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Effet d’une culture-piège (tournesol) en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Rapport final Projet CEROM No.611 – Avril 2018/Septembre 2018 Sébastien Boquel et Alexis Latraverse CÉROM - Centre de recherche sur les grains inc., 740 chemin Trudeau, Saint- Mathieu-de-Beloeil (Québec), J3G 0E2. Résumé :
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Table des matières Introduction ..........................................................................................................................3 Objectifs ................................................................................................................................4 Matériels et Méthodes ...........................................................................................................4 Parcelles expérimentales ............................................................................................................. 4 Pièges d’interception ................................................................................................................... 5 Dépistage visuel et battage ......................................................................................................... 6 Dépistage au filet-fauchoir .......................................................................................................... 6 Pièges à phéromone .................................................................................................................... 7 Capture-marquage-recapture ..................................................................................................... 7 Identification des punaises .......................................................................................................... 8 Analyses statistiques ................................................................................................................... 8 Résultats ...............................................................................................................................9 Diversité des punaises ................................................................................................................. 9 Étude de l’abondance et des flux de populations de punaise...................................................... 9 Capture-marquage-recapture ................................................................................................... 12 Discussion............................................................................................................................ 12 Conclusion et perspectives ................................................................................................... 16 Remerciements .................................................................................................................... 17 Références........................................................................................................................... 18 Septembre 2018 Page | 2
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Introduction Une culture-piège est une culture qui sert à attirer et retenir les insectes ravageurs afin d’éviter qu’ils ne colonisent une culture principale. La culture-piège peut être plantée en périphérie du champ à protéger, ou à l'intérieur sous forme de rangs intercalés. L’utilisation de cultures-pièges est une stratégie de lutte appropriée pour le contrôle des punaises, car leur phénologie est étroitement liée à la phénologie des cultures (Kogan et Turnipseed 1987). L’efficacité des cultures-pièges comme moyen de contrôle des populations de punaises a été étudiée pour différentes cultures. Des cultures-pièges de moutarde blanche [Sinapis alba (L.)], en combinaison avec du pois [Pisum sativum (L.)] ou encore de la moutarde noire [Brassica nigra (L.)] seule, ont été utilisées contre une Pentatomidae, Nezara viridula (Linnaeus), dans le maïs sucré biologique [Zea mays (L.)] (Rea et al. 2002). L’utilisation de sorgho [Sorghum bicolor (L.) Moench] comme culture-piège a permis de réduire les populations de N. viridula et d'Euschistus servus (Say) (Pentatomidae) à l’interface cultures-piège/coton (Tillman 2006, Tillman et Cottrell 2012). Mizell III et al. (2008) ont mis au point une culture-piège composée de triticale [Triticale hexaploide], de vesce velue [Vicia villosa Roth] et de trèfle incarnat [Trifolium incarnatum L.], au printemps, suivi de tournesol [Helianthus annuus (L.)], de sarrasin [Fagopyrum sagittatum Gilib], de sorgho [S. bicolor] et de millet [Pennisetum glaucum (L.)] pendant l'été et l'automne. Cet habitat multifonctionnel a permis de gérer