Culturelle Rentrée - N 55- Journal Zibeline
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Rentrée Politique culturelle L’état en région 6, 7 capitale Marseille est sous le feu des projecteurs. Pour l’année Le beau est-il démocratique ? 8 Hommage à Akel Akian 10 Capitale elle tente de se parer d’atours inusités et par- Aquò d’Aquí 11 tout des murs n’en finissent pas de se construire, autour Comité Régional de Tourisme, Cavaillon 12 de trous toujours béants. Mais la nuit, et même le jour, Les SMACs 13 les rats courent sur les trottoirs défoncés, les balles fusent Saisons au cœur des cités, des quartiers entiers, désespérés par le chômage et la misère, sombrent dans le trafic, le racket, Cinéma : Buzine, Institut de l’image, Alhambra 14, 15 la violence. Une vision fantasmée de médias avides de sensations ? Théâtre : La Criée, Le Lenche 16 Il suffit d’arpenter les rues de Marseille pour y sentir ce Le Toursky, Les Bernardines 18 Le Merlan, La Minoterie 20 mélange inimitable d’iode et d’ordure, de soleil ébloui Le Gyptis, Massalia, La Friche 22 et de nerfs à vif, de sel qui exsude tout à la fois des lar- Gymnase, Jeu de Paume, GTP 24 mes et de la mer. Vitez, ATP Aix, Bois de l’Aune 26, 27 L’état de notre capitale régionale alarme les travailleurs Velaux, Rousset 28 sociaux et culturels depuis des années. Depuis des années Aubagne, Simiane 30 ils se battent et voient leurs moyens diminuer, la popu- Port-de-Bouc, Martigues, Scènes et Cinés 32, 33 Berre, Nîmes, Arles 35, 34 lation s’appauvrir, et ceux qui ont un peu d’argent fuir Cavaillon, Avignon 36, 37 la misère vers une Provence moins tragique. Certes des Château-Arnoux, Briançon 38 quartiers préservés attirent aujourd’hui des touristes, Gap, Draguignan 39 mais ils viennent là en pays étranger, amusés par les Le Revest, Châteauvallon 40 indigènes qui forcent leur accent, fiers d’une identité Toulon, La Garde 41 disparue. Faut-il investir dans le tourisme ? Dans la poli- La Valette, Saint-Maximin, Cannes 42 Grasse, Sainte-Maxime 43 ce pour rétablir l’ordre ? Dans la scolarisation maternelle pour aider les familles ? Danse : Pavillon Noir, BNM 44 La grande métropole appelée de ses vœux par le gouver- Klap, Ballet d’Europe, Grenade 45 nement pourrait rééquilibrer le territoire en travaillant à une autre échelle. Celle de Marseille Provence 2013, qui Musique : Ajmi, Silo, Le Moulin 46 est à ce titre-là précurseur. Mais il serait absurde que les Opéras Marseille, Toulon, Avignon 48, 49 Cité de la Musique, SMCM, Télémaque 50 communes alentour aient à s’appauvrir pour compenser GMEM, Musicatreize, Odéon 51 des décennies successives d’incurie politique. C’est de Arles, Toulon, Carry 52 moyens supplémentaires nationaux dont la ville a be- soin. Pour sa sécurité sans doute, mais surtout pour le Au programme maintien de sa cohésion. Pendant longtemps la relative paix sociale reposait sur des associations, des ensei- Musique 54 à 59 Arts de la rue 60, 61 gnants et des artistes, qui retroussaient obstinément Livres 62 à 65 leurs manches, et que l’on a privés de moyens financiers Rencontres 66, 67 et humains. Ils attendent à présent un signe clair du Arts Visuels 68 à 75 gouvernement. Cinéma 76, 78 AGNÈS FRESCHEL RetrouveZ nos éditions précédentes sur www.journalzibeline.fr
06 POLITIQUE CULTURELLE L’ÉTAT EN RÉGION L’État enfin là ? Le discours du Président de la République lors du Festival refusant trois fois la légion d’honneur, économie de la culture de créer des emplois, des activités, de d’Avignon dénote un changement de regard. Ira-t-il jusqu’au et dénonçant ces dernières années porter des industries, qui font que nous pouvons trouver dans décentrement ? avec force le «mariage cruel» des ce domaine, une des manières d’atteindre nos objectifs Depuis le 10 juillet 1981, aucun Président de la République institutions d’État avec des cabinets économiques. En termes d’emplois, en termes de rétablisse- n’était venu en Avignon. «J’ai 5 jours de retard» sourit Fran- d’intérêt privés. ment de notre commerce extérieur, de notre balance des çois Hollande. Et trente et un an ! Le symbole n’est pas Le Président de la République pensait- paiements, mais également en termes de redressement.» anodin, et le président de l’Université d’Avignon en saluait il à tout cela en citant ces deux hommes ? d’ailleurs la force et la «joie». Reprenant les mots de Jean Défendra-t-il une culture à la fois po- Le budget et la ligne Vilar dont on célèbre le centenaire, il rappela la raison d’être pulaire, affranchie de la finance et libre Car en termes de budget général pour la culture, les propos du théâtre : «Le projet de Vilar est une utopie politique d’édu- de ses gestes, partout où la création sont restés très mesurés : «La ministre de la Culture, le Pre- cation populaire, de promesse d’émancipation […] Il existe donne encore des signes de vie ? mier ministre, ont malgré des temps difficiles, des contraintes une mystique de la rencontre entre l’art et le peuple, Monsieur Soulignant la «vitalité» et la «qualité» lourdes, obtenu qu’il n’y ait pas de conséquences en termes le Président, Madame le Ministre, ne nous quittez plus !» s’ex- d’Avignon, citant à la fois «le In et le d’économies supplémentaires sur le budget de la culture.» clama-t-il avant que Jacques Théphany, Directeur délégué Off», il s’agit bien pour lui de «marquer Cette absence d’économies supplémentaires annonce claire- de la Maison Jean Vilar, ne livre quelques morceaux choisis un engagement» et de «reprendre le ment, conformément à son programme, la non-augmentation de la correspondance de Jean Vilar à son épouse : «Que le fil» : «Il s’est produit une longue ab- du budget du ministère de la Culture (actuellement 0,6% des monde est beau ma bien-aimée»… Par la grâce de l’art ! On sence… Venir ici en Avignon, c’était aussi dépenses d’État). Mais signifie-t-elle un maintien général du était au cœur lyrique du propos. dire toute ma reconnaissance à tous budget en 2012, ou un alignement sur la baisse générale des ceux qui ont permis dans les moments dépenses publiques hors ministères «préservés» (Éducation, Des parrains divers très difficiles, que la culture soit ce Justice, Sécurité) ? Questionné, il fut plus clair : «Le minis- Puis le Président de la République évoqua les principes qui qu’elle est en France.» tère de la Culture sera soumis aux mêmes règles que