POLITIQUE DU LOGEMENT : TERRITORIALISATION TOUTE ! - ADCF
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Mai 2018 • N° 230 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E DOSSIER P.8 Politique du logement : territorialisation toute ! DANS L’ACTU P.2 • BANLIEUES : PRIORITÉ À UN « CHANGEMENT DE MÉTHODE » FOCUS P.4 • QUELLE GOUVERNANCE DES VILLES EN EUROPE ? DROIT P.16 • LES CIRCUITS DE DÉLÉGATION DU DROIT DE PRÉEMPTION URBAIN FINANCES P.17 • SUPPRESSION DE LA TAXE D’HABITATION : LES SCÉNARIOS DU RAPPORT BUR-RICHARD POPSU P.18 • INTERVIEW D'HÉLÈNE PESKINE © IStock/Getty Images ET DE JEAN-MARC OFFNER TERRITOIRES P.19 • UNE DÉMARCHE TRANSVERSALE DE CENTRE-VILLE
DANS L’ACTU © Lionel Pagès ÉDITORIAL Jean-Luc Rigaut président de l’AdCF Banlieues : priorité à un « changement de méthode » © Ludovic Marin Agir ensemble « Ce que tu fais pour moi, mais sans moi, tu le fais contre moi » dit le proverbe africain, parfois attribué à Gandhi. Même si elle peut apparaître très radicale, cette formule a le Emmanuel Macron n’a pas voulu présenter, le 22 mai, un nouveau mérite de souligner la volonté des individus « plan banlieues », préférant des actions plus opérationnelles. d’être maîtres de leur destin. Dans le monde contemporain, elle traduit les attentes Leur objectif : un retour au droit commun et la garantie des droits réels. d’implication des citoyens dans la construction U des décisions publiques. Les politiques « top n mois après la remise du rapport Borloo et de dans les territoires fragiles, adossé à la future Agence down », décrétées d’en haut par quelques ses 19 programmes d’actions, les annonces du nationale de la cohésion des territoires. sachants réunis en comités d’experts, ne président de la République étaient très attendues. fonctionnent plus. Fussent-elles bien inspirées Évoquant « un changement de méthode et de philoso- S’appuyer sur les grandes entreprises sur le fond, ces politiques verticales se phie », Emmanuel Macron a refusé l’idée d’un « énième Le président a rappelé le financement de 30 000 nouvelles heurtent à de tels rejets sur la forme qu’elles plan Banlieues », le 22 mai à l’Élysée. Il préfère la mise places de crèche d’ici 2022 et le soutien aux communes en deviennent inefficaces et contestées. en place de pactes ou de protocoles sur des actions opé- prêtes à investir à 1 000 euros par place de crèche dans Ce constat est désormais largement partagé, rationnelles qui seront annoncés ou précisés en juillet les quartiers prioritaires. imposant d’inventer des nouvelles méthodes Une bourse des stages va être créée intégrant 30 000 offres collaboratives. Mais le passage du dire au faire, de stage aux collégiens de 3e résidant dans les quartiers et de l’intention à l’acte, reste complexe. Impulser un État (15 000 portées par l’État, 15 000 par les entreprises). Autre annonce : l’ouverture « sans limite des prépas apprentissage facilitateur de projets « Des compromis sont pour valoriser les initiatives à tous les CFA et lycées professionnels volontaires ». De plus, en juillet, Emmanuel Macron réunira les 120 plus grandes nécessaires pour décider locales entreprises françaises autour d’« engagements concrets ». Pour favoriser l’emploi et la lutte contre les discriminations, collectivement » un testing sera lancé pour suivre ces entreprises durant trois et septembre. Les financements n’ont pas été abordés ans. Un testing également possible pour « les collectivités Comment coconstruire la décision avec les pour l’instant. Instance de suivi, le Conseil présidentiel candidates ». Il a également évoqué la lutte contre le racisme parties prenantes ? Qui associer ? Quel débat des villes a été installé et se réunira tous les deux mois. et l’antisémitisme, et contre les violences faites aux femmes. organiser ? Quel arbitre au final ? Ces questions Le chef de l’État plaide pour un retour au droit commun et reviennent désormais en boucle dans nos la garantie des droits réels. Selon lui, l’enjeu est d’impul- « Banco » au Pacte de Dijon débats de société. Sans qu’une réponse ser un État facilitateur de projets afin de valoriser les Le président a estimé que « le niveau pertinent, sur magique s'impose. Qui dit concertation ou initiatives locales. En clair, un « État qui accompagne » lequel au maximum on doit essayer de raisonner, c’est participation ne dit pas consensus spontané. plutôt « qu’un État qui contrôle ». Dans le détail, il a celui de la métropole et de l’agglomération ». Une bonne Les divergences de points de vue, les conflits présenté une série de mesures en faveur des habitants échelle, selon lui, pour la mixité, l’habitat, l’emploi ou d'intérêts ou d'usage traversent les sociétés des quartiers, en insistant sur la sécurité, l’éducation, les mobilités. Il a ainsi dit « banco pour le Pacte de démocratiques avancées. Des compromis sont le logement ou l’emploi. Dijon », initiative lancée début avril par France urbaine nécessaires pour décider collectivement et et l’AdCF, qui se veut une feuille de route des métropoles s’efforcer de dégager une idée du bien commun. Rénovation urbaine confirmée et des agglomérations s’engageant à « prendre leurs Consulter, concerter, faire participer… ne Le déploiement de la police de sécurité du quotidien à responsabilités dans la résorption des fractures urbaines doivent ni conduire à l’impuissance collective partir de septembre (1 300 effectifs supplémentaires d’ici et sociales » tout en appelant l’État à jouer pleinement ni à la simple ratification formelle de choix 2020 dans 60 quartiers) a été rappelé. Une réflexion est son rôle. À la date du 22 mai, 77 intercommunalités déjà faits. Mais entre