Diagnostic stratégique du rachat d'Orange par France Télécom
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Diagnostic stratégique du rachat d’Orange par France Télécom Auteur : S. Dameron Le choix d’une politique d’internationalisation par croissance externe France Télécom est historiquement l’opérateur public français de communications téléphoniques fixes. L’opérateur réalise encore en 1995 près de 90% de son CA dans la téléphonie fixe nationale. Afin de contrer le déclin de son activité traditionnelle et l’ouverture du marché français des télécommunications à partir du 1er janvier 1998, France Télécom opère en 1999 une rupture profonde de sa stratégie en développant ses activités à l’international notamment dans la téléphonie mobile. L’opérateur possède déjà de nombreux atouts. Itinéris, sa marque dans la téléphone mobile, est leader en France avec 48% des parts de marché et plus de 10 millions d’abonnés. Il est le premier fournisseur d’accès Internet en France et au Royaume Uni avec Wanadoo. Son réseau de distribution est remarquablement implanté en France, il est reconnu pour son expertise en recherche et développement. Mais l’entreprise a des faiblesses, notamment dans le domaine marketing, des achats, qui représentent 46% de son CA. De plus essentiellement nationale à l’époque, elle connaît peu les marchés locaux étrangers. Enfin, son statut d’entreprise publique ne lui donne pas accès aux marchés financiers pour lever les fonds nécessaires. Malgré ces points faibles, l’ambition de France Télécom est de devenir un leader européen en assurant la convergence mobile/internet par l’acquisition notamment de licences UMTS dans la plupart des pays européens. Suite à l’échec de l’alliance avec Deutsch Telecom et conformément aux stratégies des principaux opérateurs européens à la fin des années 90, ce redéploiement stratégique s’effectue essentiellement par croissance externe. Afin d’accompagner cette stratégie et de faciliter les levées de fonds nécessaires, l’Etat se désengage partiellement de la gestion de l’opérateur en procédant en 1997, 1998 à une ouverture de capital. Début 1999, l’Etat demeure toutefois le premier actionnaire avec 63,6% des parts. Dans un contexte de concentration du secteur, d’euphorie bousière dans le domaine des télécom – France Télécom avoisine les 200 milliards d’Euros début 2000 - et d’envolée des prix des licences UMTS, l’opérateur français multiplient les opérations de croissance externe entre 1999 et 2000. France Télécom acquière notamment en 1999 25% du cablo-opérateur 1
britannique NTL pour 5,5 milliards d’euros, 28,5% du capital de l’opérateur allemand MobilCom pour 3,7 milliards d’euros, 35% de l’opérateur historique polonais TPSA pour 3,2 milliards d’euros. Le rachat décisif pour France Télécom reste cependant celui d’Orange. L’acquisition d’Orange en mai 2000 permet la constitution d’une filiale de téléphonie mobile, en décembre 2000, destinée à être introduite en bourse. Le financement de l’acquisition Le financement, assez complexe, de cette acquisition, d'un montant total de 35,47 milliards d'euros, s’effectue en plusieurs volets et initie une troisième tranche d’ouverture du capital. Dans un premier temps, en août 2000, France Télécom apporte 21,5 milliards d'euros en numéraire et 129,5 millions d'actions. France Télécom en échange d'Orange (par une augmentation de capital réservée à Mannesman, société propriétaire d'Orange et détenue à 100 % par Vodaphone), équivalant, au cours de l'époque, à 18,1 milliards d'euros. Cet apport d'actions est assorti d'une option de reprise, à un cours défini (entre 100 et 105 euros, contre un cours de 170 euros au moment de la conclusion de l'accord). Compte tenu de la baisse de l'action France Télécom en dessous de ces cours garantis, ces actions seront ultérieurement rachetées par France Télécom, en mars 2001 Au total, cette acquisition, qui aurait dû s'effectuer à 60 % en numéraire et 40 % en actions, est payée cash à 100 % par France Télécom. En définitive, cette opération s'est traduite par une nouvelle dilution de l'Etat au capital de France Télécom qui détient en 2001, 55,53% du capital Le processus de l’acquisition Septembre 1999 : premier contact Le directeur financier de France Télécom, Jean Louis Vinciguerra, propose une alliance à Graham Howe, directeur adjoint d’Orange. Aucune suite n’est donnée à ce premier contact. Octobre 1999 : acquisition d’Orange par Mannesman Après un échec des négociations avec le néerlandais KPN, le groupe Hutchinson, présidé par Victor Li, actionnaire principal d’Orange, accepte l’offre record de l’opérateur allemand Mannesman : plus de 30 milliards d’euros. France Télécom voit la porte de l’Angleterre se refermer. 2
