ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES - "De la vision à l'action" - COMPTE-RENDU - Eco TLC
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22 JUIN 2018 ÉCONOMIE CIRCULAIRE, LE POUVOIR DES MARQUES “De la vision à l’action” MATINÉE D’ÉCHANGES D’ECO TLC COMPTE-RENDU MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
SOMMAIRE ÉCONOMIE CIRCULAIRE : LE POUVOIR DES MARQUES “De la vision à l’action” #1 Une nouvelle économie pour la filière textile : redessiner le futur de la mode. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 #2 Économie circulaire en France : où en sommes-nous ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 #3 Les chaussures : éco-conception, durabilité, recyclage.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 2 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
# 5 ÉCONOMIE CIRCULAIRE : LE POUVOIR DES MARQUES “De la vision à l’action” Jérôme OBRY, Président général d’Eco TLC Bonjour à tous et toutes, meilleure offre de services. Nous devons absolument faire évoluer notre manière d’exercer notre métier. Nous sommes très heureux C’est grâce au pouvoir des marques que nous de vous accueillir pour cette pourrons réussir ce changement. cinquième édition du pouvoir des marques. En introduction, Parallèlement, l’éco-organisme vit une crise positive – je souhaite partager avec vous le fait que nous de réaffirmation de sa mission – et vise à se recentrer aurons réellement besoin du pouvoir des marques sur l’économie circulaire et cela pour renouer avec le car notre métier est en crise et que l’éco-organisme sens du service, la responsabilité et le sens de notre en traverse une également. Nous observons depuis mission. plusieurs années des signaux faibles appelant à nous Au cours de cette matinée, nous pourrons partager moderniser. ensemble sur nos transformations et notre chemi- Cette modernisation de nos marques passera par nement vers une économie plus circulaire. Nathalie davantage de sens mis dans nos produits, par une Croisé, qui est notre témoin depuis cinq ans, animera plus grande responsabilisation dans l’exercice de les différentes tables rondes qui vont suivre. Je lui nos métiers, par une transparence accrue, par une cède la parole. Nathalie CROISÉ, Journaliste Environnement Je suis ravie de vous retrouver Puis, Pascal Bluteau de Strategir WSA et Cécile pour cette cinquième édition Loridan-Bichon de COHDA viendront exposer les du Pouvoir des Marques. résultats de l’étude sur les Français et la deuxième vie des textiles et des chaussures ainsi que les résultats du Les interventions qui vont baromètre de l’engagement des metteurs en marché. suivre vont démontrer que le secteur innove et que des marques s’engagent. Au Pour terminer notre matinée, une table ronde sera programme de nos échanges, nous commencerons consacrée aux chaussures autour de Marianella par entendre François Souchet, de la Fondation Ellen Cervi, directrice RSE de Timberland, de Caroline Jolly MacArthur, qui évoquera les enjeux à relever pour les du groupe Éram et de Patrick Mainguené d’Insoft qui metteurs en marché. nous présentera également le projet de SOEX. Vous pourrez régulièrement poser vos questions lors des temps d’échanges. MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU 3
#1 Une nouvelle économie pour la filière textile : redessiner le futur de la mode François SOUCHET, Directeur du programme Make Fashion Circular, Fondation Ellen MacArthur La vidéo de présentation porte de moins en moins longtemps les vêtements de Make Fashion Circular est que l’on produit, c’est-à-dire que l’industrie repose projetée. de plus en plus sur un modèle extractif. Or, force est de reconnaître que ce modèle linéaire fait perdre NATHALIE CROISÉ : beaucoup d’argent à l’industrie : près de 500 milliards Monsieur Souchet, pour quelles raisons devons-nous de dollars par an sans compter le coût de la pollution. changer de modèle ? Rappelons à ce titre que l’industrie est responsable FRANÇOIS SOUCHET : de 20 % de la pollution de l’eau et représentera 25 % du bilan carbone global d’ici 2050. Par ailleurs, Avant de répondre à votre question, je souhaite sachant que 60 % des matériaux utilisés par l’industrie revenir sur la genèse de la Fondation Ellen MacArthur. sont plastiques, le lavage de nos vêtements conduit à Créée en 2010 par la recordwoman du tour du monde disperser des microfibres plastiques dans les océans. à la voile, la Fondation est née d’un constat simple : nous vivons dans un monde où les ressources sont Face à ce constat, nous nous sommes penchés sur les limitées alors que nous les exploitons comme si elles alternatives possibles. Nous identifions quatre leviers étaient infinies. La Fondation vise donc à réfléchir aux que peut actionner l’industrie pour réussir le virage nouveaux modèles économiques qui nous permet- vers l’économie circulaire. Ces quatre ambitions sont traient d’optimiser l’utilisation des ressources. La les suivantes : Fondation travaille sur la modélisation de cette tran- • éliminer toute substance toxique de la chaîne de sition et réfléchit avec des entreprises, des pouvoirs valeur et identifier les moyens pour que les matériaux publics, des institutions et d’autres ONG pour que ces ne relâchent pas de microfibres non biodégradables ; nouveaux modes de penser, de produire et de faire s’imprègnent partout dans le monde. Nos travaux de • allonger la durée de vie des vêtements, non seule- recherche visent différents secteurs d’activité et de ment dans l’optique de les porter plus longtemps multiples géographies. En 2015, la Fondation a créé mais aussi pour élargir leur fréquence d’utilisation ; des initiatives systémiques permettant de se focaliser • améliorer la capacité de recyclage des vêtements sur une industrie en réunissant 50 acteurs clé de ladite (sachant que moins de 1 % des matériaux sont industrie, à chaque étape de la chaîne de valeur, afin aujourd’hui recyclés à un niveau de qualité équiva- de créer en commun un “unstoppable momentum”, lent) ; c’est-à-dire une dynamique qui