FLE MAGAZINE - LES NOUVEAUX VISAGES DE L'ASSOCIATIF DOSSIER - FÉDÉRATION DES ...
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f lE maGaZinE dE la fnarS n°8 - été 2014 DOSSIER lES nouvEauX viSaGES dE l’aSSociatif « cE qui mE SauvE c’ESt l’aSSociation, mon combat, En étant la voiX dES SanS-voiX »
i © elodie Perriot / Secours Catholique © Julien Jaulin Sommaire Éditorial 2 3 ÉDITORIAL de Louis gallois, Président de la FnaRS ACTUALITÉS « lE liEn n’ESt • en attendant les États généraux du travail social • Le partenariat FnaRS/SnCF sur les rails paS unE valEur marchandE » • La culture du don, un précieux atout • Un cycle de conférences autour de l’accès aux droits pour les jeunes • Proposer un « repaire » aux plus exclus 07 i DOSSiER S’engager dans les métiers du social est un choix militant. Formés, utiles, voire indispensables à la cohésion de la société, les interve- nants sociaux travaillent une matière fragile : l’humain. Parfois, ils ne lES nouvEauX viSaGES savent pas eux-mêmes ce qui a enfin déclenché un déclic chez une dE l’aSSociatif personne qu’ils accompagnent, une envie de se battre et de remon- ter la pente, pourquoi elle a, à nouveau, confiance. Parce que le lien 08 ENTRETIEN AVEC GILBERT social est fait de confiance, parce qu’il permet de se sentir exister ou 09 UN NOUVEAU MODÈLE ASSOCIATIF, À QUEL PRIX ? ré-exister à travers l’écoute et le regard de l’autre. Cette relation-là • Focus : La commande publique, une menace n’a pas de prix, elle s’installe dans la durée et ne répond pas à une pour les associations ? pure logique quantitative. C’est là qu’intervient l’économie. Les diffi- • Focus : entrepreneuriat social : de la philanthropie cultés auxquelles est confronté aujourd’hui le monde associatif sont au capitalisme préoccupantes, parce que, en bout de chaîne, elles ont un impact • Interview : matthieu Hély sur la qualité de l’accompagnement proposé aux personnes, sur ce 15 REPORTAGE ici et maintenant fameux lien social. 18 Accompagner non, tout ne se vend pas, et le lien social moins que tout. Ce n’est • La coopération locale, nouvelle ère pour l’emploi pas être rétrograde que de vouloir préserver le secteur social d’une • L’appui associatif entrée brutale sur le marché concurrentiel, où la concurrence crée 20 Perspectives le risque d’exclusion des personnes trop loin de la norme. défendre • Les associations prestataires ou partenaires des pouvoirs l’intérêt général, c’est comprendre et accepter que chacun puisse publics ? • Redéfinir l’association d'action sociale apporter ses capacités, mais aussi ses différences à l’édifice socié- • Vue d’ailleurs : le réseau SWan tal, mais que cela ne l’empêche pas d’avoir les mêmes droits que les autres. Je crois que nous ne pourrons pas préserver la cohésion 23 PORTRAITS CROISÉS sociale en France sans donner aux associations les moyens d’innover Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation et de continuer à proposer des solutions aux plus exclus. Ce tissu 25 ANALYSE social formé par les associations s’est installé peu à peu, et paraît Analyse politique : peut-être invisible à la plupart d’entre nous tellement il fait partie L’insertion, un combat collectif intégrante de la vie sociale. mais s’il venait à s’affaiblir, ou même à Analyse juridique : disparaître, le réveil serait brutal et le vide béant. C’est pour cela que demande d’informations sur les personnes accueillies : quelles protections ? nous voulons promouvoir l’autonomie associative et le développe- ment de l’économie sociale et solidaire. Si les mutations et les difficul- 27 ENGAGÉS ENSEMBLE tés actuelles du monde associatif, en termes de financement, face à la L’enquête OnFV/FnaRS sur l’accompagnement montée de la précarité, faisaient partie des discussions internes, elles de fin de vie en CHRS dépassent aujourd’hui bien largement le cadre de nos réseaux. nous 28 INITIATIVES considérons, en particulier, comme positif que ce sujet soit débattu Vers l’expérimentation de consultations dans le cadre d’une résolution à l’assemblée nationale au printemps, sociales de proximité avec la mise en place d’un comité d’enquête d’une trentaine de per- 30 PÉRISCOPE sonnes pour travailler sur ces questions. L’enjeu d’une telle prise de 32 L’INVITÉE conscience est important et nous concerne tous. Sylvia Pinel Louis Gallois, Président de la FnaRS f • N°8 / ÉTÉ 2014 - LE TRIMESTRIEL DES ADHÉRENTS DE LA FNARS ••• 76, rue du Faubourg-Saint-denis - 75010 Paris - Tél : 01 48 01 82 00 - Fax : 01 47 70 27 02 - www.fnars.org - fnars@fnars.org • Directeur de la publication : Florent guéguen • Rédactrice en chef : Céline Figuière • Rédactrice en chef adjointe : Laure Pauthier • Directeur de création : Bruno Franceschini/mokadesign • Abonnements : nora Fekkar • Impression : STiPa • Photos : Julien Jaulin - Julien Pauthier - elodie Perriot - Lionel Charrier - Seb!godefroy/FaP • Coordination du dossier : Sophia d'Oliveira Rouxel et Samuel Le Floch • Ont participé à ce numéro : Katya Benmansour, François Brégou, aurélien ducloux, alexis goursolas, marion Lignac, ninon Overhoff, audrey Sibellas • Remerciements : au Secours Catholique et au Secours islamique France.
