COMMISSION DES SCIENCES ET DES TECHNOLOGIES (STC) RENFORCER LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L'OTAN AVEC LES PARTENAIRES ASIATIQUES ...

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COMMISSION DES SCIENCES ET DES TECHNOLOGIES (STC) RENFORCER LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L'OTAN AVEC LES PARTENAIRES ASIATIQUES ...
COMMISSION DES
SCIENCES ET DES
TECHNOLOGIES (STC)

RENFORCER LA
COOPÉRATION
SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE DE
L’OTAN AVEC LES
PARTENAIRES ASIATIQUES

Rapport général

Nusrat GHANI (Royaume-Uni)
Rapporteure générale

023 STC 21 F rév. 1 fin | Original : anglais | 10 octobre 2021
COMMISSION DES SCIENCES ET DES TECHNOLOGIES (STC) RENFORCER LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L'OTAN AVEC LES PARTENAIRES ASIATIQUES ...
TABLE DES MATIÈRES

       SYNTHÈSE

I.     INTRODUCTION ................................................................................................................... 1

II.    LA SÉCURITÉ DANS UN CONTEXTE TECHNOLOGIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION ......... 2

III.   LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES EN ASIE ............................................................ 6
       A.      LE JAPON .................................................................................................................... 6
       B.      LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE .................................................................................... 10
       C.      SINGAPOUR .............................................................................................................. 12

IV.    LA COOPÉRATION SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE L’OTAN AVEC LES PAYS
       PARTENAIRES ................................................................................................................... 14
       A.      LE PARTENARIAT DE L’OTAN AVEC LE JAPON ..................................................... 16
       B.      LE PARTENARIAT DE L’OTAN AVEC LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE ....................... 17

V.     CONCLUSIONS .................................................................................................................. 18
SYNTHÈSE

L’OTAN n’a cessé d’encourager sa coopération avec les pays situés en dehors du périmètre
géographique de l’Alliance. Elle noue, grâce à une série de programmes et d’initiatives, des
collaborations bilatérales et multilatérales avec des pays qui partagent les mêmes valeurs et
intérêts que l’Alliance. La coopération scientifique et technologique fait partie intégrante de cet
engagement. Consciente des changements de l’environnement sécuritaire dans la région Asie-
Pacifique – dus à la fois à la montée en puissance de la Chine et au rôle stratégique croissant des
technologies émergentes et de rupture (TE/TR)–, l’Alliance s’emploie activement à resserrer ses
liens avec ses partenaires de la région.

Bien que la coopération scientifique et technologique (S&T) soit de manière générale un volet
important des partenariats noués par l’OTAN, le présent rapport conclut que la dimension S&T de
la collaboration avec ses partenaires asiatiques, est une facette insuffisamment explorée de cette
relation pourtant mutuellement bénéfique. Le Japon et la République de Corée représentent des
leaders mondiaux dans plusieurs secteurs technologiques notables et, plus globalement, s’érigent
en grandes puissances dans le domaine des sciences et des technologies.

Le présent rapport expose les avantages comparatifs que possèdent les partenaires de l’OTAN
dans le domaine des technologies à double usage ainsi que différentes possibilités d’amélioration
de la coopération. La rapporteure est consciente que l’approfondissement et l’élargissement de la
coopération dans le domaine scientifique et technologique dépendront du degré d’utilisation, par
les pays partenaires, du vaste réseau de connaissances scientifiques et technologiques de
l’OTAN.

Elle salue par conséquent la décision récente du Comité OTAN pour la science et la technologie
(STB) d’octroyer au Japon le statut de partenaire du programme « nouvelles opportunités » (EOP)
et suggère que le STB envisage de convier d’autres pays à devenir partenaire EOP s’ils le
souhaitent.
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I.   INTRODUCTION

1.    « Notre objectif pour 2030 doit être de collaborer encore plus étroitement avec des
pays partageant les mêmes valeurs que nous, tels que l’Australie, la Corée du Sud, le Japon
et la Nouvelle-Zélande. Pour défendre les règles et les institutions internationales qui nous
ont permis de préserver notre sécurité pendant des décennies. Pour fixer des normes. Sur
l’espace et le cyberespace. Sur les nouvelles technologies et la maîtrise des armements au
niveau mondial. Enfin, pour œuvrer en faveur d’un monde où règnent la liberté et la
démocratie. » (Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, « NATO 2030 », 8 juin 2020).
« Nous renforçons le dialogue politique et la coopération pratique avec nos partenaires de
longue date dans la région Asie-Pacifique, à savoir l’Australie, le Japon, la Nouvelle-
Zélande et la République de Corée, en vue de promouvoir la sécurité coopérative et de
soutenir l’ordre international fondé sur des règles. » (Communiqué du sommet de l’OTAN à
Bruxelles, 14 juin 2021)

2.    Depuis le début du XXIe siècle, la région Asie-Pacifique est apparue comme le centre de
gravité stratégique du système international. En plus d’être le moteur de l’économie mondiale
depuis un certain temps, les pays de cette région sont naturellement, grâce à leurs exploits
économiques, à la tête d’une nouvelle évolution stratégique : l’émergence de la région en tant que
pôle mondial de l’innovation scientifique et technologique. Ainsi, la Chine, le Japon et la
République de Corée jouent de plus en plus un rôle de premier plan dans le développement de
TE/TR, dont un grand nombre sont à double usage et devraient révolutionner le secteur militaire.

