FAVORISER L'ACCES A UNE ALIMENTATION DE QUALITE
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FAVORISER L’ACCES A UNE ALIMENTATION DE QUALITE POUR TOUS : QUELS LEVIERS D’ACTION POUR CONSTRUIRE DES SYSTEMES ALIMENTAIRES URBAINS PLUS SOLIDAIRES ? Synthèse de l’atelier chercheurs-acteurs organisé par le volet de recherche « acteurs et modalités de gouvernance » du projet PSDR FRUGAL le 29 novembre 2016 à Lyon
Au-delà des enjeux de l’accès de tous à une alimentation de qualité, l’objet de cette matinée était de partager nos représentations et expériences autour des pratiques mises en place dans les structures participantes – et des freins et points de blocage rencontrés - pour favoriser cette accessibilité alimentaire. Il s’agissait aussi de co-construire des pistes de recherche autour des leviers d’actions à mobiliser pour construire des systèmes alimentaires urbains plus solidaires. De l’accessibilité à la justice alimentaire: regards de chercheurs La qualité, au cœur des débats sur l’accessibilité alimentaire La question de la qualité est actuellement au cœur des débats sur l’alimentation et donc de ceux sur l’accessibilité. Mais la façon dont cette qualité est définie a fortement évolué et peut créer des tensions. Tout d’abord, on est progressivement passé de la qualité des produits du terroir aux produits d’ici. Dans les années 1990, la qualité était associée au terroir, à des AOP, l’origine du produit lui conférant un caractère « exceptionnel». Puis on a associé la qualité à la proximité (c’est le cas des produits frais, par exemple). Ce basculement a des implications en termes de localisation agricole et aussi en termes d’accessibilité. Le terroir est mis en place autour de produits tels que le fromage, la charcuterie et le vin. Ce sont tous des produits qui se conservent mais qui sont relativement coûteux. Aussi, il y a de nombreux débats autour de l’accessibilité à ces produits notamment en termes économiques. Aujourd’hui, on assiste à une valorisation de la gastronomie, avec des débats sur l’étiquetage et la valorisation du terroir. Dans le même temps, en ce qui concerne la qualité sanitaire, on est passé d’une politique qui visait à garantir une qualité des produits à une qualité des régimes alimentaires
(obésité, maladies liées à l’alimentation et aux produits animaux). Qualité sanitaire et valorisation culturelle de la gastronomie entrent en tension avec l’enjeu de qualité des régimes alimentaires et surtout pose de nouvelles questions en termes d’accessibilité. La question de l’accessibilité se résume souvent à dire « chacun doit avoir accès à un magasin avec des produits sains et bons ». On est finalement passé de la qualification des produits à celle des modes de vente. Et tout cela pose des questions en termes de territoires concernés et de localisation de ces lieux de vente. Quelle accessibilité commerciale et à quels commerces ? Aux Etats-Unis, il y a la question des « food deserts », avec seulement des « snacks » à côté des habitations. Et chez nous, en France et Europe ? De quels lieux et modes de vente parle t‘on quand on évoque l’accessibilité ? Dans quelles villes ? sur quels profils de territoire ? Il est important de s’interroger sur la taille des villes et des espaces périurbains (qu’ils soient gentrifiés ou non) et espaces ruraux ? Où dans la ville ? où sur le territoire ? la mobilité représente également un problème. Les grands supermarchés se situent hors des villes et constituent un problème d’accessibilité pour les populations défavorisées sans voiture et qui n’ont pas les moyens de s’y rendre. Pour qui ? Quelle est l’accessibilité à l’alimentation de qualité, pour les pauvres notamment, les jeunes et les vieux ? Il y aussi de fausses représentations entre la ville et la campagne. On imagine, par exemple, qu’en rural les populations n’ont pas besoin d’aides alimentaires, car elles peuvent avoir plus facilement accès à un jardin et auto-produire leur propre alimentation.
L’accessibilité alimentaire : des leviers de justice sociale Aujourd’hui le système alimentaire est inégalitaire. Beaucoup de recherches ont notamment montré que les circuits courts alimentaires restent peu accessibles au plus grand nombre. Ces derniers ne semblent toucher qu’une faible part de la population. Cela doit interpeler l’action publique et politique. Deux projets portant sur la justice alimentaire (Projet Margueritte) et la solidarité alimentaire (Solalter) permettent d’illustrer cette problématique de l’accessibilité alimentaire. Le projet Marguerite (à Poitiers et Lyon) L’objectif de ce projet est d’agir sur la déconnexion entre les adolescent·es et l’agriculture locale. Il part du constat que ces publics font partie de ceux les moins touchés par la question de l’alimentation car ils méconnaissent l’agriculture. Ils en sont proches spatialement mais pas socialement. Des ateliers pédagogiques ont été mis en place avec des collégien·nes et une grille pédagogique a été réalisée avec les professeurs de biologie et géographie. Ils ont été organisés en trois phases : - Etat des connaissances : comprendre la représentation de l’agriculture pour ces jeunes (carte mentale) - Projet en classe : leur apporter des connaissances sur l’agriculture et l’alimentation durable. - Action : mise en place de potagers, rencontre avec des acteurs agricoles, des épiceries. Ici, l’enjeu traité par le projet portait sur l’éducation, la sensibilisation et l’information des publics. Le projet Solalter 2013-2015 (en Bretagne) L’objectif était d’identifier et mettre en réseau les initiatives de solidarités alimentaires sur le territoire breton. 43 initiatives ont été étudiées en 2 ans. Nous avons observé une pluralité de lieux (grandes agglomérations, villes moyennes, milieu rural), d’acteurs impliqués (individus, associatifs, collectivités locales, entreprises...) et