les autres le guident dans l’action mise en œuvre par la ministre de la Mais en remerciant Yvon Lambert pour ministères. Aussi bien sur l’emploi que sur la dépense. Même Culture Aurélie Filippetti. Action qu’il place sous le signe de son «exceptionnelle donation» (voir si le spectacle vivant, en tant que priorité du ministère, sera Vilar et du théâtre populaire, répétant sa «volonté de www.journalzibeline.fr/exhibitions), il considéré.» La nuance est de taille ! Pourtant baisser les 0,6% démocratisation, de donner aux œuvres de l’esprit le plus large plaçait également son déplacement dans du ministère de la Culture ne rapportera pas grand-chose… public et d’élever le niveau de l’éducation artistique» ; mais la cité des papes sous le signe concret On est fort loin déjà des 1% que certains gouvernements aussi, et c’est plus étonnant, il fit un hommage appuyé à de la «promotion» de la création contem- socialistes ont osé appliquer, certes en des époques moins Jack Ralite, ce qui signe une volonté nette d’affranchir la poraine. Il alliait ainsi l’hommage à dures. Mais n’est-ce justement pas en ces temps difficiles culture des lois du marché. Alors même que l’influence du Ralite, ministre du premier gouverne- que l’on a le plus besoin de culture ? Front de gauche pour la culture semble en fort recul dans les ment Mitterrand, contempteur fréquent Malgré cette baisse annoncée, c’est cette volonté de protéger débats et représentation François Hollande place la culture des compromis électoraux socialistes la culture qui transparaissait du discours du 15 juillet en sous des augures communistes, sous le signe d’un homme dans sa cité ouvrière d’Aubervilliers, Avignon. Déclaration d’intention qui ne coûte rien, mais a du qui a inventé et promu une «exception culturelle» pure, la avec des perspectives plus pragmatiques : moins le mérite de la force symbolique. Pour François Hol- liberté des artistes, la création avant tout. Et la révolte, il s’agit aujourd’hui de «permettre à une lande : «La culture fait partie de notre projet et même la culture donne une force à ce projet.» C’est en ce sens que les orientations qu’il prône pour le ministère l’éloigneront sensiblement du précédent. En choisissant de réserver «une © Sarah Maurieres part pour la création et le spectacle vivant», en disant que la culture ce n’est pas «simplement le patrimoine», en insistant sur la nécessité de «l’éducation artistique», en parlant de «solidarité avec tous les milieux» pour que «les cultures viennent aussi des territoires ruraux et des banlieues», en défendant l’ouverture aux autres pays pour faciliter la circulation des artistes, en voulant que ses ministres de l’économie et de la consommation «brandissent» dans les conférences internationales «l’exception culturelle» comme une garantie contre la marchandisation de l’art, François Hollande promet une réelle rupture. Visiblement, le Président de la République ne sait pas encore tout à fait dans quel sens sa politique culturelle ira, mais il veut faire rayonner la culture française à l’étranger (redonner des crédits par le biais des Affaires Étrangères ?), faire de l’Éducation artistique une priorité (par le ministère de l’Éducation ?), se battre sur le terrain légal et fiscal pour préserver les taux de TVA réduits (ministère des Finances ?). Et repenser les droits des auteurs et le statut de l’intermit- tence, en le remettant en cause lorsque les industries culturelles et les chaînes nationales en abusent, mais non lorsqu’il correspond à une réalité professionnelle pour les artistes et les techniciens à l’activité… intermittente.
POLITIQUE CULTURELLE 07 Ce que l’été nous laisse La rentrée sonne toujours, en PACA, un rappel bru- calculé la dépense culturelle des territoires avec un tal à la réalité. Un retour à l’ordinaire, ou à ce qu’on ratio simple : le budget alloué à chaque région di- croit tel. Car en matière culturelle l’ordinaire de visé par son nombre d’habitants. PACA étant à ce notre région est très spécifique : l’été nous coûte titre mieux loti que d’autres, la DRAC a «rendu» à Remodeler cher, et nous concerne peu. l’État 350 000 € en 2011, et devrait en faire au La région PACA, première région touristique (après moins autant cette année. Logique égalitaire ab- en décentrant ? Paris) du premier pays touristique du monde, en- surde, qui voudrait que l’on nourrisse autant un La volonté de protection et de valorisa- gloutit une part non négligeable de ses budgets homme repu qu’un adolescent mort de faim. tion est donc énoncée. Mais à budget culturels dans ses festivals. L’État participe à ce C’est ainsi que Marseille Provence 2013, ou le égal, voire en baisse, des secteurs verront processus, en finançant les grands festivals inter- MuCEM, ou le FRAC, la Friche, le Théâtre Liberté… immanquablement leurs financements nationaux par des crédits décentralisés, alors même qui devaient être un bien pour un territoire nette- diminuer : la question des équilibres que ceux-ci sont peu fréquentés par les gens de la ment sous équipé jusque là, accélèrent l’appauvris- entre des établissements d’État (ou région, et ne programment aucune compagnie d’ici, sement général du tissu culturel existant. Et pas non) très coûteux, pratiquant la po- hors quelques prétextes. seulement parce que l’État réduit de fait pour les fi- litique du champagne (du temps de De même la DRAC1 dépense une grande partie de nancer son budget courant, mais parce que ce phé- François Mitterrand on parlait de caviar, qui est passé de mode), et les struc- son budget pour la restauration et l’entretien, très nomène se répercute à l’échelon régional, tures indépendantes qui se nourrissent coûteux, du patrimoine. Celui-ci, plus qu’excep- départemental, communal : tout nouvel équipe- d’aléas devra se poser. Celle de rééqui- tionnel, nécessite évidemment qu’on le valorise. ment, qui nécessite un budget de fonctionnement, librage Île de France/Rest of the France Mais la part qui reste pour le fonctionnement cou- atrophie les enveloppes culturelles déjà maigres de aussi. rant des arts vivants et la création devient la seule chaque collectivité… qui reporte sa baisse sur la Car la nécessaire décentralisation cul- variable d’ajustement lorsque le budget global seule variable d’ajustement, c’est-à-dire les lieux et turelle n’est pas du tout évoquée. Le baisse. Car cette