i ACTUALiTéS 03 © elodie Perriot / Secours Catholique En attEndant lES étatS GénérauX du travail Social Quelques mois après les Journées du travail social de valence fin 2013, la FNARS publie une plateforme de propo- sitions. Celles-ci sont structurées autour de quatre grands axes : vers un droit à l’accompagnement social pour tous ; vers un conseil national de l’intervention sociale ; vers des consultations sociales de proximité ; vers une refondation des formations des travailleurs et intervenants sociaux. Ces quatre axes constituent le socle d’une approche renouvelée du travail lesquels toute personne en difficulté pourra être accueil- social lui permettant de jouer un rôle en phase avec une société dans la- lie, écoutée, conseillée, orientée et accompagnée par des quelle les situations de précarité et d’exclusion se massifient. Un accident de équipes pluridisciplinaires (intervenants sociaux, juristes, la vie (chômage, maladie, divorce…) peut être source d’une rupture qui peut psychiatres…). Ce sont ces mêmes équipes qui pourront aller faire basculer dans la précarité et l’exclusion. Ce phénomène n’est pas nou- au-devant des personnes qui ne sollicitent pas ou plus les veau. Mais il concerne de plus en plus de personnes et lorsque la précarité institutions. Ces consultations doivent être mises en œuvre s’installe, les perspectives d’en sortir sont de plus en plus incertaines. Face à partir d’expériences existantes, qui tentent de coordonner à cette fragilisation d’un nombre croissant de personnes, la FNARS propose sur les territoires des intervenants divers. Elles ne doivent le renforcement d’un droit, déjà inscrit dans le code de l’action sociale et des pas être un guichet ou un dispositif de plus. familles : celui d’un accompagnement social pour tous. Il s’agit de reconnaître Les réalités sur la pauvreté et l’exclusion sont peu ensei- que dans une société précarisée, toute personne fragilisée a le droit d’être gnées dans les écoles de formation des travailleurs sociaux. accompagnée pour trouver, avec un intervenant social, des solutions pour Or la massification, la diversité des personnes qui y sont s’en sortir et éviter la dérive vers l’exclusion. L’effectivité de ce droit néces- confrontées, la complexité de ces situations, l’interaction site notamment de dissocier l’accompagnement de dispositifs divers (par entre le social, la santé, l’économique, le rôle que doit jouer exemple un droit à l’accompagnement accordé aux allocataires du RSA) et à leur égard l'intervention sociale impliquent de revisiter le de mutualiser des moyens et des compétences entre l’État, les collectivités contenu et l’organisation de ces formations. Il s’agit notam- territoriales et une grande diversité d’institutions (associations, CAF, Pôle ment d’enseigner à tous les étudiants en travail social une emploi…). Il s’agit de permettre une approche globale des problèmes auxquels posture professionnelle qui implique résolument de faire sont confrontées les personnes en difficulté, et non des accompagnements avec les personnes, et non pas pour ou à leur place. La morcelés et non coordonnés. Pour rendre effectif ce droit, la FNARS propose FNARS propose de mettre en place des modules sur « la par- que soient créées des consultations sociales de proximité : des lieux dans ticipation des personnes accompagnées » transversaux •••
04 i ACTUALITéS ••• à l’ensemble des formations, dans lesquels doivent également intervenir des personnes accompagnées. Il s’agit aussi de mettre en place des modules Les intervenants sociaux de formation communs aux étudiants de diverses disciplines. Ainsi, une for- au conseil mation sur l’accompagnement santé des personnes en situation de préca- d’administration rité devrait être dispensée à la fois aux étudiants en travail social et dans les de la FNARS formations en santé. Enfin, les intervenants sociaux ont une expertise sur la Promouvoir la participation des intervenants précarité, la pauvreté et l’exclusion. Cette expertise doit être prise en compte sociaux à l’élaboration des politiques publiques par les pouvoirs publics dans le processus d’élaboration, de mise en œuvre et dans les instances de gouvernances des ins- et d’évaluation des politiques publiques. La FNARS propose que le Conseil titutions : telle est l’une des propositions phares supérieur du travail social soit réformé pour que les intervenants sociaux faites dans le cadre des Journées du travail so- et les personnes accompagnées y soient représentés. Il faut également que cial de Valence. Il est important que leur exper- tise professionnelle et leur connaissance fine cette instance de concertation soit en lien avec des lieux de consultation des publics en difficulté puissent servir d’aide sur les territoires où s’élaborent une expertise collective entre ces différents à la décision tant au niveau des politiques so- acteurs, tels que les CCRPA (Conseils consultatifs des personnes accueillies ciales locales qu’à celui des choix associatifs. Le et accompagnées). conseil d’administration de la FNARS a proposé François Brégou en conséquence de créer un nouveau collège : le collège des intervenants sociaux. Deux inter- venants sociaux pourront y siéger. + P lus d’informations sur : www.fnars.org Le partenariat FNARS / SNCF sur les rails En 2014, la SNCF a décidé de s’en- convention. Franche-Comté, Centre, tarifs sociaux pour les bénéficiaires gager dans une opération « Grand Île-de-France, Languedoc-Roussil- du 115 et les demandeurs d’asile nettoyage » inédite et de grande lon… De la convention de partena- ayant des besoins de mobilité pour ampleur. Objectif ? Laver et rafraîchir riat sont nés des projets partout en réaliser des démarches administra- les