ne saura être stoppée et qui privilégiera l’économie circulaire. Cette trajec- • favoriser l’utilisation de sources renouvelables pour toire systémique a commencé sur les emballages tous les matériaux qui ne pourront pas provenir de plastiques en 2015. En 2018, notre démarche vise sources recyclées. l’industrie textile. NATHALIE CROISÉ : NATHALIE CROISÉ : La Fondation Ellen MacArthur a pour ambition Quelle est votre vision du marché des TLC ? Quels d’entraîner les industries dans sa démarche. Quelles sont les enjeux clés à relever pour les metteurs en sont les initiatives en cours ? marché ? FRANÇOIS SOUCHET : FRANÇOIS SOUCHET : Des initiatives sont en effet lancées. Il faut retenir que En 2017, nous avons édité un rapport avec le soutien le panorama n’est pas si sombre. Pour emmener les de McKinsey avec 40 organisations industrielles et acteurs dans une trajectoire de transformation, nous une centaine d’experts individuels. Il ressort de cette partons du principe qu’il faut construire ensemble étude que nous perdons tout ce que nous produi- sur une vision positive qui est celle d’une industrie sons. Chaque seconde, l’équivalent d’un camion de qui fonctionne, d’une industrie qui participe à la déchets part en incinération ou en déchèterie. On régénération et la restauration par conception et une 4 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
industrie qui a conscience qu’elle évolue dans un La Fondation Ellen MacArthur est une ONG, régulée monde où les ressources sont limitées. Nous avons par le code des charity, c’est-à-dire que nous bâti un groupe de leaders de l’industrie qui sont œuvrons pour le bien commun. Sur les emballages impliqués dans cette dynamique. Ces entreprises en plastique, nous avons lancé diverses initiatives représentent l’ensemble de la chaîne de valeur, avec dont la remise de prix de l’innovation. Plus de 10 % de grands noms des matériaux (Lenzing, Dupont, des producteurs se sont engagés à ce que leurs etc.), des entreprises manufacturières au Bangladesh, emballages soient recyclables, réutilisables ou en Europe et des marques qui vont du luxe en passant compostables d’ici à 2025. Nous nouons désormais par le high street et par l’outdoor. Ce groupe travaille des partenariats avec des groupes locaux pour que en commun afin que les objectifs identifiés puissent ces engagements puissent être repris au niveau local devenir réalité partant du principe que la mise en et conduits par des entreprises locales. commun des forces de chacun peut conduire à transformer l’industrie. NATHALIE CROISÉ : Alors que le secteur est en crise, l’économie circulaire NATHALIE CROISÉ : est-elle vraiment la clé ? Les entreprises font-elles Ces entreprises doivent-elles signer une charte pour montre de dynamisme ? notifier leur engagement ? FRANÇOIS SOUCHET : FRANÇOIS SOUCHET : Absolument. Le dynamisme de l’industrie est réel. Notre méthode repose sur un groupe de travail perma- L’industrie de la mode est l’une des plus conscientes nent pour une durée de trois années. Celui-ci a pour de son impact sur l’environnement. Elle affiche une mission d’explorer les solutions possibles. La méthode réelle volonté d’être proactive dans la résolution des est itérative. Nous travaillons sur des pistes diverses problèmes. afin de pousser de nouveaux business modèles. Ces projets sont testés avant de pouvoir les ajuster afin qu’ils puissent être déployables et reproductibles. #2 Économie circulaire en France : où en sommes-nous ? Maud HARDY, Directrice Économie Circulaire d’Eco TLC NATHALIE CROISÉ : an et par personne qui est collecté. Nous avons donc Maud Hardy, quels sont les dépassé le seuil fatidique des 30 %, puisque la collecte enjeux à relever pour Eco TLC ? représente désormais 36 % du volume produit. Par ailleurs, 99,7 % des TLC collectés sont valorisés, c’est- MAUD HARDY : à-dire réutilisés ou recyclés. Ces chiffres démontrent Avant de répondre à votre que la filière se transforme grâce aux metteurs en question, je souhaite témoigner que, ayant participé au marché et grâce aux opérateurs de la filière. kick off de Make Fashion Circular de la Fondation Ellen L’année 2018 sera une année charnière pour Eco TLC MacArthur, 50 entreprises sont véritablement enga- car nous devons préparer le troisième agrément. Pour gées dans la démarche. Elles ont la réelle volonté de ce faire, plusieurs études ont été menées pour dresser changer de business modèles et de changer de monde. un bilan et interroger les marques sur leurs attentes. Eco TLC est très fier de faire partie de ce groupe. En particulier, deux études ont été conduites dont les Commençons par quelques chiffres qui permettent résultats vont vous être présentés dans un instant. de dresser un panorama de la situation actuelle en En complément, une étude sur l’impact du geste de France. Aujourd’hui, 9,5 kg de vêtements et chaussures tri a été conduite par Eco TLC. Elle conclut que ce sont mis en marché par an et par personne, ce qui geste est utile puisque la collecte d’un kilogramme représente 2,6 milliards de pièces et 624 000 tonnes. de textiles dans un point d’apport volontaire permet Au niveau de la collecte, c’est un volume de 3,4 kg par d’éviter l’émission de 25 kg de CO2. MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU 5
