FLE MAGAZINE - LES NOUVEAUX VISAGES DE L'ASSOCIATIF DOSSIER - FÉDÉRATION DES ...

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f
lE maGaZinE
dE la fnarS
n°8 - été 2014

DOSSIER
lES nouvEauX viSaGES
dE l’aSSociatif
« cE qui mE SauvE c’ESt l’aSSociation, mon
combat, En étant la voiX dES SanS-voiX »
FLE MAGAZINE - LES NOUVEAUX VISAGES DE L'ASSOCIATIF DOSSIER - FÉDÉRATION DES ...
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                                                                                                                                                                                      © elodie Perriot / Secours Catholique
                                                                                       © Julien Jaulin
 Sommaire                                                                                                Éditorial
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        ÉDITORIAL de Louis gallois, Président de la FnaRS
        ACTUALITÉS                                                                                       « lE liEn n’ESt
        • en attendant les États généraux du travail social
        • Le partenariat FnaRS/SnCF sur les rails                                                        paS unE valEur
                                                                                                         marchandE »
        • La culture du don, un précieux atout
        • Un cycle de conférences autour de l’accès
          aux droits pour les jeunes
        • Proposer un « repaire » aux plus exclus

07 i DOSSiER                                                                                             S’engager dans les métiers du social est un choix militant. Formés,
                                                                                                         utiles, voire indispensables à la cohésion de la société, les interve-
                                                                                                         nants sociaux travaillent une matière fragile : l’humain. Parfois, ils ne
         lES nouvEauX viSaGES                                                                            savent pas eux-mêmes ce qui a enfin déclenché un déclic chez une
         dE l’aSSociatif                                                                                 personne qu’ils accompagnent, une envie de se battre et de remon-
                                                                                                         ter la pente, pourquoi elle a, à nouveau, confiance. Parce que le lien
08      ENTRETIEN AVEC GILBERT
                                                                                                         social est fait de confiance, parce qu’il permet de se sentir exister ou
09      UN NOUVEAU MODÈLE ASSOCIATIF, À QUEL PRIX ?                                                      ré-exister à travers l’écoute et le regard de l’autre. Cette relation-là
        • Focus : La commande publique, une menace                                                       n’a pas de prix, elle s’installe dans la durée et ne répond pas à une
          pour les associations ?                                                                        pure logique quantitative. C’est là qu’intervient l’économie. Les diffi-
        • Focus : entrepreneuriat social : de la philanthropie                                           cultés auxquelles est confronté aujourd’hui le monde associatif sont
          au capitalisme                                                                                 préoccupantes, parce que, en bout de chaîne, elles ont un impact
        • Interview : matthieu Hély                                                                      sur la qualité de l’accompagnement proposé aux personnes, sur ce
15      REPORTAGE
        ici et maintenant                                                                                fameux lien social.
18      Accompagner                                                                                      non, tout ne se vend pas, et le lien social moins que tout. Ce n’est
        • La coopération locale, nouvelle ère pour l’emploi                                              pas être rétrograde que de vouloir préserver le secteur social d’une
        • L’appui associatif                                                                             entrée brutale sur le marché concurrentiel, où la concurrence crée
20      Perspectives                                                                                     le risque d’exclusion des personnes trop loin de la norme. défendre
        • Les associations prestataires ou partenaires des pouvoirs                                      l’intérêt général, c’est comprendre et accepter que chacun puisse
          publics ?
        • Redéfinir l’association d'action sociale                                                       apporter ses capacités, mais aussi ses différences à l’édifice socié-
        • Vue d’ailleurs : le réseau SWan                                                                tal, mais que cela ne l’empêche pas d’avoir les mêmes droits que
                                                                                                         les autres. Je crois que nous ne pourrons pas préserver la cohésion
23      PORTRAITS CROISÉS                                                                                sociale en France sans donner aux associations les moyens d’innover
        Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation                                             et de continuer à proposer des solutions aux plus exclus. Ce tissu
25      ANALYSE                                                                                          social formé par les associations s’est installé peu à peu, et paraît
        Analyse politique :                                                                              peut-être invisible à la plupart d’entre nous tellement il fait partie
        L’insertion, un combat collectif                                                                 intégrante de la vie sociale. mais s’il venait à s’affaiblir, ou même à
        Analyse juridique :                                                                              disparaître, le réveil serait brutal et le vide béant. C’est pour cela que
        demande d’informations sur les personnes accueillies :
        quelles protections ?                                                                            nous voulons promouvoir l’autonomie associative et le développe-
                                                                                                         ment de l’économie sociale et solidaire. Si les mutations et les difficul-
27      ENGAGÉS ENSEMBLE                                                                                 tés actuelles du monde associatif, en termes de financement, face à la
        L’enquête OnFV/FnaRS sur l’accompagnement                                                        montée de la précarité, faisaient partie des discussions internes, elles
        de fin de vie en CHRS
                                                                                                         dépassent aujourd’hui bien largement le cadre de nos réseaux. nous
28      INITIATIVES                                                                                      considérons, en particulier, comme positif que ce sujet soit débattu
        Vers l’expérimentation de consultations                                                          dans le cadre d’une résolution à l’assemblée nationale au printemps,
        sociales de proximité
                                                                                                         avec la mise en place d’un comité d’enquête d’une trentaine de per-
30      PÉRISCOPE                                                                                        sonnes pour travailler sur ces questions. L’enjeu d’une telle prise de
32      L’INVITÉE                                                                                        conscience est important et nous concerne tous.
        Sylvia Pinel
                                                                                                                                             Louis Gallois, Président de la FnaRS

     f • N°8 / ÉTÉ 2014 - LE TRIMESTRIEL DES ADHÉRENTS DE LA FNARS ••• 76, rue du Faubourg-Saint-denis - 75010 Paris - Tél : 01 48 01 82 00 - Fax : 01 47 70 27
     02 - www.fnars.org - fnars@fnars.org • Directeur de la publication : Florent guéguen • Rédactrice en chef : Céline Figuière • Rédactrice en chef adjointe : Laure
     Pauthier • Directeur de création : Bruno Franceschini/mokadesign • Abonnements : nora Fekkar • Impression : STiPa • Photos : Julien Jaulin - Julien Pauthier
     - elodie Perriot - Lionel Charrier - Seb!godefroy/FaP • Coordination du dossier : Sophia d'Oliveira Rouxel et Samuel Le Floch • Ont participé à ce numéro : Katya
     Benmansour, François Brégou, aurélien ducloux, alexis goursolas, marion Lignac, ninon Overhoff, audrey Sibellas • Remerciements : au Secours Catholique et
     au Secours islamique France.
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i ACTUALiTéS                                                                                                                                  03
© elodie Perriot / Secours Catholique

                                        En attEndant
                                        lES étatS GénérauX
                                        du travail Social
                                        Quelques mois après les Journées du travail social de valence fin 2013, la FNARS publie une plateforme de propo-
                                        sitions. Celles-ci sont structurées autour de quatre grands axes : vers un droit à l’accompagnement social pour tous ; vers
                                        un conseil national de l’intervention sociale ; vers des consultations sociales de proximité ; vers une refondation des
                                        formations des travailleurs et intervenants sociaux.

