Kim Pasche, coureur des bois - INTERVIEW Réducteur de bruits
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Revue mensuelle | www.chassenature.ch | N° 5 mai 2018 INTERVIEW REPORTAGE SALON Kim Pasche, Réducteur de bruits Nouvelle édition coureur des bois à l’essai pour Passion Nature
La photo insolite Désinvolte goupil M aître renard, réputé rusé, mais générale- ment plutôt craintif, ne semble pas perturbé par l’arrivée de son cousin canidé, lors de sa balade au bord du Rhône en mars dernier. Léonard Lathion, témoin de cette rencontre peu habituelle, n’a pas manqué de l’immortaliser pour nous rappeler com- bien le comportement de la faune peut parfois nous étonner. «Petite surprise lors d’une promenade domi- nicale, nous raconte-t-il. Un renard peu farouche a tenté un rapprochement avec mon bleu de Gascogne. Créancé sur chevreuil et lièvre, Merlin n’a toutefois pas été plus surpris que ça de voir le goupil s’approcher à trois mètres. Malgré un petit aboiement, il a tout de même montré qui était le chef, et Maître renard n’en prit pas ombrage. La suite de la promenade s’est dé- roulée sur les pas de l’animal qui a gardé une distance de sécurité de cinquante mètres, en nous précédant sur un bon kilomètre avant de rejoindre son territoire. Les quelques automobilistes qui ont assisté à la scène l’ont sans doute trouvée étrange, voire amusante. Le cortège renard, chien, chasseur ne s’observe en effet pas tous les jours.» Envoyez vous aussi vos photos bizarres Appel aux photographes ! ou insolites à : vincent.gillioz@gmail.com. Toute photo proposée par un non-abonné Si leur qualité est suffisante pour l’impression, lui vaudra six mois d’abonnement gratuit elles seront publiées ici avec vos explications. en cas de publication…
no 5 mai 2018 | CHASSE ET NATURE | 3 ÉDITO Actus, déclin des oiseaux, silencieux… | Vincent Gillioz, rédacteur de Diana Chasse et Nature D epuis ce mois, Diana Chasse et Nature vous propose une nouvelle page «Actus» dans la- quelle nous abordons l’actualité de la chasse et de la nature, les sorties littéraires, ainsi que les nou- veautés en relation avec le matériel. Nous espérons que cette nouvelle rubrique répondra à vos attentes, et restons évidemment à l’écoute de toutes les remarques et suggestions qui peuvent nous permettre d’améliorer continuellement le contenu de notre revue. Disparition des oiseaux La récente publication des résultats d’études en rap- port avec le déclin des oiseaux en Europe a fait grand bruit. Les médias ont largement relayé l’information très préoccupante. Parmi les causes de cette situation figure la diminution des espaces naturels. Mais l’utilisation des pesticides et l’intensification des pratiques agricoles du- rant le dernier quart de siècle sont surtout pointées du doigt. Les chercheurs ont encore observé que le rythme de disparition s’est intensifié ces deux dernières années. Sans surprise, ce constat est contesté par des groupes d’intérêts qui préfèrent décrédibiliser le travail des scientifiques, plutôt qu’envisager la mise en œuvre des solutions durables, probablement moins profitable finan- les sept sages pourraient bien devoir remettre l’ouvrage cièrement. Heureusement, les milieux concernés par la sur le métier. Plusieurs pays ont déjà adopté ces équi- biodiversité, parmi lesquels les chasseurs, s’engagent pements qui, contrairement à ce que pensent certains, tout au long de l’année pour l’aménagement et la conser- ne favorisent ni le braconnage ni les activités illégales. vation de biotopes qui favorisent la survie de l’avifaune. La question est ici de préserver l’ouïe des chasseurs, d’éviter les lésions irréversibles, et de ce fait limiter des Silence on chasse ! dépenses publiques et collectives à long terme. Malgré la non-entrée en matière du Conseil fédéral sur la question des réducteurs de bruit pour les armes Passion nature de chasse, plusieurs personnes sont récemment reve- En attendant l’ouverture de la chasse, n’oubliez pas nues à la charge sur cette question, en avançant l’in- de passer par le Valais pour la deuxième édition du sa- térêt de ces outils en termes de santé publique. Parmi lon Passion nature. Une belle occasion de rencontrer les acteurs du dossier, la SUVA semble avoir été enfin des passionnés et d’envisager sa saison avec différents entendue. Face aux nouvelles demandes et arguments, professionnels. Nous vous souhaitons bonne lecture.
