Dossier La police et ses réseaux - 1 | 2018 - Schweizerische ...
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ÉDITORIAL Chère lectrice, cher lecteur, Constituer des réseaux est nale de Saint-Gall avec ses primordial – le travail policier homologues autrichiens et al- n’échappe pas à cette règle. lemands illustrent combien la Sur le terrain, jour par jour, la coopération transfrontalière police doit pouvoir compter est devenue incontournable. sur d’autres acteurs, car la Les autres contributions de ce complexité des thématiques numéro éclairent d’autres fa- SKP criminologiques veut que des cettes du réseautage, avec un solutions soient trouvées en commun. article sur la table ronde dans le do- Aujourd’hui, l’interdisciplinarité fait maine de la violence domestique à donc définitivement partie du quotidien Bâle, un autre sur le groupe de travail des forces de l’ordre. national « Collaboration entre le do- Afin de trouver une solution à un maine des addictions et la police » et un problème, que ce soit le tapage noc- troisième sur le groupe mobile d’inter- turne récurrent causé par des jeunes vention Pinto, à Berne. dans un quartier d’habitation ou la dis- Nous remercions chaleureusement tribution réglementaire de drogues à tous les auteurs qui ont contribué à ce des personnes dépendantes, les par- numéro et vous en souhaitons une ties prenantes doivent se concerter et agréable lecture. se mettre en réseau. Chacun de ses membres apporte un angle différent Martin Boess qui permet de mieux appréhender le Directeur de la Prévention Suisse problème. Avoir la même optique d’un de la Criminalité enjeu est un élément essentiel dans la recherche de solutions. Opérer en réseau a ses écueils, bien sûr, et le défi est souvent de taille. Car ce travail est astreignant et peu grati- fiant, dès lors que les différences semblent insurmontables dans la per- ception d’un problème, les mobiles op- posés, l’engagement insuffisant, sans compter les préjugés et les idéologies. IMPRESSUM Les différentes formes de collaboration Editeur et commande en réseau que nous vous présentons Prévention Suisse de la Criminalité dans ce nouveau numéro de PSC INFO Maison des cantons montrent cependant que les efforts Speichergasse 6 Case postale consentis peuvent aussi être couronnés CH-3001 Berne de succès. Courriel : info@skppsc.ch La police est régulièrement à la tél. +41 31 320 29 50 manœuvre pour mettre en place des PSC Info 1 | 2018 est téléchargeable en format PDF, réseaux. On lui demande aussi si elle à l’adresse : www.skppsc.ch/skpinfo. PSC Info 1 | 2018 paraît aussi en allemand et souhaite se joindre à l’un d’eux. en italien. L’exemple des « Brückenbauer » de la Responsable Martin Boess, directeur PSC Police cantonale zurichoise montre Traduction fr ADC, Vevey comment se constitue un réseau inter- it Annie Schirrmeister, Massagno culturel permettant à la police d’entrer Mise en pages Weber & Partner, Berne en contact avec des personnes et des Impression Vetter Druck SA, Thoune institutions issues d’autres cultures et Tirage fr: 300 ex. | all: 1350 ex. | it: 150 ex. vivant dans le canton. Les actions de Date de parution Numéro 1 | 2018, avril 2018 prévention que mène la Police canto- © Prévention Suisse de la Criminalité PSC, Berne 2 PSC INFO 1 | 2018
LA POLICE ET SES RÉSEAUX Coopération entre police et Le volet social de leur mandat consiste à soutenir des personnes en difficulté service social de proximité de façon simple et ciblée et à améliorer durablement leur situation. Le plus souvent, il s’agit de personnes souf- frant de troubles addictifs ou psychi ques, dont les besoins touchent avant A priori, une coopération entre la police et les tout aux domaines suivants : logement, services sociaux de proximité paraît difficile du fait santé, désintoxication, thérapie, finan des différences dans leurs missions premières et ces, relations avec les autorités. Au total, 5214 interventions sociales ont de leurs positionnements respectifs. Pourtant, un été effectuées en 2017. exemple bernois prouve que cela peut fonctionner. Le travail de médiation du service social de proximité consiste principale- ment à traiter des plaintes émises contre des personnes et leur compor- tement dans l’espace public. Pinto est le premier interlocuteur de la ville de Berne pour ce genre de plainte. De fait, il prend contact directement avec les plaignants et avec les fauteurs de trouble pour traiter le problème, l’objectif étant de trouver une solution qui évite de devoir faire intervenir la police et qui respecte équitablement les intérêts des parties en présence. La plupart du temps, les plaintes ont trait à des conflits entre usagers de l’espace public : jeunes et riverains ou marginaux, popu l ation résidente ou commerçante. Au total, 1153 heures de travail de médiation ont été effectuées en 2017. Quant aux interventions dites de Pinto maintien de l’ordre, elles ne se font Pinto intervient souvent quand il y a des plaintes à l’encontre de personnes pour leur que par le biais de divers moyens de comportement dans l’espace public. communication. Pinto n’est investi d’aucun droit particulier et son action consiste à interpeller des personnes Au fil des ans, une coopération efficace tion s’avère gagnante pour les deux ayant un comportement inadéquat, à s’est mise en place à Berne entre la parties, car elle améliore non seule- faire connaître ou rappeler les règles police cantonale et Pinto, le service ment la sécurité dans l’espace public, en vigueur et à exiger des fauteurs de social de proximité du Service de la mais aussi la situation sociale tant d’in- trouble qu’ils modifient leur comporte- Jeunesse de la ville. Cette collabora- dividus isolés que de groupes entiers. ment. Les motifs d’intervention les plus fréquents sont la consommation La mission de Pinto de dro gues, le petit trafic de stupé- Auteur Pinto (Prévention, Intervention, Tolé- fiants, le tapage et le littering. Au rance) remplit en toute impartialité une total, 4754 interventions de maintien Silvio Flückiger double mission : les collaborateurs, outre de l’ordre ont été effectuées en 2017. Directeur de Pinto leur mandat social classique, exercent aussi une mission de médiation et, au Collaboration avec la police sens large du terme, de maintien de En sa qualité d’organisation de proxi DR l’ordre. mité, Pinto agit principalement dans PSC INFO 1 | 2018 3