                                        Ces quatre axes constituent le socle d’une approche renouvelée du travail            lesquels toute personne en difficulté pourra être accueil-
                                        social lui permettant de jouer un rôle en phase avec une société dans la-            lie, écoutée, conseillée, orientée et accompagnée par des
                                        quelle les situations de précarité et d’exclusion se massifient. Un accident de      équipes pluridisciplinaires (intervenants sociaux, juristes,
                                        la vie (chômage, maladie, divorce…) peut être source d’une rupture qui peut          psychiatres…). Ce sont ces mêmes équipes qui pourront aller
                                        faire basculer dans la précarité et l’exclusion. Ce phénomène n’est pas nou-         au-devant des personnes qui ne sollicitent pas ou plus les
                                        veau. Mais il concerne de plus en plus de personnes et lorsque la précarité          institutions. Ces consultations doivent être mises en œuvre
                                        s’installe, les perspectives d’en sortir sont de plus en plus incertaines. Face      à partir d’expériences existantes, qui tentent de coordonner
                                        à cette fragilisation d’un nombre croissant de personnes, la FNARS propose           sur les territoires des intervenants divers. Elles ne doivent
                                        le renforcement d’un droit, déjà inscrit dans le code de l’action sociale et des     pas être un guichet ou un dispositif de plus.
                                        familles : celui d’un accompagnement social pour tous. Il s’agit de reconnaître      Les réalités sur la pauvreté et l’exclusion sont peu ensei-
                                        que dans une société précarisée, toute personne fragilisée a le droit d’être         gnées dans les écoles de formation des travailleurs sociaux.
                                        accompagnée pour trouver, avec un intervenant social, des solutions pour             Or la massification, la diversité des personnes qui y sont
                                        s’en sortir et éviter la dérive vers l’exclusion. L’effectivité de ce droit néces-   confrontées, la complexité de ces situations, l’interaction
                                        site notamment de dissocier l’accompagnement de dispositifs divers (par              entre le social, la santé, l’économique, le rôle que doit jouer
                                        exemple un droit à l’accompagnement accordé aux allocataires du RSA) et              à leur égard l'intervention sociale impliquent de revisiter le
                                        de mutualiser des moyens et des compétences entre l’État, les collectivités          contenu et l’organisation de ces formations. Il s’agit notam-
                                        territoriales et une grande diversité d’institutions (associations, CAF, Pôle        ment d’enseigner à tous les étudiants en travail social une
                                        emploi…). Il s’agit de permettre une approche globale des problèmes auxquels         posture professionnelle qui implique résolument de faire
                                        sont confrontées les personnes en difficulté, et non des accompagnements               avec les personnes, et non pas pour ou à leur place. La
                                        morcelés et non coordonnés. Pour rendre effectif ce droit, la FNARS propose          FNARS propose de mettre en place des modules sur « la par-
                                        que soient créées des consultations sociales de proximité : des lieux dans           ticipation des personnes accompagnées » transversaux      •••
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04 i ACTUALITéS

   ••• à l’ensemble des formations, dans lesquels doivent également intervenir
   des personnes accompagnées. Il s’agit aussi de mettre en place des modules                         Les intervenants sociaux
   de formation communs aux étudiants de diverses disciplines. Ainsi, une for-                        au conseil
   mation sur l’accompagnement santé des personnes en situation de préca-                             d’administration
   rité devrait être dispensée à la fois aux étudiants en travail social et dans les                  de la FNARS
   formations en santé. Enfin, les intervenants sociaux ont une expertise sur la
                                                                                                      Promouvoir la participation des intervenants
   précarité, la pauvreté et l’exclusion. Cette expertise doit être prise en compte
                                                                                                      sociaux à l’élaboration des politiques publiques
   par les pouvoirs publics dans le processus d’élaboration, de mise en œuvre                         et dans les instances de gouvernances des ins-
   et d’évaluation des politiques publiques. La FNARS propose que le Conseil                          titutions : telle est l’une des propositions phares
   supérieur du travail social soit réformé pour que les intervenants sociaux                         faites dans le cadre des Journées du travail so-
   et les personnes accompagnées y soient représentés. Il faut également que                          cial de Valence. Il est important que leur exper-
                                                                                                      tise professionnelle et leur connaissance fine
   cette instance de concertation soit en lien avec des lieux de consultation
                                                                                                      des publics en difficulté puissent servir d’aide
   sur les territoires où s’élaborent une expertise collective entre ces différents                   à la décision tant au niveau des politiques so-
   acteurs, tels que les CCRPA (Conseils consultatifs des personnes accueillies                       ciales locales qu’à celui des choix associatifs. Le
   et accompagnées).                                                                                  conseil d’administration de la FNARS a proposé
                                                                                 François Brégou      en conséquence de créer un nouveau collège :
                                                                                                      le collège des intervenants sociaux. Deux inter-
                                                                                                      venants sociaux pourront y siéger.
   + P
       lus d’informations sur : www.fnars.org

