Henri Nick, l'apôtre-prophète du Nord - Reforme.net

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Henri Nick, l'apôtre-prophète du Nord - Reforme.net
Publié le 2 septembre 2021(Mise à jour le 2/09)
Par Christophe Chalamet

Henri Nick, l’apôtre-prophète du
Nord
La commémoration du 150e anniversaire de la création de la Mission populaire
évangélique (1871-2021) est l’occasion de redécouvrir l’une des grandes figures
de cette œuvre, le pasteur Henri Nick.

Henri Nick (1868-1954) a marqué bon nombre de personnes, y compris des
protestants français, au siècle dernier. Après des études de théologie à la faculté
de Montauban, où il devint l’ami d’Élie Gounelle et de Wilfred Monod, après avoir
hésité à s’engager dans l’Armée du Salut plutôt que dans l’Église réformée, il fut
pasteur à Mialet (1890-1897), non loin de la paroisse d’Alès où œuvrait Gounelle.
Leur principale visée était le réveil, avec un souci marqué pour les conditions
sociales dans lesquelles vivent les gens. On peut lire leurs riches échanges en ces
années (Réveil et Christianisme social. Correspondance 1886-1897, Labor et
Fides, 2013).

Puis ce fut le Nord, à partir de 1897, dans le quartier de Fives à Lille. « Un poste
de combat, d’évangéliste », selon les mots de Gounelle qui exhortait son ami à le
rejoindre dans le Nord auprès des ouvriers (Gounelle était à Roubaix depuis
1896). Nick resta fidèle jusqu’au bout, pendant plus de cinquante ans, à ce poste
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et au Foyer du peuple fondé en 1901. Son ministère d’évangéliste, participant à la
Mission populaire, marqua beaucoup d’habitants lillois, mais aussi des jeunes
protestants. Au point que certains étudiants en théologie, comme Jacques
Kaltenbach avant la guerre, puis dans les années 1920 Samuel Cornier, Marcel
Heuzé (pasteur mort en déportation), Henri Roser ou André Trocmé, se
promettaient de rejoindre cette œuvre ou la région du Nord dès la fin de leurs
études (lire les remarques d’André Trocmé sur Henri Nick dans ses Mémoires,
édités par Patrick Cabanel chez Labor et Fides en 2020, ainsi que les
témoignages de Magda Trocmé dans ses Souvenirs d’une vie d’engagements
parus aux Presses universitaires de Strasbourg en 2021).

Grâce au labeur de Grégoire Humbert, l’engagement d’Henri Nick en tant
qu’aumônier durant la Première Guerre mondiale nous est désormais connu dans
ses détails (voir la belle série d’ouvrages parus à partir de 2014 aux éditions
Ampelos, Correspondance de guerre. Famille, amis, soldats).

Prédicateur de la vérité
Dans la partie conclusive de sa thèse de licence en théologie sur la notion de
métanoïa (grec pour « conversion » ou changement d’intelligence) de 1890, Nick
écrivait : « Un prédicateur de la vérité doit en être avant tout le témoin. » Voilà ce
qu’il a cherché à vivre, tout au long de son existence, et ce malgré une série de
malheurs, à commencer par le décès de son épouse Hélène (née Lèques) en 1917.
Seuls deux de leurs six enfants, Hélèna et Madeleine, survécurent à leur père.

Témoigner de la vérité, pour Nick, n’allait pas sans une critique de la religion
dans tout ce qu’elle peut avoir de déshumanisant. La religion, trop souvent, est
« un éteignoir pour l’esprit et un étau pour le cœur », écrivait-il en 1908 dans un
article intitulé « Remontons à la source » paru dans le journal L’Espoir du monde.
Il arrive que la religion « sanctionne la tyrannie, la guerre, l’exploitation de
l’homme par l’homme. Elle a égard au rang, à la fortune, dédaigne “la
guenille” du corps, méprise la raison, ce don de Dieu, accroît les ténèbres ». Ce
type de religion, qui « ruine les peuples », mérite notre mépris et doit être
combattu.

À l’opposé, la religion du Christ « est une religion qui élargit et approfondit nos
sentiments, et loin de nourrir l’orgueil humain, l’abaisse. Elle unit tous les
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hommes en une seule famille de frères sous le regard d’un seul Père, sans
distinction de races, ni de castes. (…) Elle poursuit la paix, lutte contre toute
injustice, respecte dans le corps le temple de l’Esprit saint, favorise le
développement de l’intelligence, et met au cœur de l’homme le plus abattu, le
plus misérable, la volonté indomptable d’améliorer sa condition matérielle,
morale et intellectuelle, et l’ambition de devenir un homme dans la plus haute
acception du terme, un digne fils de Dieu. Elle lui communique une invincible
espérance dans le triomphe final de la justice ».

C’est fort de ces convictions que Henri Nick soutint les jeunes objecteurs de
conscience protestants dans les années 1930 et qu’il sauva des Juifs une décennie
plus tard (il figure, avec son fils Pierre et sa belle-fille Odile, au nombre des Justes
parmi les nations). Bref, une figure à (re)découvrir en ce 150e anniversaire de la
Mission populaire évangélique !

Christophe Chalamet, professeur de théologie à la faculté de théologie de
l’université de Genève

Lire également :

  Série “Pasteurs revivalistes” (1) : Genèse du christianisme social

  Série “Pasteurs revivalistes” (2) : Des pasteurs orthodoxes et sociaux

  Série “Pasteurs revivalistes” (3) : Le christianisme social en pratique

  “Mémoires” d’André Trocmé : retour sur la vie d’un pacifiste intégral

  Actualité du Christianisme social
Henri Nick, l'apôtre-prophète du Nord - Reforme.net
Publié le 22 avril 2021(Mise à jour le 22/04)
Par Laure Salamon

Un poisson nommé Wender
Avec sa longue expérience de militant, Philippe Wender n’a pas hésité à prendre
la présidence de Citoyennâge. Cette toute jeune association vise à porter dans
l’espace public la parole des personnes âgées aidées en établissement ou à
domicile.