efficacement E. servus, Acrosternum hilare (Say) (Pentatomidae), et Leptoglossus phyllopus (L.) (Coreidae), dans la culture de soya biologique. Des variétés de soya à maturation hâtive plantées tôt en saison autour d’un champ commercial de soya à maturation tardive ont permis de réduire les populations des punaises N. viridula dans ces derniers (McPherson et Newsom 1984, Todd et Schumann 1988). Dans les cultures adjacentes de soya et de coton, C. hilaris, E. servus et N. viridula étaient plus attirées par la fructification du soya que par celle du coton (Bundy et McPherson 2000), ce qui indique que le soya pourrait être une culture-piège efficace. Le triticale, le sorgho, le millet, le sarrasin et le tournesol sont les principales espèces recommandées par Mizell III et al. (2008), mais elles doivent être semées tôt afin d'être en fleurs au moment où les insectes commencent à migrer en grand nombre (Majumdar 2010). Un mélange d'espèces et une gestion continue de la culture-piège seraient nécessaires pour assurer une disponibilité alimentaire optimale et ainsi concurrencer la culture commerciale pour l'alimentation des punaises. Septembre 2018 Page | 3
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises La culture-piège n’a pas besoin d’être implantée sur tout le pourtour des grandes parcelles commerciales si les sources de punaises aux alentours sont connues. La culture-piège servirait ainsi de barrière physique contre la migration des punaises, les empêchant de coloniser la culture commerciale. Des semis en bandes à l’intérieur des champs peuvent également être réalisés dans les grandes parcelles. Une seule largeur de semoir serait suffisante puisqu’un fort effet de bordure existe chez les punaises. En effet, de nombreuses études démontrent que les punaises restent préférentiellement en bordure de champ plutôt que dans le reste du champ (Mizell III et al. 2008, Tillman 2006). Depuis les dernières années, les punaises de la famille des Pentatomidae posent de plus en plus de problèmes dans la culture du pois au Québec. Bien que leur présence sur les plants ne provoque pas de pertes de rendement significatives, elles contaminent toutefois les récoltes. En effet, leur ressemblance avec le pois, quant à leur taille et leur couleur, rend l'opération de triage optique en usine très difficile. La faible disponibilité d'insecticides homologués et efficaces pour contrôler ces punaises a forcé le secteur à se tourner vers un insecticide à large spectre très nocif, le lannate. Objectifs L’objectif du projet était d’étudier l’efficacité d’une culture-piège de tournesol comme moyen pour réduire les populations de punaises brunes (E. servus euschistoides) dans la culture du pois. Pour ce faire, la direction du flux de population de punaises en bordure du champ de pois (entrant et sortant) et l’abondance des punaises en fonction de l’éloignement de la culture-piège ont été étudiés. Matériels et Méthodes Parcelles expérimentales Le dispositif expérimental était constitué de deux parcelles de pois de 50 m de côté, dont l’une était bordée d’une bande de tournesol, alors que l’autre, sans bande, servait de témoin (Figure 1). La bande de tournesol (cv. Cobalt II), d’une largeur de 4,5 m (6 rangs), a été semée le 16 mai avec un taux de semis de 20 000 graines/ha. Le pois (cv. Gear; 50 jours pour la maturité) a été semé 3 semaines plus tard (11 juin) avec un taux de semis de 130 kg/ha. Les deux parcelles Septembre 2018 Page | 4
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises devaient être semées avec la variété Gear (50 jours pour la maturité), mais en raison d’un manque de semence, seul le tiers de la parcelle témoin a été semé avec cette variété, alors que le reste de la parcelle a été semé avec la variété Tarn (même maturité que Gear). Un herbicide de pré-semis a été appliqué au moment du semis et aucun insecticide n’a été utilisé au cours de la saison. Figure 1. Dispositif expérimental utilisé pour tester l'effet d'une culture-piège sur les abondances et les flux de population de punaises dans les champs de pois. Pièges d’interception Juste après le semis du pois, huit pièges d’interception ont été installés sur le pourtour de chacune des parcelles (2 pièges par côté). Les pièges étaient placés à l’interface tournesol/pois pour la parcelle culture-piège et bordure/pois pour la parcelle témoin (Figure 1) et à une distance de 16 m des coins de la parcelle. Les pièges étaient constitués de feuilles de Plexiglas® (l : 61 cm, H : 121 cm) maintenues par des pieux en bois (Figure 2). Une gouttière était fixée de chaque côté de la base des pièges de manière à récolter séparément les insectes arrivant de la bordure et ceux provenant du champ de pois. Les gouttières étaient remplies d’eau savonneuse et étaient relevées deux fois par semaine jusqu’à la récolte. Septembre 2018 Page | 5