d’initiatives nées de ces mises en réseau (épiceries sociales et solidaires, jardins collectifs urbains, groupements d’achat solidaires, etc.). Ici le projet portait sur l’enjeu de l’accessibilité alimentaire des populations à très faible revenu (ou situation de précarité ?). Ces deux projets posent la question suivante : « Comment donner un pouvoir d’action à des publics défavorisés ? » L'accent est mis sur les inégalités, leurs causes et leurs conséquences. Comment se réapproprier les ressources alimentaires ? Comment répartir les ressources alimentaires de manière plus équitable ? Au-delà du droit d’accès il s’agit aussi d’agir sur la capacité à avoir accès. Ces questions traitent des enjeux de « démocratie alimentaire », et de « justice agri-alimentaire ». La démocratie alimentaire est un La notion de justice (agri)-alimentaire est processus de gouvernance au sein duquel issue d’un champ d’analyse critique autour des collectifs de citoyen·nes (et des de la justice socio-économique pour les collectivités) se saisissent de l’alimentation producteur·rices agricoles marginalisé·es et comme une forme politique pour décider de l’accessibilité à une alimentation de de choix d’alimentation et mettre en œuvre qualité pour les consommateur·rices des filières adaptées à ces choix. Elle est défavorisé·es. Elle recouvre l'ensemble des issue d’un champ d’analyse critique autour actions qui cherchent à assurer un partage de l’organisation de l’aide alimentaire en équitable des bénéfices et des risques France et de la souveraineté alimentaire concernant les lieux, les produits et internationale. l’organisation de la filière alimentaire. Références : Lang T., 1999 ; Renting et al., Références : Gottlieb & Joshi, 2010 ; Paddeu, 2012 ; Paturel, 2013 ; ERC Lascaux, 2014 ; 2015 ; Hochedez & Le Gall, 2016 Paturel & Carimentrand, 2016. Ces notions de démocratie et justice alimentaire sont à la croisée des discours sur le droit à l’alimentation (issu en partie du food movement), sur les objectifs de durabilité des systèmes alimentaires, et sur les risques d’insécurité (santé, nutrition) et d’injustice alimentaire (sociale & économique) dans des situations de pauvreté et de précarité. Il y a deux manières de les appréhender : par la négative : contre ce qui est refusé dans le système alimentaire, c’est à dire les inégalités dans les conditions de production et dans l'accès à l'alimentation ; par le positif : pour une réappropriation et répartition équitable des ressources alimentaires (foncier, prix, culture...) au sein de filières territorialisées.
Il est nécessaire que les collectivités s’emparent de ces enjeux, et s’approprient les outils de la souveraineté alimentaire qui amènent à : => Réfléchir sur les qualités de l’agriculture, de l’alimentation et la participation des populations à ces initiatives de reconnexion. Comment redonner un pouvoir d’action aux personnes qui subissent l’aide et ne choisissent pas leur alimentation ? => Insister sur la réappropriation et l’implication de chacun sur les questions d’accès à une alimentation relocalisée, par les apprentissages qu’elle permet entre acteurs au sein des filières (producteurs, artisans, consommateurs, pouvoirs publics...) => Questionner les dispositifs de sensibilisation, d’éducation, d’empowerment, d’action citoyenne (droit d’accès et capacité d’accès), et in fine de gouvernance, et leurs rôles dans la construction de systèmes alimentaires territoriaux plus équitables. Cela implique le bouleversement de beaucoup de codes mais permet aussi de voir la complémentarité entre les politiques institutionnelles et les initiatives citoyennes, et ainsi de les faire converger. Pour en savoir plus : Projet SOLidarités Alimentaires TERritorialisées : http://www.projet-solalter.org Projet SENSI-AGRI/MARGUERITTE (Métropoles et Alimentation : quels Réseaux et quelle Gouvernance Urbaine pour Expérimenter une gestion des Ressources Innovante dans les TErritoires ?) DARROT Catherine, NOEL Julien, (2016). « Des systè mes alimentaires relocalisé s plus durables : vers un accè s à une alimentation de qualité pour tous. Elé ments de ré flexions autour des solidarité s alimentaires territorialisé es en Bretagne », Congrès du RIODD, 6-8 juillet 2016 DARROT Catherine, NOEL Julien, (2017) (sous presse). « Les solidarités alimentaires territorialisées en Bretagne ». In PLEYERS G., DELABARRE M. (sous dir.), Anthropology Of Food, n°12, special issue « Alimentation et mouvements sociaux », 17p. [En ligne] URL: https://aof.revues.org HOCHEDEZ Camille., LE GALL Julie (2016), Justice Alimentaire et agriculture, Justice Spatiale/Spatiale Justice, n°9
Modèles organisationnels et justice alimentaire Si de plus en plus d’actions sont menées en faveur de la justice alimentaire par les organisations associatives, peu d’études sont cependant consacrées à la manière dont ces organisations conçoivent leurs actions au quotidien. Plusieurs pratiques organisationnelles et économiques peuvent correspondre à un mode d’accessibilité alimentaire. Il est possible de distinguer par exemple celles qui favorisent la qualité de l’alimentation, et participent à l’émergence d’une alimentation de meilleure qualité, et celles qui tentent avant tout de favoriser l’accès à l’alimentation pour des personnes à faibles revenus. Comment ces diverses pratiques se traduisent-elles dans le fonctionnement des organisations, leur modèle économique, leurs actions ? La notion de modèles économiques paraît un prisme intéressant pour aborder cette question. En effet, leur caractérisation permet de : - Déterminer l’offre et ses publics visés, les moyens et compétences nécessaires à sa mise en œuvre, l’organisation adéquate… - Clarifier et mettre en cohérence le projet de l’organisation - Evaluer et valoriser le projet au sein de l’organisation, et auprès de ses partenaires (financeurs notamment) - Favoriser la viabilité et la pérennité de l’organisation Les organisations articulent leur mission sociale et leur activité économique de manière différentes. On distingue deux principes/critères organisationnels (Santos et al., 2015) : - La manière de considérer les « bénéficiaires » Une partie des organisations prennent en charge les bénéficiaires comme des clients, avec éventuellement une différence faite entre client classique et client bénéficiaire. Ex : paniers alimentaires ou épiceries sociales et solidaires. L’autre partie des organisations différencie clients et les bénéficiaires. Ex : associations de sensibilisation, de formations. - La manière d’articuler mission sociale et activité économique Une partie des organisations fait de sa mission sociale une activité économique tandis qu’une autre développe une mission sociale en parallèle de son activité économique.
