ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC

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ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
22 JUIN 2018

       ÉCONOMIE CIRCULAIRE,
      LE POUVOIR DES MARQUES
           “De la vision à l’action”

MATINÉE D’ÉCHANGES D’ECO TLC
      COMPTE-RENDU

                       MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
SOMMAIRE

             ÉCONOMIE CIRCULAIRE : LE POUVOIR DES MARQUES
                          “De la vision à l’action”

             #1   Une nouvelle économie pour la filière textile :
                  redessiner le futur de la mode. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

             #2   Économie circulaire en France : où en sommes-nous ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

             #3   Les chaussures : éco-conception, durabilité, recyclage.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

2   MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
#        5          ÉCONOMIE CIRCULAIRE :
                   LE POUVOIR DES MARQUES
                               “De la vision à l’action”

                                             Jérôme OBRY,
                                      Président général d’Eco TLC

                       Bonjour à tous et toutes,         meilleure offre de services. Nous devons absolument
                                                         faire évoluer notre manière d’exercer notre métier.
                       Nous sommes très heureux
                                                         C’est grâce au pouvoir des marques que nous
                       de vous accueillir pour cette
                                                         pourrons réussir ce changement.
                       cinquième édition du pouvoir
                       des marques. En introduction,     Parallèlement, l’éco-organisme vit une crise positive –
je souhaite partager avec vous le fait que nous          de réaffirmation de sa mission – et vise à se recentrer
aurons réellement besoin du pouvoir des marques          sur l’économie circulaire et cela pour renouer avec le
car notre métier est en crise et que l’éco-organisme     sens du service, la responsabilité et le sens de notre
en traverse une également. Nous observons depuis         mission.
plusieurs années des signaux faibles appelant à nous
                                                         Au cours de cette matinée, nous pourrons partager
moderniser.
                                                         ensemble sur nos transformations et notre chemi-
Cette modernisation de nos marques passera par           nement vers une économie plus circulaire. Nathalie
davantage de sens mis dans nos produits, par une         Croisé, qui est notre témoin depuis cinq ans, animera
plus grande responsabilisation dans l’exercice de        les différentes tables rondes qui vont suivre. Je lui
nos métiers, par une transparence accrue, par une        cède la parole.

                                           Nathalie CROISÉ,
                                       Journaliste Environnement

                       Je suis ravie de vous retrouver   Puis, Pascal Bluteau de Strategir WSA et Cécile
                       pour cette cinquième édition      Loridan-Bichon de COHDA viendront exposer les
                       du Pouvoir des Marques.           résultats de l’étude sur les Français et la deuxième vie
                                                         des textiles et des chaussures ainsi que les résultats du
                      Les interventions qui vont
                                                         baromètre de l’engagement des metteurs en marché.
                      suivre vont démontrer que le
secteur innove et que des marques s’engagent. Au         Pour terminer notre matinée, une table ronde sera
programme de nos échanges, nous commencerons             consacrée aux chaussures autour de Marianella
par entendre François Souchet, de la Fondation Ellen     Cervi, directrice RSE de Timberland, de Caroline Jolly
MacArthur, qui évoquera les enjeux à relever pour les    du groupe Éram et de Patrick Mainguené d’Insoft qui
metteurs en marché.                                      nous présentera également le projet de SOEX.
                                                         Vous pourrez régulièrement poser vos questions lors
                                                         des temps d’échanges.

                                                                          MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU   3
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
#1 Une nouvelle économie pour la filière textile :
                              redessiner le futur de la mode

                                                  François SOUCHET,
                                  Directeur du programme Make Fashion Circular,
                                             Fondation Ellen MacArthur