LA POLICE ET SES RÉSEAUX l’espace public où il travaille à la réso- de travail communautaire VGB, de la le calme auquel ils aspirent, et de ré- lution de problèmes et au maintien de police cantonale bernoise (section pré- duire à un minimum les interventions l’ordre. De ce fait, il se trouve tous les vention) et de Pinto. de la police. jours en contact avec la police. Un des grands avantages de cette Bien que les missions et les moyens coopération est que les problèmes sont L’espace public en point pour les accomplir soient très diffé- traités de façon coordonnée. Il s’agit le de mire rents entre Pinto et la police, tous deux plus souvent de conflits d’intérêts entre Un autre exemple de coopération réus- poursuivent des objectifs en partie jeunes/ jeunes adultes et riverains. Les sie est incarné par le groupe d’inter similaires : veiller à la coexistence associations de jeunesse et de travail vention « Krokus » de la police cantonale pacifique de tous les groupes de popu- communautaire peuvent, en cas d’inté- bernoise pour le trafic et la consomma- lation, faire respecter les lois et les rêt, proposer d’autres lieux de rési- tion de drogues. A intervalles réguliers, règles et empêcher autant que possible dence, tandis que l’organisation de des informations sont échangées sur la les conflits d’intérêts ou favoriser leur quartier et les associations religieuses, situation dans l’espace public. Cette coo règlement à l’amiable. grâce à l’étendue de leurs réseaux, pération permet de traiter les u rgences Au vu de la similarité des zones peuvent faire savoir que la plainte est de façon plus complète que ne pourrait d’intervention et des objectifs, il est traitée, ce qui a pour effet de réduire le faire à elle seule une o rganisation. évident qu’une coopération est à la fois les tensions au sein de la population. Pour sa part, Pinto contribue à endi- judicieuse et bénéfique, mais celle-ci a Pinto joue le rôle de médiateur entre guer la consommation de drogues dans des limites claires que les deux parties les divers interlocuteurs et veille au l’espace public par des interventions doivent respecter, comme c’est le cas à maintien de l’ordre. Quant à la police, de maintien de l’ordre, mais surtout Berne. elle renforce ses mesures de préven- par son travail social qui cherche à Pour le travail social de Pinto, la tion ou intervient si la situation devient déterminer pourquoi les toxicomanes confiance de ses clientes et clients est intolérable. consomment dans l’espace public, s’ils la condition sine qua non d’une colla Cette action coordonnée permet de n’ont pas accès aux centres d’accueil et boration constructive. Cela signifie gérer les plaintes de telle manière qu’il traitements de substitution officiels, qu’aucune donnée confidentielle telle n’est plus nécessaire de déplacer les s’ils sont sans abri et donc obligés de que lieu de résidence, consommation, jeunes et que toutes les parties pre- consommer à l’extérieur, etc. Quand on histoire personnelle, etc. n’est trans- nantes parviennent ensemble à trouver parvient à diriger les personnes vers mise à la police. Autrement dit, le tra- des solutions. Leur objectif est de per- un centre d’accueil pour toxicomanes, vail social classique ne pratique pas la mettre aux jeunes de rester dans le leur procurer un hébergement adéquat coopération active. quartier, tout en assurant aux riverains dans une institution ou un appartement, En revanche, quand il s’agit d’éva- luer et traiter les situations dans l’espace public, Pinto collabore active- ment avec la police qui s’avère, avec d’autres institutions, un partenaire im- portant pour lui. Les avantages de la coopération La gestion des plaintes pour l’arrondis- sement VI de Berne est un bon exemple de coopération réussie. Pour évaluer la situation dans l’espace public, juger de la nécessité d’une intervention et traiter concrètement plaintes et pro- blèmes, un groupe pluridisciplinaire a été formé. Il se réunit une fois par mois et est constitué de représentants de l’organisation de quartier QBB, de l’association pour la jeunesse TOJ, Pinto de l’association pour les enfants DOK, de l’Église réformée, de l’association Deux collaborateurs de Pinto au travail en vieille-ville de Berne. 4 PSC INFO 1 | 2018
LA POLICE ET SES RÉSEAUX Pinto L’action de Pinto est uniquement communicative. c’est d’abord le fait d’une intervention • reconnaître que Pinto, en matière de sociale. Cela permet leur aussi de ne maintien de l’ordre, intervient surtout Pinto plus devoir consommer dans l’espace pour signaler des comportements public. De fait, une intervention sociale inadéquats et pour rappeler les Pinto est une organisation de la Ville réussie non seulement améliore leurs règles en vigueur de Berne rattachée au Service de la conditions de vie, mais elle évite aussi • faire preuve de compréhension et de jeunesse au sein de la Direction de des dizaines d’interventions policières. bienveillance en cas de malentendus la formation, de l’action sociale et du Cela dit, l’existence de cette coopé- • suivre une procédure claire au cas où sport. ration entre Pinto et la police ne va pas