DIU de Pédagogie médicale Année universitaire 2017-2018 Mémoire
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DIU de Pédagogie médicale Année universitaire 2017-2018 Mémoire Programme de sensibilisation des internes à la thérapie en médecine nucléaire Charlotte Lussey-Lepoutre MCU-PH Sorbonne Université Service de médecine nucléaire Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière 1
Résumé La médecine nucléaire est une spécialité médicale utilisant les médicaments radiopharmaceutiques à la fois pour le diagnostic et pour le traitement. L’évolution actuelle de la recherche aboutit à une diversification de l’offre en thérapie (radiothérapie interne vectorisée, RIV) alors que les jeunes médecins nucléaires s’en désintéressent par manque de formation et d’implication. L’objectif du programme de « sensibilisation des jeunes médecins nucléaires à la thérapie en médecine nucléaire » est triple : améliorer la formation des internes à la thérapie, identifier les jeunes médecins nucléaires intéressés par la thérapie et les soutenir dans leur formation, communiquer sur les innovations auprès d’un public plus large d’internes et de jeunes médecins nucléaires. Un travail auprès des instances concernées a été entrepris afin d’améliorer la formation théorique et pratique des internes (cours théoriques du DES enseigné à l’ Instn, CEA- Saclay et maquette du DES). Parallèle des fonds ont été levés afin de permettre à deux internes de médecine nucléaire en formation d’assister au congrès Européen de médecine nucléaire (EANM) 2018 et aux Journées françaises de 2019. En contrepartie les bénéficiaires s’engagent à rapporter certaines sessions de médecine nucléaire thérapeutique présentées au congrès de EANM 2018, avec l'aide d'un tuteur, oralement au cours d’une soirée dédiée aux « Innovations en médecine nucléaire thérapeutique », qui se tiendra à Paris le 6 Décembre 2018 et au congrès de la SFMN 2019, et par écrit sous la forme d’un article pour la revue Imagerie fonctionnelle et métabolique. Mots clés : DES, médecine nucléaire, Radiothérapie interne vectorisée 2
I. Introduction La médecine nucléaire a émergé comme nouvelle discipline médicale rapidement après découverte de la radioactivité artificielle en 1934 par Irène et Frédéric Joliot-Curie. Cette découverte a conduit à la production des isotopes radioactifs et à leur utilisation comme traceurs. Introduit dans l'organisme, il permet ainsi de révéler ou « tracer » les différentes phases du processus dynamique biochimique dans lequel il est engagé grâce à la détection de la radioactivité émise, détectable à l’extérieur de l’organisme. Le statut de ces molécules radioactives a évolué dans le temps, passant de celui de traceurs radioactifs au statut, plus précis mais plus contraignant, de médicaments radiopharmaceutiques (MRP). La médecine nucléaire est une spécialité médicale définie par l’utilisation de ces MPR dont on étudie la biodistribution permettant ainsi, bien plus qu’une exploration fonctionnelle, une exploration biochimique, cellulaire, moléculaire des maladies, reposant sur l’analyse de la destinée biologique des MRP. Cette approche permet d’étudier les processus physiopathologiques donnant ainsi des informations uniques sur le fonctionnement normal ou pathologique de l’organisme. Elle permet également une activité de thérapie qui utilise l'effet de destruction cellulaire produit par le radioélément (le plus souvent via une émission d’un rayonnement ou plus récemment ). Ces formes de radiothérapies sont appelées radiothérapies métaboliques ou radiothérapies internes vectorisées (RIV), car elles remplacent un élément normalement métabolisé d'une manière relativement ciblée par un isotope (ou un analogue radioactif), toxique pour les cellules ainsi ciblées. Dans ce contexte, la thérapie la plus ancienne et la plus reconnue est l’iode 131 pour les pathologies thyroïdiennes. Actuellement, plusieurs autres radiothérapies métaboliques sont en cours de développement, notamment l’utilisation des analogues de la somatostatine marqués au Lutétium 177 avec pour la première fois des résultats en terme d’amélioration de la survie grâce à l’étude randomisée prospective Netter1 (1). Cependant, ces dernières années, avec le développement de l’imagerie par émission de positons (TEP) et l’émergence des gamma-caméras hybrides couplées au scanner, les 3