gares et les abords de gares par- France. Les activités concernées sont tives. Les actions de prévention et tout en France, au-delà de l’entretien variées et couvrent largement les d’éducation devraient se développer assuré tout au long de l’année. Pour domaines investis par les structures en lien avec les équipes de préven- atteindre cet objectif et donner un de l’insertion par l’activité écono- tion spécialisée. Les maraudes en signal clair d’engagement sociétal, mique (IAE) : nettoyage, déblayage, gare, qui font déjà l’objet de partena- la SNCF a souhaité embarquer dans remise en peinture, décoration riat, pourraient se multiplier. Le 5 juin cette aventure la FNARS et ses adhé- (fresques murales notamment), 2014, journée mondiale de l’environ- rents, pour une rencontre pleine de entretien d’espaces verts, menuise- nement, des événements ont eu lieu promesses entre le monde de l’in- rie, second œuvre… La FNARS et la dans plusieurs régions pour marquer sertion et celui des cheminots. Cette SNCF voient dans ce partenariat la le lancement du partenariat et pré- volonté forte de collaboration entre première étape d’une collaboration senter les premières actions initiées les deux organisations s’est concréti- à construire sur la durée, pour pré- (Nord Pas-de-Calais, Île-de-France, sée avec la signature, au mois d’avril, parer les opérations « Grand Net- Rhône Alpes…). Un premier bilan d’une convention de partenariat toyage » suivantes, mais également de la convention lors d’une journée nationale. Cette convention a ouvert pour envisager d’autres modalités nationale en présence de Guillaume la voie à des rencontres régionales de collaboration, au-delà du cadre Pepy, président de la SNCF, et de entre les représentants FNARS de l’IAE. Ainsi, les rencontres régio- Louis Gallois, est en préparation pour régionaux et les managers de l’enga- nales entre la FNARS et la SNCF ont l’automne. gement sociétal (MES) de la SNCF permis d’élaborer des pistes de col- qui pilotent régionalement cette laboration plus larges, telles que des Aurélien Ducloux Le magazine de la FNARS I ÉTÉ 2014
05 actualitéS adhérEntS La culture du don, un précieux atout Plusieurs personnes attendent avec Si l’ONG humanitaire existe depuis impatience l’ouverture de l’épicerie plus de vingt ans, elle est surtout à Saint-Denis ce jeudi. Venues seules réputée pour son travail d’urgence et ou en famille, elles savent qu’elles de développement à l’international. pourront y remplir leur sac à moindre Grâce au soutien de ses donateurs coût. En effet, après avoir constitué un (22 millions d'euros de budget par les dossier et rencontré la travailleuse dons en 2013), le Secours Islamique est sociale, elles font partie de la centaine présent dans 17 pays (Sénégal, Tchad, de ménages qui bénéficie de l’aide Maroc, Algérie, Mauritanie, Syrie, du Secours Islamique France (SIF) Liban, Palestine, Pakistan, Haïti, Mada- pendant trois mois. Paiement d’une gascar, Tunisie, Libye…). Les actions facture en attente, impayé de loyer des équipes salariées à l’étranger sont ou problèmes de santé coûteux, la multiples et vont de la construction de difficulté économique qui les a ame- puits, d’écoles ou d’hôpitaux dans les nées à solliciter le SIF s’inscrit dans un villages à l’assainissement des eaux projet pour lequel elles seront accom- en passant par le parrainage d’enfants pagnées par un intervenant social. Il ou la distribution de moustiquaires. est 10h30 quand les portes d’Epi’Sol En France, le Secours Islamique dé- ouvrent pour laisser entrer ces clients veloppe ses actions en direction des pas comme les autres. Deux jours par familles en situation de précarité, des semaine, ils peuvent en effet venir se personnes sans-abri. Elle a ouvert un servir dans les rayons de cette supe- centre d’accueil de jour au sein même rette, et ne paieront que 10 % de leur du siège du Secours Islamique, à Mas- panier une fois arrivés à la caisse. De sy, et un centre de mise à l’abri, avec quoi faciliter les choses en cas de coup 24 places pour les femmes. Au total, dur passager. Créée en 2007, l’épicerie le Secours Islamique compte 120 sala- solidaire du SIF accueille les habitants riés, dont une centaine en France, qui de Saint-Denis et de Saint-Ouen, com- travaille au siège, à l’épicerie, auxquels munes particulièrement touchées s’ajoutent environ 500 bénévoles par la crise économique. Très utile pour les maraudes sociales ou les pour remplir son frigidaire, l’épicerie distributions de repas à la sortie des l’est également pour avoir accès à une gares. Entre 10 à 15 % des personnes écoute et un suivi social, au cas par employées ne sont pas de confession cas. Dans les mêmes locaux se trouve musulmane, une ouverture souhaitée le bureau d’une travailleuse sociale par la direction de l’ONG. du SIF, qui peut les renseigner sur l’avancée de leur situation et qui est Céline Figuière disponible, sans prise de rendez-vous. Le ramadan SouS CHapiteau, proGramme 2014 pour touS, en FranCe et 1991 Durant le mois du Ramadan, le SIF organise deux grandes actions À L’internationaL création du Secours en Île-de-France : la distribution de colis en prison et les Tables du Djilali Benaboura, directeur des mis- Islamique France Ramadan, restaurant solidaire éphémère, qui a réuni près de 900 sions sociales France au SIF, insiste personnes par jour en 2013. bien sur le caractère universel de la 120 • Grâce à l’aide de bénévoles, plus de 5 500 colis seront distribués salariés dans 17 pays solidarité et précise que « le SIF est dans une vingtaine de lieux de détention en Île-de-France. Les personnes en détention pourront s’inscrire sur des listes pour une association non confessionnelle 22 miLLionS en