3.     Dans le cadre de son développement économique et technologique, la région Asie-Pacifique
devient également petit à petit un sujet de préoccupation pour l’Alliance en matière de sécurité.
Toutes les inquiétudes sont en fait centrées sur l’ascension de la Chine. Fort de sa puissance
économique et technologique croissante, le pays a considérablement accru ses capacités
militaires en l’espace de dix ans, de même que sa volonté de les utiliser dans le cadre d’une
politique étrangère agressive. En plus de bouleverser l’ordre international fondé sur des règles,
Pékin bouscule aujourd’hui l’équilibre sécuritaire en Asie – en particulier dans les mers de Chine
méridionale et orientale. Tandis que les Alliés entretiennent des liens économiques importants
avec l’Empire du milieu, l’Alliance s’inquiète de ses ambitions régionales et internationales. Dans le
même temps, la posture offensive de la Corée du Nord à l’égard de la République de Corée et du
Japon, ainsi que la poursuite incessante de son programme illégal d’armes nucléaires, constituent
d’autres preuves de l’importance stratégique de la région Asie-Pacifique pour l’OTAN.

4.   Face à ces défis, l’OTAN a cherché à resserrer ses liens avec ses partenaires de la région,
en particulier le Japon et la République de Corée. Ces deux pays sont de véritables leaders
mondiaux dans le domaine technologique, chacun détenant un avantage comparatif dans le
développement de TE/TR. L’Alliance s’est empressée de les convier à toutes sortes de
programmes bilatéraux et multilatéraux qui, tous, permettent des échanges structurés de
connaissances, de compétences et de normes relatives à la défense.

5.    Ce bref de rapport donne donc un aperçu de la coopération scientifique et technologique
mise en œuvre par l’OTAN avec ses partenaires asiatiques que sont le Japon et la République de
Corée. Il met en évidence les avantages mutuels d’une telle coopération, recense les atouts
scientifiques et technologiques des uns et des autres dans le domaine de la défense qui sont
susceptibles de renforcer davantage cette coopération, et conclut que toutes les parties devraient
s’engager dans cette coopération pour tirer parti de ses bienfaits potentiels.

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II.   LA SÉCURITÉ DANS UN CONTEXTE TECHNOLOGIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION

6.   Tout au long de l’histoire, les forces armées dotées des technologies les plus avancées (et
d’une connaissance profonde de leur utilisation dans les opérations militaires) ont généralement
été victorieuses sur le champ de bataille. En revanche, celles qui enregistraient un retard
technologique ont souvent été mises en échec. À titre d’exemple, lors de la seconde guerre
mondiale, les innovations britanniques dans la technologie des radars – entre autres innovations
des Alliés – ont joué un rôle décisif dans la victoire des Alliés (Harford, 2017).

7.    Depuis plus de 70 ans, l’OTAN s’appuie sur la supériorité technologique de ses États
membres pour dissuader ses adversaires et assurer sa défense. Pendant la guerre froide, c’est
d’abord en s’appuyant sur sa supériorité en matière d’armes nucléaires que l’OTAN a exercé une
dissuasion face aux pays du Pacte de Varsovie. Lorsque ces derniers se sont dotés de l’arme
nucléaire dans les années 1970, les Alliés ont riposté en mettant au point des technologies
avancées dans le domaine des armes conventionnelles – telles que la technologie furtive, les
munitions à guidage de précision et la mise en orbite de capacités ISR – afin d’accroître leur
défense et leur capacité de dissuasion (Breedlove and Kosal, 2019).

8.     Au XXIe siècle, les nouvelles technologies émergentes et de rupture auront d’importantes
implications pour ce qui concerne l’avance technologique de l’OTAN et, plus généralement, la
sécurité des membres de l’Alliance. Afin de suivre les progrès technologiques rapides d’aujourd’hui
et de s’assurer que tous les pays membres bénéficient des technologies les plus avancées, les
activités de l’Organisation en matière d’innovation se concentrent actuellement sur sept grands
domaines, recensés comme prioritaires dans la stratégie de l’OTAN pour une mise en œuvre
cohérente des TE/TR, à savoir : intelligence artificielle (IA) ; données et informatique ; systèmes
autonomes ; technologies quantiques ; biotechnologie et amélioration des capacités humaines ;
technologies hypersoniques et espace. L’Organisation OTAN pour la science et la technologie
(STO) a produit l’an dernier un rapport de première importance sur l’impact probable de ces
technologies ainsi que des nouveaux matériaux. Les technologies comme les mégadonnées et
l’analytique avancée (BDAA), l’intelligence artificielle (IA), les systèmes autonomes, les armes
hypersoniques et la technologie spatiale sont par nature des technologies de rupture dans le sens
où elles devraient avoir un impact de grande ampleur dans les dix prochaines années, voire plus
tôt (de fait, les armes hypersoniques, l’IA et même les systèmes autonomes sont déjà utilisés par
certaines forces armées). D’autre part, l’informatique quantique, la biotechnologie, la fabrication
additive (ou impression en 3D) et les nouveaux matériaux sont encore au stade de l’émergence,
ce qui signifie que l’on ne sait pas encore quel sera leur impact. Ces technologies sont toutes
étroitement liées et interconnectées. Utilisées conjointement, elles pourraient produire des
interactions et des interdépendances complexes qui auront une influence sur les capacités
militaires futures et, par association, sur l’avance technologique de l’OTAN (STO, 2020). En
février 2021, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN ont entériné la stratégie pour une
mise en œuvre cohérente des technologies émergentes et des technologies de rupture, qui
guidera l’adoption et l’adaptation de ces technologies par l’OTAN. L’objectif de cette stratégie est
d’encourager le développement des technologies à double usage et l’échange de bonnes
pratiques pour se protéger contre les menaces (OTAN, 2021c).