LES FRANÇAIS ET LES TEXTILES D’HABILLEMENT, LE LINGE DE MAISON ET LES CHAUSSURES Pascal BLUTEAU, Directeur général Strategir WSA Deux enquêtes ont été PASCAL BLUTEAU : menées auprès d’un panel Tout à fait, l’achat d’occasion est à la fois un de Français : une enquête moyen d’acheter à moindre coût tout en étant quantitative auprès de 1 000 un achat d’opportunité. Ce mouvement est aussi personnes représentatives de facilité par le fait qu’il existe de plus en plus de la population française que plateformes qui facilitent la revente (Le Bon Coin, nous avons interrogées via un questionnaire diffusé Vinted, etc.). Hier, ces reventes étaient freinées en ligne en avril 2018 ; une enquête qualitative pour par le fait que les consommateurs devaient se creuser les comportements. Il ressort de la phase rendre dans des dépôts-ventes à l’ancienne dont quantitative de cette étude que près de 8 Français les abords n’étaient pas forcément attrayants. Ces sur 10 ont le sentiment d’avoir changé leur façon de nouvelles applications rendent le geste de revente consommer les vêtements et les chaussures. Ils affir- et d’achat d’occasion plus sexy et plus facile. Pour ment adopter des comportements de consommation autant, toutes les personnes interrogées ne sont plus responsables et plus raisonnés, de favoriser le tri pas convaincues par les vêtements d’occasion et et le recyclage, d’opter plus souvent pour la revente une part importante reste encore attachée aux et de favoriser le don. vêtements neufs. 78 % des Français disent faire le tri de leurs placards. Ces indicateurs démontrent que le marché a Cependant, le sens du mot “tri” a changé. Il est désor- évolué et qu’il est prêt à réaliser un virage car il est mais évoqué, le tri utile, car le tri doit permettre d’éviter largement sensibilisé à la notion de tri mais aussi à de jeter et notamment par le don aux proches. Pour la notion de gaspillage. Les Français attendent aussi les vêtements d’enfants, le tri est naturel. Beaucoup des informations sur le devenir des produits triés. de Français pensent aussi à trier pour revendre car les Le recyclage des produits est connu pour certaines TLC ont une valeur monétaire ou encore pour faire du troc. matières comme la canette de soda qui devient un caddy ou encore pour la bouteille en plastique Par ailleurs, les personnes interrogées affirment être qui devient de la polaire. Ces deuxièmes vies sont sensibles à la durabilité des produits. 61 % des Fran- presque perçues comme de la magie, comme de la çais déclarent entretenir mieux leurs textiles pour réincarnation. Le recyclage donne ainsi un sens au en augmenter la durabilité. 91 % ont déjà réparé ou geste de tri et le soutient. retouché leurs textiles. Mais il faut reconnaître que ces chiffres doivent être relativisés car ce sont en NATHALIE CROISÉ : fait les belles pièces qui sont retouchées. D’autres Quelles connaissances ont les Français du geste de catégories de vêtements sont davantage considérés tri ? comme des biens à consommer. Quoi qu’il en soit, ce chiffre témoigne qu’il existe une attention portée à PASCAL BLUTEAU : la durabilité des produits. Lors de la phase qualitative, Les Français savent à 95 % qu’il existe des bornes de les personnes interrogées ont évoqué les notions collecte dans les rues ou dans les déchèteries pour d’obsolescence programmée, considérant que cette 83 % d’entre eux. À ce sujet, je tiens à souligner que logique tend à contaminer l’univers du textile. la déchèterie jouit d’une relative bonne image auprès D’un autre côté, de manière quelque peu surpre- des personnes interrogées, notamment dans les nante, l’enquête nous apprend que 6 Français sur régions, car les déchèteries se sont modernisées. 10 ont déjà acheté des TLC d’occasion. Par le passé, 85 % des répondants savent que les associations et l’achat d’occasion était perçu comme “l’achat radin” ressourceries collectent des TLC. 73 % des Français mais ces résultats nous démontrent qu’il est devenu connaissent la collecte en magasin. Cependant, seul “l’achat malin”. C’est un changement de fond dans les un tiers des personnes interrogées disent déposer comportements des consommateurs. leurs vêtements en magasin. Les Français ont une bonne connaissance de NATHALIE CROISÉ : l’engagement des marques : deux tiers des Français C’est aussi un moyen pour réaliser des économies. Ne ont su citer une marque engagée dans l’économie nous en cachons pas ! circulaire. 6 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
78 % des Français savent par ailleurs que certains notoriété des points d’apport volontaire, mais les produits sont recyclés mais seulement 30 % en ont Français souhaiteraient pouvoir disposer de points déjà acheté car le premier critère de choix reste un d’apport plus diversifiés afin de pouvoir y faire de critère “coup de cœur”. Ce n’est pas parce que le petits dépôts. Ils ont remarqué que les marques sont produit est recyclé qu’il sera acheté. engagées dans l’économie circulaire et sont sensibles à ces engagements, ce qui souligne des enjeux De cette étude, il ressort donc que les pratiques des d’image pour les enseignes. L’étude démontre aussi Français ont évolué. Ils sont davantage séduits par que la notion de recyclage est à consolider pour les les achats d’occasion. Ils sont très sensibilisés au TLC et que des démonstrations sont attendues afin gaspillage. Ces résultats rendent compte d’une forte de donner corps au recyclage des textiles. L’ÉTUDE MENÉE SUR LE PÉRIMÈTRE DES METTEURS EN MARCHÉ Cécile LORIDAN-BICHON, Chargée d’études, COHDA Comme pour le grand public, ne poursuivent pas ce projet. L’économie circulaire l’étude en direction des comme elle a été proposée dans le questionnaire metteurs en marché s’articule repose sur 8 piliers, 2,2 piliers en moyenne sont autour d’une étude quantita- activés par les entreprises interrogées. Les trois tive ayant conduit à interroger piliers plébiscités sont l’allongement de la durée 159 metteurs en marché par d’usage (48 %), la consommation responsable (37 %) téléphone ou par mail en mars et avril 2018 et autour et l’extraction-exploitation et les achats durables d’une phase qualitative de 15 entretiens individuels (35 %). Les deux piliers les moins abordés sont en face à face ou par téléphone. l’écologie industrielle et territoriale et l’économie de la fonctionnalité (pour 11 à 19 % des metteurs en Il a été demandé à ces metteurs en marché ce marché interrogés). qu’évoquait l’économie circulaire dans la filière des TLC. Pour 46 %, c’est la réutilisation et le recyclage Par ailleurs, 23 % des metteurs en marché ont mis en des TLC en fin de vie, des déchets et des chutes. Pour œuvre des actions de collecte. Les collectes sont le 25 % d’entre eux, l’économie circulaire n’évoque plus souvent localisées dans les bornes, les