   Le partenariat FNARS / SNCF sur les rails
                                                 En 2014, la SNCF a décidé de s’en-        convention. Franche-Comté, Centre,        tarifs sociaux pour les bénéficiaires
                                                 gager dans une opération « Grand          Île-de-France, Languedoc-Roussil-         du 115 et les demandeurs d’asile
                                                 nettoyage » inédite et de grande          lon… De la convention de partena-         ayant des besoins de mobilité pour
                                                 ampleur. Objectif ? Laver et rafraîchir   riat sont nés des projets partout en      réaliser des démarches administra-
                                                 les gares et les abords de gares par-     France. Les activités concernées sont     tives. Les actions de prévention et
                                                 tout en France, au-delà de l’entretien    variées et couvrent largement les         d’éducation devraient se développer
                                                 assuré tout au long de l’année. Pour      domaines investis par les structures      en lien avec les équipes de préven-
                                                 atteindre cet objectif et donner un       de l’insertion par l’activité écono-      tion spécialisée. Les maraudes en
                                                 signal clair d’engagement sociétal,       mique (IAE) : nettoyage, déblayage,       gare, qui font déjà l’objet de partena-
                                                 la SNCF a souhaité embarquer dans         remise en peinture, décoration            riat, pourraient se multiplier. Le 5 juin
                                                 cette aventure la FNARS et ses adhé-      (fresques murales notamment),             2014, journée mondiale de l’environ-
                                                 rents, pour une rencontre pleine de       entretien d’espaces verts, menuise-       nement, des événements ont eu lieu
                                                 promesses entre le monde de l’in-         rie, second œuvre… La FNARS et la         dans plusieurs régions pour marquer
                                                 sertion et celui des cheminots. Cette     SNCF voient dans ce partenariat la        le lancement du partenariat et pré-
                                                 volonté forte de collaboration entre      première étape d’une collaboration        senter les premières actions initiées
                                                 les deux organisations s’est concréti-    à construire sur la durée, pour pré-      (Nord Pas-de-Calais, Île-de-France,
                                                 sée avec la signature, au mois d’avril,   parer les opérations « Grand Net-         Rhône Alpes…). Un premier bilan
                                                 d’une convention de partenariat           toyage » suivantes, mais également        de la convention lors d’une journée
                                                 nationale. Cette convention a ouvert      pour envisager d’autres modalités         nationale en présence de Guillaume
                                                 la voie à des rencontres régionales       de collaboration, au-delà du cadre        Pepy, président de la SNCF, et de
                                                 entre les représentants FNARS             de l’IAE. Ainsi, les rencontres régio-    Louis Gallois, est en préparation pour
                                                 régionaux et les managers de l’enga-      nales entre la FNARS et la SNCF ont       l’automne.
                                                 gement sociétal (MES) de la SNCF          permis d’élaborer des pistes de col-
                                                 qui pilotent régionalement cette          laboration plus larges, telles que des                           Aurélien Ducloux

Le magazine de la FNARS I ÉTÉ 2014
05
                                                         actualitéS adhérEntS

                La culture du don,
                              un précieux atout
                                                                         Plusieurs personnes attendent avec           Si l’ONG humanitaire existe depuis
                                                                         impatience l’ouverture de l’épicerie         plus de vingt ans, elle est surtout
                                                                         à Saint-Denis ce jeudi. Venues seules        réputée pour son travail d’urgence et
                                                                         ou en famille, elles savent qu’elles         de développement à l’international.
                                                                         pourront y remplir leur sac à moindre        Grâce au soutien de ses donateurs
                                                                         coût. En effet, après avoir constitué un     (22 millions d'euros de budget par les
                                                                         dossier et rencontré la travailleuse         dons en 2013), le Secours Islamique est
                                                                         sociale, elles font partie de la centaine    présent dans 17 pays (Sénégal, Tchad,
                                                                         de ménages qui bénéficie de l’aide           Maroc, Algérie, Mauritanie, Syrie,
                                                                         du Secours Islamique France (SIF)            Liban, Palestine, Pakistan, Haïti, Mada-
                                                                         pendant trois mois. Paiement d’une           gascar, Tunisie, Libye…). Les actions
                                                                         facture en attente, impayé de loyer          des équipes salariées à l’étranger sont
                                                                         ou problèmes de santé coûteux, la            multiples et vont de la construction de
                                                                         difficulté économique qui les a ame-         puits, d’écoles ou d’hôpitaux dans les
                                                                         nées à solliciter le SIF s’inscrit dans un   villages à l’assainissement des eaux
                                                                         projet pour lequel elles seront accom-       en passant par le parrainage d’enfants
                                                                         pagnées par un intervenant social. Il        ou la distribution de moustiquaires.
                                                                         est 10h30 quand les portes d’Epi’Sol         En France, le Secours Islamique dé-
                                                                         ouvrent pour laisser entrer ces clients      veloppe ses actions en direction des
                                                                         pas comme les autres. Deux jours par         familles en situation de précarité, des
                                                                         semaine, ils peuvent en effet venir se       personnes sans-abri. Elle a ouvert un
                                                                         servir dans les rayons de cette supe-        centre d’accueil de jour au sein même
                                                                         rette, et ne paieront que 10 % de leur       du siège du Secours Islamique, à Mas-
                                                                         panier une fois arrivés à la caisse. De      sy, et un centre de mise à l’abri, avec
                                                                         quoi faciliter les choses en cas de coup     24 places pour les femmes. Au total,
                                                                         dur passager. Créée en 2007, l’épicerie      le Secours Islamique compte 120 sala-
                                                                         solidaire du SIF accueille les habitants     riés, dont une centaine en France, qui
                                                                         de Saint-Denis et de Saint-Ouen, com-        travaille au siège, à l’épicerie, auxquels
                                                                         munes particulièrement touchées              s’ajoutent environ 500 bénévoles
                                                                         par la crise économique. Très utile          pour les maraudes sociales ou les
                                                                         pour remplir son frigidaire, l’épicerie      distributions de repas à la sortie des
                                                                         l’est également pour avoir accès à une       gares. Entre 10 à 15 % des personnes
                                                                         écoute et un suivi social, au cas par        employées ne sont pas de confession
                                                                         cas. Dans les mêmes locaux se trouve         musulmane, une ouverture souhaitée
                                                                         le bureau d’une travailleuse sociale         par la direction de l’ONG.
                                                                         du SIF, qui peut les renseigner sur
                                                                         l’avancée de leur situation et qui est                                   Céline Figuière
                                                                         disponible, sans prise de rendez-vous.
Le ramadan SouS CHapiteau,
proGramme 2014                                                           pour touS, en FranCe et                              1991
Durant le mois du Ramadan, le SIF organise deux grandes actions          À L’internationaL                                    création du Secours
en Île-de-France : la distribution de colis en prison et les Tables du   Djilali Benaboura, directeur des mis-                Islamique France
Ramadan, restaurant solidaire éphémère, qui a réuni près de 900          sions sociales France au SIF, insiste
personnes par jour en 2013.                                              bien sur le caractère universel de la
                                                                                                                              120
• Grâce à l’aide de bénévoles, plus de 5 500 colis seront distribués                                                          salariés dans 17 pays
                                                                         solidarité et précise que « le SIF est
  dans une vingtaine de lieux de détention en Île-de-France. Les
  personnes en détention pourront s’inscrire sur des listes pour         une association non confessionnelle                  22 miLLionS
  en bénéficier, qu’elles fassent le Ramadan ou pas.                     à vocation sociale et non culturelle.                d'euros de dons reçus en 2013
• Jusqu’au 28 juillet, le SIF organise chaque soir un repas de soli-     Nous aidons les musulmans et les
  darité sous chapiteau près du stade de France à Saint-Denis. À         non musulmans » . Une information                    9 000
  emporter ou sur place, ces collations sont proposées à tous.           peu connue des services sociaux,                     enfants parrainés par le SIF
Dans une quinzaine de villes de France, le SIF proposera ainsi                                                                dans plus de 20 pays
environ 50 000 repas et colis aux étudiants pendant la période           qui orientent principalement des
de Ramadan.                                                              personnes liées à l’Islam dans les dif-
                                                                         férentes structures du SIF, présent
                                                                                                                              2011
                                                                                                                              le SIF reçoit l’agrément du
+ Plus d’informations sur : www.secours-islamique.org                    dans le 91 et le 93, et très bientôt dans            Comité de la Charte du don en
                                                                         le centre de Paris, ainsi qu’à Lyon.                 confiance
06 i ACTUALiTéS
    fnarS rhÔnE-alpES
                                                                                                                                                                                                  i
   un CYCLe de ConFérenCeS autour
   de L’aCCÈS aux droitS pour LeS JeuneS
   Enjeu central de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, l’accès aux droits sociaux      rogera la question du « devenir adulte » dans la société française et
   doit être une priorité d’action des pouvoirs publics, des institutions et des travailleurs      européenne aujourd’hui. Dans cette optique, la réflexion s’appuiera
   sociaux. Ceci est d’autant plus vrai pour les institutions, services et professionnels qui      sur d’autres contextes étrangers pour mieux comprendre et mettre
   ont en charge l’administration, l’accompagnement et la prise en charge des jeunes. Il           en perspective l’organisation et l’élaboration des parcours d’accès
   est souvent demandé à cette population très hétérogène d’être autonome, sans pour               à l’autonomie des jeunes en France. Le cycle se poursuivra autour
   autant leur en donner les moyens. Partant de ces constats et de ces enjeux politiques,          de la compréhension du phénomène du non-recours aux droits et
   des professionnels du réseau FNARS en Rhône-Alpes participant aux travaux natio-                services chez les jeunes : qu’entend-on par « droits » et « services » ?
   naux, ont souhaité organiser un cycle de travail à destination des professionnels du            Comment questionner leur accessibilité et leur attractivité, du point
   travail social, de l’éducation, de l’insertion professionnelle et des jeunes, en partena-       de vue des personnes concernées ? À partir des questionnements
   riat avec l’Odenore (Observatoire des non-recours aux droits et services). L’objectif           soulevés et des enseignements des deux premières rencontres, la
   est de proposer aux participants un croisement de regards entre les expériences des             séance de clôture apportera des éléments de réponse en tentant
   « usagers » , les pratiques professionnelles et les travaux universitaires. Ce cycle s’arti-    d’analyser et de produire des pistes d’action et des recommandations
   culera autour d’une problématique centrale : « Le recours aux droits sociaux chez les           pour faciliter l’accès aux droits et aux services des jeunes.
   jeunes : obstacles, freins et leviers » et s’organisera autour de trois temps de travail
   entre les mois de septembre 2014 et mars 2015, à Lyon. La première séance inter-                                                                          audrey Sibellas