Comment l’accessibilité se manifeste-elle dans ces logiques ? Il est alors possible d’analyser les pratiques d’accessibilités développées selon les choix/stratégies organisationnelles. En utilisant les trois piliers de la justice alimentaire définis par C. Hochedez et J. Le Gall (2016), il est possible de distinguer les organisations qui, pour traiter les inégalités d’accès à l’alimentation se focalisent soit davantage sur des problématiques de sécurité alimentaire (liées à la qualité de l’alimentation), soit sur les racines des inégalités alimentaires (liées aux inégalités économiques et sociales). Pour en savoir plus : LANCIANO Emilie, LAPOUTTE Alexandrine, SALEILLES Séverine (2017), Construire des modèles d’affaires pour la justice alimentaire : Le cas d’organisations solidaires favorisant l’accès des populations précaires à une alimentation de qualité, Congrès de l’Association Internationale de Management stratégique, Lyon, 6-8 juin. SANTOS F., PACHE AC., BIRKHOLZ C., 2015. Making Hybrids Work : Aligning Business Models and Organizational Design for Social Enterprises. California Management Review. Vol. 57, n° 3, p. 36-58
FAVORISER L’ACCES A UNE ALIMENTATION DE QUALITE POUR TOUS : PARTAGE D’EXPERIENCES EN REGION LYONNAISE Alimentation, santé et précarité : des enjeux croisés De nombreuses études ont caractérisé les pratiques alimentaires des personnes en situation de précarité. Il en ressort de manière générale plusieurs constats principaux : une alimentation insuffisante en quantité et une alimentation riche en sucres et matières grasses mais pauvre en fruits et légumes. Le coût des aliments, l’accessibilité aux lieux d’approvisionnement, le déficit d’éducation à l’alimentation ou encore la perturbation des rythmes de vie (chômage, désorganisation de la vie de famille) en sont les causes majeures. Quelques chiffres : 4 euros par jour et par personne en moyenne sont alloués à l’alimentation par les ménages les plus pauvres. 3,5 euros par jour est le seuil critique en dessous duquel il est impossible de manger équilibré. Pour atteindre un niveau de consommation moyen, les ménages les plus pauvres devraient augmenter de 58 % la part de leur budget consacrée aux légumes et fruits frais. Conséquences de l'alimentation sur la santé : l’exemple du diabète L’agence d’urbanisme de l’aire métropolitaine lyonnaise s’est penchée sur le système alimentaire de son territoire, avec pour objectif, entre autres, de faire ressortir les liens entre alimentation, précarité et santé. L’impact des pratiques alimentaires sur la santé est notamment visible via les taux de maladies cardio-vasculaires et de pathologies comme le diabète. A travers le croisement entre le revenu médian des ménages sur les territoires et le taux de patient·es sous anti- diabétiques, cette étude a donc montré la corrélation entre vulnérabilité économique, vulnérabilité alimentaire et santé.
En effet, les disparités socio-territoriales se retrouvent sur le plan sanitaire : les populations les plus touchées par le diabète sont aussi les plus pauvres. Ces disparités se manifestent d’une part à l’échelle régionale, où les territoires ruraux isolés sont les plus touchés ; d’autre part à l’échelle des métropoles où les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont les plus touchés. Dans les agglomérations, le coût du logement élevé tend à influer sur la baisse de la part des revenus alloués à l’alimentation. De la même manière, en milieu rural, c’est la part du revenu consacré aux déplacements qui contraint le budget alimentaire. Pour en savoir plus : Etude de l’agence UrbaLyon « Le système alimentaire de l’aire métropolitaine lyonnaise », avril 2016.