4 | CHASSE ET NATURE | n° 5 mai 2018 SOMMAIRE Le braconnage Dans le rétro... 7 Revue mensuelle fondée en 1883 Organe officiel de la Société suisse dans les Alpes des chasseurs «La Diana» www.chassenature.ch vaudoises Texte et photos Bernard Reymond ÉDITEUR Diana Romande Les Crettets 21 1342 Les Charbonnières ÉDITEUR DÉLÉGUÉ Salon AdVantage SA Passion Nature Editions & Régie publicitaire Avenue d’Ouchy 18, 1006 Lausanne sur les rails RÉDACTION 11 Vincent Gillioz Texte Vincent Gillioz Tél. 076 370 83 91 vincent.gillioz@gmail.com ABONNEMENTS 15 AdVantage SA Interview Avenue d’Ouchy 18, 1006 Lausanne Kim Pasche, Tél. 021 800 44 37 abo.chassenature@advantagesa.ch le trappeur des PUBLICITÉ Marianne Bechtel temps modernes Tél. 079 379 82 71 mac@bab-consulting.com AdVantage SA Texte Chassons.com, photos divers Tél. 021 800 44 37 regie@advantagesa.ch Délai de réservation: le 1er du mois pour parution Technique dans l’édition du mois suivant Les silencieux MISE EN PAGES l’atelier prémédia Sàrl font du bruit Tél. 079 830 61 38 Texte et photos Vincent Bürgy 20 julia.dubuis@lapm.ch IMPRESSION Imprimerie Saint-Paul Boulevard de Pérolles 38 29 Avifaune 1700 Fribourg Préserver la nature et sauve- Tirage: 4000 exemplaires garder l’avifaune N° 5 MAI 2018 Photo de couverture : Texte et photos Georges Laurent Gérard Berthoud Les articles publiés dans Diana Recette de chasse Chasse et Nature n’engagent que Raviolis leurs auteurs. Les documents envoyés ne sont pas restitués, sauf accord préalable avec la rédaction. aux cèpes Tous droits de reproduction (articles 50 et illustrations) réservés pour tous d’Alain Baechler pays. La reproduction de tout ou partie de textes et d’illustrations doit faire l’objet d’un accord préalable avec la rédaction. 2 La photo insolite par Léonard Lathion | 5 Les actus par Vincent Gillioz | 25 Poster : Mouflons : espèce exotique bien implantée par Vincent Gillioz | 26 Portfolio par Gérard Berthoud | 32 Le coin du pêcheur : Je suis l’eau par Michel Bréganti 35 Les infos | 51 Jeu Scannez ce code avec votre smartphone et consultez notre site Internet
5 LES ACTUS Swiza tick tool également dans cette série de les offres de loisirs pour l’hôte de Un couteau suisse anti-tique mesures. Ce crédit-cadre par- passage. Mais l’Hérensard pourra ticipera à la concrétisation des également y trouver son bonheur, Connue pour son design innovant objectifs du Plan de protection de en découvrant quelques-unes des et ses produits avant-gardistes, la la Venoge adopté en 1997. perles cachées de cette magni- marque de couteau suisse SWIZA fique vallée. Tiré à 4000 exem- vient de sortir son tout nouveau plaires, Le Val d’Hérens s’ouvre SWIZA TICK TOOL. Ce couteau au monde est disponible dans de poche, pour lequel un brevet a été déposé, est le premier à être L’ours scandinave les offices du tourisme, ainsi que dans les librairies de la région. équipé d’un outil spécialement Les oursons jouent les Tanguy ! conçu pour enlever les tiques. Vu la prolifération de l’acarien dans nos forêts, et les risques induits par les éventuelles piqûres, les chasseurs représentent une population particulièrement expo- sée. Ce nouvel outil très pratique pourrait bien les intéresser. www.swiza.com Une étude menée sur les ours en Scandinavie parue dans le jour- nal Nature Communications a montré que la chasse avait induit un changement de comportement chez les mères ourses. Les cher- 1000 ans de pêche cheurs se sont aperçus que les en suisse romande femelles ont prolongé la période Une bible de la pêche à paraître de soins accordés aux petits de La Venoge dix-huit mois à deux ans et demi, pour augmenter leur espérance Bernard Vauthier, conservateur de l’Ecomusée de la pêche de s’aménage de vie. La loi sur la chasse n’auto- Bevaix, propose une souscription Mise en œuvre du plan rise pas les tirs sur les familles et pour son nouvel ouvrage consacré de protection les femelles ont bien compris que à l’histoire de la pêche romande. tant qu’elles étaient avec leurs Celle-ci est présentée dans Le Conseil d’Etat vaudois vient petits, elles ne risquaient pas ce livre de 500 pages et de soumettre au Grand Conseil d’essuyer des tirs. «L’homme est 800 illustrations, à travers l’his- une enveloppe de 5,4 millions maintenant une force d’évolution toire de chaque lac ou rivière, de de francs destinée à financer dans la vie des ours», a déclaré le l’Allaine à la Navizence et du lac la troisième série de mesures professeur Jon Swenson de l’Uni- Noir à l’Allondon, et pour chaque prioritaires du Plan de protection versité norvégienne des sciences espèce animale ayant une impor- de la Venoge. Les interventions de la vie, coauteur de l’étude. tance halieutique. Un important prévues comprennent, notam- glossaire permet de saisir les sub- ment, la réalisation de plusieurs tilités d’un texte lexicalement très aménagements devant rendre riche et soigneusement référencé. possible la migration piscicole du lac Léman à la Tine de Conflens. Val d’Hérens Souscription pour Fr. 50.– hors frais de port auprès de Un programme de lutte contre les touristique jean-claude@speleo.ch. plantes néophytes et différentes Narcisse Seppey parle actions de renaturation figurent de son val d’Hérens L’ancien chef du Service de la chasse du Valais vient de publier, avec Christine Roh-Levrat et Georges Laurent, contributeur de Diana Chasse et Nature, un ouvrage qui vante les charmes du val d’Hérens. Le livre décrit
6 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 85 CARBONLIGHT La Sako 85 Carbonlight est une carabine haut de gamme conçue pour les chasseurs qui recherchent le meilleur équipement possible. Cette carabine de chasse polyvalente est la plus légère que Sako n’ait jamais fabriquée. Elle dispose d’une crosse en fibre de carbone avec une surface «Soft-touch» ainsi qu’une crosse à joue. La 85 Carbonlight est idéale pour le gibier de montagne, pour l’approche et est exceptionnellement confortable à porter, même lors de longues marches. Plus d’informations sur les fonctionnalités et données techniques sur: www.sako.fi NEW: WWW.OUTDOOR-ENTERPRISE.CH IMPORTATEUR GÉNÉRAL POUR LA SUISSE Outdoor Enterprise SA | Via Prà Proed 2 | 6534 San Vittore | Tel. 091 791 27 18 | info@outdoor-enterprise.ch | www.outdoor-enterprise.ch
