Heidiland, paradis perdu? - Le tourisme suisse en pleine métamorphose DOSSIER - L'auditoire
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L’aud LE JOURNAL DES ÉTUDIANTS DE LAUSANNE DEPUIS 1982 itoire SOCIÉTÉ CAMPUS CULTURE MÉDIAS EN L’ENVERS DES DES MUSÉES MUTATION ÉTUDES MAL ADAPTÉS DOSSIER Heidiland, paradis perdu? Le tourisme suisse en pleine métamorphose Suzanne Badan édité L’auditoire No 240 // Octobre 2017 Retours L’auditoire – FAE // Anthropole – Bureau 1190 // 1015 Lausanne par la
COMITÉ DE REDACTION ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO remerciements lauréane badoux, Antoine schaub, OPHéLIE jeremy parce qu’il est revenu, RÉDACTION EN CHEF SCHaeRER, suzanne badan, valentine michel, lighea pour son endurANCE, LAURéANE BADOUX, Antoine Schaub emmanuelle vollenweider, JESSICA CHAUTEMS, THIBAUD PARCE QU’IL EST CLéA MASSEREY, EMMANUELLE FLAURAUD, adriane FORMIDABLE, LA COPINE DE LOIC DOSSIER bossy, loïc gerber, ainhoa ibarrola, aurélia POUR LA FOCACCIA, LES SLIPS MAIS OPHéLIE SCHAErer babey, thibaud ducret, tiago Dosantos morais, BIO SEULEMENT, BALAVOINE EN KILT maxime kissou, étienne furrer, alexandre (MAIS SANS SLIP DU COUP, SAUF S’IL CAMPUS ET SPORT jewell EST BIO), LES CHINOIS PARCE QU’ILS Suzanne badan NE PRENNENT PAS LES VELOS, HEIDI corrections QUI VOIT SON PARADIS DisparaItre, SOCIÉTÉ grégoire gonin LA FONDUE BACK VALENTINE MICHEL SECRÉTAIRE ADMINISTRATIf ET COMPTABLE FAE MATTEO KNOBEL olia marincek L ’ AUDITOIRE IMPRIMERIE CULTURE centre d’impression des ronquoz N° 240 emmanuelle vollenweider BUREAU 1190, BÂTIMENT anthropole 1015 LAUSANNE T 021 692 25 90 ÉDITEUR FAE E redaction@auditoire.ch www.auditoire.ch PARUTION 6 FOIS L ’AN 14 13 07 06 ski 12 04 Clivaz Suisse Tsépakoi SOCIéTé DOSSIER Carrière ou enfants? Interview de Christophe Le tourisme en chiffres L’avenir des stations de Nouveaux médias en ligne Historique du tourisme en ment climatique et modification de ses tant en avant la beauté sauvage de ses Vie privée et réseaux sociaux paysages, saisons d’hiver écourtées, montagnes, glaciers et lacs, le tourisme Longtemps nourri par un imaginaire met- des difficultés croissantes: réchauffe- suisse fait néanmoins face aujourd’hui à 17 10 09 08 16 Sommaire Airbnb l’étranger CAMPUS Dorigny n’est plus Campus et durabilité Partir en Suisse: les Image de la Suisse à Les Chinois en Suisse Etudes et santé mentale s’offrent aux acteurs de ce secteur. conseils de la rédaction numéro un panorama non exhaustif de ski… L’auditoire vous présente dans ce franc fort, désintérêt croissant pour le ces différents défis et des solutions qui 19 24 23 22 21 18 15 20 FAE AGENDA Le Capital SPORT Chessboxing CULTURE Nos chroniques CHIEN MECHANT Culture et société: CULTURE EN VRAC La culture pour tous Attirer par la culture OCTOBRE 2017 Essor du football féminin Une nouvelle tête à la FAE 2
éDITO OCTOBRE 2017 3 Edito L’histoire de la vie Ç a y est, le mois d’octobre est arrivé et avec lui l’annonce de l’au- tomne. L’automne, avec ses feuilles plus en plus. L’on peut ainsi penser aux adhérents à l’indépendance du Kurdistan irakien (dont le référendum, l’Anthropole n’est pas le seul à justifier que l’on festoie cet automne: 2017 vient aussi marquer les 35 ans du jour- rougissantes, ses recettes culinaires très largement adopté par les premiers nal des étudiants de Lausanne qu’est autour de la courge sous toutes ses concernés à 92%, demeure renié par L’auditoire. formes, ses vêtements doux, chauds le pays) ou encore aux initiants du réfé- et réconfortants. Mais ne l’oublions rendum pour l’indépendance de la Vers l’infini pas: après l’automne arrivera l’hiver. Catalogne, jugé pourtant illégal par la Si l’horizon médiatique de Suisse L’hiver, avec son manteau neigeux, justice espagnole. Bien sûr, pour les romande est depuis quelque temps ses plaques de verglas et ses tempé- étudiants que nous sommes, tout cela mouvementé et incertain, certains ratures à glacer le sang. L’automne semble loin, tant du point de vue géo- médias se montrent inventifs et astu- est bien cette saison intermédiaire graphique que sur les problématiques cieux afin de garder la tête hors de qui annonce et prépare la mort pro- mises en avant. Néanmoins, à notre l’eau, en tâchant de s’adapter aux nou- chaine de la nature durant les mois petite échelle aussi, l’activité est tout velles demandes du lectorat, en privilé- hivernaux. Ainsi, les oiseaux migra- sauf incessante en cet automne 2017. giant notamment le numérique (cf. p. teurs commencent à partir, les ani- 12). Bien que très différente, l’histoire maux des bois se terreront bientôt au Une joyeuse rentrée de L’auditoire témoigne elle aussi fond de leur cachette et les arbres se Un simple passage sur le campus de d’une certaine faculté à s’adapter aux défont déjà de leurs feuilles en mettant l’Unil ou de l’EPFL suffit à le confirmer: humeurs du temps, et à élargir ses leur sève à couvert. L’automne est-il l’arrivée de l’automne rime bien avec la domaines. En effet, alors qu’il ne alors la saison durant laquelle tous les rentrée universitaire. Ainsi, les allées s’agissait premièrement que d’un jour- êtres vivants de ce monde cessent de la bibliothèque, les bulles du Rolex nal en format papier, L’auditoire a su l’entier de leurs activités? et les labyrinthes de couloirs de l’An- suivre le mouvement. Ainsi, toujours en thropole sont autant d’espaces ayant quête de nouvelles expériences, et cela Un moment d’agitation repris vie à la fin du mois passé. Et dans plusieurs domaines, le journal a, C’est pourtant tout l’inverse qui se d’ailleurs, si chaque rentrée ranime for- entre autres, créé un prix littéraire en déroule sous nos yeux. L’humain, contrai- cément les différents lieux