certains accords ne seraient pas res- • Heures d’intervention : de soi. En effet, il a fallu des années pectés lu-sa entre 09h00 et 23h45 pour bâtir et consolider la confiance de • Interventions : généralement en part et d’autre et pour établir le cahier Outre le travail de longue haleine que binômes des charges de chacun. représente la mise en place d’une coo • Lieux d’intervention : Les lignes directrices de cette coopéra- pération, son utilité, du moins au début, tout le périmètre de la ville, tion sont les suivantes : n’est pas toujours évidente. Il faut com- particulièrement le centre-ville • échanger sur la situation dans mencer par déterminer les compétences, • Formation des collaborateurs : l ’espace public répartir les tâches, bâtir une confiance travail social, pédagogie sociale, • n’échanger aucune information ou mutuelle et définir clairement les limites soins psychiatriques, personnes donnée personnelle des clientes et de la collaboration. Il a fallu du temps en reconversion professionnelle clients pour que la coopération entre Pinto entre issues des secteurs médical et • se mettre d’accord sur la procédure la police fonctionne bien, mais l’effort a commercial. consistant aussi bien pour Pinto que été payant. Car, ensemble, il est désor- pour la police à rester en retrait si mais possible de gérer les défis de façon Sur Internet : www.bern.ch/pinto l’autre organisation est déjà en plus complète et durable, contribuant (en allemand) intervention ainsi à renforcer la sécurité dans l’es- E-Mail: pinto@bern.ch • adapter ensemble les stratégies pace public et à améliorer la situation Tél.: 031 321 75 54 d’intervention à chaque situation sociale des personnes concernées. PSC INFO 1 | 2018 5
LA POLICE ET SES RÉSEAUX Groupe de travail Collabo avec espaces de consommation, appe- lés « locaux d’injection ». Ces mesures ration entre le domaine des étaient souvent contraires aux pres- criptions d’autres autorités et à la loi sur les stupéfiants. Ainsi la distribution additions et la police (GT CoP) de seringues à des privés a-t-elle été interdite dans certains cantons jusque dans les années 1980. Le groupe de travail « Collaboration entre le Étant donné qu’il a été établi que la réduction des risques, et en particulier domaine des addictions et la police » (GT CoP) la possibilité offerte par les centres encourage la collaboration de la police avec d’accueil et de consultation de consom- ses partenaires actifs dans le traitement des mer de la drogue dans des conditions d’hygiène correctes sans craindre des addictions et la réduction des risques. poursuites pénales, protège la santé des consommateurs de drogue et peut contribuer à éviter en partie l’appa Une bonne collaboration entre la police et défis de la collaboration et de déve- rition de scènes ouvertes et la petite et les services d’aide aux personnes lopper son offre de formation continue. criminalité, les interventions policières dépendantes est essentielle pour la empêchant, voire interdisant l’exécu- réussite de la politique des quatre pi Création dans le sillage de la tion des mesures de réduction des liers menée par la Confédération dans crise de l’héroïne des années risques n’étaient et ne sont toujours le domaine de la drogue. Le GT CoP est 1980 et 1990 pas dans l’intérêt public. D’un autre dirigé par l’Office fédéral de la santé Les origines du GT CoP remontent à la côté, la police doit veiller à éviter publique (OFSP) et l’Office fédéral de la crise de l’héroïne en Suisse, dans les l’émergence de zones de non-droit. Il police (fedpol) et composé de représen- années 1980 et 1990. C’est à cette est donc essentiel de garantir au moins tants de la Fédération suisse des fonc- époque qu’ont été instaurées les pre- que les mesures de réduction des tionnaires de police (FSFP), de la Pré- mières mesures de réduction des risques ne troublent pas l’ordre public. vention suisse de la criminalité (PSC), risques tolérées par les autorités, Durant les premières années de la de la Conférence des délégués des comme la distribution de seringues ou politique de réduction des risques en villes aux problèmes de dépendance les centres d’accueil et de consultation particulier, la consommation visible de (CDVD), des organisations profession- nelles du domaine des addictions (GREA et Ticino Addiction) et d’Infodrog. La collaboration entre la police et les institutions proposant des traite- ments des addictions et une réduction des risques étant souvent réglementée au niveau communal, l’une des princi- pales tâches du GT CoP est d’assurer le partage des expériences et des bonnes pratiques. En tant que groupe de travail Schweizerisches Sozialarchiv / Gertud Vogler national, son objectif est de repérer les exemples de mise en œuvre réussie et de les mettre à la disposition des mi- lieux intéressés, en s’efforçant notam- ment d’identifier les nouveaux thèmes Cet article a été rédigé par l’équipe responsable du groupe de travail CoP. Zurich, Platzspitz, en 1989 : les ravages de la consommation d’héroïne des années 80 et 90. 6 PSC INFO 1 | 2018