région démographiquement très compagnies indépendants. Président de la République, en déplace- importante, et territorialement très complexe, ne ment en région, l’a éludée, sinon en peut rogner sur les investissements, ni sur les po- Patrimoine, festivals, tourisme disant qu’il ne voulait pas laisser de litiques de démocratisation dans des zones rurales, Le nouveau ministère saura-t-il voir cet état de grand œuvre parisien bâti en son nom, ou en détresse sociale. fait ? Aurélie Filippetti a tenu cet été des propos mais plutôt «une grande idée, mobili- L’appauvrissement très net ces dernières années importants, sur le patrimoine puis sur les festivals. sant tous les territoires». Allusion que les des associations culturelles, des compagnies, puis En fin juillet à Albi, lors de l’inauguration du Musée journalistes, pour la plupart Parisiens des équipements dits «intermédiaires» ou conven- Toulouse Lautrec, elle a souligné les liens qui doi- de passage puisque choisis par l’Élysée, tionnés, est une conséquence directe de cette ab- vent exister entre création et patrimoine, décrivant n’ont pas saisie, préférant interroger sence de prise en compte par l’État de la spécificité celui-ci comme un «secteur d’avenir». Puis dans un comme d’habitude sur Hadopi, les régionale. PACA fait pour la deuxième année l’ob- communiqué à la rentrée, elle «s’est réjouie de la vi- intermittents, voire l’emploi culturel à jet d’un «mandat de révision» de son budget. En- talité des Festivals d’été français et de leur impact travers l’exemple de… FraLib, sans tendez que le ministère de la Culture (précédent) a économique sur les territoires.» Plus précisément doute leur seule référence en termes elle déclare : «Les retombées économiques sont d’emploi culturel régional. réelles : création d’emplois, consommation induite © Didier Plowy/MCC Les questions essentielles donc, celles dans l’hôtellerie et sa restauration, rentabilité des qui amèneraient à s’interroger sur la infrastructures locales, retombées publicitaires. Les nature de la culture qui sera défendue régions et les organisateurs l’ont bien perçu. Les et promue par l’État, sur la répartition études économiques démontrent que cet impact a territoriale des forces et des crédits un fort effet de levier, évalué entre 4 à 8 pour 1 € culturels, voire sur le rapport de plus investi par la collectivité.» en plus ambigu qu’entretiennent les Dans ces deux discours, la ministre de la Culture grands festivals, et les grandes institu- souligne les impacts pour l’économie privée (en tions culturelles, avec les artistes et les particulier le tourisme, voir à ce sujet p. 12) des in- populations des régions qui les accueil- vestissements publics en matière de culture. Selon lent, et les financent, ne furent pas elle ils sont bénéfiques pour les territoires… Pour posées. les hôteliers, certes, mais pour les compagnies et Reste donc à espérer que le ministère lieux non saisonniers victimes des mandats de ré- continue d’avancer sur ces questions- vision ? là. Le patrimoine et les musées sont Ainsi, ayant chanté tout l’été et en attendant jan- clairement dans la ligne de mire. Espé- vier 2013, nous nous préparons à une belle diète rons que le centralisme français, et les culturelle : c’est que les artistes d’ici n’ont désor- dépenses somptuaires, ne seront pas mais plus les moyens d’y créer des spectacles ou épargnés, et que la culture défendue des œuvres… Est-ce là la vie culturelle que nous par les structures indépendantes et souhaitons, événementielle et déconnectée du réel «provinciales» pourra sortir la tête de commun ? l’eau autrement que par… intermit- A.F. tence forcée ! MARYVONNE COLOMBANI ET AGNÈS FRESCHEL 1 Direction Régionale de Affaires Culturelles, soit le mi- nistère décentralisé en région Monsieur François Hollande et Madame Filippetti étaient en déplacement à Avignon le 15 juillet
08 POLITIQUE CULTURELLE LE BEAU EST-IL DÉMOCRATIQUE ? Il y a Le combat l’art n’a que faire. (Il faut dire que la de l’art, des grands duels réfutation était facile : pour le coup Kant n’y comprenait absolument rien, dans l’histoire et prenait pour exemple de l’art le chant du rossignol, naturel, ou un de la philosophie, poème, pourri, du Roi de Prusse !). Non, pour Hegel l’art est une mani- un combat festation de la vérité, rien que ça ! et de grands C’est-à-dire que toute œuvre d’art dit ce qu’est le peuple qui la réalisa ou vainqueurs ! en fut contemporain. En fait la vérité, pour Hegel, c’est le Platon contre Aristote ou les idées réel, aussi contradictoire que cela politique contre la réalité ; Descartes contre semble. Le concept n’est pas une idée, Spinoza ou l’âme dominante contre le il est gorgé de réel. Le concept d’être corps source primordiale ; et aussi humain n’est pas une idée abstraite Kant contre Hegel, ou le combat, tita- produite pas les penseurs, c’est l’hom- nesque, entre l’idéalisme abstrait et me à toutes les époques dans toutes la dialectique qui se nourrit de les situations sociales. Et chaque situa- l’histoire et du réel. tion, chaque condition peut produire Les gagnants sont Platon, Descartes un concept d’homme contradictoire. et Kant ! Ce qui signe la victoire de Quel rapport avec l’art ? Et bien l’art l’idéalisme sur ceux qui défendent manifeste la vérité d’une époque : on l’inscription de la pensée dans l’his- doit analyser l’œuvre d’art non pas à toire et le social. Mais restons-en à partir de l’émotion universalisable l’art. Kant a certainement le premier qu’elle procure comme le disait Kant ; théorisé ce qu’on appelle l’esthétique mais on doit l’analyser en tant qu’elle par un de ses multiples coups de dit quelque chose du monde. Et pas génie abstraits qui caractérisent sa seulement de l’artiste ou du spec- philosophie : ne connaissant rien à ce tateur qui l’examine. En ce sens une dont il parle, il va tout de même en œuvre est nulle non pas lorsqu’elle ne élaborer une théorie superbe et tou- procure aucune émotion, mais quand jours d’actualité. elle ne dit rien du monde. Donc : l’art pour nous toucher, selon Ton beau est le mien Hegel, doit être politique. Comment théoriser le beau, et même par la suite l’art lorsqu’il se sera dé- Le beau c’est classe ! barrassé du beau ? Il est très difficile Or, fabriqué sauf exception par les de rationaliser l’émotion esthétique : classes dominantes, l’art a toujours