bénéficier, qu’elles fassent le Ramadan ou pas. à vocation sociale et non culturelle. d'euros de dons reçus en 2013 • Jusqu’au 28 juillet, le SIF organise chaque soir un repas de soli- Nous aidons les musulmans et les darité sous chapiteau près du stade de France à Saint-Denis. À non musulmans » . Une information 9 000 emporter ou sur place, ces collations sont proposées à tous. peu connue des services sociaux, enfants parrainés par le SIF Dans une quinzaine de villes de France, le SIF proposera ainsi dans plus de 20 pays environ 50 000 repas et colis aux étudiants pendant la période qui orientent principalement des de Ramadan. personnes liées à l’Islam dans les dif- férentes structures du SIF, présent 2011 le SIF reçoit l’agrément du + Plus d’informations sur : www.secours-islamique.org dans le 91 et le 93, et très bientôt dans Comité de la Charte du don en le centre de Paris, ainsi qu’à Lyon. confiance
06 i ACTUALiTéS fnarS rhÔnE-alpES i un CYCLe de ConFérenCeS autour de L’aCCÈS aux droitS pour LeS JeuneS Enjeu central de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, l’accès aux droits sociaux rogera la question du « devenir adulte » dans la société française et doit être une priorité d’action des pouvoirs publics, des institutions et des travailleurs européenne aujourd’hui. Dans cette optique, la réflexion s’appuiera sociaux. Ceci est d’autant plus vrai pour les institutions, services et professionnels qui sur d’autres contextes étrangers pour mieux comprendre et mettre ont en charge l’administration, l’accompagnement et la prise en charge des jeunes. Il en perspective l’organisation et l’élaboration des parcours d’accès est souvent demandé à cette population très hétérogène d’être autonome, sans pour à l’autonomie des jeunes en France. Le cycle se poursuivra autour autant leur en donner les moyens. Partant de ces constats et de ces enjeux politiques, de la compréhension du phénomène du non-recours aux droits et des professionnels du réseau FNARS en Rhône-Alpes participant aux travaux natio- services chez les jeunes : qu’entend-on par « droits » et « services » ? naux, ont souhaité organiser un cycle de travail à destination des professionnels du Comment questionner leur accessibilité et leur attractivité, du point travail social, de l’éducation, de l’insertion professionnelle et des jeunes, en partena- de vue des personnes concernées ? À partir des questionnements riat avec l’Odenore (Observatoire des non-recours aux droits et services). L’objectif soulevés et des enseignements des deux premières rencontres, la est de proposer aux participants un croisement de regards entre les expériences des séance de clôture apportera des éléments de réponse en tentant « usagers » , les pratiques professionnelles et les travaux universitaires. Ce cycle s’arti- d’analyser et de produire des pistes d’action et des recommandations culera autour d’une problématique centrale : « Le recours aux droits sociaux chez les pour faciliter l’accès aux droits et aux services des jeunes. jeunes : obstacles, freins et leviers » et s’organisera autour de trois temps de travail entre les mois de septembre 2014 et mars 2015, à Lyon. La première séance inter- audrey Sibellas fnarS alSacE propoSer un « repaire » aux pLuS exCLuS être, les référents sociaux - déjà très nombreux - des personnes accueil- lies, nous leur proposons simplement un lieu qu’elles peuvent s’approprier comme un chez soi temporaire. Même si nous travaillons, bien sûr, en réseau avec l’extérieur, notamment avec les référents médicaux puisqu’il s’agit d’un public très fragilisé et sou- vent confronté à des addictions ou des pathologies physiques et/ou mentales » explique Thierry Houdart, directeur de l’AAHJ et délégué dépar- temental de la FNARS Alsace. Contrai- rement à la majorité des dispositifs d’hébergement d’urgence, le lieu est ouvert 24 heures sur 24 et la durée de séjour n’est pas limitée pour lais- ser le temps aux personnes d’investir l'espace et de s’ouvrir peu à peu. Autre principe fort : la co-construction du fonctionnement de la structure avec les personnes hébergées via l’organi- sation de réunions ponctuelles, sans présence obligatoire. Une démarche à Dans le secteur de l’hébergement, il demander, à part, de temps à autre, un destinées aux « situations complexes » contre-sens qui porte ses fruits : « les existe un public bien connu des asso- hébergement ? C’est la problématique repérées par le SIAO. À l’exception des personnes commencent à exprimer ciations : des personnes très désociali- à laquelle tente de répondre le projet violences physiques et de la mise en des demandes de limites à instaurer sées, ballotées de la rue aux dispositifs « Repaire » expérimenté depuis janvier danger d’autrui, la plupart des com- au sein de l’établissement » rapporte d’urgence depuis plusieurs années, qui 2014 par l’association AAHJ (Associa- portements qui entrainent habituelle- Thierry Houdart. Un premier pas. Pro- se font exclure à répétition des struc- tion d'accueil et d'hébergement pour ment l’exclusion d’une structure sont chainement, l’association espère pro- tures pour non-respect des horaires, les jeunes), située à Strasbourg. Suite ici tolérés. Le règlement de fonction- poser un groupe de parole avec une non adhésion à l’accompagnement... à un appel à projets lancé par les ser- nement a été épuré le plus possible, psychologue ainsi qu’une présence Alors quelle solution proposer à ce vices de l’État, vingt places d’accueil et aucune démarche d’accompa- infirmière pour renforcer le projet. public qui n’exprime pas l’envie de d’urgence « à haut seuil de tolérance et gnement n’est imposée. « Nous ne s’insérer et ne semble rien vouloir bas seuil d’exigence » ont été ouvertes, sommes pas, et nous ne voulons pas Laure Pauthier © Julien Jaulin Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