7 DANS LE RÉTRO… Le braconnage dans les Alpes vaudoises | Texte et photos Bernard Reymond, garde retraité LE MONTAGNARD A TOUJOURS ÉTÉ UN HOMME ÉPRIS DE LIBERTÉ ET LES ARMES N’ONT JAMAIS MANQUÉ DANS LES CHALETS. LA TRADITION DU BRACONNAGE, ANCIENNE, A DÈS LORS TOUJOURS ÉTÉ PLUS OU MOINS À L’HONNEUR. «I l s’arme de sa carabine et il se sent souverain !» Dans ces endroits reculés, on tient à régler ses affaires soi-même. On doit bien admettre que les dif- ficultés de la vie, les familles nom- breuses, la pauvreté, ont parfois poussé ces gens à se ravitailler en viande en «récoltant» le chamois qui broutait une bonne partie de l’année sur leurs pâtures. Situation catastrophique de la faune au 19e siècle La Révolution française a aboli les droits des seigneurs et a permis à chacun de s’adonner à la chasse, moyennant le paiement d’un mo- deste permis. Et les Vaudois de l’époque en ont largement profité ! Tellement même que la grande faune a presque totalement disparu de notre pays. Heureusement, les populations de chamois ont subsisté, Elle a introduit des périodes de pro- Les chasseurs réagissent grâce à leurs grandes capacités de tection ainsi qu’une liste d’animaux et créent la Diana en 1882 survivre dans des endroits escarpés. protégés. Elle a été à la base de la Une élite de chasseurs, navrés par Tout en laissant de larges préroga- création de grandes réserves pla- l’anarchie qui règne en matière de tives aux cantons, la Confédération cées sous son contrôle. Ces districts chasse, particulièrement en Roman- est intervenue, pour la première fois francs fédéraux auront des résultats die, a décidé de réagir en fondant dans le domaine de la chasse, avec la très positifs et sont toujours en vi- une société pour regrouper et fédé- loi fédérale du 17 septembre 1875. gueur aujourd’hui. rer les disciples de saint Hubert. Il a
8 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 alors fallu changer l’esprit et réfor- la haute montagne, ne ménageant ni cheux-Lancaster, dernier modèle.» mer les pratiques. Dans les statuts les femelles au moment de la mise Par la suite, c’est la gendarmerie du 15 avril 1882, on peut lire, dans bas, ni les petits les accompagnant, exclusivement qui s’est occupée de les buts principaux : l’étude, la pro- et utilisent pour cette chasse armes la surveillance des districts en délé- tection et la multiplication du gibier, et engins prohibés.» (Extrait de guant des agents spécialement af- l’étude de la législation sur la chasse, Diana 1913). fectés à cette police. Pendant long- la répression du braconnage, etc. Les gendarmes font ce qu’ils temps, la lutte contre le braconnage Dans la revue Diana, on constate peuvent et ce n’est pas facile avec a constitué leur principale activité. que les chasseurs d’autrefois se pré- une population en majeure par- C’est l’organisation d’un corps de occupaient beaucoup de ces activités tie complice avec les «chasseurs gardes-chasse professionnels, dès de marginaux qui les privaient d’une de l’ombre». Ainsi, des codes (vo- 1967, qui a déterminé la gendarme- partie de leur gibier. Dans l’édition de let ouvert ou fermé, drapeau, etc.) rie à abandonner progressivement juillet 1915, on lit : «Nous avons aussi indiquent si le «gabelou» est opé- son engagement dans les districts à remercier le corps de gendarmerie, rationnel ou non. Des fusils d’or- francs et à ne plus détacher des car l’interdiction de la chasse a créé donnance, bricolés, sous housse agents pour leur surveillance. une recrudescence du braconnage et étanche, sont dissimulés dans des nos gendarmes ont fait vaillamment cachettes en montagne. La tradition se perpétue leur devoir. Le chiffre de 324 contra- Le 14 juillet 1918, c’est le drame. On pourrait écrire des livres en- ventions, sur l’ensemble du canton, Le gendarme David Echenard, âgé tiers sur les épisodes où l’on retrouve dressées en l’année 1914 prouve de 35 ans, est abattu par le bra- la passion, la ruse, la pugnacité, des suffisamment le zèle et le grand tra- connier André Moreillon lors d’une efforts physiques incroyables, des vail fourni par ce corps d’élite. Nous poursuite à la Frête de Saille, à joies, des souffrances et des grince- avons donné comme d’habitude de 2600 mètres d’altitude dans le Grand ments de dents… D’un côté comme nombreuses primes et diplômes à Muveran. Il laissait une veuve et de l’autre, des représentants de la ces agents dévoués.» deux enfants en bas âge. loi comme des chasseurs de l’ombre, Cette tradition s’est longtemps les luttes ont été intenses et parfois perpétuée et les participants aux as- Surveillance des districts francs tragiques. semblées cantonales, il y a une qua- La Confédération, je l’ai déjà re- Dans Le Pêcheur et Chasseur rantaine d’années, se rappellent de levé, a joué un rôle important pour suisse de mars 1946, on lit : «On se la cérémonie du commandant de la améliorer la situation de la faune souvient qu’un affreux drame a eu gendarmerie remettant à ses agents dans nos montagnes, en mettant lieu au Pays-d’Enhaut, en novembre le fameux diplôme. en place, dès 1876, ces fameux dis- dernier. Cette affaire a eu son épi- tricts francs. Des gardes rétribués logue devant le tribunal de police Gendarmes et braconniers, pour le service de surveillance et la correctionnelle du district. Voici une lutte impitoyable destruction des prédateurs furent comment La Feuille d’Avis de En consultant les archives can- nommés. Un rapport sur leur activi- Lausanne rapporte les faits, dans tonales et toujours les précieuses té figure dans les archives du canton lesquels sont inculpés deux bra- Diana de l’époque, j’ai été frappé (1886). «Les renseignements obte- conniers de Rougemont : C’était en par l’âpreté de la lutte entre les re- nus confirment l’excellent choix qui novembre, et les deux braconniers présentants de la loi et les «francs a été fait des gardes-chasse (trois revenaient d’une chasse au chamois. tireurs» de l’Est vaudois. gendarmes, deux gardes forestiers, Ayant constaté leur présence dans Avant la première guerre, les un chasseur). Ceux-ci s’acquittent ces parages, le garde tendit une em- chasseurs se plaignent de la difficul- du service qui leur est imposé à l’en- buscade au chalet où les braconniers té, non seulement de tirer, mais de tière satisfaction du Département de avaient passé la nuit précédente et voir ! «La cause première de cette l’agriculture. Comme équipement, avaient laissé des objets leur appar- diminution doit être attribuée au ils ont reçu chacun une paire de tenant. Les attendant à la porte du braconnage qui sévit à l’état endé- jumelles, un cornet d’alarme et les chalet, le garde qui les avait suivis à mique au Pays-d’Enhaut. Il est de carnets prescrits. Trois gardes ont la la jumelle durant leur retour, leur fit notoriété publique que certains in- tunique d’uniforme de garde-chasse la sommation d’usage. Il tenait son dividus chassent toute l’année dans et quatre sont armés de fusils Lefau- fusil sous le bras, ce que voyant, les