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Figure 2. Dispositif expérimental constitué d’un champ de pois entouré de la culture-piège de tournesol avec les pièges d’interception disposé à l’interface tournesol/pois (à gauche). Piège d’interception utilisé pour le piégeage des punaises (à droite). Source : Sébastien Boquel. Dépistage visuel et battage Lorsque le pois a atteint une hauteur de 10 cm, des stations de dépistage ont été délimitées le long de transects perpendiculaires à la bordure des parcelles, et ce, à raison de deux transects par côtés (huit transects par parcelle; Figure 1). Les stations ont été placées entre les rangs 1 et 4 et à 10 m à l’intérieur des parcelles de pois. Pour la parcelle avec la culture-piège, des stations supplémentaires ont été installées à l’intérieur de la bande de tournesol. Chaque station comprenait quatre rangs de 1 m de longueur (pois ou tournesol). Les stations étaient dépistées une fois par semaine jusqu’à la récolte par inspection visuelle de tous les plants, sauf le dernier dépistage qui a été réalisé par battage. Toutes les punaises étaient capturées et conservées. À chaque séance d’échantillonnage, le stade de la culture de tournesol et du pois était noté. Dépistage au filet-fauchoir Au moment où le pois était prêt à être récolté, un dépistage au filet-fauchoir a été réalisé dans les parcelles de pois (Figure 1). Les coups de filet ont été faits sur une largeur de 1 m sur tout le pourtour des parcelles, à la jonction tournesol/pois et bordure/pois, et à 10 m à l’intérieur des parcelles. Le centre du champ a également été entièrement dépisté au filet-fauchoir (Figure 1). Dans la parcelle avec la culture-piège, les rangs intérieurs et extérieurs du tournesol ont aussi été dépistés visuellement. Septembre 2018 Page | 6
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Pièges à phéromone Au moment de la récolte, deux pièges pyramidaux contenant une phéromone d’agrégation (phéromone pour punaise marbrée; Solida, QC) ont été placés au centre de chaque champ (Figure 3A, C). Il a cependant été remarqué que les punaises, bien qu’elles soient attirées par la phéromone, n’entraient pas dans les pièges. Pour cette raison, des pièges bol jaunes (Figure 3B) ont aussi été installés à proximité des pièges pyramidaux deux jours plus tard, ainsi que des pièges Unitraps (Figure 3D) une semaine plus tard. La phéromone des pièges pyramidaux a été déplacée sur le piège bol jaune et une nouvelle phéromone a été placée dans le piège Unitrap. Tous les pièges ont été relevés une fois par semaine pendant trois semaines. Figure 3. Différents types de pièges utilisés pour l'expérience de capture-marquage-recapture. A) Pièges placés au milieu des parcelles de pois; B) Piège bol jaune avec phéromone; C) Piège pyramidal; D) Piège Unitrap. Source : Sébastien Boquel. Capture-marquage-recapture Afin d’étudier l’effet physique de la culture-piège sur les flux de population des punaises, une expérience de capture-marquage-recapture a été réalisée. Des punaises brunes ont été capturées dans un champ de maïs voisin et marquées de différentes couleurs à l’aide de peinture à l’eau non toxique (Figure 4). Sept zones de lâché ont été définies autour des deux parcelles, chaque zone étant caractérisée par une couleur correspondant à celles des différents groupes de punaises (Figure 1). Un total de 152 punaises a été relâchée (21 par zone et 26 pour la zone adjacente aux deux champs). Septembre 2018 Page | 7
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Figure 4. Capture-marquage des punaises avant de les relâcher dans l'essai pour étudier l’effet physique de la culture- piège de tournesol sur les flux de populations de punaises. Source : Sébastien Boquel. Identification des punaises Toutes les punaises récoltées dans le cadre du projet ont été placées dans des tubes Eppendorfs et conservées dans de l’alcool à 70 % avant d’être dénombrées et identifiées à l’espèce à l’aide de la clé de Paiero et al. (2013). Analyses statistiques Pour l’analyse du flux de population, le nombre total de punaises capturées à chacun des pièges au cours de la saison a été analysé à l’aide d’une analyse de variance (ANOVA). Les effets principaux étaient le traitement (avec ou sans culture-piège), l’orientation des pièges (nord, sud, est, ou ouest) et la direction du flux de population (entrant ou sortant), ainsi que leurs interactions. Avant de procéder aux analyses, les données ont été soumises à une transformation logarithmique [log(x +1)] afin de normaliser la distribution. Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel R v.3.3.3 (R Core Team 2017). Le seuil de significativité était fixé à α = 0,05. Septembre 2018 Page | 8
