientifiques et leurs organisations respectives et travaille sur des domaines scientifiques et technologiques (notamment les TE/TR) utiles à la sécurité et la défense de l’OTAN et de ses pays membres. La force de ce réseau réside dans son approche pluridisciplinaire, regroupant des scientifiques du secteur public, du secteur privé et du monde universitaire pour travailler sur des projets ayant trait à la sécurité dans le cadre du programme de recherche collaborative de la STO. Ce réseau ne se contente pas de développer de nouvelles technologies mais recense également celles qui seront essentielles pour répondre aux besoins futurs de l’OTAN en matière de sécurité, afin que ses commandants – et ceux des pays membres – puissent les intégrer dans le fonctionnement de leurs forces (OTAN, 2020a). Les autres entités compétentes de l’OTAN sont notamment les suivantes : la division Investissement de défense (notamment en ce qui concerne le commandement, le contrôle et les communications), l’agence OTAN d’information et de communication (NCIA), la division Défis de sécurité émergents, l’État-major militaire international – dont le Commandement allié Transformation (ACT) –, les centres d’excellence – dont le Centre d'excellence pour la cyberdéfense en coopération (CCD COE) – et les « jeunes pousses » OTAN qui sont comme une émanation du secteur privé au sein de la structure de l’Alliance (Brasseur et al., 2020). 5
023 STC 21 F rév. 1 fin III. LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES EN ASIE 15. Consciente de l’évolution de cet environnement stratégique et de la menace croissante que représente la militarisation de la Chine, l’OTAN renforce actuellement ses liens avec ses partenaires de la région Asie-Pacifique. Le Japon et la République de Corée sont des leaders mondiaux dans plusieurs TE/TR – entre autres – et sont largement reconnus comme de grandes puissances dans le domaine des sciences et des technologies. Cette section présente donc les avantages comparatifs de ces partenaires en répertoriant les principales technologies à double usage qui sont en cours de développement dans les deux pays et en mettant en lumière les domaines technologiques explicitement militaires qu’ils maîtrisent parfaitement. De surcroît, la section s’intéresse à Singapour ; bien que n’étant pas partenaire de l’OTAN, cet État est un leader mondial en matière d’innovation, il entretient d’excellentes relations avec l’Alliance et a accueilli ces dernières années des visites officielles de l’AP-OTAN et d’organes OTAN. A. LE JAPON 16. Le Japon jouit de la réputation bien LE JAPON EN BREF établie d’être un pays technologiquement avancé. Cet État insulaire possède des Classement de l’Organisation mondiale de la capacités technologiques et d’innovation propriété intellectuelle (OMPI) en 2021 : 16ème rang de haut niveau et obtient d’excellents Classement de la Fédération internationale de résultats dans les principaux indicateurs robotique en 2021 : 3ème rang (364 robots pour de l’innovation tels que les dépenses 10 000 travailleurs) totales de R&D, les dépôts de brevets et Indice Bloomberg sur l’innovation en 2021 : le nombre de chercheurs par habitant. 12ème rang Le Japon est donc soit un leader, soit un Dépenses totales de R-D (d’après l’OCDE) en 2019 : acteur en devenir dans un grand nombre 172,6 milliards de dollars des TE/TR recensées par la STO Dépenses de R-D en % du PIB (d’après l’OCDE) en comme essentielles à la sécurité future 2019 : 3,24 % de l’OTAN. Cela inclut la robotique, les Classement mondial pour les dépenses de R-D en % systèmes autonomes, les technologies du PIB (d’après l’OCDE) en 2019 : 5ème rang spatiales, l’intelligence artificielle, les systèmes hypersoniques et les matériaux avancés. Ces technologies étant généralement à double usage, le Japon a nécessairement progressé dans leur développement et leur déploiement dans un contexte aussi bien civil que militaire. 17. Tout d’abord, le Japon est le leader mondial incontesté de la robotique. Étant depuis longtemps à l’avant-garde de la conception dans ce domaine, il est de loin le plus grand fabricant de robots et enregistre l’une des plus importantes densités mondiales de « robots par travailleur ». Pour la seule année 2020, ce pays a assuré près de la moitié de la production mondiale de robots et a exporté plus du tiers des robots vendus au niveau international (IFR, 2021). En fait, les solutions robotiques sont omniprésentes dans l’industrie et la société japonaises, depuis les usines ultramodernes jusqu’aux restaurants, et l’image de lignes d’assemblage automatisées produisant en masse des automobiles est presque un synonyme du Japon lui-même (Rich, 2020). 18. La suprématie du Japon dans le secteur de la robotique lui a naturellement conféré un avantage dans le domaine des systèmes autonomes. Les entreprises japonaises sont à l’avant- garde de la recherche et de la mise en œuvre de systèmes autonomes faisant appel aux technologies existantes, mais elles occupent aussi la première place mondiale pour ce qui est de l’utilisation expérimentale desdits systèmes – en particulier dans le domaine des transports. Par exemple, des constructeurs automobiles japonais comme Honda sont à l’initiative du développement de voitures que l’on appelle « sans chauffeur » et prennent des mesures 6
