Guillaume Du Fay les messes à teneur - Cut Circle Jesse Rodin - direction
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Guillaume Du Fay (ca. 1397 – 1474) Les Messes à teneur CD1 CD2 Missa Ecce ancilla Domini/Beata es Maria [Soli : CB/BG/DM ; incipits : MB] 1 Se la face ay pale – Guillaume Du Fay 02’53 1 Kyrie 05’12 Missa Se la face ay pale [Soli : CB/LJ/PT ; incipits : BG] 2 Gloria 04’57 2 Kyrie 03’09 3 Credo 08’10 3 Gloria 07’57 4 Sanctus 05’55 4 Credo 07’41 5 Agnus Dei 03’58 5 Sanctus 05’43 6 Ave regina celorum – anonyme, antienne en plain-chant 01’47 6 Agnus Dei 04’11 7 Ave regina celorum III – Guillaume Du Fay 07’13 Missa L’homme armé [Soli : MG/SS/DM ; incipits : MB] Missa Ave regina celorum [Soli : MG/SS/PT (Christe II : MG/CB/PT) ; incipits : LJ] 7 Kyrie 03’47 7 Kyrie 05’40 8 Gloria 07’17 8 Gloria 06’22 9 Credo 10’58 9 Credo 08’57 10 Sanctus 08’04 10 Sanctus 06’47 11 Agnus Dei 05’38 11 Agnus Dei 05’09 TT : 67’21 TT : 70’08 4 5
Cut Circle Jesse Rodin – direction Carolann Buff [CB] – soprano Mary Gerbi [MG] – soprano Lawrence Jones [LJ] – contreténor Steven Soph [SS] – contreténor Michael Barrett [MB] – ténor Bradford Gleim [BG] – ténor David McFerrin [DM] – basse Paul Max Tipton [PT] – basse www.cutcircle.com 6 7 Cut Circle, © Seth Torres 2014
Légendes des illustrations : Remerciements Couverture : Musique en Wallonie tient à remercier Émilie Corswarem, Marie-Alexis Colin et Barbara Bong ; Guillaume Du Fay, Missa Ecce ancilla Domini, Kyrie [détail], Capp. Sist. 14, fol. 76v [© Biblioteca Apostolica Vaticana] Christophe Pirenne, Jesse Rodin et Philippe Vendrix. Notice : Jesse Rodin et Cut Circle remercient Heinrich Christensen et Gregg Sorensen, Daphna Davidson, 1. Petrus Christus, L’annonciation, 1452, Staatliche Museen, Berlin [© bpk/Gemäldegalerie, SMB/Jörg P. Pamela Dellal, Kaye Denny, Sean Gallagher, Jérôme Gierkens, Frank R. Herrmann, T. Frank Anders] Kennedy, Charles Kronengold, Alia Rejeb Radjeb Meddeb, Herbert Myers, Mark Nye, Helen Palmer, Alejandro Enrique Planchart, Andy et Emily Richmond-Pollock, Sonora Rose, Craig Sapp, 2. Chanson Se la face ay pale, Chansonnier Laborde, fol. 64v-65r [© Library of Congress] Anna Schultz, Susan Sommer, Philippe Vendrix, Helen Ward Mannix et Kurt Werner. 3. Guillaume Du Fay, Missa Se la face ay pale, Kyrie, Capp. Sist. 14, fol. 27v [© Biblioteca Apostolica Cet album est dédié à Alejandro Enrique Planchart – musicologue, maître de chœur, mentor et Vaticana] muse.. 4. Guillaume Du Fay, Missa L’homme armé, Kyrie, Capp. Sist. 14, fol. 101v [© Biblioteca Apostolica Vaticana] Production : Musique en Wallonie, ULg – quai Roosevelt 1B à 4000 Liège – Belgique (http://www.musiqueenwallonie.be) 5. Le couronnement de la Vierge, extrait de Les Très Riches Heures du duc de Berry, Ms. 65, fol. 60v [© Co-producteurs / Coproducers : Pamela Dellal et Jesse Rodin Musée Condé, Chantilly] Enregistrement / Recording : janvier (CD1) et août (CD2) 2014, Church of the Redeemer, Chestnut Hill, Massachusetts, USA 6. Guillaume Du Fay, Missa L’homme armé, Kyrie I, facsimilé, Lucca Codex, fol. 39r [© University of Prise de son / Recording Engineer : Seth Torres Chicago Press] Montage / Editing : Jesse Rodin et Derek Czajka Mixage et mastering / Mixing and Mastering : David v.R. Bowles (Swineshead Productions, LLC) 7. Marie, Reine des Cieux, ca. 1485-1500, National Gallery of Art, Washington DC [© Samuel H. Kress Direction artistique / Artistic Direction : Jesse Rodin Collection] Graphisme / Lay out : Valérian Larose – Quidam 8. Guillaume Du Fay, Missa Ecce ancilla Domini, Kyrie, Capp. Sist. 14, fol. 76v [© Biblioteca Apostolica Réalisé avec le concours du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Service général des Arts Vaticana] de la scène – Service Musique) et le soutien de la Wallonie. 8 9
Guillaume Du Fay solidement fixées ; dans les années 1470 en revanche, la messe était devenue le genre le plus prestigieux – et Du Fay était sans aucun doute conscient qu’il faisait figure d’autorité Les Messes à teneur dans une arène pleine de jeunes talents. De plus, la Missa Se la face ay pale fut probable- Que cela signifiait-il pour Guillaume Du Fay ment composée quand Du Fay était à la cour (ca. 1397-1474), expert caméléon de tous les de Savoie, alors que les autres messes datent genres musicaux de son époque, de composer de ses dernières années à Cambrai. Ainsi, quatre versions de l’ordinaire de la messe vers contrairement à Haydn et à Beethoven, Du Fay la fin de sa vie ? Du point de vue de la géné- ne composa pas ces œuvres en lien les unes ration suivante, lorsque la messe polyphonique avec les autres, pas plus qu’il ne les composa régnait en maître, il peut être tentant d’inter- dans des circonstances similaires. Et évidem- préter ces œuvres comme une forme de bilan ment, les messes de Du Fay n’étaient pas des- de sa carrière – un accomplissement semblable tinées au concert, mais à la liturgie. Néanmoins, aux symphonies londoniennes de Haydn ou aux faire l’expérience des messes à teneur comme quatuors à cordes tardifs de Beethoven. Sur un tout permet certains constats particuliers. un plan purement musical, ces comparaisons Au travers de ces œuvres, nous pouvons pister sont appropriées. Chaque messe émarge d’un les changements stylistiques sur une période terrain musical propre ; elles sont souvent éton- d’environ vingt ans ; observer la manière dont namment expérimentales et l’ensemble est un genre se développe pour devenir le plus magnifique du début à la fin, révélant ainsi un important de son époque, et enfin voir com- compositeur à la hauteur de ses talents. ment le principal compositeur de son temps assembla de courtes sections polyphoniques pour en faire des structures d’une admirable L’analogie a toutefois ses limites. Les messes ampleur. à teneur de Du Fay furent composées durant un long laps de temps : allant des années 1450 aux années 1470. Au début de cette période, Ces messes sont pleines de surprises – avant la messe cyclique était encore un jeune genre de les aborder une à une, il convient de se faire dont les conventions n’étaient pas encore une idée de ce qui les unit. En règle générale, 1. Petrus Christus, L’annonciation, 1452, Staatliche Museen, Berlin [© bpk/Gemäldegalerie, SMB/Jörg P. Anders] 10 11