9 Bernard Reymond (l’auteur) en compagnie du surveillant de la faune aujourd’hui retraité, Marcel Cathélaz. hommes se ruèrent sur lui. Tandis ment de son devoir ! A le remplir ponsabilité d’un seul professionnel. que G. le ceinturait et le mordait à consciencieusement, la force phy- D’où ricanements des nombreux la main, C. lui martelait le visage à sique et le courage n’y suffiraient contestataires qui mettaient en coups de poing, puis le garde étant pas, s’ils n’étaient soutenus par doute l’utilité de ce fonctionnaire, hors d’état de continuer la lutte, ils l’amour de la montagne. payé pour se promener… s’en retournèrent en direction de » Le braconnier, lui, est un rapace A l’époque, une des principales Rougemont, leur domicile. Pour ce bien adapté aussi à cette nature sau- missions était toujours la police de grave délit, G. est condamné à deux vage, et tout à son aise également la chasse et la répression du bra- mois d’emprisonnement et C. à trois dans le dédale des sapins et des ro- connage. Les patrons voulaient des mois de la même peine, les deux chers, rapace d’envergure plus ou agents à 90 % dans le terrain. avec sursis durant quatre ans, et moins grande, c’est-à-dire plus ou Malgré des moyens très modestes, aux frais de la cause.» moins dangereux et nuisible selon sa ces passionnés ont obtenu des ré- Dans la Diana de juin 1935, un voracité et sa sujétion aux instincts sultats tout à fait remarquables. Je excellent portrait des antagonistes de rapine et de destruction. Ainsi, me plais à rendre hommage aux re- est donné par J.-L. Reichlen : à côté de braconniers d’occasion, grettés Alexandre et Daniel, trop tôt «Le garde du chamois est, par ex- anodins, excusables, qu’à certains disparus, à Marcel, et bien entendu, cellence, l’homme de la montagne, points de vue on peut même trou- à Jean-Claude, toujours en activité. l’habitué le plus assidu de ses fêtes ver sympathiques, il en est d’autres, Dans des styles très différents, ils et des scènes où s’exhale son cour- sans égards, sans scrupules et abso- ont fait preuve d’un dévouement roux. Plus que le guide, le pâtre ou lument odieux.» et d’un engagement exemplaires. le bûcheron, il est l’intime de l’alpe La hiérarchie de l’époque faisait capricieuse dont il a fouillé tous les Création d’un corps confiance aux subordonnés et recoins, pénétré tous les secrets et de gardes-chasse professionnels c’était une motivation supplémen- subi toutes les humeurs. (…) A côté Le canton de Vaud a été un des taire pour faire au mieux selon l’ex- de quelques bons moments passés derniers, en 1966-67, à organiser un pression de l’inspecteur cantonal de là-haut lorsque les éléments et les corps de gardes-chasse permanents. la chasse et de la pêche. circonstances sont propices, que de Au début, seul six agents sont en- jours et de nuits pénibles, que de gagés. L’ancienne circonscription 4, Gendarmerie toujours présente privations, de fatigues, de dangers comprenant la totalité des Préalpes L’aide et la collaboration de la pour le garde dans l’accomplisse- et Alpes vaudoises, était sous la res- gendarmerie étaient indispensables
10 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 et les agents civils ont beaucoup cornes de bouquetin et chamois, Gardes auxiliaires appris à son contact. Combien de en a conduit plus d’un dans le pé- Les gardes auxiliaires (aujourd’hui patrouilles, de veilles, de contrôles ché ! Les kilos de viande comptent les surveillants auxiliaires) ont été avec ces bleus qui donnaient tant toujours, mais aussi énormément le des collaborateurs ô combien pré- pour leur service, notamment ceux fruit défendu et la sensation de se cieux. Proches de la population, ils des postes à un seul homme ! jouer de l’autorité. Ce qui a souvent ont communiqué beaucoup d’infor- On avait (et on a toujours) besoin énervé les surveillants, c’est l’usage mations. En plusieurs occasions, d’eux pour les enquêtes et les audi- de calibres 22 LR, 22 Magnum, ina- ils ont été le point de départ d’une tions. C’est dans ces moments que se daptés pour des tirs propres. Com- grosse affaire se concluant par de révèlent toute la sagacité, la psycho- bien de malheureuses bêtes pas lourdes peines. logie et l’intelligence de ces agents tout-à-fait tirées au bon endroit qui Ils ont aussi beaucoup donné de leur en uniforme. Devant la machine à sont parties crever misérablement ! temps pour des missions dans le ter- écrire, le prévenu devait répondre. Et, à partir des années 1970, le bra- rain, presque toujours gratuitement. Parfois, la «douceur» succédait à la connage motorisé avec usage de Les permanents ont aussi profité de fermeté et aux menaces d’y passer le phare a permis des «cartons faciles» leurs très bonnes connaissances du temps qu’il faudra… La patience est assis confortablement, sans effort. terrain. Leur mérite est d’autant plus la mère des vertus et, dans ces mé- On assiste aussi à des expéditions grand que certains jaloux les ont trai- tiers-là, il en faut énormément ! de braconnage de personnes venant tés de collabos, terme peu aimable Mais la visite domiciliaire est l’arme d’autres cantons. utilisé surtout dans une époque très absolue. Munis du mandat, à la pointe Puis les radios, pas très perfor- sombre. On leur doit beaucoup de du jour, les policiers vont de décou- mantes au début, constituèrent un respect et de reconnaissance. vertes en découvertes. Un congéla- grand progrès pour la surveillance. teur plein de bonnes venaisons, des Comme dans toute police, le ren- Fin d’une époque ? armes et engins prohibés, de magni- seignement est capital. Par sa dis- Le métier de surveillant de la fiques trophées, voire le livre de bord crétion, sa probité, ses valeurs hu- faune a tellement évolué que nos où le braco a consigné ses exploits ! maines, le garde suscite la confiance jeunes ont sans doute de la peine à et récolte des bons «tuyaux». En- réaliser ce qui a été fait avant eux. Les temps changent, core faut-il savoir faire le tri et Peut-être liront-ils ces lignes ? les méthodes aussi trouver le temps pour les exploiter. Les biologistes de la faune, de- Avec la progression du grand gi- Ainsi, le gros dilemme était de pré- vant leurs ordinateurs, se rendent- bier, en particulier l’arrivée du cerf, server encore des bonnes périodes ils compte des efforts consentis le braconnage a évolué. La fascina- pour sa vie privée. Pas facile avec autrefois pour protéger le gibier ? tion pour des grands bois, des belles des métiers pareils ! Aujourd’hui, comme le dit l’estimé Narcisse Seppey, «nous gérons l’abondance». La pléthore des san- gliers et la prospérité du cerf sont à l’ordre du jour. La lutte contre un hypothétique braconnier ne se jus- tifie plus et fait partie du folklore. Et pourtant, ces hors-la-loi sont-ils dans la liste des espèces menacées ou en voie de disparition ? Et la re- lève ? Des jeunes ont-ils encore le virus ? Vaste sujet qui fera certaine- ment l’objet d’un autre article. Sources : revues Diana, revues Pêcheur et chasseur suisse, archives cantonales.