Le président de Citoyennâge, Philippe Wender, est comme un poisson dans
l’eau… du bain associatif ! Il préside un conseil d’administration en
visioconférence, twitte sur l’assouplissement des protocoles sanitaires en
établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Éhpad), répond
aux courriels et SMS de sollicitation des journalistes, discute avec la ministre
chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon… Philippe Wender, 84 ans, est le
premier président de Citoyennâge.

Faire entendre la voix des personnes
âgées dépendantes
Créée en septembre 2020, l’association est nouvelle même si le mouvement a au
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moins une vingtaine d’années. Il est né dans les Éhpad, soutenu par l’Association
des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), structure représentant les
directions d’établissements. L’idée est de porter dans la société la parole de ces
personnes peu entendues habituellement. Pour peser dans le débat, il fallait que
le mouvement informel se structure et la présence d’un responsable permet de
répondre aux interviews. « En tant que président, j’incarne cette parole »,
explique Philippe Wender, tout sourire derrière le masque. Il est soutenu dans son
engagement, notamment pour les outils numériques, par Jeanne Gerardin,
salariée de l’AD-PA.

En plus de la représentation des personnes âgées en Éhpad ou accompagnées à
domicile, l’ambition de Citoyennâge est d’améliorer les conditions de vie de ces
personnes âgées et d’assurer la défense de leurs intérêts. « Pendant le premier
confinement, on a beaucoup parlé à notre place, sans vraiment nous demander ce
qu’on pensait ! explique Philippe Wender, qui n’a pas la langue dans sa poche.
Cela va faire un an que nous sommes empêchés d’aller passer du temps dans nos
familles. » Le protocole pour les Éhpad a enfin été assoupli en mars.

Philippe Wender se réjouit de cette annonce même s’il sait que la crise n’est pas
encore terminée. Il va pouvoir voir ses enfants et ses petits-enfants plus souvent.
L’homme a hâte de reprendre ses activités. Il attend aussi avec enthousiasme que
le projet de loi sur la dépendance soit discuté car Citoyennâge a des choses à
dire… Autant de perspectives qui le passionnent, tout comme l’actualité qu’il suit
avec intérêt.

Christianisme social
Rien d’étonnant pour lui qui a fait partie de l’association ayant relancé le
mouvement du christianisme social en 2008. « Très vite, il s’est engagé et est
devenu vice-président, raconte le pasteur Stéphane Lavignotte, avec qui il a
travaillé au sein du bureau. Il pose les bonnes questions, celles qui font avancer le
débat tant sur la forme que sur le fond. Il ouvre les oreilles et s’intéresse à tout,
même aux sujets qui ne sont pas évidents. Il a participé à un collectif sur les
questions du racisme et de l’islamophobie, dont il nous a restitué les réflexions
avec une grande pertinence. » Et le pasteur de la Mission populaire évangélique
de reconnaître son intérêt pour le collectif : « Il apporte une dimension politique
et religieuse partout où il est. »
Philipe Wender est venu vivre dans un Éhpad pour accompagner sa femme Annie,
victime de plusieurs accidents vasculaires cérébraux et ayant besoin d’aide au
quotidien. Ils ont donc quitté leur maison de Saint-Maur-des-Fossés (94) pour
s’installer à la Cité verte à Sucy-en-Brie. En participant aux activités, il a
découvert Citoyennâge et a proposé d’y prendre part quand le mouvement s’est
structuré. « Je suis plutôt du genre à lever la main pour aider quand il y a
besoin », ajoute-t-il.

Il n’en fallait pas beaucoup plus pour raviver la flamme de l’engagement. Une
flamme qui s’est allumée chez les éclaireurs unionistes et ne s’est jamais vraiment
éteinte. À la suite des unionistes, il s’engage aussi à la Cimade. Cadre chez IBM, il
prend des responsabilités au sein du syndicat CFDT, de son conseil presbytéral. À
la fin des années 1990, il prend la présidence de Jeunesse et Culture protestante
à Saint-Maur-des-Fossés, jusqu’en 2003. Cette association en lien avec l’Église
réformée organise des événements culturels et soutient les mouvements de
jeunesse. Puis en 2003, il devient président de Dom’Asile à sa fondation et
jusqu’en 2008. L’association, créée par la Cimade et le Secours catholique, sert à
fournir une adresse fiable aux demandeurs d’asile pour les courriers
administratifs. En parallèle, il participe à la création du premier centre de
domiciliation à Vincennes et le dirige jusqu’en 2013.

Jeune recrue pacifiste pendant la guerre
d’Algérie
Ces différents engagements associatifs se sont succédé de façon évidente pour
Philippe Wender. Il est issu d’une lignée protestante du côté de ses deux parents.
Un de ses aïeuls était un protestant allemand, émigré en France dans les années
1820, qui s’est marié au temple luthérien des Billettes en 1835. De cette
trajectoire familiale, Philippe Wender a gardé une Bible datant de l’époque du
mariage, qu’il est fier de montrer.