LA POLICE ET SES RÉSEAUX drogue dans les centres d’accueil et de duits par de nombreuses bonnes pra- coopération varie toutefois d’un endroit consultation a pourtant généré des tiques pouvant servir au-delà des fron- à l’autre, et le taux de satisfaction ainsi conflits entre la police et les exploi- tières politiques et thématiques. Pour que le degré d’importance exprimés à tants de ces lieux. promouvoir l’échange entre les villes et l’égard de cette collaboration sont plus C’est dans ce contexte de tension les cantons, le GT CoP organise tous faibles au sein de la police que dans le qu’au fil des 25 dernières années la les deux ans une journée nationale au domaine des addictions. police et les services d’aide aux per- cours de laquelle des professionnels de sonnes dépendantes ont développé la police et du domaine des addictions Différences de culture dans de nombreuses communes des présentent leurs modèles de collabo- professionnelle procédures et des modèles de coopéra- ration à leurs collègues d’autres com- Le problème réside souvent davantage tion fructueux permettant de préserver munes. Ces dernières années, entre dans le fait que l’on n’a pas encore simultanément les intérêts de la santé 150 et 250 personnes ont assisté à ces trouvé le mode de fonctionnement adé- publique, de l’ordre public et de l’exé- journées. quat que dans l’absence de volonté de cution du droit. La plupart des villes Le groupe de travail élabore en outre collaborer. Bien que le contact régulier suisses proposant de telles offres sont des prises de position sur des sujets avec l’autre catégorie professionnelle ainsi par exemple parvenues à amé techniques et s’efforce d’intégrer les soit un facteur important de toute nager les alentours des centres d’ac- nouvelles découvertes à la formation bonne coopération, dans la pratique cueil de manière à répondre tant aux initiale et continue des professionnels l’échange est généralement réglemen- besoins des consommateurs qu’à ceux des deux camps. Aux fins d’identifier té de manière informelle et a lieu ponc- des h abitants. À noter que l’application de nouvelles thématiques et d’adapter tuellement sur le terrain. Seule une concrète des modèles de collaboration l’offre de formation continue aux be- minorité d’organisations a adopté des dépend aussi des défis et des priorités soins de la réalité pratique, le GT CoP a instructions ou des lignes directrices politiques spécifiques à chaque lieu. mené en 2016 une vaste enquête auprès internes, voire des accords de coopéra- des corps de police et des institutions tion. Plus de la moitié des organisations Activités du groupe de travail d’aide aux personnes dépendantes. Les de police et des institutions d’aide aux Uniformiser ces procédures n’est ni résultats révèlent que, dans l’ensem personnes dépendantes interrogées es dans l’intérêt ni dans les possibilités de ble, tant la police que les spécialistes time pourtant que les arrangements et la Confédération. Le GT CoP est néan- des addictions sont satisfaits de la col- les échanges devraient être renforcés. moins convaincu que les modèles de laboration interprofessionnelle et esti- Pour établir une collaboration effi- collaboration locaux entre le domaine ment qu’elle a fait ses preuves au cours cace entre le domaine des addictions des addictions et la police se sont tra- de ces dernières années. Le niveau de et la police, il ne suffit toutefois pas Wikimedia Commons/Roland zh Le Platzspitz, 30 ans plus tard : un lieu de détente au cœur de la ville. PSC INFO 1 | 2018 7
LA POLICE ET SES RÉSEAUX d’établir des procédures réglementées ni d’avoir des échanges réguliers, il faut aussi garantir le respect mutuel, la fiabilité et la compatibilité des mandats concernés (malgré des objectifs et des visions du monde différentes). La com- préhension mutuelle entre les diverses catégories professionnelles a certes clairement progressé au cours des dernières décennies, mais les résultats de l’enquête montrent que les diffé- rences relatives aux mandats, aux rôles et à la culture professionnelle continuent à susciter des problèmes et des conflits dans la collaboration. Une majorité de chacune des deux caté gories professionnelles est d’ailleurs d’avis que pour améliorer la collabora- tion l’autre devrait en savoir plus sur DR ses tâches, sur les spécificités de son Prévention et intervention précoce portent leurs fruits : www.saferparty.ch, un site qui métier et sur les bases juridiques. Pro- informe notamment sur les drogues en circulation. mouvoir cette compréhension mutuelle en tenant compte du fait que le champ de tension entre les deux mandats confrontée à des jeunes consomma- rapidement les consommateurs problé sociétaux ne disparaîtra probablement teurs problématiques, les clients de matiques de cannabis ou de métham jamais complètement demeure pour le l’aide pour les personnes dépendantes phétamine. La participation de la jus- GT CoP un défi majeur à long terme. à bas seuil sont de plus en plus âgés. tice ou du ministère public des mineurs Sans compter les obstacles linguis- et d’autres acteurs joue également un Défis de la collaboration tiques et culturels rencontrés avec les rôle important à cet égard. Un autre Avec les scènes ouvertes de la drogue, personnes issues de l’immigration. Si, exem ple dans lequel des discussions le problème de l’héroïne ne figure plus dans ces nouvelles problématiques, la sont né cessaires, est celui du « drug parmi les priorités politiques des villes collaboration est encore marginale, testing », un système permettant aux en matière de santé et de sécurité. elle pourrait se révéler aussi néces- consom mateurs de faire analyser la Aujourd’hui, la consommation de subs- saire et efficace qu’au moment de la coupe et le degré de pureté des subs- tances psychoactives dans l’espace gestion de la dépendance à l’héroïne. tances achetées sur le marché noir. public a souvent lieu la nuit. Dans les Cette mesure de réduction des risques, discussions à ce sujet, les mots qui re- Avenir du GT CoP actuellement proposée dans quatre viennent le plus sont des termes comme Les solutions du passé ne peuvent pas villes suisses, ne peut fonctionner que tapage nocturne, littering, coma éthy- être transposées telles quelles aux pro si les utilisateurs n’ont pas besoin lique ou violence associée à l’alcool. blèmes du présent ni de l’avenir. Pen de craindre d’être poursuivis par la Lors de problèmes liés à la consomma- dant des années, la