                               La vidéo de présentation        porte de moins en moins longtemps les vêtements
                               de Make Fashion Circular est    que l’on produit, c’est-à-dire que l’industrie repose
                               projetée.                       de plus en plus sur un modèle extractif. Or, force
                                                               est de reconnaître que ce modèle linéaire fait perdre
                               NATHALIE CROISÉ :
                                                               beaucoup d’argent à l’industrie : près de 500 milliards
    Monsieur Souchet, pour quelles raisons devons-nous         de dollars par an sans compter le coût de la pollution.
    changer de modèle ?                                        Rappelons à ce titre que l’industrie est responsable
    FRANÇOIS SOUCHET :
                                                               de 20 % de la pollution de l’eau et représentera 25
                                                               % du bilan carbone global d’ici 2050. Par ailleurs,
    Avant de répondre à votre question, je souhaite
                                                               sachant que 60 % des matériaux utilisés par l’industrie
    revenir sur la genèse de la Fondation Ellen MacArthur.
                                                               sont plastiques, le lavage de nos vêtements conduit à
    Créée en 2010 par la recordwoman du tour du monde
                                                               disperser des microfibres plastiques dans les océans.
    à la voile, la Fondation est née d’un constat simple :
    nous vivons dans un monde où les ressources sont           Face à ce constat, nous nous sommes penchés sur les
    limitées alors que nous les exploitons comme si elles      alternatives possibles. Nous identifions quatre leviers
    étaient infinies. La Fondation vise donc à réfléchir aux   que peut actionner l’industrie pour réussir le virage
    nouveaux modèles économiques qui nous permet-              vers l’économie circulaire. Ces quatre ambitions sont
    traient d’optimiser l’utilisation des ressources. La       les suivantes :
    Fondation travaille sur la modélisation de cette tran-
                                                               • éliminer toute substance toxique de la chaîne de
    sition et réfléchit avec des entreprises, des pouvoirs
                                                               valeur et identifier les moyens pour que les matériaux
    publics, des institutions et d’autres ONG pour que ces
                                                               ne relâchent pas de microfibres non biodégradables ;
    nouveaux modes de penser, de produire et de faire
    s’imprègnent partout dans le monde. Nos travaux de         • allonger la durée de vie des vêtements, non seule-
    recherche visent différents secteurs d’activité et de      ment dans l’optique de les porter plus longtemps
    multiples géographies. En 2015, la Fondation a créé        mais aussi pour élargir leur fréquence d’utilisation ;
    des initiatives systémiques permettant de se focaliser     • améliorer la capacité de recyclage des vêtements
    sur une industrie en réunissant 50 acteurs clé de ladite   (sachant que moins de 1 % des matériaux sont
    industrie, à chaque étape de la chaîne de valeur, afin     aujourd’hui recyclés à un niveau de qualité équiva-
    de créer en commun un “unstoppable momentum”,              lent) ;
    c’est-à-dire une dynamique qui ne saura être stoppée
    et qui privilégiera l’économie circulaire. Cette trajec-   • favoriser l’utilisation de sources renouvelables pour
    toire systémique a commencé sur les emballages             tous les matériaux qui ne pourront pas provenir de
    plastiques en 2015. En 2018, notre démarche vise           sources recyclées.
    l’industrie textile.
                                                               NATHALIE CROISÉ :
    NATHALIE CROISÉ :                                          La Fondation Ellen MacArthur a pour ambition
    Quelle est votre vision du marché des TLC ? Quels          d’entraîner les industries dans sa démarche. Quelles
    sont les enjeux clés à relever pour les metteurs en        sont les initiatives en cours ?
    marché ?
                                                               FRANÇOIS SOUCHET :
    FRANÇOIS SOUCHET :                                         Des initiatives sont en effet lancées. Il faut retenir que
    En 2017, nous avons édité un rapport avec le soutien       le panorama n’est pas si sombre. Pour emmener les
    de McKinsey avec 40 organisations industrielles et         acteurs dans une trajectoire de transformation, nous
    une centaine d’experts individuels. Il ressort de cette    partons du principe qu’il faut construire ensemble
    étude que nous perdons tout ce que nous produi-            sur une vision positive qui est celle d’une industrie
    sons. Chaque seconde, l’équivalent d’un camion de          qui fonctionne, d’une industrie qui participe à la
    déchets part en incinération ou en déchèterie. On          régénération et la restauration par conception et une
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industrie qui a conscience qu’elle évolue dans un          La Fondation Ellen MacArthur est une ONG, régulée
monde où les ressources sont limitées. Nous avons          par le code des charity, c’est-à-dire que nous
bâti un groupe de leaders de l’industrie qui sont          œuvrons pour le bien commun. Sur les emballages
impliqués dans cette dynamique. Ces entreprises            en plastique, nous avons lancé diverses initiatives
représentent l’ensemble de la chaîne de valeur, avec       dont la remise de prix de l’innovation. Plus de 10 %
de grands noms des matériaux (Lenzing, Dupont,             des producteurs se sont engagés à ce que leurs
etc.), des entreprises manufacturières au Bangladesh,      emballages soient recyclables, réutilisables ou
en Europe et des marques qui vont du luxe en passant       compostables d’ici à 2025. Nous nouons désormais
par le high street et par l’outdoor. Ce groupe travaille   des partenariats avec des groupes locaux pour que
en commun afin que les objectifs identifiés puissent       ces engagements puissent être repris au niveau local
devenir réalité partant du principe que la mise en         et conduits par des entreprises locales.
commun des forces de chacun peut conduire à
transformer l’industrie.                                   NATHALIE CROISÉ :
                                                           Alors que le secteur est en crise, l’économie circulaire
NATHALIE CROISÉ :                                          est-elle vraiment la clé ? Les entreprises font-elles
Ces entreprises doivent-elles signer une charte pour       montre de dynamisme ?
notifier leur engagement ?
                                                           FRANÇOIS SOUCHET :
FRANÇOIS SOUCHET :                                         Absolument. Le dynamisme de l’industrie est réel.
Notre méthode repose sur un groupe de travail perma-       L’industrie de la mode est l’une des plus conscientes
nent pour une durée de trois années. Celui-ci a pour       de son impact sur l’environnement. Elle affiche une
mission d’explorer les solutions possibles. La méthode     réelle volonté d’être proactive dans la résolution des
est itérative. Nous travaillons sur des pistes diverses    problèmes.
afin de pousser de nouveaux business modèles. Ces
projets sont testés avant de pouvoir les ajuster afin
qu’ils puissent être déployables et reproductibles.

                 #2 Économie circulaire en France :
                                 où en sommes-nous ?

                                               Maud HARDY,
                               Directrice Économie Circulaire d’Eco TLC

                        NATHALIE CROISÉ :                  an et par personne qui est collecté. Nous avons donc
                        Maud Hardy, quels sont les         dépassé le seuil fatidique des 30 %, puisque la collecte
                        enjeux à relever pour Eco TLC ?    représente désormais 36 % du volume produit. Par
                                                           ailleurs, 99,7 % des TLC collectés sont valorisés, c’est-
                        MAUD HARDY :                       à-dire réutilisés ou recyclés. Ces chiffres démontrent
                         Avant de répondre à votre         que la filière se transforme grâce aux metteurs en
question, je souhaite témoigner que, ayant participé au    marché et grâce aux opérateurs de la filière.
kick off de Make Fashion Circular de la Fondation Ellen    L’année 2018 sera une année charnière pour Eco TLC
MacArthur, 50 entreprises sont véritablement enga-         car nous devons préparer le troisième agrément. Pour
gées dans la démarche. Elles ont la réelle volonté de      ce faire, plusieurs études ont été menées pour dresser
changer de business modèles et de changer de monde.        un bilan et interroger les marques sur leurs attentes.
Eco TLC est très fier de faire partie de ce groupe.        En particulier, deux études ont été conduites dont les
Commençons par quelques chiffres qui permettent            résultats vont vous être présentés dans un instant.
de dresser un panorama de la situation actuelle en         En complément, une étude sur l’impact du geste de
France. Aujourd’hui, 9,5 kg de vêtements et chaussures     tri a été conduite par Eco TLC. Elle conclut que ce
sont mis en marché par an et par personne, ce qui          geste est utile puisque la collecte d’un kilogramme
représente 2,6 milliards de pièces et 624 000 tonnes.      de textiles dans un point d’apport volontaire permet
Au niveau de la collecte, c’est un volume de 3,4 kg par    d’éviter l’émission de 25 kg de CO2.
                                                                            MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU   5
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LES FRANÇAIS ET LES TEXTILES D’HABILLEMENT,
                    LE LINGE DE MAISON ET LES CHAUSSURES

                                                     Pascal BLUTEAU,
                                              Directeur général Strategir WSA