je trouve ce film génial, tu le trouves du mal, aujourd’hui, à intéresser les nul : qui a raison ? D’ou la formule classes populaires, qui trouvent sou- «des goûts et des couleurs on ne vent leur beau ailleurs. C’est que, comme discute pas.» Mais le «grand Chinois le dit Marx, toute pensée d’une épo- de Königsberg» comme le surnom- que n’est rien d’autre que la pensée mera Nietzsche, ne voudra pas en de la classe dominante. L’œuvre d’art rester là. Il y a quelque chose de fort ne peut pas plus qu’une autre s’abs- lorsque nous disons «c’est beau», traire du déterminisme social, et des © TonkinProd formule qu’il convient de distinguer représentations du monde qu’elles du «ça me plait». induisent. Même si depuis Hegel le Dans ce dernier cas il s’agit d’un juge- qu’on pourra ne pas être d’accord autres. Et si on n’est pas d’accord on réel et ses réalismes ont fait large- ment portant sur l’agréable, il est avec elle ? Elle sait très bien qu’il n’y se dispute, on parle, mais on n’évite ment irruption dans les représentations, entièrement subjectif, dépend stricte- a pas de concept du beau. pas la confrontation, avec un simple même lorsqu’il dévoile le monde, ment du sujet. Et puis l’expression Et bien d’après Kant, en parlant ou «chacun son avis» tel qu’un certain même s’il a souvent été lié à des com- porte la marque de la subjectivité jugeant une œuvre que nous aimons, post-modernisme individualiste, so- bats politiques, notre art reste, sinon avec le «me». Mais quelque chose de nous estimons que tout humain à cialement désintégrateur, nous incite élitiste, du moins celui qu’une élite différent se produit avec le jugement notre place devrait trouver ça beau : à le faire, prétendant par là définir la fabrique. Il est même, assez clairement, similaire qui porte sur le beau : on dit «lorsqu’il dit qu’une chose est belle, il démocratie. un marqueur de classe : dis-moi ce «c’est beau» et non pas «c’est beau attribue aux autres la même satis- que tu trouves beau, et je te dirai pour moi». Certes. Il n’en faut pas faction ; il ne juge pas seulement pour Le beau est vrai d’où tu viens… plus à Kant pour remarquer qu’il y a lui, mais pour autrui.» Critique du Kant élabore donc une théorie des RÉGIS VLACHOS dans ce jugement une prétention à jugement, §7. sentiments qui prend prétexte de l’art, être objectif : on dit «c’est beau» Car le jugement de goût, lorsqu’il et plus précisément du beau. Plus comme on dirait «c’est blanc» ou porte sur l’art, est le jugement de la moderne sera Hegel qui se fera fort «c’est noir». Qu’est-ce qui peut jus- vraie liberté humaine : celle où cha- de contredire Kant sur chacune de ses tifier cette prétention puisque la cun décide par soi-même en espérant idées. Pour commencer Hegel se personne qui le formule sait très bien trouver un point d’accord avec les débarrasse du beau dont, selon lui,
Adh é re Z et dialo g ue z avec l i n e Ziburevotre site .fs r lzibeline urna www.jo un gratuit qui se lit... aussi sur internet !
10 POLITIQUE CULTURELLE HOMMAGE À AKEL AKIAN | AQUÒ D’AQUÍ © Frédérique Fuzibet Une belle traversée Akel Akian nous a quittés le 24 janvier. Sa disparition a plongé ses proches et le monde du spectacle dans une profonde tristesse. Retour sur la carrière étonnante d’un humaniste poète Il était né par un soir de grande tempête, peut-être subventions sont renouvelées ; cependant nous de- Jean-Pierre Raffaelli, professeur au Conservatoire, en 1952, dans une famille de pêcheurs reconvertie vons assurer 20% d’autofinancement, en faisant de comédien et metteur en scène, a rencontré Akel il en agriculteurs. Il parlait le tarifit, la langue des la formation ou en louant le lieu, par exemple.» y a plus de 30 ans. Souvenir : Rifains et n’apprit l’arabe qu’à l’école. À vingt ans Akel était un poète de la vie et de sa vie. Quelque il arrive à Lyon, travaille dans une usine textile et Questions de jeu... chose le traversait qui venait à la fois de sa nature perfectionne son français. Et il est plongé dans un Ainsi Frédérique va garder le cap. Notamment avec et de sa culture. Ce n’était pas un intello mais un monde nouveau qui va du syndicalisme à l’écriture le projet d’Akel sur la thématique du foot, défendu homme de l’oralité. de Kateb Yacine, monté par Marcel Maréchal. dans le cadre de MP 2013. Projet rassembleur de Sa direction d’acteurs n’était pas conforme à ce qui Comme lui, il quitte Lyon et arrive à Marseille à la dimension européenne qui concerne trois villes por- se fait communément en Europe. Il prenait en fin des années 70, mais s’oriente vers les quartiers tuaires : Marseille avec le Théâtre de la mer, compte la personne dans son intégralité, faisait nord, intervient au Centre social de Frais Vallon, et Amsterdam et le MC et Casablanca et le Dabatheatr. appel à ce que chacun a en lui et partait du fonde en 1980 le Théâtre de la mer avec Frédé- Projet original qui s’articule sur les analogies de principe que tout le monde peut jouer. Parfois il se rique Fuzibet, son épouse et collaboratrice. En 82 vocabulaire. Ne joue-t-on pas autant au théâtre trompait, doutait aussi beaucoup ! Mais il voulait l’équipe s’installe à la Busserine. C’est le début de qu’au foot sur un espace appelé «plateau» ou «ter- «capturer le vivant». Il venait souvent au 30 années de travail de terrain, de dialogue per- rain» ? Depuis 2008, les trois «équipes» sont au Conservatoire faire travailler les élèves. Je me manent avec les jeunes et les habitants du quartier. travail et se retrouveront à Marseille cet automne, souviens qu’il leur a appris à dire l’arabe pour les D’interventions scolaires dont les professeurs gar- si les crédits arrivent. textes de Mahmoud Darwich. dent des souvenirs émus. Car Akel sait écouter et Un autre axe de son activité concerne la coopé- recueillir la parole de ceux qu’il croise, elle devient ration avec le Maroc et le festival d’Alhoceima, Luce Hedroug était professeur de français en Zone la matière de ses spectacles sans que jamais il entre Tanger et la frontière algérienne. Financé par d’Éducation Prioritaire au collège de Berre l’Étang. semble là pour les voler, comme Baisers d’hiron- Culture France, le Théâtre de la mer a monté avec Akel est intervenu dans son atelier théâtre de 90 à delles qui a recueilli les paroles des mères, et tant des comédiens marocains Dans la maison d’Isabel, 96 : de spectacles