Dossier La police et ses réseaux - 1 | 2018 - Schweizerische ...

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PSC INFO
 1 | 2018   Dossier
            La police et ses réseaux
Dossier La police et ses réseaux - 1 | 2018 - Schweizerische ...
ÉDITORIAL

Chère lectrice, cher lecteur,

Constituer des réseaux est                             nale de Saint-Gall avec ses
primordial – le travail policier                       homologues autrichiens et al-
n’échappe pas à cette règle.                           lemands illustrent combien la
Sur le terrain, jour par jour, la                      coopération transfrontalière
police doit pouvoir compter                            est devenue incontournable.
sur d’autres acteurs, car la                           Les autres contributions de ce
complexité des thématiques                             numéro éclairent d’autres fa-

                                                    SKP
criminologiques veut que des                           cettes du réseautage, avec un
solutions soient trouvées en commun.         article sur la table ronde dans le do-
Aujourd’hui, l’interdisciplinarité fait      maine de la violence domestique à
donc définitivement partie du quotidien      Bâle, un autre sur le groupe de travail
des forces de l’ordre.                       national « Collaboration entre le do-
    Afin de trouver une solution à un        maine des addictions et la police » et un
problème, que ce soit le tapage noc-         troisième sur le groupe mobile d’inter-
turne récurrent causé par des jeunes         vention Pinto, à Berne.
dans un quartier d’habitation ou la dis-         Nous remercions chaleureusement
tribution réglementaire de drogues à         tous les auteurs qui ont contribué à ce
des personnes dépendantes, les par-          numéro et vous en souhaitons une
ties prenantes doivent se concerter et       agréable lecture.
se mettre en réseau. Chacun de ses
membres apporte un angle différent                                          Martin Boess
qui permet de mieux appréhender le                        Directeur de la Prévention Suisse
problème. Avoir la même optique d’un                                       de la Criminalité
enjeu est un élément essentiel dans la
recherche de solutions.
    Opérer en réseau a ses écueils, bien
sûr, et le défi est souvent de taille. Car
ce travail est astreignant et peu grati-
fiant, dès lors que les différences
semblent insurmontables dans la per-
ception d’un problème, les mobiles op-
posés, l’engagement insuffisant, sans
compter les préjugés et les idéologies.                                                        IMPRESSUM
Les différentes formes de collaboration
                                                                                               Editeur et commande
en réseau que nous vous présentons
                                                                                               Prévention Suisse de la Criminalité
dans ce nouveau numéro de PSC INFO                                                             Maison des cantons
montrent cependant que les efforts                                                             Speichergasse 6
                                                                                               Case postale
consentis peuvent aussi être couronnés                                                         CH-3001 Berne
de succès.                                                                                     Courriel : info@skppsc.ch
    La police est régulièrement à la                                                           tél. +41 31 320 29 50

manœuvre pour mettre en place des                                                              PSC Info 1 | 2018 est téléchargeable en format PDF,
réseaux. On lui demande aussi si elle                                                          à l’adresse : www.skppsc.ch/skpinfo.
                                                                                               PSC Info 1 | 2018 paraît aussi en allemand et
souhaite se joindre à l’un d’eux.                                                              en italien.
L’exemple des « Brückenbauer » de la
                                                                                               Responsable		   Martin Boess, directeur PSC
Police cantonale zurichoise montre
                                                                                               Traduction   fr ADC, Vevey
comment se constitue un réseau inter-
                                                                                                            it Annie Schirrmeister, ­Massagno
culturel permettant à la police d’entrer
                                                                                               Mise en pages Weber & Partner, Berne
en contact avec des personnes et des                                                           Impression		    Vetter Druck SA, Thoune
institutions issues d’autres cultures et                                                       Tirage		        fr: 300 ex. | all: 1350 ex. | it: 150 ex.
vivant dans le canton. Les actions de                                                          Date de parution Numéro 1 | 2018, avril 2018
prévention que mène la Police canto-                                                           © Prévention Suisse de la Criminalité PSC, Berne

2                   PSC INFO 1 | 2018
Dossier La police et ses réseaux - 1 | 2018 - Schweizerische ...
LA POLICE ET SES RÉSEAUX

Coopération entre police et                                                                      Le volet social de leur mandat consiste
                                                                                                 à soutenir des personnes en difficulté

service social de proximité
                                                                                                 de façon simple et ciblée et à améliorer
                                                                                                 durablement leur situation. Le plus
                                                                                                 souvent, il s’agit de personnes souf-
                                                                                                 frant de troubles addictifs ou psychi­
                                                                                                 ques, dont les besoins touchent avant
A priori, une coopération entre la police et les                                                 tout aux domaines suivants : logement,
services sociaux de proximité paraît difficile du fait                                           santé, désintoxication, thérapie, finan­

des différences dans leurs missions premières et                                                 ces, relations avec les autorités. Au
                                                                                                 total, 5214 interventions sociales ont
                                                                                                 ­
de leurs positionnements respectifs. Pourtant, un                                                été effectuées en 2017.
exemple bernois prouve que cela peut fonctionner.                                                     Le travail de médiation du service
                                                                                                 social de proximité consiste principale-
                                                                                                 ment à traiter des plaintes émises
                                                                                                 contre des personnes et leur compor-
                                                                                                 tement dans l’espace public. Pinto est
                                                                                                 le premier interlocuteur de la ville de
                                                                                                 Berne pour ce genre de plainte. De
                                                                                                 fait, il prend contact directement avec
                                                                                                 les plaignants et avec les fauteurs
                                                                                                 de trouble pour traiter le problème,
                                                                                                 ­l’objectif étant de trouver une solution
                                                                                                  qui évite de devoir faire intervenir la
                                                                                                  police et qui respecte équitablement
                                                                                                  les intérêts des parties en présence.
                                                                                                  La plupart du temps, les plaintes ont
                                                                                                  trait à des conflits entre usagers de
                                                                                                  l’espace public : jeunes et riverains ou
                                                                                                  marginaux, popu­   l ation résidente ou
                                                                                                  commerçante. Au total, 1153 heures de
                                                                                                  travail de média­tion ont été effectuées
                                                                                                  en 2017.
                                                                                                      Quant aux interventions dites de
                                                                                         Pinto