Ce protestant, qui a suivi un temps des cours à l’Institut protestant de théologie,
n’a jamais cessé de croire au message de l’Évangile. Et sa mobilisation en Algérie
ne fera pas faiblir sa foi. Ayant refusé d’effectuer la formation d’élève officier, il
est affecté à Laghouat, aux portes du désert, où, jeune recrue, il occupe le poste
de secrétaire de l’officier de renseignement et de secrétaire de l’aumônerie
militaire à titre bénévole. Il préside alors quelques cultes en l’absence de
l’aumônier. Cette expérience de la guerre, l’homme la raconte dans un texte écrit
à l’intention de son petit-fils, Dorian, et publié sur le site de l’association
Christianisme social. À une époque où l’objection de conscience était passible de
prison, Philippe Wender a préféré faire son service et être témoin, comme le
philosophe Paul Ricœur y encourageait la jeunesse. Le jeune homme s’est bien
indigné de la torture mais sans pouvoir l’empêcher.

Pour témoigner et prier, Philippe Wender continue de se rendre chaque semaine
en voiture au temple. « J’ai la chance de pouvoir encore conduire ! » La liberté,
l’indépendance… Avec lui, il y a toujours un motif de réjouissance !

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  Actualité du Christianisme social

  Série “Pasteurs revivalistes” (1) : Genèse du christianisme social

  Série “Pasteurs revivalistes” (2) : Des pasteurs orthodoxes et sociaux

  Série “Pasteurs revivalistes” (3) : Le christianisme social en pratique
Publié le 9 janvier 2019(Mise à jour le 9/01)
Par Marie Billon

Un pasteur anglican revient sur le
Brexit
Paul Bickley est chercheur au centre de réflexion Theos, et pasteur à la paroisse
de Trinity Vineyard, à Greenwich. Entretien.

L’Église d’Angleterre a-t-elle joué un rôle dans le débat sur le Brexit ?

Les gens sont fatigués de toutes ces disputes. Les pro-Brexit veulent qu’on sorte
et qu’on en finisse, et les anti espèrent qu’on trouvera une solution pour arrêter le
processus. Le rôle de l’Église dans tout ça, c’est de rendre l’espoir aux gens tout
en faisant en sorte qu’ils conservent leur intérêt pour la chose publique.

Les paroisses ont trois capitaux à offrir : social, physique et spirituel. En ce qui
concerne le capital social, l’Église doit rassembler les gens et les inciter à agir
pour le bien commun. Elle doit continuer à galvaniser les paroissiens pour qu’ils
s’entraident.
Le capital physique, c’est le lieu de rencontre. Alors que les centres culturels, les
salles de loisirs, les pubs ferment leurs portes, il y a de moins en moins d’endroits
où l’on puisse se réunir. La paroisse doit continuer à offrir cette opportunité de
vivre ensemble.

Nous devons ensuite faire comprendre à tous que la politique est importante,
mais qu’elle n’est pas notre but ultime. C’est le capital spirituel. Il y a une
transcendance, une vie spirituelle qui reste la priorité. Quand les gens regardent
l’avenir avec pessimisme, l’Église – qui est le point de rencontre entre le passé, le
présent et le futur – doit leur rappeler qu’il faut croire en demain.

L’équipe du Premier ministre travailliste Tony Blair avait dit : « On ne
s’occupe pas de Dieu. » La responsabilité d’une Église d’État n’est-elle pas
de ne pas s’occuper de politique ?

Cela dépend. Lors de la campagne, il a été beaucoup question d’immigration et
d’identité. Les Anglais ont voté pour le Brexit, contrairement aux Écossais et aux
Irlandais du Nord. On sait qu’une personne qui se dit anglaise plutôt que
britannique aura plus tendance à être pro-Brexit, et vice versa. Si le Brexit est
l’expression du nationalisme anglais, on peut se demander : comment peut-on
être l’Église d’Angleterre si on ne soutient pas le Brexit ? La réponse est que nous
devons être une Église pour l’Angleterre – montrant la voie – pas simplement
l’Église de l’Angleterre, qui suit les tendances actuelles. Nous devons envoyer un
message positif et qui replace le sens de l’identité anglaise dans l’Histoire. Être
anglais, ce n’est pas être synonyme d’antieuropéen. S’il y a un second
référendum, je pense que l’Église devrait avoir une voix plus forte dans le débat –
ni pro ni anti – mais pour définir de manière dépassionnée ce que signifie être
anglais.

L’Église a-t-elle un rôle moral au sein du débat ?

C’est à elle de rappeler la morale qui est au cœur du projet européen initial. L’UE
a été construite sur les valeurs de la démocratie chrétienne, sur les
enseignements du christianisme social et l’effort pour la paix. Ce message s’est
perdu lors de la campagne, et a laissé la place à des sujets plus pressants, plus
tangibles, comme les lois et les régulations ou même le concept de souveraineté.
Or, même sur cette question, l’Église a son mot à dire.

L’UE, à l’origine, a construit sa souveraineté sur le principe de subsidiarité : le
pouvoir doit rester aussi proche des individus que possible. Les autorités
nationales ne doivent assumer que les responsabilités que les localités ne peuvent
pas assumer. Les autorités internationales ont pour devoir d’assumer uniquement
les pouvoirs que les nations ne peuvent assurer. C’est un principe fondamental du
christianisme social. Plus concrètement encore : s’il est approuvé par les députés,
les 26 lords spirituels qui siègent à la Chambre haute du Parlement devront voter
sur l’accord du Brexit négocié par Theresa May avec les représentants de l’UE.

Même si la hiérarchie de l’Église a tendance à être proeuropéenne, je pense que
les lords spirituels verront leur devoir comme celui d’articuler la question morale
dans la phase des débats.