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Résultats Diversité des punaises La grande majorité des punaises récoltées à l’aide des pièges d’interception appartenait à la famille des Pentatomidae (95,8 %, n = 46). Parmi celles-ci, 91,3 %, (n = 42) ont été identifiées comme appartenant à l’espèce Euschistus servus euschistoides. Les autres espèces observées étaient Podisius maculaventris (4,3 %, n = 2), Euschistus tristigmus luridus (2,2 %, n = 1) et Elasmostethus cruciatus (2,2 %, n = 1) (Tableau 1). Les deux punaises n’appartenant pas à la famille des Pentatomidae étaient Lygus lineolaris (punaise terne; Miridae) et une espèce non-identifiée appartenant à la famille des Acanthosomatidae. Ces dernières ont été retirées de l’analyse. Tableau 1. Diversité et abondance totale des punaises Pentatomidae dans les champs témoin et culture-piège. Les pourcentages ont été calculés sur le pourcentage total. Les nombres d’individus sont présentés entre parenthèses. Espèce Nom commun Témoin Culture-piège Total Euschistus servus euschistoides Punaise brune 23,9% (11) 67,4% (31) 91.3% (42) Podisius maculaventris Punaise soldat 4,3% (2) 0% (0) 4,3% (2) Euschistus tristigmus luridus Punaise à trois tâches 0% (0) 2,2% (1) 2,2% (1) Elasmostethus cruciatus Punaise à croix rouge 0% (0) 2,2% (1) 2,2% (1) Total 28.3% (13) 71,7% (33) 100% (46) Étude de l’abondance et des flux de populations de punaise Le taux de capture de punaises dans les pièges d’interception était significativement plus élevé pour la parcelle culture-piège (2,06 ± 2,01 punaises/piège) que pour la parcelle témoin (0,81 ± 1,05) (F = 9,365; dl = 30; p ≤ 0,01). Trois fois plus d’E. servus euschistoides ont été capturées dans le champ avec la culture-piège (n = 31) comparé au témoin (n = 11) (Tableau 1). La capture des autres espèces dans les deux champs était sporadique. Le taux de capture différait significativement en fonction de l’orientation des pièges (nord, sud, est, ouest) pour la parcelle avec culture-piège, mais pas pour la parcelle témoin (F = 3,821; dl = 23; p = 0,027). Ainsi, pour la parcelle avec culture-piège, le taux de capture était plus élevé au sud qu’au nord et à l’est (Figure 5). Le taux de capture à l’ouest ne différait pas de celui des autres orientations. Septembre 2018 Page | 9
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Figure 5. Abondance de punaises en fonction de l'orientation des pièges. Les lettres indiquent des différences significatives au sein de chaque champ. Bien que l’interaction du traitement (parcelle témoin et avec culture-piège) et de la direction du flux de population ne différait pas significativement (F = 5,746; dl = 22; p = 0,061), le flux de punaises dans la parcelle témoin avait tendance à sortir plutôt qu’à entrer. Aucune différence n’a été observée pour la parcelle avec culture-piège (Figure 6). Figure 6. Flux de populations entrant (bordure) et sortant (pois) pour les champs témoin et culture-piège. Les lettres indiquent des différences significatives au sein de chaque champ. Septembre 2018 Page | 10
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Le flux de population entrant était significativement plus élevé que le flux sortant pour les pièges situés à l’est, mais pas pour les autres directions (F = 4,293; dl = 19; p = 0,018) et ce quel que soit la parcelle (témoin ou culture-piège) (Figure 7). Figure 7. Flux de populations entrant et sortant pour les différentes orientations. Les lettres indiquent des différences significatives au sein de chaque champ. Les dépistages par observation (x 3), battage (x 1) et filet-fauchoir au moment de la récolte (x 1) n’ont permis de collecter que deux punaises. L’une était un adulte de E. servus euschistoides et a été observée dans le pois, au sud à l’interface tournesol/pois, lors du deuxième dépistage visuel (16 juillet). La deuxième était une nymphe de punaise (espèce non identifiée) et a été capturée à l’aide du filet-fauchoir au sud à l’interface tournesol/pois. Aucune punaise n’a été trouvée dans le champ témoin. Le dépistage des rangs intérieurs et extérieurs de tournesol a permis d’observer la présence d’adulte d’E. servus euschistoides (n = 2) et de P. maculaventris (n = 1). Septembre 2018 Page | 11