paralysie et parodie, il reste encore d’importants espaces pour aussi lancée pour mieux associer les polices municipales. ont signé ce pacte. La position d’Emmanuel Macron inventer de nouvelles manières de décider Un partenariat renforcé visera à « améliorer et systé- constitue une satisfaction pour les deux associations qui en associant les parties prenantes. matiser le travail avec les maires ». En matière de lutte restent néanmoins « vigilantes quant au suivi d’actions Cette question du « agir ensemble » sera au contre la radicalisation, il est demandé un « dialogue » concrètes et effectives liées aux engagements du Pacte ». cœur de la prochaine convention nationale plus important entre le maire et le préfet sur de l’AdCF, qui se tiendra à Deauville les 4 et les personnes « les plus à risque » (fichiers F). La place de l’Anru est confirmée - « un bon ins- 5 octobre prochains. Sur tous les thèmes qui trument » - avec même l’annonce d’une relance Le niveau pertinent est celui de la forment le cœur du projet de territoire et des compétences communautaires, nous voulons de cet outil, « abîmé ces dernières années ». Dès métropole et de l’agglomération mettre en débat et comparer les pratiques qui juillet sera mise en route l’opération « Cœur visent à impliquer les parties prenantes : élus, de quartier », sur le modèle de « Cœur de ville » (villes Les réactions d'autres associations d’élus aux annonces citoyens, associations, entrepreneurs… Depuis moyennes), qui concernera une dizaine de projets prio- présidentielles ont été plutôt mitigées. « Il ne peut pas plus de 20 ans, la coopération intercommunale ritaires prêts à être lancés d’ici six mois. Par ailleurs, y avoir d’ambitions sans moyens », souligne l’associa- diffuse cette culture du « faire ensemble » le chef de l’État a confirmé le financement à hauteur tion des maires de France alors que Ville et Banlieue dans nos territoires. Mais nul ne doute de dix milliards d’euros du nouveau programme de regrette que « seule une poignée de suggestions issues des progrès qui restent à accomplir. renouvellement urbain. Autre mesure : la création d’un de la concertation ait été retenue ». « opérateur de rattrapage » pour l’accès aux équipements Philippe Pottiée-Sperry
DANS L’ACTU 3 Une feuille de route pour l’économie circulaire En bref A 25 mai près plusieurs mois de concertation, le Premier des bouteilles plastique et des canettes là où les taux de ministre, Édouard Philippe, et Brune Poirson, collecte sont les plus bas, étendre le principe pollueur/ secrétaire d’État auprès du ministre de la payeur… S’y ajoute l’adaptation de la fiscalité pour 2018 Transition écologique et solidaire, ont publié, fin rendre la valorisation des déchets moins chère que leur C’est la date d’entrée en vigueur du « RGPD » (règlement général sur la protection des données) encore trop méconnu. avril, la feuille de route nationale pour l’économie élimination, en réduisant le taux de la TVA pour le Objectif : renforcer les droits des personnes et responsabiliser circulaire (Frec). Elle contient 50 mesures qui visent recyclage et en augmentant les tarifs de la taxe générale les acteurs traitant des données à caractère personnel. Pour « une économie 100 % circulaire ». Il s’agit de réduire sur les activités polluantes (TGAP) pour la mise en les collectivités, cela signifie une mise en conformité avec les de moitié les déchets mis en décharge et de tendre décharge et l’incinération. « Toutes les collectivités règles, leur respect et la désignation d’un délégué à la protec- vers 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025. Les qui s’engagent dans une vraie démarche en faveur de tion des données (DPD) pouvant être désigné en interne ou marges de progrès sont importantes, « la France l’économie circulaire verront leurs charges baisser, mutualisé entre plusieurs structures. La tâche s’avère souvent étant en retard par rapport à beaucoup de ses voisins indique le ministère. Une trajectoire pluriannuelle complexe avec l’open data qui implique pour les collectivités européens en matière de valorisation des déchets devra être proposée pour laisser le temps aux acteurs de vérifier que toute mention personnelle soit bien supprimée ménagers », reconnaît le ministère de la Transition de s’adapter ». Une concertation sur ce projet et ses ou anonymisée avant la mise en ligne, sauf si un consentement a pu être recueilli. écologique et solidaire. Il évoque « un levier majeur modalités sera menée dans le cadre de la Conférence de la baisse des émissions des gaz à effet de serre » nationale des territoires. Les collectivités volontaires ce qui explique que la Frec fasse partie intégrante pour mettre en place la tarification incitative, et per- Trois projets de loi pour du Plan climat, présenté en juillet dernier. mettre ainsi à leurs administrés de payer moins s’ils la réforme des institutions trient mieux, « seront aidées financièrement pendant La future réforme des institutions se compose Augmenter les tarifs de la TGAP trois ans ». Parmi les réactions des élus, une inquiétude de trois projets de loi qui ont été présentés aux Parmi les mesures annoncées par le gouvernement : existe sur la TGAP et les risques de répercussion de conseils des ministres des 9 et 23 mai. Le projet simplifier et harmoniser le geste de tri, améliorer sa hausse sur les dépenses publiques locales. de loi constitutionnelle contient notamment le « droit à la diffé- l’information du consommateur, accélérer la collecte Philippe Pottiée-Sperry renciation » pour les collectivités, qui leur permet de déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives et réglemen- taires