Novembre 1999-Fev 2000 : OPA de Vodafone sur Mannesman - en novembre 1999, Mannesman subit une OPA hostile du britannique Vodafone. Selon les propres dires de Michel Bon, PDG de France Télécom, l’opérateur français n’a pas les moyens d’intervenir comme « chevalier blanc » de l’opérateur allemand mais lui propose de fusionner leurs activités. - Le 3 février 2000, l’absorption de Mannesman par Vodafone est assurée, mais l’opérateur britannique est contraint de céder Orange suite aux injonctions du commissaire européen à la concurrence. Bruxelles interdit à un groupe de posséder deux licences de téléphonie mobile dans un même pays. France Télécom se déclare fortement intéressé par l’achat d’Orange qui lui permettrait de s’implanter sur le marché britannique et d’obtenir une licence UMTS de téléphonie mobile de troisième génération. L’action France Télécom grimpe de 10%. - Le 8 février 2000, J.-L. Vinciguerra convoque dans ses bureau un « kick-off meeting » réunissant des spécialistes des fusions-acquisitions : un associé de chez Rothschild&Cie, deux banquiers du Crédit Suisse Fist London et une équipe de Morgan Stanley. - H. Snook et G. Howe cherchent un partenaire potentiel. France Télécom ne part pas favori : l’entreprise souffre aux yeux des anglais d’une image de mammouth semi- public. KPN opérateur de téléphonie mobile néerlandais a leur préférence car il est moins écrasant en taille et plus susceptible de garantir aux deux dirigeants « historiques » d’Orange une marge de liberté étendue. Mars 2000 : nouvelle rencontre infructueuse Orange-France Télécom et enchères pour les licences UMTS en Grande Bretagne. - Début mars, Michel Bon (accompagné de son directeur financier) rencontre pour la première fois Snook et Howe à Londres. Il propose aux dirigeants anglais les rênes d’un nouvel Orange renforcé des activités mobiles de France Télécom sans parvenir à les décider. - 6 mars : début des enchères britanniques pour l’attribution des licences UMTS. Les candidats retenus sont Vodafone, Orange et France Télécom (le dossier présenté par le cablo-opérateur NTL n’a pas été retenu). Les prix de l’UMTS anglais franchissent la barre des 250 millions d’Euris ce qui incite M. Bon à retirer la candidature de France Télécom et à « tout miser sur Orange ». 3
Mai 2000 : Accélération des négociations - le 5 mai, les banquiers de France Télécom exposent leur plan de rachat à leurs confrères de Goldam Sachs et d’UBS Warburg au service de Vodafone. Le prix proposé est très élevé (43,2 milliards d’euros) mais il est validé auprès du gouvernement français. C. Gent, le PDG de Vodafone, pressé par la Commission Européenne de céder Orange avant octobre, examine cependant les propositions de l’alliance KPN-Telefonica puis KPN-NTT DoCoMo. - Le 16 mai, Vodafone accorde l’exclusivité des négociations à France Télécom pour deux semaines. - Le 24 mai, M. Bon rencontre pour une seconde fois le tandem Snook-Howe et emporte enfin leur accord au prix de nouvelles concessions : autonomie du nouvel Orange, cotation et siège à Londres, mutation d’Itineris en Orange… Août 2000- février 2001 : conclusion de l’acquisition et entrée en bourse d’Orange - Le 22 août 2000, l’Assemblée générale mixte de France Télécom entérine le rachat d’Orange auprès de Mannesman filiale du groupe Vodafone Airtouch. H. Snook se retire de la gestion au quotidien d’Orange ; il est remplacé par Jean-François Pontel, directeur de la branche Grand Public de France Télécom, tandis que G. Howe reste le numéro 2. - En septembre 2000, le gouvernement français refuse d’accorder la dérogation fiscale nécessaire pour déménager sans frais ses activités mobiles à Londres sauf à débourser plus de 12 milliards d’euros d’impôts. Le nouvel Orange, filiale de France Télécom, a donc un statut de société anonyme de droit français avec Paris comme place de cotation primaire. - En février 2001, introduction de 13% du capital d’Orange sur les marchés financiers de Paris et de Londres. Historique d’Orange 2004 Orange compte 20,4 millions de clients (fin mars 2004) en France représentant 48,8% de part de marché. Il est l'opérateur de téléphonie mobile n°1 en France. Orange S.A. compte près de 50 millions de clients (fin mars 2004). 2003 L'Expérience Orange a été lancée le 29 octobre, première proposition globale pour les clients Orange. France Télécom rachète les dernières actions d'Orange SA (13%). 2001 4