023 STC 21 F rév. 1 fin importantes pour faciliter le déploiement de ces véhicules sur les routes du réseau public (Till, 2020). Le Japon étant un État insulaire, ses besoins de transport maritime considérables ont conduit les entreprises nationales à explorer des solutions autonomes véritablement novatrices dans ce secteur, dont l’utilisation de soi-disant « robots navires » ainsi que de navires de charge et de transbordeurs sans pilote. Certains experts japonais estiment qu’en 2040, la moitié des navires de cabotage du pays pourraient être autonomes (Yoshida, 2020 ; The Economist, 2020). 19. Parallèlement à ses capacités dans les domaines de la robotique et des systèmes autonomes, le Japon se classe au premier rang mondial pour la conception et l’adoption de l’intelligence artificielle. Dans un index exhaustif des pays réalisé en 2020 par un groupe d’experts du secteur, le pays se classait dans le cercle des nations les plus performantes en matière de capacités globales d’IA, l’index identifie le Japon comme une « étoile montante » disposant d’avantages comparatifs spécifiques en matière de R&D en IA et de mise en œuvre d’infrastructures (Tortoise, 2020). Sur ce dernier point en particulier, Tokyo a créé un fonds de 4 milliards de dollars pour promouvoir l’innovation dans le domaine de l’IA dans le secteur privé, ce qui permet aux entreprises japonaises de mettre en place en interne des solutions plus expérimentales que ce n’est le cas dans d’autres économies nationales (Tsuji, 2018). De même, les organismes publics japonais sont parmi les plus avancés au monde en ce qui concerne la mise en place de programmes d’IA à destination de la population (Oxford Insights, 2021). 20. Le Japon est également apparu comme un leader dans le domaine des technologies spatiales. Il a, pour l’année en cours, budgété une enveloppe record de 4,14 milliards de dollars pour les activités liées à l’espace (ce qui représente l’un des plus gros budgets au monde), destinées à la fois à un usage civil et militaire (Si-Soo, 2021). L’agence spatiale japonaise JAXA (Japanese Aerospace Exploration Agency) est le partenaire de choix de la NASA pour son programme Artemis – dont le but est d’envoyer dans un avenir proche un aéronef habité sur la Lune. De plus, des entreprises japonaises comme Toyota et Mitsubishi devraient jouer un rôle important en fournissant du matériel et un soutien pour les missions conjointes de la NASA et la JAXA (Patel, 2020). Le Japon est en outre l’un des rares pays à posséder son propre système de navigation par satellite mis en orbite et il a récemment étendu son système de satellites QZSS (Quasi-Zenith Satellite System), qui complète pour l’essentiel le système GPS des États-Unis. Le point peut-être le plus impressionnant est que le pays a été la première puissance spatiale à faire atterrir avec succès un engin spatial sur un astéroïde – dont un échantillon a été prélevé à la surface et ramené sur Terre, ce qui constitue un grand pas en avant pour l’exploitation minière spatiale (Ryan, 2021). 21. Enfin, il est important de souligner les capacités du Japon en matière de recherche sur les nouveaux matériaux. De par sa situation géographique et son histoire géologique, le pays a accès à des matières premières et des matériaux composites de première importance, qu’il transforme pour les utiliser dans plusieurs secteurs technologiques. Ces matériaux lui confèrent indéniablement une avance pour développer des technologies civiles et militaires de premier plan. Le Japon est par exemple un acteur éminent dans la production de lingots de silicium, une matière première essentielle pour la fabrication mondiale de semi-conducteurs. En effet, deux entreprises japonaises – Shin-Etsu et Sumco – représentent plus de 60 % de la production mondiale de plaquettes de silicium (Platzer et al., 2020). Les nouveaux matériaux sont également indispensables pour la conception de capacités militaires avancées dont les engins furtifs et les armes hypersoniques. 22. Fort de ces avantages évidents dans le domaine des TE/TR, le Japon développe tout naturellement en parallèle ses capacités technologiques dans le secteur de la défense. Afin de promouvoir le développement et l’intégration de technologies de pointe au sein des forces armées nationales, le ministère japonais de la Défense a créé en octobre 2015 l’Agence pour l’acquisition, la technologie et la logistique (ATLA). Dotée d’un budget de 2,1 milliards de dollars en 2021 – 7