                         TECHNOLOGIES ÉMERGENTES ET DE RUPTURE

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                     Les mégadonnées désignent des données représentant d’importants défis en
Mégadonnées          termes de volume, de vitesse, de diversité, de véracité et de visualisation.
et analytique        L’analytique avancée (des données) fait référence à des méthodes d’analyse
  avancée            élaborées permettant de rendre intelligibles et de visualiser de grandes quantités
   (BDAA)            d’informations. Cela inclut l’intelligence artificielle, l’optimisation, la modélisation et
                     la simulation, l’ingénierie des facteurs humains et la recherche opérationnelle.
                     L’intelligence artificielle (IA) désigne la faculté des machines à effectuer des
                     tâches qui nécessitent normalement l’intelligence humaine (par exemple :
                     reconnaître des motifs, apprendre de l’expérience, tirer des conclusions, faire des
  Intelligence
                     prédictions ou entreprendre des actions), que ce soit par voie numérique ou avec
 artificielle (IA)
                     un logiciel intelligent installé sur des systèmes physiques autonomes.

                     L’intelligence artificielle en Russie, au Japon et en République de Corée.
                     Les systèmes autonomes sont capables de réagir dans des situations imprévues
                     en s’inspirant de différents modèles d’action et en opérant parmi eux une
                     sélection de manière à atteindre des objectifs en s’appuyant sur des
   Systèmes          connaissances ainsi que sur une compréhension contextuelle du monde, d’eux-
  autonomes          mêmes et de la situation. Le rapport 2020 de la STCTTS présente des utilisations
                     possibles des systèmes autonomes dans les combats futurs en milieu urbain.

                     Les systèmes autonomes au Japon et en République de Corée.
                     Les systèmes d’armes hypersoniques - avancés - (missiles, véhicules, etc.)
                     fonctionnent à des vitesses supérieures à Mach 5 (6 125 km/h). À cette vitesse, la
                     dissociation de l’air est importante et l’augmentation de la charge thermique est
  Systèmes           très dangereuse pour les véhicules. Ce type de système d’arme inclut les missiles
   d’armes           à lanceur aérien, les corps de rentrée manœuvrables, les torpilles à lanceur
hypersoniques        terrestre et les avions d’attaque furtifs. Voir aussi le rapport général 2020 de la
                     STC sur les armes hypersoniques.

                     Les systèmes d’armes hypersoniques en Russie et au Japon.
                     Les technologies spatiales utilisent ou se disputent l’environnement opérationnel
                     unique qu’est l’espace (qui commence à 90-100 km au-dessus du niveau de la
                     mer), dont les caractéristiques sont les suivantes : liberté d’action, champ de
 Technologies        vision global, vitesse, liberté d’accès, conditions proches du vide, microgravité,
   spatiales         isolement et conditions extrêmes (températures, vibrations, sons et pression).
                     Voir aussi le rapport spécial 2021 de la STC sur l'espace et la sécurité.

                     Les technologies spatiales au Japon.
                     Les technologies quantiques de nouvelle génération s’appuient sur la physique
                     quantique et les phénomènes qui y sont associés aux niveaux de l’atome et en
 Technologies        deçà. Ces phénomènes favorisent d’importantes avancées technologiques,
  quantiques         principalement dans les domaines suivants : cryptographie, calcul, navigation de
                     précision et référence temporelle, détection et imagerie, communications et
                     matériaux.
                     Les biotechnologies utilisent des organismes, tissus, cellules ou composants
                     moléculaires provenant d’êtres vivants. Le but est d’agir sur des êtres vivants ou
                     d’intervenir sur le fonctionnement des cellules ou de leurs composants
Biotechnologies
                     moléculaires, y compris leur matériel génétique. Le rapport 2021 de la STCTTS
                     sur les menaces biologiques éclaire sur certaines des promesses et des menaces
                     des biotechnologies.
                     Les (nouveaux) matériaux avancés sont des matériaux artificiels dotés de
                     propriétés uniques et novatrices. Ils peuvent être fabriqués en utilisant des
  Nouveaux           techniques issues de la nanotechnologie ou de la biologie de synthèse. Cela peut
 matériaux et        inclure : des revêtements présentant une très grande résistance à la chaleur, des
  fabrication        protections corporelles ou matérielles à toute épreuve, des revêtements assurant
    additive         l’indétectabilité, des systèmes de récupération et de stockage de l’énergie, la
                     super conductivité, des capteurs et une décontamination avancés, ainsi que la
                     production en gros de nourriture, de carburant et de matériaux de construction.

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                         Les nouveaux matériaux au Japon.

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                         consistant à créer un objet concret, presque arbitraire, en 3D à partir d’un modèle
                         numérique, grâce à la succession de couches de matériaux. La fabrication
                         additive peut être utilisée pour : effectuer des prototypes rapides, produire et
                         réparer des équipements militaires ayant été déployés sur site, fabriquer des
                         pièces uniques, personnalisées ou de précision.

                         La fabrication additive en République de Corée.