prévention des mala police lors de la remise des substances tion de substances, la police et le do- dies transmissibles et des overdoses illégales. maine des addictions constatent que ainsi que la lutte contre les scènes ou- Le GT CoP tiendra compte de ces c’est généralement l’alcool qui est en vertes et le trafic de drogue ont été nouveaux défis en incluant davantage cause. À cela s’ajoute la diversification prioritaires. La prévention et l’inter ce type de sujet dans son offre de for- des groupes cibles : de plus en plus vention précoce gagnant aujourd’hui en mation continue et en élargissant si né souvent, les spécialistes des deux corps importance, les deux catégories pro- cessaire le réseau de collaboration dans de métier se retrouvent face à des per- fessionnelles souhaitent renforcer leur le domaine de l’abus de substances sonnes en proie non seulement à une collaboration dans ce domaine. Les dans l’espace public. Conformément à dépendance à des substances mais exem ples de Bienne et Neuchâtel, la stratégie Addictions 2017–2024 du aussi à des problèmes de santé psy- notamment, montrent qu’un échange Conseil fédéral, le travail ne se limite chique et physique. Alors que, en parti- ciblé entre la police et le domaine des pas aux drogues illégales mais s’étend culier la nuit, la police est surtout addictions peut contribuer à identifier à toutes les formes d’addiction. 8 PSC INFO 1 | 2018
LA POLICE ET SES RÉSEAUX Une Table ronde pour lutter projet d’intervention « Halt-Gewalt ». Outre diminuer la violence conjugale et ensemble contre la violence améliorer la protection des femmes concernées, ce projet pilote visait à renforcer la collaboration entre les domestique institutions privées et publiques. C’est ainsi que la Table ronde Violence do- mestique est devenue le point central du projet. Conçue comme un outil inte- La violence domestique ne regarde pas l’État ? Ce rinstitutionnel, la Table ronde offrait qui paraît impensable aujourd’hui relevait pourtant aux organes de la justice, de la police de la réalité il y a 20 ans. La donne a changé grâce cantonale, des centres d’aide aux vic- times et des tribunaux l’occasion de se à une table ronde créée à Bâle-Ville. rencontrer tous les deux mois afin de coopérer et d’examiner les interfaces. La création de la « Table ronde Violence du couple et dans la famille comme une Rapports de police et cartes domestique » à Bâle-Ville répondait question relevant des droits humains jaunes parfaitement à l’air du temps : lorsque et de l’égalité des sexes. Des mouve- Parallèlement à une initiative similaire les représentants de l’administration ments politiques ont soutenu aux lancée à Zurich, le projet d’intervention cantonale et de la société civile se re- niveaux fédéral et cantonal une meil- bâlois a réalisé un travail de pionnier. trouvaient pour la première fois en ce leure protection des femmes contre la Le 30 octobre 1997, les délégations de mois d’octobre 1997, la lutte contre la violence – notamment en inscrivant le différentes institutions publiques et violence faite aux femmes était sur viol conjugal au nombre des infractions privées concernées par la question de toutes les lèvres. Reconnue comme pénales poursuivies d’office. Globale- la violence domestique se sont retrou- une violation des droits humains en ment, toutes ces interventions et ces vées pour élaborer des solutions com- 1995 par la 4 e Conférence des Nations efforts ont favorisé un changement de munes permettant de renforcer la pro- Unies à Pékin, la violence domestique perspective : la violence conjugale n’est tection des victimes et de durcir la figurait dans un catalogue de revendi- plus une affaire privée mais concerne poursuite des auteurs. Au fil de débats cations qui a fait grand bruit à l’époque toute la société ! Une étude publiée en houleux et à force de négociations dans le monde entier. En Suisse égale- 1995 a aussi clairement démontré ce ardues, les membres de la Table ronde ment, les experts commençaient à en- qu’on savait depuis longtemps déjà ont progressivement réussi à démonter trevoir le thème de la violence au sein dans les refuges pour femmes : l’am- les préjugés et à dégager des marges pleur de la violence conjugale est de manœuvre. Les premiers succès effrayante, également en Suisse. Sur la sont enregistrés après quelques Auteures base d’une enquête téléphonique au- séances déjà : la police cantonale met près de 1500 femmes, les chercheuses en place dès 1999 un système spécial Yara Gut ont conclu qu’une femme sur cinq en de rapport, directement appliqué en Collaboratrice de conférence et du Suisse avait dû subir une fois dans sa cas d’interventions policières pour service « Häusliche vie des actes de violence sexuelle de la violence conjugale ; le ministère public Gewalt », secrétariat part de son conjoint.1 développe un catalogue de questions général, Département Dans ce contexte, le refuge pour pour l’interrogatoire des victimes de cantonal de justice et femmes de Bâle, le forum bâlois des violence domestique. Ces mesures police, Bâle-Ville DR hommes (actuellement bureau des sont complétées par des formations Miko Iso hommes), le bureau cantonal de l’éga- et formations continues des agents de Responsable Table lité et d’autres institutions se devaient la police et des autorités de poursuite Ronde Violence d’intervenir au niveau du canton. Dans pénale. domestique, cheffe du le cadre du programme national de re- Autre succès notoire de la Table service « Häusliche cherche « Violence au quotidien – crime ronde : une carte d’urgence de couleur Gewalt », secrétariat général, Département organisé », ils ont donc lancé en 1997 le jaune, avec les adresses et numéros de cantonal de justice et DR police, Bâle-Ville 1 Gillioz, Lucienne/De Puy Jacqueline/Ducret Véronique : Domination et violence envers la femme dans le couple. Editions Payot, Lausanne 1997. PSC INFO 1 | 2018 9
