Compression du nerf thoracicus longus (Nerf de Charles-Bell) Entrapment and paralysis of the thoracicus longus nerve
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Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/ Article original Compression du nerf thoracicus longus (Nerf de Charles-Bell) Entrapment and paralysis of the thoracicus longus nerve C. Dumontier a,b,*, M. Soubeyran c, T. Lascar d, J. Laulan e a Institut de la main, 6, Square-Jouvenet, 75016 Paris, France b Service d’orthopédie et de chirurgie de la main (Pr Doursounian), hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12, France c Hôpitaux de Paris, France d Hôpital Princesse-Grace, avenue Pasteur, 98000, Monaco, France e Unité de chirurgie de la main, services d’orthopédie 1 et 2, Tours, France Reçu et accepté le 18 octobre 2004 Résumé Issu des racines C5, C6 et très souvent de C7, le nerf thoracicus longus a un trajet profond et tourmenté : il passe successivement en partie à travers les muscles scalènes, chevauche la deuxième côte, puis longe le muscle serratus anterior. L’atteinte paralytique du serratus, bien que rare, a été rapportée régulièrement dans la littérature. Les causes possibles sont multiples et variées, mais un mécanisme de traction sur le nerf thoracicus longus a été très fréquemment rapporté. La compression isolée du nerf thoracicus longus a été plusieurs fois évoquée, mais seuls les travaux anatomiques et chirurgicaux de Laulan et al. ont permis de retrouver une zone de compression dans le thorax, en regard de la 5e côte, au niveau du croisement entre le nerf thoracicus longus et l’artère thoracodorsale. Nous avons revu une très grande partie de la littérature et présentons les résultats des principaux travaux anatomiques, ainsi que notre expérience dans la neurolyse du nerf thoracicus longus. Un rappel des principaux traitements palliatifs a également été fait car beaucoup de patients consultent tardivement, au stade de séquelles. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The thoracicus longus nerve originates from the C5, C6 and most often C7 roots. Its anatomical description is made difficult by the tortuous course of the nerve which passes, in part, through the scalenus muscles, span over the second rib and then finishes its course on the serratus muscle. Serratus muscle paralysis, although rare, has been regularly reported in the literature. Many causes have been postulated, the most frequent beeing a traction injury. Isolated thoracicus longus nerve entrapment has sometimes been postulated but only the anatomical and surgical works of Laulan et al. Have demonstrated a compression injury on the nerve at its crossing with the thoraco-dorsal artery, about the level of the fifth rib. We reviewed a large amount of publications and present the results of the most significant anatomical works, and our experience in the surgical release of the thoracicus longus nerve entrapment. Palliative treatments are also reported as most patients present late with definite sequelae. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Nerf thoracicus longus ; Compression ; Scapula alata ; Anatomie ; Chirurgie ; Traitement palliatif Keywords: Thoracicus longus nerve; Surgery; Entrapment; Anatomy; Scapula alata; Palliative treatment * Auteur correspondant. Adresse e-mail : christian.dumontier@sat.ap-hop-paris.fr (C. Dumontier). 1297-3203/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2004.10.013
S64 C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 1. Introduction Le nerf thoracicus longus est un nerf moteur pur, qui innerve de façon exclusive le muscle serratus anterior. C’est, semble-t-il, peu après la description du nerf thoracicus lon- gus par Sir Charles Bell en 1827, sous le nom de nerf respiratoire externe, que fut décrite, par Velpeau en 1837, l’atteinte paralytique du muscle serratus anterior associée à une luxation acromioclaviculaire [1]. Il s’agit d’une lésion rare. Fiddian, en1984, rapporte un total de 300 cas dans la littérature mondiale [2]. Narakas, sur près de 1000 atteintes du plexus brachial, retrouve 11 atteintes isolées du nerf thoracicus longus [3]. À l’inverse, dans un petit pays comme la Finlande, Vastamaki dit en avoir rencontré 197 cas isolés [4], alors que Seddon aux États-Unis en a vu sept cas dans toute sa carrière [5]. Ces 50 dernières années, de nombreuses publications sont venues rapporter, toujours à propos de quelques cas, voir d’un cas isolé, une nouvelle cause possible de paralysie du serratus anterior. La plupart des lésions nerveuses guérissent spontanément aussi, les publications chirurgicales présentent le plus souvent le résultat de techniques palliatives. Si plu- sieurs publications font état d’une souffrance possible du nerf thoracicus longus le long de son trajet entre sa naissance Fig. 1. Représentation schématique du trajet du nerf thoracicus longus. Le au cou et ses branches de terminaison distales dans le muscle nerf quitte l’espace cervical et se dirige en arrière pour rejoindre la gaine serratus anterior, elles sont, à notre avis, peu concluantes. axillaire. Il quitte cette dernière et descend verticalement sur le m. serratus Nous insisterons dans cet article sur les causes potentielles de anterior, toujours en arrière de la ligne axillaire moyenne. paralysie du serratus anterior et les sites anatomiques possi- ensuite la « gaine axillaire », c’est-à-dire le fascia entourant bles de compression et y décrirons l’expérience de deux le paquet plexique en arrière de la clavicule et pénètre cette d’entre nous de neurolyse du nerf