parkings rien. Pour 46 % des acteurs interrogés, l’économie ou les magasins, de manière plutôt permanente que circulaire dans les TLC émerge en douceur mais ponctuelle et sans contrepartie financière demandée prend une part de plus en plus visible. Pour 48 %, c’est aux clients. une économie qui peine encore à trouver sa place. Un tiers des metteurs en marché interrogés sensi- Seuls 6 % considèrent que l’économie circulaire dans bilisent leurs collaborateurs à leurs actions afin les textiles a pris un vrai tournant depuis deux ans. d’alimenter la réflexion, de mobiliser leurs équipes et Ces acteurs ont également été interrogés sur la de s’inscrire dans les évolutions positives de la filière. place de l’économie circulaire dans les stratégies PASCAL BLUTEAU : d’entreprise. Pour 42 % des metteurs en marché À ce sujet, il faut insister sur le fait que les metteurs en interrogés, l’économie circulaire fait partie de leur marché interrogés souhaiteraient disposer d’éléments stratégie d’entreprise et cela avec quatre objectifs d’information afin de mieux mobiliser leurs collabora- principaux : pour s’inscrire dans une démarche RSE, teurs. Dans certaines entreprises, le responsable RSE pour véhiculer une meilleure image, pour se mettre en peut être seul à porter sa mission et est demandeur conformité avec la réglementation et pour s’inscrire de soutien pour créer un élan au sein de sa structure. dans une démarche d’innovation. Au-delà des attentes des clients, il est nécessaire Seuls 4 % des metteurs en marché ont des objectifs de poser les conditions pour que les entreprises se clairement affichés et chiffrés sur la thématique de fédèrent autour de ces objectifs afin de monter en l’économie circulaire. 20 % n’ont pas encore fixé puissance et d’embarquer l’ensemble des collabo- d’objectifs mais c’est en cours d’élaboration. 76 % rateurs dans la même dynamique. Ces entreprises n’ont pas fixé d’objectifs sur l’économie circulaire et attendent que des outils soient mis à leur disposition. MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU 7
CÉCILE LORIDAN-BICHON : CÉCILE LORIDAN-BICHON : Un tiers des metteurs en marché interrogés Les résultats de cette étude démontrent qu’il existe une sensibilisent leurs clients aux actions qu’ils mettent implication croissante des metteurs en marché dans en place. Ce bilan est positif auprès du grand public l’économie circulaire. Deux sur cinq ont mis en place en termes d’image comme de vente de ces actions. une stratégie au sein de leur entreprise. Cependant, des progrès restent à réaliser car peu d’entre eux Nous avons également interrogé les metteurs en ont fixé des objectifs à atteindre. La démarche marché sur leurs attentes pour la filière. Le maître-mot reste aussi à consolider puisque seuls 2,2 piliers de qui ressort est le recyclage, notamment au travers de l’économie circulaire sont activés. Il faut également la Recherche et du Développement pour le recyclage retenir que la démarche nécessitera l’engagement des matières (pour 91 % d’entre eux). des collaborateurs et une sensibilisation accrue des PASCAL BLUTEAU : clients. Lors des entretiens qualitatifs, les metteurs en NATHALIE CROISÉ : marché ont insisté largement sur les projets de R&D Je vous remercie pour ces restitutions très riches qui doivent se traduire en process industriels. De d’enseignements. Nous notons une vraie sensibili- ce point de vue, les metteurs en marché rejoignent sation des Français, cependant 50 % des vêtements les préoccupations du grand public et réclament restent encore dans les placards “au cas où”. eux aussi des preuves. Il existe une forte attente de réalisations qui viennent justifier les efforts. ÉCHANGES engouement qui ne concerne pas uniquement les pays développés mais aussi les pays émergents. De nouveaux business models émergent. En Chine, The White Closet regroupe aussi 5 millions d’utilisateurs actifs. NATHALIE CROISÉ : Ce sont des exemples de l’économie de fonctionnalité. FRANÇOIS SOUCHET : Exactement. Ce sont aussi des solutions pour passer du vêtement au style. UNE PARTICIPANTE : HÉLÈNE SARFATI, LE FRENCH BUREAU : Vous êtes en contact avec des marques de grande consommation, comme H&M, ce qui peut sembler À aucun moment, il n’est pas évoqué la possibilité contradictoire avec les objectifs poursuivis puisque d’arrêter de produire ou de freiner la production. le business model de ces enseignes repose sur la Toutes les pistes allant de la collecte au recyclage en consommation de masse. Existe-t-il des démarches passant par l’arrêt de l’utilisation des produits toxiques sincères de la part de ces grandes entreprises ? sont envisagées sans aller jusqu’à cette issue. Est-ce à dire que l’on ne peut que réparer et non prévenir ? FRANÇOIS SOUCHET : Pour vraiment révolutionner le système, nous devons FRANÇOIS SOUCHET : accepter de travailler avec l’ensemble des parties La Fondation Ellen MacArthur réfléchit aux moyens prenantes de la filière. C’est notre parti pris à la de décorréler la création de valeur de l’exploitation Fondation. Ce qui nous importe aussi c’est que le des ressources. La Fondation a d’ailleurs accueilli Conseil d’administration de ces grandes entreprises Julie Wainwright qui a créé The RealReal qui est la soit convaincu et volontaire dans la démarche. Pour plus grosse plateforme de revente de produits de luxe nous, ce qui importe le plus, c’est la trajectoire que qui dépassera des revenus d’un milliard de dollars en promet l’entreprise engagée et non sa situation 2019. Cet exemple démontre qu’il existe un nouvel actuelle. 8 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