i DOSSiER 07 lES nouvEauX viSaGES dE l'aSSociatif ENTRETIEN AVEC GilbErt Parce qu’il a connu la vie dans la rue, la galère et la lenteur des institu- tions, Gilbert a décidé de réagir. En 2011, il a créé le Collectif des SDF de Lille. Il rencontre, écoute, accompagne et loge des personnes sans-abri, en les mettant en lien avec des propriétaires privés. © Julien Jaulin
08 i DOSSiER i lES nouvEauX viSaGES dE l’aSSociatif © Julien Jaulin « quand jE SuiS arrivé danS mon par terre pendant deux semaines, je n’avais rien du tout ! Donc on va voir vaise expérience pour moi, mais on en a besoin, c’est utile. On s’occupe des appartEmEnt, j’ai dormi par tErrE d’autres associations pour récupérer personnes autonomes qui n’ont pas pEndant dEuX SEmainES, des choses. Les premiers mois, on leur à être dans les structures. Une fois jE n’avaiS riEn du tout ! » apporte des colis alimentaires. Ensuite, qu’elles partent, elles peuvent laisser GilbErt on les aide au paiement des factures, on appelle les proprios, on gère les la place à quelqu’un qui est encore à la rue. Il n’y a pas de turnover dans l'hé- Dans quel contexte avez-vous bas- et j’ai décidé de créer le Collectif des dossiers administratifs. bergement. On dit tout le temps que culé dans la précarité ? SDF de Lille. Le Collectif est devenu c’est parce qu’il n’y a pas de logements Gilbert : J’ai travaillé pendant 30 ans une association en 2012. Stéphane Le fait d’être « passé par là » faci- à la sortie, mais, dans le privé, il y en a ! dans les marchés ou les bazars, dans et Jonathan sont partis et je me suis lite-t-il le premier contact avec les beaucoup de régions de France. retrouvé tout seul à m’occuper du personnes sans-abri qui viennent Quels sont vos projets ? J’avais une femme et un fils. Un jour, Collectif pendant huit mois. Ensuite, vous voir ? Gilbert : Nous voulons créer des j’ai retrouvé ma femme au lit avec mon j’ai recréé un Bureau en mélangeant Gilbert : Ça m’aide au niveau de la conseils de la vie sociale là où il n’y meilleur ami… j’ai tout perdu en 48 h. des gens de la rue et d’autres acteurs façon de parler. Je n’ai pas le langage en a pas encore. Ensuite, les mercre- Je suis resté deux ans en préventive du secteur social de la région. Ma d’un éducateur, on parle d’homme à dis et les jeudis, on va maintenir nos et ensuite j’ai eu du sursis avec mise trésorière est sociologue, une autre homme, il n’y a pas de règles, on est permanences dans les parcs. Mais à l’épreuve. Quand je suis sorti de personne travaille à l’URSSAF, et une libres. On a aussi nos groupes d’ex- surtout, je veux ouvrir un accueil de prison, je suis venu à Lille, j’ai dormi autre au conseil général. Deux édu- pression dans les parcs, où on mélange jour, où les personnes pourraient venir dans les parcs. La prison, c’était vrai- cateurs stagiaires, étudiants à l’école aussi bien les personnes de la rue que avec leur chien, laisser leurs bagages, ment l’horreur. En plus, on sait qu’on européenne des travailleurs sociaux des travailleurs sociaux. Je leur dis, on prendre une douche, aller sur internet va sortir mais qu’il n’y a rien derrière. de Lille, travaillent avec nous. On a est hors structure, et ils discutent entre et je veux créer une base informatique Aujourd’hui, je me bats aussi pour les environ 100 adhérents aujourd’hui, eux loin de l’institution. On a souvent pour stocker leurs papiers administra- sortants de prison. La rue, c’est aussi que l’on accompagne vraiment au cas des discussions au sein du Collectif tifs. Ce serait ouvert 7 jours sur 7. Les une prison, vous n’êtes rien. J’y suis par cas, selon leur demande. Le Collec- sur le suivi des personnes après les bénévoles seraient des personnes à la resté quatre ans, je ne voulais pas aller tif a déjà relogé 102 personnes depuis six mois d’accompagnement. Mais je rue et relogées par nous. On pourrait dans une structure. Mais j’étais crevé, 2011… J’ai actuellement 47 dossiers en suis bien placé pour savoir que quand accueillir 40 personnes. Les locaux il fallait que je me pose. J’ai appelé le file active. On travaille essentiellement on est sorti du pétrin, on veut vivre sa sont situés en face du parc rouge, là où 115, j’ai suivi la voie classique. J’ai tout avec les propriétaires privés. Les pro- vie, donc on doit les laisser tranquilles. l’aventure du Collectif a commencé. balayé, fais un trait sur le passé. Ce fessionnels se disent tout le temps, Il y a des gens dans les structures qui Propos recueillis par Céline Figuière qui me sauve c’est l’association, mon mais comment font-ils ? On va sur les n’ont pas à y être. J’arrive à reloger des combat pour défendre les inégalités, sites internet et on négocie avec les gens en une semaine. On dérange les + Pour contacter le Collectif : en étant « la voix des sans-voix » . propriétaires ! On prend des loyers structures… ça étonne ! D’autant que collectifdessdfdelille@gmail.com inférieurs à 400 euros, et on monte nous n’avons pas de diplôme. Mais je Pourquoi avoir décidé de monter le un dossier APL et FSL. Il ne reste leur explique que j’ai mon vécu. J’avais Collectif des SDF de Lille ? presque rien à payer. Quand on entre beaucoup d’ennemis au début du Gilbert : On a créé le Collectif en 2011. en contact avec des proprios, d’abord Collectif. Aujourd’hui, on fait partie du On était trois usagers de CHRS à on va les voir pour être sûr qu’il ne comité de pilotage SIAO, du conseil Lille (Stéphane, Jonathan et moi), et s’agit pas de marchands de sommeil. d’administration de la FNARS Nord on avait eu beaucoup de problèmes Ce sont des studios ou des chambres. Pas-de-Calais et de l’UNIOPSS. dans notre structure. J’étais président Et ensuite on propose entre trois et Moi j’étais à la rue, j’allais à l’accueil de du conseil de la vie sociale, et je les six mois d’accompagnement. On pro- jour tous les jours pour me connecter embêtais pas mal… Depuis 2011, mon pose aux personnes sans-abri un stu- à internet. J’ai appelé des proprios, je combat c’est la parole des usagers. dio semi-meublé, avec de la vaisselle, suis tombé sur une dame qui m’a loué Après dix mois en structure, je me des couvertures… Quand je suis arrivé un studio de 20 m2 à Lille. L’héberge- suis retrouvé une nouvelle fois à la rue dans mon appartement, j’ai dormi ment en structure a été une très mau- Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