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Capture-marquage-recapture Sur les 152 punaises relâchées lors de l’expérience capture-marquage-recapture, aucune punaise marquée n’a été recapturée au cours des trois semaines de piégeage. En revanche, un total de 89 punaises brunes ont été piégées dont 67 punaises dans la parcelle témoin et 22 punaises dans la parcelle avec culture-piège. L’abondance de punaises était trois fois plus élevée dans la parcelle témoin que dans la parcelle culture-piège (X2 = 22,753; dl = 1; p ≤ 0.01) (Tableau 2). Bien que la comparaison entre les types de pièges n’ait pas été faite, les pièges bols jaunes semblent être plus adaptés pour le dépistage des punaises brunes que les pièges pyramidaux et les pièges Unitrap (Tableau 2). Tableau 2. Abondances de punaises brunes dans les différents types de pièges pour les différents relevés de l’expérience de capture-marquage-recapture. T : Parcelle témoin; CP : parcelle avec culture-piège. Date de relevé 21 août 28 août 04 sept Total T CP T CP T CP T CP Pyramidal 3 9 7 6 1 0 11 15 Bol jaune 6 1 24 3 24 3 54 7 Unitrap - - 2 0 0 0 2 0 Total 10 10 33 9 26 3 67 22 Discussion La diversité des punaises Pentatomidae était faible et la grande majorité des individus capturés appartenait à l’espèce E. servus euschistoides (punaise brune). Ces résultats sont comparables à ceux obtenus au cours d’une précédente étude menée sur vingt champs de pois commerciaux en Montérégie (Boquel et al. 2018). En effet, cette étude rapporte également une faible diversité (quatre espèces) et une forte prédominance d’E. servus euschistoides (99 %). L’ensemble de ces résultats suggère et que E. servus euschistoides est l’espèce la plus susceptible de poser problème lors du triage optique des pois. En développant un système de culture-piège composé de plusieurs espèces de plantes, Mizell et al. (2008) rapporte que le tournesol est attractif et servirait de plante hôte pour les trois espèces majeures de punaise E. servus, A. hilare et N. viridula présentent dans la plaine côtière du sud. Dans une autre étude, Soergel et al. (2005) ont observé significativement plus de punaises marbrées Halyomorpha halys dans le tournesol utilisé comme culture-piège que dans la culture commerciale de poivrons. Cependant, aucune réduction des dommages n’a été observée dans les poivrons entourés de tournesol comparativement au champ témoin. Dans la présente étude, un Septembre 2018 Page | 12
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises nombre plus élevé de punaises a été capturé dans la parcelle avec culture-piège que dans la parcelle témoin, suggérant que le tournesol est attractif et pourrait constituer un refuge pour les punaises. Un dépistage en fin de saison, au moment où le pois était prêt à être récolté, a également permis de détecter une masse d’œufs de punaises Pentatomidae dans la culture-piège, ainsi que quelques adultes (3) sur les plants de tournesol (Figure 8) supportant que le tournesol servirait de plante hôte pour E. servus euschistoides. Comme pour l’étude de Soergel et al. (2005), l’efficacité de la culture-piège n’a pu être caractérisée puisque seulement deux punaises ont été retrouvées dans les parcelles de pois. Figure 8. Masse d’œufs de punaises Pentatomidae (à gauche) et punaise brune adulte (à droite) dépistés dans la culture-piège de tournesol. Source : Sébastien Boquel. À notre connaissance, la présente étude est la première à étudier les flux de populations de punaises entrants et sortants de la culture-piège et de la culture commerciale (pois). Dans le champ avec culture-piège, aucune différence significative n’a été observée entre le flux de population entrant et sortant. En revanche, dans le champ témoin, les punaises avaient tendance à sortir du champ témoin (n = 10) plutôt que d’y entrer (n = 5). De plus, la majorité des punaises capturées dans les pièges d’interception du champ avec culture-piège l’ont été du côté sud. À ce propos, il est intéressant de noter que les punaises récoltées par dépistage visuel et par filet- fauchoir ont aussi été capturées du côté sud. Néanmoins, peu de punaises ont été piégées au sud dans le champ témoin suggérant que d’autres facteurs entrent en jeu. Une combinaison de facteurs, tels que les vents dominants provenant du sud-est et/ou une source de punaise côté sud (cultures avoisinantes de maïs et de soya), couplée à un comportement tel que l’attraction de la punaise par le tournesol pourrait expliquer la plus grosse capture de punaises au sud dans le Septembre 2018 Page | 13