les voix supérieures sont beaucoup plus actives binaisons pour les lister ici, mais vous pouvez Les riches harmonies et l’écriture magnifi- Ces questions de notation mises à part, il reste que les voix graves : le cantus et le contreténor écouter en particulier quelques duos imitatifs quement mélodique de la Missa Se la face ay beaucoup à admirer dans l’écriture de Du Fay. supportent l’essentiel de l’intérêt rythmique (2/3/2’06, 2/10/1’07), y compris certains dans pale ne doivent pas masquer un fait important Peut-être le plus impressionnant est-il la façon et mélodique, tandis que le ténor et la basse lesquels l’imitation est très resserrées (1/8/4’09) ; : cette œuvre est un tournant dans l’histoire dont la messe donne à entendre la chanson fournissent un soutien, le ténor «s’occupant» ou de saisissantes entrées des voix inférieures de la notation musicale. C’est la première dont elle s’inspire. La ballade Se la face ay du matériel pré-existant, lequel est chanté en après de longs duos des voix supérieures messe dans laquelle l’intégralité de la partie pale étant (exceptionnellement) strophique, valeurs longues. Et pourtant, en beaucoup (1/3/0’32, 2/1/1’09). de ténor repose sur une seule ligne musicale : les auditeurs ont trois chances d’entendre sa d’endroits, les voix inférieures occupent le ici, le ténor de la chanson de Du Fay Se la face très étrange conclusion. Dans le refrain de la devant de la scène, comme quand le ténor ay pale. Cela ne signifie cependant pas que chanson («Sans elle ne puis»; 1/1/0’40), les trois Plus aventureux encore sont les passages le ténor de la messe ressemble tout à fait à la voix se joignent en un long mélisme présentant accélère, permettant de percevoir le maté- rythmiquement intenses (1/8/2’26, 2/7/5’45, chanson ; au contraire, une série d’indications ce que nous pourrions appeler aujourd’hui une riel pré-existant (par exemple, CD1/Tr4/6’28, 2/9/3’24), les utilisations exotiques de triolets lui imposent de modifier la durée de chaque « imitation triadique » : elles sautent de sol à 1/7/3’26), ou quand la basse investit un registre (1/9/6’42, 1/11/0’44, 2/10/5’33), les longues note. La plupart du temps, le ténor chante mi et à do, puis, après une pause, de sol à mi plus aigu (1/9/9’36) ou même lorsqu’elle séquences (2/4/3’08), ou les recours à des deux fois moins vite, en doublant les valeurs et à sol (0’44). Comme dans un jeu de saute- chante seule (1/10/3’40). Le contreténor est dissonances qui feraient rougir tout compositeur de note («crescit in duplo»). Dans le Gloria et mouton, les voix s’entrecroisent rapidement, se généralement une quinte environ en dessous de la génération suivante (1/9/1’45). On trouve le Credo, Du Fay opte pour un procédé plus dirigeant petit à petit vers la cadence finale. de la voix la plus aiguë, mais dans certains pas- de plus subtiles touches encore dans d’auda- complexe : la première section de chaque Dans la messe, Du Fay retravaille ce matériel sages, il s’élève au-dessus du cantus (1/3/4’55, cieux ritardando (1/9/10’16, 2/10/3’32) ou dans mouvement doit être chantée en triplant la à cinq reprises à la fin de chaque mouvement 1/9/1’59). Ailleurs, le cantus se retire, laissant le des figures d’hémioles où les voix accentuent durée des notes, la seconde en les doublant – mais ce sont les conclusions du Gloria et du contreténor chanter certains des passages les le deuxième temps d’une «mesure» ternaire et la troisième, en les présentant “telles qu’elles Credo qui se démarquent. Comme on y a fait plus magiques (1/5/1’55, 2/5/3’21, 2/10/1’43). (1/2/0’53-56, 2/12/4’26). Et les passages identi- sont”, soit à la vitesse normale. Les sections “Et allusion plus haut, ces deux mouvements sont L’interprétation vise à capter l’énergie et fiés ici ne sont que la pointe de l’iceberg : c’est in terra pax” et “Patrem”, en triple augmenta- intimement liés : parce qu’ils partagent un l’intensité de ces passages, au cours desquels le une musique qui récompense toute écoute tion, sont particulièrement intrigantes, car tripler même traitement de la partie de ténor, ils sont compositeur démonter clairement ses compé- attentive. [Pour la suivre en notation moderne, la valeur de chaque note implique que le ténor exactement de la même longueur et se ter- tences. vous pouvez consulter http://josquin.stanford. se retrouve en décalage avec les autres voix minent tous les deux sur un bref climax (“Cum edu.] (par exemple, 1/3/1’27). Toutes ces techniques sancto spiritu”/“Confiteor”). Pour l’ « Amen », Du Du Fay est un maître de la texture musicale : reflètent la volonté de Du Fay de faire ressortir Fay compose de longs mélismes qui étendent il manipule avec soin la conduite de chaque un maximun de couleurs sonores différentes à le matériel «triadique» de la chanson à un *** voix, attentif à la façon dont celles-ci sont partir d’un même texte – ce qu’Emily Zazulia contexte à quatre voix (1/3/7’27, 1/4/7’16). La reliées les unes aux autres, afin de créer une a appelé à juste titre « l’esthétique de la fixité conclusion du Credo peut être vue comme variété infinie. Il y a beaucoup trop de com- notationnelle ». une suite de la fin du Gloria, plus intense 12 13
encore, avec les voix libres montant résolument renvoient à l’univers sonore du début du XVe vers le sommet de leurs tessitures. Dans ces siècle, atteignent probablement leur sommet deux passages, d’un côté la messe ressemble dans le “Et incarnatus est”, où l’imitation en temporairement à la chanson – chose inhabi- strette à l’octave entre les voix supérieures tuelle pour un genre qui consiste à faire de neuf conduit à différentes présentations de la même avec du vieux. D’un autre côté, la texture plus mélodie dans une succession rapprochée dense de la messe assure qu’aucun auditeur (1/9/4’58). ne puisse jamais confondre les deux œuvres. En effet aussi bien dans ce passage que dans Le passage antérieur du Credo n’est pas l’intégralité de la messe, Du Fay court-circuite moins audacieux et intéressera les passionnés la cadence finale de la chanson, s’éloignant de musique contemporaine. Dans ce qui est rapidement du do pour arriver sur un fa. probablement conçu comme une représen- tation du « par Lui tout a été fait » (“per quem Malgré ces changements harmoniques omnia facta sunt”), Du Fay place brièvement ludiques, la Missa Se la face ay pale est chaque voix dans une mesure distincte presque « classique » en regard de l’autre (1/9/3’24). Pour décrire le passage en utilisant messe du CD 1. La Missa L’homme armé est la terminologie moderne : le ténor reste en ¾ imposante, audacieuse et d’une texture dense. ; la basse passe en 6/8 ; le cantus, également La plupart des interprètes modernes n’ont pas en 3/4, chante des triolets tous les deux