Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz

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Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
Monitor
     Journal des sociétés Siemens en Suisse

     Edition anniversaire octobre 2019        siemens.ch/histoire

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Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
Edition anniversaire

                                                                       Centrale de Wynau

Depuis la construction de la centrale au fil de l’eau
de Wynau en 1894, Siemens est chez elle en Suisse,
où elle a réalisé d’innombrables projets. Dans ce
numéro anniversaire du magazine «Monitor» de
Siemens, nous avons rassemblé quelques-uns des
faits marquants et des jalons de cette histoire.

Avec le temps, beaucoup de nos clients sont deve-                      École polytechnique fédérale de Lausanne
nus des icônes suisses connues. Nous avons rendu
visite à certains d’entre eux avec notre équipe de
tournage. Il en a résulté des vidéos marquantes qui
peuvent être visionnées sur notre site web anni-
versaire www.siemens.ch/histoire.

    Tunnel de base du Saint-Gothard                                    Brasserie Feldschlösschen                          Chemins de fer rhétiques

                                                                       Avionneur suisse Pilatus

                                                                       Siemens-Campus de Zoug

                  «Monitor» est le journal d’entreprise des sociétés Siemens en Suisse.

                  Adresse de la rédaction:                         Rédaction pour l'édition anniversaire:   Traduction:
                  Siemens Suisse SA                                Benno Estermann, direction               act-Academy GmbH, Kloten
                  Communications                                   Eray Müller
                  Freilagerstrasse 40, 8047 Zurich                 Marc Maurer                              Graphisme et composition:
                  Tel. +41 585 584 059                             Nadine Paterlini                         Fernando Roso
                  E-Mail: filippa heierli@siemens.com              Fabienne Schumacher
                  www.siemens.ch/monitor                           Benjamin Schenk                          Impression:
                                                                   Deniz Gören                              Rüesch AG, Rheineck
                  Changements d’adresse s.v.p. par e-mail:         Astrid Tönnies
                  filippa heierli@siemens.com                      Jasmin Röthlisberger

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Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
125 ans de
     Siemens en Suisse
     Le 23 janvier 1896, par un jeudi froid, à six heures du soir, la petite ville de Langenthal a été
     illuminée pour la première fois électriquement. Le courant pour l’éclairage de la Marktgasse et
     de l’Amtshausgasse provenait de la centrale de Wynau, située à cinq kilomètres de là.
     La construction de la première centrale fluviale suisse a marqué une étape importante et l’entrée
     dans une nouvelle époque pour toute la région. La centrale de l’Aar a été réalisée en seulement
     14 mois sous la direction de Siemens & Halske. Le démarrage des travaux en 1894 a aussi marqué
     le début de notre histoire en Suisse.
     Bien sûr, Siemens était déjà actif auparavant dans le pays: l’administration militaire de Thoune
     a utilisé dès 1865 nos télégraphes à index et le tunnel du Saint-Gothard, inauguré en 1882,
     a été sécurisé par les signaux à cloches de Siemens & Halske. Mais il a fallu attendre le projet
     de Wynau pour que Siemens commence à employer son propre personnel en Suisse.
     Au cours des 125 dernières années, notre entreprise, en collaboration avec des partenaires dans
     tout le pays, a réalisé des milliers de petits et grands projets, contribuant ainsi largement
     au succès de la Suisse en tant que site économique. La coopération avec nos clients et notre
     savoir-faire constituent également la base d’un avenir prometteur. Dans un monde qui tourne de
     plus en plus vite et produit constamment de nouvelles technologies, il faut des partenaires
     fiables – des entreprises comme Siemens, qui veulent poursuivre l’histoire à succès de la Suisse
     pour les 125 années à venir.
     Ce numéro anniversaire de notre magazine «Monitor», destiné aux collaborateurs et aux clients,
     ne prétend pas donner un aperçu complet de l’histoire de Siemens en Suisse. En effet, les inno-
     vations lancées dans les domaines des technologies du bâtiment et des transports pourraient
     à elles seules remplir des centaines de pages. Et nos experts en industrie, énergie, médecine et
     autrefois en communication ont également posé d’innombrables jalons, petits et grands.
     Nous présentons plutôt quelques faits marquants, importants d’un point de vue suisse, parfois
     sous des angles inhabituels.
     Certains de ces projets et beaucoup de nos clients sont devenus des icônes suisses bien connues.
     Ils symbolisent depuis de nombreuses années le succès de notre pays et sont synonymes d’inven-
     tivité et de force d’innovation. Ils continueront à façonner la Suisse à l’avenir.

     Nous vous souhaitons une agréable lecture!

     Alexandre Martin
     Directeur Siemens Suisse romande

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Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
1847–1859

Conversion d’une boîte à cigares
Le 12 octobre 1847, la production en série d’un petit appareil pesant
une dizaine de kilos a commencé dans l’arrière-cour d’un bâtiment,
à Berlin. Il s’agissait du télégraphe à index, le précurseur du télé­
scripteur et du fax. Bien que l’idée originale soit venue du physicien
britannique Charles Wheatstone, c’est Werner Siemens qui, avec son
développement ultérieur au milieu des années 1840, a ouvert une
nouvelle ère dans la télégraphie électrique. Pour son prototype,
ce pionnier, né près de Hanovre, utilisait une boîte à cigares, du fer
blanc, quelques morceaux de fer et du fil de cuivre isolé. Le soir du
Nouvel An 1846, Werner Siemens rencontra Johann Georg Halske;
c’était le parte­naire idéal, un mécanicien de précision à l’ambition
pro­noncée pour les développements techniques. Cette coopération
d’abord informelle a conduit à la fondation officielle de la
«Telegraphen-Bauanstalt von Siemens & Halske» le 1er octobre 1847.
Le capital de départ nécessaire de 6842 thalers pour l’usine de
production d’environ 150 mètres carrés à Berlin, y compris les outils,
avait été apporté par le cousin de Werner, le conseiller juridique
Johann Georg Siemens. Dès lors, dix employés se mirent à produire
les premiers télégraphes à index.