de nos 1995, le Prix de la Sorge. L’occasion, rement à la nature qui l’entoure, ne campus, celle de cet automne 2017 dès lors, d’agrémenter ses écrits jour- ralentit pas ses occupations lorsque le s’annonce, elle, particulièrement fes- nalistiques de quelques textes plus lit- froid pointe le bout de son nez. Et il tive. Effectivement, 2017 n’est pas une téraires, voire poétiques – les gagnants semblerait même que ce soit un moment année comme les autres, puisqu’elle de l’édition 2017 paraîtront d’ailleurs plutôt propice à une certaine activa- symbolise les 30 ans du bâtiment dans le numéro de décembre. Et tion, un certain réveil. En effet, dans Anthropole. Ainsi, plusieurs événe- puisqu’un journal mise aussi sur ses différents coins du globe, certains mou- ments, expositions et autres festivités illustrations pour plaire, c’est tout natu- vements allant à l’encontre de l’ordre éta- ont eu lieu et sont encore programmés rellement que L’auditoire a ajouté une bli se sont fait entendre et s’activent de pour la suite du semestre. Mais corde photographique à son arc, avec le Prix de la Chamberonne dès 2013. Lauréane Badoux Mais l’aventure de ce journal ne s’ar- rête pas là: bien que toujours considéré comme principal, le format papier par- tage désormais le devant de la scène avec un site web, une page Facebook, un compte Instagram et même une chaîne YouTube! L’automne n’est donc aucunement une saison triste, mais bien celle d’un bouillonnement palpi- tant et entraînant. Chaque rentrée amène d’ailleurs son lot de nouveaux étudiants et de journalistes en herbe pouvant à tout moment nous rejoindre. Alors ne soyez pas frileux, ressortez votre doudoune et vos moon-boots, et que l’aventure continue. • Lauréane Badoux
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 4 «Pour le tourisme d’aujourd’hui, l’important, c’est l’expérience» Interview avec Christophe Clivaz INTERVIEW • Christophe Clivaz, professeur associé à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne, est un spécialiste du tourisme en Suisse. Il s’intéresse particulièrement à la problématique du tourisme en montagne et aux défis que posent et poseront les changements climatiques dans ce secteur. Rencontre. Q Christophe Clivaz uelles sont les principales spé- cificités du tourisme en Suisse et comment celui-ci a-t-il évolué depuis son apparition? Le tourisme en Suisse a 200 ans d’âge. Ses formes actuelles ne res- semblent donc pas vraiment à ses formes d’origine. C’est un phénomène qui a été inventé essentiellement par les Anglais, qui, après les scienti- fiques, ont découvert la montagne et l’alpinisme. Ils ont donc représenté la première clientèle et ont également déclenché la construction d’une offre touristique en Suisse permettant l’ac- cès à la montagne et à ses paysages popularisés par les écrits de Lord Byron ou de Jean-Jacques Rousseau. Historiquement, il s’est développé autour de la saison d’été, puis, à partir du début du XXe siècle, a commencé à s’ouvrir sur l’hiver, et enfin, après la Deuxième Guerre mondiale, dans les années 1970, la saison d’hiver est devenue dominante en termes de nui- tées, grâce à l’arrivée du ski. Peut-on parler de tourisme urbain en Suisse? Christophe Clivaz: «Une partie de la clientèle serait intéressée à voir d’autres modèles de développement qui s’assument en montagne.» Aujourd’hui oui, et c’est d’ailleurs une partie du secteur touristique qui temps. Celles qui ont réussi à avoir un et octobre sont les mois avec le moins en termes d’activités. Cela n’est évi- souffre beaucoup moins que la mon- succès constant ont dû modifier leur de précipitations et sont donc extrême- demment pas valable pour tous les lieux tagne, même s’il s’agit d’un phéno- produit par rapport aux attentes de la ment intéressants, même si pour l’ins- touristiques, certains ayant encore une mène bien plus récent. En revanche, il clientèle. On peut imaginer, vu le tant ils sont assez peu valorisés au belle carte à jouer, parce qu’ils sont en est clair que pour les territoires réchauffement climatique, que la sai- niveau touristique. haute altitude et ont un domaine concernés l’apport économique du son d’été sera à l’avenir à nouveau une skiable tout à fait compétitif au niveau tourisme est relativement marginal par saison dominante. On l’a passable- Le marché du ski international. Mais en ce qui concerne rapport à son importance pour la mon- ment négligée depuis l’arrivée du ski, toute une série de petites destina- tagne, où il s’agit souvent de la princi- qui a été un énorme succès et a per- est clairement en tions, je pense que le moment est pale activité économique. mis de développer les vallées alpines régression en venu de planifier non pas la poursuite aux niveaux économique et démogra- des investissements dans le ski, mais Comment les stations de ski et le phique. Mais on sent bien qu’au- Suisse le désinvestissement du ski et le réin- tourisme en montagne peuvent-ils jourd’hui on est arrivé au bout de ce En ce qui concerne les produits, les vestissement dans d’autres types faire face aux difficultés engen- modèle de développement, non seule- stations sont conscientes qu’elles d’activités. La grosse difficulté, c’est drées par le manque de neige et ment pour des raisons climatiques doivent se diversifier, mais en même qu’une seule activité ne suffit pas. des saisons hivernales de plus en mais aussi parce que le marché du ski temps elles privilégient la pérennité du Néanmoins, il existe quelques pistes plus courtes? est clairement en régression en ski, en investissant de manière considé- de réflexion, comme la randonnée ou Je pense qu’il est important de se Suisse. La priorité à court terme est rable dans le développement des instal- le vélo. Dans ce cas, il faut pouvoir rendre compte que les stations les de muscler la saison d’été, ainsi que lations et dans l’enneigement méca- offrir un paquet tout inclus, mais aussi plus anciennes ont près de 200 ans et l’avant-été en juin et l’arrière-été en sep- nique. Ainsi, on s’interdit souvent de avoir des infrastructures qui s’adaptent qu’elles ont dû s’adapter au cours du tembre-octobre. En Suisse, septembre penser à d’autres possibles, notamment à l’activité proposée, comme par