023 STC 21 F rév. 1 fin contre quelque 1.6 milliard en 2020 –, l’ATLA est très active dans la conception et l’expérimentation de nouvelles plateformes militaires. Elle travaille en outre en partenariat avec le ministère japonais de la Défense pour développer des capacités militaires innovantes utilisant les TE/TR précitées en association les unes avec les autres, en s’attachant d’abord à repérer les technologies essentielles puis à les combiner pour créer de nouveaux et puissants systèmes. 23. Dans le cadre de la politique en matière de R&D – baptisée « R&D Vision » – mise en œuvre en 2019, le ministère japonais de la Défense et l’ATLA ont mis l’accent sur la conception de systèmes totalement autonomes en s’appuyant sur les compétences technologiques du pays dans les domaines de la robotique, l’IA et les technologies spatiales. Les chercheurs japonais espèrent concevoir des véhicules aériens (UAV) et des véhicules sous-marins sans pilote (UUV) qui pourront un jour prochain être les piliers de la sécurité aérienne et maritime du pays. De plus, compte tenu des énormes quantités de données (notamment sur leur environnement) dont ont besoin les systèmes autonomes pour fonctionner efficacement, des innovations auront sans doute lieu également dans les domaines des systèmes de navigation par satellite et autres capacités ISR en orbite (Ministère japonais de la Défense, 2019). 24. Parallèlement, le Japon développe actuellement son propre avion de combat furtif de sixième génération, à la pointe de la technologie (F-X, souvent appelé F-3). Le projet est dirigé par Mitsubishi Heavy Industries – coordinateur principal du développement –, qui travaille en collaboration avec des partenaires japonais et étrangers. À l’instar des autres avions de ce type qui sont en cours de développement (comme le système de combat aérien du futur (SCAF) résultant de la collaboration entre l’Allemagne, l’Espagne et la France), le F-X sera sans doute équipé de drones Wingman autonomes qui formeront un essaim autour de l’aéronef (Yeo, 2021). Le F-X est en fait considéré comme une « plateforme d’essai technologique » qui encourage les innovations dans des technologies aériennes de premier plan comme les radars, les moteurs et les matériaux avancés tels que les nouveaux composites et les revêtements absorbant les ondes radar (Yeo, 2018 ; Yeo, 2020a ; Uesaka, 2016). 25. D’un autre côté, l’ATLA cherche à se doter d’une capacité d’arme hypersonique, les scientifiques japonais ayant le projet de mettre à l’essai et de déployer dans les dix ans à venir à la fois un missile de croisière et un planeur hypersoniques. La recherche dans ce domaine permettra au Japon de progresser simultanément dans les matériaux avancés résistants à la chaleur – une nécessité compte tenu des frottements énormes qui se produisent autour de la structure d’un missile lors d’un vol hypersonique – et dans les technologies de navigation spatiale, qui seront essentielles pour guider les missiles hypersoniques lorsqu’ils se déplacent à des vitesses supérieures à celles des capacités de navigation satellisées traditionnelles. À l’instar du F-X donc, la recherche sur les systèmes hypersoniques fera probablement avancer tout un ensemble de technologies connexes qui vont bien au-delà des systèmes hypersoniques (Yeo, 2020b). 8
023 STC 21 F rév. 1 fin (Source : Institut de statistique de l’UNESCO, 2021) 9
023 STC 21 F rév. 1 fin B. LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE 26. Au cours des cinq dernières décennies, la République de Corée a LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE EN BREF réalisé des progrès technologiques remarquables. Sous la houlette de Classement de l’Organisation mondiale de la propriété grands groupes d’entreprises appelés intellectuelle (OMPI) en 2021 : 10ème rang « chaebols », le pays s’est hissé au Classement de la Fédération internationale de premier rang mondial de plusieurs robotique : 2ème rang (868 robots pour technologies à double usage qui 10 000 travailleurs) définissent le paysage scientifique et Indice Bloomberg sur l’innovation : 1er rang en 2021 technologique d’aujourd’hui. En fait, Dépenses totales de R-D (d’après l’OCDE) : des chaebols comme Samsung, LG