Contacts clients en Suisse
La première ligne télégraphique en Suisse a été mise en service le         Siemens n’a pas participé à ces projets suisses bien que la famille ait
15 juillet 1852 entre Saint-Gall et Zurich. Cinq mois plus tard, lors de   bien été consciente des opportunités commerciales existantes.
l’inauguration officielle du réseau de lignes suisse, celui-ci comptait    Le 26 décembre 1851, Werner écrit dans une lettre à son frère Carl,
près de 2000 kilomètres et comprenait 27 bureaux de télégraphe             alors à Paris: «Si tu n’as rien à faire là-bas et que tu souhaites venir ici,
dans toutes les grandes villes.                                            fais le détour par la Suisse (Berne). Les gens veulent réaliser de
                                                                           grandes installations téléphoniques et tu devrais entrer en contact
Au départ, la Suisse ne semblait pas avoir de grandes ambitions lors       personnellement avec les dirigeants». On ne sait malheureusement
de la mise en place du réseau télégraphique. Bien que la nouvelle          pas comment se sont développées ces premières tentatives de
technologie soit bien connue, elle ne faisait pas l’objet de beaucoup      contact avec des clients suisses. Si Siemens n’a reçu aucune commande
d’attention, contrairement à ce qui se passait dans de nombreux            digne d’être mentionnée, c’est probablement aussi dû au fait que Carl
pays européens. La situation a brusquement changé lorsque Siemens          était occupé à l’époque par le développement difficile des affaires
a achevé en un temps record la première ligne télégraphique entre          en France. Et le fondateur de l’entreprise, Werner, consacrait alors toute
Berlin et Francfort et qu’elle a été ouverte au trafic privé le 31 août    son énergie à la mise en place des activités commerciales en Russie.
1849. Le Biennois Ernst Schüler, qui habitait en Allemagne, a signalé      De plus, l’entreprise ne disposait pas de beaucoup de ressources:
ce projet par une lettre envoyée au gouvernement bernois et ce             quatre ans après sa création, Siemens & Halske n’employait que
dernier s’est alors adressé au Conseil fédéral. Dans le même temps,        50 personnes.
de nombreuses entreprises suisses ont encouragé l’introduction
rapide de lignes télégraphiques entre les plus grandes villes.

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Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
Le bon choix
     À 36 ans, assez tard pour son époque, Werner Siemens          Comme Werner était souvent en déplacement, tous les
     décide de se marier. «Le 11 janvier 1852, j’ai formulé à      deux ont élaboré à plusieurs reprises des plans de
     Mathilde Drumann ma demande, si longtemps retenue,            vacances. Inspirée par un carnet de voyage, son épouse
     et son acquiescement a fait de moi un époux heureux»,         s’enthousiasme pour la Suisse et écrit le 27 février 1855:
     écrit-il dans ses mémoires. Werner célèbre son mariage        «Oh, quoi de plus beau que de songer à un petit rêve
     avec la jeune femme, de huit ans sa cadette, le 1er octobre   heureux à tes côtés dans cette nature magnifique.
     1852 à Königsberg. Mathilde était la fille d’un cousin        Voulons-nous le faire comme les Wittich, partir avec armes
     de Werner. Les mariages entre parents n’étaient pas           et bagages passer des vacances célestes à Interlaken,
     inhabituels à l’épo­que et, pour Werner, cela a été le bon    au bord du lac Léman ou à Berne?» Malheureusement,
     choix, comme il l’écrit à son frère Wilhelm: «Mon épouse      la constitution physique de Mathilde était très instable
     n’est pas d’une beauté particulière, mais c’est une           et les longs voyages ne lui étaient guère possibles.
     question secondaire. Je suis convaincu que je vivrai          Werner, par contre, passait de temps en temps en Suisse
     satisfait et heureux avec elle et c’est suffisant.»           lors de ses nombreux voyages d’affaires. Son premier
     Ils s’étaient déjà rencontrés sept ans plus tôt, lorsque      séjour vérifiable en Suisse date de septembre 1855,
     Mathilde avait passé quelques jours avec la famille           lorsque le fondateur de l’entreprise, alors âgé de 39 ans,
     Siemens à Berlin, pendant les vacances d’été. Mais il n’y     y fait un voyage de huit jours, notamment à Genève.
     avait pas eu d’histoire d’amour à l’époque. En 1851           Il écrit alors à sa femme: «Je suis moi-même physique-
     seulement, Werner a commencé à penser à fonder sa             ment et mentalement assez frais et sain, […] mais je
     propre famille et a renoué contact avec Mathilde.             commence déjà à avoir envie de sortir du tumulte et de
                                                                   me reposer dans la belle nature suisse...»

                                                                    Au cours de sa vie, Werner von Siemens a écrit
                                                                    plusieurs milliers de lettres. La plupart d’entre
                                                                    elles étaient de nature commerciale, mais le
                                                                    fondateur de l’entreprise a également couché
                                                                    sur le papier ses considérations et ses pensées
                                                                    personnelles. De nombreuses lettres ont été
                                                                    adressées à sa famille et à sa première épouse,
                                                                    Mathilde, qu’il a épousée en 1852.

     L’éducation comme base                                                             Centre du pouvoir dans la capitale
     L’Ecole spéciale de Lausanne reçoit                                                Le Palais fédéral de Berne est non seu-
     ses premiers élèves en 1853.                                                       lement le monument le plus célèbre
     Cet établissement privé est le précur-                                             de la capitale suisse, mais c’est aussi
     seur de la future Ecole polytech-                                                  un symbole de la démocratie suisse.
     nique fédérale de Lausanne (EPFL).                                                 L’aile ouest est inaugurée en 1857:
     Deux ans plus tard, Zurich emboîte                                                 c’est la première tranche du complexe
     le pas avec la création du Polytech-                                               immobilier actuel de 300 mètres de
     nikum en 1855. Au fil des ans,                                                     long. Bientôt trop petite, elle est com-
     l’établissement devient l’Ecole                                                    plétée par l’aile est, achevée en 1892;
     polytechnique fédérale de Zurich                                                   de 1894 à 1902, le nouveau bâtiment
     (ETHZ).                                                                            du Parlement est érigé entre ces deux
                                                                                        constructions.