                                                                                                  maintien de l’ordre, elles ne se font
Pinto intervient souvent quand il y a des plaintes à l’encontre de personnes pour leur            que par le biais de divers moyens de
comportement dans l’espace public.                                                                communication. Pinto n’est investi
                                                                                                  d’aucun droit particulier et son action
                                                                                                  consiste à interpeller des personnes
Au fil des ans, une coopération efficace      tion s’avère gagnante pour les deux                 ayant un comportement inadéquat, à
s’est mise en place à Berne entre la          parties, car elle améliore non seule-               faire connaître ou rappeler les règles
police cantonale et Pinto, le service
­                                             ment la sécurité dans l’espace public,              en vigueur et à exiger des fauteurs de
social de proximité du Service de la
­                                             mais aussi la situation sociale tant d’in-          trouble qu’ils modifient leur comporte-
Jeunesse de la ville. Cette collabora-        dividus isolés que de groupes entiers.              ment. Les motifs d’intervention les
                                                                                                  plus fréquents sont la consommation
                                              La mission de Pinto                                 de dro­ gues, le petit trafic de stupé-
 Auteur                                       Pinto (Prévention, Intervention, Tolé-              fiants, le tapage et le littering. Au
                                              rance) remplit en toute impartialité une            total, 4754 interventions de maintien
 Silvio Flückiger
                                              double mission : les collaborateurs, outre          de l’ordre ont été effectuées en 2017.
 Directeur de Pinto
                                              leur mandat social classique, exercent
                                              aussi une mission de médiation et, au              Collaboration avec la police
                                              sens large du terme, de maintien de                En sa qualité d’organisation de proxi­
                                         DR

                                              l’ordre.                                           mité, Pinto agit principalement dans

                                                                                                 PSC INFO 1 | 2018                      3
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LA POLICE ET SES RÉSEAUX

l’espace public où il travaille à la réso-    de travail communautaire VGB, de la            le calme auquel ils aspirent, et de ré-
lution de problèmes et au maintien de         police cantonale bernoise (section pré-        duire à un minimum les interventions
l’ordre. De ce fait, il se trouve tous les    vention) et de Pinto.                          de la police.
jours en contact avec la police.                  Un des grands avantages de cette
      Bien que les missions et les moyens     coopération est que les problèmes sont         L’espace public en point
pour les accomplir soient très diffé-         traités de façon coordonnée. Il s’agit le      de mire
rents entre Pinto et la police, tous deux     plus souvent de conflits d’intérêts entre      Un autre exemple de coopération réus-
poursuivent des objectifs en partie           jeunes/ jeunes adultes et riverains. Les       sie est incarné par le groupe d’inter­
similaires : veiller à la coexistence
­                                             associations de jeunesse et de travail         ven­tion « Krokus » de la police cantonale
­pacifique de tous les groupes de popu-       communautaire peuvent, en cas d’inté-          bernoise pour le trafic et la consomma-
 lation, faire respecter les lois et les      rêt, proposer d’autres lieux de rési-          tion de drogues. A intervalles réguliers,
 règles et empêcher autant que possible       dence, tandis que l’organisation de            des informations sont échangées sur la
 les conflits d’intérêts ou favoriser leur    quartier et les associations religieuses,      situation dans l’espace public. Cette co­o­
 règlement à l’amiable.                       grâce à l’étendue de leurs réseaux,            pé­­ration permet de traiter les u
                                                                                                                              ­ rgences
      Au vu de la similarité des zones        peuvent faire savoir que la plainte est        de façon plus complète que ne pourrait
 d’intervention et des objectifs, il est      traitée, ce qui a pour effet de réduire        le faire à elle seule une o
                                                                                                                       ­ rganisation.
 évident qu’une coopération est à la fois     les tensions au sein de la population.              Pour sa part, Pinto contribue à endi-
 judicieuse et bénéfique, mais celle-ci a     Pinto joue le rôle de médiateur entre          guer la consommation de drogues dans
 des limites claires que les deux parties     les divers interlocuteurs et veille au         l’espace public par des interventions
 doivent respecter, comme c’est le cas à      maintien de l’ordre. Quant à la police,        de maintien de l’ordre, mais surtout
 Berne.                                       elle renforce ses mesures de préven-           par son travail social qui cherche à
      Pour le travail social de Pinto, la     tion ou intervient si la situation devient     déterminer pourquoi les toxicomanes
                                                                                             ­
 confiance de ses clientes et clients est     intolérable.                                   consom­ment dans l’espace public, s’ils
 la condition sine qua non d’une colla­           Cette action coordonnée permet de          n’ont pas accès aux centres d’accueil et
 boration constructive. Cela signifie         gérer les plaintes de telle manière qu’il      traitements de substitution officiels,
 qu’aucune donnée confidentielle telle        n’est plus nécessaire de déplacer les          s’ils sont sans abri et donc obligés de
 que lieu de résidence, consommation,         jeunes et que toutes les parties pre-          consommer à l’extérieur, etc. Quand on
 histoire personnelle, etc. n’est trans-      nantes parviennent ensemble à trouver          parvient à diriger les personnes vers
 mise à la police. Autrement dit, le tra-     des solutions. Leur objectif est de per-       un centre d’accueil pour toxicomanes,
 vail social classique ne pratique pas la     mettre aux jeunes de rester dans le            leur procurer un hébergement adéquat
 coopération active.                          quartier, tout en assurant aux riverains       dans une institution ou un appartement,
      En revanche, quand il s’agit d’éva-
 luer et traiter les situations dans
 ­l’espace public, Pinto collabore active-
  ment avec la police qui s’avère, avec
  d’autres insti­tutions, un partenaire im-
  portant pour lui.

Les avantages de
la ­coopération
La gestion des plaintes pour l’arrondis-
sement VI de Berne est un bon exemple
de coopération réussie. Pour évaluer
la situation dans l’espace public, juger
de la nécessité d’une intervention et
traiter concrètement plaintes et pro-
blèmes, un groupe pluridisciplinaire a
été formé. Il se réunit une fois par
mois et est constitué de représentants
de l’organisation de quartier QBB, de
l’association pour la jeunesse TOJ,
                                                                                                                                       Pinto

de l’association pour les enfants DOK,
de l’Église réformée, de l’association        Deux collaborateurs de Pinto au travail en vieille-ville de Berne.

