Julie Castillo, une géophysicienne au coeur des missions du Jet Propulsion Lab de la NASA

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Julie Castillo, une géophysicienne au coeur des missions du Jet Propulsion Lab de la NASA
Julie Castillo, une géophysicienne
au cœur des missions du Jet
Propulsion Lab de la NASA

     Photo de Michele Judd Keck – Julie Castillo au Centre des Études Spatiales

« Il est très intéressant d’extraire les informations que ces objets révèlent sur
l’histoire précoce du système solaire et sur l’origine de l’eau dans le système solaire
intérieur. Chacun apporte une pièce différente du puzzle, et je prends du plaisir à
essayer de rassembler ces éléments ! ». L’étude de ces objets glacés est
relativement récente (fin des années 70), et fait suite à la visite des systèmes de
Jupiter et de Saturne, par les missions Voyager. Elle précise que « celles-ci avaient
révélé des objets apparaissant comme jeunes et donc sûrement actifs
géologiquement : un aspect très important pour la recherche de la vie extraterrestre
(astrobiologie) ». Julie Castillo a commencé ses recherches à propos des lunes de
Jupiter et de Saturne, mais s’intéresse aujourd’hui plus particulièrement à la planète
naine Céres, depuis que la mission Dawn de la NASA y est arrivée en orbite en 2015.
Cette même année, une autre mission de la NASA, New Horizons, a permis
l’observation d’une autre planète naine : Pluton. Ces deux missions ont permis de
découvrir la signature d’un océan à l’intérieur de ces deux planètes naines : « C’est
un aspect que personne ne soupçonnait auparavant ». Ces objets font maintenant
partie des « mondes océans », un domaine de recherche désormais très actif.
Julie Castillo, une géophysicienne au coeur des missions du Jet Propulsion Lab de la NASA
Une rencontre déterminante pour la trajectoire de
la chercheuse
Originaire de Nantes, Julie Castillo n’avait jamais imaginé qu’elle ferait de la
recherche planétaire. Première de sa famille à aller à l’université, elle observe : «
J’ai eu de la chance de commencer mes études à l’université de Nantes quand le
Laboratoire de Planétologie a été fondé par le Dr Christophe Sotin – qui travaille lui
aussi aujourd’hui au JPL ». L’étudiante se rapproche alors des sciences planétaires
lors de ses études de licence, ce qui l’a amenée à obtenir un diplôme en géologie et
à poursuivre une thèse dans ce laboratoire. À cette période, le chercheur Christophe
Sotin faisait partie de la mission internationale Cassini-Huygens, et avait initié et
organisé une conférence internationale à Nantes, durant laquelle Julie Castillo
rencontre une chercheuse de la NASA qui lui propose de faire des études
postdoctorales avec elle sur cette mission.

    Photo de la NASA – L’équipe du laboratoire de la physique des glaces devant
                 l’installation de simulation des marées planétaires

À défaut d’influer sur la trajectoire des planètes, certaines rencontres modifient bel
et bien la trajectoire de certains scientifiques. Dans les laboratoires de la NASA, ses
activités l’ont amenée à travailler sur des missions variées : Jupiter Icy
Julie Castillo, une géophysicienne au coeur des missions du Jet Propulsion Lab de la NASA
Moons (JIMO), Titan and Saturn System et certains concepts d’orbiteur Enceladus.
En 2016, Julie Castillo est devenue la Project Scientist de la mission Dawn, c’est-à-
dire la personne en charge de la liaison entre l’équipe scientifique et l’équipe
d’ingénieurs – en charge de « faire voler la mission ». Ces derniers temps, la
chercheuse est sur tous les fronts : elle continue de participer à l’analyse des
données de la mission Dawn aujourd’hui terminée, de travailler sur la
mission CubeSat Near Earth Asteroid Scout et à la préparation d’une étude qui
informera le programme d’exploration spatial décennale de la NASA. Elle complète
en annonçant une très bonne nouvelle : « Je suis sur un projet de mission – Trident –
qui vient tout juste d’être sélectionné ! Il s’agit d’une mission pour aller explorer
Triton, la grosse lune de Neptune. Les scientifiques pensent que Triton provient de
la ceinture de Kuiper (au-delà de Pluton) et aurait été capturé par Neptune. Ce
serait donc une planète naine devenue une lune ». Cette sélection va permettre à
l’équipe d’approfondir les aspects de cette mission pendant 9 mois. Ensuite, la NASA
choisira deux projets parmi 4 missions sélectionnées à ce stade (deux projets ayant
Venus pour cible et un quatrième s’intéressant à Io, la lune volcanique de Jupiter)
pour lui allouer un financement complet. Ainsi, elle précise : « Si la mission Trident
est sélectionnée, alors nous produirons la sonde spatiale entre 2021 et 2026.
Ensuite, il faudra à peu près 12 ans pour que la sonde arrive dans le système de
Neptune ».
Julie Castillo souligne que cette possibilité de travailler au JPL à la fois comme
scientifique et comme ingénieure est une différence importante, comparé au
système de recherche français. Rétrospectivement, la chercheuse fait également
remarquer que le diplôme de doctorat est très valorisé aux États-Unis, alors qu’il
semble qu’en France il soit plus difficile pour des docteurs scientifiques de trouver
un emploi en dehors des postes de recherche à l’université – cependant cela évolue.
C’est pourquoi, elle encourage les jeunes souhaitant travailler sur des missions à la
NASA d’envisager de venir aux États-Unis pour leurs études de thèse ou
postdoctorales. Et si cela n’allait pas de soi, elle ajoute que « dans tous les cas, les
étudiants devraient être encouragés à établir un réseau professionnel tôt dans leur
carrière, par exemple en participant à des conférences internationales ». Avec peut-
être à la clé, une expatriation !
En géophysique, seuls 10 % du contingent des
scientifiques sont des femmes