    fnarS alSacE
   propoSer un « repaire » aux pLuS exCLuS
                                                                                                                                    être, les référents sociaux - déjà très
                                                                                                                                    nombreux - des personnes accueil-
                                                                                                                                    lies, nous leur proposons simplement
                                                                                                                                    un lieu qu’elles peuvent s’approprier
                                                                                                                                    comme un chez soi temporaire.
                                                                                                                                    Même si nous travaillons, bien sûr, en
                                                                                                                                    réseau avec l’extérieur, notamment
                                                                                                                                    avec les référents médicaux puisqu’il
                                                                                                                                    s’agit d’un public très fragilisé et sou-
                                                                                                                                    vent confronté à des addictions ou
                                                                                                                                    des pathologies physiques et/ou
                                                                                                                                    mentales » explique Thierry Houdart,
                                                                                                                                    directeur de l’AAHJ et délégué dépar-
                                                                                                                                    temental de la FNARS Alsace. Contrai-
                                                                                                                                    rement à la majorité des dispositifs
                                                                                                                                    d’hébergement d’urgence, le lieu est
                                                                                                                                    ouvert 24 heures sur 24 et la durée
                                                                                                                                    de séjour n’est pas limitée pour lais-
                                                                                                                                    ser le temps aux personnes d’investir
                                                                                                                                    l'espace et de s’ouvrir peu à peu. Autre
                                                                                                                                    principe fort : la co-construction du
                                                                                                                                    fonctionnement de la structure avec
                                                                                                                                    les personnes hébergées via l’organi-
                                                                                                                                    sation de réunions ponctuelles, sans
                                                                                                                                    présence obligatoire. Une démarche à
   Dans le secteur de l’hébergement, il        demander, à part, de temps à autre, un     destinées aux « situations complexes »    contre-sens qui porte ses fruits : « les
   existe un public bien connu des asso-       hébergement ? C’est la problématique       repérées par le SIAO. À l’exception des   personnes commencent à exprimer
   ciations : des personnes très désociali-    à laquelle tente de répondre le projet     violences physiques et de la mise en      des demandes de limites à instaurer
   sées, ballotées de la rue aux dispositifs   « Repaire » expérimenté depuis janvier     danger d’autrui, la plupart des com-      au sein de l’établissement » rapporte
   d’urgence depuis plusieurs années, qui      2014 par l’association AAHJ (Associa-      portements qui entrainent habituelle-     Thierry Houdart. Un premier pas. Pro-
   se font exclure à répétition des struc-     tion d'accueil et d'hébergement pour       ment l’exclusion d’une structure sont     chainement, l’association espère pro-
   tures pour non-respect des horaires,        les jeunes), située à Strasbourg. Suite    ici tolérés. Le règlement de fonction-    poser un groupe de parole avec une
   non adhésion à l’accompagnement...          à un appel à projets lancé par les ser-    nement a été épuré le plus possible,      psychologue ainsi qu’une présence
   Alors quelle solution proposer à ce         vices de l’État, vingt places d’accueil    et aucune démarche d’accompa-             infirmière pour renforcer le projet.
   public qui n’exprime pas l’envie de         d’urgence « à haut seuil de tolérance et   gnement n’est imposée. « Nous ne
   s’insérer et ne semble rien vouloir         bas seuil d’exigence » ont été ouvertes,   sommes pas, et nous ne voulons pas                                  Laure Pauthier
                                                                                                                                                                                © Julien Jaulin

Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
i DOSSiER                                                                                07

                  lES nouvEauX viSaGES
                  dE l'aSSociatif
                     ENTRETIEN AVEC GilbErt
                                   Parce qu’il a connu la vie dans la rue, la galère et la lenteur des institu-
                                   tions, Gilbert a décidé de réagir. En 2011, il a créé le Collectif des SDF de
                                   Lille. Il rencontre, écoute, accompagne et loge des personnes sans-abri,
                                   en les mettant en lien avec des propriétaires privés.
© Julien Jaulin
08 i DOSSiER                                                                                                                                                                                     i
lES nouvEauX viSaGES
dE l’aSSociatif

                                                                                                                                                                               © Julien Jaulin
    « quand jE SuiS arrivé danS mon                                                         par terre pendant deux semaines, je
                                                                                            n’avais rien du tout ! Donc on va voir
                                                                                                                                       vaise expérience pour moi, mais on en
                                                                                                                                       a besoin, c’est utile. On s’occupe des
    appartEmEnt, j’ai dormi par tErrE                                                       d’autres associations pour récupérer       personnes autonomes qui n’ont pas
    pEndant dEuX SEmainES,                                                                  des choses. Les premiers mois, on leur     à être dans les structures. Une fois
    jE n’avaiS riEn du tout ! »                                                             apporte des colis alimentaires. Ensuite,   qu’elles partent, elles peuvent laisser
    GilbErt                                                                                 on les aide au paiement des factures,
                                                                                            on appelle les proprios, on gère les
                                                                                                                                       la place à quelqu’un qui est encore à la
                                                                                                                                       rue. Il n’y a pas de turnover dans l'hé-
   Dans quel contexte avez-vous bas-              et j’ai décidé de créer le Collectif des dossiers administratifs.                    bergement. On dit tout le temps que
   culé dans la précarité ?                       SDF de Lille. Le Collectif est devenu                                                c’est parce qu’il n’y a pas de logements
   Gilbert : J’ai travaillé pendant 30 ans        une association en 2012. Stéphane Le fait d’être « passé par là » faci-              à la sortie, mais, dans le privé, il y en a !
   dans les marchés ou les bazars, dans           et Jonathan sont partis et je me suis lite-t-il le premier contact avec les
   beaucoup de régions de France.                 retrouvé tout seul à m’occuper du personnes sans-abri qui viennent                   Quels sont vos projets ?
   J’avais une femme et un fils. Un jour,         Collectif pendant huit mois. Ensuite, vous voir ?                                    Gilbert : Nous voulons créer des
   j’ai retrouvé ma femme au lit avec mon         j’ai recréé un Bureau en mélangeant Gilbert : Ça m’aide au niveau de la              conseils de la vie sociale là où il n’y
   meilleur ami… j’ai tout perdu en 48 h.         des gens de la rue et d’autres acteurs façon de parler. Je n’ai pas le langage       en a pas encore. Ensuite, les mercre-
   Je suis resté deux ans en préventive           du secteur social de la région. Ma d’un éducateur, on parle d’homme à                dis et les jeudis, on va maintenir nos
   et ensuite j’ai eu du sursis avec mise         trésorière est sociologue, une autre homme, il n’y a pas de règles, on est           permanences dans les parcs. Mais
   à l’épreuve. Quand je suis sorti de            personne travaille à l’URSSAF, et une libres. On a aussi nos groupes d’ex-           surtout, je veux ouvrir un accueil de
   prison, je suis venu à Lille, j’ai dormi       autre au conseil général. Deux édu- pression dans les parcs, où on mélange           jour, où les personnes pourraient venir
   dans les parcs. La prison, c’était vrai-       cateurs stagiaires, étudiants à l’école aussi bien les personnes de la rue que       avec leur chien, laisser leurs bagages,
   ment l’horreur. En plus, on sait qu’on         européenne des travailleurs sociaux des travailleurs sociaux. Je leur dis, on        prendre une douche, aller sur internet
   va sortir mais qu’il n’y a rien derrière.      de Lille, travaillent avec nous. On a est hors structure, et ils discutent entre     et je veux créer une base informatique
   Aujourd’hui, je me bats aussi pour les         environ 100 adhérents aujourd’hui, eux loin de l’institution. On a souvent           pour stocker leurs papiers administra-
   sortants de prison. La rue, c’est aussi        que l’on accompagne vraiment au cas des discussions au sein du Collectif             tifs. Ce serait ouvert 7 jours sur 7. Les
   une prison, vous n’êtes rien. J’y suis         par cas, selon leur demande. Le Collec- sur le suivi des personnes après les         bénévoles seraient des personnes à la
   resté quatre ans, je ne voulais pas aller      tif a déjà relogé 102 personnes depuis six mois d’accompagnement. Mais je            rue et relogées par nous. On pourrait
   dans une structure. Mais j’étais crevé,        2011… J’ai actuellement 47 dossiers en suis bien placé pour savoir que quand         accueillir 40 personnes. Les locaux
   il fallait que je me pose. J’ai appelé le      file active. On travaille essentiellement on est sorti du pétrin, on veut vivre sa   sont situés en face du parc rouge, là où
   115, j’ai suivi la voie classique. J’ai tout   avec les propriétaires privés. Les pro- vie, donc on doit les laisser tranquilles.   l’aventure du Collectif a commencé.
   balayé, fais un trait sur le passé. Ce         fessionnels se disent tout le temps, Il y a des gens dans les structures qui               Propos recueillis par Céline Figuière
   qui me sauve c’est l’association, mon          mais comment font-ils ? On va sur les n’ont pas à y être. J’arrive à reloger des
   combat pour défendre les inégalités,           sites internet et on négocie avec les gens en une semaine. On dérange les            + Pour contacter le Collectif :
   en étant « la voix des sans-voix » .           propriétaires ! On prend des loyers structures… ça étonne ! D’autant que               collectifdessdfdelille@gmail.com
                                                  inférieurs à 400 euros, et on monte nous n’avons pas de diplôme. Mais je
   Pourquoi avoir décidé de monter le             un dossier APL et FSL. Il ne reste leur explique que j’ai mon vécu. J’avais
   Collectif des SDF de Lille ?                   presque rien à payer. Quand on entre beaucoup d’ennemis au début du
   Gilbert : On a créé le Collectif en 2011.      en contact avec des proprios, d’abord Collectif. Aujourd’hui, on fait partie du
   On était trois usagers de CHRS à               on va les voir pour être sûr qu’il ne comité de pilotage SIAO, du conseil
   Lille (Stéphane, Jonathan et moi), et          s’agit pas de marchands de sommeil. d’administration de la FNARS Nord
   on avait eu beaucoup de problèmes              Ce sont des studios ou des chambres. Pas-de-Calais et de l’UNIOPSS.
   dans notre structure. J’étais président        Et ensuite on propose entre trois et Moi j’étais à la rue, j’allais à l’accueil de
   du conseil de la vie sociale, et je les        six mois d’accompagnement. On pro- jour tous les jours pour me connecter
   embêtais pas mal… Depuis 2011, mon             pose aux personnes sans-abri un stu- à internet. J’ai appelé des proprios, je
   combat c’est la parole des usagers.            dio semi-meublé, avec de la vaisselle, suis tombé sur une dame qui m’a loué
   Après dix mois en structure, je me             des couvertures… Quand je suis arrivé un studio de 20 m2 à Lille. L’héberge-
   suis retrouvé une nouvelle fois à la rue       dans mon appartement, j’ai dormi ment en structure a été une très mau-

Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
i DOSSiER                                                                                                                                                  09

un nouveau modÈLe aSSoCiatiF,
À QueL prix ?
L’arrivée de L’été Se Fait Cette année aveC une nou- de l’association, ne s’essouffle pas, avec une augmentation du
veLLe inStaLLation de tenteS Sur Le CanaL Saint-mar- nombre de bénévoles, même en ces années de crise écono-
tin À pariS. Elles ne restent que quelques heures, dans l’attente d’une mique. Recherche de sens, d’une première expérience dans
réaction du Gouvernement largement sollicité pour défendre ou réhabiliter la          une organisation professionnelle pour les jeunes ou de lien
dignité des logements pour tous. La presse relaie, les militants sont là, un lundi    social pour lutter contre la solitude, les raisons sont diverses.
de Pentecôte, habitués à ne pas compter leurs heures pour tenter de se faire en-      Les évolutions de la société ont malgré tout un impact direct
tendre par les pouvoirs publics devant l’hégémonie grandissante de Bercy et la        sur la vie associative voire la survie des associations. Avec une
crispation des ministères. Difficile de savoir ce qu’en pense l’opinion publique.       hausse de 73 % des commandes publiques de 2005 à 2011, les
Finalement, quelle vision a-t-elle du monde associatif en 2014 ? Si l’on s’en tient   modalités de financements des associations changent, tout
aux commentaires des internautes qui suivent la mobilisation du Collectif des         particulièrement dans le secteur social. La subvention, apa-
associations unies sur le site web du journal Libération, on ne peut qu’être pes-     nage de l’État providence, qui permettait aux associations
simiste. Les associations y sont même décrites comme le regroupement de               d’être les relais de l’intérêt général, avec une souplesse propice
« mémères » qui s’ennuient. Un descriptif heureusement bien loin de la réalité.       à l’innovation, n’est plus privilégiée par les pouvoirs publics,
De 1901 à aujourd’hui, l’un des acteurs majeurs de la société civile propose, in-     qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales, nouvelles
terpelle les pouvoirs publics et s’étend, avec près de deux millions de salariés,     donneuses d’ordres depuis la décentralisation. Alors, oui, l’en-
plus de 15 millions de bénévoles, 78 % des emplois dans l’économie solidaire et       gagement associatif est célébré par le Premier ministre qui en
sociale et 85 milliards de budget. Sport, loisirs, culture, social, les domaines de   fait la Grande cause nationale de 2014, et les grands principes
l’associatif sont larges et évoluent différemment. L’engagement, fil conducteur       sont, une nouvelle fois, co-signés dans la nouvelle charte           •••
 © Seb!godefroy - FaP

                                                                                                                           Mobilisation du Collectif des
                                                                                                                           associations unies le 9 juin
                                                                                                                           au Canal Saint-Martin.
10 i DOSSiER
lES nouvEauX viSaGES
dE l’aSSociatif

   « on parlE dE mutation,
   d’évolution, dE
   métamorphoSES, maiS
   pErSonnE n’ESt biEn
   capablE dE dirE à quoi
   rESSEmblEra lE mondE
   aSSociatif danS diX,
   voirE cinq anS »

                                                                                                                                                                          © Julien Pauthier
                                                                                                                Florent Guéguen de la FNARS et Christophe Robert
                                                                                                                de la Fondation Abbé Pierre, porte-paroles du Collectif
                                                                                                                des associations unies.