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L’action de Pinto est uniquement communicative.

c’est d’abord le fait d’une intervention       • reconnaître que Pinto, en matière de
sociale. Cela permet leur aussi de ne            maintien de l’ordre, intervient surtout
                                                                                             Pinto
plus devoir consommer dans l’espace              pour signaler des comportements
public. De fait, une intervention sociale        inadéquats et pour rappeler les             Pinto est une organisation de la Ville
réussie non seulement améliore leurs             règles en vigueur                           de Berne rattachée au Service de la
conditions de vie, mais elle évite aussi       • faire preuve de compréhension et de         jeunesse au sein de la Direction de
des dizaines d’interventions policières.         bienveillance en cas de malentendus         la formation, de l’action sociale et du
       Cela dit, l’existence de cette coopé-   • suivre une procédure claire au cas où       sport.
ration entre Pinto et la police ne va pas        certains accords ne seraient pas res-       • Heures d’intervention :
de soi. En effet, il a fallu des années          pectés                                        lu-sa entre 09h00 et 23h45
pour bâtir et consolider la confiance de                                                     • Interventions : généralement en
part et d’autre et pour établir le cahier      Outre le travail de longue haleine que          binômes
des charges de chacun.                         ­représente la mise en place d’une coo­       • Lieux d’intervention :
Les lignes directrices de cette coopéra-        pération, son utilité, du moins au début,      tout le périmètre de la ville,
tion sont les suivantes :                       n’est pas toujours évidente. Il faut com-      ­particulièrement le centre-ville
• échanger sur la situation dans               mencer par déterminer les compétences,        • Formation des collaborateurs :
   ­l ’espace public                           répartir les tâches, bâtir une confiance         travail social, pédagogie sociale,
• n’échanger aucune information ou             mutuelle et définir clairement les limites       soins psychiatriques, personnes
     donnée personnelle des clientes et        de la collaboration. Il a fallu du temps         en reconversion professionnelle
     clients                                   pour que la coopération entre Pinto entre        issues des secteurs médical et
• se mettre d’accord sur la procédure          la police fonctionne bien, mais l’effort a       commercial.
     consistant aussi bien pour Pinto que      été payant. Car, ensemble, il est désor-
     pour la police à rester en retrait si     mais possible de gérer les défis de façon     Sur Internet : www.bern.ch/pinto
     l’autre organisation est déjà en          plus complète et durable, contribuant         (en allemand)
    ­intervention                              ainsi à renforcer la sécurité dans l’es-      E-Mail: pinto@bern.ch
• adapter ensemble les stratégies              pace public et à améliorer la situation       Tél.: 031 321 75 54
     ­d’intervention à chaque situation        sociale des personnes concernées.

                                                                                            PSC INFO 1 | 2018                          5
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LA POLICE ET SES RÉSEAUX

Groupe de travail Colla­bo­                                                               avec espaces de consommation, appe-
                                                                                          lés « locaux d’injection ». Ces mesures

ration entre le domaine des
                                                                                          étaient souvent contraires aux pres-
                                                                                          criptions d’autres autorités et à la loi
                                                                                          sur les stupéfiants. Ainsi la distribution
additions et la police (GT CoP)                                                           de seringues à des privés a-t-elle été
                                                                                          interdite dans certains cantons jusque
                                                                                          dans les années 1980.
Le groupe de travail « Collaboration entre le                                                   Étant donné qu’il a été établi que la
                                                                                          réduction des risques, et en particulier
domaine des addictions et la police » (GT CoP)                                            la possibilité offerte par les centres
encourage la collaboration de la police avec                                              d’accueil et de consultation de consom-
ses partenaires actifs dans le traitement des                                             mer de la drogue dans des conditions
                                                                                          d’hygiène correctes sans craindre des
addictions et la réduction des risques.                                                   poursuites pénales, protège la santé
                                                                                          des consommateurs de drogue et peut
                                                                                          contribuer à éviter en partie l’appa­
Une bonne collaboration entre la police      et défis de la collaboration et de déve-     rition de scènes ouvertes et la petite
et les services d’aide aux personnes         lopper son offre de formation continue.      ­criminalité, les interventions policières
dépendantes est essentielle pour la                                                        empêchant, voire interdisant l’exécu-
réussite de la politique des quatre pi­      Création dans le sillage de la                tion des mesures de réduction des
liers menée par la Confédération dans        crise de l’héroïne des années                 risques n’étaient et ne sont toujours
le domaine de la drogue. Le GT CoP est       1980 et 1990                                  pas dans l’intérêt public. D’un autre
dirigé par l’Office fédéral de la santé      Les origines du GT CoP remontent à la         côté, la police doit veiller à éviter
publique (OFSP) et l’Office fédéral de la    crise de l’héroïne en Suisse, dans les        l’émergence de zones de non-droit. Il
police (fedpol) et composé de représen-      années 1980 et 1990. C’est à cette            est donc essentiel de garantir au moins
tants de la Fédération suisse des fonc-      époque qu’ont été instaurées les pre-         que les mesures de réduction des
tionnaires de police (FSFP), de la Pré-      mières mesures de réduction des               risques ne troublent pas l’ordre public.
vention suisse de la criminalité (PSC),      risques tolérées par les autorités,           Durant les premières années de la
de la Conférence des délégués des            comme la distribution de seringues ou         ­politique de réduction des risques en
villes aux problèmes de dépendance           les centres d’accueil et de consultation       particulier, la consommation visible de
(CDVD), des organisations profession-
nelles du domaine des addictions
(GREA et Ticino Addiction) et d’Infodrog.
    La collaboration entre la police et
les institutions proposant des traite-
ments des addictions et une réduction
des risques étant souvent réglementée
au niveau communal, l’une des princi-
pales tâches du GT CoP est d’assurer le
partage des expériences et des bonnes
pratiques. En tant que groupe de travail
                                                                                                                                    Schweizerisches Sozialarchiv / Gertud Vogler

national, son objectif est de repérer les
exemples de mise en œuvre réussie et
de les mettre à la disposition des mi-
lieux intéressés, en s’efforçant notam-
ment d’identifier les nouveaux thèmes

    Cet article a été rédigé par l’équipe
    ­responsable du groupe de travail CoP.   Zurich, Platzspitz, en 1989 : les ravages de la consommation d’héroïne des
                                             années 80 et 90.