temps réussi à rendre pleinement la plus irrésistible de de la mesure ; et le contreténor, avec des ses caractéristiques (et la moins ambiguë, du barres de mesures identiques à celles des voix point de vue historique) : alors que toutes les inférieures, se meut dans un 2/4 subdivisé. C’est voix sont cantonées dans le mode de sol, le le chaos – et pourtant le contrepoint est si bien cantus ne donne toutefois pas à entendre le si composé que rien ne choque. En effet, lorsque bémol qui est cependant entonné par les trois la musique est correctement interprétée, sa voix inférieures. Cela occasionne de fréquents complexité en devient presque imperceptible. frottemment entre le cantus en si et le si bémol, ce que l’on peut entendre notamment dès la Le final de cette messe permet d’envisager phrase d’ouverture (notez le changement à 2. Chanson Se la face ay pale, Chansonnier Laborde, l’Agnus Dei III comme un climax musical. Du 1/7/0’11). Ces juxtapositions inattendues, qui fol. 64v-65r [© Library of Congress] Fay y détourne la mélodie L’homme armé de 14 15
maîtresse façon, le ténor la chantant d’abord Comme le suggère son titre prolixe, la Missa rythmique pour privilégier la musicalité. Ce solution à la fois ici et dans l’autre messe du CD à rebours en augmentation, puis dans sa forme Ecce ancilla domini/Beata es Maria est basée n’est que dans le duo suivant (3’46), où deux 2, où les deux voix inférieures chantent le texte originelle à la vitesse normale. Cette instruction non pas sur une seule mélodie de ténor, mais cadences rapprochées introduisent les autres de la célèbre antienne mariale Ave regina n’était pas notée, mais plutôt suggérée par une sur deux : une paire d’antiennes pour l’office de voix, qu’il commence la montée en puissance celorum. Celle-ci est atypique en ce qu’elle phrase subtile : «le crabe sort entier, mais revient la Vierge. Cette pièce est si axée sur la Vierge jusqu’au «Amen». divise le texte en une série de courtes phrases. à moitié» (“cancer eat plenus sed redeat Marie, qu’elle était probablement destinée à En réponse à cette structure fragmentée, Du medius”). Beaucoup de choses ont été écrites une célébration mariale pour le temps pascal. Chaque messe de ce double CD fait usage Fay construit le motet Ave regina celorum III sur le symbolisme possible de ce procédé. Tout À cette période, il est difficile d’associer un d’un «motif de tête», soit un court passage en quatre sections complètes. Dans le Kyrie de aussi intéressante (et non sans rapport) est la sujet comme «Marie» à un style compositionnel répété au début de chaque mouvement. la messe, il pousse cette approche plus avant façon dont les autres voix s’entremêlent avec en particulier – mais peut-être n’est-ce pas un Dans Ecce ancilla, le motif de tête subit une : reconnaissant que la musique de la première le ténor. Vers la fin de l’exposition rétrograde du hasard si cette messe profondément intimiste transformation particulièrement élégante. demi-phrase du chant («Ave regina celorum») est dominée par une écriture à deux voix. Des La phrase que nous entendons au début du est répétée à l’identique dans la seconde ténor (1/11/4’25), Du Fay ralentit le mouvement duos apparaissent même là où on ne les attend Kyrie est étendue au Gloria, où elle donne («Ave domina angelorum»), il les traite toutes vers l’avant, se tourne brièvement vers une pas, comme lorsqu’ils viennent interrompre lon- naissance à un duo inaugural beaucoup plus les deux comme des sections indépendantes sonorité brillante de do, puis s’ancre ferme- guement la texture à quatre voix au milieu du long ; le Credo commence comme le Gloria, (1+1). De là, il compose une section distincte ment sur le sol ; tout cela permet de mettre en Kyrie I (0’33). mais le duo initial continue à être développé. pour chaque nouvelle phrase de chant (+3), exergue le retour du ténor vers la mélodie origi- Le moment charnière survient dans le Sanctus, et intercale encore deux sections sans cantus nelle (4’38). À partir de là, la musique demeure qui s’ouvre avec la musique du Kyrie, soutenue firmus (+2), pour arriver à un total de sept sec- dans un climax jusqu’à la fin, avec une écriture Tout au long de la messe, Du Fay use de désormais par une vigoureuse ligne de basse. tions. Il adopte une approche similaire dans dense dans les voix libres et une très rapide changements de texture pour gérer le temps Dans ce contexte, cette riche texture à trois le Gloria, qui se divise en cinq sections (ou six, exposition du cantus firmus qui vient comme sur de longs espaces. Le “Qui tollis” en est un voix est une musicalisation intensifiée du texte selon la façon dont on compte) alors qu’il se une récapitulation de la fin du Kyrie (1/7/3’25). exemple de premier ordre (2/2/2’43). Après (“Saint, saint, saint”). L’Agnus Dei revient à la divise habituellement en deux ou trois sections. Si l’on s’éloigne un peu de ces détails, ce qui un doux duo des voix supérieures qui s’arrête net avant «suscipe», la basse entre comme musique simple du Kyrie I ; le seul changement intrigue peut-être le plus dans cette stratégie étant l’ajout d’une « excroissance » qui permet cantus et le contreténor se lance dans son Cette approche fragmentée de la forme est de composition est que Du Fay n’a plus jamais une transition en douceur vers la texture pleine. imitation – d’abord sur des rythmes identiques, remarquable. Mais Du Fay l’abandonne plus ou réitéré le procédé : aucune autre conclusion puis, sur «deprecationem nostram», avec de moins dans le reste de la messe : le Credo est des ordinaires de ses messes n’est aussi délibé- nombreuses syncopes. Tout ceci prépare à Les sources de la Missa Ecce ancilla domini divisé en quatre sections, tandis que, comme rément éblouissante. l’entrée du ténor (3’29). Mais plutôt que de suggèrent que le ténor devait chanter les textes le veut l’usage, le Sanctus est scindé en cinq traiter celle-ci comme un moment fort, Du Fay du cantus firmus plutôt que les paroles de l’ordi- sections et l’Agnus Dei en trois sections. Tout *** fait marche arrière en matière de comlexité naire de la messe. Nous avons opté pour cette ceci ne nous permet pas d’avaliser l’interpréta- 16 17