Transformer les pratiques de consommation vers une alimentation de qualité Une alimentation de qualité apparaît associée à des produits sains (synonymes de fraîcheur, de préservation des vitamines, de simplicité, de goût, de plaisir, de convivialité), intéressants sur le plan nutritionnel, issus d’une agriculture respectueuse de la santé des hommes, des femmes et de la planète, fruits d'une relation de proximité entre agriculteur·rices et consommateur·rices. Pour des raisons économiques, il existe une réelle difficulté à concilier soutien à la production locale et aide à l'accessibilité alimentaire des populations précarisées. Les deux maillons de la chaîne font d'ores et déjà l'objet d'aides et de subventions diverses, mais le ratio coûts/bénéfices contraint les producteurs et productrices à se hisser vers des gammes de prix élevées s'ils veulent dégager un excédent et vivre de leur exploitation. Manger bio et local représente donc inévitablement un certain coût. Dès lors, favoriser l’accessibilité à une alimentation de qualité suppose d’une part de faciliter l’accès économique à des produits de qualité, mais aussi de rendre appropriable l’imaginaire positif de ces produits face à la désinformation alimentaire véhiculée par la publicité. Déconstruire les représentations : du temps et de l’accompagnement Les représentations des publics défavorisés et/ou moins sensibilisés peuvent constituer un frein à l'acceptation d’une alimentation de qualité. L’alimentation biologique en est l’exemple le plus parlant. Perçue comme trop onéreuse, elle paraît peu nourrissante, peu variée et reste l'apanage d'une « élite bobo ». Il faut donc travailler à la déconstruction de ces représentations pour transformer les pratiques alimentaires. Le public visé, acteur de la sensibilisation : l’expérience du GESRA dans le projet « Biovrac pour tous » Le groupement des Epiceries Sociales et Solidaires de Rhône-Alpes Auvergne (42 structures) met en place diverses actions de sensibilisation pour accompagner les
bénéficiaires mais aussi les salarié·es et les bénévoles. L’objectif est de diversifier l’alimentation des publics en situation de précarité car actuellement, ce sont majoritairement des produits industriels transformés qui sont proposés dans les épiceries sociales et solidaires. Dans cette optique, le projet Biovrac pour Tous a été développé en partenariat avec l’entreprise Biocoop pour mettre en place des meubles vrac ou bacs distributeurs de vrac avec des produits bruts, des légumineuses notamment, dans une dizaine d’épiceries sociales et solidaires du réseau. Les meubles sont subventionnés directement par le fonds de dotations Biocoop et les produits bio sont fournis par Biocoop Restauration. Les salarié·es et les bénévoles sont également formé·es à la gestion du rayon grâce à la mise en place d’un mécénat de compétences par les salarié·es de Biocoop. L’introduction des produits bio répond ainsi à la demande de consommateurs et consommatrices rencontrant des difficultés financières, notamment suite à un accident de vie, rendant l’accès à ce type de produits plus difficile. C’est aussi l’occasion de discuter des liens entre alimentation et santé en évoquant la possibilité de diversifier son alimentation avec davantage de protéines végétales. La philosophie des structures du GESRA est de faire participer les bénéficiaires à la construction des actions de sensibilisation. Par exemple, pour encourager la consommation de ces produits, un livre sur l’utilisation des légumineuses et céréales est actuellement en co-construction. Un collectif constitué de bénéficiaires, bénévoles, partenaires et salarié·es des épiceries et du GESRA travaillent à la présentation des différentes légumineuses, à l’explication des notions d’équilibre alimentaire, ainsi qu’à la rédaction d’une centaine de recettes de cuisine. Depuis 1 an, ce collectif se retrouve tous les 2 mois pour discuter des avancées du projet, s’assurer que la partie théorique sur l’équilibre alimentaire est bien accessible, partager des recettes réalisées avec un budget et des ustensiles adaptés. Ce livre étant autoédité par le GESRA, le collectif travaille également à la mise en page, au choix du type de papier et de couverture. La sortie de l’ouvrage est prévue au 2ème semestre 2017. L’ouvrage est destiné principalement aux adhérent·es des épiceries sociales et solidaires, mais aussi plus largement aux réseaux concernés par le sujet de l’alimentation durable ainsi que les acteurs et actrices en promotion de la santé. Pour en savoir plus : http://www.gesra.org http://www.gesra.org/system/files/documents/cutures_bio_mai_juin_16.pdf
L'éducation et la sensibilisation à l’alimentation de qualité sont des processus lents, altérés par une offre concurrente ultra-marketée qui exerce un monopole sur certains secteurs de l'agroalimentaire. La lutte est difficile en termes d'image : les publicités qui valorisent le plaisir procuré par le sucre et le sel (sodas, chips, biscuits, barres chocolatées) demeurent celles qui ont le plus d'impact. A l’inverse la « fraîcheur » utilisée comme argument de vente des fruits et légumes ne suscite pas une adhésion unanime. De plus, les campagnes publicitaires de lutte contre l'obésité (dont les créneaux horaires sont programmés pour capter au maximum un public enfant ou adolescent) ont un caractère culpabilisant ou inquisiteur : « Ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé », « Mange au moins 5 fruits & légumes par jour », « Evite de grignoter dans la journée » etc. Il est donc nécessaire de travailler sur une meilleure communication autour de l’alimentation de qualité. Le plaisir, vecteur d’adoption de nouvelles pratiques La question du goût et du plaisir de cuisiner reprennent de plus en plus d’importance dans les pratiques alimentaires et peuvent être un moyen d’inciter à l’utilisation de produits de meilleure qualité en évitant les messages culpabilisateurs. Si certains facteurs sont un frein à cette approche, comme le temps qu’il faut allouer à la cuisine, d’autres peuvent au contraire être mobilisables, comme la valorisation des pratiques culinaires traditionnelles et le goût des aliments. Cela nécessite de protéger la diversité des cultures alimentaires et d’éviter la normalisation des pratiques. VRAC : convaincre par le goût d’abord, expliquer les valeurs ensuite L’alimentation de qualité liée au bio/local est associée à un prix élevé, et donc considérée comme l’apanage des classes sociales moyennes ou supérieures. Face à la difficulté d’accès économique et sociale du bio/local par les populations à faibles revenus, l’association VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) a développé en 2014 un groupement d’achats de produits de qualité à bas prix dans des quartiers prioritaires de la métropole lyonnaise par une approche nouvelle. En achetant ces produits en gros à leurs fournisseurs, autant que possible des producteur·trices de la région, et en bénéficiant de divers soutiens financiers, l’association peut les obtenir à bas prix. Elle les revend ensuite à prix coutant aux adhérent·es. Pour présenter le projet aux habitants, Boris Tavernier, fondateur de VRAC en partenariat avec le bailleur social Est Métropole Habitat et la Fondation Abbé Pierre, explique qu’il n’a
pas parlé du fait que les produits étaient bios ou locaux. Il a présenté le projet d’abord comme le fait de faire ses courses ensemble, via la distribution des commandes au sein des quartiers. Puis il a organisé des réunions de dégustation afin de faire goûter les produits. Une fois le projet lancé grâce à un rapport qualité gustative/prix apprécié, le caractère local et bio des produits et les valeurs qui y sont liées ont pu être abordés. Aujourd’hui VRAC développe des activités autour de ce projet comme des concours de cuisine, un livre de recette traditionnelles, etc… afin de permettre, via les aspects culinaires, de s’approprier les enjeux d’une alimentation de qualité, tout en s’inscrivant dans les coutumes des habitant·es concerné·es et en les valorisant. Pour en savoir plus : http://vrac-asso.org http://www.alternatives-economiques.fr/local-bio-ne-riment-bobos/00003742 De la conception d’actions de sensibilisation à leur multiplication Si beaucoup d’actions de sensibilisation ont donc été développées et semblent fonctionner, il reste des interrogations sur le canal à trouver pour les diffuser auprès des publics cibles. De nombreux freins à la diffusion et au captage des publics visés sont soulevés par les structures. Outre les difficultés financières, la diffusion de ces actions de sensibilisation est très chronophage, ce qui limite les actions de long terme. Les interventions dans les écoles, principal relais pour informer les enfants, sont très encadrées, limitées dans le temps et donc peu efficaces sur le long terme. Mobiliser des partenaires, des bénévoles et de toute autre partie prenante demande du temps, des échanges et de la confiance. L’expérience des epicueillette chez Epi Centre ou la difficile mobilisation des agriculteurs et agricultrices dans la sensibilisation L’épicerie sociale et solidaire Epi Centre située dans le 8e arrondissement de Lyon a mis en place les « Epi Cueillettes ». Cela consiste à regrouper des habitants du quartier, notamment les plus en difficultés pour aller glaner (récupérer les surplus agricoles) ou cueillir des fruits et légumes sur des exploitations locales.