                            Deux enquêtes ont été                   PASCAL BLUTEAU :
                            menées auprès d’un panel                Tout à fait, l’achat d’occasion est à la fois un
                            de Français : une enquête               moyen d’acheter à moindre coût tout en étant
                            quantitative auprès de 1 000            un achat d’opportunité. Ce mouvement est aussi
                            personnes représentatives de            facilité par le fait qu’il existe de plus en plus de
                            la population française que             plateformes qui facilitent la revente (Le Bon Coin,
    nous avons interrogées via un questionnaire diffusé             Vinted, etc.). Hier, ces reventes étaient freinées
    en ligne en avril 2018 ; une enquête qualitative pour           par le fait que les consommateurs devaient se
    creuser les comportements. Il ressort de la phase               rendre dans des dépôts-ventes à l’ancienne dont
    quantitative de cette étude que près de 8 Français              les abords n’étaient pas forcément attrayants. Ces
    sur 10 ont le sentiment d’avoir changé leur façon de            nouvelles applications rendent le geste de revente
    consommer les vêtements et les chaussures. Ils affir-           et d’achat d’occasion plus sexy et plus facile. Pour
    ment adopter des comportements de consommation                  autant, toutes les personnes interrogées ne sont
    plus responsables et plus raisonnés, de favoriser le tri        pas convaincues par les vêtements d’occasion et
    et le recyclage, d’opter plus souvent pour la revente           une part importante reste encore attachée aux
    et de favoriser le don.
                                                                    vêtements neufs.
    78 % des Français disent faire le tri de leurs placards.
                                                                    Ces indicateurs démontrent que le marché a
    Cependant, le sens du mot “tri” a changé. Il est désor-
                                                                    évolué et qu’il est prêt à réaliser un virage car il est
    mais évoqué, le tri utile, car le tri doit permettre d’éviter
                                                                    largement sensibilisé à la notion de tri mais aussi à
    de jeter et notamment par le don aux proches. Pour
                                                                    la notion de gaspillage. Les Français attendent aussi
    les vêtements d’enfants, le tri est naturel. Beaucoup
                                                                    des informations sur le devenir des produits triés.
    de Français pensent aussi à trier pour revendre car les
                                                                    Le recyclage des produits est connu pour certaines
    TLC ont une valeur monétaire ou encore pour faire
    du troc.                                                        matières comme la canette de soda qui devient
                                                                    un caddy ou encore pour la bouteille en plastique
    Par ailleurs, les personnes interrogées affirment être          qui devient de la polaire. Ces deuxièmes vies sont
    sensibles à la durabilité des produits. 61 % des Fran-          presque perçues comme de la magie, comme de la
    çais déclarent entretenir mieux leurs textiles pour             réincarnation. Le recyclage donne ainsi un sens au
    en augmenter la durabilité. 91 % ont déjà réparé ou             geste de tri et le soutient.
    retouché leurs textiles. Mais il faut reconnaître que
    ces chiffres doivent être relativisés car ce sont en            NATHALIE CROISÉ :
    fait les belles pièces qui sont retouchées. D’autres            Quelles connaissances ont les Français du geste de
    catégories de vêtements sont davantage considérés               tri ?
    comme des biens à consommer. Quoi qu’il en soit,
    ce chiffre témoigne qu’il existe une attention portée à         PASCAL BLUTEAU :
    la durabilité des produits. Lors de la phase qualitative,       Les Français savent à 95 % qu’il existe des bornes de
    les personnes interrogées ont évoqué les notions                collecte dans les rues ou dans les déchèteries pour
    d’obsolescence programmée, considérant que cette                83 % d’entre eux. À ce sujet, je tiens à souligner que
    logique tend à contaminer l’univers du textile.                 la déchèterie jouit d’une relative bonne image auprès
    D’un autre côté, de manière quelque peu surpre-                 des personnes interrogées, notamment dans les
    nante, l’enquête nous apprend que 6 Français sur                régions, car les déchèteries se sont modernisées.
    10 ont déjà acheté des TLC d’occasion. Par le passé,            85 % des répondants savent que les associations et
    l’achat d’occasion était perçu comme “l’achat radin”            ressourceries collectent des TLC. 73 % des Français
    mais ces résultats nous démontrent qu’il est devenu             connaissent la collecte en magasin. Cependant, seul
    “l’achat malin”. C’est un changement de fond dans les           un tiers des personnes interrogées disent déposer
    comportements des consommateurs.                                leurs vêtements en magasin.
                                                                    Les Français ont une bonne connaissance de
    NATHALIE CROISÉ :                                               l’engagement des marques : deux tiers des Français
    C’est aussi un moyen pour réaliser des économies. Ne            ont su citer une marque engagée dans l’économie
    nous en cachons pas !                                           circulaire.
6   MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
78 % des Français savent par ailleurs que certains         notoriété des points d’apport volontaire, mais les
produits sont recyclés mais seulement 30 % en ont          Français souhaiteraient pouvoir disposer de points
déjà acheté car le premier critère de choix reste un       d’apport plus diversifiés afin de pouvoir y faire de
critère “coup de cœur”. Ce n’est pas parce que le          petits dépôts. Ils ont remarqué que les marques sont
produit est recyclé qu’il sera acheté.                     engagées dans l’économie circulaire et sont sensibles
                                                           à ces engagements, ce qui souligne des enjeux
De cette étude, il ressort donc que les pratiques des      d’image pour les enseignes. L’étude démontre aussi
Français ont évolué. Ils sont davantage séduits par        que la notion de recyclage est à consolider pour les
les achats d’occasion. Ils sont très sensibilisés au       TLC et que des démonstrations sont attendues afin
gaspillage. Ces résultats rendent compte d’une forte       de donner corps au recyclage des textiles.

                           L’ÉTUDE MENÉE SUR
                 LE PÉRIMÈTRE DES METTEURS EN MARCHÉ

                                      Cécile LORIDAN-BICHON,
                                         Chargée d’études, COHDA