                      (Source : Organisation OTAN pour la science et la technologie, 2020)

9.     Les importantes initiatives technologiques conjointes de l’Alliance arrivent à un moment
opportun. En effet, l’avance technologique de l’OTAN est aujourd’hui menacée, principalement à
cause des bouleversements actuels que connaît l’environnement technologique mondial ainsi que
de la nature changeante de la conception et de la diffusion des technologies. Pendant la guerre
froide, la recherche et développement (R&D) avancée du secteur militaire était financée en grande
partie par le secteur public. Des organisations comme la DARPA (Defense Advanced Research
Project Agency) ont dirigé la conception de technologies militaires ayant permis à l’OTAN de jouir
d’un avantage sur le champ de bataille. Par ailleurs, le développement et la diffusion de ces
technologies militaires de pointe pouvaient être étroitement contrôlés par des réglementations
gouvernementales et des réseaux d’information protégés. Certaines d’entre elles ont été
amplement utilisées dans des applications civiles. Dites « à double usage », ces technologies
incluent notamment le réseau précurseur d’Internet, le GPS et le caoutchouc synthétique (Frohlich
et al., 2019). Cela dit, depuis la fin de la guerre froide, le rapport s’est inversé. À l’heure actuelle,
les projets menés par le secteur privé surpassent ceux financés par le secteur public, et les
technologies civiles sont de plus en plus adaptées en vue de leur utilisation dans le domaine
militaire. Les entreprises privées ont aujourd’hui un budget de R&D supérieur à celui des États et
leur intégration de nouvelles technologies dans des produits grand public a lieu plus rapidement. Il
en résulte que les technologies émergentes et de rupture connaissent de nos jours des délais de
mise au point plus réduits et une diffusion plus large qu’auparavant sur les marchés civils.

10. Ce contexte technologique en pleine mutation bénéficie aux États moins avancés et moins
développés économiquement ainsi qu’aux acteurs non étatiques car il leur permet d’accéder à des
capacités auparavant inaccessibles (DARPA, 2019). La Corée du Nord a utilisé par exemple des
cybercapacités de pointe pour mener des opérations offensives telles que le vol de fonds à
l’échelle internationale ou la recherche de solutions pour compenser ses lacunes en termes de
capacités militaires conventionnelles – autant de capacités qui n’étaient autrefois disponibles
qu’aux États les plus avancés (DuBois, 2020). Un autre exemple est la révolution en cours
concernant l’utilisation de la technologie des drones – une capacité qui, elle aussi, n’était autrefois
disponible que par les grandes puissances mondiales – par des États et des acteurs non
étatiques : cela a été le cas de Daech en Iraq et en Syrie pour des missions de renseignement,
surveillance et reconnaissance (ISR), ou de l’Iran pour mener une opération cinétique contre des
installations pétrolières saoudiennes (Soufan Center, 2018).

11. Un autre aspect encore plus important est que ce nouveau contexte avantage les principaux
rivaux stratégiques de l’OTAN, à savoir la Russie et la Chine. Au fur et à mesure que de nouvelles
technologies font leur apparition, ces deux pays saisissent la moindre occasion pour dépasser
l’avance technologique de l’OTAN et rendre les atouts actuels de l’Alliance obsolètes. L’un et
l’autre élaborent des stratégies nationales pour exploiter leurs systèmes d’innovation et tirer parti
de leurs investissements dans les sciences et les technologies. Ils ont même, ces dernières
années, intensifié leur coopération dans ces domaines, par exemple en instaurant des dialogues et

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échanges bilatéraux, en mettant en place des « parcs » industriels axés sur les sciences et les
technologies et des pôles d’innovation, ainsi qu’en élargissant la collaboration entre leurs
communautés universitaires respectives (Bendett and Kania, 2019).

12. La Chine a entrepris d’accélérer le développement des TE/TR qu’il juge essentielles et a,
pour ce faire, élaboré une stratégie nationale de fusion civilo-militaire (MCF). Cette stratégie
consiste à supprimer les frontières entre les secteurs technologiques civils et militaires, en rendant
les innovations et les ressources du secteur privé chinois accessibles aux instances nationales de
défense qui en auraient besoin. Sa mise en place passe par un ensemble de cadres juridiques,
mécanismes de financement et partenariats public-privé. La Chine espère, grâce à cette fusion
civilo-militaire, devenir une superpuissance non seulement dans le domaine économique, mais
aussi militaire. Elle s’intéresse en particulier à l’IA, qu’elle considère comme primordiale pour
constituer une « armée de haut niveau d’ici à 2049 ». Ses autres centres d’intérêt sont notamment
la 5G, l’informatique quantique, les systèmes autonomes, la robotique, les systèmes
hypersoniques et la biotechnologie.

13. De son côté, la Russie n’a pas les moyens financiers requis pour égaler les investissements
des Alliés et de la Chine dans le domaine de la R&D. Elle imagine donc des usages asymétriques
des TE/TR. Les experts pensent par exemple que la Russie met actuellement en œuvre une
stratégie nationale dans le domaine de l’IA, dans l’espoir de devenir d’ici à 2030, si ce n’est un
spécialiste, du moins un acteur de premier plan en la matière, en particulier dans des applications
militaires de niche comme les systèmes d’armes autonomes et la cyberguerre offensive (Markotkin
et Chernenko, 2020). Outre l’IA, la Russie se classerait au premier rang mondial pour le
développement et le déploiement de systèmes d’armes hypersoniques. Elle est le premier pays
ayant déployé un planeur hypersonique – l’Avangard – et elle développe actuellement plusieurs
autres systèmes de ce type qui pourraient être mis en service au cours de la décennie à venir
(Davis, 2020).