sur les adolescents. Ou sur des textes une pièce sur les flux migratoires, joué plusieurs C’était un visionnaire ! Il était très à l’écoute des d’auteur : qu’il monte Shakespeare, Demarcy, Ho- fois en Espagne et au Maroc, en rifain. Les répé- élèves, très patient, mais il les forçait à se dépasser rovitz ou Yacine, c’est ce qui relie les hommes qui titions d’un nouveau spectacle sont en cours et et permettait à chacun de trouver sa voie. Dans l’intéresse. c’est Frédérique Fuzibet qui en assure le suivi et la cette ville où 30% des habitants sont émigrés, il En juin 2008 une banale petite annonce provoque réalisation. leur donnait la parole. Le Forum des Jeunes et de un déclic : un entrepôt se loue rue de la Joliette. Ainsi le travail d’Akel se poursuit, et sa voix ne nous la Culture y mettait les moyens et les élèves étaient Les collectivités territoriales sont d’accord pour quitte pas. heureux. financer les travaux. Moins de 3 ans plus tard, en CHRIS BOURGUE novembre 2011, se tenait une conférence de presse Cyril Brunet, chef de projet pour MP 2013, pour faire découvrir ce nouveau lieu baptisé L’R de appréciait son amour de la poésie et son travail la mer. Malade depuis un an et très affaibli, Akel À venir dans les quartiers, notamment à Frais-Vallon où ils assure cette inauguration avec courage. Mais quel- Bouli puissance 3, d’après Fabrice Melquiot s’étaient rencontrés. Aussi l’a-t-il présenté à ques mois plus tard, la maladie l’emporte. Akel 2 oct à 14h30 et 20h30, Espace culturel Busserine Bernard Latarget. Entre eux l’entente fut n’aura pas le temps d’investir le lieu. 4 oct à 14h30 et 19h, Comoedia d’Aubagne immédiate : C’est Frédérique qui reprend le gouvernail. Depuis deuxième quinzaine de novembre à l’R de la mer Je cherchais des acteurs du territoire qui rendent quelques années elle met en scène après avoir ateliers de pratique théâtrale à partir du 1er octobre possible un vrai dialogue entre les deux rives, et assuré la scénographie et les costumes. Elle veut pratiquent la participation citoyenne. Akel Akian aujourd’hui faire aboutir les travaux amorcés par L’R de la mer avait accompli un travail exemplaire, d’une qualité Akel. «La situation financière est saine. Actuelle- 04 91 02 50 97 artistique très forte, et avait un sens rare de la ment nous pouvons payer toutes nos charges. Les www.letheatredelamer.fr fraternité.
Aquò d’Aquí En ligne depuis le 12 mai, le site web Aquò La difficulté en Provence étant que «la dispa- d’Aquí1 informe les internautes en occitan. rition des derniers locuteurs naturels laisse une Porté par l’association éponyme2 qui édite un situation inédite : l’écrasante majorité a appris journal papier depuis 1987, et dont le but est la langue à l’école. Le défi réel est qu’elle soit de participer au débat sur le développement socialisée, et non utilisée de manière norma- régional en y incluant la langue, c’est un projet tive.» Glissement de statut intéressant, puisque destiné à vivifier le rapport du public à la «entre l’édit de Villers Cotterêts (1539 : seul le culture occitane. Michel Neumuller, qui en est français doit être utilisé dans les actes admi- le maître d’œuvre, considère le site comme un nistratifs) et Frédéric Mistral, l’occitan devient outil pour ceux qui veulent apprendre l’occitan, la langue du peuple car elle est interdite d’intel- ceux qui ne sont pas assez à l’aise pour ligentsia, et ne sert plus à grimper l’échelle l’employer en public, ceux qui l’ont perdu faute sociale» ! On aboutit donc aujourd’hui au de pratique, ceux qui veulent le retrouver. paradoxe d’un langage relégué (même si «sa Lui-même l’a découvert enfant auprès du littérature garde de belles perles : Bellaud de la cantonnier et du berger de sa commune, une Bellaudière, Brueys, ou le fantastique et fantas- cité ouvrière peuplée d’immigrés nichés autour que Joan de Chabannes») au purgatoire d’une usine chimique, loin du cliché provençal. populaire, qui ne se transmet que dans le cadre Il sait d’expérience que l’on s’ap- de notre École Républicaine, et qui proprie un langage lorsque n’est quasiment plus parlé certaines barrières psycho- dans nos rues. logiques sont levées : Pour lutter contre cet «Si on ne s’estime pas état de fait, Michel assez bon ou trop Neumuller forme ringard, on n’ose quant à lui des pas s’exprimer.» occitanophones Voilà un homme confirmés aux qui n’emploie- techniques du ra pas le mot journalisme, «identité» à la et espère cou- légère : «Le vrir des zones terme a été plus étendues récupéré par de la région, l’extrême droite, d‘Arles à Nice, on hésite à en peut-être Gap. faire usage. Pour- «Nous avons les tant, la langue est attendus de tous les un marqueur culturel : .R. journaux du monde en X -D notre vision du monde en © ce qui concerne l’analyse uller est colorée. Nous voudrions eum de l’actualité, avec en plus h elN donner la possibilité à un maxi- Mic une responsabilité vis-à-vis de la mum de gens de lire l’occitan et de le parler.» qualité de la langue.» Il porte une attention Il prévoit à terme de proposer en regard de particulière aux rubriques culture et enseigne- chaque article une version audio qui permet- ment : «La musique occitane a besoin d’une trait d’écouter la prononciation, le phrasé, et a visibilité spécialisée, je réponds à une forte déjà mis en place un outil renvoyant pour demande dans ce secteur. Quant à la pédagogie, chaque expression plus ardue sur un lexique : l’article le plus lu cet été portait sur les élèves il suffit de passer la souris sur les mots en d’origine maghrébine, qui réussissent souvent rouge et de cliquer lorsqu’un point d’interro- bien en cours d’occitan.» gation apparaît. «On essaie d’inclure tout le Olive sur la fougasse : Aquò d’Aquí tient avec monde. Il y a deux façons d’écrire l’occitan, la soin un agenda des manifestations occitanes. classique, et la mistralienne : on équilibre, GAËLLE CLOAREC chaque rédacteur amène sa graphie.» Aquò d’Aquí diffuse d’ores et déjà une lettre d’infor- 1 «Ce qui est d’ici» mation à plus de 700 abonnés, et il est 2 Présidée par Philippe Langevin, consulté jusqu’en Espagne : «Après 1600, le Maître de Conférence à l’Université d’Aix- catalan a évolué avec l’espagnol, pendant que Marseille l’occitan évoluait avec le français, mais les deux sont proches cousins, et à l’écrit, on se www.aquodaqui.info/ comprend sans peine.»