3. Guillaume Du Fay, Missa Se la tion selon laquelle la Missa Ave regina celorum que la musique alors posée sur «Du Fay» porte face ay pale, Kyrie, Capp. Sist. 14, fol. 27v [© Biblioteca Apostolica marquerait la fin de l’unité musicale parfaite. ici sur «[misere]re nobis» (“aie pitié de nous” ; Vaticana Au contraire, si cette messe nous apprend 2/12/3’03). Cette transformation textuelle nous une chose, c’est que Du Fay s’est adonné à dit beaucoup sur ce que cela signifiait d’être des expérimentations jusqu’à la fin de sa vie. un chrétien croyant à la fin du Moyen Âge : la Parmi les autres expériences, on notera un duo supplication personnelle de Du Fay a été sub- jumelé à la fin du Gloria qui est répété à l’iden- sumée dans la supplication collective. tique à la fin du Credo (2/9/5’41 et 2/10/8’14) ; le recours au figuralisme dans «Et ascendit in celum» (“et Il est monté au ciel”) qui anticipe Jesse RODIN le madrigal italien d’un demi-siècle (2/10/5’00) Traduction : Jérôme Gierkens ; ou l’introduction inattendue de si bémol, mi bémol, et même la bémol au milieu du Credo Remarque sur la chronologie : (2/10/6’15), suivis par un duo gigantesque dans On sait que la musique du milieu du XVe siècle est lequel le ténor mène la chasse au cantus (6’52 difficile à dater, notamment parce que beaucoup et 7’17). d’œuvres n’ont survécu que dans une seule copie manuscrite. Avec les pièces présentées ici, on peut faire un peu mieux que de coutume. L’intégralité ou Bien que cette musique ne puisse être des parties de ces messes sont conservées dans deux considérée ni comme traditionnelle ni comme (Ecce ancilla domini), trois (Se la face), voire quatre totalement novatrice, elle est profondément sources (L’homme armé et Ave regina celorum). personnelle. Dans le motet, Du Fay insère On peut dater de façon assez assurée la messe Se des tropes dans le texte du chant, par deux la face ay pale aux années 1450 (probablement au fois en référence à lui-même : “Aie pitié de début de la décennie), la messe L’homme armé aux ton laborieux Du Fay” et “Du Fay implore ta environs de 1460, la messe Ecce ancilla domini à 1464 ou juste avant, et la messe Ave regina celorum à miséricorde”. Pour le second de ces textes, l’année 1472 environ. La chanson Se la face ay pale, Du Fay interrompt un passage animé par qui est conservée en entier dans douze sources (en une musique sombre et poignante qui attire différentes versions), est beaucoup plus ancienne : elle l’attention sur son propre nom (2/7/3’50). Fait date des années 1430 ; le motet Ave regina celorum III révélateur, cette même musique fait son retour fut quant à lui probablement composé au début des dans la messe, à la fin de l’Agnus Dei II – sauf années 1460. 18 19
Guillaume Du Fay end the mass was the prestige genre of the rial in long note values. And yet there are many Still more adventurous are rhythmically active day –and Du Fay was undoubtedly aware of his places where the lower voices take center passages (1/8/2:26, 2/7/5:45, 2/9/3:24), exotic status as “elder statesman” in an arena replete stage, as when the tenor speeds up, allowing uses of triplets (1/9/6:42, 1/11/0:44, 2/10/5:33), with younger talent. Moreover, the Missa Se la extended sequences (2/4/3:08), and uses of Les Messes à teneur face ay pale was probably composed while the pre-existing material to be heard (e.g., CD1/Tr4/6:28 ff., 1/7/3:26), or the bassus rises in dissonance that would make a composer of Du Fay was at the Court of Savoy, whereas the the next generation blush (1/9/1:45). Subtler pitch (1/9/9:36) or even sings alone (1/10/3:40). What did it mean for Guillaume Du Fay (ca. other masses date from his last years in Cam- touches include written-out ritards (1/9/10:16, brai. Thus in contrast to Haydn and Beethoven, The contra typically occupies a range about 1397-1474), chameleon-like expert in every 2/10/3:32) and hemiolas in which the voices musical genre of his day, to compose four set- Du Fay didn’t conceive these works in relation a fifth below the highest voice, but in some emphasize the second beat of a three-beat tings of the Mass Ordinary toward the end of to one another, nor did he compose them passages it soars above the cantus (1/3/4:55, “measure” (1/2/0:53–56, 2/12/4:26). The pas- his life? Looking back from the vantage point under similar circumstances. And of course Du 1/9/1:59). Elsewhere the cantus drops out, sages identified here are the tip of an iceberg: of the next generation, when the polyphonic Fay’s settings were intended not for concert giving the contra room to sing some of its most this is music that repays close listening. [To follow mass reigned supreme, it might be tempting performance, but for the liturgy. Nonetheless, magical music (1/5/1:55, 2/5/3:21, 2/10/1:43). along with a modern score, visit http://josquin. to interpret these works as a self-conscious experiencing the tenor masses as a unit offers stanford.edu.] Our performances aim to capture the energy summa of Du Fay’s career – an achieve- a special opportunity. In these works we can and intensity of these passages, in which the ment akin to Haydn’s London Symphonies or track changes in musical style over a roughly twenty-year period, watch a genre develop composer is clearly strutting his stuff. *** Beethoven’s late string quartets. On a purely musical level these comparisons are apt. Each into the most important of its day, and observe mass stakes out unique musical terrain; they how the leading composer of his age assem- Du Fay is a master of musical texture, which is The lush harmonies and stunning melodic are often strikingly experimental; and the entire bled short polyphonic sections into compelling to say that he carefully manipulates the com- writing of the Missa Se la face ay pale conceal set is shimmeringly beautiful from beginning to large-scale forms. something important: this work is a watershed in ings and goings of each voice, and how the end, revealing a composer at the height of his the history of music notation. It is the first mass in voices relate to one another, to create seem- powers. These masses are full of surprises – and so which the entire tenor part is performed from a ingly endless variety. There are far too many before approaching each in turn, it is worth single line of music, in this case the tenor of Du combinations to catalogue here, but listen in The analogy has its limits. Du Fay’s tenor getting a sense for what makes them tick. As a Fay’s song Se la face ay pale. Now this does particular for several imitative duos (2/3/2:06, not mean that the mass tenor always sounds masses were composed not in a clump, but rule the upper voices are far more active than over a wide chronological range, from the the lower: the cantus and contra carry most 2/10/1:07), including some in which the imita- like the song; on the contrary, a series of verbal 1450s to the 1470s. At the beginning of this of the rhythmic and melodic interest while the tion is very close (1/8/4:09); and for striking instructions causes the tenor to manipulate the period the cyclic mass was still a young genre tenor and bassus provide support underneath, entrances of the lower voices after extended duration of each written note. Most of the time whose conventions were emergent; by the with the tenor “holding” the pre-existing mate- upper-voice duets (1/3/0:32, 2/1/1:09). the tenor sings at half speed, augmenting the 20 21