11 SALON Passion Nature sur les rails | Texte Vincent Gillioz LE SALON PASSION NATURE SE DÉROULERA DU 24 AU 27 MAI AU CERM DE MARTIGNY. LA FÉDÉRATION DES CHASSEURS DE HAUTE-SAVOIE EST L’INVITÉE D’HONNEUR DE CETTE DEUXIÈME ÉDITION. E n lançant le salon Passion Nature en 2017, Jean-Pierre Seppey a relevé un pari au- dacieux, qu’il semble avoir aujour- d’hui remporté. Preuve en est, la deuxième édition qui s’apprête à ouvrir ses portes ce mois, avec un nombre d’exposants significative- ment plus important que l’an dernier. Bien que non-chasseur, l’organi- sateur de la manifestation tient des affinités familiales avec le milieu, puisqu’il est le neveu de Narcisse Seppey. L’ancien chef du Service cantonal de la chasse en Valais, éga- lement connu pour ses nombreux écrits, est d’ailleurs président du co- mité d’honneur de Passion Nature. Charte pour la nature Salon international de la chasse, de la pêche et de la biodiversité, ciper activement à la conservation la pêche car ces deux activités cette rencontre veut être avant de la biodiversité. permettent d’assurer l’équilibre toute chose une grande fête dédiée - Passion Nature veut éveiller les entre les populations de gibier à la nature, qui vise à éveiller les consciences de tout un chacun à et la faune piscicole. Dans le res- connaissances de chacun. Elle s’est la biodiversité, car son équilibre pect des paramètres biologiques, d’ailleurs dotée d’une charte qui dé- est fragile et il est nécessaire de écologiques, culturels et écono- finit le plus clairement possible ses tout mettre en œuvre pour frei- miques, ces moyens aident à frei- objectifs, et les moyens d’y parvenir. ner, voire éviter la disparition des ner la dégénérescence des races On peut notamment y lire: espèces vivantes. en surpopulation d’une part et - Passion Nature a pour but idéal, - Passion Nature reconnaît le rôle protègent les espèces vivantes les avec la présente charte, de parti- régulateur de la chasse et de plus faibles d’autre part.
12 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 Valérie Pellissier, vice-présidente d’autres professions liées à la nature sur le réchauffement climatique. Le du salon, attache une importance et à sa préservation. mouvement vegan sera encore de la particulière à cette charte: «Nous partie, avec Dorothée Bender et Fa- défendons des valeurs, et avons Des débats nourris bien Brunacci. Geneviève Gassmann jugé important de les coucher sur Favorable au débat d’idées, le sa- de Fenaco évoquera la question des un document fondateur de notre ap- lon accueillera également plusieurs agriculteurs comme acteurs de la proche. Nos engagements, notam- conférences et présentations sur des biodiversité. D’autres sujets (voir ment contre les chasses safaris des sujets parfois polémiques. «Nous ne programme) seront traités, notam- espèces en voie de disparition, nous visons pas la confrontation, com- ment les ouvrages hydroélectriques, ont par exemple amenés à refuser plète encore Valérie Pellissier, mais la recherche de l’eau en souterrain certains tour-opérateurs qui ne tra- il est important que chacun puisse ou encore l’ascension de l’Everest. vaillent pas dans notre sens.» Une exprimer sa vision des choses. Tous Des débats plus politiques, avec politique qui n’a semble-t-il pas nui les débats en rapport avec la nature des présidents de fédérations de à l’intérêt porté par les exposants, sont enrichissants, et ont leur place, chasse, animeront encore le panel. puisque leur nombre a augmenté de sans censure.» Kim Pasche, chas- Outre la Haute-Savoie, qui est invi- 50% par rapport à la première édi- seur-cueilleur à ses heures, viendra tée d’honneur, les représentants du tion. Ainsi, des armuriers côtoieront parler de sa relation avec la nature, val d’Aoste seront aussi sur place, des artistes, voyagistes, artisans, alors que le controversé Jean-Claude point qui confère le caractère in- taxidermistes, éleveurs, ainsi que Pont présentera son nouveau livre ternational de la manifestation. Les représentants de ces régions parle- Programme des conférences Passion Nature 2018 ront évidemment de la manière dont ils vivent la chasse. Intervenant Sujet Date Heure Le vrai, le faux et l’incertain Jean-Claude Pont dans les thèses du réchauf- Jeudi 24 mai 16 h fement climatique Ouvrages hydroélectriques (barrages/centrales et leurs Maxime Prevedello Vendredi 25 mai 10 h conséquences en milieu aquatique) Ce que les derniers chas- seurs de caribous d’Amé- Kim Pasche rique du Nord ont à nous Vendredi 25 mai 14 h apprendre sur le lien à la nature en Europe L’agriculture, le meilleur Geneviève Gassmann ami de la nature: un regard Samedi 26 mai 11 h d’une paysanne manager Dorothée Bender Du végétarisme Samedi 26 mai 15 h Fabien Brunacci à l’antispécisme André Mugnier La chasse en Haute-Savoie, Elena Minchiardi val d’Aosta et Valais: diffé- Samedi 26 mai 17 h Danny Kalbermatten rences et enseignements Yvon Crettenand Passion Himalaya Nature: Andrea Zimmerman une ascension de l’Everest Dimanche 27 mai 11 h Norbu Sherpa inédite Philippe Savary Recherche de l’eau Dimanche 27 mai 14 h Damien Evequoz en souterrain