d’autres modèles. Dans tous les cas, en Europe, nous devons tendre vers l’harmonisation des normes, des obligations et des façons de faire. Avec un certain nombre de fédérations d’entreprises et d’organisations professionnelles, nous sommes amenés à débattre pour déterminer ce que signifie produire et consommer autrement en Europe. THOMAS HURIEZ, 1083 : Je partage l’avis de ceux qui affirment que les petites marques et les grandes marques sont très complé- mentaires. Les petites marques jouissent d’une plus grande liberté intellectuelle et industrielle que les grandes enseignes. Nous pouvons partir d’une feuille RÉMI CRINIÈRE, RESPONSABLE RSE, blanche tandis que les grandes entreprises ont des H&M FRANCE : moyens et un impact plus fort. Par contre, je suis Les engagements de H&M sont clairs. En 2030, 100 % en désaccord avec l’idée que nous subissons la des matériaux qui seront vendus dans nos magasins demande de nos clients. Nous ne pouvons pas partir seront recyclés ou issus de ressources durables. du principe que les consom- Nous investissons énormément sur les matériaux mateurs veulent simplement de demain et nous nouons des partenariats en ce consommer moins cher et sens. Pour nous, ces enjeux sont clés. Nous serons que les producteurs n’ont 10 milliards d’habitants en 2050 et la question des pas de maîtrise sur cette terres cultivables se posera alors avec force. Faudra- tendance. Les marques ont t-il les consacrer à la production du coton ou à la aussi leur part de responsa- production de ressources comestibles ? Ces enjeux bilité et peuvent faire le choix doivent nous conduire à sécuriser de nouveaux d’amener les consommateurs matériaux et à recycler les matières afin de modifier dans une autre direction. notre impact environnemental. Les engagements de RÉMI CRINIÈRE, H&M : H&M en la matière sont transparents et font l’objet de publications. Ce que j’affirme, c’est simplement que le changement des comportements des consommateurs prend Entre 2010 et 2015, la production et la consommation du temps. H&M a mis en place un programme de de textiles a doublé et elle augmentera encore de collecte en magasin depuis cinq ans et demi. Nous 60 % d’ici 2030 car la population mondiale s’accroît et avons également lancé le programme Take Care pour que le niveau moyen de revenus augmente et incite à réparer les articles, les entretenir et les customiser. la consommation. La question est de savoir comment Comme ces changements seront longs, il ne sera pas nous pourrons répondre à ces besoins. possible de proposer qu’un seul business modèle. Notre entreprise a plus de 70 ans. À l’époque, le textile De plus, le simple fait de collecter les vêtements en était peu abordable. H&M a donc basé son business magasin ne suffira pas car H&M, de manière isolée, model sur l’accessibilité de tous à la mode. Dans les ne pourra pas résoudre tous les problèmes. Dans ce années 2000, nous avons commencé à travailler domaine, nous ne voulons pas porter un regard naïf avec des designers pour apporter du luxe dans nos mais au contraire faire face aux réalités. collections à des prix abordables. Aujourd’hui, nous JEAN-MARC NEVEU, PLAS’TILES : essayons d’apporter une mode durable à tous. Une option pourrait être d’utiliser les déchets du FRÉDÉRIQUE THUREAU, TCBL : textile pour une autre utilisation que les TLC. Nous Y a-t-il une vision européenne qu’Eco TLC ambitionne pensons que ces matières peuvent être utilisées pour de partager ? fabriquer des matériaux hybrides qui peuvent être utilisés pour d’autres destinations, par exemple pour ALAIN CLAUDOT : le mobilier. Quelles sont les pistes identifiées pour le La France a été pionnière dans l’initiative consistant re-use ? à mettre en place une Responsabilité Élargie du Producteur. L’expérience de la France est regardée ALAIN CLAUDOT : par d’autres pays en Europe et dans le monde. Si Les mots “savoir”, “preuves”, “durabilité” et le modèle promu en France est pertinent et peut “recyclabilité” sont les termes qui ressortent des être répliqué, il se développera naturellement. Si deux études qui viennent de nous être présentées ce n’est pas le cas, il faudra réfléchir ensemble à et ces quatre mots résonnent avec les attentes des MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU 9
consommateurs et des marques. Ces attentes font une consigne fixée à 20 ou 30 euros. En fin de vie, il aussi écho aux 36 projets soutenus par Eco TLC sera proposé à nos clients de nous renvoyer leur jeans depuis 2010. dans une enveloppe non affranchie. Ces produits Je souhaiterais aussi revenir en quelques mots sur seront renvoyés vers notre recycleur qui se situe au notre démarche. Un guide est mis à la disposition des nord de l’Espagne. Nous travaillons parallèlement sur porteurs de projets pour qu’ils préparent leur dossier, un polyester antibactérien permettant de laver moins puis notre Comité Scientifique reçoit les candidatures, fréquemment le jeans afin de diminuer les émissions les sélectionne et les instruit. Dans ces projets, la de microparticules. matière peut être utilisée pour refabriquer du textile, Nous travaillons également sur le recyclage du coton mais pas uniquement. D’ailleurs, nous avons constaté pour refaire un fil à partir d’anciens jeans. Nous savons que les opportunités sont plus importantes en boucle que le gisement de fibres recyclées n’est pas très ouverte qu’en boucle fermée. Ce qui importe c’est que les produits issus de ces projets de Recherche qualitatif puisqu’il a souffert des lavages et des usures. & Développement intègrent de la matière recyclée Plutôt que d’ajouter des fibres longues pour masquer et qu’ils soient éco-conçus. Au rang des preuves, la piètre qualité des fibres recyclées, notre option est nous pouvons d’ores et déjà citer – comme nous de trier les fibres courtes afin de pouvoir refaire un l’avons déjà fait en introduction – la raquette de fil. La cellulose des fibres trop courtes sera ensuite ping-pong Softbat d’Armor Lux et Cornilleau et les récupérée pour refaire un fil. Ainsi, la totalité du coton chaussures Ector d’Insoft qui comprend une semelle effilochée trouvera une valeur ajoutée. Nous sommes en caoutchouc récupéré sur d’anciennes paires de ouverts à tout partenariat pour mener ce projet. chaussures. Les deux études qui viennent d’être présentées nous apprennent que les consommateurs expriment des attentes et que les marques ont mis le pied dans la mer mais attendent de voir si l’eau est froide ou chaude