Introduction en bourse de Orange SA à Paris et Londres. Mobilix au Danemark change de nom de marque et devient Orange Danemark en juin. de 2001 à 2002 Itineris, Ola, mobicarte, Mobilix (Danemark), Mobilis (Cameroun), Ivoiris (Côte d’Ivoire), Mobil-Rom (Roumanie) et Globtel (Slovaquie) changent de nom et deviennent " Orange ". Lancement commercial d'Orange Thaïlande Déc. 2000 Itineris compte 14,3 millions de clients en France, représentant 49,6% de part de marché. Oct. 2000 Orange annonce plus de 8,25 millions d'abonnés au Royaume-Uni soit plus de 2,3 fois le chiffre atteint un an plus tôt. Part de marché au Royaume-Uni : environ 24%. Août 2000 Orange annonce la réalisation de l'acquisition concertée par France Télécom conduisant à la création d'une structure de holding française. Orange lance le premier service de transmission de données rapide mobile du Royaume-Uni reposant sur la technologie High Speed Circuit Switched Data (Accès Internet Wirefree™ pour les PC et portables). Juillet 2000 Orange annonce l'acquisition de Wildfire et d'Ananova et une participation de 25% dans NewsTakes - pour constituer les fondations de la plate-forme Internet avancée et des services OrangeWorld™ , afin de fournir une gamme complète de nouveaux services pour les abonnés. Juin 2000 Itineris, premier opérateur français au monde à lancer le paiement par carte bancaire sur mobile. Mai 2000 Acquisition d'Orange par France Télécom afin de fusionner ses opérations de téléphonie mobile dans le monde avec celles d'Orange. Le groupe Orange S.A. a des participations dans 20 pays et compte être présent dans 50 pays d'ici 2005. Fév. 2000 Vodafone AirTouch acquiert Mannesmann et entreprend de vendre Orange. Décembre 1999 Itineris compte plus de 10 millions de clients en France et bat son record de ventes mensuelles: 1,2 millions de nouveaux clients. Novembre 1999 Orange lance sa plate-forme Internet mobile, Orange.net Un institut indépendant déclare Orange n°1 britannique en termes de performances de réseau et de satisfaction client (Orange a conservé cette première place jusqu'à aujourd'hui). Octobre 1999 Annonce de l'acquisition d'Orange par Mannesman Nombre d'abonnés au Royaume-Uni : plus de 3,5 millions. Part de marché au Royaume-Uni : 20% Juillet 1999 Orange lance 'Wildfire', premier système de reconnaissance vocale mobile du Royaume-Uni. 5
Déc. 1998 Itineris compte 5,5 millions de clients et 49,6% de part de marché. Juillet 1998 Orange lance la première promesse de performance de réseau mobile du Royaume-Uni. Avril 1998 La société internationale de services d'information marketing J.D. Power and Associates* déclare " Orange n°1 de la téléphonie mobile au Royaume-Uni en termes de satisfaction de la clientèle ". Août 1997 Orange annonce un plan d'investissement accéléré de £ 800 millions pour devenir le leader britannique grâce à la qualité et aux performances de son réseau. Nombre d'abonnés au Royaume-Uni : 1 million. Part de marché au Royaume-Uni : environ 14% Avril 1996 Orange est côté à la bourse de Londres et au NASDAQ. Nombre d'abonnés au Royaume-Uni : environ 500 000.Part de marché au Royaume-Uni : 8,5% 28 avril 1994 Lancement d'Orange, quatrième opérateur de téléphonie mobile sur le marché britannique, par H. Snook et G. Howe, deux aventuriers des affaires. Le groupe Hutchinson y investit plus d’un milliards d’euros. Juillet 1992 Lancement d'Itineris, 1er opérateur de téléphonie mobile en France QUESTIONS 1. Analyser la pertinence du choix mutuel Orange/France Télécom. 2. Proposer des recommandations quand aux modes d’intégration à mettre en oeuvre Pour aller plus loin : à partir des informations disponibles, réaliser un diagnostic des modalités de l’intégration effectivement mise en place suivant sa capacité à développer les points forts et limiter les points faibles. 6
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