internes s’engageant dans le cursus de médecine nucléaire se sont de plus en plus tournés vers l’imagerie diagnostique au détriment de la thérapie, partie beaucoup plus « clinique » de la spécialité. A l’heure actuelle, les jeunes médecins nucléaires prennent peu en charge cette activité, qui nécessite le plus souvent une hospitalisation. Dans ce contexte, nous avons mené une réflexion au sein des groupes « oncologie » et « endocrinologie » (dont je suis la co-responsable) de la Société Française de Médecine Nucléaire (SFMN) afin de mieux former les internes à la thérapie ainsi que de les sensibiliser à l’ampleur de cette activité à une échelle européenne. II. Contexte actuel et objectifs du programme D’après le rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2017, on dénombre 700 praticiens spécialistes de médecine nucléaires, 157 chambres de RIV réparties dans 45 unités de médecine nucléaire (2). Environ 30 internes sont en formation par an sur toute la France. La maquette du DES de médecine nucléaire a été revue récemment dans le cadre de la réforme du 3ème cycle (Annexe 1). Celle-ci prévoit une formation d’une durée totale de 8 semestres, sans option ni FST (Formations Spécialisées Transversales). La formation théorique est réalisée de façon regroupée sur le site de l’INSTN (Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires) situé à Saclay (CEA Saclay). Elle comporte 3 grandes parties : des enseignements de base de physique et technologie durant six semaines répartis en deux fois trois semaines de la même année civile (« Saclay 1 » dispensé durant la phase socle) o UV 1- Notions fondamentales sur la radioactivité et les rayonnements. o UV 2 - Dosimétrie, radiobiologie, radiothérapie et radioprotection o UV 3 - Radio pharmaceutiques, instrumentation et méthodologie) des enseignements cliniques spécialises dispensés lors de la phase d’approfondissement durant 4 semaines, chaque année fin novembre-début décembre. Ils complètent l'enseignement pratique donné dans les services 4
hospitaliers qualifiant et ceux organisés à l'initiative des coordonnateurs interrégionaux et régionaux. o UV 4 - Explorations cardiovasculaires et pulmonaires o UV 5 - Oncologie (hors thyroïde) o UV 6 - Autres applications cliniques de la médecine nucléaire (dont oncologie thyroïdienne) o UV 7 - Aspects administratifs et réglementaires de la médecine nucléaire des enseignements optionnels (UV8). Les étudiants doivent choisir cinq optionnels dans la liste suivante : o UV 8-1 Anatomie en coupes o UV 8-2 Analyse cinétique approfondie et modélisation o UV 8-3 Avancées en radiobiologie o UV 8-4 Cours avancé de scintigraphie ostéo-articulaire o UV 8-5 Innovations technologiques en médecine nucléaire o UV 8-6 TEMP et TEP en recherché o UV 8-7 Imagerie fonctionnelle et métabolique par RMN o UV 8-8 Neurologie o UV 8-9 Radiothérapie interne vectorisée o UV8-10 Evaluation thérapeutique en oncologie La validation de cet enseignement théorique se fait par la présence et par un examen écrit anonyme à la fin de chaque année. La moyenne est requise indépendamment pour les 3 premières UV mais seulement sur l’ensemble des UV4 à 7. Les enseignements optionnels ne font pas l’objet d’un contrôle écrit des connaissances. L’enseignement théorique de la partie thérapeutique de la spécialité est principalement dispensé au cours de l’ UV 6 (Autres applications cliniques de la médecine nucléaire dont oncologie thyroïdienne) et de l’optionnel UV8-9. Les étudiants sont donc peu contrôlés sur leurs connaissances en thérapie. La formation pratique est réalisée au cours des stages dans les services de médecine nucléaire (1 semestre en phase socle, 2 semestre en phase d’approfondissement et 2 semestres en phase de consolidation). Les compétences à acquérir au cours de ces stages concernant la thérapie sont résumées dans la figure 1, faisant apparaître la thérapie en bonne place. 5
Figure 1 : Compétences spécifiques à acquérir concernant la thérapie au cours des 3 phases de formation du DES de médecine nucléaire. Le contrôle des compétences se fait grâce à l’examen du portfolio sur lequel les étudiants doivent reporter chaque jour les actes effectués. En phase d’approfondissement, aucun acte de traitement par les radionucléides n’est spécifiquement requis (Annexe 1, Figure 2). Figure 2 : Modalités d’évaluation des compétences spécifiques à acquérir concernant la thérapie au cours des 3 phases de formation du DES de médecine nucléaire. 6