LA POLICE ET SES RÉSEAUX titutions privées mais passait au rang de tâche publique. Ce changement a aussi modifié le travail de la Table ronde. Bien que sujet de discussion depuis longtemps, c’est alors qu’a commencé concrètement l’élaboration d’une règlementation en matière d’éloi- gnement. Comme dans d’autres can- tons, ce n’est désormais plus à la victime de quitter le logement commun mais à l’auteur des actes de violence. Ce principe trouve sa justification dans un constat simple : lutter efficacement contre la violence domestique implique d’intervenir là où elle commence, à savoir chez la personne violente. Dans ce sens, l’article sur l’expulsion édicté en 2007 dans la loi cantonale sur la Katarzyna Białasiewicz/123RF police contient aussi la base permet- tant de prendre contact avec les per- sonnes susceptibles d’actes violents. Après une intervention policière pour cause de violence domestique, l’auteur est contacté par le service d’assistance « Lutter efficacement contre la violence domestique implique d’intervenir là où elle de probation et invité à un entretien commence, donc chez la personne violente. » gratuit et facultatif avec un conseiller spécialiste. Parallèlement, le centre de téléphone importants, destinée aux besoin important en formation continue consultation pour victimes informe la femmes violentées. Disponible unique- mis au jour dans ce cadre, le service personne qui a subi les violences. ment en allemand jusqu’en 1999, cet d’intervention a organisé des séances Depuis début 2016, il existe aussi un outil maniable et discret existe désor- d’information. projet pilote au niveau suisse portant mais dans onze langues et a servi de Mises à part ces améliorations sur la démarche de contacter les per- modèle à bon nombre de cantons. concrètes au niveau opérationnel, le sonnes susceptibles d’actes violents Autre travail précurseur : la Table projet d’intervention bâlois a obtenu qui n’ont pas fait l’objet d’une mesure ronde Violence domestique a aussi quelques succès moins tangibles mais d’éloignement. Les auteurs et les vic- participé à la mise au point d’un tout aussi essentiels : les réunions ré- times de violence obtiennent ainsi une programme d’éducation destiné aux gulières de la Table ronde ont favorisé offre de soutien dès le moment où leur hommes violents. Ainsi depuis 2001, une compréhension mutuelle des tâches situation est connue. grâce au service d’intervention bâlois, de chaque institution, les contacts per- des hommes auteurs d’actes de vio- sonnels ont raccourci les voies de com- La Table ronde hier, lence sur leurs épouses ou dans leur munication et les défis et solutions aujourd’hui et demain famille peuvent suivre des stages où ils concertés ont permis de surmonter Du haut de ses vingt ans de travail de apprennent en groupe des stratégies inhibitions et appréhensions. réseautage et de développement, la constructives de résolution de conflits. Table ronde Violence domestique pour- Mais le rôle des milieux de la santé Les auteurs de violence face ra fêter en juin 2018 sa 50e réunion. n’est pas à sous-estimer : une étude à leur responsabilité Alors que seule une dizaine de mem initiée en 2003 par la Table ronde Pour son lancement, le projet d’inter- bres se retrouvaient régulièrement V iolence domestique et lancée par le vention bâlois a bénéficié du soutien au début, l’institution rassemble au- service d’intervention à l’hôpital uni d’une association privée. Son rattache- jourd’hui quelque 25 spécialistes et versitaire de Bâle-Ville a déterminé la ment à l’administration en 2003 revêtait cadres issus de la justice, de la police fréquence avec laquelle le personnel donc un aspect symbolique : la lutte cantonale, des services d’aide aux vic- hospitalier accueille et traite des vic- contre la violence domestique n’était times, des autorités de protection de times de violence conjugale. Au vu du plus laissée aux seules victimes et ins- l’enfance et de la santé. La composition 10 PSC INFO 1 | 2018
LA POLICE ET SES RÉSEAUX Vadim Guzhva/123RF « La violence des parents entre eux ou à leur égard touche de plein fouet les enfants et, souvent, les traumatise. » varie au gré de l’histoire sociale de la Grâce aux nombreuses mesures de violence conjugale et domestique. Le sensibilisation internes et externes, le premier pas consistait à sortir cette thème de la violence conjugale n’a ja- question du domaine privé pour en faire mais été aussi actuel dans les institu- une affaire publique : c’est ainsi que des tions étatiques et dans le grand public. centres d’aide aux victimes tels que les Cependant, la Table ronde n’a de loin refuges pour femmes sont allés négo- pas terminé son travail. La violence do- cier avec la police et les autorités judi- mestique reste un problème largement ciaires des mesures à prendre. Avec le répandu et il se trouve des milliers de changement de paradigme qui tendait à victimes qui ne s’adressent pas à la po- rendre davantage responsable l’auteur lice ni ne contactent des centres d’aide. des violences, la Table ronde a accueilli Bon nombre de femmes trouvent en- DR progressivement également des insti- core refuge dans des foyers – au point tutions qui avaient directement affaire que certaines de ces institutions sont Séminaire «Trauma avec des personnes susceptibles de bondées et doivent refuser du monde. durch Häusliche Gewalt» tels actes, comme par exemple les Les auteurs de violence restent souvent services chargés de contacter les au- incapables d’introspection et ne sont que La gestion des traumatismes liés à teurs. Bien que très vite parties pre- rarement disposés