                        Comme pour le grand public,        ne poursuivent pas ce projet. L’économie circulaire
                        l’étude en direction des           comme elle a été proposée dans le questionnaire
                        metteurs en marché s’articule      repose sur 8 piliers, 2,2 piliers en moyenne sont
                        autour d’une étude quantita-       activés par les entreprises interrogées. Les trois
                        tive ayant conduit à interroger    piliers plébiscités sont l’allongement de la durée
                        159 metteurs en marché par         d’usage (48 %), la consommation responsable (37 %)
téléphone ou par mail en mars et avril 2018 et autour      et l’extraction-exploitation et les achats durables
d’une phase qualitative de 15 entretiens individuels       (35 %). Les deux piliers les moins abordés sont
en face à face ou par téléphone.                           l’écologie industrielle et territoriale et l’économie
                                                           de la fonctionnalité (pour 11 à 19 % des metteurs en
Il a été demandé à ces metteurs en marché ce
                                                           marché interrogés).
qu’évoquait l’économie circulaire dans la filière des
TLC. Pour 46 %, c’est la réutilisation et le recyclage     Par ailleurs, 23 % des metteurs en marché ont mis en
des TLC en fin de vie, des déchets et des chutes. Pour     œuvre des actions de collecte. Les collectes sont le
25 % d’entre eux, l’économie circulaire n’évoque           plus souvent localisées dans les bornes, les parkings
rien. Pour 46 % des acteurs interrogés, l’économie         ou les magasins, de manière plutôt permanente que
circulaire dans les TLC émerge en douceur mais             ponctuelle et sans contrepartie financière demandée
prend une part de plus en plus visible. Pour 48 %, c’est   aux clients.
une économie qui peine encore à trouver sa place.          Un tiers des metteurs en marché interrogés sensi-
Seuls 6 % considèrent que l’économie circulaire dans       bilisent leurs collaborateurs à leurs actions afin
les textiles a pris un vrai tournant depuis deux ans.      d’alimenter la réflexion, de mobiliser leurs équipes et
Ces acteurs ont également été interrogés sur la            de s’inscrire dans les évolutions positives de la filière.
place de l’économie circulaire dans les stratégies
                                                           PASCAL BLUTEAU :
d’entreprise. Pour 42 % des metteurs en marché
                                                           À ce sujet, il faut insister sur le fait que les metteurs en
interrogés, l’économie circulaire fait partie de leur
                                                           marché interrogés souhaiteraient disposer d’éléments
stratégie d’entreprise et cela avec quatre objectifs
                                                           d’information afin de mieux mobiliser leurs collabora-
principaux : pour s’inscrire dans une démarche RSE,
                                                           teurs. Dans certaines entreprises, le responsable RSE
pour véhiculer une meilleure image, pour se mettre en
                                                           peut être seul à porter sa mission et est demandeur
conformité avec la réglementation et pour s’inscrire
                                                           de soutien pour créer un élan au sein de sa structure.
dans une démarche d’innovation.
                                                           Au-delà des attentes des clients, il est nécessaire
Seuls 4 % des metteurs en marché ont des objectifs         de poser les conditions pour que les entreprises se
clairement affichés et chiffrés sur la thématique de       fédèrent autour de ces objectifs afin de monter en
l’économie circulaire. 20 % n’ont pas encore fixé          puissance et d’embarquer l’ensemble des collabo-
d’objectifs mais c’est en cours d’élaboration. 76 %        rateurs dans la même dynamique. Ces entreprises
n’ont pas fixé d’objectifs sur l’économie circulaire et    attendent que des outils soient mis à leur disposition.
                                                                             MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU   7
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
CÉCILE LORIDAN-BICHON :                                      CÉCILE LORIDAN-BICHON :
    Un tiers des metteurs en marché interrogés                   Les résultats de cette étude démontrent qu’il existe une
    sensibilisent leurs clients aux actions qu’ils mettent       implication croissante des metteurs en marché dans
    en place. Ce bilan est positif auprès du grand public        l’économie circulaire. Deux sur cinq ont mis en place
    en termes d’image comme de vente de ces actions.             une stratégie au sein de leur entreprise. Cependant,
                                                                 des progrès restent à réaliser car peu d’entre eux
    Nous avons également interrogé les metteurs en
                                                                 ont fixé des objectifs à atteindre. La démarche
    marché sur leurs attentes pour la filière. Le maître-mot
                                                                 reste aussi à consolider puisque seuls 2,2 piliers de
    qui ressort est le recyclage, notamment au travers de
                                                                 l’économie circulaire sont activés. Il faut également
    la Recherche et du Développement pour le recyclage
                                                                 retenir que la démarche nécessitera l’engagement
    des matières (pour 91 % d’entre eux).
                                                                 des collaborateurs et une sensibilisation accrue des
    PASCAL BLUTEAU :                                             clients.
    Lors des entretiens qualitatifs, les metteurs en             NATHALIE CROISÉ :
    marché ont insisté largement sur les projets de R&D
                                                                 Je vous remercie pour ces restitutions très riches
    qui doivent se traduire en process industriels. De
                                                                 d’enseignements. Nous notons une vraie sensibili-
    ce point de vue, les metteurs en marché rejoignent
                                                                 sation des Français, cependant 50 % des vêtements
    les préoccupations du grand public et réclament
                                                                 restent encore dans les placards “au cas où”.
    eux aussi des preuves. Il existe une forte attente de
    réalisations qui viennent justifier les efforts.

                                                     ÉCHANGES

                                                                 engouement qui ne concerne pas uniquement les
                                                                 pays développés mais aussi les pays émergents. De
                                                                 nouveaux business models émergent. En Chine, The
                                                                 White Closet regroupe aussi 5 millions d’utilisateurs
                                                                 actifs.

                                                                 NATHALIE CROISÉ :
                                                                 Ce sont des exemples de l’économie de fonctionnalité.

                                                                 FRANÇOIS SOUCHET :
                                                                 Exactement. Ce sont aussi des solutions pour passer
                                                                 du vêtement au style.

                                                                 UNE PARTICIPANTE :
    HÉLÈNE SARFATI, LE FRENCH BUREAU :                           Vous êtes en contact avec des marques de grande
                                                                 consommation, comme H&M, ce qui peut sembler
    À aucun moment, il n’est pas évoqué la possibilité
                                                                 contradictoire avec les objectifs poursuivis puisque
    d’arrêter de produire ou de freiner la production.
                                                                 le business model de ces enseignes repose sur la
    Toutes les pistes allant de la collecte au recyclage en
                                                                 consommation de masse. Existe-t-il des démarches
    passant par l’arrêt de l’utilisation des produits toxiques
                                                                 sincères de la part de ces grandes entreprises ?
    sont envisagées sans aller jusqu’à cette issue. Est-ce
    à dire que l’on ne peut que réparer et non prévenir ?        FRANÇOIS SOUCHET :
                                                                 Pour vraiment révolutionner le système, nous devons
    FRANÇOIS SOUCHET :
                                                                 accepter de travailler avec l’ensemble des parties
    La Fondation Ellen MacArthur réfléchit aux moyens            prenantes de la filière. C’est notre parti pris à la
    de décorréler la création de valeur de l’exploitation        Fondation. Ce qui nous importe aussi c’est que le
    des ressources. La Fondation a d’ailleurs accueilli          Conseil d’administration de ces grandes entreprises
    Julie Wainwright qui a créé The RealReal qui est la          soit convaincu et volontaire dans la démarche. Pour
    plus grosse plateforme de revente de produits de luxe        nous, ce qui importe le plus, c’est la trajectoire que
    qui dépassera des revenus d’un milliard de dollars en        promet l’entreprise engagée et non sa situation
    2019. Cet exemple démontre qu’il existe un nouvel            actuelle.
8   MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
d’autres modèles. Dans tous les cas, en Europe,
                                                            nous devons tendre vers l’harmonisation des
                                                            normes, des obligations et des façons de faire. Avec
                                                            un certain nombre de fédérations d’entreprises et
                                                            d’organisations professionnelles, nous sommes
                                                            amenés à débattre pour déterminer ce que signifie
                                                            produire et consommer autrement en Europe.