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1860–1869

Siemens et la physique
En 1860, Werner Siemens publie dans les «Annalen der Physik und Chemie» de Poggendorff,
une publication spécialisée de tout premier rang, un article intitulé «Vorschlag eines repro-
ducirbaren Widerstandsmaaßes» («Proposition d’une mesure de résistance reproductible»).
Sur la base de ce traité théorique, le «siemens» (S) est créé; c’est l’unité de mesure de la
conductance électrique dans le Système international (SI). Le «siemens» est l’inverse de l’ohm,
l’unité de résistance électrique.

Nouvelle technologie pour l’armée suisse
                                                                                                        Les télégraphes à index ont été utilisés il y a
                                                                                                        plus de 150 ans, entre autres pour des exer-
                                                                                                        cices d’artillerie sur le site militaire de Thoune,
                                                                                                        comme le montre un ancien croquis à la
                                                                                                        main, figurant dans l’exposition. Les artilleurs
                                                                                                        étaient informés par des soldats stationnés
                                                                                                        dans la zone cible au moyen d’un télégraphe
                                                                                                        à index; ils savaient ainsi si leur projectile
                                                                                                        avait atteint le bon endroit ou si l’orientation
                                                                                                        du canon devait être modifiée. En 1865,
                                                                                                        Napoléon III s’est rendu dans la petite ville de
                                                                                                        Thoune et a visité notamment la nouvelle
                                                                                                        caserne. On peut supposer que les moyens de
                                                                                                        communication nouvellement acquis lui ont
                                                                                                        également été présentés.

                                                                                                        Bien que les systèmes télégraphiques à index
                                                                                                        aient été déjà connus avant 1840, ils ont été
                                                                                                        utilisés en Suisse beaucoup plus tard et unique-
                                                                                                        ment pour des liaisons privées et militaires
                                                                                                        individuelles. La première autorisation suisse
                                                                                                        pour l’exploitation d’un télégraphe à index
                                                                                                        a été accordée à la société J.J. Rieter à Töss le
                                                                                                        21 décembre 1863; deux ans plus tard, la police
                                                                                                        municipale de Zurich a acheté quelques
En 1864, l’armée suisse s’installe dans sa nou-    Ammotec, à Thoune. Les télégraphes à index           appareils. Il n’est pas possible, «sur la base des
velle caserne à Thoune Allmend. La construc-       ont été utilisés vers 1865 et sont probable-         fichiers existants», de savoir quel fabricant
tion était devenue urgente car les soldats         ment les tout premiers produits que Siemens          a été retenu, comme le dit la publication anni-
de l’Ecole militaire centrale fédérale, fondée     & Halske a livrés en Suisse. «L’un des appareils     versaire «Cent ans de communications élec-
en 1818, étaient répartis sur plusieurs sites      est en parfait état», indique Fritz Egger, respon-   triques», éditée en 1952. Dans cette même
à Thoune. Avec le nouveau bâtiment, l’armée        sable de l’exposition. L’autre «télégraphe à         publication, il est indiqué qu’au Musée Suisse
a également investi dans de nouveaux moyens        lettres», comme Egger l’appelle, semble plutôt       des Transports, qui se trouvait encore à Zurich
de communication. Quelques télégraphes à           usé et se trouve dans les salles des archives.       à l’époque, il y avait trois systèmes à index
index ont été achetés chez Siemens & Halske.       «Et celles-ci sont bien protégées car nous avons     Siemens & Halske «qui avaient été presque
Aujourd’hui, parmi des vieux fusils et munitions   installé un système d’alarme Siemens pour            certainement en service dans l’administration
des XVIIIe et XIXe siècles, deux de ces appa-      l’ensemble du bâtiment il y a une dizaine            militaire à Thoune».
reils se trouvent dans l’exposition de la Ruag     d’années.»

6
Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
«Les effets doivent devenir colossaux»
                     A 50 ans, Werner Siemens parvient à ce qui est probable-            Sa première «machine dynamoélectrique», comme il l’appe-
                     ment sa réalisation la plus importante en génie électrique.         lait, produisait une puissance d’environ 25 watts. La machine
                     Sur la base des travaux de Michael Faraday, il découvre             a été construite par son contremaître Carl Müller. Lorsque,
                     en 1866 le principe dynamoélectrique, un jalon sur la voie          à la demande de Werner Siemens, il met en marche l’appareil
                     de l’ingénierie énergétique moderne. «J’ai eu une nouvelle          avec sa manivelle, le courant généré devient rapidement
                     idée qui va très probablement réussir et produire des résul-        si fort que le galvanomètre connecté pour la mesure grille.
                     tats significatifs», fait-il alors savoir à son frère Wilhelm,      Carl Müller a écrit plus tard: «Tout le monde a perçu aussitôt
                     qui séjournait à Londres. Cette idée pose les bases d’une           l’ampleur du pas franchi, sans savoir à quels objectifs il
                     production et d’une distribution économiques de grandes             allait aboutir.»
                     quantités d’énergie électrique. Contrairement à d’autres
                     chercheurs qui travaillaient en parallèle sur ce sujet,             Convaincu de son idée, Werner Siemens s’assure des brevets
                     Siemens discerne l’importance économique de son invention.          nécessaires et, le 17 janvier 1867, il indique dans un rapport
                     Dans sa lettre à Wilhelm, il déclare: «Les effets doivent           à l’Académie des sciences de Berlin que, grâce à son inven-
                     devenir colossaux si la conception est correctement menée.          tion, il est possible «de produire des courants électriques
                     Cela (...) pourrait initier une nouvelle ère de l’électroma-        d’une puissance illimitée de façon économique et pratique».
                     gnétisme». On peut voir à quel point il avait raison lorsque        Cette petite machine à l’apparence modeste est aujourd’hui
                     l’on considère les générateurs qui sont construits aujourd’hui      l’une des pièces maîtresses du Deutsches Museum de Munich.
                     et qui fonctionnent des millions de fois mieux que la petite        L’invention de la dynamo a révolutionné la production
                     installation d’essai de l’époque.                                   d’électricité et constitue l’un des jalons les plus importants
                                                                                         sur la voie d’une société électrifiée.