et 100 milliards de dollars Hyundai sont des leaders dans le Dépenses de R-D en % du PIB (d’après l’OCDE) en développement de TE/TR ainsi que de 2019 : 4,64 % technologies connexes sur lesquelles Classement mondial pour les dépenses de R-D en % elles s’appuient, notamment les semi- du PIB (d’après l’OCDE) : 2ème rang conducteurs et les technologies de l’information et de la communication (TIC) de pointe comme la 5G. 27. Le développement technologique étant depuis longtemps l’une des priorités des autorités sud-coréennes, la République de Corée est devenue l’un des pays du monde où la recherche est la plus poussée. Le pays occupe la deuxième place derrière Israël pour ses dépenses de R&D en % du PIB et enregistre la plus forte densité mondiale de chercheurs par habitant (OCDE, 2019). Le gouvernement a par ailleurs annoncé récemment qu’il allait encore accroître lesdites dépenses pour l’exercice 2022, principalement pour développer les principales TE/TR comme l’IA et l’informatique quantique (Yonhap, 2021a). Outre leurs capacités en matière de R&D, les entreprises coréennes sont réputées pour leurs talents en ce qui concerne la mise en œuvre et la commercialisation des nouvelles technologies. En 2021, Séoul est arrivée en tête de l’Indice Bloomberg sur l’innovation, un système de classement exhaustif qui prend en compte à la fois la R&D et la capacité des entreprises et des administrations à mettre en œuvre les innovations à grande échelle. C’est la septième fois en neuf ans que la Corée se classe au premier rang, dépassant plusieurs pays dont les budgets en valeur absolue sont beaucoup plus élevés (Jamrisko et al., 2021). 28. La République de Corée et Taïwan sont des leaders dans la conception de qualité et la production massive de semi-conducteurs. Également appelés « puces », les semi-conducteurs sont indispensables dans la composition de tous les produits électroniques de pointe, et constituent la base des technologies comme l’IA, les mégadonnées, la robotique et les systèmes autonomes. La structure du secteur des semi-conducteurs est en outre très morcelée, les étapes de conception et de fabrication étant segmentées et dispersées géographiquement au sein d’une chaîne d’approvisionnement mondiale très complexe. Du fait du nombre réduit de centres de production de haut niveau, la fabrication de semi-conducteurs est généralement considérée comme le principal « goulet d’étranglement » technologique de l’économie mondiale (FP Analytics, 2021). 29. Alors que la plupart des pays se spécialisent dans un seul segment de la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs, Séoul est l’un des rares à posséder des compétences exceptionnelles dans plusieurs segments. Si des chaebols comme Samsung et SK Hynix excellent dans la conception de micro-processeurs – avec une part de marché de presque 50 %, ces sociétés, tout comme d’autres entreprises sud-coréennes, sont à l’avant-poste dans le domaine de la fabrication de semi-conducteurs (Deloitte Insights, 2020). Hormis sa concurrente taïwanaise 10
023 STC 21 F rév. 1 fin TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company), l’entreprise sud-coréenne Samsung est la seule au monde capable de fabriquer les puces les plus élaborées, mesurant moins de 10 nanomètres (Lee and Kleinhans, 2020). Ces micro-puces, plus performantes et consommant peu d’énergie par rapport à leur puissance de traitement, sont considérées comme essentielles pour des technologies comme l’IA et les mégadonnées. Outre les chaebols, la République de Corée compte plus de 20 000 PME travaillant dans le secteur des puces et représente l’industrie la plus avancée et la plus complète au monde dans ce domaine (Deloitte Insights, 2020). Conscient de cet avantage comparatif, Séoul a consacré 450 milliards de dollars pour permettre à la Corée de conserver son statut de « grande puissance » dans le secteur des semi-conducteurs pendant les dix prochaines années (Yonhap, 2021a). 30. L’avance dont jouit la Corée dans la fabrication des semi-conducteurs lui confère naturellement un avantage comparatif dans l’intelligence artificielle. L’IA a besoin de grandes quantités de données pour être efficace ; le stockage et le traitement de ces données requièrent des puces mémoires de haute technologie, c’est-à-dire qui soient conçues spécifiquement pour stocker de gros volumes de données le plus efficacement possible (Khan and Mann, 2020). Samsung et sa concurrente/partenaire coréenne SK Hynix sont respectivement les premier et troisième plus gros fabricants de puces mémoires au monde et détiennent à eux deux la moitié du marché mondial du secteur (Liao, 2020). Le gouvernement coréen a encouragé leur progression en lançant une stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, ainsi qu’en recrutant des milliers de chercheurs coréens afin de mettre au point, au cours de la prochaine décennie, près d’une cinquantaine de modèles de semi-conducteurs axés sur l’IA ainsi que les programmes y afférents (Yonhap, 2020). 