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LA POLICE ET SES RÉSEAUX

drogue dans les centres d’accueil et de         duits par de nombreuses bonnes pra-          coopération varie toutefois d’un endroit
consultation a pourtant généré des              tiques pouvant servir au-delà des fron-      à l’autre, et le taux de satisfaction ainsi
conflits entre la police et les exploi-         tières politiques et thématiques. Pour       que le degré d’importance exprimés à
tants de ces lieux.                             promouvoir l’échange entre les villes et     l’égard de cette collaboration sont plus
     C’est dans ce contexte de tension          les cantons, le GT CoP organise tous         faibles au sein de la police que dans le
qu’au fil des 25 dernières années la            les deux ans une journée nationale au        domaine des addictions.
­police et les services d’aide aux per-         cours de laquelle des professionnels de
 sonnes dépendantes ont développé               la police et du domaine des addictions       Différences de culture
 dans de nombreuses communes des                présentent leurs modèles de collabo-         ­professionnelle
 procédures et des modèles de coopéra-          ration à leurs collègues d’autres com-       Le problème réside souvent davantage
 tion fructueux permettant de préserver         munes. Ces dernières années, entre           dans le fait que l’on n’a pas encore
 simultanément les intérêts de la santé         150 et 250 personnes ont assisté à ces       trouvé le mode de fonctionnement adé-
 publique, de l’ordre public et de l’exé-       journées.                                    quat que dans l’absence de volonté de
 cution du droit. La plupart des villes              Le groupe de travail élabore en outre   collaborer. Bien que le contact régulier
 suisses proposant de telles offres sont        des prises de position sur des sujets        avec l’autre catégorie professionnelle
 ainsi par exemple parvenues à amé­             techniques et s’efforce d’intégrer les       soit un facteur important de toute
 nager les alentours des centres d’ac-          nouvelles découvertes à la formation         bonne coopération, dans la pratique
 cueil de manière à répondre tant aux           initiale et continue des professionnels      l’échange est généralement réglemen-
 besoins des consommateurs qu’à ceux            des deux camps. Aux fins d’identifier        té de manière informelle et a lieu ponc-
 des h­ abitants. À noter que l’application     de nouvelles thématiques et d’adapter        tuellement sur le terrain. Seule une
 concrète des modèles de collaboration          l’offre de formation continue aux be-        minorité d’organisations a adopté des
 dépend aussi des défis et des priorités        soins de la réalité pratique, le GT CoP a    instructions ou des lignes directrices
 politiques spécifiques à chaque lieu.          mené en 2016 une vaste enquête auprès        internes, voire des accords de coopéra-
                                                des corps de police et des institutions      tion. Plus de la moitié des organisations
Activités du groupe de travail                  d’aide aux personnes dépendantes. Les        de police et des institutions d’aide aux
Uniformiser ces procédures n’est ni             résultats révèlent que, dans l’ensem­        personnes dépendantes interrogées es­
dans l’intérêt ni dans les possibilités de      ble, tant la police que les spécialistes     ti­me pourtant que les arrangements et
la Confédération. Le GT CoP est néan-           des addictions sont satisfaits de la col-    les échanges devraient être renforcés.
moins convaincu que les modèles de              laboration interprofessionnelle et esti-         Pour établir une collaboration effi-
collaboration locaux entre le domaine           ment qu’elle a fait ses preuves au cours     cace entre le domaine des addictions
des addictions et la police se sont tra-        de ces dernières années. Le niveau de        et la police, il ne suffit toutefois pas

                                                                                                                                       Wikimedia Commons/Roland zh

Le Platzspitz, 30 ans plus tard : un lieu de détente au cœur de la ville.

                                                                                             PSC INFO 1 | 2018                        7
Dossier La police et ses réseaux - 1 | 2018 - Schweizerische ...
LA POLICE ET SES RÉSEAUX

d’établir des procédures réglementées
ni d’avoir des échanges réguliers, il
faut aussi garantir le respect mutuel, la
fiabilité et la compatibilité des mandats
concernés (malgré des objectifs et des
visions du monde différentes). La com-
préhension mutuelle entre les diverses
catégories professionnelles a certes
clairement progressé au cours des
dernières décennies, mais les résultats
de l’enquête montrent que les diffé-
rences relatives aux mandats, aux
rôles et à la culture professionnelle
continuent à susciter des problèmes et
des conflits dans la collaboration. Une
majorité de chacune des deux caté­
gories professionnelles est d’ailleurs
d’avis que pour améliorer la collabora-
tion l’autre devrait en savoir plus sur

                                                                                                                                         DR
ses tâches, sur les spécificités de son       Prévention et intervention précoce portent leurs fruits : www.saferparty.ch, un site qui
métier et sur les bases juridiques. Pro-      informe notamment sur les drogues en circulation.
mouvoir cette compréhension mutuelle
en tenant compte du fait que le champ
de tension entre les deux mandats             confrontée à des jeunes consomma-               rapidement les consommateurs problé­
­sociétaux ne disparaîtra probablement        teurs problématiques, les clients de            matiques de cannabis ou de métham­
 jamais complètement demeure pour le          l’aide pour les personnes dépendantes           phé­tamine. La participation de la jus-
 GT CoP un défi majeur à long terme.          à bas seuil sont de plus en plus âgés.         tice ou du ministère public des mineurs
                                              Sans compter les obstacles linguis-            et d’autres acteurs joue également un
Défis de la collaboration                     tiques et culturels rencontrés avec les        rôle important à cet égard. Un autre
Avec les scènes ouvertes de la drogue,        personnes issues de l’immigration. Si,         exem­  ple dans lequel des discussions
le problème de l’héroïne ne figure plus       dans ces nouvelles problématiques, la          sont né­  cessaires, est celui du « drug
parmi les priorités politiques des villes     collaboration est encore marginale,            test­ing », un système permettant aux
en matière de santé et de sécurité.           elle pourrait se révéler aussi néces-          consom­   ma­teurs de faire analyser la
­Aujourd’hui, la consommation de subs-        saire et efficace qu’au moment de la           coupe et le degré de pureté des subs-
 tances psychoactives dans l’espace           gestion de la dépendance à l’héroïne.          tances achetées sur le marché noir.
 ­public a souvent lieu la nuit. Dans les                                                    Cette mesure de réduction des risques,
  discussions à ce sujet, les mots qui re-    Avenir du GT CoP                               actuellement proposée dans quatre
  viennent le plus sont des termes comme      Les solutions du passé ne peuvent pas          villes suisses, ne peut fonctionner que
  tapage nocturne, littering, coma éthy-      être transposées telles quelles aux pro­       si les utilisateurs n’ont pas besoin
  lique ou violence associée à l’alcool.      blèmes du présent ni de l’avenir. Pen­         de craindre d’être poursuivis par la
  Lors de problèmes liés à la consomma-       dant des années, la prévention des mala­       ­police lors de la remise des substances
  tion de substances, la police et le do-     dies transmissibles et des overdoses          ­illégales.
  maine des addictions constatent que         ainsi que la lutte contre les scènes ou-            Le GT CoP tiendra compte de ces
  c’est généralement l’alcool qui est en      vertes et le trafic de drogue ont été           nouveaux défis en incluant davantage
  cause. À cela s’ajoute la diversification   prioritaires. La prévention et l’inter­         ce type de sujet dans son offre de for-
  des groupes cibles : de plus en plus        vention précoce gagnant aujourd’hui en         mation continue et en élargissant si né­
  souvent, les spécialistes des deux corps    importance, les deux catégories pro-           cessaire le réseau de collabo­ration dans
  de métier se retrouvent face à des per-     fessionnelles souhaitent renforcer leur        le domaine de l’abus de substances
  sonnes en proie non seulement à une         collaboration dans ce domaine. Les             dans l’espace public. Conformément à
  dépendance à des substances mais            exem­ ples de Bienne et Neuchâtel,             la stratégie Addictions 2017–2024 du
  aussi à des problèmes de santé psy-         notamment, montrent qu’un échange
                                              ­                                              Conseil fédéral, le travail ne se limite
  chique et physique. Alors que, en parti-    ciblé entre la police et le domaine des        pas aux drogues i­llégales mais s’étend
  culier la nuit, la police est surtout       addictions peut contribuer à identifier        à toutes les formes d’addiction.