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 5 Christophe Clivaz exemple un hôtel qui permet d’entre- poser les vélos et de faire des petites réparations, ou encore une alimenta- tion qui corresponde aux besoins des sportifs. Et puis la culture a un grand potentiel. On l’a déjà un peu travaillée en Suisse sur des questions de valori- sation du patrimoine bâti par exemple, mais on peut aller beaucoup plus loin dans l’idée de raconter une histoire. Pour le tourisme d’aujourd’hui, l’impor- tant, c’est l’expérience. Les touristes ont envie de passer un séjour mémo- rable, et souvent les souvenirs se construisent à partir des spécificités du territoire, que ce soient des caractéris- tiques gastronomiques, des légendes, du patrimoine bâti… Je pense qu’on peut encore mieux mettre en scène ces particularités. En Suisse se pose aussi la question de l’échelle à laquelle il faut penser le tourisme en termes de gouvernance: aujourd’hui les structures sont beaucoup trop petites, on a de la peine à fédérer ses forces et à réflé- chir à la même échelle que le touriste, Le Cosmo Jazz Festival, à Chamonix, représente une manière d’attirer une nouvelle catégorie de visiteurs en montagne, via la culture. qui lui n’a pas conscience des fron- tières communales, ni des conflits haute altitude, les glaciers. D’ailleurs, il y notamment dans certaines vallées qui primaire, en chassant les locaux, qui entre les communes. Il faut donc réflé- a là un enjeu, un questionnement sur n’ont pas connu le tourisme de masse ne peuvent par exemple plus vivre au chir au tourisme à un niveau bien plus l’avenir: comme ces glaciers vont dispa- et qui peuvent offrir des expériences centre de Genève, parce qu’il y a des large, territorial. raître, le paysage suisse sera-t-il moins touristiques à des prix tout à fait opérateurs qui travaillent pour Airbnb attrayant pour les touristes? Il est vrai concurrentiels. Mais tenter de faire qui gèrent des appartements. Pour Peut-on miser sur le tourisme à que cet imaginaire continue à prédomi- concurrence au niveau des prix n’appor- ces opérateurs, Airbnb est plus ren- sensations fortes? Est-ce une ner, et il s’agit peut-être de le ques- terait rien à la Suisse. Elle doit essayer table qu’une location à l’année. forme de tourisme spécifique? tionner. Il existe quand même une ten- de trouver quelque chose de plus en Oui, je pense que tout ce qui est lié dance à faire du «faux vieux» en termes de qualité et d’expérience. Pour conclure, à quoi le tourisme aux sensations fortes, au sport montagne, en construisant des vil- en Suisse ressemblera-t-il dans cin- outdoor et à l’aventure possède un lages à la Heidi, y compris dans des Du coup, les solutions comme quante ans? potentiel, déjà en partie exploité mais destinations qui, un temps, s’étaient Airbnb sont-elles un point positif La saison d’été sera sans doute deve- qui mérite de l’être encore plus. développées de manière très urbaine, pour le tourisme suisse? Est-ce que nue la saison dominante. On aura Néanmoins, l’enjeu essentiel est la comme Crans-Montana. Au lieu d’as- cela pose problème pour l’hôtellerie? perdu une bonne partie de nos pay- taille du marché: à partir du moment sumer d’être une ville à la montagne, Airbnb pose des problèmes de concur- sages glaciaires et le ski aura disparu où vous vous investissez dans des avec les désagréments mais aussi les rence et de paiement des taxes de en tant qu’activité. Mais, d’une cer- activités plus «à risque», vous vous nombreux avantages que cela apporte, séjour. Mais c’est un type d’offre qui taine manière, la Suisse aura bénéficié privez d’une partie de la clientèle qui notamment la capacité d’offrir tous les peut être intéressant, pour les stations du réchauffement climatique, parce n’a pas la motivation ou l’envie de faire services propres à une ville normale, il de montagne en particulier, qui que l’été sera tellement plus chaud ce genre d’expériences. Les destina- y a une volonté de mettre en scène peuvent convaincre ainsi les proprié- dans des régions comme le bassin tions suisses éprouvent une difficulté l’idée de village alpin, architecturale- taires de résidences secondaires de méditerranéen que les gens cherche- à choisir des créneaux de clientèle et à ment notamment. Je pense qu’une les mettre sur ce genre de plates- ront la fraîcheur de la montagne et se positionner là-dessus. Une fois partie de la clientèle serait intéressée formes. Ces dernières ont une réson- reviendront trouver des espaces de qu’on choisit les sports outdoor par à voir d’autres modèles de développe- nance immense. Selon l’Observatoire détente, de repos, de ressourcement exemple, il faut aller au bout de la ment qui s’assument en montagne. valaisan du tourisme (tourobs.ch), qui en montagne. Il existera certainement démarche et adapter le produit. Trop fait tous les six à huit mois une des formes de tourisme dont on n’a souvent les destinations veulent avoir Que répondre à ceux qui estiment enquête Airnbnb en Suisse et y réfé- même pas conscience aujourd’hui, un peu de tout le monde: des sportifs, que, comme la Suisse est déjà un rence le nombre de lits mis à disposi- des activités et des pratiques nou- des jeunes, des