12 POLITIQUE CULTURELLE CRT | CAVAILLON Bilan de la saison touristique : à qui le pompon ? C’est bien connu : le malheur des uns bonne année, «et je crois qu’elle sera trop tirer vers le bas.» Le bas : le est-il plus intéressant. Malgré les profite à d’autres. En Arctique, par moins bonne que 2013» se réjouit moins connu, le moins rentable en nuisances dues aux travaux et son exemple, la fonte de la banquise Michel Fuillet, président de l’Agence somme ? Ou les fêtes de village qui se image de Chicago méditerranéenne, facilite le transport aux mastodontes de Développement Touristique du prennent pour des festivals ? elle réussit en restant elle-même du vrac, sans même parler des stocks Vaucluse. (parfois dans la caricature et toujours d’énergie fossile qui dormaient sous 2013, 2013... ? Ah, oui, 2013, mo- Pour qui la Culture ? en laissant tomber les quartiers nord) la glace et deviennent accessibles. En ment où la culture sera à l’honneur Ces acteurs du tourisme, donc (qui à drainer de plus en plus de touris- matière de tourisme, les aléas du sur notre territoire ! Parce qu’ils le comme Alain Gumiel, maire de Val- tes… Car à Marseille on commence à climat ont jusqu’ici favorisé la région reconnaissent tous, les acteurs du lauris, ou Pierre Meffre, maire de croire à l’investissement culturel et à PACA : un «capital soleil» quasi garanti tourisme en PACA, la «destination Vaison-la-Romaine, sont souvent aussi la variété des propositions estivales assoit sa réputation à l’international. sèche» (entendez : le bien commun, des élus), dénoncent avec force l’éco- populaires (cinéma en plein air, ba- Ces deux dernières années, un coup gratuit, du sea sex and sun) ne suffit nomie souterraine encouragée par la teau à trois euros, manifestations de chance supplémentaire a même plus à drainer les foules. Pour Jean- crise et facilitée par Internet, les gratuites au Théâtre Silvain et sur la évité aux feux de forêt de ternir son Pierre Serra (président de l’Agence locations sauvages au détriment des place Bargemon, festival Jazz des image de marque, la pluie arrivant de Développement Var Tourisme), «la hébergements professionnels, et se Cinq Continents), sans compter une souvent au bon moment pour éteindre Provence est une marque porteuse, plaignent volontiers du manque à flopée de manifestations indépen- les départs d’incendie inopportuns. riche de sites exceptionnels que le gagner des collectivités en matière dantes qui ne cherchent pas à faire Résultat : quand les autres régions monde entier nous envie. Mais ce ne de taxe de séjour. Mais seraient-ils venir les étrangers, mais à offrir aussi françaises sont à la peine pour cause sont que des décors.» Et dame ! Ce prêts, dans un même élan citoyen, à fête et culture aux Marseillais. d’humidité rédhibitoire, d’élections sont bien les festivals, les musées, la mettre la main à la poche si le gou- Vu l’énormité des intérêts en jeu dans présidentielles et de contexte écono- vie du patrimoine, les «offres de valeur vernement levait une taxe culture, ce carrousel complexe, on aimerait mique difficile, la nôtre caracole, ajoutée» qui penchent dans la balan- comme le ministère de la Culture le bien savoir qui du secteur privé, des avec une saison touristique «parmi ce et qui ramènent les pépettes. Les laissait entendre récemment ? Auré- collectivités ou du monde de la cultu- les meilleures depuis dix ans». professionnels du tourisme admettent lie Filippetti se réjouit dans un re va réussir à attraper le pompon, et Si les Italiens en plein marasme fi- en toute candeur que les dépenses communiqué officiel du succès des surtout qui aura l’intelligence de le nancier se font moins nombreux, on publiques pour la culture profitent au Festivals en France, mais ne nomme partager avec les citoyens, qui célèbre le retour des Américains, celui secteur privé du tourisme ! Jean-Pierre dans la région PACA qu’Aix et Avi- financent les investissements. des Allemands, l’arrivée des Russes, Serra est même prêt à rationaliser la gnon (le «in») qui concernent peu, GAËLLE CLOAREC la fidélité des Belges. Les séjours ont programmation en fonction de son surtout Aix, la vie artistique et raccourci, certes. Les touristes dé- impact économique : «Les petits pro- citoyenne du territoire. pensent moins par tête de pipe, soit. jets ont tendance à se cannibaliser les Peut-être la façon dont Marseille Le Comité Régional de Tourisme Mais enfin l’hôtellerie de luxe, uns les autres, il faudrait se concentrer négocie son virage, en rattrapant son présentait son bilan estival l’oenotourisme et les activités vertes sur le moyen/haut de gamme qui retard et en se tournant vers l’avenir à la presse le 30 août sont en plein boom. 2012 est une correspond à notre clientèle, et ne pas sans lorgner vers le tourisme de luxe, à la Maison de la Région Disparaissez les pauvres ! Les préjugés sont tenaces, et la lutte contre la national, présenteront les 21 et 22 sept le résultat ment le logement des participants qui inquiétait stigmatisation un combat infini. La Ville de d’une année d’ateliers créatifs et culturels. Danse, Cavaillon, ont «évidemment été réglées en amont», Cavaillon a refusé d’accueillir la première édition expositions, théâtre, œuvre collective et grand selon Jean-Michel Gremillet, «comment n’y aurions- de C’est pas du luxe !, un festival culturel dont les concert (HK & les Saltimbanks