                                                            THOMAS HURIEZ, 1083 :
                                                            Je partage l’avis de ceux qui affirment que les petites
                                                            marques et les grandes marques sont très complé-
                                                            mentaires. Les petites marques jouissent d’une plus
                                                            grande liberté intellectuelle et industrielle que les
                                                            grandes enseignes. Nous pouvons partir d’une feuille
RÉMI CRINIÈRE, RESPONSABLE RSE,                             blanche tandis que les grandes entreprises ont des
H&M FRANCE :                                                moyens et un impact plus fort. Par contre, je suis
Les engagements de H&M sont clairs. En 2030, 100 %          en désaccord avec l’idée que nous subissons la
des matériaux qui seront vendus dans nos magasins           demande de nos clients. Nous ne pouvons pas partir
seront recyclés ou issus de ressources durables.            du principe que les consom-
Nous investissons énormément sur les matériaux              mateurs veulent simplement
de demain et nous nouons des partenariats en ce             consommer moins cher et
sens. Pour nous, ces enjeux sont clés. Nous serons          que les producteurs n’ont
10 milliards d’habitants en 2050 et la question des         pas de maîtrise sur cette
terres cultivables se posera alors avec force. Faudra-      tendance. Les marques ont
t-il les consacrer à la production du coton ou à la         aussi leur part de responsa-
production de ressources comestibles ? Ces enjeux           bilité et peuvent faire le choix
doivent nous conduire à sécuriser de nouveaux               d’amener les consommateurs
matériaux et à recycler les matières afin de modifier       dans une autre direction.
notre impact environnemental. Les engagements de
                                                            RÉMI CRINIÈRE, H&M :
H&M en la matière sont transparents et font l’objet de
publications.                                               Ce que j’affirme, c’est simplement que le changement
                                                            des comportements des consommateurs prend
Entre 2010 et 2015, la production et la consommation        du temps. H&M a mis en place un programme de
de textiles a doublé et elle augmentera encore de           collecte en magasin depuis cinq ans et demi. Nous
60 % d’ici 2030 car la population mondiale s’accroît et     avons également lancé le programme Take Care pour
que le niveau moyen de revenus augmente et incite à         réparer les articles, les entretenir et les customiser.
la consommation. La question est de savoir comment          Comme ces changements seront longs, il ne sera pas
nous pourrons répondre à ces besoins.                       possible de proposer qu’un seul business modèle.
Notre entreprise a plus de 70 ans. À l’époque, le textile   De plus, le simple fait de collecter les vêtements en
était peu abordable. H&M a donc basé son business           magasin ne suffira pas car H&M, de manière isolée,
model sur l’accessibilité de tous à la mode. Dans les       ne pourra pas résoudre tous les problèmes. Dans ce
années 2000, nous avons commencé à travailler               domaine, nous ne voulons pas porter un regard naïf
avec des designers pour apporter du luxe dans nos           mais au contraire faire face aux réalités.
collections à des prix abordables. Aujourd’hui, nous
                                                            JEAN-MARC NEVEU, PLAS’TILES :
essayons d’apporter une mode durable à tous.
                                                            Une option pourrait être d’utiliser les déchets du
FRÉDÉRIQUE THUREAU, TCBL :                                  textile pour une autre utilisation que les TLC. Nous
Y a-t-il une vision européenne qu’Eco TLC ambitionne        pensons que ces matières peuvent être utilisées pour
de partager ?                                               fabriquer des matériaux hybrides qui peuvent être
                                                            utilisés pour d’autres destinations, par exemple pour
ALAIN CLAUDOT :                                             le mobilier. Quelles sont les pistes identifiées pour le
La France a été pionnière dans l’initiative consistant      re-use ?
à mettre en place une Responsabilité Élargie du
Producteur. L’expérience de la France est regardée          ALAIN CLAUDOT :
par d’autres pays en Europe et dans le monde. Si            Les mots “savoir”, “preuves”, “durabilité” et
le modèle promu en France est pertinent et peut             “recyclabilité” sont les termes qui ressortent des
être répliqué, il se développera naturellement. Si          deux études qui viennent de nous être présentées
ce n’est pas le cas, il faudra réfléchir ensemble à         et ces quatre mots résonnent avec les attentes des
                                                                             MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU   9
ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
consommateurs et des marques. Ces attentes font            une consigne fixée à 20 ou 30 euros. En fin de vie, il
     aussi écho aux 36 projets soutenus par Eco TLC             sera proposé à nos clients de nous renvoyer leur jeans
     depuis 2010.                                               dans une enveloppe non affranchie. Ces produits
     Je souhaiterais aussi revenir en quelques mots sur         seront renvoyés vers notre recycleur qui se situe au
     notre démarche. Un guide est mis à la disposition des      nord de l’Espagne. Nous travaillons parallèlement sur
     porteurs de projets pour qu’ils préparent leur dossier,    un polyester antibactérien permettant de laver moins
     puis notre Comité Scientifique reçoit les candidatures,    fréquemment le jeans afin de diminuer les émissions
     les sélectionne et les instruit. Dans ces projets, la      de microparticules.
     matière peut être utilisée pour refabriquer du textile,
                                                                Nous travaillons également sur le recyclage du coton
     mais pas uniquement. D’ailleurs, nous avons constaté
                                                                pour refaire un fil à partir d’anciens jeans. Nous savons
     que les opportunités sont plus importantes en boucle
                                                                que le gisement de fibres recyclées n’est pas très
     ouverte qu’en boucle fermée. Ce qui importe c’est
     que les produits issus de ces projets de Recherche         qualitatif puisqu’il a souffert des lavages et des usures.
     & Développement intègrent de la matière recyclée           Plutôt que d’ajouter des fibres longues pour masquer
     et qu’ils soient éco-conçus. Au rang des preuves,          la piètre qualité des fibres recyclées, notre option est
     nous pouvons d’ores et déjà citer – comme nous             de trier les fibres courtes afin de pouvoir refaire un
     l’avons déjà fait en introduction – la raquette de         fil. La cellulose des fibres trop courtes sera ensuite
     ping-pong Softbat d’Armor Lux et Cornilleau et les         récupérée pour refaire un fil. Ainsi, la totalité du coton
     chaussures Ector d’Insoft qui comprend une semelle         effilochée trouvera une valeur ajoutée. Nous sommes
     en caoutchouc récupéré sur d’anciennes paires de           ouverts à tout partenariat pour mener ce projet.
     chaussures.
     Les deux études qui viennent d’être présentées nous
     apprennent que les consommateurs expriment des
     attentes et que les marques ont mis le pied dans
     la mer mais attendent de voir si l’eau est froide ou
     chaude avant de s’y baigner… Certes, cette vision
     est réductrice mais force est de reconnaître que
     certains prônent l’attentisme. À l’inverse, Eco TLC voit
     aussi que les marques s’engagent pleinement. Les
     points de collecte en magasin se développent, les
     responsables RSE sont mobilisés pour porter la foi de
     leur entreprise. Les résultats de ces études m’incitent
     donc à me tourner vers les metteurs en marché.
     Comment réagissent-ils à ces conclusions ? Quelles
     initiatives sont lancées dans les entreprises ?