avant de s’y baigner… Certes, cette vision est réductrice mais force est de reconnaître que certains prônent l’attentisme. À l’inverse, Eco TLC voit aussi que les marques s’engagent pleinement. Les points de collecte en magasin se développent, les responsables RSE sont mobilisés pour porter la foi de leur entreprise. Les résultats de ces études m’incitent donc à me tourner vers les metteurs en marché. Comment réagissent-ils à ces conclusions ? Quelles initiatives sont lancées dans les entreprises ? ALEXANDRE SUERMONDT, NATHALIE CROISÉ : FONDATEUR, ANGARDE : Le modèle économique reposant sur une consigne Je suis cofondateur avec ma sœur d’une jeune marque représentant 30 % du prix de vente est-il viable ? de chaussures, Angarde. Nous avons aussi lancé le THOMAS HURIEZ, 1083 : projet Second Life qui a pour objectif d’offrir une deuxième vie à tous les modèles. Nous proposons une Oui, dès lors que nous embarquons nos clients gamme mono-produit, entre sneakers et espadrilles. dans notre logique et que nous pouvons créer une Nous proposons à tous nos clients de nous retourner communauté autour de nous. Par ailleurs, nous gratuitement leurs paires en fin de vie pour qu’elles sommes aussi convaincus par le modèle de la soient recyclées. Nous travaillons avec un collecteur location. Nous proposons déjà des jeans pour enfants basé au Mans, GEBETEX, qui recycle nos produits à la location. La location est d’ailleurs un autre modèle pour en faire un combustible vert. Pour le moment, captif. Nous poussons aussi à la collecte sélective nous n’avons pas encore trouvé le moyen de recycler alors que le modèle en place nous oblige aujourd’hui nos chaussures pour en faire de nouvelles. à tout reprendre. En l’occurrence, si nous pouvions récupérer que les jeans alors notre gisement serait THOMAS HURIEZ, 1083 : mieux qualifié et il serait plus facile de le recycler. Chez 1083, nous travaillons sur un jeans en polyester recyclé qui sera lancé en octobre. Il sera 100 % ALAIN CLAUDOT : mono-matière, c’est-à-dire que les fils à coudre, les Rien n’interdit de ne collecter que des jeans. D’autres étiquettes, les boutons seront en polyester recyclé. Le enseignes font le choix de ne collecter que des jeans sera vendu à un prix d’environ 100 euros avec chaussures. 10 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
THOMAS HURIEZ, 1083 : vendeurs-conseillers et consommateurs. Je propose C’est exact, mais proposer une collecte sélective que Caroline y participe aux côtés d’Adèle Rinck, nous prive de figurer dans la liste des collecteurs qui Responsable Communication d’Eco TLC. est accessible sur Internet. PASCALE LOCMANE, DIRECTRICE COMMUNICATION ALAIN CLAUDOT : INTERNE ET RSE DU GROUPE LACOSTE : Il doit être possible de faire évoluer ces principes. Chez Lacoste, notre réflexion porte davantage sur Au départ nous collections tout : aujourd’hui, les le devenir des invendus. Avant de se tourner vers collectes spécialisées font sens, mais il faut le faire les consommateurs pour leur demander de rendre savoir. leurs vêtements en fin de vie et de les recycler, notre démarche porte sur les invendus de nos collections CAROLINE BOTTIN, pour qu’ils soient recyclés et aient une autre vie dans DIRECTRICE RSE, KIABI : un autre secteur d’activité sachant que Lacoste n’a Chez Kiabi, nous n’avons pas pas pour positionnement – compte tenu de son démarré très tôt sur ces sujets image - de réutiliser ses polos pour produire d’autres mais nous sommes en route produits en maille recyclée. Cette démarche doit désormais, comme beaucoup aussi associer nos partenaires car nous ne produisons d’entreprises, depuis environ pas tous nos produits, nous devons aussi embarquer cinq ans. Je souhaite pour ma nos sourceurs. part témoigner de nos actions en vue d’embarquer tous nos RAFFAELE DUBY, RESPONSABLE DE L’OFFRE collaborateurs. Notre ambition est de nous appuyer ET DE LA CONCEPTION, DECATHLON : sur de vrais ambassadeurs auprès des clients. Nous Chez Decathlon, nous avons été aussi confrontés à devons donc les accompagner pour qu’ils soient la problématique des invendus, il y a 18 mois. Nous en mesure de renseigner nos clients sur la matière avons fait le choix de nouer des partenariats avec recyclée et sur les programmes que nous mettons des associations dans une logique de dons. Tous les en place. Mon souhait est de pouvoir communiquer quatre mois, nous déstockons nos entrepôts. Il est davantage auprès de nos clients, sur le web, en peut-être dommage d’envisager d’emblée la piste du magasin ou encore par téléphone. Chez Kiabi, nous recyclage alors que vos produits sont réutilisables en considérons que ces informations ne doivent pas l’état, même si je comprends que le business modèle passer par des énièmes étiquettes accolées sur de Lacoste vous impose de maintenir une certaine nos vêtements. Nous souhaitons donc réfléchir rareté de vos produits. aux moyens à déployer sur nos lieux de vente XAVIER PRUDHOMME, pour communiquer auprès de nos clients. Nous DIRECTEUR GÉNÉRAL, devons aussi mieux communiquer sur le devenir BONOBO : de la collecte car force est de reconnaître que les consommateurs mais aussi nos vendeurs ont encore Nous avons été le premier des a priori sur le tri. Par exemple, nous devons leur réseau à avoir mis en place dire qu’une tache sur un vêtement n’empêche pas des dispositifs de collecte en une deuxième vie. Par ailleurs, Kiabi, comme d’autres magasin en 2009 et à avoir entreprises du secteur, est implanté dans plusieurs proposé des jeans en fibres pays et nous devons aussi réfléchir aux moyens de recyclées. À l’époque, nous ne communiquer en passant par des symboles plutôt savions pas si l’initiative serait que par du texte. payante. Depuis, nous avons accéléré nos démarches et accentué nos travaux autour de la matière. Je ALAIN CLAUDOT : souhaite apporter une note d’espoir dans le débat car Les comités d’Eco TLC sont des lieux de construction je peux vous annoncer que les clients qui achètent collective. Nous avons un Comité Observatoire nos produits génèrent 80 % de valeur additionnelle économique de la filière, un Comité Scientifique pour l’entreprise. qui traite les appels à projets, un Comité Maillage ALAIN CLAUDOT : de la collecte, un Comité Tri Matières, un Comité Barème des éco-contributions. Pour compléter cet Pour terminer, je souhaite vous informer que nous arsenal, nous souhaiterions créer d’autres comités, souhaitons créer un Comité Éco-conception afin permanents ou ponctuels, en fonction de l’actualité d’accueillir ceux qui ont envie de travailler sur ces et qui rassembleraient des acteurs disposés à questions. Maud Hardy sera la cheffe d’orchestre de travailler en commun sur un certain nombre de ce comité. sujets. L’un de ces comités pourrait porter sur la mise au point des outils de communication à proposer aux MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU 11