personnes âgées, des pays cher, elle aurait intérêt à se tion, il y a aujourd’hui en Valais autant velles, comme tout ce qui est lié à la familles… Et finalement personne n’est consacrer au tourisme de luxe? de lits disponibles sur Airbnb que spiritualité en montagne, le retour sur réellement satisfait, parce qu’une seule Il est indéniable que la Suisse est per- dans l’hôtellerie. Il est vrai qu’en par- soi, des stages, le yoga, qui existent partie des attentes est remplie, mais çue comme un pays cher. De plus, par tie, ce sont des hôteliers qui mettent d’ailleurs déjà, mais marginalement. • pas toutes. rapport à la zone euro, la situation leurs propres chambres sur Airbnb, s’est encore péjorée depuis ces der- mais cela montre d’une part que le Est-ce qu’on peut dire que la Suisse nières années. Il est assez évident phénomène prend de l’ampleur, et attire un certain type de touristes, pour moi que tenter de lutter sur les d’autre part que cela permet de comme l’image véhiculée à l’étran- prix avec nos concurrents plus directs réchauffer un peu ces lits vides en ger tourne autour de la montagne, n’est pas une bonne stratégie. En station. Cela ne crée pas, ou en tout Propos recueillis par des lacs, de ces paysages? revanche, je dirais qu’il n’y a pas que le cas beaucoup moins, le problème que Ophélie Schaerer et Valentine Michel Il y a en effet un imaginaire fort et très segment luxe à préserver, il existe l’on trouve dans les zones urbaines, ancien autour du tourisme en Suisse, toute une clientèle de classe moyenne où ce genre de plate-forme représente basé sur la montagne, les paysages de qui peut être intéressante pour nous, une concurrence à la résidence
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 6 Entre monts et merveilles Avalanche de chiffres HISTORIQUE • Avant les vacances à la mer, on allait à la montagne, ce qui a fait du tourisme suisse un précurseur de son domaine au XIXe siècle. Les innovations technologiques et la pensée romantique en ont fait un séjour obligé jusqu’à la Première Guerre mondiale. 36 , c’est la place qu’occupe la Suisse en 2015 dans le classe- ment Top Destinations , réalisé par P Dr. endant longtemps, les montagnes mais les touristes s’installent d’abord l’Organisation mondiale du tourisme, suisses ne furent, dans le paysage dans des villes plus éloignées pour le critère de classification étant les européen, que des obstacles entre s’en approcher par expéditions. Ce arrivées internationales annuelles Rome et Paris, un passage obligé plu- s o n t G e n ève , L a u s a n n e , p u i s dans le pays. A ce moment-là, la tôt effrayant. Mais, peu à peu, l’intérêt Montreux qui sont d’abord équipées Suisse en comptabilise 9,3 millions. de certains naturalistes, comme Albert p o u r r e c evo i r l e s voya g e u r s . Néanmoins, lorsqu’on prend comme de Haller, auteur d’un poème à la Dépendant de l’évolution de la mobi- critère les recettes touristiques inter- gloire des Alpes en 1729, commença à lité, les premiers pas du tourisme nationales en milliards de dollars, la se focaliser sur ces merveilles natu- passent par des voies de chemin de Suisse gagne des places et se relles et, par là, à les rendre intéres- fer et des bateaux à vapeur. Certaines retrouve 19e. santes pour le public. avancées technologiques font d’ail- leurs date: 1823 et le premier bateau Les montagnes, lacs, rivières et parcs Une alternative à vapeur sur le Léman, 1882 et l’ou- naturels suisses attirent un grand verture du Saint-Gothard, mais aussi nombre de personnes. Plusieurs poétique au chaos 1871 et le premier train à crémaillère moyens existent pour profiter de ces des grandes villes reliant, dès lors, Vitznau à Rigi, près endroits. La randonnée, par exemple, de Lucerne. Encouragés par les his- est une activité très appréciée pour Puis, la Suisse se mit à représenter, toires d’alpinistes relatées dans la cela, que ce soit par des touristes ou dans l’imaginaire européen des roman- presse européenne, les touristes des randonneurs occasionnels. Le tiques, une alternative poétique au peuvent se rêver explorateurs. En pays est recouvert d’un réseau de chaos des grandes villes. Cédric parallèle, la Suisse et la pureté qu’elle randonnée s’étendant sur plus de Humair, professeur d’Histoire à l’Uni- reflète deviennent également appré- aussi de la concurrence de plus en plus 65 milliers de kilomètres. versité de Lausanne, affirme qu’alors, ciées pour traiter les maladies. Dès le forte des pays voisins. Le tourisme évo- «le paysage alpestre devint l’expres- XVIIIe siècle, les médecins poussaient lue: on commence à voyager plus en Mais la marche n’est pas le seul sion par excellence du sublime des en effet leurs patients à voyager pour voiture qu’en train, et peu à peu la mer moyen pour admirer ces beaux pay- romantiques, une source fabuleuse se soigner, vantant également les ver- devient plus en vogue que la mon- sages. En Suisse, ces derniers d’émotions positives», et la Suisse, par tus de l’air des montagnes et de l’eau tagne. La Suisse, quelque peu rigidi- peuvent se trouver en hauteur, et la suite, «une sorte de refuge idéalisé, thermale. Sanatoriums et bains appa- fiée par son succès d’antan, perd alors pour y accéder des remontées méca- loin des villes insalubres, des mœurs raissent alors en Suisse pour répondre sa place dominante dans le domaine. niques sont alors sollicitées. Durant corrompues et des impôts imposés à cette demande. la période d’hiver 2015-2016, le pro- autoritairement par la monarchie». Et aujourd’hui? duit de ces remontées était de 646 Les touristes De nos jours, le tourisme suisse est millions de francs (en co mptant la Des technologies vitales toujours important et constitue