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LA POLICE ET SES RÉSEAUX

Une Table ronde pour lutter                                                                    projet d’intervention « Halt-Gewalt ».
                                                                                               Outre diminuer la violence conjugale et

ensemble contre la violence
                                                                                               améliorer la protection des femmes
                                                                                               concernées, ce projet pilote visait à
                                                                                               renforcer la collaboration entre les
domestique                                                                                     institutions privées et publiques. C’est
                                                                                               ainsi que la Table ronde Violence do-
                                                                                               mestique est devenue le point central
                                                                                               du projet. Conçue comme un outil inte-
La violence domestique ne regarde pas l’État ? Ce                                              rinstitutionnel, la Table ronde offrait
qui paraît impensable aujourd’hui relevait pourtant                                            aux organes de la justice, de la police
de la réalité il y a 20 ans. La donne a changé grâce                                           cantonale, des centres d’aide aux vic-
                                                                                               times et des tribunaux l’occasion de se
à une table ronde créée à Bâle-Ville.                                                          rencontrer tous les deux mois afin de
                                                                                               coopérer et d’examiner les interfaces.

La création de la « Table ronde Violence    du couple et dans la famille comme une             Rapports de police et cartes
domestique » à Bâle-Ville répondait         question relevant des droits humains               jaunes
parfaitement à l’air du temps : lorsque     et de l’égalité des sexes. Des mouve-               Parallèlement à une initiative similaire
les représentants de l’administration       ments politiques ont soutenu aux                    lancée à Zurich, le projet d’intervention
cantonale et de la société civile se re-    ­niveaux fédéral et cantonal une meil-              bâlois a réalisé un travail de pionnier.
trouvaient pour la première fois en ce       leure protection des femmes contre la              Le 30 octobre 1997, les délégations de
mois d’octobre 1997, la lutte contre la      violence – notamment en inscrivant le              différentes institutions publiques et
violence faite aux femmes était sur          viol conjugal au nombre des infractions            privées concernées par la question de
toutes les lèvres. Reconnue comme            pénales poursuivies d’office. Globale-             la violence domestique se sont retrou-
une violation des droits humains en          ment, toutes ces interventions et ces              vées pour élaborer des solutions com-
1995 par la 4 e Conférence des Nations       efforts ont favorisé un changement de              munes permettant de renforcer la pro-
Unies à Pékin, la violence domestique        perspective : la violence conjugale n’est          tection des victimes et de durcir la
figurait dans un catalogue de revendi-       plus une affaire privée mais concerne              poursuite des auteurs. Au fil de débats
cations qui a fait grand bruit à l’époque    toute la société ! Une étude publiée en            houleux et à force de négociations
dans le monde entier. En Suisse égale-       1995 a aussi clairement démontré ce                ­ardues, les membres de la Table ronde
ment, les experts commençaient à en-         qu’on savait depuis longtemps déjà                  ont progressivement réussi à démonter
trevoir le thème de la violence au sein      dans les refuges pour femmes : l’am-                les préjugés et à dégager des marges
                                             pleur de la violence conjugale est                  de manœuvre. Les premiers succès
                                             ­effrayante, également en Suisse. Sur la            sont enregistrés après quelques
 Auteures                                     base d’une enquête téléphonique au-                séances déjà : la police cantonale met
                                              près de 1500 femmes, les chercheuses               en place dès 1999 un système spécial
 Yara Gut
                                              ont conclu qu’une femme sur cinq en                de rapport, directement appliqué en
 Collaboratrice de
 ­conférence et du                            Suisse avait dû subir une fois dans sa             cas d’interventions policières pour
  service « Häusliche                         vie des actes de violence sexuelle de la           ­violence conjugale ; le ministère public
  Gewalt », secrétariat                       part de son conjoint.1                              développe un catalogue de questions
  général, Département                            Dans ce contexte, le refuge pour                pour l’interrogatoire des victimes de
  cantonal de justice et
                                            femmes de Bâle, le forum bâlois des                   violence domestique. Ces mesures
  police, Bâle-Ville
                                       DR

                                            hommes (actuellement bureau des                       sont complétées par des formations
 Miko Iso                                   hommes), le bureau cantonal de l’éga-                 et f­ormations continues des agents de
 Responsable Table                          lité et d’autres institutions se devaient             la police et des autorités de poursuite
 Ronde Violence                             d’intervenir au niveau du canton. Dans             ­pénale.
 domestique, cheffe du
                                            le cadre du programme national de re-                       Autre succès notoire de la Table
 service « Häusliche
                                            cherche « Violence au quotidien – crime               ronde : une carte d’urgence de couleur
 Gewalt », secrétariat
 général, Département                       organisé », ils ont donc lancé en 1997 le             jaune, avec les adresses et numéros de
 cantonal de justice et
                                       DR

 police, Bâle-Ville
                                            1 Gillioz, Lucienne/De Puy Jacqueline/Ducret Véronique : Domination et violence envers la femme
                                              dans le couple. Editions Payot, Lausanne 1997.