thoracicus longus au ni- « gaine » en regard du sommet de la première côte [7,8]. Pour veau du thorax. Alexandre, il n’existe pas, au niveau cervical, d’éléments anatomiques transversaux susceptibles de favoriser la com- pression nerveuse ; les muscles omohyoïdien et sous-clavier, 2. Rappel des zones anatomiques potentielles les artères scapulaire postérieure, cervicale transverse super- de compression ficielle et mammaire externe croisent le nerf, mais ne sem- blent pas devoir le comprimer [6] (Fig. 1). Le nerf thoracicus longus naît des branches antérieures Entre sa sortie des scalènes et l’angle postérieur de la des racines C5 et C6 dans pratiquement tous les cas, de deuxième côte, le nerf descend obliquement d’avant en ar- C7 dans plus des 2/3 des cas [6] voire 92 % [7], de C4 et de rière en faisant un angle d’environ 30 ° avec l’horizontale C8 très rarement [6,7]. Les branches issues de C5C6 passent toujours dans la gaine du plexus brachial [8] (Fig. 2). le plus souvent à travers le muscle scalenus medius puis Le nerf est ici proche des bourses séreuses sous- s’anastomosent à la branche issue de C7 qui passe entre le coracoïdiennes et sous-scapulaire [7,10]. En se réfléchissant muscle scalenus medius et le mucle scalenus anterior, en sur la deuxième côte, le nerf change nettement de direction et arrière du paquet vasculaire, en regard du premier ou du devient vertical [8,11]. Hester décrit une gaine fibreuse qui deuxième espace intercostal [6–9] (Tableau 1). soutient et enrobe le nerf lors de son arrivée sur la partie La branche issue de C5 a un calibre égal ou supérieur à supérieure du serratus anterior [9], alors que pour Ebraheim celui des autres branches. Le nerf, une fois constitué, rejoint le nerf chemine dans le fascia superficiel du muscle [8]. Pour Tableau 1 Variations du trajet entre les scalènes des différentes branches constitutives du nerf thoracicus longus (d’après Horwitz et Alexandre) Racine Nombre de cas Préscalénique Transscalénique Rétroscalénique (Horwitz/Alexandre) (en %) (en %) (en %) C4 0/ 6 0 100 0 C5 100/ 55 14/15 84/85 2/0 C6 100/68 24/28 74/70 2/2 C7 92/57 88/84 3/14 1/2 C8 8/2 100/100 0 0
C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 S65 Pour Ebraheim, la coudure du nerf se produit plus proxi- malement, à la sortie de la « gaine axillaire », quand on porte le bras en abduction [8]. Bien que les deux descriptions soient un peu différentes, il semble exister, pour ces auteurs, peu après la séparation du nerf thoracicus longus du reste du plexus un fascia qui maintient le nerf au contact de la partie supérieure du muscle et qui entraîne sa coudure lors de la mise en abduction du bras. À l’inverse, Kauppila ne retrouve aucune zone de compression en regard de la 2e côte à partir de 40 dissections [12]. Pour Kauppila, le nerf est fermement fixé aux premières côtes par le biais des digitations supérieu- res et ne peut donc être comprimé ou étiré à ce niveau [12]. Le trajet du nerf thoracicus longus dans sa partie thoraci- Fig. 2. Représentation schématique du trajet du nerf thoracicus longus. Le que est relativement constant [13]. Le nerf thoracicus longus nerf quitte les scalènes et se dirige d’abord en arrière puis fait un coude en émerge de l’aisselle sous les muscles pectoraux au niveau des regard de la deuxième côte et plonge verticalement dans le thorax (d’après 4e ou 5e digitations [12]. En projection, le nerf thoracicus Gregg). longus est toujours en arrière de la ligne médioaxillaire, Hester, la « gaine » dans laquelle chemine le nerf sur les c’est-à-dire postérieur aux branches cutanées issues des pédi- digitations supérieures du serratus anterior entraîne une cou- cules intercostaux [14]. Le nerf donne, dans son trajet thora- dure du nerf lors de la mise en abduction et rotation externe cique, des branches étagées pour les différentes digitations du bras [9] (Fig. 3). du muscle serratus anterior. La description de cette terminai- son est variable selon les auteurs. Gregg a proposé de diviser le mucle serratus anterior en trois segments [15]. Un segment proximal qui s’insère sur les deux premières côtes et se termine sur le bord superomédial de la scapula. En fait, ce segment supérieur ne s’insère sur les premières et deuxièmes côtes que dans moins de 50 % des cas, et sur une seule de ces deux côtes dans l’autre moitié [16]. En revanche, il se termine toujours sur l’angle supéro- médial [16]. On ne sait pas actuellement si cette partie supé- rieure a un rôle différent de l’ensemble du muscle [16]. Pour Alexandre, le nerf issu de C5C6 innerve de façon exclusive les digitations supérieures du serratus anterior dans 42 cas sur 70 [6], alors qu’il est innervé de façon exclusive par une branche issue de C5 dans 5 % des cas pour Horwitz [7]. Le deuxième segment musculaire est fin et large et relie les 3e, 4e et 5e côtes avec le bord rachidien de la scapula. Il existerait, entre la branche pour les deux digitations supérieures et les autres branches, une zone de 2 à 8 cm dans laquelle le nerf ne donne aucune branche [6]. Les cinq dernières digitations, de la sixième à la 10e côte se terminent à l’angle inférieur de la scapula et seraient innervées de façon autonome dans 5 % des cas [7] [16]. Une participation des nerfs intercostaux à l’innervation des digitations inférieures a été notée chez 20 % des sujets par Horwitz, mais na plus jamais été rapportée [7]. Dans la partie distale de son trajet, le nerf thoracicus longus est rejoint par la branche de division antérieure de l’artère thoraco-dorsale, ou artère principale du serratus anterior, destinée