le participation des skieurs). A la faveur d’un lien fort avec l’Angle- peuvent se rêver troisième secteur économique du terre, première nation à pratiquer lar- explorateurs pays. Néanmoins, le domaine a D’ailleurs, depuis plusieurs années, le gement le tourisme, la Suisse devint beaucoup souffert du franc fort et de taux de fréquentation hivernale des au XIXe siècle le haut lieu du tourisme Selon Cédric Humair, au XIXe siècle et la concurrence accrue des pays voi- stations de ski est en baisse, et n’a européen. La montagne est le pre- au début du XXe, «Lausanne est même sins au XXe siècle. jamais été aussi bas que durant l’hi- mier argument du paysage suisse, qualifiée de “Mecque médicale” dans ver de 2015-2016. Selon le bilan des les médias étrangers. Il en va de même Le tourisme Remontées Mécaniques Suisses, Dr. aux Grisons, qui forgent leur réputation cette baisse ne peut s’expliquer uni- sur la cure d’air en altitude.» A noter suisse souffre quement par de mauvaises condi- qu’une thèse de doctorat sur ce sujet aujourd’hui de tions météorologiques. Une mécon- sera défendue le 3 novembre prochain naissance des clients? Un désintérêt à l’Unil par Piergiuseppe Esposito. son manque de pour le ski? Des tarifs onéreux? Ce définition qui est sûr, c’est que la Suisse n’est Changements au tournant du siècle plus la destination rêvée des touristes L’âge d’or du tourisme suisse arrive à L’hôtellerie helvétique est restée un souhaitant passer des vacances sur la Belle Epoque, où les projets et inno- modèle, mais, selon Cédric Humair, le des skis. Ils préfèrent se tourner vers vations technologiques se multiplient tourisme suisse souffre aujourd’hui l’Autriche ou la France, où les prix pour contenter les voyageurs. De plus de son manque de définition. Que sont plus abordables. • en plus de personnes ont alors la vient-on chercher en Suisse au XXIe chance de goûter au prestige du voyage. siècle? Une distinction sociale? De Mais, de la Première à la Seconde l’anonymat et de la sécurité? Une Guerre mondiale, le tourisme suisse culture? Difficile à dire… • prend un coup, du fait des conflits armés, des crises économiques mais Loïc Gerber Suzanne Badan
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 7 Préalpes: du ski au frisbee STATIONS • A Château-d’Œx, la décision est tombée cet été: la dernière remontée mécanique du village ne fonctionnera plus. Après des années de soutien à perte, la commune s’est vue contrainte de renoncer à son statut de station de ski. Quelles solutions pour cette problématique qui touche toutes les stations se trouvant à des altitudes de moyenne montagne? D ans les stations de moyenne altitude, l’heure est au chan- gement. Alors que les tempéra- circuit, je n’y avais pas pensé comme une alternative au ski, mais plutôt comme une acti- tures hivernales sont de plus en vité à faire en été pour les plus douces et que la neige fond familles. Et pourtant, l’hiver à vue d’œil, les financements passé, on a pu donner des ini- publics commencent à lâcher les tiations jusqu’en janvier car remontées mécaniques des toute la neige qui était tombée domaines skiables les moins ren- à Noël avait déjà fondu.» Selon tables. Leur argument principal? le jeune homme, cette activité L’extension de l’enneigement n’attire pas que les familles, artificiel ne correspond pas à un mais également les sorties modèle de développement d’entreprises et les personnes durable, tant sur le plan écono- aya n t u n b u d g e t l i m i t é : mique qu’environnemental. En «L’hiver passé, j’ai donné une effet, alors que la Cour des initiation à une famille en hiver. comptes vaudoise déclarait en Finalement, ils étaient 2012 que «le tout au ski» n’était contents de ne pas avoir pu plus de mise, un nouveau projet, faire une journée de ski car «Vision Alpes vaudoises 2020», cela leur aurait coûté beau- s’est mis en place. coup plus cher.» Il est clair qu’en proposant la location de Prendre le virage climatique ses disques à cinq francs seu- Déjà en 2011, une étude du l e m e n t , Ba s t i e n Ro s s i e r Crédit Suisse tirait un bilan très assure également la compéti- clair: les stations des Préalpes tivité de son activité face aux disparaîtraient si elles ne alternatives. Une activité ren- misaient que sur le ski. Herji table sur les quatre saisons, Aujourd’hui, la réalité frappe ces sta- le pourcentage des revenus dus au Grand Conseil vaudois et du Conseil n’est-ce pas là une issue viable sur le tions de moyenne altitude, qui tourisme d’hiver s’élevait jusqu’à l’hi- communal de son village, cette solu- long terme pour les stations de doivent toutes faire face aux mêmes ver passé à 70%, alors que celui du tion n’est pas viable à long terme: «Si moyenne altitude? Selon Pierre- contraintes: nécessité croissante tourisme d’été n’atteignait que diffici- des personnes se mobilisent, nous François Mottier, «lorsqu’il y a de la d’enneigement mécanique, déficits lement les 30%. Pour l’année à venir, pourrions encore passer cet hiver car neige, les gens veulent skier. Il est très chroniques, peu de liaisons directes la commune veut inverser la tendance il nous reste un an de concession sur difficile de proposer une activité qui avec les autres domaines skiables, en proposant des activités pour les la remontée mécanique. Cela nous fasse concurrence au ski.» demandes de soutien massif aux familles. Cela devrait lui permettre de permettrait également de mieux pouvoirs publics, entretien coûteux ne plus être aussi dépendante de la développer les infrastructures néces- Il est très difficile des remontées mécaniques... Face à saison de ski, qui au fil des années saires à un tournant vers un tourisme cette montagne de problèmes, cer- devient