Cette initiative est originale dans le fait de mobiliser conjointement producteur·rices et bénéficiaires autour d’un projet social. La plupart des actions de sensibilisation sont tournées vers les urbains déconnectés de ces problématiques et rarement vers les producteur·rices, ce qui peut en partie expliquer la difficulté à les mobiliser sur de telles actions. A ce jour, seules des cueillettes avec des agriculteurs ou agricultrices ayant déjà fait ce genre de démarches ont pu être organisées. Pour en savoir plus : http://www.epicentre-lyon.fr/ L’importance de la confiance et des réseaux informels pour La Légumerie La Légumerie est une association qui a pour vocation de redonner la capacité et l’envie de cultiver et de cuisiner des aliments sains et locaux. Elle s’adresse particulièrement à des personnes en situation de précarité pour qui l’accessibilité à une alimentation de qualité est très limitée. Autour de ces ateliers l’objectif est aussi de créer de la mixité sociale et de permettre l’émergence de nouveaux liens sociaux entre voisins. Basée à Croix-Rousse, l’association intervient dans plusieurs quartiers de Lyon, notamment des quartiers classés politique de la ville, mais aussi à Villeurbanne, Vénissieux, Neuville- sur-Saône, Oullins ou encore St-Genis Laval. Malgré sa petite taille et ses faibles moyens qui limitent ses capacités d’investissement dans la communication, la Légumerie a réussi à créer un réseau d’adhérent·es grâce au bouche à oreille et à la bonne réputation qui s’est construite autour des ateliers. Elle essaie aujourd’hui d’améliorer ses outils de communication, notamment numériques, mais les canaux de diffusion informels et directs restent un socle important pour ce type d’associations basées sur la confiance et les liens sociaux. Pour en savoir plus : http://www.lalegumerie.org/
Des leviers pour élargir les champs d’action Face aux difficultés de capter certains publics ou d’élargir une action à un grand public, il est nécessaire de mener des réflexions sur les moyens d’intégrer tous les acteurs et actrices concerné·es par les enjeux d’accessibilité alimentaire, et de toucher toutes les populations. Certaines initiatives jouent sur la praticité des nouveaux outils numériques. Pour des acteurs et actrices dont l’activité prend déjà un temps considérable, il est parfois difficile de s’investir dans des actions, et le numérique permet une mise en réseau plus accessible. Pour d’autres, notamment des initiatives solidaires, les échanges directs gardent une importance primordiale, et d’autres leviers peuvent alors être mobilisés. Cultures Chef : une communauté numérique d'acteurs de l'alimentaire Cultures chefs a vocation à aider les restaurateur·rices à s'approvisionner localement auprès de producteur·rices de leur région. Via une plateforme numérique, ces derniers mettent en ligne leur offre de produits, reçoivent les commandes des restaurants et les livrent directement sur place. Ce marché de producteurs en ligne a choisi la praticité des nouveaux outils numériques pour faciliter l'entrée d'acteurs de la restauration dans les circuits courts, des acteurs souvent oubliés des dispositifs associatifs. L’information est facilement accessible et permet de s’adapter aux professionnel·les. Accès au catalogue 24h/24, géolocalisation, paiement et facturation automatisés : ces outils numériques permettent effectivement de contourner certaines contraintes habituellement rencontrées par les professionnel·les en circuit courts. L’objectif de Cultures Chefs est donc de matérialiser et de donner accès directement sur sa plateforme à l’ensemble des solutions d’approvisionnement local existantes mais peu accessibles. Les limites des solutions numériques restent cependant la formation aux outils et le nécessaire investissement en temps au départ, pour présenter ses produits côté producteur·rice ou chercher des sources d’approvisionnement côté chef·fe. Pour en savoir plus : https://www.viaterroirs.com/
Le défi Famille Alimentation Positive : et si on passait à 1000 familles ? Le défi Famille à Alimentation Positive, impulsé par la région Rhône-Alpes et le réseau Corabio, a été testé sur le territoire de la métropole de Lyon entre 2012 et 2013. 100 familles participantes réparties en 10 groupes ont été amenées à augmenter de 20 points leur consommation de produits bio sans augmenter leur budget. Le projet comprenait des soirées d'échange avec un diététicien nutritionniste, des visites de fermes pédagogiques, des ateliers jardinage, des ateliers cuisine etc., à l'issue desquels se sont déroulées une remise de prix et une présentation synthétique du bilan des défis réalisés. L’idée générale du projet FAAP est de favoriser un changement de pratiques alimentaires de manière participative et ludique plutôt que contraignante. On suscite la motivation via le plaisir plutôt que la peur des risques sanitaires. Cette forme de sensibilisation originale dans le domaine de l’alimentaire a permis de toucher entre autres les publics ciblés, c’est à dire les familles à faibles revenus. L’expérience a été renouvelée les années suivantes, en augmentant le nombre de participant·es. L’objectif est de toucher un maximum de familles, cependant ce type de projet demande un fort investissement en temps. Chaque défi demande aux structures relais un investissement de 7 à 10 jours. Une réflexion est actuellement menée dans plusieurs régions de France sur les modes de changement qui pourraient être mobilisés pour toucher jusqu’à 10 fois plus de familles. Elle tend vers une nouvelle méthodologie de travail moins lourde pour les animateurs et animatrices de l’ARDAB, notamment en formant les salarié·es des structures partenaires, afin de mieux partager le travail d’organisation et d’animation, dans une logique coopérative. Pour en savoir plus : http://www.famillesaalimentationpositive.fr/defi/metropole-lyonnaise-2016-17/