  i FOCUS
   la commandE publiquE, unE mEnacE po
   Si le recours aux subventions pour finan-             tionnaire. En effet, alors que, dans le cadre d’une    même pas forcément les moyens de répondre
   cer les associations prévalait encore il             subvention publique, les contours de l’action sont     sans mutualiser leurs compétences. Performance
   y a quelques années, désormais les col-              définis par l’association - en concertation avec       et compétitivité se sont faites une place dans les
   lectivités territoriales passent de plus de          les acteurs publics et en cohérence avec le projet     objectifs et le vocabulaire associatif.
   plus par la commande publique ou les                 associatif propre à chacune -, c’est la collectivité
   appels d’offres, imposant un strict cahier            qui est à l’origine de la commande publique, et        L’initiative aSSoCiative miSe
   des charges. Une mutation des modes                  est seul maître d’œuvre du cahier des charges,         en danGer
   de contractualisation qui n’est pas sans             n’ayant pas le droit d’échanger avec les potentiels    Sur le terrain, des projets issus de l’initiative
   conséquences sur l’avenir du secteur                 candidats. Un mode de financement qui tend à           associative, impulsés grâce à la propension des
   associatif, et notamment sur les petites             rompre le lien avec la société civile entretenu par    associations à faire émerger les besoins réels
   et moyennes structures.                              les associations et à les placer en simples pres-      du terrain et à lancer des expérimentations
                                                        tataires de service. Des associations également        innovantes, sont repris par les collectivités, et
   Le fort développement des commandes publiques,       contraintes de revoir leur mode de fonctionne-         potentiellement remis en cause par le recours à
   qui ont augmenté, entre 2005 et 2011, de 73 % en     ment pour intégrer dans leur plan de charge le         la commande publique. C’est le cas de l’entretien
   volume dans la nature des ressources des asso-       temps nécessaire à la veille et à l’élaboration des    des berges de Seine dans le Val-de-Seine qui
   ciations, a marqué un tournant. D’une logique        réponses aux appels d’offres. Les associations         était réalisé, grâce à une subvention, depuis plus
   basée sur l’innovation et la créativité, les asso-   sont en concurrence pour remporter les appels          de 17 ans par l’association Espaces qui gère des
   ciations basculent vers une logique plus ges-        d’offres auxquels les petites structures n’ont         chantiers d’insertion autour de l’entretien des

Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
11
                     •••  d’engagements réciproques, entre l’État, le Mouvement associatif et les
                     collectivités territoriales. Mais sur le terrain ? Sur le terrain les conséquences
                                                                                                               et respecter les cahiers des charges. Les associations se
                                                                                                               trouvent aujourd’hui face à une massification de la pauvreté
                     de la marchandisation du secteur ne se font plus discrètes. Au langage de l’en-           et des besoins d’accompagnement de plus en plus impor-
                     treprise se mêle l’obsession de l’évaluation, du reporting, de la performance..           tants des personnes, mais elles doivent y répondre avec des
                     On parle de mutation, d’évolution, de métamorphoses, mais personne n’est                  budgets contraints. La temporalité elle-même évolue, face à
                     bien capable de dire à quoi ressemblera le monde associatif dans dix, voire               la baisse des financements pluriannuels, alors que l’associatif
                     cinq ans. Pour « tenir » faudra-t-il répondre à des appels d’offre, avec un cahier        s’est construit sur une logique de long terme. Les travailleurs
                     des charges strict, et s’organiser pour remplir cette « prestation » de service           sociaux se plaignent du manque de temps pour accompa-
                     public en recrutant des experts et des techniciens dépourvus de militance,                gner les personnes en difficulté. Comment planifier le temps
                     tout en appauvrissant le rôle des bénévoles, sélectionnés sur leur efficacité               d’une mise en confiance, d’un déclic psychologique, de la
                     à court terme, en économisant sur tout, et notamment sur les salaires ou la               réussite d’une cure de désintoxication ? Un contexte négatif
                     qualité de l’accompagnement proposé aux personnes ?                                       et d’autant plus frustrant que les associations ne cessent de
                                                                                                               prouver leur capacité à innover au service de l’intérêt géné-
                     L’intérÊt GénéraL FaCe au marCHé                                                          ral. Bénévoles ou salariés, des profils variés et de plus en plus
                     De cette vision utilitariste qui se propage, il nous est donné quelques                   pointus font leur entrée dans un milieu associatif qui s’ouvre
                     exemples ailleurs ou dans d’autres domaines. Ainsi la « Big society » à la Ca-            aussi aux nouvelles technologies et aux partenariats avec le
                     meron en Grande-Bretagne, avec un désengagement de l’État et une primau-                  monde économique.
                     té donnée à la responsabilité individuelle, ou bien la marchandisation du
                     service à la personne en France. La solvabilité des personnes sera peut-être              L’aSSoCiation, ForCe motriCe de La SoCiété
                     le rempart infranchissable pour une entrée totale du secteur social dans le               Lorsque les associations sont parties prenantes de la défini-
                     marché car comment demander à quelqu’un qui n’a rien de payer pour l’ac-                  tion des priorités territoriales, elles parviennent à agir pour
                     compagnement que lui propose la structure d’accueil ? Une chose est sûre,                 un développement local plus solidaire. Les forces associa-
                     c’est que l’innovation associative et cette faculté qui lui est reconnue d’inven-         tives locales se mobilisent, avec, notamment le lancement
                     ter, d’expérimenter d’autres solutions pour un meilleur vivre ensemble, est               des pôles territoriaux de coopérations économiques en jan-
                     aujourd’hui mise en danger quand elle fait le grand écart entre l’État, qui fait          vier dernier, avec une enveloppe de 3 millions d’euros de
                     d’elle un prestataire, et le marché qui l’infiltre. Elle doit aussi s’adapter à la        l’État pour la période 2013/2014. Parce que le milieu associa-
                     volatilité du bénévolat, qui s’il est en hausse, se fait plus ponctuel et moins           tif sait innover mais également créer de l’emploi, il multiplie
                     attaché au projet de l’association. « Sans bénévoles, pas d’associations », rap-          les partenariats constructifs avec les entreprises sociales ou
                     pelle pourtant Dominique Thierry, président de France bénévolat, qui veille               classiques, au cœur de l’essor de l’économie solidaire et so-
                     à ce que cette forme d’engagement citoyen garde sa double finalité « en étant             ciale. Partenariats également valorisés par certains conseils
                     à la fois une ressource du milieu associatif et un levier d’inclusion sociale. Un         généraux, et notamment celui de Meurthe-et-Moselle, qui,
 © Julien Pauthier

                     bénévole n’est pas un salarié qu’on ne paye pas ! ». Pourtant il faudra bien trou-        confirme son appui à l’initiative associative en appelant les
                     ver des solutions pour répondre aux appels d’offres des pouvoirs publics                  associations à agir sur les politiques publiques en amont,  •••