On parle de divorce entre le Royaume-Uni et l’UE. Ce peut être un sujet
polémique au sein même de l’Église d’Angleterre…

Il ne faut pas confondre le sacrement du mariage et une union politique. Le
Nouveau Testament nous apprend à rester ensemble malgré les désaccords, de
supporter l’autre avec amour. Ce n’est pas un concept qu’on applique facilement
à des institutions, mais qu’on peut transposer aux relations humaines.
J’encourage les paroissiens à prier pour les politiques. Les Écritures y font
souvent référence en parlant des premières communautés chrétiennes qui
pouvaient être maltraitées par les autorités. Il faut prier pour ceux qui ont le
pouvoir afin qu’ils agissent pour le bien de tous. Ce devrait être assez facile pour
nous qui vivons en démocratie. Nous n’avons pas à prier pour des dirigeants
autoritaires non élus.

Dans ma paroisse, lors du premier dimanche de l’année 2019, j’ai tenu à parler de
la manière de se nommer. On a vu que les Britanniques utilisent souvent des
termes péjoratifs pour parler de ceux qui n’ont pas les mêmes opinions qu’eux sur
le Brexit. Je voulais encourager mes paroissiens à voir la dignité de chacun, à
apercevoir l’image de Dieu dans l’autre. J’ai cité notamment deux textes parce
que les Écritures insistent beaucoup sur l’importance de la désignation. Dans le
chapitre 3 de la Genèse, Adam refuse à Ève la dignité de citer son nom, en disant
que c’est « cette femme » qui lui a donné la pomme. Dans le chapitre 20 de
l’évangile selon Jean, Marie Madeleine est désignée comme « une femme »
jusqu’à ce que Jésus utilise son nom. Le désaccord ne doit pas effacer la civilité.

Propos recueillis par Marie Billon
Publié le 19 septembre 2018(Mise à jour le 19/09)
Par Laurent Gagnebin

Série “Wilfred Monod” (4/4) : six
dualités pour un Évangile
L’auteur conclut cette série en mettant en évidence six propositions développées
par Wilfred Monod pour un christianisme ancré dans la réalité du monde, au
service de l’homme, et mû par un dynamisme créateur.

C’est avec six dualités significatives que Wilfred Monod présente les fondements
bibliques et théologiques de son christianisme à la fois spirituel et social. C’est
avec elles qu’il fait entendre sa promotion de ce qu’il appelle l’« Évangile intégral
».

L’amour de Dieu et du prochain
L’alliance biblique unissant ces deux paroles nous interdit d’opposer l’univers
religieux et spirituel au monde très concret des hommes et de la cité. Trop
souvent, on juge la piété des hommes au degré de leur opposition au monde et à
leur refus des nourritures terrestres. Réconcilier le Ciel et la terre est une
caractéristique du christianisme.
S’enfermer dans la spiritualité, c’est sombrer en pleine aliénation religieuse. «
Vouloir confiner l’Église dans la liturgie, le rite, la piété individualiste ou
l’émotion mystique, c’est l’hérésie par excellence, l’hérésie païenne. »

Le Père et les frères
Monod emprunte cette union « Père-frères » au pasteur Tommy Fallot
(1844-1904), premier président du mouvement du Christianisme social.
L’adoration du Père et le service des frères forment un tout indissoluble.

Croire à la paternité divine sans la lier au service des frères, c’est ne pas y croire.
C’est pour ne l’avoir pas mis en pratique en oubliant la fraternité que des
révolutionnaires ont proclamé cette fraternité en rejetant un Dieu stérile.

« Notre Père » et « Notre pain »
Dans l’oraison dominicale, les premières demandes nous tournent vers Dieu et
disent d’emblée : « Notre Père » et les demandes suivantes nous tournent vers
l’homme et disent d’emblée : « Notre pain quotidien ». Je ne peux pas
sérieusement invoquer la paternité de Dieu, sans me préoccuper des implications
socio-économiques qu’implique le « notre pain ».

Monod s’indigne contre la théologie chrétienne et la piété qui ont tout fait pour
désincarner ce pain et n’y voir que l’expression de nourritures exclusivement
spirituelles. Ce pain me montre que je n’ai pas à être, écrit Monod, « plus
spirituel que Jésus-Christ ».

La divinité et l’humanité de Jésus
Ceux qui ont l’impression de ne pouvoir échapper à un dilemme en étant « tantôt
au service du ciel, tantôt au service de la terre, tantôt tournés vers Dieu et tantôt
tournés vers l’homme » méconnaissent une union qui trouve sa vérité profonde en
Jésus. La divinité et l’humanité de Jésus sont porteuses, pour Wilfred Monod,
d’une réalité qui rassemble notre adoration et notre service ; elles en constituent
le fondement.
Le Messie et le messianisme
Je me rappelle qu’André Dumas empruntait souvent à Wilfred Monod cette idée
selon laquelle les chrétiens ont trop souvent un Messie sans messianisme et les
athées, socialistes et communistes, un messianisme sans Messie.

Chaque fois que Monod évoque le Royaume par rapport au Messie, il le fait dans
un contexte relatif aux exigences d’un christianisme social. Le christianisme, au
sens premier de ce mot, devrait toujours être compris et vécu comme un
messianisme, puisque ces deux mots, compte tenu de leur origine, sont
synonymes.

Le christianisme est devenu un système doctrinal, une institution historique, une
réalité trop souvent statique et figée ; le messianisme, lui, fait mieux entendre ce
qui rattache le christianisme à une espérance et le conduit à un combat contraire
à toute résignation. Le messianisme, c’est aussi le christianisme vu dans un
présent ouvert et riche de mille possibilités, dans un dynamisme mobilisateur et
créateur.

C’est pour avoir oublié sa dimension messianiste et la réalité mobilisatrice du
Royaume de Dieu que l’Église a suscité « la formidable puissance du socialisme
athée, du matérialisme révolutionnaire ».