au chef distal du muscle. Cette artère passe en avant du nerf au moment où elle pénètre sous le fascia du muscle serratus anterior. Le croisement entre l’artère et le nerf tho- racicus longus est un point de repère relativement constant nommé « crow’s foot landmark » par Cuadros et al. [17]. Fig. 3. Représentation schématique de la coudure potentielle du nerf thora- Dans 24 à 50 % des cas, il existe une autre branche artérielle cicus longus. Le nerf, qui a quitté le paquet vasculonerveux axillaire, est parfois fixé sur l’aponévrose du muscle serratus anterior et peut être coudé et qui précroise le nerf un peu en amont [17] (Fig. 4). mis en tension lors de la mise en abduction et rotation externe du bras. Dans son expérience des lambeaux de serratus anterior (d’après Hester et Ebraheim). [18], Laulan a découvert que cette zone pouvait être poten-
S66 C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 scapula étant très mobile, elle comprime le nerf sur le mucle serratus dans les mouvements d’adduction, tandis que les mouvements d’abduction éloignent la pointe de la scapula qui tire sur le pédicule vasculonerveux [12]. Pour Alexandre, la longueur du nerf, après la réunion des branches proximales, varie de 7 à 20 cm [6]. Sa longueur totale varie de 24 à 30 cm pour Alexandre, elle est de 28 cm pour Horwitz et de 21,9 cm pour Kauppila [7,12,6]. La longueur du nerf entre la clavicule et sa division est de 12,1 cm ( ± 0,7) et les branches de division font 2,5 cm ( ± 0,3) [19]. Le diamètre du nerf varie de 2,2 à 1,4 mm entre sa portion proximale et sa terminaison. 3. Diagnostic et évolution naturelle Le nerf thoracicus longus est un nerf moteur pur respon- sable de façon exclusive de l’innervation du mucle serratus anterior. L’atteinte du nerf thoracicus longus entraîne une Fig. 4. La zone de compression thoracique du nerf thoracicus longus décrite parésie ou une paralysie du muscle serratus anterior. Le par Laulan et Lascar se situe au croisement du nerf et de l’artère thoracodor- serratus anterior est un muscle inspirateur accessoire quand sale. L’artère précroise le nerf au moment où elle s’engage sous l’aponévrose la scapula est maintenue fixe sur le thorax, comme on le voit du muscle serratus anterior. chez les asthmatiques qui se coincent contre la barrière d’un tiellement pathogène pour le nerf. En effet, alors que le nerf lit, ou les sportifs courbés en avant qui se pressent les han- thoracicus longus est relativement mobile en regard de la ches avec les bras pour reprendre leur souffle après un effort portion moyenne du serratus anterior, il devient fixé au ni- [15] [10]. L’atteinte de cette fonction inspiratrice n’a pas de veau du bord proximal de la portion distale du muscle, juste conséquence clinique quand elle est isolée. En revanche, la avant sa division en branches terminales. Cette zone corres- paralysie du serratus anterior retentit gravement sur la dyna- pond au croisement du nerf avec l’artère principale lors de sa mique de l’épaule. Le mucle serratus anterior est un protrac- pénétration sous le fascia du faisceau de pointe du serratus teur de la scapula. Son rôle principal est de stabiliser la anterior (Fig. 5). scapula sur le thorax en l’empêchant de basculer autour de L’étude anatomique de Schultes a montré que le nerf se son axe lors de l’élévation du bras [1]. En cas de paralysie, la divise en trois branches terminales dans 96 % des cas pour les scapula bascule vers l’arrière et le dedans lors de l’élévation segments moyens et inférieurs du muscle [19]. Il est accom- du bras sous l’effet de son poids [20]. Associé au muscle pagné par l’artère thoracodorsale, à environ 4 cm (± 0,6) sous trapezius, le mucle serratus anterior permet un mouvement la ligne mammillaire [19]. Cette division se situe entre 3 et de sonnette externe de la scapula, mouvement qui, en bascu- 5 cm en avant de la pointe de la scapula (de 0,5 à 5 cm), zone lant la surface glénoïdienne vers le haut, permet à l’abduction où le nerf est le plus loin de la scapula [12,13]. La pointe de la et l’élévation du bras de dépasser 90 ° [1] (Fig. 6A,B). L’âge des patients est extrêmement variable et dépend surtout de l’étiologie. Il y avait 62 % d’hommes, d’âge moyen 31,6 ans (5–78) dans la série de Vastamaki [4]. Il existe une prédominance d’atteinte du nerf thoracicus longus droit, y compris chez les gauchers [10,20]. Dans une analyse ancienne de la littérature Johnson retrouvait 83 % d’atteinte du côté droit et il avait, dans sa série, 18 atteintes droites chez 20 patients [20]. Dans la série de Vastamaki, 88 % des atteintes concernait le nerf thoracicus longus droit [4]. 19 des 20 patients de Foo étaient droitiers et atteints du côté droit, le seul gaucher était atteint du côté gauche [21]. Dans la série de Lascar et Laulan, tous les patients étaient droitiers [22]. Le diagnostic de l’atteinte du nerf thoracicus longus (ou du mucle serratus anterior) repose sur l’association de : • douleurs : les douleurs sont intenses et constantes dans la Fig. 5. Vue peropératoire de la compression du nerf thoracicus longus névralgie amyotrophique (syndrome de Parsonage et Tur- (flèche épaisse) sous la branche artérielle antérieure de l’artère thoracodor- ner). Dans les autres étiologies, la douleur est plus varia- sale (flèche fine). ble. L’atteinte est plus souvent strictement indolore pour