de plus en plus courte pour quatre saisons. Mais pour les saisons de proposer une taines stations ont déjà vu leurs effec- cette station, dont le sommet culmine à venir, j’ai peu d’espoir que les finan- activité qui fasse tifs drastiquement réduits, et cer- à 1626 mètres d’altitude. cements privés suffisent pour mainte- taines pensent à se tourner vers des nir le ski à Château-d’Œx.» concurrence alternatives, au détriment du ski. Château-d’Œx: la mort d’une station au ski Les problèmes de financement et Une alternative originale Nécessité crois- d’enneigement pèsent également sur Pourtant, tout le monde ne déses- Pourtant, Château-d’Œx a plusieurs la petite station vaudoise de Château- père pas à Château-d’Œx. Bastien projets pour garder les touristes sante d’enneige- d’Œx, située à moins de 1000 mètres Rossier, jeune Damounais, a lancé dans son village, et ce pendant les ment mécanique d’altitude. Cet été, le mot a été lâché: l’année dernière un parcours de disc- quatre saisons. Peut-être la com- après des années de financement à golf. Inventé dans les années 1990 au mune arrivera-t-elle à se démarquer et déficits perte, le Conseil communal a décidé Canada, le principe de ce sport est désormais comme charmant village chroniques de fermer la remontée mécanique de simple: comme dans un parcours de de montagne, plutôt que comme la Braye. Un coup dur pour les habi- mini-golf, on joue sur un circuit de plu- station de ski. • Cette même étude souligne que les tants et les commerçants du village, sieurs trous, qui sont en fait des paniers lieux de villégiature en altitude les dont le mince espoir ne repose main- dans lesquels on devra lancer un fris- plus demandés sont ceux dont l’offre tenant plus que sur la générosité d’un bee. Ce sport, de plus en plus populaire est la plus ample, incluant d’autres donateur privé. Pourtant, pour Pierre- en Europe, est selon Bastien Rossier un propositions d’activités que le ski. A François Mottier, directeur de l’école bon moyen de faire perdurer le tourisme Ainhoa Ibarrola Charmey, dans le canton de Fribourg, de ski de Château-d’Œx, membre du dans son village: «Quand j’ai lancé ce
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 8 Faiseurs de tourisme IMAGINAIRE • Les clichés ne sont pas anodins, ils ont été construits et bien souvent ils ne laissent pas indifférents. En Suisse, l’industrie du tourisme les utilise, mais aussi parfois le monde de l’art... Tour d’horizon. L es stéréotypes qui entourent notre pays sont souvent utilisés pour attirer les vacanciers. Mais ces clichés, d’où nourrissant presque exclusivement deles forces de la Suisse traditionnelle – les fondues et votant régulièrement grâce montagnes, le chocolat – pour capter à la démocratie directe. Si les clichés l’attention et susciter une émotion. manière de vendre notre pays à l’étranger, de l’intérieur, on tente par- fois de les questionner, voire de les viennent-ils? Selon Nicolas Crispini, his- sont par définition bien souvent un peu Ensuite, nous pouvons compléter le dépasser. Suisse Tourisme ainsi que torien de la photographie, dans une exagérés, ils sont aussi un très bonmessage.» En plus de ces clichés, une la Fondation pour la photographie à interview accordée au Temps, le 27 fonds de commerce pour le tourisme. image de la Suisse qui revient souvent Winterthur ont demandé à cinq pho- février 2017, l’imagerie de la Suisse a est celle de ses paysages. Il n’y a qu’à tographes étrangers leur vision de la d’abord été construite par des regards Les clichés sont un regarder une vidéo récemment publiée Suisse d’aujourd’hui et leur ont donné extérieurs, notamment ceux des voya- sur la page Facebook UNILAD carte blanche pour l’exposer. Le geurs britanniques ayant découvert très bon fonds de Adventures, vantant les voyages dans thème est principalement la vision notre pays au XVIIIe siècle, à travers les commerce pour le nos contrées. Celle-ci présente des que les touristes ont de notre pays Alpes principalement. La manière dont gros plans sur les montagnes et les quand ils viennent le visiter. Dès lors, ces visiteurs décrivaient notre pays en tourisme lacs, paysages que l’on retrouve réguliè- il sera intéressant de comparer ces rentrant de leur séjour façonne une C’est le travail de Présence Suisse, l’or- rement sur les cartes postales helvé- impressions à celles que nous avons, gane de la Confédération chargé de tiques. Et ce n’est pas une exception: vision qui perdure encore aujourd’hui. Et nous, habitants de la Suisse. Le résul- que l’on entretient car elle nous est l’image de notre pays à l’étranger, que les magazines des agences de voyages t at, une exposition nommée utile. de mettre au point une stratégie de regorgent de points d’eau et de cimes «Etrangement familier. Regards sur la communication. Dans une interview en enneigées. Suisse», est à voir au Musée de l’Ély- Le tourisme et l’image de la Suisse juillet 2012 à la Tribune de Genève, le sée à Lausanne du 25 octobre 2017 Vue de l’étranger, la Suisse serait un président de cet organe, Nicolas Bideau, Une vision extérieure au 7 janvier 2018. • pays peuplé de riches banquiers, se confie: «Nous travaillons sciemment sur Si les stéréotypes sont une bonne Adriane Bossy Fournir un toit sans loi HÉBERGEMENT • La plate-forme de location Airbnb, devenue un acteur incontournable du tourisme mondial, voit son activité en Europe de plus en plus contrainte par un cadre légal. Cette tendance n’est suivie que timidement en Suisse. N ouvelle forme de business tou- ristique, le service de réserva- tion Airbnb connaît une expansion capitales comme Barcelone ou Paris. En effet, devant le succès de la plate- forme, certains propriétaires n’hé- dans les zones