à entreprendre un des expériences de violence dans le nantes de la Table ronde, les services travail sur leur propension à la violence. couple et dans la famille sera aussi de protection de l’enfance ont acquis Sans oublier les enfants justement, que le sujet du séminaire « Trauma durch un rôle de poids aujourd’hui dans la la violence des parents entre eux ou à Häusliche Gewalt » qui se donne le lutte contre la violence domestique. leur égard touche de plein fouet et sou- 7 juin 2018, au Rathaus de Bâle-Ville. Premiers touchés par les relations vio- vent traumatise. Voilà bien des défis à lentes entre leurs parents, les enfants relever – du pain sur la planche donc Informations complémentaires : ont besoin d’un soutien rapide et à tous pour les 20, 50 voire 100 prochaines ré- www.halt-gewalt.bs.ch les niveaux. unions de la Table ronde de Bâle-Ville. PSC INFO 1 | 2018 11
LA POLICE ET SES RÉSEAUX Travail de proximité – quand réseau étendu et ouvert aux repré sentants des différentes religions et la police construit des ponts cultures. La mise en place et l’entre tien du réseau interculturel Les préjugés mutuels se décon- Depuis 10 ans, le réseau mis en place par struisent au fil des rencontres. Dans la police cantonale zurichoise tisse des liens les conversations, souvent autour d’un thé à la pomme ou d’une eau minérale interculturels – c’est l’action déployée par de marque étrangère, nous veillons à l’équipe Brückenbauer, forte de 16 personnes. ce que les responsables comprennent le travail de la police et nous recevons nous-mêmes des informations impor- tantes pour l’accomplissement de nos L’utilité du service Brücken font en sorte de ne pas pointer l’une ou tâches. Les questions critiques ne sont bauer au sein de la police l’autre culture. Nos partenaires et pas taboues. Il nous arrive aussi de Avec une population de plus en plus clients, ont pour nom, par exemple, toucher des sujets brûlants. La radi multiculturelle, le canton de Zurich se « Association Culturelle IKRE », « Com- calisation islamiste en est un. Nous doit de considérer l’interculturalité, de munauté islamique albanaise », « Centre l’abordons avec beaucoup de tact en l’évaluer et de la prendre en compte Iman » ou « Association culturelle liba- prenant le temps d’expliquer le cadre dans l’action de la police. Le service naise », des organisations souvent re- légal et les champs d’action possibles spécialisé Brückenbauer a été créé il y groupées en association ou en fonda- en matière de prévention policière. a dix ans par la police cantonale zuri- tion. De par l’importance de leurs acti- Quand il le faut, nous tenons des pro- choise. L’équipe ne comptait alors vités, qui rythment le quotidien, la vie pos très directs, qui peuvent prendre la qu’un spécialiste entouré de onze poli- et l’année de leurs membres actifs, forme d’exposés aux membres de l’as- ciers exerçant à titre accessoire. Elle elles sont des interlocuteurs de pre- sociation pour attirer leur attention sur est aujourd’hui forte de 16 membres, mier plan pour la police. Car ce sont un comportement punissable en droit dont trois femmes. Le service entend précisément les développements qui pénal et ses conséquences possibles. familiariser les personnes d’origine interviennent dans la nébuleuse des C’est le fondement même du réseau étrangère aux préoccupations et aux groupements extrémistes et prédispo- policier : identifier et prévenir les actes tâches de la police locale. En même sés à commettre des actes violents criminels à un stade précoce. Les temps, les policiers en apprennent da- qu’il importe de mettre en place un membres de l’unité se voient attribuer vantage sur les cultures et les cou- tumes étrangères. Pour de nombreuses personnes d’origine étrangère, les obstacles à surmonter pour entrer en contact avec la police sont importants, sans parler des sujets sensibles comme la radicali- sation. Les « constructeurs de ponts » Auteur Thomas Gerber Policier. Engagé de- puis mars 2012 dans le service Brücken- bauer ; depuis février 2015, co-responsable DR du service de protec- DR tion contre la violence de la Division pré- vention de la police cantonale de Zurich. Visite guidée – organisée par les Brückenbauer en coopération avec les responsables de la mosquée. 12 PSC INFO 1 | 2018
LA POLICE ET SES RÉSEAUX une zone géographique du canton. Les communautés culturelles et reli- gieuses présentes peuvent être des institutions islamiques (y compris les mosquées) sises dans un ou plusieurs districts ou des associations soma- liennes ou érythréennes réparties dans tout le canton. Nous entretenons égale- ment des contacts avec l’Église copte, les écoles arabes, les associations isla- miques d’hommes ou de jeunes, etc. Afin de promouvoir la compréhen- sion mutuelle, les Brückenbauer propo sent depuis 2008 une offre intéressante : des exposés gratuits. Les participants DR sont renseignés sur les relations avec la police suisse. En 2017, nous avons « Police de proximité » – se déployer sans susciter de craintes lors d’un festival organisé ces séances d’information de- culturel, avec le mobile de prévention. vant une quarantaine de groupes, prin- cipalement des classes d’intégration. Nous parlons dans un allemand simple notre propre culture toute comme celle le commandant Reinhard Brunner, chef des attentes mutuelles, des contrôles de notre groupe cible et nous savons de la division prévention de la police policiers ou de l’obligation réciproque que des irritations peuvent se produire cantonale de Zurich. de justifier de son identité. Les mani- dans les rencontres interculturelles. festations d’information sont organi- Mais nous nous fondons sur nos Les difficultés du travail sées par des organisations d’asile, des connaissances en compétence