régissant l’exercice de leurs compétences. Pour leur part, les deux projets de loi (organique et ordinaire) prévoient de diminuer d’un tiers le nombre de parlementaires, d’intro- duire 15 % de proportionnelle pour l’élection des députés ou de limiter à trois le nombre de mandats locaux consécutifs dans le temps (prise en compte du mandat en cours). Cette dernière disposition ne n’appliquera pas aux maires de com- munes de moins de 9000 habitants ni aux présidents de communautés de moins de 25 000 habitants. Manque de places pour l’accueil des moins de trois ans Le dernier rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), remis à Agnès Buzyn, estime insuffisantes l'offre et la qualité de l'accueil des enfants de moins de trois ans. Son constat : La Frec fixe 50 mesures relatives aux gestes de tri, à l'approfondissement du principe pollueur/payeur ou encore à des questions un « ralentissement important » des créations de places et de de fiscalité. / © IStock/Getty Images fortes inégalités territoriales. Le HCFEA plaide pour des objec- tifs qualitatifs et quantitatifs de développement de l’offre. Le nombre de places à créer au cours des cinq prochaines années Meilleure santé financière est évalué a minima à 230 000, pour répondre aux besoins les plus immédiats. Il est préconisé de développer les fonctionne- ments en réseau (relais et maisons d’assistantes maternelles) et de « rationaliser les aides versées aux collectivités en des collectivités prenant en compte leur potentiel financier », dans un souci d’égalité entre territoires. L es collectivités ont pu reconstituer leurs marges baisse des dotations de l’État et la hausse des recettes « de manœuvre financières depuis deux ans au prix d’efforts conséquents sur leur gestion, mais expliquent cette situation. Mais il existe des « dispa- rités importantes entre niveaux de collectivités et au Il l’a dit... également en raison de recettes conjoncturelles (notam- sein d’un même échelon ». Autre point positif : un faible ment des droits de mutation à titre onéreux) ». Tel est recours à l’endettement. Les dépenses d’investissement le constat de la dernière « Note de conjoncture sur resteraient, au global, autofinancées. Les emprunts se les finances locales » de la Banque postale, publiée stabiliseraient autour de 17 milliards d’euros tandis que le 15 mai. Parmi les conséquences de cette embellie les remboursements progresseraient de façon limitée. financière : une hausse de 4,9 % de l’épargne brute (43,7 milliards d’euros). L’explication réside dans une faible croissance des dépenses de fonctionne- Les collectivités ont ment prévue cette année (+0,9 %). De quoi largement reconstitué leurs marges de © Joel Saget respecter la nouvelle obligation de ne pas dépasser 1,2 % de hausse, inflation comprise, imposée par le manœuvre financières depuis gouvernement. Dans le détail, les dépenses de person- nel – premier poste de dépenses – ne progresseraient deux ans « La Caisse des dépôts doit être la caisse de l’égalité que de 0,8 % contre +1,4 % en 2017. Il s’agirait d’un des des territoires. Travail d’optimisation et d’unification plus faibles taux d’augmentation de ces 20 dernières Tous ces bons résultats devraient donc confirmer la de nos savoir-faire, la Banque des territoires a pour années, dû notamment au report de l’application reprise de l’investissement local déjà entamée en 2017. priorité de financer les opérateurs et les collectivités du protocole Parcours professionnels carrières et Ses dépenses atteindraient 52,7 milliards d’euros en 2018, ayant le moins accès aux financements. Sa capacité rémunérations (PPCR), au gel du point d’indice ou soit une augmentation de 6,1 %, après +5 %. Les montants sera de 20 milliards d’euros par an. Avec la Banque au rétablissement du jour de carence. d’investissement demeurent cependant bas en compa- des territoires, la Caisse des dépôts sera encore plus raison de ceux observés au même moment du mandat forte et plus présente pour lutter contre les fractures Reprise confirmée de l’investissement précédent. Par ailleurs, pour 2019, plusieurs éléments territoriales et les inégalités sociales depuis les territoires ruraux jusqu’aux métropoles ». En parallèle, les recettes de fonctionnement demeure- pourraient entraîner un certain attentisme (incertitude Eric Lombard, raient dynamiques (+1,6%) pour s’élever à 226,3 mil- sur les ressources notamment), prédit la Banque postale. directeur général de la Caisse des dépôts liards d’euros, estime la Banque postale. L’arrêt de la Philippe Pottiée-Sperry www.adcf.org • N° 230 • MAI 2018
4 FOCUS VILLES EN EUROPE Quelle gouvernance des villes en Europe ? Quelle dynamique suivent les grandes villes européennes ? Un rapport produit par la Commission européenne en 2016 met en évidence la stabilité des équilibres territoriaux en Europe. Une caractéristique qui contraste avec la croissance des grandes métropoles des autres continents. Existe-t-il cependant des spécificités nationales à l’intérieur de l’Europe ? © IStock/Getty Images Ce focus a vocation à présenter des grands repères pour comprendre les évolutions à l’œuvre. Par une approche comparative, puis des zooms sur plusieurs pays, il offre un regard sur les grandes villes européennes et leurs transformations institutionnelles. Et par là même, ouvre une perspective décentrée sur les dynamiques des villes françaises. Patrick Le Galès © Caroline Maudfroid, Sciences Po view Politologue, Sciences Po « Le modèle européen des villes apparaît particulièrement robuste » Professeur et directeur de recherche à Sciences Po, doyen de l'École urbaine et récemment honoré de la médaille