Une sœur tenace
Quatre ans après la mort de sa première femme,
Werner épouse le 13 juillet 1869 Antonie
Siemens qui avait alors 28 ans. Cette union a
été notamment favorisée par Mathilde, la sœur
de Werner qui, avec ses tentatives pour trouver
une nouvelle compagne au veuf, «me porte
sur les nerfs», comme l’écrit Werner à son frère
William. «Malgré la demande ferme que je lui
ai faite de me laisser tranquille, elle me torture
encore avec ses projets de mariage.» La sœur
veut voir son frère de nouveau heureux.
Lui voudrait surtout être un bon père pour ses
enfants et résiste pendant des années aux
projets de mariage. Mais avec Antonie, tout est
différent et Werner, 53 ans, tombe follement
amoureux de la jeune Souabe. En mai 1869,
il lui écrit les lignes suivantes. «Vous avez fait
d’un vieil homme sec, déprimé par le dur
labeur et de nombreuses années d’inquiétude
et de souffrance, un amant fougueux qui
se sent jeune. […] et j’avoue volontiers que j’ai
presque honte des sentiments juvéniles
auxquels je ne peux résister […].» Un an après                    Werner von Siemens, entrepreneur de 60 ans, au sein de sa
le mariage naît sa fille Hertha (1870 – 1939)                     famille la plus proche. Il est assis devant, avec sa deuxième
et deux ans plus tard son fils Carl Friedrich                     femme Antonie et leurs enfants Hertha et Carl Friedrich.
(1872 – 1941). Sous l’influence de sa jeune                       Derrière lui, les enfants de son premier mariage avec Mathilde.
épouse, Werner s’épanouit littéralement,                          De gauche à droite: Arnold, Käthe, Wilhelm et Anna.
comme le prouve une lettre qu’il lui écrit de
Lucerne en octobre 1870. «Ma petite femme
de mon cœur! […] Toi, mon étoile du soir,
qui a transformé le reste de mon existence d’un      haut! La neige était si épaisse sur le chemin        ce voyage à travers la Suisse. Quelques jours
sombre désert en une vie fraîche et vivante!»        que les chevaux ne pouvaient plus avancer.           plus tard, la famille Siemens a également
Dans la même lettre «de Lucerne», il lui promet      Nous avons dû escalader la montagne à pied,          dû renoncer à une excursion prévue au Rigi
d’aller en Suisse avec elle en été, et espère en     enfoncés jusqu’aux genoux dans la neige              parce que la montagne était couverte de
même temps de meilleures conditions météo-           fraîche et profonde.» Wilhelm, 15 ans,               neige. «Nous sommes donc restés près de
rologiques que lors de l’excursion actuelle au       et Arnold, 17 ans, ses deux fils issus de son        Schwytz et avons fait de jolies ascensions
col de la Furka. «[…] Mais c’était terrible là-      premier mariage, étaient présents lors de            dans les environs», écrit Werner.

		                                                                                                                                                    7
Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
1870–1888

Un demi-tour du monde
en 28 minutes

Après seulement deux ans de travaux, la première dépêche est envoyée        sera inévitablement décidé à Berne.» Werner von Siemens a séjourné
sur la ligne télégraphique indo-européenne le 12 avril 1870. Il ne lui a    plusieurs jours au Bernerhof, un grand hôtel prestigieux situé juste
fallu que 1 minute pour parvenir à Téhéran et 28 minutes pour arriver       à côté du Palais fédéral. Dans une lettre à son épouse Antonie, il rend
à Calcutta – une sensation, car un message de Londres à Calcutta            compte des négociations difficiles. «Malheureusement, le français est
demandait auparavant six jours! La réalisation de la ligne télégraphique    la langue de la conférence, et c’est une mauvaise chose pour nous tous!
a été un véritable travail de titan. Sur un terrain parfois impraticable,   Mon royaume pour la langue française (...). J’aurais dix fois plus de
environ 70 000 mâts ont été érigés et des matériaux de construction         valeur ici et je serais presque sûr de la victoire». Malgré toutes les
pesant plusieurs tonnes ont été transportés vers leurs destinations         barrières linguistiques, Werner von Siemens l’emporte à Berne, et la
respectives. Ce grand projet s’est avéré être une véritable aventure:       ligne indo-européenne est restée en service jusqu’en 1931. Ce ne sont
conflits, vols de matériel ou vols à main armée en ont fait partie.         pas les défaillances techniques qui ont finalement mis fin à cette
                                                                            situation, mais l’essor des communications radio sans fil après la
Le 25 septembre 1871, Werner von Siemens se rend à la Conférence            Première Guerre mondiale. Néanmoins, la ligne indo-européenne
télégraphique internationale afin d’empêcher des adaptations de tarif       a été un pas décisif vers le câblage du monde et une étape
défavorables. Peu de temps auparavant, Werner von Siemens avait écrit       importante pour Siemens dans sa montée en puissance pour
dans une lettre adressée à son frère Carl: «Le sort de la ligne indienne    devenir une société présente sur l’ensemble du globe.

Le téléphone arrive en Suisse
A la mi-novembre 1877, un message sensationnel parvient en Suisse:
l’Allemagne a mis en service avec succès son premier système télé-
phonique. Tout à coup, l’intérêt du public suisse s’éveille. La Direction
des télégraphes suisse demande immédiatement des informations
détaillées à l’Office général du télégraphe allemand. La réponse ne se
fait pas attendre. Le Conseil fédéral reçoit une lettre datée du
21 novembre 1877, émanant du Dr Arnold Roth, ministre délégué du
Reich allemand et du royaume de Bavière, contenant un rapport
détaillé sur les incroyables expériences réalisées avec la nouvelle
invention, le «téléphone».

Peu après, les autorités suisses commandent à Siemens & Halske à
Berlin un émetteur et un transmetteur pour 10,25 Reichsmark.
Dès le 13 décembre 1877, les premiers appels téléphoniques sont
testés sur une ligne télégraphique entre Berne et Thoune. Les résultats
sont si prometteurs que d’autres essais entre Thoune et Interlaken
suivent, le 17 décembre. L’intérêt était tel que la Direction des télé-
graphes a pris des mesures de précaution pour placer l’équipement
téléphonique sous le monopole de la Confédération suisse.