4. Guillaume Du Fay, Missa written note values by a factor of two (“crescit end of each movement—but it is the conclu- L’homme armé, Kyrie, Capp. Sist. 14, fol. 101v [© Biblioteca in duplo”). In the Gloria and Credo, Du Fay opts sions to the Gloria and Credo that stand out. Apostolica Vaticana] for a more complex procedure: the first section As hinted at above, these movements are of each movement is to be sung in threefold closely linked: because of their shared tenor augmentation, the second in twofold, the third treatment, they are precisely the same length, “as it lies” (i.e., at normal speed). The Et in terra and both conclude with a short, climactic pax and Patrem, in threefold augmentation, section (Cum sancto spiritu/Confiteor). At the are particularly intriguing, since tripling the value “Amen,” (1/3/7:27, 1/4/7:16), Du Fay composes of each note causes the tenor to be metri- extended melismas that expand the “triadic” cally out of sync with the other voices (e.g., material from the song into a four-voice con- 1/3/1:27). All these techniques reflect Du Fay’s text. The conclusion to the Credo can be heard interest in squeezing multiple sounds out of an as an intensifying sequel to that of the Gloria, unchanging text – what Emily Zazulia has aptly with the free voices now moving assertively called “the aesthetic of notational fixity.” upwards toward the top of their ranges. In both these passages, the mass on the one hand sounds temporarily like the song – an unusual Notation aside, there is much to admire in circumstance in a genre where the point is to Du Fay’s writing. Perhaps most impressive is make something new out of something old. how the mass elaborates the parent song. On the other hand, the denser texture ensures Because the ballade Se la face ay pale is that no listener would ever confuse the two (exceptionally) strophic, listeners have three works. And indeed both here and throughout chances to hear its very strange conclusion. At the mass, Du Fay short-circuits the song’s final the refrain text (“Sans elle ne puis”; 1/1/0:40), cadence, swerving away from C to arrive on F. all three voices participate in an extended melisma that features what we today might call “triadic imitation”: they dart from g’ to e’ Notwithstanding these playful harmonic shifts, to c’, then, after a rest, from to g’ to e’ to g’ the Missa Se la face ay pale is practically “clas- (0:44). Like a game of leapfrog, the singers sical” compared to the other mass on Disc 1. rapidly overtake one another, building steadily L’homme armé is imposing, densely textured, toward the final cadence. In the mass, Du Fay and audacious. Most modern performers have reworks this material five times, once at the failed to engage fully with one of its most com- 22 23
pelling (and, from the perspective of the his- awry. Indeed when correctly performed, the As the verbose title used here suggests, the Every mass on the album makes use of a torical evidence, unambiguous) features: while complexity is almost inaudible. Missa Ecce ancilla domini/Beata es Maria is “head motive” – a short passage repeated at all the voices are rooted in G, the cantus lacks based on not one tenor melody, but two: a the start of each movement. In Ecce ancilla the B-flat signature carried by the three lower pair of antiphons for the office of the Virgin. This the head motive undergoes an especially The conclusion to this mass helped initiate a voices. Thus cantus B-naturals regularly brush up piece is very much about the Virgin Mary, and elegant transformation. The phrase we hear trend of treating the Agnus Dei III as a musical against B-flats elsewhere – something one can was probably intended for a Marian celebra- at the beginning of the Kyrie is expanded in climax. Du Fay famously turns the L’homme hear even in the opening phrase (notice the tion during Eastertide. In this period it is difficult the Gloria, where it gives rise to a much longer armé melody around, having the tenor sing it turn at 1/7/0:11). These unexpected juxtaposi- to associate a subject such as “Mary” with any opening duo; the Credo begins like the Gloria, first backwards in augmentation, then forwards tions, which hark back to an early fifteenth-cen- particular compositional style – but perhaps it is but the opening duo expands still further. A at full speed. This instruction wasn’t written tury sound world, arguably reach their height in not an accident that this deeply intimate mass pivotal moment comes in the Sanctus, which out, but rather indicated with a clever phrase: the Et incarnatus est, where stretto imitation at features an abundance of two-voice writing. opens with the music of the Kyrie, only now but- “the crab goes out full but comes back half” Duets appear even where we don’t expect tressed by a lively bassus line. Heard in context, the octave between the upper voices leads (cancer eat plenus sed redeat medius). Much them, such as the very long break from full tex- this rich, three-voice texture is a heightened to different realizations of the same melody in has been written about the possible symbolism ture in the middle of the Kyrie I (0:33). setting of the text (“Holy, holy, holy”). The Agnus close succession (1/9/4:58). behind this procedure. Equally interesting (and Dei returns to the simple music of the Kyrie I; the not unrelated) is how the other voices interlock only change is an added “tail” that makes for a with the tenor. Toward the end of the tenor’s Throughout the mass Du Fay uses changes No less audacious is a passage earlier in the smoother transition to full texture. retrograde statement (1/11/4:25), Du Fay in texture to manage time over long spans. A Credo that will appeal to devotees of new slows the forward motion, shifts fleetingly to a prime example is the Qui tollis (2/2/2:43). After music. In what is probably intended as a depic- bright C