d'argent du CNRS, le politologue Patrick Le Galès a étudié le rapport The State of European Cities publié par la Commission européenne. Il en dégage les principales évolutions des villes à l’œuvre en Europe. Quels enseignements peut-on connaissent dans l’ensemble une forte l’Irlande. Cependant, on peut suggérer que La tendance au renforcement des autorités tirer du rapport sur les villes dynamique économique, démographique les récentes évolutions en France comme métropolitaines, intercommunales ou de la Commission européenne ? et de productivité, accroissant les écarts ailleurs vont dans le sens de tentatives plussupracommunales est également assez Ce rapport rassemble des données de 2005 à avec les moyennes nationales. nette, avec une progression 2015, ce qui permet de voir les transforma- Ensuite on voit se renforcer en Europe la du modèle du leadership tions dues à la crise économique. Pendant logique de métropolisation, qui vaut autant La tendance au renforcement par un maire élu. Mais si la période précédente, on avait identifié la pour les villes européennes, la Commission celle-ci était forte dans robustesse du modèle européen des villes, la prenant comme mesure les métropoles des autorités métropolitaines, les années 1990, les évo- macrostabilité de long terme, la dynamique de 300 000 à 3 millions d’habitants, que intercommunales ou supra- lutions dans les années densité des capitales régionales, capitales de pour les deux grandes métropoles Londres récentes sont assez lentes petits États, métropoles de 200 000 à deux et Paris, de 10 à 12 millions d’habitants. communales est assez nette et non systématiques, sans millions d’habitants partout en Europe, Démographie, migration, développement compter les déceptions à l'exception du déclin des villes indus- économique, productivité, attraction des ou moins réussies de recentralisation par et les échecs. C’est en Europe orientale trielles et de quelques autres cas. L’Europe flux de population et d’investissement : les les finances. La majorité des pays européens que les transformations sont les plus est une exception dans le monde, avec peu écarts se creusent avec les autres territoires a accumulé une dette, dont la réduction spectaculaires. de megamétropoles ou villes-mondes de en Europe. passe par une contrainte financière accrue Propos recueillis par la rédaction 10 ou 15 millions d’habitants et une forte On note cependant, premièrement, que sur les autorités locales. densité de villes moyennes et petites. l’Europe orientale est différente. Les villes, avant tout les capitales (Bratislava, Prague, Budapest…), sont dans une logique de rattra- Les villes en Europe : un rapport à lire page de la moyenne européenne en termes Les villes de revenus. Les autres villes, moyennes ou Le rapport de la Commission européenne consacré aux villes en Europe constitue une mine d’informations. Utilisant la nouvelle nomenclature statistique d’Eurostat, il européennes occidentales petites, sont fortement en déclin, la ten- propose d’abord une mise à jour utile des catégories de territoires. Pour neutraliser connaissent une forte dance étant encore plus nette dans les pays les différences de découpage administratif d’un pays à l’autre – et les fortes disparités du maillage élémentaire communal –, le rapport tient compte à la Baltes. L’Allemagne orientale entre éga- dynamique économique, lement dans ce schéma. Deuxièmement, fois de la densité démographique des territoires et des interdépendances ville- campagne. Cette méthode fait ressortir trois réalités distinctes : les cities (grandes démographique et de certaines régions sont particulièrement agglomérations ou métropoles), les towns (agglomérations de taille moyenne) et les touchées par le déclin démographique ou rural areas (campagnes polarisées ou non par une petite ville ou un bourg-centre). productivité économique, sauf une ou deux métropoles Dans une approche comparative, le rapport met en évidence une donnée méconnue : comme le nord industriel de l’Angleterre depuis 1975, les équilibres territoriaux démographiques entre les cities, les towns et Si l’on s’en tient aux questions d’évolution, et le Mezzogiorno. les rural areas sont d’une remarquable stabilité en Europe contrairement aux autres continents, où la croissance des très grandes mégalopoles s’opère au détriment des de dynamiques économiques et démogra- autres espaces. Le rapport développe ensuite des analyses comparées des grandes phiques, plusieurs points me paraissent Des réorganisations territoriales villes européennes à travers une large gamme de thèmes et d’indicateurs (logement, importants. On pouvait craindre tout ont été opérées. Quelles tendances transport, économie, recherche, environnement, culture, cohésion sociale…). Le dernier d’abord que la crise économique, après se dégagent en matière de gestion chapitre porte sur la gouvernance des villes et leur organisation institutionnelle. Le 2008, contribue à profondément transfor- des villes ? modèle intercommunal français, certes stimulé et justifié par l’exceptionnelle densité mer le modèle européen des villes. Pour Le rapport met bien en évidence la ten- des communes, y apparaît plutôt comme une démarche exemplaire. l’instant, ce n’est pas le cas. Élaboré pour dance, de longue durée, à la décentralisa- l’Europe occidentale, ce modèle apparaît tion, au renforcement de l’autonomie locale, Rapport The State of European Cities, Commission euro- particulièrement robuste et demeure per- du contrôle des finances locales, avec des péenne, 2016, téléchargeable en ligne tinent. Les villes européennes occidentales exceptions comme la Grande-Bretagne et MAI 2018 • N° 230 • www.adcf.org