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises champ avec culture-piège. En effet, les punaises à la recherche de plante hôtes suivraient les vents dominants et une fois à proximité du tournesol, l’attractivité de la plante entrerait en jeu. Certains composés organiques volatiles produits par les plantes, reconnus comme importants dans les interactions trophiques en agriculture (Turlings et al. 1990; Dudareva et al. 2013), jouent un rôle important dans le processus de sélection de la plante par les punaises (Weber et al. 2017). En effet, les nymphes de H. halys réagissent aux composés volatiles des plantes (Lee et al. 2014) et cette attraction est corrélée à la phénologie de la plante hôte (Blaauw et al. 2017). Les différences observées entre la parcelle avec la culture-piège et la parcelle témoin en termes d’abondance et de flux de population au cours de la saison pourraient donc être expliquées par l’attraction du tournesol, changeante au cours de la saison notamment en lien avec la phénologie du pois et du tournesol. Nielsen et al. (2016) ont montré que le tournesol avait une forte attractivité en début de saisons pour H. halys ainsi que pour les punaises endémiques telles que Euschistus spp. Plus tard dans la saison, alors que le tournesol était en sénescence, le sorgho était toujours attractif. Boquel et al. (2018) ont également remarqué que l’abondance de punaises dans le pois était supérieure lors des stades floraisons et gousses, démontrant l’effet de la phénologie du pois sur l’attractivité des punaises brunes. D’autres études sont cependant requises afin de conclure sur les différents stades attractifs du pois et de la culture-piège utilisée pour la punaise brune. Cette connaissance permettrait de choisir une culture culture-piège adaptée qui sera préférée au moment où les pois sont récoltés. Mizell et al. (2008) rapporte que la culture-piège n’a pas besoin d’être implantée sur tout le pourtour des grandes parcelles commerciales si les sources de punaises aux alentours sont connues. Ceci souligne donc qu’il est important de connaître les sources environnantes de punaises et leur comportement afin d’implanter la culture-piège sur une plus petite portion du champ, minimisant ainsi l’espace utilisé par la culture-piège au profit de la culture commerciale. Dans cette étude, la majorité des punaises piégées dans la culture-piège de tournesol provenaient du côté sud. L’utilisation de la culture-piège uniquement sur ce côté aurait probablement eu le même effet que d’implanter la culture-piège sur tout le pourtour de la parcelle de pois. Dans l’expérience de capture-marquage-recapture, une plus grande abondance de punaises brunes a été piégée dans la parcelle témoin que dans la parcelle avec culture-piège, suggérant que le tournesol pourrait constituer une barrière physique empêchant les punaises d’entrer dans la parcelle de pois. Mizell (2015) rapporte également que l’utilisation d’espèces de Septembre 2018 Page | 14
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises plantes à tige haute, comme le tournesol, pourrait agir comme une barrière physique contre la migration des punaises, les empêchant ainsi de coloniser la culture commerciale. Une autre hypothèse qui pourrait expliquer la plus grande abondance de punaises dans la parcelle témoin serait la moins bonne diffusion de la phéromone de la parcelle avec culture-piège que celle de la parcelle témoin. En effet, le tournesol agirait comme une haie brise-vent et limiterait la diffusion de la phéromone contrairement à la parcelle témoin complètement dégagée. Le rayon d’attraction de la phéromone dans cette dernière serait alors plus grand. Finalement, il est possible que le tournesol soit plus attractif que la phéromone d’agrégation ce qui limiterait le mouvement des punaises et expliquerait leur abondance plus faible dans la parcelle de pois entourée de la culture-piège que dans la parcelle témoin. Parallèlement à ce projet, un dépistage visuel a été réalisé le 11 juin dans un essai voisin où poussait du seigle d’automne (Figure 9). Une dizaine de punaises ont ainsi été observées en très peu de temps (environ 15 minutes) dans le pourtour du champ (10 m x 50-75 m de long) au moment où le seigle était en épiaison. Des nymphes de punaises ont aussi été observées en bonne quantité dans les parcelles expérimentales de blé d’automne du CÉROM. Ces différentes observations suggèrent que les céréales pourraient être des plantes intéressantes à utiliser dans une culture-piège. Des études rapportent d’ailleurs que les céréales seraient des plantes potentielles pour les cultures pièges pour les punaises (Mizell et al 2008, Tillman 2006, Tillman et Cottrell 2012). Ainsi, une culture-piège constituée d’un mélange de plantes, incluant des céréales semées à l’automne ou au printemps avec différentes maturités (précoce et tardive) pourrait favoriser l’attraction et la rétention des punaises, diminuant ainsi les populations dans les champs de pois. Figure 9. Présence de punaises brunes (à gauche) dans l'essai d'engrais vert (seigle; à droite) au CÉROM. Dépistage effectué le 11 juin 2018. Source : Sébastien Boquel. Septembre 2018 Page | 15