i DOSSiER 09 un nouveau modÈLe aSSoCiatiF, À QueL prix ? L’arrivée de L’été Se Fait Cette année aveC une nou- de l’association, ne s’essouffle pas, avec une augmentation du veLLe inStaLLation de tenteS Sur Le CanaL Saint-mar- nombre de bénévoles, même en ces années de crise écono- tin À pariS. Elles ne restent que quelques heures, dans l’attente d’une mique. Recherche de sens, d’une première expérience dans réaction du Gouvernement largement sollicité pour défendre ou réhabiliter la une organisation professionnelle pour les jeunes ou de lien dignité des logements pour tous. La presse relaie, les militants sont là, un lundi social pour lutter contre la solitude, les raisons sont diverses. de Pentecôte, habitués à ne pas compter leurs heures pour tenter de se faire en- Les évolutions de la société ont malgré tout un impact direct tendre par les pouvoirs publics devant l’hégémonie grandissante de Bercy et la sur la vie associative voire la survie des associations. Avec une crispation des ministères. Difficile de savoir ce qu’en pense l’opinion publique. hausse de 73 % des commandes publiques de 2005 à 2011, les Finalement, quelle vision a-t-elle du monde associatif en 2014 ? Si l’on s’en tient modalités de financements des associations changent, tout aux commentaires des internautes qui suivent la mobilisation du Collectif des particulièrement dans le secteur social. La subvention, apa- associations unies sur le site web du journal Libération, on ne peut qu’être pes- nage de l’État providence, qui permettait aux associations simiste. Les associations y sont même décrites comme le regroupement de d’être les relais de l’intérêt général, avec une souplesse propice « mémères » qui s’ennuient. Un descriptif heureusement bien loin de la réalité. à l’innovation, n’est plus privilégiée par les pouvoirs publics, De 1901 à aujourd’hui, l’un des acteurs majeurs de la société civile propose, in- qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales, nouvelles terpelle les pouvoirs publics et s’étend, avec près de deux millions de salariés, donneuses d’ordres depuis la décentralisation. Alors, oui, l’en- plus de 15 millions de bénévoles, 78 % des emplois dans l’économie solidaire et gagement associatif est célébré par le Premier ministre qui en sociale et 85 milliards de budget. Sport, loisirs, culture, social, les domaines de fait la Grande cause nationale de 2014, et les grands principes l’associatif sont larges et évoluent différemment. L’engagement, fil conducteur sont, une nouvelle fois, co-signés dans la nouvelle charte ••• © Seb!godefroy - FaP Mobilisation du Collectif des associations unies le 9 juin au Canal Saint-Martin.
10 i DOSSiER lES nouvEauX viSaGES dE l’aSSociatif « on parlE dE mutation, d’évolution, dE métamorphoSES, maiS pErSonnE n’ESt biEn capablE dE dirE à quoi rESSEmblEra lE mondE aSSociatif danS diX, voirE cinq anS » © Julien Pauthier Florent Guéguen de la FNARS et Christophe Robert de la Fondation Abbé Pierre, porte-paroles du Collectif des associations unies. i FOCUS la commandE publiquE, unE mEnacE po Si le recours aux subventions pour finan- tionnaire. En effet, alors que, dans le cadre d’une même pas forcément les moyens de répondre cer les associations prévalait encore il subvention publique, les contours de l’action sont sans mutualiser leurs compétences. Performance y a quelques années, désormais les col- définis par l’association - en concertation avec et compétitivité se sont faites une place dans les lectivités territoriales passent de plus de les acteurs publics et en cohérence avec le projet objectifs et le vocabulaire associatif. plus par la commande publique ou les associatif propre à chacune -, c’est la collectivité appels d’offres, imposant un strict cahier qui est à l’origine de la commande publique, et L’initiative aSSoCiative miSe des charges. Une mutation des modes est seul maître d’œuvre du cahier des charges, en danGer de contractualisation qui n’est pas sans n’ayant pas le droit d’échanger avec les potentiels Sur le terrain, des projets issus de l’initiative conséquences sur l’avenir du secteur candidats. Un mode de financement qui tend à associative, impulsés grâce à la propension des associatif, et notamment sur les petites rompre le lien avec la société civile entretenu par associations à faire émerger les besoins réels et moyennes structures. les associations et à les placer en simples pres- du terrain et à lancer des expérimentations tataires de service. Des associations également innovantes, sont repris par les collectivités, et Le fort développement des commandes publiques, contraintes de revoir leur mode de fonctionne- potentiellement remis en cause par le recours à qui ont augmenté, entre 2005 et 2011, de 73 % en ment pour intégrer dans leur plan de charge le la commande publique. C’est le cas de l’entretien volume dans la nature des ressources des asso- temps nécessaire à la veille et à l’élaboration des des berges de Seine dans le Val-de-Seine qui ciations, a marqué un tournant. D’une logique réponses aux appels d’offres. Les associations était réalisé, grâce à une subvention, depuis plus basée sur l’innovation et la créativité, les asso- sont en concurrence pour remporter les appels de 17 ans par l’association Espaces qui gère des ciations basculent vers une logique plus ges- d’offres auxquels les petites structures n’ont chantiers d’insertion autour de l’entretien des Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