FOCUS 5 Grandes métropoles européennes : préoccupations communes, réponses diverses Si la plupart des grandes conurbations européennes sont confrontées à des enjeux de coordination des politiques publiques et de structuration d’une « autorité métropolitaine », les réponses institutionnelles restent extrêmement diverses. La question du leadership politique et de la légitimation démocratique est partout posée, mais les progrès se révèlent mesurés. D epuis près de deux décennies, la plupart des pays européens se sont efforcés de repenser l’organisation politique et administrative de leurs plus grandes agglomérations. La Commission européenne s’est elle-même dotée d’un agenda spécifique pour penser la place des métropoles au sein de l’Union et leur dédier des programmes d’intervention spécifiques. Cette préoccupation commune n’est pas contradictoire avec le constat d’une très grande diversité des choix orga- nisationnels retenus par les États membres et des difficultés sérieuses à structurer des autorités métropolitaines de nature politique. La création du Grand Londres par le Le modèle du Grand Londres a récemment fait des émules parmi les autres grandes villes anglaises. / © IStock/Getty Images gouvernement Blair a parfois servi de modèle de coopération intermunicipale assimilable par plusieurs gouvernements successifs des connexions organiques, financières et à l’intercommunalité française, à savoir (Berlusconi, Prodi, Renzi…) ont réactivé politiques très étroites. La création du Grand Londres par le gou- assis sur des transferts de compétences le chantier de la structuration de ces Depuis la loi Maptam, une grande conur- vernement Blair, à la fin des années 1990, volontaires (et pour une part obligatoires) autorités métropolitaines. L’Italie étant bation française fait figure en Europe a parfois servi de précédent et de modèle et des instances élues procédant des com- constituée de régions mais aussi de pro- de laboratoire assez inédit : la nouvelle à suivre. L’élection directe de son maire munes, soit de structures techniques de vinces, échelons intermédiaires inspirés métropole de Lyon. Issue de la fusion a constitué une référence souvent citée. Il type société d’économie mixte ou agence. du département français depuis la période avec l’ancien département du Rhône, convient néanmoins d’avoir à l’esprit plu- Les instruments de pilotage des grandes napoléonienne (comme en Espagne), des sieurs spécificités du modèle anglais, carac- politiques métropolitaines sont alors de oppositions radicales se faisaient jour térisé par l’absence de ville-centre (Londres caractère technique, souvent fragmentés, entre ces métropoles émergentes et les La fragmentation est organisée en boroughs, conseils locaux et manquent à la fois de transversalité et provinces concernées. Le choix italien a élus dotés de compétences de proximité, de légitimation démocratique. été de faire disparaître ces dernières en les institutionnelle des mais sans mairie centrale), l’inexistence Un dernier cas de figure, relativement fusionnant avec les nouvelles métropoles. grandes conurbations de collectivités assimilables à nos dépar- répandu dans les États fédéraux, voit les Restait à traiter la délicate question de tements ou régions et un intervention- États fédérés des grandes villes assumer l’élection spécifique des exécutifs métro- appelle l’émergence nisme très puissant de l’État. La réforme directement les compétences et préroga- politains. Dans un premier temps, plu- d’autorités Blair a néanmoins fait émerger un réel tives de nature « métropolitaine ». C’est sieurs formules prévues par la loi étaient leadership politique à l’échelle du Grand le cas à Berlin ou Hambourg, mais aussi envisageables et laissées au choix local, métropolitaines Londres, portant une sur la base d’un référendum. Cette option stratégie sur les grandes s’est avérée impraticable dans les faits et celle-ci n’est plus une intercommunalité politiques publiques (trans- Les débats actuels internes a conduit le gouvernement Renzi à opter classique et verra en 2020 son assemblée port, planification urbaine, pour une désignation de plein droit du et son exécutif procéder d’une élection attractivité économique…). à la métropole du Grand Paris maire de la ville principale (Rome, Naples, distincte, déliée de l’élection municipale. Cette résurrection de rappellent ceux qui peuvent exister Florence, Milan…) en tant qu’exécutif de L’articulation des communes (notamment l’autorité métropolitaine la métropole-province. de la ville-centre) avec la métropole sera londonienne, après la à Barcelone de fait très riche d’enseignements pour suppression des comtés Un laboratoire inédit d’éventuelles transformations d’autres métropolitains par Margaret Thatcher au à Bruxelles. Copenhague s’en approche. Au sein de ce panorama extraordinaire- grandes intercommunalités. début des années 1980, a plus récemment L’existence d’un État fédéré (Land…) ou ment varié, l’expérience française apparaît En tout état de cause, il ressort de l’analyse fait des émules dans les autres grandes d’une région autonome à forts pouvoirs, relativement originale et avancée, en assu- comparée européenne une assez grande conurbations anglaises. À Manchester, comme à Madrid, suscite une concurrence rant désormais une élection directe des élus variété de configurations et de choix ins- Birmingham, Liverpool et dans d’autres institutionnelle entre ce niveau infra-éta- intercommunaux et métropolitains dans un titutionnels pour répondre à des soucis territoires urbains de l’Angleterre, de nou- tique et les associations de municipalités