Le credo et le programme
Le chrétien défend et revendique un credo qu’il convient d’associer à un
programme, sans laisser ce dernier aux hommes politiques. Défendre un
programme, ce n’est pas seulement défendre un catalogue de propositions, c’est
tout faire pour modifier la société en profondeur, c’est-à-dire dans ses structures
économiques et politiques. Le christianisme social n’est pas limité à une morale et
aux bonnes intentions du monde ecclésial, aussi louables, utiles, généreuses et
indispensables seraient-elles.

Ainsi Monod parle-t-il, aussi bien dans ses livres qu’en chaire, de questions très
concrètes relatives aux logements, au travail, très souvent à l’argent, au délicat
problème de la propriété, aux rémunérations injustes et indignes, à l’exploitation
des enfants, aux ouvriers, aux petits employés, à l’abandon et à l’extrême misère
des vieillards, aux malades et aux hôpitaux, aux innombrables orphelins, martyrs
de la guerre, aux victimes de la faim et, surtout, du chômage, à la femme et à sa
condition aussi scandaleuse qu’injuste.

Voilà donc six dualités pour la fidélité à un « Évangile intégral » où le service
divin est inséparable d’un service humain et la liturgie inséparable de la diaconie.

  Un seul christianisme, le christianisme tout
  court
  À travers les six dualités évoquées dans le présent article, on saisit que, pour
  Wilfred Monod, la foi appelle forcément, par fidélité à la Bible, celle des
  prophètes et celle des Béatitudes, un christianisme toujours à la fois spirituel et
  social. Monod déclare que son christianisme social ne fut jamais que son
  christianisme spirituel « porté à l’incandescence ». Il n’y avait là pour lui qu’un
  seul christianisme, un « christianisme tout court », comme il lui est arrivé de
  l’écrire. Dire « christianisme spirituel » et « christianisme social », c’est en fait
  commettre un pléonasme, procéder à une sorte de redondance.

  Pour Wilfred Monod, le christianisme spirituel précède, dans un certain sens, le
  christianisme social, de même que la foi en Dieu est inséparable de ce qu’elle
  fonde : l’amour du prochain. Cela dit, si Monod accorde en quelque sorte une
  précédence pour ainsi dire chronologique au christianisme dit spirituel, il
  estime cependant qu’une prééminence pour ainsi dire qualitative doit être
  attribuée au christianisme dit social. Il déclare ainsi dans une prédication que,
  quand il s’agit de faire un bilan de notre vie, « mieux vaudrait avoir vécu sans
  religion que d’avoir vécu sans amour, mieux vaudrait avoir servi Jésus-Christ
  sans le nommer, que d’avoir nommé Jésus-Christ sans le servir ».

À lire
Wilfred Monod, pour un Évangile intégral
Laurent Gagnebin
éditions Olivétan, 2018
120 p., 15 €.

Publié le 29 août 2018(Mise à jour le 29/08)
Par Laurent Gagnebin

Série “Wilfred Monod” (1/4) :
Wilfred Monod, au service d’un
Évangile intégral
Le professeur Laurent Gagnebin présente la vie et la pensée de Wilfred Monod
qui a œuvré pour un christianisme qui soit à la fois spirituel et social, engagé
dans la société et œcuménique.

Wilfred Monod (1867-1943), père de Théodore Monod (l’homme du désert, mort
en 2000), est un théologien d’une belle envergure. Il a joué un rôle important
dans le protestantisme français qu’il a marqué en profondeur. Il est un pionnier
du christianisme social et de l’œcuménisme.

Il naît à Paris le 24 novembre 1867. Son père Théodore, pasteur, a fait ses études
aux États-Unis. Il s’inscrit dans la mouvance méthodiste dont Wilfred gardera
toute sa vie un certain style de piété. Le grand-père de sa femme Dorina est le
pasteur Adolphe Monod, le célèbre témoin du Réveil et auteur de Les adieux.
Après des études de philosophie à la Sorbonne, il fait de 1888 à 1891 des études
de théologie à Montauban. Il épouse en 1891 (bénédiction nuptiale à l’Oratoire du
Louvre à Paris) Dorina Monod. Sur leurs quatre grands-pères, trois étaient frères
et le père de Wilfred a épousé sa cousine. En 1892, il est consacré pasteur. La
cérémonie a eu lieu au temple de l’Oratoire, où il sera bientôt pasteur. Son père le
fut, tout comme Adolphe Monod.

Condition ouvrière
De 1892 à 1898, Monod est pasteur à Condé-sur-Noireau, sa première paroisse.
Cette étape va jouer un rôle décisif dans son parcours théologique. Centre de
l’industrie cotonnière, cette ville de sept mille habitants « courbés sous la
machine » connaît la dure condition ouvrière, un prolétariat misérable et, dans ce
Calvados, les ravages de l’alcoolisme. Toute sa jeunesse s’était déroulée jusque-là
dans un milieu très protégé : « Nous vivions en marge de l’effroyable problème de
la misère. » L’expérience de Condé-sur-Noireau sera le berceau de son
christianisme social. Adolescent, il fut déjà fasciné par l’idéal moral et social de
l’Armée du Salut, mais c’est la lecture de la Bible, dont son père lui offrit un
exemplaire pour ses sept ans, qui lui apporta une empreinte indélébile à travers,
plus particulièrement, le message des prophètes et celui des Béatitudes.

De 1898 à 1907, Monod est pasteur à Rouen. C’est alors qu’il écrit et publie sa
thèse de licence : L’espérance chrétienne : Le Roi ; puis, en 1901, sa thèse de
doctorat en théologie soutenue à Paris : L’espérance chrétienne : Le Royaume. On
peut retenir de ses deux titres le thème très englobant du Royaume de Dieu, qui
est la référence privilégiée des témoins du christianisme social.