C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 S67 lise la scapula sur le thorax [1,7,23,25]. Chez les deux patients pris en charge en accident de travail, le taux d’IPP dans la série de Fery était de 18 et 35 % [1]. • scapula alata : elle correspond au décollement du bord médial de la scapula, plus marquée au début de l’élévation (bras en extension et supination [11]) ou lors de la retom- bée du bras (Fig. 7). Dans les formes les plus modérées, elle apparaît lorsqu’on demande au patient de faire des pompes contre un mur ou lors de la flexion du coude contre résistance [20]. Elle apparaît en général secondai- rement, dans les deux semaines après le début des troubles [21,24]. La saillie de la scapula se voit également dans d’autres paralysies de la ceinture scapulaire, mais quel- ques différences cliniques permettent de différencier les différents tableaux cliniques (Tableau 2). La confirmation diagnostique repose sur l’électromyogra- phie qui, dans la littérature et dans notre expérience, montre de façon habituelle un allongement de la latence distale du nerf comparativement au côté opposé. Ce diagnostic pourrait être méconnu comme le laisse penser le travail de Warner qui rapporte huit patients (sur 14) Fig. 6. Le rôle protracteur du muscle serratus anterior. A : en cas de paraly- sie, la scapula bascule en dedans lors de l’élévation du bras ce qui à terme fatigue les autres muscles périscapulaires (d’après Johnson). B : vue clini- que. quelques auteurs [23], les douleurs sont rares pour d’autres [24], elles étaient fréquentes, quelle que soit l’étiologie pour la plupart des auteurs [4,25,21]. Elles étaient constantes dans la série de Lascar et Laulan, tou- jours scapulaires postérieures ou latérothoraciques [22]. Ces douleurs coexistent souvent avec une fatigabilité de l’épaule [21]. • faiblesse musculaire avec diminution de la mobilité de l’épaule : dans les formes modérées, il ne s’agit que d’une sensation de bras lourd lors de la flexion antérieure du bras [23]. Dans les formes plus sévères, l’élévation du bras Fig. 7. Scapula alata. Dans les formes sévères, la scapula alata est visible dès au-dessus de 90 ° est impossible en position érigée, mais le début de l’élévation du bras. Elle est mise en évidence dans les formes elle est souvent conservée en position couchée, le poids du moins sévères en demandant au patient de « faire des pompes » contre un bras stabilisant la scapula, ou lorsque l’examinateur stabi- mur.
S68 C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 Tableau 2 Signes cliniques des différentes étiologies de décollement de la scapula Signes cliniques Paralysie du serratus anterior (nerf Paralysie du trapèze (nerf spinal Faiblesse des rhomboïdes (nerf spinal thoracique long) accessoire) dorsal ou racine C5) Douleur « Minime », localisée à la région Discrète à moyenne, localisée à la Douleur prédominante, surtout le cervicale irradiant à la région scapu- fosse suprascapulaire et à l’épaule long du bord médial de la scapula laire postérieure et/ou latéro- thoracique Décollement de la scapula à l’effort Augmentée par les mouvements Augmentée par les mouvements Mieux appréciée en demandant au d’élévation antérieure et par les mou- d’abduction à hauteur d’épaule patient de baisser lentement les bras vements de « pompe » d’une position d’élévation antérieure Déformation au repos Minime Amyotrophie du trapèze, chute des Minime, parfois atrophie des rhom- épaules boïdes Déplacement de la scapula à l’effort L’angle inférieur de la scapula L’angle inférieur se rapproche de la Glissement latéral et dorsal, surtout s’écarte de la ligne des épineuses ligne des épineuses la partie inférieure dont le diagnostic a été méconnu, cinq d’entre eux ayant eu près de 9 mois, entre 3 et 12 heures par jour. À l’inverse, elles un total de 17 interventions avant qu’un diagnostic correct ne sont considérées comme inutiles par beaucoup d’auteurs soit fait [25]. [25,31]. Ces orthèses, proposées dès le début du siècle, ont L’évolution naturelle se fait vers une certaine récupération été régulièrement modifiées car, dans l’ensemble, elles sont en 6–12 mois, sauf dans la névralgie amyotrophique de mal tolérées et peu portées. Nous n’en avons aucune expé- Parsonage et Turner où la récupération peut s’étaler sur 2 à rience, mais une série récente rapporte l’utilisation d’une 3 ans. Elle est plus rapide, en dehors du Parsonage-Turner orthèse chez 14 patients et fait une revue complète de la pour d’autres auteurs et inférieure à mois [26]. La restitutio littérature sur les différentes orthèses [32]. ad integrum semble rare, mais les séries cliniques de traite- ment conservateur sont peu précises, compte tenu de la mul- tiplicité des causes. Dans la série de Kauppila de 32 lésions 4. Étiologies des lésions du nerf thoracicus longus iatrogènes, seuls trois patients sont considérés comme guéris [27]. Les 29 autres patients se plaignent d’une fatigabilité à Elles sont extrêmement nombreuses et ont ainsi été incri- l’effort (88 %), voire d’une impossibilité à travailler les bras minées : en l’air (54 %). 