8
Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
Un chef-d’œuvre de l’ingénierie
Le tunnel du Saint-Gothard est étroitement lié au premier                            Le tunnel du Saint-Gothard a été mis en service en 1882,
chemin de fer électrique. En 1880, Werner mentionne                                  mais ce n’est que quatre décennies plus tard qu’il sera
dans une lettre à son frère William: «Nous avons reçu de la                          parcouru par des locomotives électriques. Un système
Suisse une demande concernant l’exploitation électrique                              télégraphique à clochette développé par Siemens & Halske
du tunnel du Saint-Gothard». Le projet n’a pas été réalisé,                          pour la transmission des messages d’arrivée et d’autres
mais dans la correspondance entre la société ferroviaire                             messages, qui avait déjà fait ses preuves à la Deutsche
et Siemens & Halske, les considérations techniques et                                Reichsbahn, a également impressionné la direction de la
économiques de l’ingénieur en chef Gustave Bridel, de la                             ligne du Gothard. Fin 1883, un total de 150 systèmes à
ligne du Gothard, sont impressionnantes.                                             clochette avaient été installés sur la ligne de 156 kilomètres
                                                                                     de long. La particularité du système était que les signaux
                                                                                     pouvaient être donnés de n’importe quel point et reçus
                                                                                     immédiatement sur tout le trajet concerné.
                                                                                     Ce signal à clochette a été le tout premier système de
                                                                                     sécurité ferroviaire en Suisse.

                                                                                     Le «système universel à cloches» développé
                                                                                     par Siemens & Halske sécurisait le trafic
                                                                                     ferroviaire sur la ligne du Saint-Gothard,
                                                                                     ouverte en 1882.

                                             Un tramway sous tension
                                             La zone densément peuplée en haut du lac Léman, entre Vevey et Villeneuve, avec ses innombrables
                                             hôtels et ses beaux quais, avait tout sauf un tramway. Mais cela allait bientôt changer. Huit ans
                                             déjà avant l’ouverture de la ligne, il existait des premiers projets de développement. Finalement,
                                             la décision a été prise de construire un tramway à moteur électrique. La ligne de contact était
                                             bipolaire et se composait d’un tube de cuivre suspendu, rainuré en dessous, dans lequel un frotteur
                                             de contact était tiré par le tramway via une ligne avec câble d’alimentation. Les premiers véhicules
                                             à moteur avaient même un toit accessible, avec des bancs. La ligne de contact venait de Siemens
                                             (Berlin), l’ensemble du projet étant une entreprise commune de SIG Neuhausen, Miauton Vevey
                                             et Siemens. La première section du tramway Vevey-Montreux-Chillon (VMC) a été inaugurée le
                                             1er mai 1888. Longue de 8951 mètres, elle menait de Vevey-Plan au passage à niveau de Territet,
                                             via La Tour-de-Peilz, Clarens et Montreux. L’exploitation régulière a commencé le 4 juin. Ce fut le
                                             premier tramway électrique de Suisse.

		                                                                                                                                              9
Monitor Journal des sociétés Siemens en Suisse - Siemens Schweiz
1889–1894

Werner von Siemens
C’est seulement après avoir atteint l’âge de 74 ans que Werner von
Siemens quitte son entreprise en tant qu’associé. Au cours des trois der­
nières années de sa vie, il voyage souvent avec sa femme Antonie,
son fils Carl Friedrich et sa fille cadette Hertha. Durant cette période,
Werner von Siemens se consacre intensément à la rédaction de ses
mémoires. Dans son autobiographie, il expose ses principes et ses mes­
sages à côté de descriptions colorées d’expéditions de câblages ou de
voyages dans le Caucase. Son exposé se termine par une constatation.

                     «Car ma vie a été belle parce qu’elle a été essentiellement
                     un effort couronné de succès et un travail utile, et quand
                     j’exprime ma tristesse parce qu’elle touche à sa fin, je suis
                     frappé par la douleur de devoir me séparer de mes proches
                     et de ne pas être autorisé à continuer à travailler au plein
                     développement de l’ère scientifique.»

Werner von Siemens n’a pas eu à souffrir d’une longue maladie.
Après la livraison des premiers exemplaires de son ouvrage,
le 29 novembre 1892, ses forces diminuent rapidement. Il tombe malade,
une pneumonie se déclare. Le 6 décembre 1892, quelques jours avant
son 76e anniversaire, Werner von Siemens meurt paisiblement dans sa
maison de Charlottenburg, entouré par sa famille.

Que la lumière soit ou
comment tout a commencé
Le 23 janvier 1896, peu après 18 heures, une lumière électrique s’allume
pour la première fois à Langenthal. L’origine de cet événement est à la
fois une longue histoire et le début de Siemens en Suisse.

L’idée d’origine de la construction d’une centrale électrique était venue
de Robert Müller-Landsmann, un commerçant de Lotzwil. En 1891,
il achète un terrain près de Wynau an der Aare et adresse une demande
de centrale électrique au préfet. Toutefois, la planification et le finan-
cement sont au-delà de ses possibilités. C’est ainsi qu’est né l’engage-
ment de Siemens & Halske de Berlin. Elle achète le projet à Müller-­
Landsmann pour 300 000 francs et obtient une concession du canton
de Berne pour l’exploitation de la centrale électrique.

La Suisse s’est très tôt appuyée sur l’énergie électrique dans de nom-
breux domaines – ainsi que sur les systèmes Siemens – que ce soit pour
la production, la distribution et la transmission d’électricité ou pour
la technologie de gestion des réseaux. Les travaux de construction de la
centrale de Wynau débutent en novembre 1894. Comme c’était la
première fois que Siemens ouvrait un bureau de construction en Suisse
et était présente avec ses propres collaborateurs, l’année 1894 marque
le début de Siemens en Suisse. Quatorze mois plus tard, la centrale de
3000 ch dont la construction montait à 2,1 millions de francs, est en
mesure d’injecter pour la première fois de l’électricité dans le réseau.
Bien qu’il n’y ait eu qu’un petit nombre de clients au départ, les cinq
turbines Jonval de 750 ch chacune ont été installées dès le début.
Cette planification prévoyante s’est avérée payante car l’énergie électrique
de la centrale a rapidement été très demandée dans les communes
environnantes. Aujourd’hui encore, l’installation alimente en énergie
pratiquement toutes les communes de Haute-Argovie. La centrale
de Wynau fait désormais partie de «onyx Energie Mittelland SA»,
dans laquelle FMB Energie SA détient une participation majoritaire
depuis 2006.