     ALEXANDRE SUERMONDT,                                       NATHALIE CROISÉ :
     FONDATEUR, ANGARDE :                                       Le modèle économique reposant sur une consigne
     Je suis cofondateur avec ma sœur d’une jeune marque        représentant 30 % du prix de vente est-il viable ?
     de chaussures, Angarde. Nous avons aussi lancé le
                                                                THOMAS HURIEZ, 1083 :
     projet Second Life qui a pour objectif d’offrir une
     deuxième vie à tous les modèles. Nous proposons une        Oui, dès lors que nous embarquons nos clients
     gamme mono-produit, entre sneakers et espadrilles.         dans notre logique et que nous pouvons créer une
     Nous proposons à tous nos clients de nous retourner        communauté autour de nous. Par ailleurs, nous
     gratuitement leurs paires en fin de vie pour qu’elles      sommes aussi convaincus par le modèle de la
     soient recyclées. Nous travaillons avec un collecteur      location. Nous proposons déjà des jeans pour enfants
     basé au Mans, GEBETEX, qui recycle nos produits            à la location. La location est d’ailleurs un autre modèle
     pour en faire un combustible vert. Pour le moment,         captif. Nous poussons aussi à la collecte sélective
     nous n’avons pas encore trouvé le moyen de recycler        alors que le modèle en place nous oblige aujourd’hui
     nos chaussures pour en faire de nouvelles.                 à tout reprendre. En l’occurrence, si nous pouvions
                                                                récupérer que les jeans alors notre gisement serait
     THOMAS HURIEZ, 1083 :                                      mieux qualifié et il serait plus facile de le recycler.
     Chez 1083, nous travaillons sur un jeans en polyester
     recyclé qui sera lancé en octobre. Il sera 100 %           ALAIN CLAUDOT :
     mono-matière, c’est-à-dire que les fils à coudre, les      Rien n’interdit de ne collecter que des jeans. D’autres
     étiquettes, les boutons seront en polyester recyclé. Le    enseignes font le choix de ne collecter que des
     jeans sera vendu à un prix d’environ 100 euros avec        chaussures.
10   MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
THOMAS HURIEZ, 1083 :                                       vendeurs-conseillers et consommateurs. Je propose
C’est exact, mais proposer une collecte sélective           que Caroline y participe aux côtés d’Adèle Rinck,
nous prive de figurer dans la liste des collecteurs qui     Responsable Communication d’Eco TLC.
est accessible sur Internet.
                                                            PASCALE LOCMANE, DIRECTRICE COMMUNICATION
ALAIN CLAUDOT :                                             INTERNE ET RSE DU GROUPE LACOSTE :
Il doit être possible de faire évoluer ces principes.       Chez Lacoste, notre réflexion porte davantage sur
Au départ nous collections tout : aujourd’hui, les          le devenir des invendus. Avant de se tourner vers
collectes spécialisées font sens, mais il faut le faire     les consommateurs pour leur demander de rendre
savoir.                                                     leurs vêtements en fin de vie et de les recycler, notre
                                                            démarche porte sur les invendus de nos collections
                        CAROLINE BOTTIN,                    pour qu’ils soient recyclés et aient une autre vie dans
                        DIRECTRICE RSE, KIABI :             un autre secteur d’activité sachant que Lacoste n’a
                          Chez Kiabi, nous n’avons pas      pas pour positionnement – compte tenu de son
                          démarré très tôt sur ces sujets   image - de réutiliser ses polos pour produire d’autres
                          mais nous sommes en route         produits en maille recyclée. Cette démarche doit
                          désormais, comme beaucoup         aussi associer nos partenaires car nous ne produisons
                          d’entreprises, depuis environ     pas tous nos produits, nous devons aussi embarquer
                          cinq ans. Je souhaite pour ma     nos sourceurs.
                          part témoigner de nos actions
                          en vue d’embarquer tous nos       RAFFAELE DUBY, RESPONSABLE DE L’OFFRE
collaborateurs. Notre ambition est de nous appuyer          ET DE LA CONCEPTION, DECATHLON :
sur de vrais ambassadeurs auprès des clients. Nous          Chez Decathlon, nous avons été aussi confrontés à
devons donc les accompagner pour qu’ils soient              la problématique des invendus, il y a 18 mois. Nous
en mesure de renseigner nos clients sur la matière          avons fait le choix de nouer des partenariats avec
recyclée et sur les programmes que nous mettons             des associations dans une logique de dons. Tous les
en place. Mon souhait est de pouvoir communiquer            quatre mois, nous déstockons nos entrepôts. Il est
davantage auprès de nos clients, sur le web, en             peut-être dommage d’envisager d’emblée la piste du
magasin ou encore par téléphone. Chez Kiabi, nous           recyclage alors que vos produits sont réutilisables en
considérons que ces informations ne doivent pas             l’état, même si je comprends que le business modèle
passer par des énièmes étiquettes accolées sur              de Lacoste vous impose de maintenir une certaine
nos vêtements. Nous souhaitons donc réfléchir               rareté de vos produits.
aux moyens à déployer sur nos lieux de vente
                                                            XAVIER PRUDHOMME,
pour communiquer auprès de nos clients. Nous
                                                            DIRECTEUR GÉNÉRAL,
devons aussi mieux communiquer sur le devenir
                                                            BONOBO :
de la collecte car force est de reconnaître que les
consommateurs mais aussi nos vendeurs ont encore            Nous avons été le premier
des a priori sur le tri. Par exemple, nous devons leur      réseau à avoir mis en place
dire qu’une tache sur un vêtement n’empêche pas             des dispositifs de collecte en
une deuxième vie. Par ailleurs, Kiabi, comme d’autres       magasin en 2009 et à avoir
entreprises du secteur, est implanté dans plusieurs         proposé des jeans en fibres
pays et nous devons aussi réfléchir aux moyens de           recyclées. À l’époque, nous ne
communiquer en passant par des symboles plutôt              savions pas si l’initiative serait
que par du texte.                                           payante. Depuis, nous avons accéléré nos démarches
                                                            et accentué nos travaux autour de la matière. Je
ALAIN CLAUDOT :                                             souhaite apporter une note d’espoir dans le débat car
Les comités d’Eco TLC sont des lieux de construction        je peux vous annoncer que les clients qui achètent
collective. Nous avons un Comité Observatoire               nos produits génèrent 80 % de valeur additionnelle
économique de la filière, un Comité Scientifique            pour l’entreprise.
qui traite les appels à projets, un Comité Maillage
                                                            ALAIN CLAUDOT :
de la collecte, un Comité Tri Matières, un Comité
Barème des éco-contributions. Pour compléter cet            Pour terminer, je souhaite vous informer que nous
arsenal, nous souhaiterions créer d’autres comités,         souhaitons créer un Comité Éco-conception afin
permanents ou ponctuels, en fonction de l’actualité         d’accueillir ceux qui ont envie de travailler sur ces
et qui rassembleraient des acteurs disposés à               questions. Maud Hardy sera la cheffe d’orchestre de
travailler en commun sur un certain nombre de               ce comité.
sujets. L’un de ces comités pourrait porter sur la mise
au point des outils de communication à proposer aux
                                                                             MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU   11
#3 Les chaussures :
                       éco-conception, durabilité, recyclage