On en retiendra une théologie de l’espérance profondément novatrice et cela bien
avant la fameuse Théologie de l’espérance (1964) de Jürgen Moltmann. La
thématique de l’espérance arrimée à celle du Royaume de Dieu est centrale dans
l’œuvre et la pensée de Monod. Le Royaume de Dieu est compris comme une
réalité à la fois spirituelle et sociale. Il correspond à une transfiguration de la
terre et non pas à une attente passive du retour du Christ. Rencontre du Ciel et
de la terre, le Royaume de Dieu désigne non pas un ailleurs, mais plutôt un plus
tard dont nous devons préparer la réalisation.
Inscrit au Parti socialiste
De 1907 à 1938, Wilfred Monod est pasteur de la paroisse de l’Oratoire à Paris.
En 1907, il est nommé, et cela jusqu’en 1922, président du Comité général de
l’Union nationale des Églises réformées de France. Il a lutté pour l’union des
diverses Églises réformées et travaillé à la création de la Fédération protestante
de France. De 1907 à 1909, il donne un « cours libre » sur le christianisme social
à la faculté de théologie protestante de Paris où il est nommé en 1909 professeur
de théologie pratique. En 1915, il s’inscrit au Parti socialiste qui représentait
alors le seul parti de gauche vraiment révolutionnaire, le parti communiste
n’étant fondé qu’en 1920.

Deux entreprises remarquables ont survécu depuis cent ans à l’œuvre de Wilfred
Monod. La création en 1911, dans le cadre de l’Oratoire, du centre social La
Clairière (qui a depuis rejoint le CASP), aujourd’hui encore très florissant, en
plein quartier, alors déshérité, des Halles. Et en 1923, à l’initiative de son fils
Théodore, il fonde le « Tiers-Ordre » des Veilleurs, fraternité toujours vivante. On
trouve là les expressions d’un christianisme à la fois spirituel et social propres à
cette volonté de Monod de vivre un « Évangile intégral », comme il le souligna
fréquemment.

Deux autres dates, décisives dans la vie de Monod, sont représentées par sa
participation active aux conférences œcuméniques de Stockholm en 1925 et de
Lausanne en 1927. Les combats pour un chritianisme social et pour
l’œcuménisme sont pour Monod une seule et même lutte permettant par des
actions concrètes de dépasser le « je » d’un certain individualisme protestant et
les oppositions cultuelles et dogmatiques des confessions chrétiennes.

Wilfred Monod meurt le 2 mai 1943. Il a refusé quatre fois la Légion d’honneur.
Dans ses registres où il inscrivait ses activités heure après heure, les services
funèbres sont désignés par l’intitulé « Affirmation de la vie ».

À lire
Wilfred Monod, pour un Évangile intégral
Laurent Gagnebin
éditions Olivétan, 2018,
120 p., 15 €.

  Christianisme spirituel et christianisme
  social
  « Le 8 juin 1893, pendant que je priais, le Christ me fut révélé spirituellement,
  dans la plénitude salvatrice de sa personnalité. Cette expérience, morale et
  religieuse, n’offrit pas le moindre caractère du phénomène audible ou optique ;
  la conviction intime ne fut pas, un seul instant, concrétisée en manifestation
  extérieure, en apparition. Mais je compris avec intensité que les cadres de la
  Religion étaient trop resserrés pour contenir le Héros des évangiles : le Fils de
  l’homme appartenait simultanément à tous les domaines de l’humanité qui prie,
  et pense, et agit. Il tenait la clé de tous les problèmes concrets qui se posent,
  politiques et sociaux, moraux et philosophiques… » (Après la journée, Grasset,
  1938).

  On trouve dans ces quelques lignes relatant un événement vécu à Condé-sur-
  Noireau le christocentrisme de Wilfred Monod, un dépassement du religieux,
  parce que le Christ, selon lui, n’appartient pas aux Églises, mais à la société
  tout entière et à l’humanité, il n’appartient pas à la religion, mais à la vie.
  Refusant toute monopolisation du Christ par les Églises, Monod ira jusqu’à
  parler à ce sujet d’un « crime d’accaparement ».

  Ces lignes associent de manière infrangible un christianisme spirituel et un
  christianisme social.
Publié le 30 août 2017(Mise à jour le 27/05)
Par Claire Bernole

Journée    nationale  de   la
Résistance, des femmes et des
hommes protestants
Alors que l’Assemblée du Désert célèbre les 500 ans du geste de Luther, Réforme
publie les parcours emblématiques de quelques-uns de ces successeurs, extraits
de l’ouvrage collectif publié par la FPF.

La Journée nationale de la Résistance est l’occasion de rend hommage à ces
femmes et ces hommes qui ont donné leur vie pour notre pays.

La date anniversaire rappelle la création du Conseil National de la Résistance,
l’instance mi sen place par la France Libre autour de Jean Moulin.

Parmi ces héros courageux et discrets de nombreux protestants et protestantes
que notre journal avait rencontrés il y a quelques années. Certains depuis sont
morts depuis. Ils font la fierté de notre pays et du protestantisme.
Édith du tertre(1912-2005) et
Hélène Engel (1902-1984)
 Fondatrices de l’ACAT

DR

Deux femmes protestantes sont à l’origine de la création de l’Action des chrétiens
pour l’abolition de la torture (ACAT), le 16 juin 1974. Lors d’une conférence le
pasteur Tullio Vinay, qui revient du Vietnam, décrit les tortures pratiquées y
compris sur des enfants. « Pendant combien de temps laisserons-nous défigurer le
visage du Christ ? », demande-t-il. Bouleversées par cet appel, Hélène Engel, 72
ans, et son amie Édith du Tertre, 62 ans, toutes les deux filles de pasteurs,
décident de s’engager dans la lutte contre la torture. Elles y consacreront le reste
de leur vie.