cadre municipal « fléché ». Cette élection communs. Même dans les pays disposant velles autorités métropolitaines ont vu pour assumer le leadership métropolitain. directe, combinée à l’élection municipale de communes très vastes, notamment dans le jour depuis quelques années grâce au Les débats actuels internes à la métropole et inspirée de la loi Paris-Lyon-Marseille les pays scandinaves, la fragmentation ins- processus de dévolution. Des maires de du Grand Paris rappellent ceux qui peuvent (couplage de l’élection des conseils d’arron- titutionnelle des grandes conurbations ces nouvelles entités ont été élus au suf- exister à Barcelone ou dans d’autres grandes appelle l’émergence d’autorités frage universel, selon des règles variables villes européennes. Les compétences s’en- métropolitaines en charge de la et choisies localement, en 2017. chevêtrent souvent, imposant des outils gestion des politiques stratégiques de coordination « multiniveaux » plus ou L’expérience française structurantes. Leur assise sur un Des concurrences verticales moins efficaces. apparaît relativement originale leadership politique autonome Jusqu’à un passé récent, seule la région Engagée au début des années 1990, la et une élection spécifique, déta- urbaine de Stuttgart était souvent citée création législative des métropoles en et avancée chés du niveau inframétropolitain en Europe pour s’être constituée sous la Italie est d’abord restée une page blanche, (municipalités) ou du niveau supé- forme d’une autorité métropolitaine dotée sans traduction institutionnelle véri- dissement et du conseil municipal), semble rieur (Land, région autonome, province…) d’une élection spécifique. Dans les autres table en dehors du cas particulier de se rapprocher de l’expérience portugaise. reste encore une nouvelle frontière que peu pays de l’Union européenne, les autorités Bologne. Vingt ans plus tard, les lois de Elle organise une administration locale à de pays franchissent. métropolitaines relèvent soit d’un modèle réorganisation institutionnelle portées deux niveaux, tout en préservant entre eux Nicolas Portier www.adcf.org • N° 230 • MAI 2018
6 FOCUS VILLES EN EUROPE Allemagne : une culture de proximité et de coalition Simple en apparence, le découpage territorial allemand dépend des Länder, de l’appartenance à une zone rurale ou urbaine, de seuils démographiques mais aussi des fusions de communes réussies ou non dans les années 70… L a fusion des communes allemandes et administration étatique (sous-préfec- dans les années 70 visait à atteindre ture en France). Il exerce le contrôle de « une masse critique pour réaliser des légalité a posteriori sur les communes. économies d’échelle, rappelle Clarisse Les Regierungspräsidien (préfecture des Kauber, responsable d’études à l’Euro- Länder) exercent le contrôle sur les com- Institut de Kehl, ville transfrontalière munes supérieures à 20 000 habitants et allemande. En Rhénanie, les fusions de sur les Landratsämter. communes sont désormais en cours pour des raisons économiques. » Les admi- Deux élections décalées nistrations publiques allemandes sont Avec la baisse des budgets, ces collectivi- composées d’une tête, l’État fédéral, de tés se concentrent sur leurs compétences 16 Länder dont trois villes-États, puis de obligatoires. « On part du terrain : qu’est-ce 11 084 communes fusionnées. Chaque qui a un sens à l’échelle de la commune ? Land dispose d’un parlement et de sa explique Clarisse Kauber. La commune est constitution, décide de son système compétente par principe. Elle existait avant communal via l’équivalent de notre code l’État. » L’urbanisme, les infrastructures, général des collectivités territoriales : 16 les écoles, de la maternelle au lycée, l’éco- Länder, 16 CGCT ! nomie… dépendent en général des villes. Un conseil municipal est organisé toutes les deux semaines. Entre- Avec la baisse des budgets, les temps, les exécutifs de collectivités se concentrent sur leurs quartier doivent déli- bérer des évolutions compétences obligatoires qui impactent leur secteur. Des syndicats Dans les zones rurales, un échelon supplémentaire permet d'assurer la péréquation. / © IStock/Getty Images Les zones rurales comptent un échelon mixtes gèrent les déchets, ainsi que l'eau territorial supérieur, le Landkreis (littéra- et l’assainissement. « Le rôle des villes ne lement « cercle territorial »), pour rétablir change qu’à la marge aujourd’hui, poursuit débat du conseil municipal. Fonctionnaire autre vote par les habitants, pour cinq un principe de péréquation, par exemple Clarisse Kauber. Ce qui fait le plus débat à temps plein, il est élu par les habitants ans. On note une forte délégation aux dans le champ social. Les villes moyennes est la remontée de l’éduca- services dirigés par l’équivalent de nos de 20 000 à 100 000 habitants prennent en tion à l’État fédéral pour directeurs généraux adjoints. Les déci- charge certaines missions de l’État (état- harmoniser le cadre acadé- Les décisions, prises par sions, prises par consensus, sont négociées civil, permis de construire, police, circula- tion routière). Au delà de 100 000 habitants, mique et pouvoir attribuer des subventions. Ce sera consensus, sont négociées en amont en amont avec les fractions politiques. Celles-ci peuvent faire passer un vœu les grandes villes fusionnent communes une compétence partagée avec les fractions politiques ou une motion et les habitants poser des et Kreis dans un Stadtkreis (l’équivalent entre l’État fédéral et les questions. « Les débats n’ont pas le même des intercommunalités et des départe- seize Länder. » au suffrage universel direct, pour huit ton