27 % ont une scapula alata permanente et • une souffrance positionnelle, notamment lors d’anesthé- 46 % une scapula alata lors des efforts [27]. Dans son analyse sies [4,10,27,28]. Pour Kauppila, le nerf peut être com- de la littérature, Fery retrouve environ 30 % de résultats primé (ou étiré) lors des anesthésies quand le serratus insuffisants après traitement conservateur, certains auteurs anterior devenu non fonctionnel n’empêche plus la sca- rapportant même deux tiers de mauvais résultats [1]. Segonds pula de venir écraser le nerf, notamment quand le bras est a tenté de résumer les résultats cliniques du traitement placé sur le thorax du patient [12] ; conservateur de quelques publications [28] (Tableau 3). • le port de charges lourdes, notamment le port prolongé Le traitement conservateur consiste essentiellement à at- d’un sac à dos lourdement chargé comme on le rencontre tendre une récupération spontanée. Des exercices d’élévation chez les militaires [11,24,28] ou chez des ouvriers du du bras en position couchée (pour stabiliser la scapula) sont bâtiment [33,34]. Une traction violente sur une poignée proposés sans certitude sur leur intérêt [29]. L’utilisation d’automobile est un mécanisme comparable [24] ; d’orthèses thoracolombaires pour maintenir le contact scapu- • des traumatismes de l’épaule [1,28,29,35], qu’ils s’agis- lothoracique est parfois rapportée [11,20,30]. Elles ont été sent de choc direct (frappé par un cheval) [24] ou d’une utilisées chez 65 % des patients dans la série de Kauppila, chute sur l’épaule [24]. Ces traumatismes sont parfois Tableau 3 résultats des traitements non opératoires dans la littérature Étiologies Nombre de cas Résultats Recul Johnson, 1955 Variées 20 6 Excellents, 4 Bons, 10 moyens 6 mois Goodman, 1975 Variées 12 5 Excellents, 3 Moyens, 4 mauvais 4, 5 ans Gozna, 1979 11 7 Excellents, 4 Mauvais 1 an Gregg, 1979 Microtraumatismes 10 9 Excellents, 1 moyen 1 an Foo, 1983 5 traumatismes possibles, 10 absences de traumatismes 18 14 Excellents, 4 mauvais 2 ans Duncan, 1983 Lymphadénectomie axillaire 12 12 excellents > 6 mois Fery, 1987 3 1 Excellents, 1 moyen, 1 mauvais 2 ans Kauppila, 1996 Lésions iatrogènes 26 3 Excellents, 10 moyens, 13 mauvais 6 ans Schultz, 1992 Sport 4 4 excellents 1,5 an Warner, 1998 6 4 Excellents, 2 mauvais 1 an Segonds, 2002 7 4 très bons, 1 bon, 1 moyen, 1 mauvais
C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 S69 associés à d’autres lésions, par exemple chez un lutteur taines neuropathies familiales [57]. Un cas a été rapporté ayant eu également une fracture de la clavicule et une associant paralysie du serratus anterior, épaule gelée et luxation sternoclaviculaire [30]. On en rapproche les lé- radiculopathie cervicale [58] ; sions observées après un accouchement lors d’une trac- • les lésions iatrogènes, qui représentaient 32 cas sur 197, tion prolongée sur les appuis [4,21,36,37], ou chez un soit 16 % pour Vastamäki [4], se rencontrent après : paraplégique [38], après le port de cannes [4], d’un plâtre C chirurgie cervicale ou manipulation vertébrale [59] ; [37] ou après choc électrique [39]. Ces traumatismes re- C chirurgie cardiaque [13,60,61] ; présentaient 26 % des cas, dont la moitié étaient des chocs C chirurgie pulmonaire ; directs [4] ; C chirurgie du syndrome des défilés (résection de la pre- • la pratique du sport et presque tous les sports ont été mière côte) [3,27,31,62,63]. La paralysie du serratus incriminés : L’haltérophilie ou le body-building [1,24, anterior a été observée chez 14 % des premiers patients 40,41], le basket, le football américain lors de mouve- de Wood [64] ; ments d’abduction en-dessous de 90 ° [24], le squash [36], C chirurgie axillaire [27]. 30 % des patients ayant eu une le tennis ou le baseball lors des mouvements d’extension lymphadénectomie présentaient une atteinte du nerf du bras et/ou de protraction de l’épaule [8,11,15, thoracicus longus [23] ; mammoplastie [65] ; 21,24,41], lors d’une protraction brutale de l’épaule chez C blocs anesthésiques infraclaviculaires [4] ; un golfeur qui rate son swing et chez un boxeur qui rate • enfin les lésions idiopathiques, dont la fréquence dépend son adversaire [24]. Ont également été rapportés des cas des séries et qui ont représenté 11 % des cas pour Vasta- de paralysie isolée du serratus anterior chez un danseur de maki [4], mais dix cas sur les 20 dans la série de Foo [21]. ballet [15,42], un judoka après une luxation d’épaule [43], Sur les 111 cas rapportés par Johnson et Kendall, 13 se- un archer [21,44], un lutteur [8,15], un hockeyeur après raient dus au froid, huit à des injections de toxines et une chute sur la main, un gymnaste qui faisait des anneaux 13 seraient idiopathiques ce qui fait presque 30 % de [15], une volleyeuse [45] et un joueur de bowling [15,24]. causes inconnues [20]. Le tennis serait le sport le plus souvent impliqué (notam- Il se dégage, de cette énumération à la Prévert, que la ment lors du service) [46]. Le sport était responsable de majeure partie des lésions semble faire suite à un mécanisme 35 % des lésions pour Vastamaki [4] ; de traction. La rotation de la tête du côté opposée à l’épaule, • brûlures [47], séquelles de radiothérapie [48], Lupus [49], associée à une élévation du bras double la longueur du nerf overdose [21], compression par un hématome chez un entre ses deux points fixes, la sortie des scalènes et la « fixa- patient anticoagulé [50] ; tion » du nerf par le fascia des digitations musculaires supé- • malformations anatomiques, notamment une côte cervi- rieures [15]. L’élévation du bras entraîne un déplacement cale [51] ; postérieur, inférieur et latéral du nerf [15]. L’association des • dans certaines lésions neurologiques, au sens large, la deux mouvements, notamment chez les athlètes, pourrait poliomyélite est responsable d’un cas bilatéral [1]. Les ainsi expliquer les étiologies microtraumatiques. Cette opi- causes nerveuses les plus fréquentes sont essentiellement nion est cependant contredite par Vastamaki qui pense qu’un la « névrite brachiale », synonyme de la névralgie amyo- effort prolongé ou un mouvement brutal serait plus souvent trophique ou syndrome de Parsonage et Turner tronqué. responsable [4]. Depuis Goodman, il est habituel de dire que Dans la description princeps de Parsonage et Turner, il y les paralysies post traumatiques récupèrent moins bien que avait 30 paralysies isolées du serratus anterior sur les les lésions « toxiques » ou « infectieuses » [29]. 