Membres de l’Église réformée, elles choisissent de mobiliser particulièrement les
chrétiens, parce qu’elles considèrent que le message de l’Évangile est
incompatible avec la torture. « Il faut, disent-elles, que les chrétiens réagissent à
la torture en quelque lieu que ce soit, et qu’ils réagissent tous ensemble. » Elles
réunissent autour d’elles des amis protestants, catholiques et bientôt des
orthodoxes. La vocation œcuménique, jamais démentie, de l’ACAT est née.

David Boydell
Menno Simons (1496-1561)
Fondateur de l’Église mennonite

DR

Simons naît près de Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas, et il est ordonné
prêtre à Utrecht en 1528. Il a des doutes au sujet de la transsubstantiation et en
lisant la Bible il rejette aussi le baptême des enfants. Il est connu comme un
« prédicateur évangélique » à l’intérieur de l’Église catholique, car ses
prédications sont fondées sur l’Écriture, et il commence aussi à écrire. Il connaît
le mouvement anabaptiste dont il condamne les excès mais, en 1536, après
beaucoup d’hésitations, il accepte l’invitation d’un groupe d’anabaptistes à
devenir leur ancien, renonçant à son poste dans l’Église catholique « pour
accepter la pauvreté sous la croix du Christ ».

Pendant dix-huit ans, il n’a pas de demeure fixe et il poursuit un ministère
itinérant dans le nord des Pays-Bas et en Allemagne, de Emden à Dantzig,
prêchant et baptisant des personnes en secret. Plusieurs personnes sont mises à
mort pour avoir été baptisées par lui ou pour l’avoir hébergé. Le seul endroit fixe
où il peut s’installer est Wüstenfelde, dans la province de Holstein, où il a pu
passer les dernières années de sa vie.

Dans son enseignement, il met l’accent sur la conversion et la vie du disciple
(Nachfolge), sur la discipline dans l’Église (qui doit imiter la pureté du Christ), et
sur le pacifisme qu’il considère comme conforme au Nouveau Testament.
D. B.

Madeleine Barot (1909-1995)
Secrétaire générale de la Cimade en 1940

DR

Alors qu’elle se destinait à une carrière d’historienne et d’archiviste débutée en
1934, Madeleine Barot est saisie par l’une des conséquences de la guerre : l’afflux
des réfugiés, juifs le plus souvent, fuyant la zone occupée et internés par le
gouvernement de Vichy. Elle y avait été préparée par son engagement
international à la Fédé [Fédération française des associations chrétiennes
d’étudiants, ndlr]. En août 1940, elle est nommée secrétaire générale de la
Cimade. Elle visite les camps de réfugiés et installe ses premiers équipiers dans
celui de Gurs. Elle entre dans la résistance spirituelle et participe à la rédaction
des thèses de Pomeyrol (sauvetage des juifs).

À la Libération, Madeleine Barot continue son action au camp de Drancy et
devient en 1947 secrétaire des Unions chrétiennes de jeunes filles (UCJF) pour les
questions internationales à Genève. Sa carrière genevoise se poursuit au Conseil
œcuménique des Églises comme directrice de départements (hommes et femmes
puis éducation au développement). Pendant sa retraite en France, elle œuvre à la
Fédération protestante de France (affaires sociales, économiques,
internationales) et à l’ACAT (lutte contre la torture).

Jean-François Zorn

William booth (1829-1912)
Fondateur de l’Armée du Salut

DR

William Booth naît dans une famille pauvre de Nottingham en Angleterre et
devient pasteur méthodiste. Mais il quitte souvent sa paroisse pour prêcher en
plein air aux foules qui ne fréquentent pas les églises. En 1865, il fonde une
mission chrétienne dans une banlieue populaire de Londres, mission qui devient
en 1878 l’Armée du Salut.

Booth prêche tous les jours, il rentre chez lui exténué et parfois même blessé par
des pierres lancées par des passants. Le but du mouvement est d’abord de
prêcher l’Évangile du salut, l’amélioration des conditions de vie étant considérée
comme une conséquence de la conversion au Christ. Ne voulant pas que le diable
ait le monopole de la « meilleure musique », Booth adapte des chants populaires
en leur donnant des paroles chrétiennes, accompagnés par une fanfare. Beaucoup
désapprouvent son organisation militaire et n’acceptent pas le rôle que Booth
accorde aux femmes, mais Booth connaît une opposition bien plus dangereuse de
la part de ceux dont les intérêts sont menacés par l’abstinence des boissons
alcoolisées que Booth exige des convertis. Dans la seule année 1882, plus de 600
officiers sont molestés et 60 bâtiments endommagés.
Aujourd’hui encore, l’Armée du Salut maintient que le spirituel et le social doivent
aller de pair, comme le montre une de ses devises : « Soupe, savon et salut ».

D.B.

Ferdinand buisson (1841-1932)
Ministre de l’Instruction publique

DR

Né le 20 décembre 1841 à Paris dans une famille protestante, Ferdinand Buisson
manifeste très tôt des opinions politiques, philosophiques et théologiques non
conformistes. Licencié ès lettres et agrégé de philosophie, il refuse de prêter
serment à l’Empire et s’exile en Suisse de 1866 à 1870. Il devient professeur à
l’Académie de Neuchâtel et écrit une thèse – soutenue en Sorbonne en 1891 – sur
Sébastien Castellion, adversaire de Calvin et précurseur du libéralisme. Il s’inscrit
lui-même dans cette veine théologique, rompant avec ses ascendances orthodoxes
et prenant part aux controverses qui agitent le monde protestant français et
suisse de l’époque.