31. Au-delà des puces et de l’IA, la République de Corée est peut-être surtout connue pour être l’un des leaders mondiaux dans les domaines des TIC et de la 5G, ce qui lui donne une avance dans le secteur émergent des systèmes autonomes. En fait, Samsung est déjà le plus grand fabricant au monde de smartphones – juste derrière le géant chinois des télécommunications Huawei pour le nombre de dépôts de brevets sur la 5G – et est devenu la première entreprise à offrir un service 5G au niveau national, 85 villes devant être couvertes d’ici la fin 2021 (White, 2020 ; Kim, 2019 ; Woo-Hyun, 2021). Le développement de la 5G permettra de transmettre de plus gros volumes de données entre les appareils, tout en offrant une meilleure fiabilité et un temps d’attente plus faible que par le passé. Grâce à cette technologie, les systèmes autonomes pourront recevoir des informations et les renvoyer autour d’eux, ce qui leur conférera une plus grande intelligence, rapidité et capacité de décision. Le résultat est que la Corée du Sud pourrait devenir dans un avenir très proche un acteur de premier plan dans le domaine des systèmes autonomes. 32. Du fait de ses capacités technologiques dans le secteur civil, la République de Corée s’est progressivement hissée parmi les plus grands développeurs de technologies à usage militaire. Au cours des dix dernières années, le gouvernement a réformé l’industrie coréenne de la défense pour en faire un exportateur mondial, à égalité avec les entreprises de la défense des pays de l’OTAN. Séoul ne manque pas d’acheteurs étrangers intéressés par sa technologie militaire conventionnelle, et plusieurs systèmes de défense coréens (comme l’obusier autopropulsé K9 Thunder – de l’entreprise Hanwha – et l’avion de combat léger T-50) ont été choisis par des membres de l’OTAN dont la Norvège, l’Estonie, la Turquie et la Pologne (Yeo, 2020c). 33. Afin d’accroître davantage la compétitivité technologique de la République de Corée dans le secteur militaire, la principale agence d’acquisition sud-coréenne – DAPA (Defense Acquisition Program Administration) – a rapidement augmenté son budget de R&D ces dernières années, consacrant près de 4 milliards de dollars aux projets technologiques militaires en 2021 et planifiant des hausses régulières pour les cinq prochaines années. La DAPA a également œuvré pour faire adopter – avec succès – une nouvelle législation visant à moderniser et rationaliser la recherche 11
023 STC 21 F rév. 1 fin sud-coréenne, de manière à améliorer les échanges de technologies à double usage entre le secteur civil et celui de la défense (Grevatt, 2021). 34. Dans sa volonté de se doter de capacités nationales, Séoul a effectué une démarche très importante, celle d’entreprendre le développement d’avions de chasse par l’intermédiaire de son programme de chasseurs multirôle KF-X. Les avions de chasse étant des plateformes militaires d’une grande complexité nécessitant une expertise dans un certain nombre de domaines de recherche, la mise en place d’une industrie nationale d’aviation militaire favorise une importante innovation et croissance technologique. Les KF-X comporteront probablement 65 % de composants produits en Corée du Sud et, selon les scientifiques coréens, serviront de tremplin à d’autres avancées, en particulier dans les capacités ISR (Kim, 2021 ; Newdick, 2020). C. SINGAPOUR 35. Singapour n’est actuellement pas partenaire de l’OTAN et n’a pas non plus de lien officiel de coopération bilatérale avec elle. Pour autant, ses dirigeants entretiennent des contacts informels fréquents avec les responsables de l’Organisation et collaborent étroitement avec l’Alliance et les Alliés sur des questions comme la lutte contre la piraterie, la sécurité maritime et les opérations antidrogues en Afghanistan (OTAN, 2017). La commission des sciences et des technologies de l’AP-OTAN a par ailleurs effectué en 2019 une visite officielle à Singapour, où les délégués ont eu des échanges d’idées très fructueux avec les responsables locaux. Les parlementaires avaient été impressionnés par les ambitions scientifiques et technologiques de cet État ainsi que par ses réalisations au sens large, et les deux parties avaient émis l’espoir d’une coopération future (Assemblée parlementaire de l’OTAN, 2019). 12
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