14. Face à ce contexte technologique en pleine évolution, l’OTAN prend elle-même des mesures
pour améliorer ses capacités scientifiques et technologiques. Les Alliés ont renforcé leurs
dispositifs internes d’innovation, tandis que l’Organisation exploite les efforts menés conjointement
par les pays membres et partenaires dans le domaine des sciences et des technologies (Alleslev,
2020). La pièce maîtresse de la coopération scientifique et technologique de l’OTAN est
l’Organisation OTAN pour la science et la technologie (STO) et son réseau collaboratif. Ce dernier,
géré activement par le Bureau de soutien à la collaboration (CSO) de la STO, réunit plus de
6 000 scientifiques et leurs organisations respectives et travaille sur des domaines scientifiques et
technologiques (notamment les TE/TR) utiles à la sécurité et la défense de l’OTAN et de ses pays
membres. La force de ce réseau réside dans son approche pluridisciplinaire, regroupant des
scientifiques du secteur public, du secteur privé et du monde universitaire pour travailler sur des
projets ayant trait à la sécurité dans le cadre du programme de recherche collaborative de la STO.
Ce réseau ne se contente pas de développer de nouvelles technologies mais recense également
celles qui seront essentielles pour répondre aux besoins futurs de l’OTAN en matière de sécurité,
afin que ses commandants – et ceux des pays membres – puissent les intégrer dans le
fonctionnement de leurs forces (OTAN, 2020a). Les autres entités compétentes de l’OTAN sont
notamment les suivantes : la division Investissement de défense (notamment en ce qui concerne
le commandement, le contrôle et les communications), l’agence OTAN d’information et de
communication (NCIA), la division Défis de sécurité émergents, l’État-major militaire international –
dont le Commandement allié Transformation (ACT) –, les centres d’excellence – dont le Centre
d'excellence pour la cyberdéfense en coopération (CCD COE) – et les « jeunes pousses » OTAN
qui sont comme une émanation du secteur privé au sein de la structure de l’Alliance (Brasseur et
al., 2020).

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III.   LES SCIENCES ET LES TECHNOLOGIES EN ASIE

15. Consciente de l’évolution de cet environnement stratégique et de la menace croissante que
représente la militarisation de la Chine, l’OTAN renforce actuellement ses liens avec ses
partenaires de la région Asie-Pacifique. Le Japon et la République de Corée sont des leaders
mondiaux dans plusieurs TE/TR – entre autres – et sont largement reconnus comme de grandes
puissances dans le domaine des sciences et des technologies. Cette section présente donc les
avantages comparatifs de ces partenaires en répertoriant les principales technologies à double
usage qui sont en cours de développement dans les deux pays et en mettant en lumière les
domaines technologiques explicitement militaires qu’ils maîtrisent parfaitement. De surcroît, la
section s’intéresse à Singapour ; bien que n’étant pas partenaire de l’OTAN, cet État est un leader
mondial en matière d’innovation, il entretient d’excellentes relations avec l’Alliance et a accueilli
ces dernières années des visites officielles de l’AP-OTAN et d’organes OTAN.

       A.   LE JAPON

16. Le Japon jouit de la réputation bien                      LE JAPON EN BREF
établie d’être un pays technologiquement
avancé. Cet État insulaire possède des      Classement de l’Organisation mondiale de la
capacités technologiques et d’innovation    propriété intellectuelle (OMPI) en 2021 : 16ème rang
de haut niveau et obtient d’excellents      Classement de la Fédération internationale de
résultats dans les principaux indicateurs   robotique en 2021 : 3ème rang (364 robots pour
de l’innovation tels que les dépenses       10 000 travailleurs)
totales de R&D, les dépôts de brevets et    Indice Bloomberg sur l’innovation en 2021 :
le nombre de chercheurs par habitant.       12ème rang
Le Japon est donc soit un leader, soit un   Dépenses totales de R-D (d’après l’OCDE) en 2019 :
acteur en devenir dans un grand nombre      172,6 milliards de dollars
des TE/TR recensées par la STO              Dépenses de R-D en % du PIB (d’après l’OCDE) en
comme essentielles à la sécurité future     2019 : 3,24 %
de l’OTAN. Cela inclut la robotique, les Classement mondial pour les dépenses de R-D en %
systèmes autonomes, les technologies        du PIB (d’après l’OCDE) en 2019 : 5ème rang
spatiales, l’intelligence artificielle, les
systèmes       hypersoniques      et    les
matériaux avancés. Ces technologies
étant généralement à double usage, le Japon a nécessairement progressé dans leur
développement et leur déploiement dans un contexte aussi bien civil que militaire.

17. Tout d’abord, le Japon est le leader mondial incontesté de la robotique. Étant depuis
longtemps à l’avant-garde de la conception dans ce domaine, il est de loin le plus grand fabricant
de robots et enregistre l’une des plus importantes densités mondiales de « robots par travailleur ».
Pour la seule année 2020, ce pays a assuré près de la moitié de la production mondiale de robots
et a exporté plus du tiers des robots vendus au niveau international (IFR, 2021). En fait, les
solutions robotiques sont omniprésentes dans l’industrie et la société japonaises, depuis les usines
ultramodernes jusqu’aux restaurants, et l’image de lignes d’assemblage automatisées produisant
en masse des automobiles est presque un synonyme du Japon lui-même (Rich, 2020).

18. La suprématie du Japon dans le secteur de la robotique lui a naturellement conféré un
avantage dans le domaine des systèmes autonomes. Les entreprises japonaises sont à l’avant-
garde de la recherche et de la mise en œuvre de systèmes autonomes faisant appel aux
technologies existantes, mais elles occupent aussi la première place mondiale pour ce qui est de
l’utilisation expérimentale desdits systèmes – en particulier dans le domaine des transports. Par
exemple, des constructeurs automobiles japonais comme Honda sont à l’initiative du
développement de voitures que l’on appelle « sans chauffeur » et prennent des mesures

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importantes pour faciliter le déploiement de ces véhicules sur les routes du réseau public (Till,
2020). Le Japon étant un État insulaire, ses besoins de transport maritime considérables ont
conduit les entreprises nationales à explorer des solutions autonomes véritablement novatrices
dans ce secteur, dont l’utilisation de soi-disant « robots navires » ainsi que de navires de charge et
de transbordeurs sans pilote. Certains experts japonais estiment qu’en 2040, la moitié des navires
de cabotage du pays pourraient être autonomes (Yoshida, 2020 ; The Economist, 2020).