sonority, and arrives strongly on G; all a mellow upper-voice duet that comes to a The sources for the Missa Ecce ancilla domini tion of “through Him all things were made” of this highlights the tenor’s subsequent return full stop before “suscipe”, the bassus enters as suggest that the tenor should sing the cantus- (per quem omnia facta sunt), Du Fay briefly to forward motion (4:38). From here the music cantus and contra surge forward in imitation – firmus texts as opposed to the words of the casts each voice in a distinct meter (1/9/3:24). remains climactic until the end, with busy writing first in even rhythms, then, at “deprecationem Mass Ordinary. We have opted for this solution To describe the passage using modern termi- in the free voices and a rapid-fire statement of nostram” with abundant syncopation. All of both here and in the other mass on Disc 2, nology: the tenor remains in 3/4; the bassus the cantus firmus that recapitulates the end of this sets up the entrance of the tenor (3:29). where both lower voices sing the text of the switches to 6/8; the cantus, also in 3/4, sings the Kyrie (1/7/3:25). Stepping back from these But rather than treat the tenor entrance as a parent chant. That chant, the famous Marian triplets against every two beats of the measure; details, what is perhaps most intriguing about climactic moment, Du Fay extends the musical antiphon Ave regina celorum, is atypical in and the contra, with bar lines identical to those this compositional strategy is that Du Fay never argument by pulling back rhythmically. Only in dividing the text into a series of short phrases. of the lower voices, moves into a subdivided tried it again: none of the other conclusions to the next duo (3:46), where two closely spaced Responding to this fragmented structure, Du 2/4. It’s pandemonium – and yet the counter- his Mass Ordinary settings are so self-consciously cadences bring in the other voices, does he Fay casts the motet Ave regina celorum III into point is so well composed that nothing goes dazzling. begin to ramp up toward the “Amen.” fully four sections. In the Kyrie of the mass he 24 25
takes this approach still further: recognizing that A-flat in the middle of the Credo (2/10/6:15), A Note about Chronology : the music of the chant’s first half-phrase (“Ave followed by an eye-popping duo in which the Music of the mid-fifteenth century is notoriously hard regina celorum”) is repeated exactly in the tenor chases the cantus up a tree (6:52-7:17). to date, in part because many pieces survive in only second (“Ave domina angelorum”), he treats one manuscript copy. In the present case we can both as self-contained sections (1+1). From do better than usual. All or portions of these masses there he writes a distinct section for each new While this music may be neither traditional nor survive in two (Ecce ancilla domini), three (Se la face), chant phrase (+3), and interpolates still two valedictory, it is deeply personal. In the motet, or even four sources (L’homme armé and Ave regina more sections without cantus firmus (+2), for Du Fay tropes the chant text, twice referring to a total of seven. He takes a similar tack in the himself: “Have mercy on thy laboring Du Fay” Gloria, which divides into five (or, depending and “Du Fay beseeches thy mercy”. For the on how one counts, six) sections rather than the second of these texts Du Fay interrupts a lively more expected two or three. passage with dark, poignant music that calls attention to his own name (2/7/3:50). Tellingly, This fractured approach to form is notable. this same music returns in the mass, at the end But Du Fay more or less drops it in the rest of the of the Agnus Dei II – except the music formerly mass: the Credo is in four sections, the Sanctus set to “Du Fay” is now “[misere]re nobis” (have in the usual five, the Agnus Dei in the usual mercy on us; 2/12/3:03). This textual transforma- three. All of this fails to jibe with a tendency to tion has much to tell us about what it meant to read the Missa Ave regina celorum as a swan- be a believing Christian in the late middle ages: song of perfect musical unity. On the contrary, Du Fay’s personal plea has been subsumed into if this mass tells us anything it’s that Du Fay was the collective. committed to experimentation up until the end of his life. Other experiments include a paired duo at the end of the Gloria that is repeated Jesse RODIN exactly at the end of the Credo (2/9/5:41 and 2/10/8:14); a use of word painting at “Et ascendit in celum” (and He ascended into heaven) that anticipates the Italian madrigal by half a century (2/10/5:00); and the unex- pected introduction of B-flat, E-flat, and even 26 27
Guillaume Du Fay periode was de cyclische mis nog altijd een jong genre waarvan de conventies langzaam vorm aannamen; tegen het eind van deze periode was de mis het prestigieuze genre Les Messes à teneur van die tijd – en Du Fay was zich ongetwijfeld bewust van zijn status van “elder statesman” Wat betekende het voor Guillaume Du Fay in een arena die barstte van jongere talenten. (ca. 1397-1474), kameleonachtige expert Bovendien werd de Missa Se la face ay pale in elk muzikaal genre van zijn tijd, om tegen waarschijnlijk gecomponeerd toen Du Fay het eind van zijn leven vier versies van het aan het Hof van Savoie verbleef, terwijl de ordinarium van mis te componeren? Als we andere missen uit zijn laatste jaren in Cambrai terugkijken vanuit het hogere gezichtspunt van stammen. In tegenstelling tot Haydn en Beet- de volgende generatie, als de polyfonische mis hoven, vatte Du Fay deze werken dus niet op overheersend is, kan het verleidelijk zijn deze in verband met elkaar en hij componeerde ze werken te interpreteren als een soort toppunt ook niet onder dezelfde omstandigheden. En in de carrière van Du Fay – een voltooiing zoals natuurlijk waren de composities van Du Fay de London Symfonieën van Haydn of de latere niet bestemd voor het concert maar voor de strijkkwartetten van Beethoven. Op puur muzi- liturgie. kaal niveau zijn deze vergelijkingen juist. Elke mis stijgt ver uit boven het loutere muzikale; ze zijn vaak opvallend experimenteel; en de hele Toch biedt het idee de tenormissen als een set is van het begin tot het einde schitterend en eenheid uit te werken, een zeer bijzondere openbaart een componist die op het toppunt ervaring. In deze werken kunnen we de veran- van zijn kunst is. deringen in de muzikale stijl over een periode van ruwweg tweeëntwintig jaar nagaan, De analogie heeft zijn grenzen. De tenor- zien hoe een genre zich ontwikkelt tot het missen van Du Fay werden helemaal niet in belangrijkste van zijn tijd en observeren hoe de een korte tijd gecomponeerd, maar verspreid toonaangevende componist uit die tijd korte over een chronologisch lange tijdspanne, van polyfonische stukken samenbracht in fascine- 5. Le couronnement de la Vierge, de jaren 1450 tot 1470. Aan het begin van deze rende gehelen op grote schaal. extrait de Les Très Riches Heures du duc de Berry, Ms. 65, fol. 60v [© Musée Condé, Chantilly] 28 29