13 Priorité à la jeunesse Passion Nature veut également faire une belle place à la jeunesse. Et si cinq cents élèves ont pu visiter gratuitement l’exposition l’an dernier, ils seront deux mille cinq cents à faire le déplacement cette année, dans le cadre de leurs activités scolaires. Une journée supplémentaire a d’ailleurs été mise à l’agenda pour accueillir les enfants. Des animaux vivants, comme des lamas ou des alpagas, ainsi que des poissons dans un aquarium géant pourront être vus. «Cette partie du salon est peut-être celle qui a demandé le plus de tra- vail, confie encore la vice-présidente. Il faut répondre à un cahier des charges précis pour obtenir l’autori- sation de présenter des animaux vivants. Mais notre équipe d’organisation est compétente, et le bien-être des bêtes est notre priorité.» On l’a compris, grâce à sa créativité et son ouverture, le Salon international de la chasse, de la pêche et de la biodiversité est en train de se faire une belle place, et figure déjà parmi les incontournables du genre. Nouveauté: Caméra thermique Pulsar HELION XP/XQF • Plage de détection jusqu’à 1800 m • StreamVision (connexion des smartphones/tablettes iOS et Android) • Batterie rechargeable B-pack • Entièrement étanche (IPX7) 77405 Helion XP50 (2.5-20x) Particulièrement idéal sous les conditions de temps difficiles • Haute résolution 640x480 Pixel, 17 µm, 50 Hz • Objectif interchangeable CHF 4‘700.00 77395 Helion XQ50F (4-16x) Pour l‘application exigeante • Résolution 384x288 Pixel, 17 µm, 50 Hz CHF 3‘100.00 77338 Quantum Lite XQ30V (2.5-10x) Pleine performance au prix accessible • Résolution 384x288 Pixel, 17 µm, 50 Hz CHF 1‘700.00 www.pulsar-thermal.ch Disponible auprès des magasins spécialisés! SALON INTERNATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA PECHE CERM MARTIGNY 24 AU 27 MAI 2018 OptiLink SA, rue de la poste 10, 2504 Bienne Fon 032 323 56 66, info@optilink.ch, www.optilink.ch
14 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 LA CLASSIQUE D’ABORD, UN SILENCE MAJESTUEUX... Soudain, votre cœur bat la chamade ; dans les TANT broussailles, un bruit attire votre attention… Vo u s s e r r e z v o t r e B A R M K 3 C o m p o s i t e B r o w n H C AT TENDUE A d j u s t a b l e a v e c u n e s a i n e i m p a t i e n c e . Vo u s s e n t e z q u e l a sortie de l’animal est imminente, que le fameux « passage » aura lieu d’un moment à l’autre… Il vous est si familier – et cependant, il demeure si impressionnant ! Subitement, le gibier se présente à vous, à distance i d é a l e … Vo u s é p a u l e z , v o u s s u i v e z . L e g e s t e e s t a s s u r é ; l e souffle, retenu. Le rythme de vos tirs et les battements de votre cœur se confondent en une parfaite harmonie. Grandeur de l’instant. — Plus d’information sur browning.eu BROWNING, POUR LES INITIÉS. Arme: B A R M K 3 C O M P O S I T E B R O W N H C A D J U S TA B L E — Lieu: S A I N T - H U B E R T, L I B I N - B E L G I Q U E
15 INTERVIEW Kim Pasche, le trappeur des temps modernes | Propos recueillis par le magazine Chassons.com | Photos Kim Pasche, Bruno Augsburger, Sari Brunel NÉ AU DÉBUT DES ANNÉES 80 À MOUDON, KIM PASCHE VIT UNE PARTIE DE L’ANNÉE DANS LE GRAND NORD CANADIEN OÙ IL CHASSE ET TRAPPE. LOIN DES CLIVAGES QUE L’ON RETROUVE TOUJOURS AUTOUR DE LA CHASSE, IL SUGGÈRE LE RÔLE DU CHASSEUR COMME PASSEUR ENTRE LES MONDES HUMAIN ET NON HUMAIN. Kim Pasche, nous avons eu le plaisir de vous découvrir grâce à de très nombreux reportages réalisés sur vous. Avant toute chose, comment vous défini- riez-vous ? J’ai de la peine à me définir. Cela dépend de l’angle par lequel on aborde cette question. D’un point de vue académique, je suis un archéo- logue expérimental qui, en mauvais élève, n’a pas terminé son cursus universitaire pour pouvoir pratiquer au plus vite sa discipline. Cela m’a amené au Canada où j’ai voulu tester l’outillage européen du paléolithique final (dont les outils de chasse, pêche et piégeage) dans un contexte au plus proche des conditions clima- tiques, fauniques et florales que nos ancêtres Cro Magnon connaissaient jadis. Je suis devenu trappeur et j’ai fait l’acquisition d’une concession de trappe au Yukon qui me permet de vivre en autarcie une partie de l’an- née en mode «préhistorique». En pa- rallèle de cela, j’ai commencé à colla- borer avec les peuples sur place car j’estimais que nous avions quelque
16 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 chose en commun : eux comme moi, ce que je nomme «les autres huma- Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’y cherchons à faire perdurer des sa- nités» au Canada. L’autre moitié, je a pas eu de déclic. J’ai toujours été voirs qui lient les hommes à la nature. la passe en Europe pour, entre au- porté par la vie sauvage. Depuis tout Mais je préfère nettement me voir tres, donner des stages liés à la vie petit, ce qui m’intéresse, c’est le lien comme une sentinelle qui cherche à sauvage et aux «gestes premiers». avec la nature. Et depuis tout petit, déceler les dangers de notre vision cette tentative de me sentir «chez moderne. Mon premier outil est un Vous êtes un spécialiste de la vie moi» dans les bois s’est heurtée à recul nécessaire sur notre grande sauvage, un artisan de la préhis- l’absence du lien que notre culture civilisation, et je trouve ce recul en toire et un trappeur, quel a été entretient avec la nature, et ses me coupant du monde moderne plus le déclic pour découvrir et faire conséquences. Concrètement cela de la moitié de l’année et en côtoyant partager cette vie sauvage ? se traduisait par le fait qu’il fallait retourner dans des bâtiments sco- laires le lundi alors que je sentais que la forêt était une bien meilleure école pour moi. Je passais tout mon temps libre chez mon grand-père qui vivait en lisière de forêt sur le Plateau suisse. Je me suis très vite rendu compte