Ceux-ci pouvant être uniquement reportés dans la catégorie « h, autres ». En phase de consolidation, les traitements par radionucléides se retrouvent à nouveau dans cette catégorie « h, autres » avec un libellé plus spécifique « 500 (actes) comprenant des examens de pédiatrie et des traitements par les radionucléides ». Il apparaît donc qu’un interne de médecine nucléaire en formation aujourd’hui peut traverser son cursus avec une formation théorique succincte et sans formation pratique obligatoire en médecine nucléaire thérapeutique. Cette méconnaissance de la thérapie associée au fait que celle-ci ne soit dispenser que dans le secteur public et absente du secteur libéral a conduit à un désintérêt des jeunes médecins nucléaires qui va poser à termes un souci de renouvellement des équipes et de prise en charge des patients qui seront de plus en plus nombreux. L’objectif de ce travail était donc double : améliorer la formation des internes à la médecine nucléaire thérapeutique et sensibiliser les jeunes médecins nucléaires à cette partie importante de la spécialité. III. Mesures mises en place dans le cadre du programme de sensibilisation à la médecine nucléaire thérapeutique 1) Sensibilisation des formateurs a) Proposition de modifications de la maquette du DES de médecine nucléaire Un petit groupe de travail au sein de la société française de médecine nucléaire regroupant 3 membres du groupe endocrinologie et 2 membres du groupe oncologie a été mis en place afin de réfléchir sur les modifications à apporter à la maquette de DES afin d’améliorer la formation des internes à la thérapie. Les propositions suivantes seront soumises au Collège National des Enseignants de Biophysique et Médecine Nucléaire (CNEBM) Individualiser la RIV en tant que formation spécifique au sein du DES (Option ou Formation Spécialisée Transversale) Ou renforcer la visibilité de la RIV au sein de la maquette du DES 7
o Identifier la RIV comme une UV de la 2ème année de l'INSTN (au lieu de son statut actuel de module optionnel au choix parmi 9 options de l’UV8). Un module de RIV avancée peut-être maintenu en UV8 en plus de la formation obligatoire. o Parmi les 3 stages à faire en médecine nucléaire au cours des phases d’approfondissement et /ou de consolidation, rendre obligatoire la réalisation d’au moins 1 stage dans un service qui pratique la RIV avec participation active, au moins partiellement, de l’interne à cette activité. o Identifier dans le Porfolio (annexe 1) un nombre minimum d'acte de RIV auquel l'interne devrait participé, en dissociant ce chiffre de l'item h où il est actuellement inclus b) Communication auprès des coordonnateurs régionaux du DES Une campagne de sensibilisation des coordonnateurs régionaux a été initiée par plusieurs méthodes. J’ai réalisé une communication sur ce sujet au cours de l’assemblée générale du CNEBM qui s’est tenue à Paris début Avril 2018. A l’issue de cette assemblée deux décisions ont été prises. La première a été la constitution du groupe de travail en vue d’élaborer des propositions concernant la maquette du DES qui ont été développées au chapitre précédent. La seconde a été d’insister auprès de tous les coordonnateurs régionaux du DES sur l’importance de vérifier la réalisation des actes de thérapie par les internes. Cette vérification pourra être faite lors de la validation du DES pour les internes nommés avant 2017 et même en amont, au moment de la signature du contrat de formation, pour les internes entrant cette année dans la réforme du 3ème cycle. Parallèlement à cela, une enquête a été réalisée par mail auprès des coordonnateurs régionaux afin d’évaluer les forces vives et les pratiques. Elle reposait sur 4 questions simples : - savez-vous combien de services de médecine nucléaires ont un secteur de thérapie dans votre inter-région? - si oui, combien de patients traités par semaine environ? - Quelles sont les thérapies utilisées? Iode 131, Lu177 autre? 8
- vos internes y passent-ils? selon quelles modalités? - combien d'internes sont en formation dans votre inter-région ? Sur les 29 régions sollicitées, des réponses ont été obtenues pour 27. Il en est ressorti une bonne répartition des activités de thérapie sur le territoire français (Figure 3) en adéquation avec le nombre d’internes en formation dans les inter-régions. Cependant, peu de services impliquent les internes de médecine nucléaire dans cette activité. En effet, sur les 38 services pour lesquels une réponse à la question «vos internes y passent-ils? » a été obtenue, la réponse a été : « oui » pour 18 d’entre eux « oui en fin de cursus » pour 2 services supplémentaires les 18 autres services ont répondu « non ou très peu » pour diverses raisons : o car trop occupés par le diagnostic et leurs obligations de formation (N=3) o car activité prise en charge par les internes d’autres spécialités lors de l’existence d’un poste « fléché » pour la thérapie (principalement des internes d’endocrinologie » (N=10) o très peu car activité optionnelle et internes peu motivés (N=5) Figure 3 : Répartition quantitative de l’activité de médecine nucléaire thérapeutique sur l’ensemble du territoire français 9