#3 Les chaussures : éco-conception, durabilité, recyclage Participent à la table ronde : Marianella CERVI, Directrice RSE, Timberland Caroline JOLLY, Responsable RSE, Groupe Éram Patrick MAINGUENÉ, Directeur général, Insoft NATHALIE CROISÉ : Avant de recycler, parlons un peu de durabilité. Caroline Jolly, pouvez-vous nous parler de votre groupe né en 1927 et de son action dans le domaine ? CAROLINE JOLLY : Nous avons été sollicités par Eco TLC en 2016. Étant un acteur important de la chaussure, Eco TLC nous a proposé de participer à un appel à projets pour rechercher des solutions technologiques afin de mieux recycler les chaussures et trouver des débou- chés. En réfléchissant à cette thématique, nous avons considéré qu’il était réducteur de ne raisonner qu’en partant de la fin de vie du produit. Nous avons donc plutôt proposé de réfléchir à l’éco-conception pour été rachetée par VF Corporation qui est une société faciliter le désassemblage des chaussures. Nous basée en Suisse. Depuis sa création par la famille, avons aussi souhaité réfléchir au modèle économique Timberland s’est toujours inscrit dans une démarche en partant de la possibilité d’allonger la durée de vie sociale. Les fondateurs étaient d’ailleurs visionnaires d’une chaussure. Ce projet s’inscrit dans la logique de dès l’origine et ont souhaité travailler dès le départ sur l’économie de fonctionnalité. les matériaux pour qu’ils soient durables. Depuis lors, nos engagements n’ont pas faibli et notre volonté est NATHALIE CROISÉ : d’accélérer le mouvement. Une de vos enseignes est également précurseur en NATHALIE CROISÉ : matière de durabilité des produits. Patrick Mainguené, pouvez-vous revenir en quelques CAROLINE JOLLY : mots sur votre parcours ? En effet, Gémo est moteur sur PATRICK MAINGUENÉ : l’éco-modulation grâce aux efforts fournis par ses équipes Je suis fier de voir toute l’équipe Eco TLC chaussée Produits et Qualité qui ont de nos produits Ector. Avant de participer à la mise travaillé sur la résistance de sur le marché de ces premières chaussures 100 % nos produits, d’abord textiles, recyclés, j’ai travaillé dans la chaussure et dans le mais qui poursuivent leurs bagage pour des sociétés outdoor pendant 20 ans. efforts sur les chaussures. En créant Insoft il y a sept ans, ma volonté était de m’affranchir des cycles de collection pour renouer NATHALIE CROISÉ : avec des méthodes de fabrication soucieuses de Marianella Cervi, Directrice RSE de Timberland, l’environnement. Avec Insoft, mon envie est de l’entreprise familiale est née en 1952. Pouvez-vous fabriquer des produits responsables fabriqués en revenir sur l’engagement de l’entreprise ? France. Passionné de nouvelles technologies, je constate que des innovations émergent actuellement MARIANELLA CERVI : et permettent de penser de manière différente le cycle Timberland n’est pas né en 1952 mais il y a déjà 80 de vie de la chaussure. Avec Ector, nous proposons ans car la marque existait avant sous un autre nom. un produit qui respecte l’environnement, fabriqué Timberland est une entreprise familiale qui a ensuite localement et qui est innovant. Le développement 12 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
noué des partenariats avec l’industrie automobile pour récupérer ses pneus. Conscient de la sensi- bilité du caoutchouc, nous soutenons Rainforest Alliance et WWF pour soutenir leurs recherches sur le caoutchouc durable. Nous encourageons aussi nos fournisseurs pour qu’ils puissent aller plus loin dans cette voie de progrès. NATHALIE CROISÉ : Chez Éram, c’est le volet de l’économie de la fonc- tionnalité qui est exploré. CAROLINE JOLLY : Tout à fait, notre parti pris est de produire moins d’Ector a commencé il y a plus de quatre ans. Il a fallu et de créer de la valeur autrement pour les trouver des partenaires qui soient capables de nous consommateurs. Suite à la publication de leur suivre pour faire une chaussure tricotée à partir de rapport sur l’éco-conception, l’ADEME a décidé de fibres plastiques. nous soutenir. Pour mener cette réflexion, nous avons osé faire un pas de côté pour réfléchir aux NATHALIE CROISÉ : services nouveaux que nous pouvions apporter en C’est un point commun avec Timberland qui fait allongeant la durée de vie de nos produits. C’est aussi un usage de bouteilles en plastique PET pour en sortant de nos habitudes que nous avons pu la fabrication de ses chaussures et de ses vêtements. identifier de nouvelles valeurs ajoutées à proposer Pouvez-vous nous parler de votre gamme éco- à nos consommateurs. Notre démarche, qui est responsable Earthkeepers ? encore expérimentale, sera lancée en octobre et MARIANELLA CERVI : testée avec nos clients et nos collaborateurs qui ne seront plus simplement des conseillers de vente mais Notre vision est de devenir aussi des coachs en mode auprès de nos clientes. la marque de lifestyle/ outdoor la plus durable au Une vidéo de présentation du BO Projet d’Eram est monde. Lorsque nous avons projetée. commencé, il n’existait pas encore une demande du NATHALIE CROISÉ : marché. Notre philosophie BO Projet, finalement, vise à et notre conviction sont donc développer la logique de la au cœur de nos actions. seconde main qui intéresse