                                                                                               PSC INFO 1 | 2018                              9
Dossier La police et ses réseaux - 1 | 2018 - Schweizerische ...
LA POLICE ET SES RÉSEAUX

                                                                                                                      titutions privées mais passait au rang
                                                                                                                      de tâche publique. Ce changement a
                                                                                                                      aussi modifié le travail de la Table
                                                                                                                      ronde. Bien que sujet de discussion
                                                                                                                      depuis longtemps, c’est alors qu’a
                                                                                                                      ­
                                                                                                                      ­commencé concrètement l’élaboration
                                                                                                                       d’une règlementation en matière d’éloi-
                                                                                                                       gnement. Comme dans d’autres can-
                                                                                                                       tons, ce n’est désormais plus à la
                                                                                                                       ­victime de quitter le logement commun
                                                                                                                        mais à l’auteur des actes de violence.
                                                                                                                        Ce principe trouve sa justification dans
                                                                                                                        un constat simple : lutter efficacement
                                                                                                                        contre la violence domestique implique
                                                                                                                        d’intervenir là où elle commence, à
                                                                                                                        ­savoir chez la personne violente. Dans
                                                                                                                         ce sens, l’article sur l’expulsion édicté
                                                                                                                         en 2007 dans la loi cantonale sur la

                                                                                       Katarzyna Białasiewicz/123RF
                                                                                                                         ­police contient aussi la base permet-
                                                                                                                          tant de prendre contact avec les per-
                                                                                                                          sonnes susceptibles d’actes violents.
                                                                                                                          Après une intervention policière pour
                                                                                                                          cause de violence domestique, l’auteur
                                                                                                                          est contacté par le service d’assistance
« Lutter efficacement contre la violence domestique implique d’intervenir là où elle                                      de probation et invité à un entretien
commence, donc chez la personne violente. »                                                                               gratuit et facultatif avec un conseiller
                                                                                                                          spécialiste. Parallèlement, le centre de
téléphone importants, destinée aux             besoin important en formation continue                                     consultation pour victimes informe la
femmes violentées. Disponible unique-          mis au jour dans ce cadre, le service                                      personne qui a subi les violences.
ment en allemand jusqu’en 1999, cet            d’intervention a organisé des séances                                          Depuis début 2016, il existe aussi un
outil maniable et discret existe désor-        d’information.                                                             projet pilote au niveau suisse portant
mais dans onze langues et a servi de               Mises à part ces améliorations                                         sur la démarche de contacter les per-
modèle à bon nombre de cantons.                concrètes au niveau opérationnel, le                                       sonnes susceptibles d’actes violents
     Autre travail précurseur : la Table       projet d’intervention bâlois a obtenu                                      qui n’ont pas fait l’objet d’une mesure
ronde Violence domestique a aussi              quelques succès moins tangibles mais                                       d’éloignement. Les auteurs et les vic-
participé à la mise au point d’un
­                                              tout aussi essentiels : les réunions ré-                                   times de violence obtiennent ainsi une
programme d’éducation destiné aux
­                                             gulières de la Table ronde ont favorisé                                     offre de soutien dès le moment où leur
hommes violents. Ainsi depuis 2001,           une compréhension mutuelle des tâches                                       situation est connue.
grâce au service d’intervention bâlois,       de chaque institution, les contacts per-
des hommes auteurs d’actes de vio-            sonnels ont raccourci les voies de com-                                 La Table ronde hier,
lence sur leurs épouses ou dans leur          munication et les défis et solutions                                    ­aujourd’hui et demain
famille peuvent suivre des stages où ils      concertés ont permis de surmonter                                       Du haut de ses vingt ans de travail de
apprennent en groupe des stratégies           ­inhibitions et appréhensions.                                          réseautage et de développement, la
constructives de résolution de conflits.                                                                              Table ronde Violence domestique pour-
     Mais le rôle des milieux de la santé     Les auteurs de violence face                                            ra fêter en juin 2018 sa 50e réunion.
n’est pas à sous-estimer : une étude          à leur responsabilité                                                   Alors que seule une dizaine de mem­
initiée en 2003 par la Table ronde            Pour son lancement, le projet d’inter-                                  bres se retrouvaient régulièrement
V iolence domestique et lancée par le
­                                             vention bâlois a bénéficié du soutien                                   au début, l’institution rassemble au-
service d’intervention à l’hôpital uni­       d’une association privée. Son rattache-                                 jourd’hui quelque 25 spécialistes et
ver­sitaire de Bâle-Ville a déterminé la      ment à l’administration en 2003 revêtait                                cadres issus de la justice, de la police
fréquence avec laquelle le personnel
­                                             donc un aspect symbolique : la lutte                                    cantonale, des services d’aide aux vic-
hospitalier accueille et traite des vic-      contre la violence domestique n’était                                   times, des autorités de protection de
times de violence conjugale. Au vu du         plus laissée aux seules victimes et ins-                                l’enfance et de la santé. La composition

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LA POLICE ET SES RÉSEAUX

                                                                                                                                         Vadim Guzhva/123RF
« La violence des parents entre eux ou à leur égard touche de plein fouet les enfants et, souvent, les traumatise. »

varie au gré de l’histoire sociale de la      Grâce aux nombreuses mesures de
violence conjugale et domestique. Le          sensibilisation internes et externes, le
premier pas consistait à sortir cette         thème de la violence conjugale n’a ja-
question du domaine privé pour en faire       mais été aussi actuel dans les institu-
une affaire publique : c’est ainsi que des    tions étatiques et dans le grand public.
centres d’aide aux victimes tels que les      Cependant, la Table ronde n’a de loin
refuges pour femmes sont allés négo-          pas terminé son travail. La violence do-
cier avec la police et les autorités judi-    mestique reste un problème largement
ciaires des mesures à prendre. Avec le        répandu et il se trouve des milliers de
changement de paradigme qui tendait à         victimes qui ne s’adressent pas à la po-
rendre davantage responsable l’auteur         lice ni ne contactent des centres d’aide.
des violences, la Table ronde a accueilli     Bon nombre de femmes trouvent en-
                                                                                                                                        DR