en Allemagne et en France », conclut ments). Le Landratsamt, supracommu- Le maire, qui n’a pas forcément d’étiquette ans. Le conseil municipal (Landrat), qui Clarisse Kauber. nal, intervient en tant que collectivité politique, dirige l’administration et le contrôle le maire, est désigné lors d’un Anne-Sophie Blanchard Angleterre : des dynamiques de coopération encore jeunes Un certain nombre de grandes villes anglaises ont eu l’occasion, en mai 2017, de tenir des élections locales en vue de désigner l’exécutif de structures de coopération nouvelles, composées de villes et parfois même d’acteurs économiques privés. Zoom sur deux exemples, à Manchester et Birmingham. C es dernières années, les relations du nord-est du pays, six autres villes et acteurs économiques. À sa tête est élu, au Si des différences existent entre chaque entre le gouvernement britannique onze acteurs économiques locaux issus suffrage universel direct, un maire (Andy cas, comme ici entre Birmingham et et les collectivités locales ont été des domaines des transports (infras- Street, conservateur). Manchester sur la mobilisation ou non marquées par de fortes coupes budgétaires, tructures et solutions de mobilité), de la ces collectivités ne recevant quasiment santé, de l’attractivité économique, des Une gouvernance confiée plus de dotations ou subventions de l’État. chambres de commerce et de la promo- aux territoires Une attention Une situation parfois aggravée par celle de tion de l’égalité femmes-hommes dans Autre exemple à l’architecture différente, certains services publics locaux, également l’économie. West Midlands Combined le cas de Greater Manchester Combined particulière est accordée frappés de financements en Authority. Composée de dix villes au respect des identités berne, tels que le système (Manchester, Bolton, Wigan…), cette struc- de santé et les hôpitaux. ture est elle aussi pilotée par un maire, seul élu municipales Dans ce cadre, les décideurs Les structures de coopération au suffrage universel direct (Andy Burnham, locaux (élus, acteurs associa- entre communes incluent, dans travailliste). En revanche, sa gouvernance est d’acteurs économiques locaux dans la gou- tifs et privés) de plusieurs certains cas, les représentants exclusivement confiée aux territoires, chaque vernance de la collectivité, quelques carac- grandes villes anglaises ont ville ayant un conseiller, délégataire d’un téristiques structurantes convergent : toutes créé ou maintenu l’existence des entreprises locales portefeuille thématique. Greater Manchester ces initiatives ont pour objectifs prioritaires d’une structure de coopé- Combined Authority intervient ainsi dans le développement économique, l’améliora- ration entre communes, en y incluant, Authority est compétente en matière de le champ du développement économique, tion du cadre de vie et l’optimisation des dans certains cas, les représentants des stratégie économique, d’emploi, d’habitat, de la culture, du numérique, de l’accès aux transports. Avec toujours une attention entreprises locales. de transports (urbains et interurbains), de services, de la cohésion sociale, du logement, particulière accordée au respect des iden- C’est le cas par exemple de West Midlands cohésion sociale ou encore d’accès aux ser- de la santé, du développement durable, de tités municipales, tout en développant une Combined Authority, structure rassemblant vices publics. Sa gouvernance est partagée l’apprentissage et de la formation, des trans- réelle dynamique à une échelle plus large. autour de Birmingham, cité industrielle entre les représentants des sept villes et les ports et de la sécurité. Romain Briot MAI 2018 • N° 230 • www.adcf.org
FOCUS 7 L’Italie en pleine réforme territoriale À l’instar de la France, l’organisation territoriale italienne se caractérise, mutatis mutandis, par un nombre élevé de niveaux de collectivités : près de 8 000 communes, groupements ou associations de communes, 107 provinces – équivalant à nos départements – et 20 régions. Le débat sur le « millefeuille » y est aussi vif et récurrent que chez nous. E n av ri l 2014, le gouvernement les moyens de peser dans la concurrence approuvée par le Parlement, avant d’être côté, ouvre la possibilité de voir l’adminis- Renzi a fait adopter la loi Delrio, européenne et mondiale. rejetée par référendum en décembre 2016… tration déconcentrée de l’État s’organiser qui crée neuf citta metropolitana Dans un pays où les communes sont généra- La tendance est à une réduction des com- au niveau régional et non plus provincial. au 1er janvier 2015. Nouvelle catégorie lement grandes et où les régions disposent pétences des provinces, dans un contexte Les régions italiennes sont ainsi dans un de collectivités, ces métropoles (Rome, d’un pouvoir réglementaire important, la où le gouvernement diminue les dotations entre-deux qui évoluera en fonction des Turin, Gênes, Milan, Venise, Florence, place des départements fait débat. Une financières qu’il leur verse. La legge Delrio synergies qu’elles sauront construire avec Bari, Naples, Calabre) regroupent une réforme de la constitution qui suppri- a défini le noyau dur de leurs compé- l’État et les échelons infrarégionaux. ville-centre et les communes périphé- mait le mot « province » avait ainsi été tences, les autres étant réparties entre les riques qui constituaient préalablement régions, les métropoles et les communes une province. L’échelon départemental (et les unions de communes). Le législateur Renforcer est ainsi supprimé sur ce périmètre et les semble vouloir aller progressivement vers compétences régionales peuvent elles aussi un nouveau type de