urbaines: 40% des annonces se concentrent à Zurich, Berne, Lausanne, Genève, Bâle, Lucerne Ebauche de cadre légal Malgré l’exemple des pays voisins, des mesures visant à encadrer ou limiter fulgurante dans de nombreux pays, sitent plus à privilégier la très lucra- et Lugano. La plate-forme éprouve donc l’activité d’Airbnb ne semblent pas être dont la Suisse. Si le site représente tive location temporaire aux touristes ici aussi l’hôtellerie classique, surtout dans particulièrement au goût du jour en pour bon nombre de touristes la pos- à la location de longue durée aux les cantons urbains, où elle représente Suisse, où le géant de la location opère sibilité de se loger à moindres coûts, habitants, soustrayant ainsi nombre déjà un quart de l’offre hôtelière. Si la dans une quasi-absence de cadre légal. il est aussi une plaie pour l’hôtellerie de logements du parc locatif. Face à plupart des loueurs sont encore des par- Les propriétaires proposant un bien et les locataires, en particulier dans cette situation, ces métropoles ont ticuliers ne proposant qu’un seul bien, une sont en théorie tenus de s’acquitter les grandes villes touristiques. pris des mesures strictes telles que proportion toujours plus importante (un d’une taxe de séjour à la commune et des taxes prélevées sur chaque nui- cinquième pour l’instant) des utilisateurs de déclarer aux impôts les revenus Concurrence tée. Cette tendance ne semble toute- sont des «multiloueurs», bien souvent générés par les locations, mais peu de fois pas atteindre la Suisse, où le des professionnels de l’immobilier, pro- contrôles sont effectués. Cela dit, un déloyale de la géant californien jouit encore d’une posant au moins trois logements. système de taxe a été instauré en juillet part des loueurs grande liberté. dernier dans le canton de Zoug: Airbnb Dr. prélèvera automatiquement une taxe Premiers à tirer la sonnette d’alarme: Montée en puissance d’hébergement pour tous ses hôtes les hôteliers, qui dénoncent une En Suisse, Airbnb n’est en effet pas dans le canton et la transmettra à l’organi- concurrence déloyale de la part des encore considéré comme une menace sation Zoug Tourisme. Ce type d’ac- loueurs, non soumis aux mêmes aussi importante qu’ailleurs en cord, le premier en Suisse, pourrait charges et obligations que les autres Europe. La forte croissance du site se alors bien se répandre par la suite hébergeurs touristiques. Mais ils ne confirme pourtant aussi chez nous, où dans d’autres cantons, instaurant un sont pas les seuls à pâtir de l’arrivée le nombre d’hébergements proposés cadre général plus rigoureux à l’acti- d’Airbnb: la plate-forme contribuerait a plus que triplé depuis 2014, appro- vité de la firme californienne. • aussi largement à la crise du loge- chant aujourd’hui les 50’000 lits. Le ment dont souffrent les habitants de service est particulièrement populaire Aurélia Babey
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 9 Un p’tit tour et puis s’en vont CHINE • Les touristes chinois sont de plus en plus nombreux à venir en Suisse. Ils n’y passent que quelques jours, leur séjour s’ins- crivant généralement dans un voyage à travers plusieurs pays d’Europe. Privilégiant la Suisse centrale, ils y restent le temps de respirer l’air des montagnes et d’acheter une montre. L ucerne, 10h25, un InterRegio en provenance de Zurich entre en gare. Un groupe d’une quarantaine de atteindre deux millions par an. Cette progression est impressionnante, puisque selon l’OFS, ce chiffre s’élevait «Interlaken investit depuis de longues années sur les marchés asiatiques. Ici, un touriste asiatique peut trouver bon parcours Zurich-Lucerne-Genève, mais aussi parce que les mesures d’adapta- tion à la culture chinoise y sont moins Chinois sort de la dernière voiture. Tous à seulement 270’000 nuitées en 2009. nombre de prestations en mandarin. importantes. Les hôtels des stations se mettent à suivre un guide leur expli- Interlaken dispose également d’une valaisannes peuvent difficilement quant en mandarin qu’ils doivent se Des montres et des montagnes infrastructure considérable avec de nom- accueillir des groupes de trente à qua- dépêcher. En effet, à 12h05, ils devront L’essor des touristes chinois est du breux restaurants asiatiques», explique rante personnes, et les offres en manda- déjà être de retour pour attraper le train pain béni pour le secteur touristique Renato Julier. Cela, combiné à une pré- rin y sont aussi moins abondantes qu’en en direction d’Interlaken-Ost. Cela leur suisse. Ces premiers viennent princi- sence publicitaire bien ancrée auprès des Suisse centrale. La situation pourrait laisse uniquement le temps de traver- palement dans notre pays afin de agences touristiques chinoises, fait que la toutefois évoluer avec l’émergence ser le fameux Kapellbrücke et d’ache- retrouver le Heidiland, cette image d’un région de Lucerne-Interlaken devient un d’un nouveau type de voyageurs, qui ter un repas à emporter au Li Tai Pe. pays pittoresque et montagneux, loin de passage obligé lors d’un voyage en viennent en Suisse pour la deuxième Ils mangeront en route, au grand dam l’air pollué des métropoles chinoises sur- Suisse. De la sorte, le Jungfraujoch, à fois et qui y restent plus longtemps, des pendulaires habituels. C’est le seul peuplées. Mais ils viennent aussi pour y deux heures de train d’Interlaken, est sans non plus faire partie d’un groupe. moyen pour eux de tenir leur horaire et faire du shopping. Ils achètent des pro- chaque jour pris d’assaut, comme en «Cette évolution est pour nous très posi- d’être à 16h05 sur le Jungfraujoch, Igor Paratte dans la plus haute gare d’Europe. Ce tableau dépeint un grand nombre de cli- chés qui ne sont