                                                   Participent à la table ronde :
                                   Marianella CERVI, Directrice RSE, Timberland
                                  Caroline JOLLY, Responsable RSE, Groupe Éram
                                   Patrick MAINGUENÉ, Directeur général, Insoft

     NATHALIE CROISÉ :
     Avant de recycler, parlons un peu de durabilité.
     Caroline Jolly, pouvez-vous nous parler de votre
     groupe né en 1927 et de son action dans le domaine ?

     CAROLINE JOLLY :
     Nous avons été sollicités par Eco TLC en 2016. Étant
     un acteur important de la chaussure, Eco TLC nous
     a proposé de participer à un appel à projets pour
     rechercher des solutions technologiques afin de
     mieux recycler les chaussures et trouver des débou-
     chés. En réfléchissant à cette thématique, nous avons
     considéré qu’il était réducteur de ne raisonner qu’en
     partant de la fin de vie du produit. Nous avons donc
     plutôt proposé de réfléchir à l’éco-conception pour           été rachetée par VF Corporation qui est une société
     faciliter le désassemblage des chaussures. Nous               basée en Suisse. Depuis sa création par la famille,
     avons aussi souhaité réfléchir au modèle économique           Timberland s’est toujours inscrit dans une démarche
     en partant de la possibilité d’allonger la durée de vie       sociale. Les fondateurs étaient d’ailleurs visionnaires
     d’une chaussure. Ce projet s’inscrit dans la logique de       dès l’origine et ont souhaité travailler dès le départ sur
     l’économie de fonctionnalité.                                 les matériaux pour qu’ils soient durables. Depuis lors,
                                                                   nos engagements n’ont pas faibli et notre volonté est
     NATHALIE CROISÉ :                                             d’accélérer le mouvement.
     Une de vos enseignes est également précurseur en
                                                                   NATHALIE CROISÉ :
     matière de durabilité des produits.
                                                                   Patrick Mainguené, pouvez-vous revenir en quelques
                                CAROLINE JOLLY :                   mots sur votre parcours ?
                                En effet, Gémo est moteur sur
                                                                   PATRICK MAINGUENÉ :
                                l’éco-modulation grâce aux
                                efforts fournis par ses équipes    Je suis fier de voir toute l’équipe Eco TLC chaussée
                                Produits et Qualité qui ont        de nos produits Ector. Avant de participer à la mise
                                travaillé sur la résistance de     sur le marché de ces premières chaussures 100 %
                                nos produits, d’abord textiles,    recyclés, j’ai travaillé dans la chaussure et dans le
                                mais qui poursuivent leurs         bagage pour des sociétés outdoor pendant 20 ans.
                                efforts sur les chaussures.        En créant Insoft il y a sept ans, ma volonté était de
                                                                   m’affranchir des cycles de collection pour renouer
     NATHALIE CROISÉ :                                             avec des méthodes de fabrication soucieuses de
     Marianella Cervi, Directrice RSE de Timberland,               l’environnement. Avec Insoft, mon envie est de
     l’entreprise familiale est née en 1952. Pouvez-vous           fabriquer des produits responsables fabriqués en
     revenir sur l’engagement de l’entreprise ?                    France. Passionné de nouvelles technologies, je
                                                                   constate que des innovations émergent actuellement
     MARIANELLA CERVI :                                            et permettent de penser de manière différente le cycle
     Timberland n’est pas né en 1952 mais il y a déjà 80           de vie de la chaussure. Avec Ector, nous proposons
     ans car la marque existait avant sous un autre nom.           un produit qui respecte l’environnement, fabriqué
     Timberland est une entreprise familiale qui a ensuite         localement et qui est innovant. Le développement
12   MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
noué des partenariats avec l’industrie automobile
                                                           pour récupérer ses pneus. Conscient de la sensi-
                                                           bilité du caoutchouc, nous soutenons Rainforest
                                                           Alliance et WWF pour soutenir leurs recherches sur le
                                                           caoutchouc durable. Nous encourageons aussi nos
                                                           fournisseurs pour qu’ils puissent aller plus loin dans
                                                           cette voie de progrès.

                                                           NATHALIE CROISÉ :
                                                           Chez Éram, c’est le volet de l’économie de la fonc-
                                                           tionnalité qui est exploré.