Deze missen zitten vol verrassingen – en Du Fay is een grootmeester van de musikale volgen, kunt u de site http://josquin.stanford. drie maal sneller zingen van elke notenwaarde daarom is het belangrijk een idee te krijgen van textuur wat wil zeggen dat hij heel zorgvuldig edu bekijken.] tot gevolg heeft dat de tenor, op metrisch vlak, de manier waarop ze functioneren alvorens het komen en gaan van elke stem bestudeert asynchroon wordt in vergelijking met de andere elk stuk apart te beluisteren. In het algemeen en manipuleert en de manier waarop de stemmen (e.g., 1/3/1:27). Al deze technieken *** zijn de hogere stemmen veel actiever dan de stemmen tot elkaar verbonden zijn om schijn- weerspiegelen Du Fay’s interesse om velerlei lagere stemmen: de cantus en contratenor zijn baar eindeloze variaties aan te brengen. Er klanken uit een ongewijzigde tekst te persen – zijn te veel combinaties mogelijk om hier op De losse harmonieën en de verbazingwek- wat Emily Zazulia zeer passend “the aesthetic of het belangrijkst wat het ritme en de melodie te sommen, maar luister in het bijzonder naar kend melodische schriftuur van de Missa Se la notational fixity” heeft genoemd. betreft, terwijl de tenor en de bas daaronder enkele imitatieve duo’s (2/3/2:06, 2/10/1:07), face ay pale verbergen iets belangrijks: dit werk de melodie steunen, waarbij de tenor het met sommige waarin de imitatie heel sterk betekent een wending in de geschiedenis van daarvoor aanwezige notenmateriaal in lange Behalve de notering valt er nog veel te is (1/8/4:09) en naar enkele duo’s met een de muzieknotatie. Het is de eerste mis waarin toonwaarden “aanhoudt”. En toch zijn er vele bewonderen in de schrijfwijze van Du Fay. de hele tenorpartij is gebaseerd op één enkele plaatsen waar de lagere stemmen centraal opvallend begin van de lagere stemmen na Het meest indrukwekkende is misschien wel melodische lijn, in dit geval de melodie van de de manier waarop de mis de “the parent komen te staan, zoals bij voorbeeld wanneer uitgebreide duetten van de hogere stemmen tenorpartij van het lied van Du Fay Se la face song” uitwerkt. Aangezien de ballade Se la de tenor sneller gaat zingen, zodat de eerder (1/3/0:32, 2/1/1:09). ay pale. Nu betekent dat niet dat de tenormis face ay pale in strofen is opgebouwd wat aanwezige noten gehoord kunnen worden altijd klinkt als een lied; in tegendeel zelfs: een (e.g., CD1/Tr4/6:28, 1/7/3:26), of wanneer uitzonderlijk is, hebben de luisteraars drie maal Nog avontuurlijker zijn de ritmisch dynami- serie opgetekende instructies verplicht de de bas hoger gaat zingen (1/9/9:36) of zelfs de gelegenheid het zeer vreemde slot ervan sche passages (1/8/2:26, 2/7/5:45, 2/9/3:24), tenor de duur van elke geschreven noot te te horen. Bij het refrein (“Sans elle ne puis”; alleen zingt (1/10/3:40). De contratenor zingt het exotische gebruik van triolen (1/9/6:42, veranderen. De tenor zingt het merendeel 1/1/0:40) zingen de drie stemmen samen in heel typerend op een toonhoogte die een 1/11/0:44, 2/10/5:33), lange sequenties van de tijd op halve snelheid en verhoogt de een uitgebreid melisme in de vorm van wat we vijfde onder de hoogste stem ligt, maar in (2/4/3:08) en gebruik van dissonantie die de geschreven notenwaarden twee keer (“crescit tegenwoordig een “driehoeksimitatie” zouden sommige passages stijgt hij boven de cantus componisten van de volgende generatie zou in duplo”). In het Gloria en het Credo opteert kunnen noemen: ze gaan van g’ naar e’ naar uit. (1/3/4:55, 1/9/1:59). Ergens anders valt de doen blozen (1/9/1:45). Subtielere aanwijzingen Du Fay voor een complexere procedure: de c’ en dan na en kleine pauze, van g’ naar e’ cantus uit, zodat hij de contratenor de ruimte bevatten uitgeschreven ritardando’s (1/9/10:16, eerste sectie van elke beweging moet drie en weer naar g’ (0:44). Het lijkt op een spel van geeft enkele van zijn meest magistrale muziek 2/10/3:32) en hemiola’s waarin de stemmen keer sneller gezongen worden, de tweede “haasje-over”, waarbij de zangers snel van te zingen (1/5/1:55, 2/5/3:21, 2/10/1:43). Onze de nadruk leggen op de tweede tel van een sectie twee maal zo snel en de derde moet elkaar overnemen en in constante beweging opnamen trachten de energie en de intensiteit driekwartsmaat (1/2/0:53–56, 2/12/4:26). De gezongen worden zoals het aangegeven staat naar de finale cadens toewerken Du Fay her- van deze passages op te vangen waarin de hier geïdentificeerde passages vormen de top (d.w.z. op normale snelheid). Het Et in terra pax bewerkt in zijn mis het materiaal vijf keer: een componist heel duidelijk en heel trots zijn kunst van de ijsberg: dit is muziek die aandachtig en Patrem, die drie maal zo snel gezongen keer aan het einde van elke beweging – maar ten toon spreidt. luisteren beloont. [Om een moderne trend te worden, zijn bijzonder intrigerend, gezien het het is het slot van het Gloria en het Credo dat 30 31
boven alles uitsteekt. Zoals hierboven al aange- niet in geslaagd één van de meest verplichte 6. Guillaume Du Fay, Missa L’homme armé, Kyrie I, facsimilé, Lucca Codex, fol. 39r geven werd, zijn deze bewegingen bijzonder kenmerken (en vanuit een historisch oogpunt [© University of Chicago Press] nauw met elkaar verbonden: namelijk door een ondubbelzinnig kenmerk) volledig uit te hun gedeelde identieke behandeling van de voeren: dat wil zeggen terwijl alle stemmen tenorstem, want ze hebben precies dezelfde in G zijn, mist de cantus het Bes kenmerk dat lengte en ze sluiten alle twee af met een korte de drie lagere stemmen hebben. Daarom climax (Cum sancto spiritu/ Confiteor). Bij het botst de cantus die B na herstellingsteken zingt “Amen,” (1/3/7:27, 1/4/7:16) componeert Du regelmatig op tegen de Bes –wat men zelfs in Fay uitgebreide melismen waarin het deel van de openingszin al kan horen (1/7/0:11). Deze de driehoeksimitatie uitgroeit tot een geheel onverwachte juxtaposities die teruggaan van vierstemmen. Het slot van het Credo kan