que la nature sauvage avait mauvaise presse. Les paysans de ma région par- laient de «mauvaises herbes» en parlant des plantes sauvages (par ailleurs souvent comestibles !), les chasseurs, de «nuisibles» en parlant des sangliers. Je sentais bien que la nature sauvage était en sursis dans l’inconscient collectif. Tôt ou tard, notre culture parviendrait à domes- tiquer ce qui résistait encore à notre contrôle. Et puis j’ai fini par comprendre que cette tendance s’imposait dans tous les domaines de notre société, y compris dans l’éducation, la justice, les sciences ; ma culture domesti- quait jusqu’à l’homme lui-même ! C’est donc un élan de rejet qui a habité mon jeune âge (car j’aspirais à la liberté), que je humais dans mes escapades en forêt ou dans mes lec- tures au sujet des peuples dit «pri- mitifs». Ces peuples vivaient sans les peurs qui habitaient le monde des adultes autour de moi. Pour ces peuplades, le danger était une occasion de s’améliorer. Le préda- teur était vu comme un guide vers l’excellence. Il y avait de la noblesse dans l’attitude de ces gens que je
17 ne retrouvais pas dans mon monde d’être humain sur cette terre. Et chasseur et chassé symbolise l’es- qui semblait un peu médiocre en cela fait du bien de voir que celui-ci sence même de la vie. comparaison. Adolescent, je me suis peut être humain dans toute sa di- Mais cette magie, cette plénitude, fait la promesse de m’affranchir de gnité sans nécessairement détruire n’est accessible me semble-t-il qu’au cette société capitaliste et c’est, en son écosystème. Ce monde sauvage chasseur qui se sent au milieu de ses essence, ce qui m’a guidé vers les et ces habitants humains et non congénères lorsqu’il chasse, et elle savoirs et les gestes «premiers», humains sont là pour nous rappeler échappe en bonne partie au chas- ceux de la préhistoire. que la place de l’homme n’est pas à seur qui se sent conquérant et croit La rencontre avec le monde sau- trouver, mais à retrouver. exercer son pouvoir de contrôle sur vage m’a vite fait comprendre qu’il une nature soumise ou à soumettre. était possible de remédier aux peurs De très nombreux chasseurs Avec ce qui a été dit, la question fondamentales de l’Occident en re- insistent sur le fait que la chasse n’est pas tant de savoir si la chasse nouant avec nos origines sauvages. est un retour privilégié à la na- est nécessaire ou non en France au- Plus tard, la rencontre avec des ture. Par ailleurs, nos modes de jourd’hui, mais réside plutôt dans les cultures de chasseurs-cueilleurs m’a chasse peuvent paraître «faciles» symboles. Le chasseur est avant tout fait comprendre une chose terrible- à côté des vôtres, que souhaitez- le gardien de nos origines sauvages ment simple : «Nous ne sommes pas vous apporter dans une décou- les plus nobles, celles de l’homme l’humanité». verte totale de la nature ? qui est part de la nature et qui mé- Comprendre que ce qui compte nage plutôt qu’il n’aménage la nature En quoi le Canada est-il une terre vraiment c’est la posture du chas- qui l’entoure. idéale pour partager ce concept seur ; que l’outil est finalement se- de retour à la nature simple et condaire. Agir comme vous le faites pour saine ? Donc, oui, la chasse est une occa- faire découvrir la nature à des J’ai trouvé dans les forêts boréa- sion extraordinaire de renouer avec personnes peut-il aussi faire les canadiennes un espace sauvage une humanité primordiale, celle des partie d’un mouvement de retour d’une intensité à couper le souffle. origines, qui nous a vus développer simple à la vie, et donc d’aspira- Un lieu non pas dépourvu d’humains un outil de chasse peu commun : tion à protéger toute vie sauvage ? comme je l’avais imaginé, mais où l’empathie. Cette empathie permet Cette question me semble impor- l’humain est constitutif de l’environ- de se mettre à la place de la proie tante. Doit-on protéger la vie sau- nement. Là vivent les derniers chas- afin de prédire ses comportements. vage de l’extérieur ou de l’intérieur ? seurs-cueilleurs en lien direct avec Je pense que d’un point de vue mor- Dans le premier cas, protéger veut le mode de vie qui était celui des phologique, c’est la chasse qui a souvent dire «sanctuariser» la na- hommes du paléolithique final en fait de nous les humains que nous ture, et tacitement alimenter l’idée France. Avec eux, j’ai appris à être sommes depuis deux cent mille ans. d’une humanité hors de la nature. De un chasseur implacable. J’ai com- L’humain, comme toute autre es- facto, cela place l’humain au-dessus pris que le plus beau cadeau qu’un pèce, influence son milieu et doit évi- de cette dernière. Et cette pensée est chasseur puisse faire à sa proie, c’est demment consommer pour exister. précisément celle qui nous a amenés d’être impitoyable et aimant à la fois. La chasse est la façon la plus directe là où nous sommes aujourd’hui. En Ces espaces, incroyablement pré- et la plus franche de ressentir ce que voulant contrôler ! D’abord les pre- servés de l’influence humaine mo- cela signifie. Je n’ai personnellement mières plantes domestiquées, puis derne, nous invitent à réenchan- rien connu de plus fort dans la vie la flore alentour, puis la faune, puis ter notre imaginaire et permettent (et pourtant je suis deux fois papa !), la topographie, puis les peuples, et un recul nécessaire. Toutefois, tout de plus troublant et émouvant, que puis, et puis… nous avons créé des le monde n’a pas besoin d’être en de se plonger dans l’œil de ma proie déséquilibres qui menacent non seu- contact direct avec ces milieux re- alors que je mettais fin à ses jours. lement la communauté du vivant, culés. Il suffit que nous écoutions Dans ses yeux, c’est ma vie qui dé- mais avant tout nous-mêmes. celles et ceux qui en sont les am- file à chaque fois. Je sais qu’un peu Pour moi, il faut absolument sor- bassadeurs. Je ne parle pas de moi, de moi meurt aussi, à cet endroit, tir de ce cycle infernal qui nous mais bien des peuples premiers qui et qu’un peu d’elle vit désormais en contraint à devoir contrôler de plus incarnent une des façons pérennes moi. Pour moi, cette tension entre en plus de paramètres, seulement