                                                           CAROLINE JOLLY :
                                                           Tout à fait, notre parti pris est de produire moins
d’Ector a commencé il y a plus de quatre ans. Il a fallu   et de créer de la valeur autrement pour les
trouver des partenaires qui soient capables de nous        consommateurs. Suite à la publication de leur
suivre pour faire une chaussure tricotée à partir de       rapport sur l’éco-conception, l’ADEME a décidé de
fibres plastiques.                                         nous soutenir. Pour mener cette réflexion, nous
                                                           avons osé faire un pas de côté pour réfléchir aux
NATHALIE CROISÉ :
                                                           services nouveaux que nous pouvions apporter en
C’est un point commun avec Timberland qui fait             allongeant la durée de vie de nos produits. C’est
aussi un usage de bouteilles en plastique PET pour         en sortant de nos habitudes que nous avons pu
la fabrication de ses chaussures et de ses vêtements.      identifier de nouvelles valeurs ajoutées à proposer
Pouvez-vous nous parler de votre gamme éco-                à nos consommateurs. Notre démarche, qui est
responsable Earthkeepers ?                                 encore expérimentale, sera lancée en octobre et
                        MARIANELLA CERVI :                 testée avec nos clients et nos collaborateurs qui ne
                                                           seront plus simplement des conseillers de vente mais
                        Notre vision est de devenir
                                                           aussi des coachs en mode auprès de nos clientes.
                        la marque de lifestyle/
                        outdoor la plus durable au         Une vidéo de présentation du BO Projet d’Eram est
                        monde. Lorsque nous avons          projetée.
                        commencé, il n’existait pas
                        encore une demande du              NATHALIE CROISÉ :
                        marché. Notre philosophie          BO Projet, finalement, vise à
                        et notre conviction sont donc      développer la logique de la
                        au cœur de nos actions.            seconde main qui intéresse
                                                           de plus en plus les Français.
Une vidéo est projetée pour présenter la gamme
Earthkeepers.                                              CAROLINE JOLLY :
Nos actions s’inscrivent en ligne avec notre logo qui      En effet, nous proposons un
est un arbre et qui doit être le reflet de notre action    abonnement à nos clientes
au quotidien. Notre engagement est tracé dans des          tandis que notre partenaire
objectifs à 2020. Nos dirigeants ont pris l’engage-        industriel récupèrera les produits portés pour les
ment que 100 % de nos lignes de produits incluent au       remettre en état, les nettoyer et les remettre sur
moins un matériau recyclé ou renouvelable dans leur        le marché de la seconde main avec une option de
composition. Cet engagement couvre nos gammes              location ou de vente. Dans tous les cas, nous nous
de chaussures comme les vêtements et tous nos              engageons à reprendre les chaussures jusqu’à leur fin
accessoires. Nous respectons pour cela des normes          de vie et à les envoyer dans une filière de recyclage
environnementales très strictes avec du PET recyclé        adaptée. Le projet se recentre sur le style pour guider
et du cuir issu de tanneries certifiées mais aussi du      nos clientes dans leurs choix tout en assurant la fin de
coton bio et du caoutchouc recyclé.                        vie des produits par des systèmes de boucle fermée.
Notre engagement est aussi social et sociétal. Nous        NATHALIE CROISÉ :
avons établi un partenariat avec Thread basé en Haïti,     Vous faites aussi le choix de clients qui viennent en
deuxième pays le plus pauvre au monde. Ce parte-           magasin.
nariat permet à des Haïtiens d’avoir un travail en
récupérant des bouteilles qui sont ensuite recyclées       CAROLINE JOLLY :
pour nos productions. Nous avons également recyclé         C’est la première étape. Nous verrons ensuite
plus de 2 millions de kilogrammes de caoutchouc et         comment déployer le même concept sur le web.
                                                                            MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU   13
NATHALIE CROISÉ :
     Alors que l’on annonce que le secteur est en crise,
     est-ce aussi une manière de vous réinventer ?

     CAROLINE JOLLY :
     Tout à fait, c’est réinventer la mode mais aussi nos
     modes de fabrication et de commercialisation mais
     aussi de relation avec nos clients. Nous espérons
     que nos clients vont nous suivre dans ces nouveaux
     modes de consommation responsable.

     NATHALIE CROISÉ :
     Timberland envisage-t-il aussi la location de ses
     chaussures ?
                                                                 Le vieux campeur. Nous avons vendu à date près
     MARIANELLA CERVI :                                          de 30 000 paires de chaussures. Dans une logique
     Tout à fait car nos consommateurs ne souhaitent             d’économie circulaire, nous souhaitons collecter les
     pas toujours être propriétaires des produits. Nous          chaussures Ector en fin de vie, en proposant à nos
     sommes encore à un stade précoce de la réflexion.           clients de supporter le prix du retour du produit. Nous
     Nous avons aussi commencé à lancer une nouvelle             pourrons ainsi récupérer le textile pour le confier à
     ligne de vêtements sur une plateforme expérimen-            notre partenaire qui en fera du granulé pour refaire
     tale qui nous permet de revoir notre approche et qui        un fil et récupérer la semelle. Pour celle-ci, plusieurs
     rejoint le concept d’économie circulaire.                   pistes sont possibles dont celle lancée avec SOEX
                                                                 situé près de Berlin. Ector est plus qu’une chaussure.
     NATHALIE CROISÉ :
                                                                 Il faut six bouteilles plastique pour faire une paire
     Revenons à la fabrication de la chaussure. Patrick          d’Ector. L’avantage du tricotage est que cette tech-
     Mainguené, quelle est votre approche ?                      nique permet de supprimer les chutes liées au process
                                                                 industriel traditionnel. Aujourd’hui, les chaussures
     PATRICK MAINGUENÉ :
                                                                 sont assemblées avec beaucoup de matières diffé-
     Chez Ector, notre idée est d’associer le style et l’éco-    rentes. Il faut donc utiliser des filtres pour recycler
     nomie circulaire. Sans style, nous sommes convaincus        le produit. L’éco-conception est donc fondamentale
     que nos produits ne peuvent pas se vendre. Nous             tout comme la qualité du gisement. Pour cette raison,
     avons donc souhaité créer un produit qui donne              je suis convaincu que la collecte dans les magasins
                               envie. Nous avons pour cela       est primordiale car ce sont les marques qui peuvent
                               noué un partenariat avec un       le mieux réaliser le tri des produits qu’ils ont réalisés.
                               tricoteur qui travaille depuis
                               100 ans à Saint-Etienne dans      NATHALIE CROISÉ :
                               le domaine du médical et qui      Timberland est aussi moteur dans la récupération de
                               nous a accompagné dans ce         ses produits.
                               projet pour réaliser une chaus-
                               sure qui intègre un fil issu du   MARIANELLA CERVI :
                               recyclage des bouteilles plas-    Timberland encourage en effet ses consommateurs
                               tiques. L’ensemble du produit     à déposer leurs produits avec le programme Second
     est éco-conçu pour limiter le nombre de matériaux           Chance. Ce programme a été lancé fin 2016 en
     qui le constitue. La chaussure Ector est lavable en         Allemagne avant d’être déployé dans d’autres pays
     machine afin de pouvoir durer. Nous intégrons un fil        européens en 2017. Nous proposons aujourd’hui
     continu pour réduire la dispersion des fibres lors des      des collecteurs de chaussures dans 130 magasins.
     lavages. Nous continuerons à mener des recherches           En déposant leurs chaussures, nos clients peuvent
     dans ce domaine pour réduire notre impact envi-             bénéficier d’une réduction de 10 % sur leurs prochains
     ronnemental. Au départ, nous avions opté pour des           achats. Nous envoyons ensuite les chaussures dans
     fibres naturelles, mais le besoin de maintien nous a        un centre de collecte et de recyclage. Ces collecteurs
     conduit à utiliser un fil continu issu du recyclage des     sont aussi installés chez nos partenaires. Depuis un
     bouteilles en plastique.                                    an, nous avons réussi à collecter près de 3 000 kg,
                                                                 soit près de 5 000 paires.
     Nous avons commercialisé nos premières chaussures
     en utilisant la plateforme de financement participatif      NATHALIE CROISÉ :
     Ulule. Nous avons livré nos premières paires d’Ector        Pour Éram, la collecte est-elle aussi une piste de
     en mai 2017. Nous avons été tout de suite suivi par         travail ?
14   MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
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