Construire des modèles organisationnels solidaires et viables Le constat des difficultés et opportunités de l'accessibilité à une alimentation de qualité mènent à des réflexions sur les modèles organisationnels à construire autour de ces projets solidaires, et sur les moyens d'assurer leur viabilité. Plusieurs types d’actions sont à croiser : des actions sur le prix, sur la sensibilisation, autour de la qualité du produit ; mais aussi sur la logistique et les moyens à mobiliser, ou encore sur la diffusion des valeurs qui sous-tendent ces enjeux comme l'équité, le lien social, le partage. Au cœur de ces actions, plusieurs choses s'échangent. Des produits alimentaires, bien sûr, mais aussi du temps, des compétences, du plaisir, sans oublier de l’argent. Leurs moteurs sont faits d'une multiplicité de parties prenantes : des consommateur·rices, des bénévoles, des élu·es, des militant·es, des producteur·rices, des restaurateur·rices et puis des personnes passerelles, celles qui font les liens de façon informelle. Des freins et des contraintes sont à prendre en compte : la concurrence, les habitudes alimentaires, les normes, les dispositifs publics qui sont là parfois pour favoriser mais ne correspondent pas ou plus toujours aux réalités de terrain, la rareté des financements disponibles... Financement public et autonomie Les associations œuvrant dans le domaine de l’alimentation touchent à des enjeux de santé publique, ce qui favorise l’implication de l'Etat et des collectivités. La dépendance financière aux subventions publiques pose cependant la question de l’autonomie de ces structures dans la mise en place de leurs actions. Certaines structures soulignent de plus l’inégalité du système de distribution des subventions publiques, car les appels d’offres favorisent les grosses structures au détriment des plus petites et des plus fragiles qui ont plus de difficultés à y répondre. Les défis actuels des associations sont de réussir à pérenniser cet investissement malgré la tendance à la baisse des subventions publiques, tout en veillant à hybrider leurs ressources
afin de conserver leur autonomie. Les autres sources de financements comme celles de l’Europe se raréfient néanmoins elles aussi, et la capacité d’auto-financement des associations est souvent très limitée. Cette situation pousse les associations à se tourner vers de nouvelles sources de financement comme la finance participative ou crowdfunding, (qui nécessite cependant d’avoir un large réseau), ou vers des partenariats avec des entreprises privées. Face à la difficulté de trouver des financements, l’enjeu pour les associations est de trouver un modèle économique qui reste au service de leur finalité sociale. Le supermarché coopératif : un modèle d’autonomie financière ? Suite à la diffusion de l’expérience du supermarché coopératif New Yorkais « Park Slope Food Coop », plusieurs initiatives similaires commencent à émerger en France, à l’image de La Louve à Paris. En Rhône-Alpes, deux projets se sont récemment lancés : « l’Eléfàn » à Grenoble et « Demain » à Lyon. Le principe du supermarché coopératif est de rendre accessible des produits de qualité, majoritairement bios ou locaux, via la participation bénévole des adhérent·es à son fonctionnement : réception des livraisons, mise en rayon, encaissement etc., à hauteur de 3 heures par mois. Les expériences les plus abouties témoignent d’un modèle efficace, au vu des économies de 10 à 50% réalisées. Pour cela, il est cependant nécessaire de compter plus de 1000 adhérent·es, parfois plusieurs milliers, ce qui nécessite du temps et beaucoup de communication. Le modèle coopératif permet de valoriser au mieux la participation des adhérent·es, de manière financière et non financière. Adhérer revient à acheter des parts sociales et donc à alimenter les fonds de la structure. Ce modèle permet de se libérer de la dépendance aux subventions publiques en limitant leur part dans les ressources globales de l'association. L’objectif reste néanmoins de réussir à toucher des publics à faibles revenus et non pas uniquement des consommateur·rices déjà initié·es aux enjeux actuels de la consommation responsable et financièrement aisés. A Grenoble, la cotisation est libre, afin que chacun·e participe en fonction de ses ressources. L’éléfàn a aussi mobilisé RSA 38, une association de personnes en situation de précarité, qui les accompagne pour toucher ce public, et travaille en étroite collaboration avec le supermarché coopératif Bruxellois (lui-même soutenu par le FALCOOP, un laboratoire issu de l'université libre de Bruxelles) pour rendre ce supermarché accessible. Prise en compte des spécificités locales, des populations visées, actions de sensibilisation, actions ludiques, actions de formations, etc. sont autant de pistes de réflexion à mettre en œuvre.