19. Parallèlement à ses capacités dans les domaines de la robotique et des systèmes
autonomes, le Japon se classe au premier rang mondial pour la conception et l’adoption de
l’intelligence artificielle. Dans un index exhaustif des pays réalisé en 2020 par un groupe d’experts
du secteur, le pays se classait dans le cercle des nations les plus performantes en matière de
capacités globales d’IA, l’index identifie le Japon comme une « étoile montante » disposant
d’avantages comparatifs spécifiques en matière de R&D en IA et de mise en œuvre
d’infrastructures (Tortoise, 2020). Sur ce dernier point en particulier, Tokyo a créé un fonds de
4 milliards de dollars pour promouvoir l’innovation dans le domaine de l’IA dans le secteur privé, ce
qui permet aux entreprises japonaises de mettre en place en interne des solutions plus
expérimentales que ce n’est le cas dans d’autres économies nationales (Tsuji, 2018). De même,
les organismes publics japonais sont parmi les plus avancés au monde en ce qui concerne la mise
en place de programmes d’IA à destination de la population (Oxford Insights, 2021).

20. Le Japon est également apparu comme un leader dans le domaine des technologies
spatiales. Il a, pour l’année en cours, budgété une enveloppe record de 4,14 milliards de dollars
pour les activités liées à l’espace (ce qui représente l’un des plus gros budgets au monde),
destinées à la fois à un usage civil et militaire (Si-Soo, 2021). L’agence spatiale japonaise JAXA
(Japanese Aerospace Exploration Agency) est le partenaire de choix de la NASA pour son
programme Artemis – dont le but est d’envoyer dans un avenir proche un aéronef habité sur la
Lune. De plus, des entreprises japonaises comme Toyota et Mitsubishi devraient jouer un rôle
important en fournissant du matériel et un soutien pour les missions conjointes de la NASA et la
JAXA (Patel, 2020). Le Japon est en outre l’un des rares pays à posséder son propre système de
navigation par satellite mis en orbite et il a récemment étendu son système de satellites QZSS
(Quasi-Zenith Satellite System), qui complète pour l’essentiel le système GPS des États-Unis. Le
point peut-être le plus impressionnant est que le pays a été la première puissance spatiale à faire
atterrir avec succès un engin spatial sur un astéroïde – dont un échantillon a été prélevé à la
surface et ramené sur Terre, ce qui constitue un grand pas en avant pour l’exploitation minière
spatiale (Ryan, 2021).

21. Enfin, il est important de souligner les capacités du Japon en matière de recherche sur les
nouveaux matériaux. De par sa situation géographique et son histoire géologique, le pays a accès
à des matières premières et des matériaux composites de première importance, qu’il transforme
pour les utiliser dans plusieurs secteurs technologiques. Ces matériaux lui confèrent
indéniablement une avance pour développer des technologies civiles et militaires de premier plan.
Le Japon est par exemple un acteur éminent dans la production de lingots de silicium, une matière
première essentielle pour la fabrication mondiale de semi-conducteurs. En effet, deux entreprises
japonaises – Shin-Etsu et Sumco – représentent plus de 60 % de la production mondiale de
plaquettes de silicium (Platzer et al., 2020). Les nouveaux matériaux sont également
indispensables pour la conception de capacités militaires avancées dont les engins furtifs et les
armes hypersoniques.

22. Fort de ces avantages évidents dans le domaine des TE/TR, le Japon développe tout
naturellement en parallèle ses capacités technologiques dans le secteur de la défense. Afin de
promouvoir le développement et l’intégration de technologies de pointe au sein des forces armées
nationales, le ministère japonais de la Défense a créé en octobre 2015 l’Agence pour l’acquisition,
la technologie et la logistique (ATLA). Dotée d’un budget de 2,1 milliards de dollars en 2021 –

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contre quelque 1.6 milliard en 2020 –, l’ATLA est très active dans la conception et
l’expérimentation de nouvelles plateformes militaires. Elle travaille en outre en partenariat avec le
ministère japonais de la Défense pour développer des capacités militaires innovantes utilisant les
TE/TR précitées en association les unes avec les autres, en s’attachant d’abord à repérer les
technologies essentielles puis à les combiner pour créer de nouveaux et puissants systèmes.

23. Dans le cadre de la politique en matière de R&D – baptisée « R&D Vision » – mise en œuvre
en 2019, le ministère japonais de la Défense et l’ATLA ont mis l’accent sur la conception de
systèmes totalement autonomes en s’appuyant sur les compétences technologiques du pays dans
les domaines de la robotique, l’IA et les technologies spatiales. Les chercheurs japonais espèrent
concevoir des véhicules aériens (UAV) et des véhicules sous-marins sans pilote (UUV) qui
pourront un jour prochain être les piliers de la sécurité aérienne et maritime du pays. De plus,
compte tenu des énormes quantités de données (notamment sur leur environnement) dont ont
besoin les systèmes autonomes pour fonctionner efficacement, des innovations auront sans doute
lieu également dans les domaines des systèmes de navigation par satellite et autres capacités ISR
en orbite (Ministère japonais de la Défense, 2019).

24. Parallèlement, le Japon développe actuellement son propre avion de combat furtif de
sixième génération, à la pointe de la technologie (F-X, souvent appelé F-3). Le projet est dirigé par
Mitsubishi Heavy Industries – coordinateur principal du développement –, qui travaille en
collaboration avec des partenaires japonais et étrangers. À l’instar des autres avions de ce type
qui sont en cours de développement (comme le système de combat aérien du futur (SCAF)
résultant de la collaboration entre l’Allemagne, l’Espagne et la France), le F-X sera sans doute
équipé de drones Wingman autonomes qui formeront un essaim autour de l’aéronef (Yeo, 2021).
Le F-X est en fait considéré comme une « plateforme d’essai technologique » qui encourage les
innovations dans des technologies aériennes de premier plan comme les radars, les moteurs et les
matériaux avancés tels que les nouveaux composites et les revêtements absorbant les ondes
radar (Yeo, 2018 ; Yeo, 2020a ; Uesaka, 2016).