136 cas [52]. Ce terme large reprend des paralysies qui font suite à une infection dans environ 25 % des cas [1,53], ou à une réaction allergique dans 15 % des cas [54]. Elle 5. La compression du nerf thoracicus longus touche environ 1,64 cas / 100 000 [55]. Cette pathologie existe-t-elle ? est caractérisée par un début brutal avec une douleur intense qui dure de quelques heures jusqu’à trois semai- L’étude de la littérature montre que le diagnostic de com- nes, augmentée par tous les mouvements du bras, mais pas pression est rare sinon inexistant. Quelques auteurs ont ce- par les manœuvres d’hyperpression rachidienne [54,55]. pendant décrit des compressions du nerf thoracicus longus. La parésie apparaît dans le mois qui suit l’apparition des Une publication italienne fait état d’une compression du nerf douleurs chez 85 % des patients [54,55]. L’atteinte est plus thoracicus longus par une côte cervicale surnuméraire dont fréquente chez l’homme dans un rapport de 2/1 à 11,5/1 l’ablation a permis la guérison [51]. Aucune description [55]. La récupération est complète chez 90 % des patients anatomique n’est faite et il ne semble pas que les auteurs en 3 ans et aucun traitement n’a apporté la preuve d’une aient neurolysé spécifiquement le nerf thoracicus longus. quelconque efficacité [54,55]. À l’heure actuelle, l’étiopa- Distefano rapporte le cas d’une jeune fille de 12 ans qui a vu thogénie est totalement inconnue [55]. On peut en rappro- apparaître une paralysie du serratus anterior, spontanément cher les paralysies rapportées après exposition au froid résolutive en six mois après arrêt du Volley-Ball (pratiqué de [11,20,36], vaccination, injection de sérum antitétanique façon assez peu assidue) [45]. Le diagnostic retenu est celui [20,29,56], certaines neuropathies toxiques [20,29], cer- d’une compression par contraction répétée du scalenus me-
S70 C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 dius. Il n’y a dans cette publication aucun argument sérieux latissimus dorsii est récliné vers l’arrière. On repère l’artère pour affirmer la compression, ni sa localisation dans le sca- thoracodorsale et sa branche de division antérieure, destinée lenus medius, hypothèse qui avait d’ailleurs été proposée au chef distal du SA. L’endroit où l’artère prend contact avec pour être rejetée par Horwitz dès 1938 [7]. Le seul élément en le muscle et pénètre sous son fascia permet de repérer le NTL faveur était l’existence d’une douleur à la palpation du scale- qu’elle précroise à ce niveau (crow’s foot landmark de Cua- nus medius dans le creux sus-claviculaire. La possibilité dros). L’exploration recherche une éventuelle anomalie favo- d’une compression dans le scalenus medius avait déjà été risante : soit une branche artérielle courte précroisant le nerf critiquée puisqu’il faudrait alors que le nerf scapulaire dor- en amont de la branche principale ou des fibres musculaires sal, qui innerve les rhomboïdes, et passe aussi à travers le aberrantes imposant au nerf un trajet en chicane (Fig. 8B). scalenus medius soit atteint alors que la branche issue de La neurolyse est réalisée sous lunettes grossissantes. C7 serait intacte [7,9,26]. Outre la suppression d’une éventuelle anomalie anatomique, L’équipe de Dellon rapporte quatre cas de compression on réalise une ouverture large du fascia du serratus antérieur dans le scalenus medius ou entre le scalenus medius et en regard du NTL jusqu’à ses branches terminales, en respec- posterior [5]. Cependant cette publication est surprenante au tant les branches collatérales, de façon à restituer au nerf une point d’avoir motivée un éditorial. La simple neurolyse dans bonne mobilité par rapport à la paroi thoracique (Fig. 8C,D). cette publication permet en peropératoire la contraction d’un Souvent en fin d’intervention, on constate un effet d’allonge- muscle jusque-là inactif, les muscles paralysés depuis des ment du nerf après neurolyse (réserve de longueur). La réé- mois récupèrent en quelques jours, et aucune anomalie ana- ducation est débutée immédiatement. tomique n’est décrite pour expliquer la compression en de- Dans l’expérience, de Laulan et Lascar, les patients pré- hors d’une « fibrose ». Il s’agit d’ailleurs pour Disa d’un sentaient un « signe de Tinel » positif en regard de la 5e côte. mécanisme d’étirement sur cette fibrose plus que d’une com- Lors de l’intervention, une anomalie vasculaire (6 cas) ou pression vraie [5]. musculaire (2 cas) a été retrouvée et dans tous les cas, le nerf Parmi les possibles causes de compression proposées, thoracicus longus était entouré de fibrose. Horwitz avait envisagé la compression par les bourses séreu- ses sous-coracoïdiennes (étiologie qui n’a jamais été rappor- Les douleurs ont disparu dans le premier mois postopéra- tée), ou par la coracoïde lors du déplacement médial forcé de toire et tous les patients ont retrouvé une fonction musculaire la scapula [7,11]. Pour des raisons anatomiques, cette lésion complète ou quasi complète avec un recul s’étalant de ne pourrait cependant être isolée et cette étiologie ne mérite 3–36 mois. Une amélioration électrique a également été probablement pas d’être retenue [35]. notée chez tous les patients [22]. (Fig. 8E,F). Pour qu’une compression existe, elle doit se situer au Actuellement, leurs indications peuvent se résumer ainsi : niveau ou au-delà de la deuxième côte, après la