pourtant pas si éloi- gnés de la réalité. «La plupart des Chinois voyagent en groupe, dans des circuits qui comprennent en général la France, la Suisse et l’Italie, pays qu’ils ne visitent que brièvement», décrit Renato Julier, directeur marketing d’Interlaken Tourisme. «Ils se déplacent principale- ment en autobus ou en transports publics – qu’ils apprécient beaucoup –, et ils aiment se rendre dans les destina- tions touristiques prisées, comme le Jungfraujoch», poursuit-il. Un profil spécifique Cependant, tous les Chinois n’ont pas les moyens de se rendre en Europe. Selon les chiffres de Suisse Tourisme, plus de 53% des touristes venant de l’Empire du Milieu proviennent de Hong Kong, Beijing et Shanghai. Ces voyageurs sont principalement des jeunes cadres de moins de 50 ans issus de la classe moyenne. Une classe moyenne qui devient par ailleurs de plus en plus importante, agrandissant duits de luxe, notamment des montres. témoigne Patrizia Bickel, cheffe de la tive, car nous visons essentiellement le de la sorte le réservoir de touristes Résultat, ils dépensent en moyenne communication de la station alpine: «En tourisme individuel et de longue durée», potentiels. L’année 2016 a certes vu le 310 francs par personne et par jour, alors raison du nombre accru de visiteurs par indique Simona Altwegg, de Zermatt nombre de Chinois visitant la Suisse que les touristes allemands, par exemple, le passé, nous avons volontairementTourisme. Le Valais compte également diminuer, mais, selon Véronique Kanel, ne dépensent, eux, «que» 130 francs par introduit une limite de 5000 visiteurs sur profiter des Jeux olympiques de Beijing porte-parole de Tourisme Suisse, cela journée lorsqu’ils passent de l’autre côté du le Jungfraujoch il y a quelques années.» en 2022, qui pourraient bien populariser peut s’expliquer par trois facteurs: Rhin. les sports d’hiver auprès des Chinois, «les attentats terroristes en Europe, Le Valais boudé habituellement assez frileux à l’idée de l’introduction du visa biométrique de La Suisse centrale prisée Les autres cantons ne rencontrent faire du ski. • Schengen en Chine fin 2015 et le Néanmoins, toutes les régions ne pas tous le même succès. C’est parti- ralentissement économique qu’a profitent pas de la même manière des culièrement le cas du Valais, où les voya- connu le pays». La situation devrait folies dépensières de ces visiteurs venus geurs chinois représentent moins de donc s’inverser en 2017, et à terme, le d’Asie. Ceux-ci ont pour principale desti- 2% des nuitées. Cela s’explique princi- nombre de nuitées passées par les nation la Suisse centrale, qui mise depuis palement par le fait que cette région Chinois sur le sol helvétique pourrait longtemps sur la clientèle chinoise. n’est pas située sur le traditionnel Antoine Schaub
Dossier LE TOURISME EN SUISSE OCTOBRE 2017 10 Bons plans de la rédaction RECOMMANDATIONS • Le Cervin, la Jungfraujoch, le pont de Lucerne... Vous êtes lassés de ces lieux et symboles, présents sur toutes les cartes postales et pris d’assaut par les touristes? Ça tombe bien, car après avoir passé leur été à explorer les quatre coins de la Suisse, les membres de la rédaction de L’auditoire vous livrent leurs coups de cœur, hors des sentiers battus. En quête de vertige L a commune valaisanne de Randa accueille un ouvrage unique: la plus longue passerelle suspendue du monde. Ce pont long de 494 mètres pour 65 cen- timètres est situé à 85 mètres de hauteur. Même s’il pèse près de 58 tonnes, il est entièrement stable et sans aucun risque de balancement. L’arrivée de ce mastodonte est cruciale pour le tourisme entre Randa et Zermatt, qui est en baisse depuis 2010. Cette vue plongeante sur l’abîme vous garantit un véritable record de frissons. • Ophélie Schaerer Pédaleaux turquoises A u départ du Col des Mosses, dans les Alpes vaudoises, plusieurs marches de longueur et difficulté différentes mènent aux eaux tur- quoises et paisibles du lac Lioson, qui repose au creux d’un cirque de montagnes imposant. Pour profiter d’un bain frais, voire glacé, il est pos- sible de louer un pédalo. Les plus frileux peuvent parcourir le petit sentier qui encercle le lac, et les plus férus de randonnée se lancer à la conquête du pic Chaussy, culminant à 2351 mètres. De là, ils profiteront d’un point de vue panoramique sur toute la région, et pourront même, si le temps est dégagé, deviner au loin un lac un peu plus grand, le Léman. • Un Alien à Gruyère A u beau milieu des maisons pit- toresques du village Tiago Dosantos Morais de Gruyère se cache une bâtisse un peu particulière, peuplée d’inquiétantes créa- tures. Il s’agit du musée H.R. Giger, consacré à l’œuvre Pédaler au bord du Rhône de celui qui créa le monstre du film Andy Davies Alien. L’exposition mêle tableaux et sculptures, plongeant les visiteurs dans un univers de science-fiction tout Q ue diriez-vous d’une escapade ensoleillée totalement gratuite? C’est ce que propose Sion Roule, qui met tous les étés une trentaine de vélos à disposition des touristes, habitants et familles pour une balade en deux-roues. aussi fascinant que dérangeant. A la sortie, de l’autre côté de la rue, Le point de collecte se trouve au centre de Sion, et de là on peut pédaler dans le Giger Bar permet de prolonger l’aventure en buvant une bière dans le centre-ville, sur les jolies rives du Rhône, ou encore, pour les plus coura- un décor qui semble sorti tout droit des ténèbres. Pour finir, la visite geux, monter dans les vignes. De quoi s’ouvrir l’appétit avant une bonne du château de Gruyère permettra aux plus déboussolés de retrouver raclette accompagnée de son fendant régional! • quelques couleurs. •
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