10
Travail dangereux sous l’eau
     A la différence de la construction de centrales sur canal où l’eau n’est
     fournie qu’une fois la construction terminée, pour la centrale de
     l’Aar à Wynau, il a été nécessaire de travailler dans l’eau et sous l’eau.
     Pour cela, Siemens & Halske a eu besoin d’un plongeur. Comme il
     n’y avait pas de plongeurs professionnels à l’époque, l’entreprise
     a envoyé un de ses employés à Hambourg pour se former comme
     plongeur professionnel. Le choix s’est porté sur l’Italien Erminio
     Armando Felice De Polo – un «bel homme avec une moustache impres-
     sionnante», selon son petit-fils. Né en Italie, il était venu en Suisse
     à la recherche d’un emploi et il suivit donc la formation en plongée
     sous-marine, avec son frère Arturo comme assistant. A cette époque,
     la plongée était une activité extrêmement exigeante et dangereuse.
     L’équipement de plongée avec combinaison en caoutchouc, casque
     en laiton et chaussures en plomb pesait environ 70 kg. Le plongeur
     était relié à l’équipe à terre par un long tuyau d’air en caoutchouc.
     Deux assistants devaient constamment pomper de l’air à travers le
     tuyau pour que le plongeur puisse respirer. Vous ne pouviez com-
     muniquer avec le plongeur qu’en tirant sur une corde qui reliait le
     plongeur à l’équipe.

     Très vite, le bruit a couru que la centrale électrique de Wynau employait
     un plongeur professionnel. C’est ainsi qu’Erminio fut également
     «prêté» aux communes, aux villes, à la police et aux services de
     secours, où il récupéra des biens volés ou des cadavres dans les eaux
     et aida à la construction d’autres centrales électriques.

     Ironie du sort, Arturo, frère d’Erminio et son assistant pour la plongée,
     se noya en se baignant en 1896, tandis qu’Erminio survécut à sa
     combinaison de plongée. Après la Première Guerre mondiale, le caout-
     chouc était devenu cassant, la combinaison était techniquement
     désuète et n’était plus imperméable. La centrale de Wynau utilisait
     désormais des plongeurs professionnels bâlois, mais Erminio a
     continué à travailler à la construction de la centrale jusqu’à sa retraite.

		                                                                           11
1895–1905
1895–1905

Des conducteurs de tramways gelés
En 1895, Siemens & Halske fournit six véhicules à
moteur pour le tramway électrique de Bâle. Une voiture
coûtait à l’époque la fière somme de 13 900 francs.
Les voitures disposaient des deux côtés d’une cabine de
conduite ouverte, de sorte qu’il n’était pas nécessaire
d’installer des boucles de virage à chaque terminus.
L’inconvénient pour le conducteur du tramway était d’être
exposé au vent, aux intempéries et au froid! Dans les
années qui suivirent, de nombreux autres tramways dont
l’équipement électrique provenait également de
Siemens ont été mis en service à Bâle. Heureusement,
les conducteurs du tramway Combino, à Bâle, n’ont plus
à craindre le froid aujourd’hui.

                                                                         Fusion importante
                                                                         Au début du XXe siècle, l’industrie électrique allemande était soumise
                                                                         à une forte pression relative aux coûts et à la concurrence. La construc-
                                                                         tion et l’exploitation de centrales électriques à forte intensité de capital
                                                                         ont entraîné une surcharge financière, ce qui a conduit à un processus
                                                                         de concentration global à partir de 1901. Dès lors, l’industrie élec-
                                                                         trique allemande a été dominée par Siemens & Halske et Elektrizitäts-­
                                                                         Aktiengesellschaft (EAG). La fusion du département courant fort de
                                                                         Siemens & Halske avec EAG a conduit à la création de Siemens-Schuckert­
                                                                         werke sàrl en 1903. Le bureau de l’EAG, situé depuis 1900 dans
                                                                         la Löwenstrasse à Zurich, a été la première succursale de Siemens en
                                                                         Suisse, après avoir été rebap­tisée Siemens-Schuckertwerke GmbH
                                                                         Zweigbüro Zürich.

                                                            La culture des loisirs à Zurich
                                                            Au début du XXe siècle, une culture du spectacle vivant prévalait à
                                                            Zurich. Les scènes de vaudeville comme le théâtre Corso, inauguré en
                                                            1900, deviennent de plus en plus populaires pendant cette période.
                                                            Le Corso, transformé plus tard en cinéma, proposait des programmes
                                                            variés et divertissants et combinait acrobaties, musique, danse,
                                                            spectacle parlé et magie. En 1910, Siemens équipe le théâtre d’un
                                                            système d’éclairage électrique.

12
Postes d’aiguillage de Wallisellen
     Avec la création de la «Schweizerische
     Stell­werksfabrik» le 1er avril 1905,
     Wallisellen devient en quelques années
     le centre des technologies de la sécu-
     rité ferroviaire. A l’époque déjà, les
     composants électromécaniques étaient
     fournis par Siemens. En raison de
     la récession économique, Signum SA
     est fondée en 1919; Siemens devait y
     acquérir une parti­cipation majoritaire
     en 1941. Elle est devenue plus tard
     Integra Signum SA, qui a été intégrée
     à Siemens Suisse SA en 1996.

     De Zoug au monde
     Sous le nom de «Landis & Gyr», une entreprise à l’histoire mouvementée s’établit à Zoug en 1905.
     Neuf ans plus tôt, l’ingénieur d’études Richard Theiler et le marchand d’épices et de quincaillerie
     Adelrich Gyr avaient fondé le «Electrotechnisches Institut Theiler & Co». L’entreprise fabriquait
     des compteurs d’électricité, des inductances téléphoniques et des phonographes depuis 1896.
     La reprise de l’entreprise par Heinrich Landis en 1904 et la nomination de Karl Heinrich Gyr en tant
     qu’associé ont conduit à rebaptiser en «Landis & Gyr» la structure de 55 personnes, en 1905.
     Au cours des décennies, L&G s’est étendue pour devenir une entreprise mondiale; elle a déve-
     loppé par la suite les domaines de la télécommande centralisée, de la télémétrie et de la
     technologie thermique. Au milieu des années 70, l’entreprise employait plus de 15 000 per-
     sonnes, dont plus de 5000 à Zoug.