réunion des • si la paralysie du serratus anterior est isolée et qu’existe deux branches issues de C5C6 et de C7. une notion traumatique ou un contexte microtraumatisme Lascar et Laulan ont rapporté une cause non encore dé- (sportif ou professionnel) et en l’absence d’éléments en crite ou envisagée de la compression du nerf thoracicus faveur d’un syndrome de Parsonage-Turner, l’absence de longus et leur expérience est maintenant de 13 cas de neuro- récupération clinique et électromyographique dans les six lyse chez dix hommes et trois femmes, d’âge moyen 30 ans mois doit conduire à une neurolyse de la portion thoraci- (extrêmes 18 à 49 ans) [22]. Ils pensent, comme la plupart que du NTL (Fig. 9). des auteurs, que l’atteinte nerveuse résulte essentiellement d’un mécanisme de traction, mais que le point fixe distal du nerf se situe au bord proximal du chef distal du serratus anterior. À ce niveau, le nerf est précroisé par l’artère princi- 7. Traitement palliatif pale du serratus anterior au moment où elle pénètre sous fascia et il est lui-même fixé par le fascia au moment où il se L’absence de causes évidentes à la plupart des lésions du divise en ses branches terminales. La persistance d’une fixa- nerf thoracicus longus, la récupération habituelle de la plu- tion et/ou d’une compression distale empêche la récupération part des patients, le caractère douteux ou incertain d’une soit par son action directe sur le nerf, soit par l’intermédiaire zone possible de compression fait que le traitement chirurgi- de la tension sur le nerf. cal est proposé à des patients qui n’ont pas récupéré après plusieurs mois ou années. À cette date, aucun geste direct sur le nerf n’est possible et il faut envisager un traitement pallia- 6. Technique de neurolyse tif dont les modalités ont été proposées dès le début du XXe siècle [66,67]. Le traitement palliatif vise à stabiliser la Le patient est installé en décubitus dorsal, l’hémithorax scapula sur le thorax et fait appel : homolatéral surélevé par billot. L’incision cutanée est longi- • à une stabilisation dynamique par des transferts tendineux tudinale, d’une dizaine de cm, le long du bord antérieur du ou ; latissimus dorsii. Elle est centrée sur la 5e côte, ou sur le site • à une stabilisation statique par scapulopexie ou arthrodèse du signe de Tinel repéré en préopératoire (Fig. 8A). Le scapulothoracique.
C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 S71 Fig. 8. vues peropératoires de la compression du nerf thoracicus longus. A : Repérage préopératoire du signe de Tinel et dessin de la voie d’abord. B : Le nerf thoracicus longus est surcroisé par une branche de l’artère thoracodorsale. C : qui a laissé son empreinte sur le nerf. D : le nerf est libéré en fin d’intervention. E,F : résultat clinique sur la fonction du muscle serratus anterior. Aspect préopératoire et postopératoire à plus d’un an. 8. La stabilisation statique de la scapula pulothoracique consiste à intercaler des greffons entre la La scapulopexie consiste à faire passer à travers la scapula scapula et les côtes qui sont préparées, après désinsertion des plusieurs cotes préalablement sectionnées. L’arthrodèse sca- rhomboides et du trapèze. Une immobilisation de trois mois
S72 C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 deux pneumothorax, une épaule gelée définitive et une mobi- lité limitée passant de 72–92 ° d’abduction et de 83–101 ° d’élévation. Cependant quatre de leurs patients avaient une atteinte associée du plexus ou du trapèze qui explique proba- blement en partie le caractère modeste des résultats. 9. Les transferts tendineux sur la scapula Plusieurs transferts tendineux ont été proposés pour pal- lier le déficit du mucle serratus anterior (Tableau 5). Il s’agit du transfert : • du rhomboïde [72] ; • du teres major [3,73] ; • du pectoralis minor [1,3,74–76] ; Fig. 9. Exemple clinique d’une compression du nerf thoracicus longus par • du pectoralis major, muscle le plus utilisé actuellement et une branche artérielle. le seul dont nous ayons une expérience [1,25,26,31, est nécessaire [28,68]. Ces techniques présentent plusieurs 69,77–79]. inconvénients, théoriques et pratiques. Tubby en 1904 a été le premier à proposer le transfert du • un aspect peu esthétique de la cicatrice dorsale ; pectoralis major sur le serratus anterior [67]. Puis Dickson a • la nécessité de l’utilisation d’une greffe (iliaque) ; proposé d’utiliser le fascia lata pour attacher la scapula au • Des complications : fractures de fatigue des côtes ou de la pectoralis major qu’il ne détachait pas [80]. Durman [81], scapula, pneumothorax lors du passage des fils de fixation, puis Ober [79] ont ensuite proposé de détacher le tiers infé- et surtout pseudarthrodèse (jusqu’à 50 % pour Hawkins rieur du pectoralis avec interposition d’une greffe de fascia [69,70]). lata. En 1963 Marmor a utilisé l’intégralité du tendon dans un • surtout une limitation obligatoire de la mobilité poten- cas [39]. Iceton a rapporté 15 cas en utilisant la partie sternale tielle qui ne peut dépasser 120 ° en élévation [69]. L’étude du pectoralis avec quatre échecs par élongation ou rupture de de Harryman a confirmé la notion ancienne que la scapu- la greffe [77]. lothoracique participait pour un tiers à la mobilité de Parmi les limites de ces techniques, signalons : l’épaule [70]. Dans son étude, la perte de la mobilité • la cicatrice inesthétique de la cuisse pour le prélèvement scapulothoracique était de 56 ° en moyenne, et les patients du fascia lata, et le risque théorique de hernie musculaire, ne conservaient que 