progressivement également des insti-          core refuge dans des foyers – au point
tutions qui avaient directement affaire       que certaines de ces institutions sont           Séminaire «Trauma
avec des personnes susceptibles de            bondées et doivent refuser du monde.
                                                                                               durch Häusliche Gewalt»
tels actes, comme par exemple les             Les auteurs de violence restent souvent
services chargés de contacter les au-         incapables d’introspection et ne sont que        La gestion des traumatismes liés à
teurs. Bien que très vite parties pre-        rarement disposés à entreprendre un              des expériences de violence dans le
nantes de la Table ronde, les services        travail sur leur propension à la violence.       couple et dans la famille sera aussi
de protection de l’enfance ont acquis         Sans oublier les enfants justement, que          le sujet du séminaire « Trauma durch
un rôle de poids aujourd’hui dans la          la violence des parents entre eux ou à           Häusliche Gewalt » qui se donne le
lutte contre la violence domestique.          leur égard touche de plein fouet et sou-         7 juin 2018, au Rathaus de Bâle-Ville.
Premiers touchés par les relations vio-       vent traumatise. Voilà bien des défis à
lentes entre leurs parents, les enfants       relever – du pain sur la planche donc            Informations complémentaires :
ont besoin d’un soutien rapide et à tous      pour les 20, 50 voire 100 prochaines ré-         www.halt-gewalt.bs.ch
les niveaux.                                  unions de la Table ronde de Bâle-Ville.

                                                                                             PSC INFO 1 | 2018                      11
LA POLICE ET SES RÉSEAUX

Travail de proximité – quand                                                                    r­éseau étendu et ouvert aux repré­
                                                                                                 sentants des différentes religions et

la police construit des ponts
                                                                                                 cultures.

                                                                                                La mise en place et l’entre­
                                                                                                tien du réseau interculturel
                                                                                                Les préjugés mutuels se décon-
Depuis 10 ans, le réseau mis en place par                                                       struisent au fil des rencontres. Dans

la police cantonale zurichoise tisse des liens                                                  les conversations, souvent autour d’un
                                                                                                thé à la pomme ou d’une eau minérale
interculturels – c’est l’action déployée par                                                    de marque étrangère, nous veillons à
l’équipe Brückenbauer, forte de 16 personnes.                                                   ce que les responsables comprennent
                                                                                                le travail de la police et nous recevons
                                                                                                nous-mêmes des informations impor-
                                                                                                tantes pour l’accomplissement de nos
L’utilité du service Brücken­                       font en sorte de ne pas pointer l’une ou    tâches. Les questions critiques ne sont
bauer au sein de la police                          l’autre culture. Nos partenaires et         pas taboues. Il nous arrive aussi de
Avec une population de plus en plus                 clients, ont pour nom, par exemple,         toucher des sujets brûlants. La radi­
multiculturelle, le canton de Zurich se             « Association Culturelle IKRE », « Com-     calisation islamiste en est un. Nous
doit de considérer l’interculturalité, de           munauté islamique albanaise », « Centre     l’abordons avec beaucoup de tact en
l’évaluer et de la prendre en compte                Iman » ou « Association culturelle liba-    prenant le temps d’expliquer le cadre
dans l’action de la police. Le service              naise », des organisations souvent re-      légal et les champs d’action possibles
spécialisé Brückenbauer a été créé il y             groupées en association ou en fonda-        en matière de prévention policière.
a dix ans par la police cantonale zuri-             tion. De par l’importance de leurs acti-    Quand il le faut, nous tenons des pro-
choise. L’équipe ne comptait alors                  vités, qui rythment le quotidien, la vie    pos très directs, qui peuvent prendre la
qu’un spécialiste entouré de onze poli-             et l’année de leurs membres actifs,         forme d’exposés aux membres de l’as-
ciers exerçant à titre accessoire. Elle             elles sont des interlocuteurs de pre-       sociation pour attirer leur attention sur
est aujourd’hui forte de 16 membres,                mier plan pour la police. Car ce sont       un comportement punissable en droit
dont trois femmes. Le service entend                précisément les développements qui          pénal et ses conséquences possibles.
familiariser les personnes d’origine                interviennent dans la nébuleuse des         C’est le fondement même du réseau
étrangère aux préoccupations et aux                 groupements extrémistes et prédispo-        policier : identifier et prévenir les actes
tâches de la police locale. En même                 sés à commettre des actes violents          criminels à un stade précoce. Les
temps, les policiers en apprennent da-              qu’il importe de mettre en place un         membres de l’unité se voient attribuer
vantage sur les cultures et les cou-
tumes étrangères.
    Pour de nombreuses personnes
d’origine étrangère, les obstacles à
surmonter pour entrer en contact avec
la police sont importants, sans parler
des sujets sensibles comme la radicali-
sation. Les « constructeurs de ponts »

 Auteur
 Thomas Gerber
 Policier. Engagé de-
 puis mars 2012 dans
 le service Brücken-
 bauer ; depuis février
 2015, co-responsable
                                               DR

 du service de protec-
                                                                                                                                          DR

 tion contre la violence de la Division pré-
 vention de la police cantonale de Zurich.          Visite guidée – organisée par les Brückenbauer en coopération avec les responsables
                                                    de la mosquée.

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LA POLICE ET SES RÉSEAUX

une zone géographique du canton.
Les communautés culturelles et reli-
gieuses présentes peuvent être des
institutions islamiques (y compris les
mosquées) sises dans un ou plusieurs
districts ou des associations soma-
liennes ou érythréennes réparties dans
tout le canton. Nous entretenons égale-
ment des contacts avec l’Église copte,
les écoles arabes, les associations isla-
miques d’hommes ou de jeunes, etc.
    Afin de promouvoir la compréhen-
sion mutuelle, les Brückenbauer propo­
sent depuis 2008 une offre intéressante :
des exposés gratuits. Les participants