11 ••• d’engagements réciproques, entre l’État, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Mais sur le terrain ? Sur le terrain les conséquences et respecter les cahiers des charges. Les associations se trouvent aujourd’hui face à une massification de la pauvreté de la marchandisation du secteur ne se font plus discrètes. Au langage de l’en- et des besoins d’accompagnement de plus en plus impor- treprise se mêle l’obsession de l’évaluation, du reporting, de la performance.. tants des personnes, mais elles doivent y répondre avec des On parle de mutation, d’évolution, de métamorphoses, mais personne n’est budgets contraints. La temporalité elle-même évolue, face à bien capable de dire à quoi ressemblera le monde associatif dans dix, voire la baisse des financements pluriannuels, alors que l’associatif cinq ans. Pour « tenir » faudra-t-il répondre à des appels d’offre, avec un cahier s’est construit sur une logique de long terme. Les travailleurs des charges strict, et s’organiser pour remplir cette « prestation » de service sociaux se plaignent du manque de temps pour accompa- public en recrutant des experts et des techniciens dépourvus de militance, gner les personnes en difficulté. Comment planifier le temps tout en appauvrissant le rôle des bénévoles, sélectionnés sur leur efficacité d’une mise en confiance, d’un déclic psychologique, de la à court terme, en économisant sur tout, et notamment sur les salaires ou la réussite d’une cure de désintoxication ? Un contexte négatif qualité de l’accompagnement proposé aux personnes ? et d’autant plus frustrant que les associations ne cessent de prouver leur capacité à innover au service de l’intérêt géné- L’intérÊt GénéraL FaCe au marCHé ral. Bénévoles ou salariés, des profils variés et de plus en plus De cette vision utilitariste qui se propage, il nous est donné quelques pointus font leur entrée dans un milieu associatif qui s’ouvre exemples ailleurs ou dans d’autres domaines. Ainsi la « Big society » à la Ca- aussi aux nouvelles technologies et aux partenariats avec le meron en Grande-Bretagne, avec un désengagement de l’État et une primau- monde économique. té donnée à la responsabilité individuelle, ou bien la marchandisation du service à la personne en France. La solvabilité des personnes sera peut-être L’aSSoCiation, ForCe motriCe de La SoCiété le rempart infranchissable pour une entrée totale du secteur social dans le Lorsque les associations sont parties prenantes de la défini- marché car comment demander à quelqu’un qui n’a rien de payer pour l’ac- tion des priorités territoriales, elles parviennent à agir pour compagnement que lui propose la structure d’accueil ? Une chose est sûre, un développement local plus solidaire. Les forces associa- c’est que l’innovation associative et cette faculté qui lui est reconnue d’inven- tives locales se mobilisent, avec, notamment le lancement ter, d’expérimenter d’autres solutions pour un meilleur vivre ensemble, est des pôles territoriaux de coopérations économiques en jan- aujourd’hui mise en danger quand elle fait le grand écart entre l’État, qui fait vier dernier, avec une enveloppe de 3 millions d’euros de d’elle un prestataire, et le marché qui l’infiltre. Elle doit aussi s’adapter à la l’État pour la période 2013/2014. Parce que le milieu associa- volatilité du bénévolat, qui s’il est en hausse, se fait plus ponctuel et moins tif sait innover mais également créer de l’emploi, il multiplie attaché au projet de l’association. « Sans bénévoles, pas d’associations », rap- les partenariats constructifs avec les entreprises sociales ou pelle pourtant Dominique Thierry, président de France bénévolat, qui veille classiques, au cœur de l’essor de l’économie solidaire et so- à ce que cette forme d’engagement citoyen garde sa double finalité « en étant ciale. Partenariats également valorisés par certains conseils à la fois une ressource du milieu associatif et un levier d’inclusion sociale. Un généraux, et notamment celui de Meurthe-et-Moselle, qui, © Julien Pauthier bénévole n’est pas un salarié qu’on ne paye pas ! ». Pourtant il faudra bien trou- confirme son appui à l’initiative associative en appelant les ver des solutions pour répondre aux appels d’offres des pouvoirs publics associations à agir sur les politiques publiques en amont, ••• cE pour lES aSSociationS ? espaces naturels avec des personnes en situation comme le bon de commande qui conditionne d’exclusion. Mais, récemment, la communauté à la fois le démarrage de l’action et sa durée. d’agglomération Grand Paris Seine Ouest est Comme, par exemple, pour ce marché public passée de la subvention à la commande publique lancé pour redynamiser les allocataires du RSA dans le cadre d'un marché d'insertion (article 30). limité à 70 heures, ni plus, ni moins. « Ce type « Le marché a été établi sous forme de lots avec de commande nie la capacité associative à faire des tranches fermes et des tranches condition- intervenir des bénévoles et à mutualiser les finan- nelles, dont fait partie l’entretien des berges de cements » , déplore Yann Fradin. L’enjeu est donc Seine. L’appel d’offres a été lancé quatre mois de réaffirmer auprès des collectivités l’attribution après la fin de la subvention, délai beaucoup trop des subventions notamment pour les actions long qui a impliqué un différentiel non rémunéré. pérennes. C’est l’un des objectifs de la nouvelle Enfin la tranche relative à l'entretien des berges charte d’engagements réciproques entre l’État, de Seine n'a jamais été affermie entaînant l'arrêt les collectivités territoriales et les associations, de l'activité. », explique Yann Fradin, directeur signée mi-février par le Premier ministre, qui pro- général de l’association Espaces. Avec des délais meut le recours à la convention annuelle ou plu- d’appels d’offres pouvant aller jusqu’à un an dans riannuelle d’objectifs. les grandes collectivités, ce manque de souplesse représente un frein pour les associations. Tout Laure Pauthier