inter- de terrain associations culturelles et des orga culturelle (entre autres, sur notre fami- Dans la gestion des réseaux intercultu- nisations d’entraide des Eglises par le liarité avec les mécanismes de com rels, nous obtenons des informations biais d’initiatives privées. En tant que munication interculturelle). Cependant, pertinentes pour le travail policier. Ces Brückenbauer, nous ouvrons le dialo la compétence n’est pas liée à une informations sur les cultures et les gue quand il s’agit de défaire les préju- culture. Le fait de mettre en avant notre courants religieux sont collectées par gés et d’établir de la confiance. propre empreinte culturelle risque de les membres du service Brückenbauer nous barrer l’accès à la culture de nos puis communiquées lors de séances interlocuteurs : les tensions inhérentes d’information ou consignées dans des à chaque groupe de population témoi fiches informatives. Elles sont donc gnent de la diversité des contextes, des mises à la disposition de tous les valeurs et des enjeux de chacun d’eux membres des forces de l’ordre. Voici (de l’extérieur, on jugera que des fric- les types d’action qui suscitent réguliè- tions existent « entre Erythréens » ou rement des questions ou des irritations « entre Turcs »). En tant que policiers, sur le terrain : nous ne sommes pas parties prenantes • les perquisitions (façon de traiter DR La police et sa visibilité : un exposé dans et nous ne prenons pas parti, même les objets rituels « sacrés ») ; un centre pour mineurs non accompagnés. pas dans notre mission de Brücken- • les cas de violence domestique bauer. (importance d’avoir une approche Mener cette action est difficile et culturelle de base pour l’interaction Les compétences et la exigeant. Pour être à la hauteur de ce entre les femmes, les hommes et formation des Brückenbauer défi, l’ISP a mis sur pied un nouveau les enfants) ; Il arrive que l’on nous demande si notre cours en relations interculturelles, en • les décès survenus dans des circons- équipe compte des musulmans. Nous complément des cours de compétence tances exceptionnelles (les besoins sommes des agents de la fonction pu- interculturelle ou de gestion des me- et les attentes envers la police blique, tenus à une approche objective, naces. D’une durée de trois jours, ce sont souvent influencés par les indépendante et neutre. Nous n’igno- cours aura lieu pour la première fois conceptions traditionnelles propres rons pas l’influence que peut exercer à l’automne 2018. Son responsable est à chaque pays d’origine) ; PSC INFO 1 | 2018 13
LA POLICE ET SES RÉSEAUX DR « J’ai quelque chose à dire à ce sujet » ; exposé dans un centre pour requérants d’asile mineurs non accompagnés. • la détention (les usages concernant sation et l’extrémisme violent. Parallè- en place de relations de confiance avec la nourriture, l’hébergement, lement aux tâches de mise en réseau les communautés d’origine étrangère, l ’hygiène, etc. peuvent se heurter aux des Brückenbauer, cette unité engage- sont considérées dans toute la Suisse conceptions occidentales). ra des mesures pour prévenir la radi- comme une mesure efficace pour dé- calisation, en association avec d’autres tecter et influencer suffisamment tôt le Le travail de prévention organisations partenaires. cours des choses en matière de radica- de police lisation. Il est souhaitable que des ser- L’un des principaux défis consiste à L’impact vices de police spécialisés continuent faire comprendre le travail de préven- Les Brückenbauer partagent leurs d’être mis en place pour relever ces tion accompli par les Brückenbauer. connaissances dans le cadre de la for- défis. Cette recommandation figure Les représentants de diverses asso mation ou du perfectionnement des po- également dans le Plan d’action natio- ciations souhaitent souvent obtenir des liciers. Transmettre des connaissances nal de prévention et de lutte contre la informations relatives à des personnes, fondées et informer sur les questions radicalisation et l’extrémisme violent afin de pouvoir intervenir à un stade interculturelles et interreligieuses re- du Réseau national de sécurité (RNS) précoce. Or, la police est tenue au vêt une importance capitale, dans le du 4 décembre 2017. secret de fonction et ne peut pas divul- contexte d’une population de plus en guer de détails sur les cas qu’elle plus multiculturelle. Les Brückenbauer traite. Ainsi, la transmission de don- de la police cantonale zurichoise ont nées personnelles est largement à dispensé des modules de formation en sens unique, mais nous voulons néan- matière de compétence interculturelle Cours ISP moins faire comprendre que la police à l’école de police de Zurich. Il ne s’agit L’Institut suisse de police (ISP) peut utiliser des approches efficaces de pas pour les policiers d’adapter leur propose un cours Brückenbauer à co-création pour aider à développer ce action en fonction de leur vis-à-vis, l’intention des policiers de tous les que l’on appelle un contre-narratif, par mais de transmettre une compréhen- corps de police de Suisse déjà actifs exemple. C’est un défi, aussi parce que sion fondamentale des cultures et des dans les relations interculturelles ou nous tenons à ce que les associations religions et des connaissances de base, souhaitant le devenir. culturelles puissent se sentir en sécu- par exemple sur l’islam et ses diffé- Plus d’informations sous rité. A partir du 1er mars 2018, la police rentes formes. L’activité déployée par www.edupolice.ch (cours Brückenbauer, cantonale zurichoise disposera d’un les Brückenbauer, en particulier les en allemand uniquement) centre d’intervention contre la radicali- présentations d’information et la mise 14 PSC INFO 1 | 2018
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