cE pour lES aSSociationS ?
                     espaces naturels avec des personnes en situation      comme le bon de commande qui conditionne
                     d’exclusion. Mais, récemment, la communauté           à la fois le démarrage de l’action et sa durée.
                     d’agglomération Grand Paris Seine Ouest est           Comme, par exemple, pour ce marché public
                     passée de la subvention à la commande publique        lancé pour redynamiser les allocataires du RSA
                     dans le cadre d'un marché d'insertion (article 30).   limité à 70 heures, ni plus, ni moins. « Ce type
                     « Le marché a été établi sous forme de lots avec      de commande nie la capacité associative à faire
                     des tranches fermes et des tranches condition-        intervenir des bénévoles et à mutualiser les finan-
                     nelles, dont fait partie l’entretien des berges de    cements » , déplore Yann Fradin. L’enjeu est donc
                     Seine. L’appel d’offres a été lancé quatre mois       de réaffirmer auprès des collectivités l’attribution
                     après la fin de la subvention, délai beaucoup trop    des subventions notamment pour les actions
                     long qui a impliqué un différentiel non rémunéré.     pérennes. C’est l’un des objectifs de la nouvelle
                     Enfin la tranche relative à l'entretien des berges    charte d’engagements réciproques entre l’État,
                     de Seine n'a jamais été affermie entaînant l'arrêt    les collectivités territoriales et les associations,
                     de l'activité. », explique Yann Fradin, directeur     signée mi-février par le Premier ministre, qui pro-
                     général de l’association Espaces. Avec des délais     meut le recours à la convention annuelle ou plu-
                     d’appels d’offres pouvant aller jusqu’à un an dans    riannuelle d’objectifs.
                     les grandes collectivités, ce manque de souplesse
                     représente un frein pour les associations. Tout                                             Laure Pauthier
12 i DOSSiER                                                                                                                                           i
                       lES nouvEauX viSaGES
                       dE l’aSSociatif

                                                                                                 TRIBUNE
                                                                                                 DE michElchauviÈrE
© Seb!godefroy - FaP

                                                                                                 Michel Chauvière est directeur de recherche
                                                                                                 au CNRS et auteur de plusieurs ouvrages
                                                                                                 dont « L’intelligence sociale en danger » ,
                                                                                                 et « Trop de gestion tue le social. Essai sur une
                          •••   et non pas en tant que simple exécutantes. Sous la prési-        discrète chalandisation » , parus aux Éditions

                                                                                                 “
                          dence de Mathieu Klein, successeur du regretté Michel Dinet,           La Découverte (2007 et 2011).
                          la Meurthe-et-Moselle « a lancé des conférences territoriales de
                          développement durable où l’on décide des priorités de l’action                       La chalandisation du secteur est arrivée silencieuse-
                          départementale territoire par territoire avec les conseillers géné-                 ment, c’est pour moi une corruption dans le sens d’une
                          raux, les maires et les représentants du monde associatif, qui                      transformation fondamentale des valeurs. Une sorte de
                          ne sont pas là juste pour demander des subventions mais qui                         révolution culturelle, qui est caractéristique des années
                          interviennent en amont des politiques publiques et bénéficient                       2000, mais qui a commencé bien avant, notamment
                          d’un espace d’interpellation du conseil général. On essaie de          avec le traitement des compétences sociales lors de la première loi
                          travailler ainsi dans une logique de socle de sérénité donc plu-       sur la décentralisation et avec les lois de « rénovation » au début des
                          riannuelle ». Département qui met aussi en place une logique           années 2000. Puis, en 2006, une loi dite de cohésion sociale, a même
                          de « couveuse citoyenne » pour aider les personnes à déve-             carrément ouvert le marché de l’aide à domicile. La transformation
                          lopper leurs projets, en leur apportant un soutien financier           s’est faite également à la suite d’accords de libéralisation des services
                          pendant trois ans. D’autres acteurs du secteur social, comme           aux niveaux international et européen. après la directive Bolkestein,
                          Michel Jezequel, directeur de l’association Don Bosco dans             la directive sur les services de 2006 a vu son application s’échelonner
                          le Finistère, ont relancé le processus démocratique dans leur          en France sur une dizaine d’années. il y a donc un vent général où
                          association, en élargissant le collège des bénévoles, à la fois        rien ne doit plus faire obstacle au marché et beaucoup ont intério-
                          au niveau de la gouvernance et sur le terrain opérationnel,            risé l’idée que le social est aussi une offre de service sur un marché
                          et qui, comme lui, envisagent de créer un poste spécifique à           donné. Pourtant les deux siècles qui nous séparent de la Révolution
                          la vie associative. Cette force de créativité associative passe        française ont développé ce secteur sur un mode non marchand, que
                          irrémédiablement par une autonomie préservée grâce à                   la réponse soit donnée par l’État ou par des associations guidées par
                          une diversification de ses modes de financement, source en             l’intérêt général, dans le cadre de la solidarité nationale et partageant
                          outre, de coopération élargie avec la société civile. La nou-          l’idée que les exclus et les hors système sont nos semblables et qu’ils
                          velle loi sur l’économie sociale et solidaire, qui donne enfin         ont des droits sur la collectivité même s’ils ne contribuent pas. Ce
                          une définition législative de la subvention, encourage elle-           n’est donc pas une pensée marchande. C’est pourquoi, nous devons
                          même de nouvelles modalités de financement du secteur                  réhabiliter l’État providence pour des raisons d’humanité et de jus-
                          en renforçant par exemple les titres associatifs. La FNARS             tice sociale. C’est une conquête, un progrès, contre la barbarie et la
                          s’est d’ailleurs fortement mobilisée lors des discussions sur          guerre. Pour cela, il faut prendre l’argent où il est et il n’est pas chez
                          le texte de loi pour préserver la capacité des associations à          les pauvres ! il faut relancer la redistribution des richesses et lutter
                          agir librement pour l’intérêt général.                                 contre l’évasion fiscale, sinon il faudra des décennies pour remon-
                          Une mobilisation qui continuera avec un rôle des fédérations           ter cette organisation. il y a, hélas, bien peu de gens aujourd’hui
                          comme la nôtre renforcé pour apporter appui et soutien à               capables de dire comment c’était avant la Sécurité sociale… alors que
                          leurs associations adhérentes dans cette importante trans-             le risque d’y retourner existe. il nous faut donc retrouver le sens de
                          formation, avec des plaidoyers rassembleurs pour garantir              l’intérêt général toujours supérieur aux intérêts particuliers. il faut
                          une vie associative riche, militante, convaincue et convain-           une autre génération d’hommes politiques, bons gestionnaires sans
                          cante.                                                                 doute mais avec de vraies références culturelles, sachant reconnaître
                                                                                                 le vivier que représentent les associations et redonner de la valeur
                                                                               Céline Figuière   aux métiers de l’humain contre le tout marché. »

                       Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
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