tot de vroeg vijftiende eeuwse klankwereld, gehoord worden als een versterkt gevolg op bereiken hun hoogtepunt in het “Et incarnatus het Gloria met de vrije stemmen die nu heel est”, waar de naïeve imitatie in de octaaf bewust stijgen naar de top van hun tessituur. In tussen de hogere stemmen tot verschillende, beide passages klinkt de mis enerzijds een tijdje snel op elkaar volgende realisaties van als een lied – wat ongewoon is in een genre dat dezelfde melodie leidt (1/9/4:58). als doel heeft met oud materiaal iets nieuws te maken. Anderzijds zorgt de complexere Niet minder stoutmoedig is een eerdere structuur ervoor dat geen enkele luisteraar de passage uit het Credo die de aanhangers twee werken ooit met elkaar zou verwisselen. van moderne muziek zal bevallen. In wat En inderdaad, hier en doorheen de hele mis waarschijnlijk bedoeld was als een afbeelding verandert Du Fay de slotcadans van het lied van “door hem werden alle dingen gemaakt” door van C naar uiteindelijk F weg te zwerven. (per quem omnia facta sunt), zet Du Fay elke stem heel kort in een afzonderlijke maat Ondanks deze harmonische verschuivingen (1/9/3:24). Laten we deze passage met een is de Missa Se la face ay pale bijna “klassiek” moderne terminologie beschrijven: de tenor vergeleken met de andere mis op de CD 1. blijft in 3/4-maat zingen. De bas gaat over naar De Missa L’homme armé is indrukwekkkend, 6/8-maat; de cantus zingt ook in 3/4-maat en met een complexe en heel stoutmoedige con- zingt tripletten tegen elke twee tellen van de structie. De meeste moderne uitvoerders zijn er maat en de contratenor die een melodielijn 32 33
gelijkaardig aan die van de lagere stemmen en de cantus firmus als in een vuurwerk een Door de hele mis heen gebruikt Du Fay maar die nu echter gesteund wordt door een heeft, gaat over naar een 2/4-maat. Het is een slotscène zingt die het einde van het Kyrie veranderingen in de compositiestijl om de tijd levendige baslijn. In deze context gehoord is pandemonium – en toch is het contrapunt zo samenvat (1/7/3:25). Als we wat afstand over een brede tijdspanne te beheersen. Een deze rijke compositie voor drie stemmen een goed gecomponeerd dat niets verkeerd loopt. nemen van deze details is het meest opval- eerste voorbeeld is de Qui tollis (2/2/2:43). Na versterkte setting van de tekst (“Heilig, heilig, Wanneer dit goed uitgevoerd wordt is de com- een zacht duet van de hoge stemmen dat heilig”). Het Agnus Dei keert terug naar de lende van deze compositiestrategie dat Du Fay plexiteit bijna niet te horen. helemaal eindigt voor “suscipe” komt de bas eenvoudige muziek van het Kyrie I. De enige het nooit meer probeerde. Geen enkele van op die zingt als cantus en de contratenor gaat verandering is een toegevoegde “staart” die de andere slotscènes van zijn ordinarium van verder in imitatie—aanvankelijk in gelijk ritme de overgang naar de oorspronkelijke schriftuur Het slot van deze mis was de aanzet tot een mis zijn zo zelfbewust verblindend. en daarna in “deprecationem nostram” met soepeler maakt. trend om het Agnus Dei III als een muzikale overvloedige syncopes. Dit dient allemaal om climax te bewerken. Du Fay draait meesterlijk *** de entree van de tenor aan te kondigen (3:29). rond de melodie van L’homme armé, waarbij De bronnen van de Missa Ecce ancilla domini Maar in plaats van de entree van de tenor als hij de tenor eerst achteruit laat zingen in suggereren dat de tenor de tekst van de een climax te behandelen, vergroot Du Fay het augmentatie en daarna vooruit in normale Zoals de breedsprakige titel hier doet cantus firmus zou zingen als tegengesteld aan muzikale element door het ritme te vertragen. snelheid. Deze instructie was niet echt opge- de woorden van het ordinarium. We hebben veronderstellen, is de Missa Ecce ancilla Pas in het volgende duo (3:46) waar de andere schreven maar eerder aangegeven in een zowel hier als voor de andere mis op CD 2 voor domini/Beata es Maria gebaseerd op twee stemmen in nauw verbonden ritmes worden knappe zin: “de krab vertrekt compleet maar deze oplossing gekozen, waar de twee lagere tenormelodieën in plaats van één: een paar opgevoerd, begint hij op te klimmen naar het komt half terug” (cancer eat plenus sed redeat stemmen de tekst van het oorspronkelijke lied antifonen voor de dienst van de Maagd. Dit “Amen.” medius). Men heeft veel geschreven over de zingen. Dit lied, het beroemde Maria antifoon mogelijke symboliek achter deze procedure. stuk gaat vooral over de Maagd Maria en was Ave regina celorum, is atypisch door het Het is ook interessant (en niet zonder verband) waarschijnlijk gecomponeerd voor een Maria- Elke mis in dit album maakt gebruik van een opdelen van de tekst in een reeks korte zinnen. te zien hoe de andere stemmen op de tenor dienst op Pasen. In deze periode is het moeilijk “hoofdmotief” – een korte passage die aan het In antwoord op deze gefragmenteerde struc- reageren. Tegen het einde van de passage die “Maria” met een bijzondere compositiestijl te begin van elke beweging wordt herhaald. In tuur, giet Du Fay het motet Ave regina celorum de tenor retrograde zingt (1/11/4:25) vertraagt associëren – maar misschien is het geen toeval Ecce ancilla tondergaat het hoofdmotief een III in vier aparte delen. In het Kyrie van de mis Du Fay het tempo, gaat vloeiend over naar bijzonder elegante transformatie. De zin die we gaat hij hierin zelfs verder: omdat hij merkt dat dat deze zeer intieme mis een overvloedige een heldere C klank en komt tenslotte heel aan het begin van het Kyrie horen, wordt uitge- de muziek van de eerste halve zin van het lied compositie voor twee stemmen bevat. Duetten sterk op G. Al deze elementen onderstrepen breid in het Gloria waar het aanleiding geeft (“Ave regina celorum”) precies herhaald wordt de komende terugkeer van de tenor naar de verschijnen zelfs op plaatsen waar we ze niet tot een veel langer openingsduo; het Credo in het tweede lied (“Ave domina angelorum”), normale voorwaartse gang (4:38). Vanaf dit zouden verwachten, zoals bij voorbeeld in de begint als het Gloria maar het openingsduo behandelt hij de twee als identieke delen (1+1). moment tot het einde blijft de muziek in een zeer lange breuk in het midden van het Kyrie I gaat veel verder. Een spilmoment komt in het Vanaf dat punt schrijft hij een aparte sectie climax waarbij de vrije stemmen druk zingen (0:33). Sanctus dat begint met de muziek van het Kyrie voor elke nieuwe zin van elk lied (+3) en hij 34 35
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