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Conclusion et perspectives Bien que cette étude ne permette pas de conclure sur l’efficacité d’une culture-piège constitué de tournesol sur la réduction de population de punaises dans les champs de pois, elle apporte des connaissances complémentaires sur la diversité, l’abondance et le comportement des punaises. En effet, le tournesol semble avoir une certaine attractivité pour les punaises Pentatomidae. Cependant, son efficacité n’a pas pu être vérifiée puisqu’aucune différence dans le nombre de punaises entre la parcelle de pois de la culture-piège et celle du témoin n’ait été observée. Les vents dominants, les sources de punaises environnantes ainsi que le comportement des punaises semblent être des éléments importants à considérer afin d’utiliser les culture-piège de manière optimale. L’observation de punaises dans les cultures environnantes à l’essai supporte de précédentes études recommandant l’utilisation de différentes espèces de plantes dans les cultures-pièges, telles que les céréales. Ces dernières pourraient constituer un moyen efficace de limiter les populations de punaises dans les champs de pois. Une des stratégies de lutte intégrée qui a déjà fait ses preuves est la technique “attract- and-kill” (voir revue de Weber et al. 2017). Cette dernière consiste à concentrer les individus indésirables dans une zone précise et d’utiliser un ou des insecticides uniquement dans cette zone. L’utilisation de bandes pièges attractives constitue une des techniques possibles de cette stratégie. Une des avenues qui permettrait d’améliorer l’efficacité de la culture-piège serait donc d’utiliser la culture-piège en combinaison avec un attractif telle qu’une phéromone d’agrégation. Les punaises se trouveraient donc concentrées dans les zones définies de la bande piège, ce qui permettrait de réduire l’utilisation d’insecticides en ne traitant que des zones de quelques mètres autour de la phéromone (Morrison et al. 2016; Leskey et al. 2012). L’utilisation de composés sémiochimiques autres que les phéromones (allomones, kairomones, synomones, etc.) permettrait également d’augmenter l’efficacité des cultures-pièges. Cependant, des études supplémentaires sont requises, notamment afin de déterminer leurs efficacités dans les grandes cultures, ainsi que le nombre de zones par acre ou par hectare nécessaires (Weber et al. 2017). Une autre avenue possible serait la pulvérisation d’argile blanche (e.g. kaolin) sur les feuilles. Cette dernière agirait comme répulsif pour les adultes et les nymphes de H. halys, qui évitent les feuilles traitées (Morehead 2016). En outre, l’utilisation de ce produit a permis de réduire les dommages de 76–90% dans la culture de poivrons (Morehead 2016). Septembre 2018 Page | 16
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises De nombreuses méthodes de luttes telles que décrites ci-dessus sont disponibles en horticulture. En revanche, elles ont été validées principalement pour la punaise marbrée H. halys, une espèce exotique. Ainsi, la plupart nécessitent des études supplémentaires afin de déterminer les modalités d’utilisation dans les grandes cultures, mais aussi de valider leur efficacité sur les punaises endémiques, notamment la punaise brune E. servus euschistoides. Remerciements Les auteurs remercient la participation de Bonduelle Amérique ainsi que la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation pour leur financement. Les auteurs remercient également les personnes ayant participé au projet notamment Jennifer De Almeida (chargée de projet), Patrice Hamelin (technicien), Christine Toma (technicienne), Christian Gahizi Tshimanga (étudiant d’été), Yesenia Margarita Alvis (étudiante d’été), Marie Wagner (stagiaire) ainsi que l’équipe technique du CÉROM pour la mise en place et la gestion de l’essai en champ. Septembre 2018 Page | 17