et la Chanson du nous pas pensé ? C’est insultant à notre égard». principaux acteurs sont des personnes en situation dimanche le 21 à 20h30) seront visibles sous trois Quant à la «chasse aux pauvres» contre laquelle se de précarité, sous prétexte que «s’associer l’image chapiteaux. Les questions d’ordre pratique, notam- bat la Fondation depuis 20 ans, les organisateurs de pauvreté véhiculée par la Fonda- rappellent les paroles de son fonda- © Delphine Michelangeli tion Abbé Pierre n’était pas possible teur : «Il ne faut pas faire la guerre pour la municipalité». Le vote FN, aux pauvres mais à la pauvreté.» Ce massif à Cavaillon, rendrait-il la mu- qu’ils s’emploient à faire, car l’art et nicipalité, qu’on ne peut soupçonner la culture appartiennent à tous, même d’ostracisme, plus frileuse qu’elle ne aux précaires ! Le Forum Sortir de voudrait ? La Scène nationale de l’expérimentation, en ouverture du Cavaillon, la Fondation Abbé Pierre festival le 20 sept au théâtre de et l’association d’insertion le Village, Cavaillon, permettra d’en débattre. organisatrices de l’événement, ont DELPHINE MICHELANGELI ainsi dû émigrer au Thor. Accueillis spontanément par le maire, Jacques Festival C’est pas du luxe ! au Thor Olivier, qui inscrit l’événement dans Les 21 et 22 septembre sa politique volontariste d’accès au www.theatredecavaillon.com logement, 300 participants fréquen- tant des accueils de jour ou des Pensions de famille sur le territoire
LES SMACS POLITIQUE CULTURELLE 13 Réseau musical à résonance Et ici ? Au total, la région PACA regroupe plus de 100 SMACs et compte plus de 200 festivals de musiques actuelles par an. Les Bouches-du-Rhône repré- nationale sentent presque la moitié des structures de diffusion (46%), mais les six départements de la région comptent au moins une scène de mu- siques actuelles. «Notre région possède une belle dynamique, très Scène de musiques actuelles… riche» souligne Gilles Pagès, «de plus, Voilà une appellation que l’on retrouve souvent on constate une réelle poussée créa- Popa Chubby aux Passagers du Zinc © X-D.R. trice des 18/25 ans». Les SMACs sont avant tout des salles à côté du nom des salles de concert. Au cours du mois d’octobre, les SMACs de spectacle. Des structures de vous donnent rendez vous au Moulin diffusion et de programmation, sub- Mais qu’est-ce au juste ? (à Marseille) le 12 oct pour acclamer ventionnées par la DRAC (Direction IAM et We Luv NY (projet sonore Régionale des Affaires Culturelles) et renouvellement), soit conventionnées «On constate une stagnation, voir une d’Akhenaton et Faf La Rage), et le 13 le Conseil Régional, qui mènent des pour trois ans. «À la base, obtenir le baisse des subventions accordées par pour écouter sur scène le trio Nasser actions culturelles en lien avec les label SMAC résidait essentiellement en le ministère pour les musiques actuel- et leurs amis… Du côté de la cité musiques actuelles, du concert au trois points» explique Gilles Pagès, les» ajoute-t-il. «Un projet qui va arlésienne, le Cargo de Nuit (Arles) festival en passant par la formation, responsable du Pôle régional musi- générer des retombées économiques a accueillera le 12 oct la soul-funk des le soutien à la création ou l’encadre- ques actuelles PACA : «avoir un projet plus de chances d’obtenir des subven- australiens d’Electric Empire avant ment des pratiques musicales. culturel fortement identifié, un lieu et tions». Selon lui, les limites du de fondre sous la chaleur du hip-hop Le réseau national des SMACs est créé une équipe». Aujourd’hui, la situation financement sectoriel sont atteintes. soul des danois Dafuniks. Plus au en 1998 par le ministère de la Culture est différente. «Actuellement, la majorité des opérateurs nord, Les Passagers du Zinc, une des pour reconnaître l’importance des culturels ont recours au financement SMAC d’Avignon, recevra entre autres musiques actuelles et promouvoir le transversal pour mener à bien leur le 15 oct un grand nom du blues développement «des lieux musicaux projet, l’époque où les SMACs étaient actuel, Popa Chubby, avant de s’en- de petite et moyenne capacité qui Quelques SMACs financées à 90% est terminée». Le flammer sur les textes et le son des jouent un rôle fondamental en terme de diffusion et d’action culturelle de de la région réseau SMAC est un des premiers touché par les difficultés économi- insoumis (d’origine sétoise) de Zoufris Maracas. «défrichage artistique» et d’accueil des publics». PACA… ques actuelles, même s’il reste un acteur majeur de la diffusion des mu- KEVIN DERVEAUX L’objectif est aussi de «stabiliser le siques actuelles et de la création Retrouvez tout l’agenda musical en p.58 Dans les Bouches-du-Rhône : fonctionnement» de lieux pas toujours ☛ L’Affranchi (Marseille) locale. très en règle avec les déclarations www.l-affranchi.com salariales des artistes et des droits ☛ L’Espace Julien (Marseille) d’auteur… et de favoriser l’émer- www.espace-julien.com gence locale en lui accordant une ☛ Le Cri du Port (Marseille) place importante dans les program- www.criduport.fr mations ou en l’aidant à intégrer les réseaux de la musique profession- ☛ L’Usine (Istres) nelle. Les SMACs doivent également www.scenesetcines.fr soutenir les pratiques amateurs en ☛ Le Cargo de Nuit (Arles) mettant à disposition des locaux de www.cargodenuit.com répétition et du matériel. De plus, ce réseau national tente Dans les Alpes-Maritimes : d’élargir le public des musiques ☛ MJC Ricaud (Cannes) actuelles en travaillant avec des orga- www.mjcricaud.fr nismes d’insertion ou de quartier. Ces salles sont souvent partenaires d’ac- Dans le Var : teurs sociaux et forment les jeunes ☛ Tandem (Toulon) aux métiers du spectacle. Pour devenir www.tandem83.com SMAC et bénéficier des subventions, un opérateur culturel doit avoir un Dans le Vaucluse : projet qui va dans ce sens. ☛ Les Passagers du Zinc (Avignon) Comme dans les autres domaines, les www.passagersduzinc.com SMACs sont soit subventionnées au ☛ L’Ajmi (Avignon) projet (sur un an, sans garantie de www.jazzalajmi.com