de plus en plus les Français. Une vidéo est projetée pour présenter la gamme Earthkeepers. CAROLINE JOLLY : Nos actions s’inscrivent en ligne avec notre logo qui En effet, nous proposons un est un arbre et qui doit être le reflet de notre action abonnement à nos clientes au quotidien. Notre engagement est tracé dans des tandis que notre partenaire objectifs à 2020. Nos dirigeants ont pris l’engage- industriel récupèrera les produits portés pour les ment que 100 % de nos lignes de produits incluent au remettre en état, les nettoyer et les remettre sur moins un matériau recyclé ou renouvelable dans leur le marché de la seconde main avec une option de composition. Cet engagement couvre nos gammes location ou de vente. Dans tous les cas, nous nous de chaussures comme les vêtements et tous nos engageons à reprendre les chaussures jusqu’à leur fin accessoires. Nous respectons pour cela des normes de vie et à les envoyer dans une filière de recyclage environnementales très strictes avec du PET recyclé adaptée. Le projet se recentre sur le style pour guider et du cuir issu de tanneries certifiées mais aussi du nos clientes dans leurs choix tout en assurant la fin de coton bio et du caoutchouc recyclé. vie des produits par des systèmes de boucle fermée. Notre engagement est aussi social et sociétal. Nous NATHALIE CROISÉ : avons établi un partenariat avec Thread basé en Haïti, Vous faites aussi le choix de clients qui viennent en deuxième pays le plus pauvre au monde. Ce parte- magasin. nariat permet à des Haïtiens d’avoir un travail en récupérant des bouteilles qui sont ensuite recyclées CAROLINE JOLLY : pour nos productions. Nous avons également recyclé C’est la première étape. Nous verrons ensuite plus de 2 millions de kilogrammes de caoutchouc et comment déployer le même concept sur le web. MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU 13
NATHALIE CROISÉ : Alors que l’on annonce que le secteur est en crise, est-ce aussi une manière de vous réinventer ? CAROLINE JOLLY : Tout à fait, c’est réinventer la mode mais aussi nos modes de fabrication et de commercialisation mais aussi de relation avec nos clients. Nous espérons que nos clients vont nous suivre dans ces nouveaux modes de consommation responsable. NATHALIE CROISÉ : Timberland envisage-t-il aussi la location de ses chaussures ? Le vieux campeur. Nous avons vendu à date près MARIANELLA CERVI : de 30 000 paires de chaussures. Dans une logique Tout à fait car nos consommateurs ne souhaitent d’économie circulaire, nous souhaitons collecter les pas toujours être propriétaires des produits. Nous chaussures Ector en fin de vie, en proposant à nos sommes encore à un stade précoce de la réflexion. clients de supporter le prix du retour du produit. Nous Nous avons aussi commencé à lancer une nouvelle pourrons ainsi récupérer le textile pour le confier à ligne de vêtements sur une plateforme expérimen- notre partenaire qui en fera du granulé pour refaire tale qui nous permet de revoir notre approche et qui un fil et récupérer la semelle. Pour celle-ci, plusieurs rejoint le concept d’économie circulaire. pistes sont possibles dont celle lancée avec SOEX situé près de Berlin. Ector est plus qu’une chaussure. NATHALIE CROISÉ : Il faut six bouteilles plastique pour faire une paire Revenons à la fabrication de la chaussure. Patrick d’Ector. L’avantage du tricotage est que cette tech- Mainguené, quelle est votre approche ? nique permet de supprimer les chutes liées au process industriel traditionnel. Aujourd’hui, les chaussures PATRICK MAINGUENÉ : sont assemblées avec beaucoup de matières diffé- Chez Ector, notre idée est d’associer le style et l’éco- rentes. Il faut donc utiliser des filtres pour recycler nomie circulaire. Sans style, nous sommes convaincus le produit. L’éco-conception est donc fondamentale que nos produits ne peuvent pas se vendre. Nous tout comme la qualité du gisement. Pour cette raison, avons donc souhaité créer un produit qui donne je suis convaincu que la collecte dans les magasins envie. Nous avons pour cela est primordiale car ce sont les marques qui peuvent noué un partenariat avec un le mieux réaliser le tri des produits qu’ils ont réalisés. tricoteur qui travaille depuis 100 ans à Saint-Etienne dans NATHALIE CROISÉ : le domaine du médical et qui Timberland est aussi moteur dans la récupération de nous a accompagné dans ce ses produits. projet pour réaliser une chaus- sure qui intègre un fil issu du MARIANELLA CERVI : recyclage des bouteilles plas- Timberland encourage en effet ses consommateurs tiques. L’ensemble du produit à déposer leurs produits avec le programme Second est éco-conçu pour limiter le nombre de matériaux Chance. Ce programme a été lancé fin 2016 en qui le constitue. La chaussure Ector est lavable en Allemagne avant d’être déployé dans d’autres pays machine afin de pouvoir durer. Nous intégrons un fil européens en 2017. Nous proposons aujourd’hui continu pour réduire la dispersion des fibres lors des des collecteurs de chaussures dans 130 magasins. lavages. Nous continuerons à mener des recherches En déposant leurs chaussures, nos clients peuvent dans ce domaine pour réduire notre impact envi- bénéficier d’une réduction de 10 % sur leurs prochains ronnemental. Au départ, nous avions opté pour des achats. Nous envoyons ensuite les chaussures dans fibres naturelles, mais le besoin de maintien nous a un centre de collecte et de recyclage. Ces collecteurs conduit à utiliser un fil continu issu du recyclage des sont aussi installés chez nos partenaires. Depuis un bouteilles en plastique. an, nous avons réussi à collecter près de 3 000 kg, soit près de 5 000 paires. Nous avons commercialisé nos premières chaussures en utilisant la plateforme de financement participatif NATHALIE CROISÉ : Ulule. Nous avons livré nos premières paires d’Ector Pour Éram, la collecte est-elle aussi une piste de en mai 2017. Nous avons été tout de suite suivi par travail ? 14 MATINÉE D’ÉCHANGES D’Eco TLC • COMPTE-RENDU
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