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Références Blaauw BR, Morrison WR III, Mathews C, Leskey TC, Nielsen AL (2017) Measuring host plant selection and retention of Halyomorpha halys (Hemiptera: Pentatomidae). Entomologia Experimentalis et Applicata, 163: 197–208. Boquel S, Latraverse A, De Almeida J (2018) Caractérisation de la diversité et de la phénologie des punaises Pentatomidae dans la culture du pois au Québec dans le but de développer une technique de dépistage fiable. Rapport final du projet Prime-Vert CERO-1-15-1730, pp. 15. Bundy CS, McPherson RM (2000) Dynamics and Seasonal Abundance of Stink Bugs (Heteroptera: Pentatomidae) in a Cotton–Soybean Ecosystem. Journal of Economic Entomology, 93(3): 697- 706. Dudareva N, Klempien A, Muhlemann JK, Kaplan I (2013) Biosynthesis, function, and metabolic engineering of plant volatile organic compounds. New Phytologist, 198: 16–32. Kogan M, Turnipseed SG (1987) Ecology and management of soybean arthropods. Annual Review of Entomology, 32: 507-538. Lee D-H, Nielsen AL, Leskey TC (2014) Dispersal capacity and behavior of nymphal stages of Halyomorpha halys (Hemiptera: Pentatomidae) evaluated under laboratory and field conditions. Journal of Insect Behavior, 27: 639–651 Leskey TC, Wright SE, Short BD, Khrimian A (2012) Development of behaviorally based monitoring tools for the brown marmorated stink bug, Halyomorpha halys (Sta°l) (Heteroptera: Pentatomidae) in commercial tree fruit orchards. Journal of Entomological Science, 47: 76–85. Majumdar A (2010) Trap crop for managing vegetable insect pests: Timely information agriculture and natural resources. Alabama Cooperative Extension System. Alabama A & M and Auburn Universities, and Tuskegee University, country governing bodies and USDA cooperating, 4 pp. McPherson RM, Newsom LD (1984) Trap crops for the control of stink bugs in soybean. Journal of the Georgia Entomological Society, 19: 470-780. Mizell RF, Riddle C, Blount AS (2008) Trap cropping system to suppress stink bugs in the southern coastal plain. Proceedings of the Florida State Horticultural Society, 121: 377–382. Mizell RF (2015) Stink Bug Management Using Trap Crops in Organic Farming. Organic agriculture, November 18, 2015. Consulté le 24 août 2018. https://articles.extension.org/pages/61596/stink-bug-management-using-trap-crops-in- organic-farming Morehead JA (2016) Efficacy of organic insecticides and repellents against brown marmorated stink bug in vegetables. M.S. thesis, Department of Entomology, Virginia Tech, Blacksburg, VA. Morrison WR III, Lee D-H, Short BD, Khrimian A, Leskey TC (2016) Establishing the behavioral basis for an attract-and-kill strategy to manage the invasive Halyomorpha halys in apple orchards. Journal of Pest Science, 89: 81–96. Septembre 2018 Page | 18
Efficacité d’une culture-piège de tournesol en bordure de champ de pois sur les populations de punaises Nielsen AL, Dively G, Pote JM, Zinati G, Mathews C (2016) Identifying a Potential Trap Crop for a Novel Insect Pest, Halyomorpha halys (Hemiptera: Pentatomidae), in Organic Farms. Environmental Entomology 45(2): 472-478. Paiero SM, Marshall SA, McPherson JE, Ma M-S (2013) Stink bugs (Pentatomidae) and parent bugs (Acanthosomatidae) of Ontario and adjacent areas: A key to species and a review of the fauna. Canadian Journal of Arthropod Identification, 24: 1-183. R Core Team (2017). R: A language and environment for statistical computing. R Foundation for Statistical Computing, Vienna, Austria. URL: https://www.R-project.org/. Rea JH, Wratten SW, Sedcole R, Cameron PJ, Davis SI, Chapman RB (2002) Trap cropping to manage green vegetable bug Nezara viridula (L.) (Heteroptera: Pentatomidae) in sweet corn in New Zealand. Agricultural and Forest Entomology, 4: 101-107. Soergel DC, Ostiguy N, Fleischer SJ, Troyer RR, Rajotte EG, Krawczyk G (2015) Sunflower as a potential trap crop of Halyomorpha halys (Hemiptera: Pentatomidae) in pepper fields. Environmental Entomology, 44: 1581–1589. Tillman PG (2006) Sorghum as a Trap Crop for Nezara viridula L. (Heteroptera: Pentatomidae) in Cotton in the Southern United States. Environmental Entomology, 35(3): 771-783. Tillman PG, Cottrell TE (2012) Case Study: Trap Crop with Pheromone Traps for Suppressing Euschistus servus (Heteroptera: Pentatomidae) in Cotton. Psyche: A Journal of Entomology, 2012: 1-10. Todd J, Schumann F (1988) Combination of insecticide applications with trap crops of early maturing soybean and southern peas for population management of Nezara viridula in soybean. (Hemiptera: Pentatomidae). Journal of Entomological Science, 23: 192–199. Turlings TCJ, Scheepmaker JWA, Vet LEM, Tumlinson JH, Lewis WJ (1990) How contact foraging experiences affect preferences for host-related odors in the larval parasitoid Cotesia marginiventris (Cresson) (Hymenoptera: Braconidae). Journal of Chemical Ecology, 16: 1577– 1589. Weber DC, Morrison III WR, Khrimian A, Rice KB, Leskey TC, Rodriguez-Saona C, Nielsen AL, Blaauw BR (2017) Chemical ecology of Halyomorpha halys: discoveries and applications. Journal of Pest Science. 90(4): 989-1008. Septembre 2018 Page | 19
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