18 | CHASSE ET NATURE | no 5 mai 2018 pour continuer d’être humain. Ac- par laquelle observer le phénomène. cessite du pétrole pour importer cepter que le sort de notre com- Mais avant tout, je ne juge pas le fait cette nourriture, alors que l’élevage munauté vivante n’est pas de notre d’être ou de ne pas être vegan. On ou la chasse peuvent être pratiqués responsabilité, et lâcher prise. C’est peut d’ores et déjà balayer l’idée ab- localement avec un bien meilleur ce que je transmets dans mes immer- surde selon laquelle on ne pourrait impact écologique et sans grande in- sions d’ailleurs. Je propose de vivre pas se nourrir de façon équilibrée frastructure. Dans ma région, chas- une semaine ou plus en redevenant sans produits animaux. Je suis la ser ou élever est sans doute le geste nomade et collecteur dans nos ré- preuve vivante que c’est possible ! le plus écologique qui soit ! gions, et d’expérimenter ce qu’est Mais on peut également balayer Mais une analyse plus profonde une vie simple en tentant d’y trouver l’idée tout aussi absurde selon la- encore révélerait selon moi que sa place. quelle le monde se porterait mieux l’idée d’une humanité «zéro impact» si tous les êtres humains étaient est une fiction dangereuse car elle De plus en plus de personnes vegans, ou végétariens. Les peuples- valide l’idée que les principes du deviennent vegan et sont des racine, tous omnivores, en sont la vivant ne s’appliqueraient pas aux «nouveaux» adeptes de la pro- preuve, puisqu’aucun d’entre eux êtres humains. Ces principes du vi- tection animale, que pensez-vous n’a à notre connaissance ethnogra- vant qui nous susurrent que pour de ces mouvements ? Y a-t-il une phique ou archéologique, détruit son vivre, il faut faire mourir un peu. cohérence de fond selon vous ? environnement. Si le fait d’être vegan Que ce soit un animal, un arbre, ou Ma mère est végétarienne convain- est le résultat d’une volonté de pro- une carotte. Aimer la nature ne veut cue depuis quarante ans et vegan tection des animaux, cela me semble pas dire ne pas avoir d’impact, mais lorsque c’est possible. J’ai person- juste dans la mesure où on l’applique plutôt avoir un impact approprié et nellement grandi en étant végétarien à l’industrie. Mais ce même élan de- stimulant. Ainsi le lion est garant de jusqu’à l’âge de 11 ans. Aujourd’hui, il vient incohérent si on cherche à l’ap- la grâce de la gazelle et vice versa. m’arrive d’être à 80% carnivore dans pliquer partout sans nuance. Sans changement de vision, nous mes immensités boréales… je pense Par exemple, là où je vis, se nour- pourrions être douze milliards de donc avoir une fenêtre intéressante rir exclusivement de végétaux né- vegans à asphyxier la terre sans faire
19 couler une seule goutte de sang et Un dernier mot pour a un contact direct avec ses frères en étant convaincus d’être «amis des nos lecteurs ! sauvages. Il serait intéressant selon animaux» ! Le sujet de la chasse en Europe moi que nous soyons capables au- me passionne, vraiment ! Je sais que jourd’hui, dans notre société mo- Vous proposez de nombreux cela peut paraître bizarre au premier derne, de redonner cette place stages sur le site gens des bois abord, mais pour moi, les mondes non seulement au chasseur, mais (autour de l’arc et de la vie sau- actuels de l’écologie et de la chasse à l’ensemble de la société. Ainsi, vage), quels sont les stages que sont deux facettes de la même pièce. loin d’être fustigé pour son activité vous recommanderiez Toutes deux prônent un contrôle de «macabre», le chasseur serait plutôt à des chasseurs avides de l’environnement et peinent à voir la un chercheur «écologue», passeur connaissances cynégétiques ? nature autrement que comme une entre les mondes humain et non hu- A peu près chacun de mes stages ressource. Et pourtant, dans l’imagi- main. Dans cette vision, le chasseur est une occasion de nourrir nos ra- naire collectif, ces deux mondes pa- serait le fier représentant d’une po- cines sauvages et de se fondre un raissent souvent opposés. C’est dom- pulation consciente de sa position peu plus dans la nature. A ce titre, mage ! Mais pas inchangeable. Dans privilégiée et essentielle, car il serait savoir faire du feu en frottant deux toutes les peuplades traditionnel- un précieux baromètre de la santé bouts de bois ou savoir tailler une les, il n’y a pas de dichotomie entre de nos régions ! pointe de flèche en silex, contribue le chasseur et l’ami des animaux. Infos stages et activités sur : à ce rapprochement. Les gestes Ces peuplades, souvent animistes, www.gens-des-bois.org premiers nous inscrivent dans l’éco- se voient comme frères et sœurs système, et l’environnement devient des animaux qui les entourent. Le Remerciements à Chassons.com alors «environnant». chasseur est même privilégié car il pour cette courtoisie PUBLICITÉ
Vous pouvez aussi lire