25. D’un autre côté, l’ATLA cherche à se doter d’une capacité d’arme hypersonique, les
scientifiques japonais ayant le projet de mettre à l’essai et de déployer dans les dix ans à venir à la
fois un missile de croisière et un planeur hypersoniques. La recherche dans ce domaine permettra
au Japon de progresser simultanément dans les matériaux avancés résistants à la chaleur – une
nécessité compte tenu des frottements énormes qui se produisent autour de la structure d’un
missile lors d’un vol hypersonique – et dans les technologies de navigation spatiale, qui seront
essentielles pour guider les missiles hypersoniques lorsqu’ils se déplacent à des vitesses
supérieures à celles des capacités de navigation satellisées traditionnelles. À l’instar du F-X donc,
la recherche sur les systèmes hypersoniques fera probablement avancer tout un ensemble de
technologies connexes qui vont bien au-delà des systèmes hypersoniques (Yeo, 2020b).

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(Source : Institut de statistique de l’UNESCO, 2021)

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     B.    LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

26. Au cours des cinq dernières
décennies, la République de Corée a             LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE EN BREF
réalisé des progrès technologiques
remarquables. Sous la houlette de         Classement de l’Organisation mondiale de la propriété
grands groupes d’entreprises appelés      intellectuelle (OMPI) en 2021 : 10ème rang
« chaebols », le pays s’est hissé au      Classement de la Fédération internationale de
premier rang mondial de plusieurs         robotique :       2ème rang      (868 robots       pour
technologies à double usage qui           10 000 travailleurs)
définissent le paysage scientifique et    Indice Bloomberg sur l’innovation : 1er rang en 2021
technologique d’aujourd’hui. En fait,     Dépenses totales de R-D (d’après l’OCDE) :
des chaebols comme Samsung, LG et         100 milliards de dollars
Hyundai sont des leaders dans le          Dépenses de R-D en % du PIB (d’après l’OCDE) en
développement de TE/TR ainsi que de       2019 : 4,64 %
technologies connexes sur lesquelles      Classement mondial pour les dépenses de R-D en %
elles s’appuient, notamment les semi-     du PIB (d’après l’OCDE) : 2ème rang
conducteurs et les technologies de
l’information et de la communication
(TIC) de pointe comme la 5G.

27. Le développement technologique étant depuis longtemps l’une des priorités des autorités
sud-coréennes, la République de Corée est devenue l’un des pays du monde où la recherche est
la plus poussée. Le pays occupe la deuxième place derrière Israël pour ses dépenses de R&D en
% du PIB et enregistre la plus forte densité mondiale de chercheurs par habitant (OCDE, 2019).
Le gouvernement a par ailleurs annoncé récemment qu’il allait encore accroître lesdites dépenses
pour l’exercice 2022, principalement pour développer les principales TE/TR comme l’IA et
l’informatique quantique (Yonhap, 2021a). Outre leurs capacités en matière de R&D, les
entreprises coréennes sont réputées pour leurs talents en ce qui concerne la mise en œuvre et la
commercialisation des nouvelles technologies. En 2021, Séoul est arrivée en tête de l’Indice
Bloomberg sur l’innovation, un système de classement exhaustif qui prend en compte à la fois la
R&D et la capacité des entreprises et des administrations à mettre en œuvre les innovations à
grande échelle. C’est la septième fois en neuf ans que la Corée se classe au premier rang,
dépassant plusieurs pays dont les budgets en valeur absolue sont beaucoup plus élevés (Jamrisko
et al., 2021).

28. La République de Corée et Taïwan sont des leaders dans la conception de qualité et la
production massive de semi-conducteurs. Également appelés « puces », les semi-conducteurs
sont indispensables dans la composition de tous les produits électroniques de pointe, et
constituent la base des technologies comme l’IA, les mégadonnées, la robotique et les systèmes
autonomes. La structure du secteur des semi-conducteurs est en outre très morcelée, les étapes
de conception et de fabrication étant segmentées et dispersées géographiquement au sein d’une
chaîne d’approvisionnement mondiale très complexe. Du fait du nombre réduit de centres de
production de haut niveau, la fabrication de semi-conducteurs est généralement considérée
comme le principal « goulet d’étranglement » technologique de l’économie mondiale (FP Analytics,
2021).

29. Alors que la plupart des pays se spécialisent dans un seul segment de la chaîne
d’approvisionnement des semi-conducteurs, Séoul est l’un des rares à posséder des compétences
exceptionnelles dans plusieurs segments. Si des chaebols comme Samsung et SK Hynix excellent
dans la conception de micro-processeurs – avec une part de marché de presque 50 %, ces
sociétés, tout comme d’autres entreprises sud-coréennes, sont à l’avant-poste dans le domaine
de la fabrication de semi-conducteurs (Deloitte Insights, 2020). Hormis sa concurrente taïwanaise

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TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company), l’entreprise sud-coréenne Samsung est
la seule au monde capable de fabriquer les puces les plus élaborées, mesurant moins de
10 nanomètres (Lee and Kleinhans, 2020). Ces micro-puces, plus performantes et consommant
peu d’énergie par rapport à leur puissance de traitement, sont considérées comme essentielles
pour des technologies comme l’IA et les mégadonnées. Outre les chaebols, la République de
Corée compte plus de 20 000 PME travaillant dans le secteur des puces et représente l’industrie la
plus avancée et la plus complète au monde dans ce domaine (Deloitte Insights, 2020). Conscient
de cet avantage comparatif, Séoul a consacré 450 milliards de dollars pour permettre à la Corée
de conserver son statut de « grande puissance » dans le secteur des semi-conducteurs pendant
les dix prochaines années (Yonhap, 2021a).