collectivités, désigné progressivement le couple être exercées par la métropole. Celle-ci est comme enti di area vasta (littéralement région-pluricommunalités dirigée par un maire métropolitain, celui de la ville-centre, appuyé par un conseil « entités de vaste zone »), qui pourrait un jour remplacer les provinces. face à la paire province- métropolitain d’une part et une conférence communes métropolitaine composée de l’ensemble Dans un entre-deux des maires d’autre part. Cependant, la En dépit des objectifs parfois mis en Les débats sur l’organisation territoriale en loi permet que le maire soit élu directe- avant par certains décideurs, le nombre France et en Italie ont un air de famille très ment par la population métropolitaine. de régions n’a pas diminué. Si leur pouvoir marqué. Les évolutions adoptées dans la Elle autorise aussi une répartition des réglementaire est plus contraint, leurs période récente, dans la Péninsule comme rôles et des compétences entre le maire compétences se sont globalement ren- dans l’Hexagone, visent à renforcer pro- et le conseil. Cette évolution marque la forcées ces dernières années. Certaines gressivement le couple région-pluricommu- reconnaissance de la différenciation des ont choisi de reprendre les compétences nalités face à la paire province-communes, fonctions du « bloc local » : il s’agit en départementales, quand d’autres préfèrent dans le respect de l’histoire de chacun des particulier de valoriser le « fait urbain » L'Italie s'est récemment dotée d'un échelon s’appuyer sur un maillage infradéparte- pays. métropolitain. / © IStock/Getty Images et de donner aux grandes agglomérations mental. La loi Madia (août 2015), de son Erwan Le Bot République tchèque : l’Europe à l’origine des coopérations Malgré un maillage communal éclaté, le rapprochement entre pouvoirs urbains locaux est récent en République tchèque. Particularité de ce pays d’Europe centrale : le mouvement a d’abord été opéré en vue de bénéficier des aides européennes. A vec 6 258 communes pour 11 mil- à plusieurs endroits. Les ITI supposent en au maire de la ville-centre. Le maillage ont été un accélérateur des coopérations lions d’habitants, soit une moyenne effet l’inscription de plusieurs projets struc- communal tchèque pose certaines ques- métropolitaines », analyse František Kubes de 1 700 habitants par commune turants et cohérents entre eux. Les champs tions d’organisation, notamment lorsque du ministère tchèque du Développement environ, la République tchèque est l’un des concernés relèvent de politiques de dévelop- plusieurs centaines de communes pays européens où l’émiettement commu- pement local et d’aménagement comme les doivent coopérer : des groupes de nal est le plus marqué. Une caractéristique transports, les mobilités ou l’environnement, travail sont alors mis en place à une qu’elle partage avec la France, qui présente sans compter les effets sociaux attendus échelle plus fine, ce qui n’est pas L’échelle communale une moyenne similaire. Pourtant, cette des réalisations programmées. Les actions sans rappeler les réflexions autour est prépondérante situation n’a pas donné lieu au développe- sont certes limitées aux domaines éligibles des intercommunalités « XXL » ment d’intercommunalités comme dans aux fonds européens, mais les réflexions en France. régional. Reste à expliquer ces coopérations l’Hexagone. Que l’on soit à Prague, Brno, nécessaires à la définition et à l’articulation Quoi qu’il en soit, les communes et les aux citoyens, ce qui devrait être facilité Ostrava ou Plzeň, pas de traduction institu- des projets s’inscrivent dans une démarche autres acteurs du territoire se retrouvent au moment de la réalisation concrète des tionnelle dans la loi de coopérations forma- stratégique comparable aux projets de ter- aujourd’hui à échanger régulièrement sur projets. lisées entre acteurs publics concernés par ritoire des intercommunalités françaises. des enjeux communs dépassant leur seul Simon Mauroux les mêmes dynamiques métropolitaines. Les coopérations métropolitaines tchèques périmètre. « Ces dynamiques dues aux ITI C’est par l’entrée des fonds européens qu’ont se distinguent cependant de leurs consœurs été mises en place en Tchéquie de telles françaises par la variété des organismes asso- coopérations répondant aux demandes de ciés. Là où les métropoles hexagonales sont l’Union européenne. Les investissements territoriaux intégrés (ITI) ont particuliè- rement contribué au mouvement : pour la période 2014-2020, sept espaces de territo- Une démarche rialisation des aides européennes ont été stratégique comparable définis en vue de les adapter aux spécificités et aux enjeux stratégiques des territoires. À aux projets de territoire cela s’ajoutent six agglomérations urbaines des intercommunalités organisées en dehors des ITI, si bien que françaises le pays compte à présent treize territoires intercommunaux de projet. uniquement des regroupements de com- Des organismes variés munes, ici les parties prenantes sont aussi Pour la première fois, une planification stra- diverses que les régions, les chambres de tégique est menée à une échelle comprise commerce, les universités ou les opérateurs entre les deux niveaux d’administration des transports. L’échelle communale est territoriale que sont les communes et les néanmoins prépondérante car la respon- L'intercommunalité tchèque rassemble un grand nombre d'acteurs au delà des seules collectivités. / © IStock/Getty Images régions, ceci de manière systématique et sabilité politique revient obligatoirement www.adcf.org • N° 230 • MAI 2018
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