                                                                                                                                      DR
sont renseignés sur les relations avec
la police suisse. En 2017, nous avons          « Police de proximité » – se déployer sans susciter de craintes lors d’un festival
organisé ces séances d’information de-         ­culturel, avec le mobile de prévention.
vant une quarantaine de groupes, prin-
cipalement des classes d’intégration.
Nous parlons dans un allemand simple           notre propre culture toute comme celle         le commandant Reinhard Brunner, chef
des attentes mutuelles, des contrôles          de notre groupe cible et nous savons           de la division prévention de la police
policiers ou de l’obligation réciproque        que des irritations peuvent se produire        cantonale de Zurich.
de justifier de son identité. Les mani-        dans les rencontres interculturelles.
festations d’information sont organi-          Mais nous nous fondons sur nos                 Les difficultés du travail
sées par des organisations d’asile, des        connaissances en compétence inter-             de terrain
associations culturelles et des orga­          culturelle (entre autres, sur notre fami-      Dans la gestion des réseaux intercultu-
nisations d’entraide des Eglises par le        liarité avec les mécanismes de com­            rels, nous obtenons des informations
biais d’initiatives privées. En tant que       munication interculturelle). Cependant,        pertinentes pour le travail policier. Ces
Brückenbauer, nous ouvrons le dialo­           la compétence n’est pas liée à une             informations sur les cultures et les
gue quand il s’agit de défaire les préju-      culture. Le fait de mettre en avant notre      courants religieux sont collectées par
gés et d’établir de la confiance.              propre empreinte culturelle risque de          les membres du service Brückenbauer
                                               nous barrer l’accès à la culture de nos        puis communiquées lors de séances
                                               interlocuteurs : les tensions inhérentes       d’information ou consignées dans des
                                               à chaque groupe de population témoi­           fiches informatives. Elles sont donc
                                               gnent de la diversité des contextes, des       mises à la disposition de tous les
                                               valeurs et des enjeux de chacun d’eux          membres des forces de l’ordre. Voici
                                               (de l’extérieur, on jugera que des fric-       les types d’action qui suscitent réguliè-
                                               tions existent « entre Erythréens » ou         rement des questions ou des irritations
                                               « entre Turcs »). En tant que policiers,       sur le terrain :
                                               nous ne sommes pas parties prenantes           • les perquisitions (façon de traiter
                                          DR

La police et sa visibilité : un exposé dans    et nous ne prenons pas parti, même                les objets rituels « sacrés ») ;
un centre pour mineurs non accompagnés.        pas dans notre mission de Brücken-             • les cas de violence domestique
                                               bauer.                                            ­(importance d’avoir une approche
                                                   Mener cette action est difficile et            culturelle de base pour l’interaction
Les compétences et la                          exigeant. Pour être à la hauteur de ce             entre les femmes, les hommes et
­formation des Brückenbauer                    défi, l’ISP a mis sur pied un nouveau              les enfants) ;
Il arrive que l’on nous demande si notre       cours en relations interculturelles, en        • les décès survenus dans des circons-
équipe compte des musulmans. Nous              complément des cours de compétence                 tances exceptionnelles (les besoins
sommes des agents de la fonction pu-           interculturelle ou de gestion des me-              et les attentes envers la police
blique, tenus à une approche objective,        naces. D’une durée de trois jours, ce              sont souvent influencés par les
indépendante et neutre. Nous n’igno-           cours aura lieu pour la première fois              ­conceptions traditionnelles propres
rons pas l’influence que peut exercer          à l’automne 2018. Son responsable est               à chaque pays d’origine) ;

                                                                                              PSC INFO 1 | 2018                     13
LA POLICE ET SES RÉSEAUX

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« J’ai quelque chose à dire à ce sujet » ; exposé dans un centre pour requérants d’asile mineurs non accompagnés.

• la détention (les usages concernant          sation et l’extrémisme violent. Parallè-      en place de relations de confiance avec
  la nourriture, l’hébergement,                lement aux tâches de mise en réseau           les communautés d’origine étrangère,
  ­l ’hygiène, etc. peuvent se heurter aux     des Brückenbauer, cette unité engage-         sont considérées dans toute la Suisse
   conceptions occidentales).                  ra des mesures pour prévenir la radi-         comme une mesure efficace pour dé-
                                               calisation, en association avec d’autres      tecter et influencer suffisamment tôt le
Le travail de prévention                       organisations partenaires.                    cours des choses en matière de radica-
de police                                                                                    lisation. Il est souhaitable que des ser-
L’un des principaux défis consiste à           L’impact                                      vices de police spécialisés continuent
faire comprendre le travail de préven-         Les Brückenbauer partagent leurs              d’être mis en place pour relever ces
tion accompli par les Brückenbauer.            connaissances dans le cadre de la for-        défis. Cette recommandation figure
Les représentants de diverses asso­            mation ou du perfectionnement des po-         également dans le Plan d’action natio-
ciations souhaitent souvent obtenir des        liciers. Transmettre des connaissances        nal de prévention et de lutte contre la
­informations relatives à des personnes,       fondées et informer sur les questions         radicalisation et l’extrémisme violent
 afin de pouvoir intervenir à un stade         interculturelles et interreligieuses re-      du Réseau national de sécurité (RNS)
 précoce. Or, la police est tenue au           vêt une importance capitale, dans le          du 4 décembre 2017.
 ­secret de fonction et ne peut pas divul-     contexte d’une population de plus en
  guer de détails sur les cas qu’elle          plus multiculturelle. Les Brückenbauer
  traite. Ainsi, la transmission de don-       de la police cantonale zurichoise ont
  nées personnelles est largement à            dispensé des modules de formation en
  sens unique, mais nous voulons néan-         matière de compétence interculturelle          Cours ISP
  moins faire comprendre que la police         à l’école de police de Zurich. Il ne s’agit    L’Institut suisse de police (ISP)
  peut utiliser des approches efficaces de     pas pour les policiers d’adapter leur          propose un cours Brückenbauer à
  co-création pour aider à développer ce       action en fonction de leur vis-à-vis,          l’intention des policiers de tous les
  que l’on appelle un contre-narratif, par     mais de transmettre une compréhen-             corps de police de Suisse déjà actifs
  exemple. C’est un défi, aussi parce que      sion fondamentale des cultures et des          dans les relations interculturelles ou
  nous tenons à ce que les associations        religions et des connaissances de base,        souhaitant le devenir.
  culturelles puissent se sentir en sécu-      par exemple sur l’islam et ses diffé-          Plus d’informations sous
  rité. A partir du 1er mars 2018, la police   rentes formes. L’activité déployée par         www.edupolice.ch (cours Brückenbauer,
  cantonale zurichoise disposera d’un          les Brückenbauer, en particulier les           en allemand uniquement)
  centre d’intervention contre la radicali-    présentations d’information et la mise

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