                              Téléphones pour soldats
                              A partir de 1906, l’armée suisse utilise les téléphones de campagne de
                              Siemens & Halske. D’après le site Internet armyphone.ch, les soldats
                              suisses utilisaient déjà des téléphones de patrouille individuels de
                              Siemens & Halske vers 1888. De plus grandes quantités n’ont pu être
                              livrées qu’après le passage au nouveau siècle. L’usine téléphonique
                              Albisrieden a continué à développer les téléphones de campagne qui
                              ont été à l’origine du téléphone de l’armée 32. A partir de 1932,
                              plus de 11 000 de ces appareils ont été introduits comme modèle
                              standard dans toutes les armes.

		                                                                                                    13
1906–1913

Câble Pupin au fond du lac de Constance
Avec sa bobine, le physicien Michael Pupin a apporté un changement          collègues de la branche anglaise. Pour la liaison de douze kilomètres,
profond dans le trafic téléphonique longue distance. Au tournant            le câble de 110 tonnes a été posé à une profondeur de 250 mètres.
du siècle, Siemens & Halske acquiert une licence européenne pour ce         Malgré la participation d’experts anglais et la transformation d’une
brevet, ce qui augmente considérablement la portée et la qualité de         barge en navire câblier, la première tentative de pose échoue à
transmission du trafic téléphonique. Le câble sous-marin Pupin a été        l’automne 1905. Il faut construire une nouvelle machine de pose et
utilisé pour la première fois lors de la pose de la liaison téléphonique    attendre l’été suivant pour une seconde tentative. En présence de
entre Friedrichshafen et Romanshorn. Jusque-là, Siemens & Halske            nombreux invités et spectateurs, le premier câble téléphonique Pupin
n’avait posé que des câbles terrestres équipés de bobines Pupin, c’est      du monde est finalement posé le 9 août 1906 et restera en service
pourquoi les responsables étaient tributaires de l’expérience de leurs      pendant des décennies.

Protos à la puissance trois
Dans la première moitié du XXe siècle, Siemens utilise le nom «Protos»
dans diverses industries. En 1908, Siemens reprend l’usine de moteurs
«Protos» et construit à Berlin des automobiles Siemens. Au milieu
des années 1920, l’entreprise abandonne la production d’automobiles.
Sous la marque «Protos», Siemens commence à produire, à partir de 1925,
des appareils ménagers et du petit électroménager tel que sèche-­
cheveux, réfrigérateurs et machines à laver. En 2015, Siemens vend sa
participation dans Bosch-Siemens Hausgeräte GmbH, mettant ainsi fin
à son engagement dans ce secteur. Et troisième point: Siemens & Halske
acquiert en 1922 la société «Protos Telephonwerke AG» basée à
Albisrieden pour 800 000 francs suisses. Aujourd’hui encore, l’entreprise
régionale Siemens Suisse a toujours son siège dans ce quartier.

14
L’esprit pionnier
dans les Grisons
Les premières années qui ont suivi le début
du siècle dernier ont été dominées par
l’électrification des chemins de fer, mise
en œuvre sur les lignes de l’Engadine à
partir de 1911. Le Chemin de fer rhétique
a été l’un des premiers promoteurs de
l’électrification du réseau et un rapport
indique que la possibilité d’une exploi­
tation électrique, au moins «sur certaines
parties plus plates du réseau», est en
cours d’étude. Dès 1898, la Banque des
chemins de fer suisses clarifie le finance-
ment d’une ligne Thusis – Engadine –
Chiavenna. La banque demande à
Siemens & Halske à Berlin une expertise
sur l’utilisation possible de l’électricité
pour l’exploitation de cette ligne.

Les ingénieurs de Siemens y indiquent que
l’électrification offrirait certains avantages.
Tout d’abord, parce que le charbon est
cher et que la consommation est élevée en
raison des fortes pentes à gravir. D’autre
part, parce qu’il y aurait suffisamment
d’énergie hydroélectrique disponible et que
les trains en descente pourraient récupérer
l’énergie électrique. Et pourtant, l’exper-
tise se solde par une décision négative.
D’abord, l’utilisation des capacités était trop
différente entre l’hiver et l’été, de sorte
que les trains à vapeur pouvaient mieux
faire face à une plus grande affluence.
Ensuite, les ingénieurs avaient exprimé des
doutes quant à la sécurité d’exploitation
dans les zones de haute montagne jusqu’à
2000 mètres au-dessus du niveau de la
mer, car aucune expérience significative
n’était disponible. L’utilisation de locomo-
tives à vapeur assurait une plus grande
sécurité d’exploitation.

Quelques années plus tard la situation était
mûre après l’établissement, en 1906,
de nouveaux éclaircissements et études
par différents experts. Ainsi, entre 1911 et
1913, Siemens-Schuckertwerke réalise
l’ensemble de la ligne aérienne de contact
pour les lignes Engadine.

Mais l’électrification du trafic ferroviaire
avait également progressé dans d’autres
régions du pays. Ainsi, le chemin de fer
Berne-Lötschberg-Simplon, inauguré dans
son intégralité en 1913, a été la première
ligne principale de chemin de fer alpin
électrifié. Sur la ligne BLS entre Spiez et
Frutigen, il circulait trois automotrices sur
lesquelles Siemens avait fourni un certain
nombre de composants électriques.
En 1913 également, Siemens-Schuckert­
werke installait l’équipement électrique de
14 motrices du train Steffisburg-Thoune-­
Oberhofen, y compris les collecteurs
en forme de lyre et les accouplements en
trompette.