Revenu à Paris au début de la IIIe République, il prend la tête d’un orphelinat
laïque et Jules Simon, ministre de l’Instruction publique, le nomme à la direction
de l’Inspection primaire de la Seine. Buisson se consacre ensuite à des travaux
remarqués sur la laïcité et l’édition scolaire. Éminence grise de Jules Ferry, en
1879 il est nommé directeur de l’Enseignement primaire. Élu député au début du
XXe siècle, il préside les Ligues françaises de l’enseignement et des droits de
l’homme. Pacifiste, partisan de la Société des Nations, le prix Nobel de la paix lui
est attribué en 1927 conjointement à l’Allemand Ludwig Quidde. Le nom de
Buisson, défenseur d’une « foi laïque » est, avec celui d’Aristide Briand, attaché à
la commission parlementaire auteure de la loi de séparation des Églises et de
l’État adoptée en 1905.

J.-F. Z.

Maurice Leenhardt (1878-1954)
Missionnaire et ethnologue

DR

Missionnaire en Nouvelle-Calédonie et ethnologue, Maurice Leenhardt peut être
considéré comme l’homme qui a libéré le peuple kanak de l’oppression qu’il
subissait depuis la conquête de l’archipel par la France en 1853. À la faculté de
théologie protestante de Montauban, il soutient en 1902 une thèse remarquée, Le
mouvement éthiopien au Sud de l’Afrique de 1896 à 1899, qui montre la
sensibilité du jeune théologien, membre du christianisme social, à la réalité d’une
conscience noire. Consacré missionnaire le 1er octobre 1902 à Montpellier, il
embarque avec sa femme pour la Nouvelle-Calédonie où il fonde son action sur
l’évangélisation entreprise par les pasteurs autochtones des îles Loyauté.

Face à une administration qui cantonne les Kanaks dans des réserves et favorise
la colonisation, Maurice Leenhardt prend le parti du relèvement de ce peuple en
le mettant en contact direct avec l’Évangile. Il apprend à connaître sa mentalité
pénétrée par le mythe, un véritable mode de connaissance. Revenu en France,
professeur à l’École des missions, il entre dans le monde de la recherche.

En 1938, il fonde à Nouméa la Société d’études mélanésiennes et en 1940
organise à Paris le département d’Océanie au musée de l’Homme. Il occupe en
1942 la chaire d’histoire des religions à l’École pratique des hautes études à Paris
et lance à Nouméa en 1947, l’Institut français d’Océanie. Il écrit ses premiers
ouvrages d’ethnologie vers 1930, le plus célèbre est Do Kamo, la personne et le
mythe dans le monde mélanésien (1947).

J.-F. Z.

Caroline Malvesin (1806-1889)
Fondatrice de la communauté des
diaconesses de Reuilly

DR

Dernière-née d’une famille nombreuse protestante, Caroline Malvesin à l’âge de
treize ans perd sa mère, une chrétienne fervente. Son père, négociant en denrées
coloniales, s’installe en Saintonge, sa région d’origine, mais meurt cinq ans plus
tard. Alors qu’elle était jeune, Caroline avait déjà pensé à se consacrer à Dieu.
Elle imaginait « une maison à beaucoup d’étages pour y accueillir des enfants, des
pauvres, des malades ». Institutrice à Bordeaux, elle fait la connaissance du
pasteur Antoine Vermeil, rencontre déterminante pour elle.

Saisie comme à nouveau par le Christ, Caroline, à trente-cinq ans, aspire à une
vie qui ait sens. Antoine Vermeil, nommé pasteur à Paris, a le vif désir de
restaurer en protestantisme un ordre religieux de femmes. Il fait appel à elle pour
mener à bien cette aventure qui correspond bien à ses attentes. Bien des vents
contraires s’élèvent contre cette entreprise jugée trop « catholique ». Mais sœur
Caroline traverse ces épreuves avec persévérance, portée par une joie qui ne se
dément pas.

Humble et engagée, ancrée dans la Parole de Dieu, Caroline propose des vues
novatrices pour les Églises. Les premières sœurs sont réformées ou luthériennes
et bientôt évangéliques. La vie communautaire constitue un signe fort d’une
quête d’unité. « Veillez et priez » est le mot d’ordre que la fondatrice confie à la
communauté naissante en 1841. La communauté fête aujourd’hui avec gratitude
ses 175 ans d’existence !

Sœur Bénédicte, diaconesse de Reuilly

Marc Boegner (1881-1970)
Pasteur, opposé aux lois antijuives
DR

Marc Boegner commence son ministère pastoral en 1904 dans l’Église réformée
de la Drôme. Après une thèse de doctorat en théologie sur Fallot, il devient en
1911 directeur de l’École de la Société des Missions évangéliques de Paris,
société dont il préside le comité de 1938 à 1968. Suivent les présidences de la
Fédération protestante de France de 1929 à 1961, du Conseil national de l’Église
réformée de France réunie de 1938 à 1960, du Conseil œcuménique des Églises
en formation de 1938 à 1948, puis sa coprésidence de 1948 à 1954, de la Cimade
de 1945 à 1968.

Replié en zone non occupée pendant toute la Deuxième Guerre mondiale, il reste
en contact avec le gouvernement Pétain, mais proteste rapidement contre les lois
antijuives et entre en résistance spirituelle. Figure imposante du protestantisme
français du XXe siècle, demeuré pasteur de Passy de 1918 à 1934, personnage
médiatique, membre de l’Académie française, invité personnel au concile Vatican
II en 1964, Marc Boegner est l’un des acteurs principaux de la réconciliation des
protestants français avec le dialogue œcuménique.

J- F. Z.

Clément Le Cossec (1921-2001)
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