Pour réussir à proposer des produits vraiment accessibles à ces populations, l'association est cependant contrainte de se développer jusqu'à atteindre une bonne solidité financière, et ce en ciblant les personnes plus aisées dans un premier temps. Pour en savoir plus : http://lelefan.org https://www.facebook.com/Demainsupermarche/ Valoriser les ressources non monétaires Dans ce contexte, la reconnaissance et la valorisation des ressources non-monétaires est un enjeu de taille pour les structures associatives. La mutualisation de ces ressources via des partenariats en est une forme. L’engagement bénévole est également une des forces principales des associations, et la pérennisation de cet engagement l’une de leur problématiques majeures. L’engagement bénévole et militant « pour une alimentation solidaire » L’association « Pour une alimentation solidaire » fonctionne comme beaucoup grâce à cet engagement volontaire. Située dans les Monts du Lyonnais, elle organise la récupération de surplus agricole chez des producteur·rices afin de les revendre à bas prix aux personnes à faible revenus via des structures socio-culturelles existantes. Ce sont des bénévoles militants qui sont à l’origine du projet. Aujourd’hui, l’association emploie une animatrice coordinatrice mais l’investissement de personnes bénévoles reste primordial à la fois dans la définition des objectifs de l’association, et dans l’organisation de ses missions. Une trentaine de bénévoles actifs (administrateurs ou non) font vivre l’association. Cette association est représentative des enjeux de la participation bénévole et de son organisation. Si c’est le militantisme qui pousse au bénévolat, il est nécessaire pour pérenniser cet engagement sur le long terme de valoriser le travail bénévole et son apport dans les différentes sphères de vie de l’association, à la fois vis-à-vis des adhérents de l’association et des partenaires. L’émergence de projets collectifs via la coopération inter-associations
La multiplication des initiatives pour une alimentation de meilleure qualité a par ailleurs permis des nouvelles formes de coopération entre acteurs. Les groupements associatifs permettent de mutualiser les ressources et de soutenir les actions existantes des structures participantes, d’accroître leur visibilité et leurs capacités de communication, leur poids dans la gouvernance alimentaire, mais aussi de faire émerger de nouveaux projets collectifs. Ces formes de coopérations, au-delà du regroupement d’initiatives privées de l’Economie Sociale et Solidaire, permettent aussi d’intégrer les collectivités locales et de transformer les relations partenariales entre ces deux types d’acteurs. Le GESRA et le Bol : un partenariat pour approvisionner les épiceries sociales et solidaires en circuits courts Le GESRA est un exemple type de mise en réseau d’acteurs, ici les épiceries sociales et solidaires. Ce projet est né de l’initiative d’épiceries et est aujourd’hui au service de la création, du développement et de l’accompagnement des épiceries sociales et solidaires. Le BOL, pôle de coopération territoriale sur l’alimentation, rassemble quant à lui 27 organisations régionales dont l’activité concerne plus ou moins directement les enjeux de production, transformation, distribution ou sensibilisation alimentaire, dont le GESRA fait partie. Grace à la création de ce PTCE (Pôle Territorial de Coopération Economique) a émergé un projet d’autoproduction partagée par plusieurs structures membres du Bol : le Passe Jardins, le GESRA et la Légumerie. Cette coopération vise à inclure les bénéficiaires d’épiceries sociales et solidaires dans un projet d’auto-production agricole. Des ateliers pédagogiques dans un jardin partagé, en mixité sociale, vont être mis en place pour à la fois transmettre des techniques de production aux participant·es et assurer une part de l’approvisionnement des épiceries sociales proches qui rencontrent des problèmes de quantité et de régularité dans leur approvisionnement.
Organiser la coopération entre les acteurs et actrices d’un quartier : l’exemple des Buers Le quartier des Buers à Villeurbanne est le terrain de plusieurs initiatives solidaires, incluant des projets autour de l’alimentation. L’association Légum’au logis a porté en 2012 le projet de la Ferme des Buers dont les principales actions sont la distribution de paniers de produits frais et l’organisation d’un groupement d’achat VRAC. L’objectif est de rendre accessible une alimentation de meilleure qualité aux habitant·es du quartier, en prenant en compte leurs difficultés financières. Les produits via le système de panier et de groupement d’achat sont donc vendus à faible prix, et sans engagement. Ce type d’initiative est rendue possible par la coopération de différentes parties prenantes aux objectifs et moyens complémentaires. La ferme des Buers est née de l’action de citoyen·nes engagées et du bailleur social Est Métropole Habitat. Aujourd’hui, elle est un réseau d’habitant·es, de bénévoles, de producteurs et productrices, de salarié·es et elle fait partie d’un réseau plus large de structures solidaires dans le quartier, comme le projet d’habitat collectif Kaps piloté par l’Afev. Les collectivités locales sont aussi nécessairement impliquées, financièrement au moins, dans ce type de projets. La diversité des parties prenante donne parfois lieu à des tensions entre injonctions contradictoires fortes, ce qui a pu être une difficulté pour les membres de Légum’au logis. Aujourd’hui l’association essaye de s’adapter aux contraintes que peuvent présenter ces formes de partenariats, tout en valorisant cette diversité qui est indispensable à l’émergence, la diffusion et la pérennisation d’initiatives solidaires de proximité. L’enjeu est de réussir à trouver des modes de coopération et de gouvernance adaptés. Pour en savoir plus : https://fr-fr.facebook.com/legumaulogis/