2) Sensibilisation des jeunes médecins nucléaires Parallèlement au renforcement de la formation des internes à la thérapie, avec l’aide des 2 autres coordonnateurs des groupes endocrinologie (Pr David Taieb) et oncologie (Pr Frédéric Courbon) de la SFMN, nous avons monté un « programme de sensibilisation à la médecine nucléaire thérapeutique pour les jeunes médecins nucléaires ». L’objectif de ce programme était double : Identifier les jeunes médecins nucléaires intéressés par la thérapie et les soutenir dans leur formation Communiquer sur les innovations auprès d’un public plus large d’internes et de jeunes médecins nucléaires Il se déroule en 3 étapes : 1. La première consiste à envoyer 2 jeunes médecins nucléaires au congrès Européen de médecine nucléaire (congrès de l’EANM, European Association of Nuclear Medicine) qui aura lieu à Düsseldorf, en Allemagne du 13 au 17 Octobre 2018 afin d’être « rapporteurs » des meilleurs sessions concernant les innovations thérapeutiques en médecine nucléaire 2. La seconde étape est l’organisation d’une soirée intitulée « Innovations en médecine nucléaire thérapeutique » (Annexe 2) au cours de laquelle les 2 jeunes médecins sélectionnés dans ce programme rapporteront oralement avec l’aide d’un tuteur et du comité d’organisation les meilleures sessions du congrès. La soirée sera conclue par une présentation d’un orateur reconnu dans le domaine. 3. Enfin pour conclure ce programme, les mêmes sessions du congrès seront rapportées oralement par les candidats sélectionnés aux Journées Françaises de médecine nucléaire (JFMN) en 03/ 2019 et par écrit sous la forme d’un article dans la revue française de médecine nucléaire. Sur le plan pratique, la communication sur ce programme a été faite oralement lors de l’assemblée générale du CNEBM, lors des JFMN d’Avril 2018 et lors de l’assemblée générale de l’Association Nationale des Assistants & Internes de Médecine Nucléaire (ANAIMEN) ainsi que par écrit sur le site internet de ces 3 organes (Annexe 3). Deux internes ont d’ores et déjà été sélectionnés pour participer à ce programme fin Juin 2018 et inscrits au congrès, principalement sur leur motivation concernant la thérapie évaluée sur leur parcours et leur projet professionnel. Ces internes seront encadrés par un tuteur le plus souvent de leur service ainsi qu’un senior sur place lors du congrès. 10
Cette initiative est soutenue sur le plan financier par l’EANM qui prend en charge l’inscription au congrès, la SFMN qui assure la logistique et par la facturation de « stands » à plusieurs industriels au cours de la soirée « Innovations en médecine nucléaire thérapeutique ». La soirée « Innovations en médecine nucléaire thérapeutique » se déroulera à Paris le 06/12/2018, en satellite des enseignements cliniques de Saclay (« Saclay 2 ») et la participation rendue obligatoire au même niveau qu’un enseignement théorique pour ces internes. La participation sera gratuite et l’ensemble des internes et AHU en formation seront conviés. IV. Conclusion La situation actuelle conduit inévitablement vers une désertification des forces vives disponibles pour la prise en charge des patients nécessitant une RIV alors que grâce aux récents développements des nouveaux MRP les besoins risquent de fortement augmenter dans les prochaines années. La réalisation de ce programme permet une meilleure formation des internes, une sensibilisation à la fois des formateurs et des futurs acteurs de la médecine nucléaire thérapeutique. Cette action menée à plusieurs niveaux et alliant à la fois un contrôle des connaissances et une valorisation des jeunes médecins nucléaires souhaitant s’impliquer devrait amorcer un processus de sensibilisation de toute la communauté à la thérapie en médecine nucléaire. V. Références 1. Strosberg J et al; NETTER-1 Trial Investigators. Phase 3 Trial of 177Lu-Dotatate for Midgut Neuroendocrine Tumors. N Engl J Med. 2017 Jan 12;376(2):125-135. doi: 10.1056/NEJMoa1607427. 2. https://www.asn.fr/Professionnels/Activites-medicales/Medecine-nucleaire/Bilan- des-inspections-en-medecine-nucleaire 11
Annexe 1 : DES de médecine nucléaire 12
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Annexe 2 17
Annexe 3 18
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