12 i DOSSiER i lES nouvEauX viSaGES dE l’aSSociatif TRIBUNE DE michElchauviÈrE © Seb!godefroy - FaP Michel Chauvière est directeur de recherche au CNRS et auteur de plusieurs ouvrages dont « L’intelligence sociale en danger » , et « Trop de gestion tue le social. Essai sur une ••• et non pas en tant que simple exécutantes. Sous la prési- discrète chalandisation » , parus aux Éditions “ dence de Mathieu Klein, successeur du regretté Michel Dinet, La Découverte (2007 et 2011). la Meurthe-et-Moselle « a lancé des conférences territoriales de développement durable où l’on décide des priorités de l’action La chalandisation du secteur est arrivée silencieuse- départementale territoire par territoire avec les conseillers géné- ment, c’est pour moi une corruption dans le sens d’une raux, les maires et les représentants du monde associatif, qui transformation fondamentale des valeurs. Une sorte de ne sont pas là juste pour demander des subventions mais qui révolution culturelle, qui est caractéristique des années interviennent en amont des politiques publiques et bénéficient 2000, mais qui a commencé bien avant, notamment d’un espace d’interpellation du conseil général. On essaie de avec le traitement des compétences sociales lors de la première loi travailler ainsi dans une logique de socle de sérénité donc plu- sur la décentralisation et avec les lois de « rénovation » au début des riannuelle ». Département qui met aussi en place une logique années 2000. Puis, en 2006, une loi dite de cohésion sociale, a même de « couveuse citoyenne » pour aider les personnes à déve- carrément ouvert le marché de l’aide à domicile. La transformation lopper leurs projets, en leur apportant un soutien financier s’est faite également à la suite d’accords de libéralisation des services pendant trois ans. D’autres acteurs du secteur social, comme aux niveaux international et européen. après la directive Bolkestein, Michel Jezequel, directeur de l’association Don Bosco dans la directive sur les services de 2006 a vu son application s’échelonner le Finistère, ont relancé le processus démocratique dans leur en France sur une dizaine d’années. il y a donc un vent général où association, en élargissant le collège des bénévoles, à la fois rien ne doit plus faire obstacle au marché et beaucoup ont intério- au niveau de la gouvernance et sur le terrain opérationnel, risé l’idée que le social est aussi une offre de service sur un marché et qui, comme lui, envisagent de créer un poste spécifique à donné. Pourtant les deux siècles qui nous séparent de la Révolution la vie associative. Cette force de créativité associative passe française ont développé ce secteur sur un mode non marchand, que irrémédiablement par une autonomie préservée grâce à la réponse soit donnée par l’État ou par des associations guidées par une diversification de ses modes de financement, source en l’intérêt général, dans le cadre de la solidarité nationale et partageant outre, de coopération élargie avec la société civile. La nou- l’idée que les exclus et les hors système sont nos semblables et qu’ils velle loi sur l’économie sociale et solidaire, qui donne enfin ont des droits sur la collectivité même s’ils ne contribuent pas. Ce une définition législative de la subvention, encourage elle- n’est donc pas une pensée marchande. C’est pourquoi, nous devons même de nouvelles modalités de financement du secteur réhabiliter l’État providence pour des raisons d’humanité et de jus- en renforçant par exemple les titres associatifs. La FNARS tice sociale. C’est une conquête, un progrès, contre la barbarie et la s’est d’ailleurs fortement mobilisée lors des discussions sur guerre. Pour cela, il faut prendre l’argent où il est et il n’est pas chez le texte de loi pour préserver la capacité des associations à les pauvres ! il faut relancer la redistribution des richesses et lutter agir librement pour l’intérêt général. contre l’évasion fiscale, sinon il faudra des décennies pour remon- Une mobilisation qui continuera avec un rôle des fédérations ter cette organisation. il y a, hélas, bien peu de gens aujourd’hui comme la nôtre renforcé pour apporter appui et soutien à capables de dire comment c’était avant la Sécurité sociale… alors que leurs associations adhérentes dans cette importante trans- le risque d’y retourner existe. il nous faut donc retrouver le sens de formation, avec des plaidoyers rassembleurs pour garantir l’intérêt général toujours supérieur aux intérêts particuliers. il faut une vie associative riche, militante, convaincue et convain- une autre génération d’hommes politiques, bons gestionnaires sans cante. doute mais avec de vraies références culturelles, sachant reconnaître le vivier que représentent les associations et redonner de la valeur Céline Figuière aux métiers de l’humain contre le tout marché. » Le magazine de La FnaRS I ÉTÉ 2014
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