     Photo de Michele Judd Keck – Julie Castillo au Centre des Études Spatiales

Si la chercheuse rappelle qu’en géophysique, environ 10 % seulement du contingent
des scientifiques dans ce domaine sont des femmes, elle met en avant des
opportunités pour faire évoluer la situation vers plus de parité. Elle évoque le rôle de
ces femmes scientifiques, notamment dans le recrutement, permettant à d’autres
femmes d’intégrer les équipes en stage ou études postdoctorales. Elle observe :
« Jusqu’à très récemment, la plupart des missions spatiales étaient menées par des
hommes. Mais depuis à peu près 10 ans, il y a plus de femmes impliquées à leur
tête ». Elle remarque un autre point particulièrement intéressant : « En général, les
femmes forment des équipes plus mixtes », en termes de genre, de parcours,
d’origines, etc.

Julie Castillo raconte avoir rencontré beaucoup de personnes très inspirantes. En
termes de modèles, elle a eu l’opportunité de travailler avec des femmes ayant des
rôles majeurs dans des missions spatiales. Elle mentionne notamment Linda Spilker,
à la tête de la mission Cassini-Huygens et Bonnie Buratti, sa chef de section qui a
également fait partie de la Cassini-Huygens. Enfin, elle cite la scientifique Carol
Raymond, chef de la mission Dawn et avec laquelle elle a travaillé ces 5 dernières
années. À ce sujet, elle ajoute « la mission Dawn a l’équipe scientifique la plus
diverse de toutes les missions de la NASA ».

C’est un point qui semble important à souligner car il s’agit d’un univers scientifique
principalement masculin – même s’il y a de plus en plus de femmes à JPL dans les
domaines ingénieurs, ce que met d’ailleurs en avant la NASA sur ses réseaux
sociaux, notamment à l’occasion du mois Women’s History Month. N’ayant pas
rencontré de problèmes majeurs de discrimination à JPL, elle mentionne : « En
revanche, dans les conférences internationales, il est parfois difficile de se faire
respecter ». Il y a encore du chemin à parcourir.

Pour avancer, elle évoque le rôle de l’éducation par les parents et par le système
éducatif : « Il est important que les parents encouragent leurs enfants, filles et
garçons, à s’engager dans des parcours scientifiques. Il y a plein d’activités aux
États-Unis (par exemple des stages) qui permettent aux filles de pratiquer des
activités scientifiques et techniques à tous niveaux ».

C’est plus tard, pendant le parcours universitaire, que ça coince : « À l’université, il
y a à peu près la même fraction de femmes et d’hommes dans les filières
scientifiques, jusqu’à la thèse. Puis lors des études postdoctorales, le nombre de
femmes qui restent engagées dans des études scientifiques diminue de manière
importante. Il y a donc un problème de fuite entre la fin de la thèse et les études
postdoctorales ».

Selon Julie Castillo, il y aurait une discrimination pour les femmes en thèse qui
veulent rentrer dans la vie professionnelle car « les laboratoires appartiennent à une
génération qui a été habituée à embaucher préférentiellement des hommes ». Elle
complète : « La situation va changer mais il faudra encore des évolutions pour
qu’elle s’équilibre ».

Pour en savoir plus :
Le profil de Julie Castillo : https://science.jpl.nasa.gov/people/Castillo/
Sur la mission récemment sélectionnée Trident :
https://www.forbes.com/sites/brucedorminey/2020/02/14/nasa-greenlights-four-pote
ntial-missions-to-venus-io-and-triton/#1fd86d963820
À propos de la mise en avant des femmes scientifiques et ingénieures à la
NASA : https://www.nasa.gov/women
Interview réalisé par Maëlys Renaud – Attachée adjointe pour la science et la
technologie, Los Angeles deputy-sdv.la@ambascience-usa.org
Cet article a été initialement publié sur le site du Consulat Général de France de Los
Angeles
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