14 SAISONS CINÉMA Du rififi à la Buzine L’histoire Que se passe-t-il au Château de ma du voisin 1962 : l’Algérie accède à l’Indépen- mère ? Les dissensions entre Daniel Armogathe, directeur de la cinéma- dance au terme d’un conflit dont les thèque, et Serge Necker, qui s’était vu archives officielles ne sont encore que confier la direction du Château de la partiellement disponibles. Cinquante Buzine, étaient palpables dès l’ouver- ans de recul, c’est -tout de même !- ture du lieu, opérée en grande pompe assez pour revenir sur cette période en présence de monsieur le Ministre complexe de manière équitable, c’est et de monsieur le Sénateur Maire (voir en tous cas une date «anniversaire» Zib 46). Mais voilà que ce 30 août Serge que le cycle Mémoires méditer- Necker s’est vu signifier son licen- ranéennes ne laissera pas passer. ciement par Daniel Armogathe, alors Présenté par le département Civilisa- qu’un mois auparavant il exposait ses tion de la Bibliothèque de l’Alcazar, en projets pour 2013… Apparemment, il partenariat avec la Cinémathèque de ne sera pas le seul de l’équipe à partir. Marseille, sa programmation 2012 couvre Ioanna Manzanares, en charge de la et commente la décolonisation de ma- programmation, ne reprendra pas ses nière nuancée : l’histoire des harkis, fonctions à l’issue de ses congés, fin celle des pieds noirs, la propagande septembre. Difficile pour l’heure de civile et militaire y seront contextuali- savoir ce qu’il s’est passé. Et d’autant sées. Les œuvres retenues sont extraites plus difficile d’annoncer une program- du fonds d’archives audiovisuelles mation… Cinémémoire, qui valorise principale- Le Château de la Buzine, très beau lieu ment les films d’amateurs. G.C. mais éloigné de tout, est-il un bon choix pour une Maison du cinéma à la pro- grammation régulière ? La Délégation Mémoires méditerranéennes : Algérie de Service Public, recette habituelle Chateau de la Buzine © Ange Lorente Chaque premier mardi du mois des lieux que l’on construit sans pou- peine à trouver son public, le Silo qui cultiver l’art de s’équiper à grands frais, à18h30, à l’auditorium de l’Alcazar. voir en financer le fonctionnement, programme plus qu’hasardeusement puis de laisser le fonctionnement à Entrée libre dans la limite des places n’est-il pas, déjà, un aveu d’impuissance ? (voir p.51), et la Buzine qui accumule vau-l’eau… disponibles Entre le Mémorial de la Marseillaise qui les flops la Ville de Marseille semble AGNÈS FRESCHEL 04 91 62 46 30 cinememoire.net Cinécycles Inaugurée en 1989 lors de la réouverture de la Manu- ses cycles, met en place des ateliers, et accueille les Cabret. À noter la projection de La dernière tentation facture des Allumettes à Aix-en-Provence (transformée étudiants en cinéma de l’Université d’Aix-Marseille du Christ, «occasion de revoir ce film de manière en grand centre culturel et abritant la bibliothèque lors de cours ouverts aux auditeurs libres. «Depuis 2 apaisée» (on se souvient des pulsions incendiaires Méjanes), la salle de l’Institut de l’Image est «née de ou 3 ans, notre public augmente de 20% chaque an- soulevée lors de sa sortie dans cette même ville). la volonté d’ajouter le cinéma au livre». Ainsi s’exprime née, alors que la programmation est de plus en plus S’ensuivront un cycle de 5 films de John Cassave- Sabine Putorti, sa directrice. «Nous avons voulu exigeante.» tes, dans une version restaurée, et une série de consacrer un lieu au patrimoine cinématographique, La rentrée commence sur les chapeaux de roues, documentaires réalisés par Werner Herzog. À ne pour que la population puisse se forger une culture de avec une rétrospective Martin Scorsese, de son 1er pas manquer : Grizzly Man, portrait d’un personnage l’image.» Depuis 20 ans, c’est mission accomplie : opus réalisé alors qu‘il n’était âgé que de 23 ans - aussi démesuré que le réalisateur, auto-destructeur l’Institut invite critiques, cinéastes, écrivains à animer Who’s that knocking at my door-, au tout récent Hugo en diable, et qui finit dévoré par les ours. Plus avant dans la saison, du cinéma animé pour le Taxi driver de Martin Scorsese jeune public, Les enfants du Paradis de Marcel Carné, quelques comédies de Frank Capra, et un hom- mage à Raoul Ruiz -réalisateur littéraire s’il en est- à l’occasion de la Fête du Livre. Le mois de décembre sera l’occasion comme chaque année d’accueillir le Festival Tous Courts, avant d’attaquer 2013 en compagnie d’Agnès Varda, et peut-être un cycle consacré au cinéma grec. GAËLLE CLOAREC À venir Cycle Martin Scorsese Du 12 sept au 2 oct 5 films de John Cassavetes Du 10 au 23 octobre Institut de l’image Cité du Livre, Aix 04 42 26 81 82 www.institut-image.org
Vous pouvez aussi lire