30. L’avance dont jouit la Corée dans la fabrication des semi-conducteurs lui confère
naturellement un avantage comparatif dans l’intelligence artificielle. L’IA a besoin de grandes
quantités de données pour être efficace ; le stockage et le traitement de ces données requièrent
des puces mémoires de haute technologie, c’est-à-dire qui soient conçues spécifiquement pour
stocker de gros volumes de données le plus efficacement possible (Khan and Mann, 2020).
Samsung et sa concurrente/partenaire coréenne SK Hynix sont respectivement les premier et
troisième plus gros fabricants de puces mémoires au monde et détiennent à eux deux la moitié du
marché mondial du secteur (Liao, 2020). Le gouvernement coréen a encouragé leur progression
en lançant une stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, ainsi qu’en recrutant des milliers de
chercheurs coréens afin de mettre au point, au cours de la prochaine décennie, près d’une
cinquantaine de modèles de semi-conducteurs axés sur l’IA ainsi que les programmes y afférents
(Yonhap, 2020).

31. Au-delà des puces et de l’IA, la République de Corée est peut-être surtout connue pour être
l’un des leaders mondiaux dans les domaines des TIC et de la 5G, ce qui lui donne une avance
dans le secteur émergent des systèmes autonomes. En fait, Samsung est déjà le plus grand
fabricant au monde de smartphones – juste derrière le géant chinois des télécommunications
Huawei pour le nombre de dépôts de brevets sur la 5G – et est devenu la première entreprise à
offrir un service 5G au niveau national, 85 villes devant être couvertes d’ici la fin 2021 (White,
2020 ; Kim, 2019 ; Woo-Hyun, 2021). Le développement de la 5G permettra de transmettre de
plus gros volumes de données entre les appareils, tout en offrant une meilleure fiabilité et un
temps d’attente plus faible que par le passé. Grâce à cette technologie, les systèmes autonomes
pourront recevoir des informations et les renvoyer autour d’eux, ce qui leur conférera une plus
grande intelligence, rapidité et capacité de décision. Le résultat est que la Corée du Sud pourrait
devenir dans un avenir très proche un acteur de premier plan dans le domaine des systèmes
autonomes.

32. Du fait de ses capacités technologiques dans le secteur civil, la République de Corée s’est
progressivement hissée parmi les plus grands développeurs de technologies à usage militaire. Au
cours des dix dernières années, le gouvernement a réformé l’industrie coréenne de la défense
pour en faire un exportateur mondial, à égalité avec les entreprises de la défense des pays de
l’OTAN. Séoul ne manque pas d’acheteurs étrangers intéressés par sa technologie militaire
conventionnelle, et plusieurs systèmes de défense coréens (comme l’obusier autopropulsé
K9 Thunder – de l’entreprise Hanwha – et l’avion de combat léger T-50) ont été choisis par des
membres de l’OTAN dont la Norvège, l’Estonie, la Turquie et la Pologne (Yeo, 2020c).

33. Afin d’accroître davantage la compétitivité technologique de la République de Corée dans le
secteur militaire, la principale agence d’acquisition sud-coréenne – DAPA (Defense Acquisition
Program Administration) – a rapidement augmenté son budget de R&D ces dernières années,
consacrant près de 4 milliards de dollars aux projets technologiques militaires en 2021 et planifiant
des hausses régulières pour les cinq prochaines années. La DAPA a également œuvré pour faire
adopter – avec succès – une nouvelle législation visant à moderniser et rationaliser la recherche

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sud-coréenne, de manière à améliorer les échanges de technologies à double usage entre le
secteur civil et celui de la défense (Grevatt, 2021).

34. Dans sa volonté de se doter de capacités nationales, Séoul a effectué une démarche très
importante, celle d’entreprendre le développement d’avions de chasse par l’intermédiaire de son
programme de chasseurs multirôle KF-X. Les avions de chasse étant des plateformes militaires
d’une grande complexité nécessitant une expertise dans un certain nombre de domaines de
recherche, la mise en place d’une industrie nationale d’aviation militaire favorise une importante
innovation et croissance technologique. Les KF-X comporteront probablement 65 % de
composants produits en Corée du Sud et, selon les scientifiques coréens, serviront de tremplin à
d’autres avancées, en particulier dans les capacités ISR (Kim, 2021 ; Newdick, 2020).

     C.    SINGAPOUR

35. Singapour n’est actuellement pas partenaire de l’OTAN et n’a pas non plus de lien officiel de
coopération bilatérale avec elle. Pour autant, ses dirigeants entretiennent des contacts informels
fréquents avec les responsables de l’Organisation et collaborent étroitement avec l’Alliance et les
Alliés sur des questions comme la lutte contre la piraterie, la sécurité maritime et les opérations
antidrogues en Afghanistan (OTAN, 2017). La commission des sciences et des technologies de
l’AP-OTAN a par ailleurs effectué en 2019 une visite officielle à Singapour, où les délégués ont eu
des échanges d’idées très fructueux avec les responsables locaux. Les parlementaires avaient été
impressionnés par les ambitions scientifiques et technologiques de cet État ainsi que par ses
réalisations au sens large, et les deux parties avaient émis l’espoir d’une coopération future
(Assemblée parlementaire de l’OTAN, 2019).

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