Quels leviers d’action pour des systèmes alimentaires urbains plus solidaires ? Ces exemples d’initiatives en région lyonnaise sont autant de défis à relever pour améliorer l’accessibilité à une alimentation de qualité. Une telle entreprise nécessite d’allier aux efforts associatifs la collaboration des pouvoirs publics, qui détient les leviers d’action pour créer des systèmes alimentaires urbains plus solidaires. La mise en place de politiques et dispositifs publics doit effectivement émerger du vécu des acteurs et actrices de terrain, et s’accompagner d’un regard critique. Quels sont les publics visés et sont-ils réellement touchés par ces dispositifs ? Quelle place est laissée aux consommateurs et consommatrices ? Des modes d’actions plus participatives et inclusives répondent-ils vraiment aux attentes des populations et résultent-ils de leur participation effective ? La ville de Lyon tente actuellement d’initier des dynamiques collectives entre acteurs institutionnels et acteurs privés autour de ces questions. Le conseil lyonnais de l’alimentation durable A la suite de sa participation au projet européen Urbact pendant 3 ans, la ville de Lyon a mis en place en 2016 un conseil de l’alimentation durable qui regroupe essentiellement une vingtaines d’acteurs locaux de l’ESS, des services municipaux et des chercheurs concernés par les enjeux de la gouvernance alimentaire territoriale. L’entrée dans le programme Urbact, qui visait à mettre en réseau 10 villes afin d’échanger des pratiques et expériences autour de l’alimentation urbaine durable, a récompensé l’engagement de longue date de la ville et de ses acteurs sur les enjeux alimentaire urbains. Ce fut le premier pas vers la formalisation d’un système alimentaire local plus solidaire et durable, impulsé par le plan d’actions qui clôture le programme Urbact. Un « plan d’actions pour une alimentation durable pour tous sur le territoire lyonnais » a été élaboré avec les acteurs, autour de 4 axes : Produire partout où c’est (encore) possible, Créer des richesses locales Donner les clefs d’accès au plus grand nombre Développer et animer un espace de gouvernance
De plus, Lyon a été parmi la centaine de villes à signer le pacte de Milan en 2015, charte d’engagement volontaire en faveur du développement d’une approche territoriale de notre système alimentaire, pour plus de durabilité. Aujourd’hui, la création d’un conseil local de l’alimentation durable a alors vocation de pousser plus loin les actions collectives et de mieux les coordonner pour développer une politique alimentaire locale cohérente, orientée sur la justice alimentaire. C’est un moyen de mettre en relation les acteurs privés et les collectivités dans l’élaboration de cette politique qui vise à réduire la fracture alimentaire. La première action du CLAD a été de rédiger un plaidoyer pour l’accès de tous à l’alimentation durable. Pour engendrer de réelles dynamiques, il est nécessaire de prendre le temps d’élaborer une vision commune de l’alimentation durable et des objectifs à rechercher, mais cela se heurte à la faiblesse des moyens des acteurs, à leur fragilité économique et au manque de coordination d’ensemble. Le CLAD est donc un outil innovant au service du dialogue et de la coopération publique-privée autour d’enjeux territoriaux, mais il sera nécessaire d’investir suffisamment de moyens et d’efforts pour aboutir à des résultats concrets. Pour en savoir plus : http://www.rhone-solidaires.org/l-alimentation-durable-un-droit-pour-toutes-et-tous L’action émergente des pouvoirs publics doit s’insérer dans les réseaux existants autour de ces questions, majoritairement associatifs. Il importe alors de définir les formes de gouvernance idéales à développer pour coordonner au mieux les actions portées par chaque acteur ou actrice. La gouvernance alimentaire est l’ensemble des règles et processus, formalisés ou non, par lesquels tous les acteurs publics ou privés concernés participent à la décision et à la mise en œuvre d’actions collectives autour de l’enjeu alimentaire (de la production à la consommation). Les acteurs privés et publics doivent prendre part de manière égalitaire et collective à cette gouvernance pour actionner les leviers de développement d’un système alimentaire local solidaire. Les acteurs privés associatifs considérés de manière générale comme acteur·rices de l’Economie Sociale et Solidaire doivent aussi se poser la question de la place des autres parties prenantes des systèmes alimentaires actuels, comme les enseignes de distribution.
Conclusion L’accessibilité à l’alimentation de qualité est donc au cœur des enjeux alimentaires actuels, face auxquels se multiplient des initiatives. Ensemble, elles participent à la construction de systèmes agro-alimentaires, plus locaux, plus durables et plus justes. La difficulté à évaluer et valoriser leurs actions est l’un des enjeux mis en avant par les structures lors de ce séminaire. La coopération entre acteurs et chercheurs peut permettre des échanges de compétences à ce niveau, et par exemple la mise à dispositions d’outils issus de travaux de recherches. Sur la base des éléments abordés ici, un outil d’auto- diagnostic a donc été élaboré dans le cadre du projet FRUGAL et va être mis à disposition à l’automne 2017 des structures pour caractériser leurs pratiques d’accessibilité à l’alimentation de qualité pour tous·tes et les aider à prendre du recul, et à les valoriser.
Coordination de la rédaction de ce document: Clara Lohier-Fanchini et Séverine Saleilles Clara Lohier-Fanchini est étudiante en Master ESS à l’université de Lyon 2 et effectue un stage de fin d’études au laboratoire Coactis dans de cadre du projet FRUGAL Séverine Saleilles est maître de conférences à l’Université de Lyon et co-responsable du volet de recherche FRUGAL « acteurs et modalités de la gouvernance alimentaire » Contact : severine.saleilles@univ-lyon1.fr Ont contribué à la rédaction de ce document : Laurence Berne Camille Hochedez Maxime Bertolini Corinne Hooge Serge Bonnefoy Jean-Claude Jauneau Véronique Bouché Emilie Lanciano Valérie Bounab Alexandrine Lapoutte Clémentine Chaize Antoine Limouzin Fabien Chaufournier Olivier Michel Jean-Baptiste Chomez Charlène Nicolay Claire Delfosse Baudouin Niogret Manon Demars Julien Noël Carole Deschamps Sylvie Pislar Anouk Desouches Audrey Rimbaud Marie-Noëlle Dubar Elodie Rolland Mireille Dubois Daniel Roybin Christian Fougerouse Boris Tavernier Jean-Louis Gauthier Marc Tersoglio Rodrigo Giraldo Mylène Thou Ruud Hartmanns Elena Vitte Remerciements Romain Chaumey, Maxime Chavasse-Fretaz, Emma Edelman, Farah Lhacheq, Fanny Karczewski, Nathalie Rivier
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