98 ° de mobilité glénohumérale, limitée par la taille même du prélèvement. Certains ont c’est-à-dire une perte d’un tiers dans tous les secteurs de proposé de prélever le semitendineux et le gracilis pour mobilité, les rotations étant les secteurs de mobilité les limiter ce risque [25]. plus limités [70]. Cependant, dans l’ensemble les patients • la perte du relief du pectoralis major si on prend l’intégra- sont capables de réaliser la plupart des actes quotidiens lité du tendon d’où la préférence de la plupart des séries [70]. récentes à ne prélever que le chef sternal dont la puissance Nous n’en avons pas d’expérience et il est difficile de faire et l’activité électromyographique sont assez similaires à la part des choses car les séries d’arthrodèses scapulothora- ceux du serratus anterior [82] (Fig. 10). ciques, qui sont surtout utilisées pour les dystrophies scapu- • le risque de rupture et/ou d’élongation de la greffe tendi- lothoraciques, ne différencient pas les cas d’atteinte isolée du neuse, responsable des échecs rapportés dans les différen- nerf thoracicus longus [71] (Tableau 4). Deux séries françai- tes séries, avec une fréquence allant de 0–30 % [1,79]. Les ses d’arthrodèses scapulothoraciques pour atteinte paralyti- auteurs insistent ainsi sur la nécessité de préférer l’utilisa- que du nerf thoracicus longus ont été rapportées [28,68]. La tion du greffon comme augmentation du tendon du pecto- série de Bizot présente de moins bons résultats que celle de ralis major et non comme extension. Cependant, il est Segonds. Bizot rapporte trois pseudarthrodèses sur dix cas, difficile d’amener le tendon du pectoralis sur le bord Tableau 4 Résultats des arthrodèses scapulothoraciques dans la littérature Nombre de cas Résultats Gain en mobilité Copeland, 1978 11 6 bons, 4 moyens, 1 mauvais Élévation à 90° Letournel, 1990 16 11 bons, 2 moyens, 3 mauvais Gain de 30° Hawkins, 1990 9 5 bons, 4 moyens Gain de 10° Kocialkowski, 1991 2 2 bons Gain de 10° Bunch, 1993 17 15 bons, 1 moyen, 1 mauvais Segonds, 2002 9 6 très bons, 3 bons Gain de 10° Bizot, 2003 10 (8 revus) 6 bons et très bons, 2 mauvais Gain de 15°
C. Dumontier et al. / Chirurgie de la main 23 (2004) S63–S76 S73 Tableau 5 Résultats dans la littérature des transferts palliatifs tendineux Nombre de cas Transfert utilisé Résultats Mobilité Herzmark, 1951 1 Rhomboïde Excellent Mobilité normale Chaves, 1951 1 Petit pectoral Bon Mobilité normale Rapp, 1954 1 Petit pectoral Moyen Mobilité normale Maquet, 1964 1 Petit pectoral Excellent Mobilité normale Gozna, 1979 3 Portion sternale du grand pectoral 3 bons Vastamaki, 1984 6 Petit pectoral 5 excellents, 1 moyen Mobilité normale Fery, 1987 9 1 petit pectoral, 9 grand pectoraux, dont 5 fois 7 excellents, 2 bons associé à une scapulopexie Iceton, 1987 15 Portion sternale du grand pectoral 9 excellents, 2 moyens, 4 mauvais Mobilité normale Post, 1995 8 Portion sternale du grand pectoral 7 excellents, 1 moyen Mobilité normale Narakas, 1991 5 Teres major (2), Pectoralis minor (3) Résultats apparemment moyens Connor, 1997 11 Portion sternale du grand pectoral 7 excellents, 3 bons, 1 mauvais Élévation de 175° Warner, 1998 8 Portion sternale du grand pectoral 7 excellents, 1 mauvais Élévation de 150° Perlmutter, 1999 16 Grand pectoral 8 excellents, 5 bons, 1 moyen, Élévation de 150° 2 mauvais Steinmann, 2003 9 Grand pectoral 4 excellents, 2 bons, 3 mauvais Élévation de 144° externe de la scapula et la fixation est parfois difficile. Dans les techniques qui fixent le pectoralis major sur l’écaille [79], voire directement au bord medial de la scapula [78], il est impossible de ne pas utiliser le fascia lata comme extension (Fig. 11A,B). Post a proposé de rouler le fascia lata et de le renforcer avec du fil non résorbable [78]. Il faut prendre garde cepen- dant à ne pas trop étrangler ce greffon, sous peine d’empê- cher sa revascularisation ce qui explique probablement un de nos échecs. Enfin, pour éviter cet étirement ou ce lachage, il est maintenant proposé de demander aux patients de limiter leurs efforts pendant quatre à six mois. Les résultats des transferts tendineux sont bons dans l’en- semble et les patients sont satisfaits (Fig. 11B). Cependant si la mobilité observée paraît satisfaisante, la série récente de la Mayo Clinic montre que les résultats objectifs sont moins bons [79]. Dans cette série, l’étude de la mobilité objective dans tous les plans de l’espace montre que l’élévation est à 84 % de celle du côté opposé et la rotation externe à 64 %. La force mesurée est à 59 % de celle du côté opposé pour l’adduction, de 62 % pour la rotation externe, de 68 % pour l’abduction et de 73 % pour la rotation interne [79]. 10. Et la réparation directe ? La réparation directe du nerf thoracicus longus n’a semble-t-il pas été publiée. Narakas signale qu’il a toujours été dans l’impossibilité d’identifier le moignon proximal [3]. Tomaino a rapporté un cas de neurotisation par le nerf medial du pectoralis major avec un résultat moyen [83]. Novak a rapporté un cas de neurotisation par le nerf thoracodorsal avec un excellent résultat, mais il est impossible de dire si le patient n’aurait pas récupéré spontanément et quelle est la Fig. 10. Représentation schématique du prélèvement limité du chef sterno- part de la neurotisation car il a été opéré au troisième mois costal du pectoralis major pour le traitement palliatif des paralysies du après le début des troubles [84]. serratus anterior afin de limiter les séquelles fonctionnelles et esthétiques.
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