		                                                15
1914–1918

                                  Vol spectaculaire
                                  vers la Suisse
Le 13 novembre 1918, Josef Hollenstein, un garçon de
Rapperswil, a assisté à une «invasion» particulière.
Bien que deux jours auparavant, avec la signature de
l’armistice à Compiègne, la Première Guerre mondiale
ait pris fin et que la défaite des puissances centrales
et de l’Empire allemand ait été scellée, il observa l’atter-
rissage de quelques pilotes allemands à Rapperswil.
Ceux-ci voulaient éviter que leurs avions ne soient confis-
qués par les Alliés. Le même jour, deux biplans ont
atterri à Schaffhouse. Il s’agissait d’appareils du type
Siemens-Schuckert SSW D.III, pratiquement neufs
et équipés d’un propulseur spécial – le moteur rotatif
Sh.III de 160 ch, refroidi par air, de Siemens & Halske. Le
onze cylindres permettait aux intercepteurs d’atteindre
des performances ascensionnelles inconnues jusqu’ici.
Les pilotes ne voulaient pas céder cette technologie aux
Alliés, mais bien sûr les Forces aériennes suisses étaient
également intéressées. L’avion qui n’avait pas été
endommagé lors de l’atterrissage à Schaffhouse a été
interné et remis à la Confédération suisse au printemps
1920. «Au cours de cette année, l’avion a fait l’objet
d’une révision en profondeur et sera bientôt mis à la dis-
position de nos pilotes de chasse», écrivait en 1921 le
magazine La Suisse aérienne. «La capacité ascensionnelle
est extraordinaire», poursuit le magazine. «Lors des vols
de réception, elle s’est chiffrée à 6000 m en 15 minutes
et 8100 m en 36 minutes.»

                                                               L’Europe regarde Zurich
                                                               En 1914, l’ensemble du trafic téléphonique de
                                                               service dans la gare centrale de Zurich et les
                                                               liaisons avec les gares environnantes sont auto-
                                                               matisés. La dernière technologie Siemens
                                                               a été utilisée pour ce projet. Les CFF ont été la
                                                               première administration ferroviaire en Europe
                                                               à introduire une telle innovation révolutionnaire.
                                                               Le système a connu un tel succès qu’un grand
                                                               nombre d’autres commandes ont été passées
                                                               auprès de Siemens.

16
Josef Hollenstein, témoin oculaire, a conservé une impres­
     sion inoubliable des avions et des pilotes, comme il
     l’a écrit dans ses mémoires d’enfance publiées en 1984:
     «Après que ses camarades du deuxième avion ont changé
     de cap (…), un pilote de chasse allemand, avec un trou
     de la taille d’un poing dans l’aile droite de son biplan,
     recouverte de toile, tenta un atterrissage osé sur un pré
     humide à Rapperswil, sur les bords du lac Zurich, afin
     de livrer son avion aux autorités locales.» Et Hollenstein
     se souvient: «En fait, plusieurs avions allemands ont
     alors été achetés par la Suisse. Les pilotes allemands
     ont été internés et ceux qui ont atterri à Rapperswil ont
     été provisoirement logés très confortablement dans
     l’hôtel Post.»

     Selon un article de fond du magazine spécialisé «Cockpit»
     de 2010, l’atterrissage à Rapperswil ne s’est pas déroulé
     si facilement: «…il est avéré que les deux avions Siemens
     ont subi des dommages irréparables lors de l’atterrissage».
     Et le magazine écrit à propos du sort réservé au avions:
     «A l’exception du SSW D.III, qui (...) a atterri en douceur
     sur le site de l’arsenal de Schaffhouse (...), tous les
     autres intercepteurs Siemens ont dû être livrés à la France
     en 1919 sous la pression massive de l’Entente.»

     Peu après la fin de la guerre, le 13 novembre 1918, plusieurs avions de chasse
     de l’armée de l’air allemande se sont posés à Rapperswil et Schaffhouse.
     Pour certains, la manœuvre a été parfaite, pour d’autres moins. L’atterrissage
     d’un Siemens-Schuckert SSW D.III s’est terminé sur la Randenstrasse à
     Schaffhouse. L’un des avions a été saisi par l’armée suisse, les munitions
     ont été mises en lieu sûr et le gouvernail de queue a été marqué de la croix
     suisse. Peu après, le chasseur d’interception Siemens a été transféré à
     Dübendorf (à gauche).

		                                                                                17
1919–1925

Pour la Société des Nations sous le sol
La ville de Genève est riche en histoires et beaucoup          Lors de sa recherche de locaux adaptés, en août 1920,
d’entre elles sont liées aux Nations Unies. L’ascension de     le secrétaire général Eric Drummond a été enthousiasmé
la ville en un lieu de renommée mondiale a commencé en         par l’imposant Hôtel National, situé directement sur le
novembre 1920, quelques mois après la fondation de             lac Léman. Le bâtiment, inauguré en 1875, était resté
la Société des Nations, lorsque sa toute première Assem-       vide pendant longtemps et avait été rénové peu de temps
blée générale a été planifiée. Ce qui manquait encore          auparavant. Les architectes qui avaient été chargés de
à l’époque, c’était une infrastructure efficace. Une liaison   la rénovation ont dû le modifier à la hâte. Juste à temps
téléphonique a dû être établie très rapidement entre le        avant la réunion plénière, Siemens a également mis en
central téléphonique de Lausanne et le nouveau siège           service la nouvelle liaison Pupin. A l’Hôtel National,
genevois de la Société des Nations. Siemens & Halske AG        les chambres avaient entre-temps été transformées en
a obtenu le contrat et posé un câble Pupin de 60 kilo-         bureaux, les salles de réception en salles de réunion et
mètres de long. Cela a permis d’améliorer considérable-        les aires de service en locaux de stockage.
ment la qualité de la voix et la capacité de transmission.
Il s’agissait à la fois du premier câble souterrain longue     En 1924, l’édifice fut rebaptisé «Palais Wilson». Il a été
distance en Suisse et d’une partie de l’idée ambitieuse de     utilisé par la Société des Nations jusqu’en 1937. Ensuite,
relier la centrale fédérale par des câbles posés dans des      jusqu’à sa dissolution en 1946, l’organisation a occupé
canalisations.                                                 le nouveau Palais de la Société des Nations, construit sur le
                                                               terrain de l’Ariana Park. Le Palais Wilson abrite aujourd’hui
Cependant, au début des travaux de construction, on ne         le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
savait pas exactement où les experts Siemens allaient          l’homme.
tirer le câble Pupin. Jusqu’en août 1920, la Société des
Nations n’avait pas encore trouvé de site convenable.

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