L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO

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L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE               737

                                                                          Le Congrès de la SSO a traité d’un seul ­sujet,
  L’ancien conseiller                                                     mais de première importance: la gérodon­

  fédéral Adolf Ogi au                                                    tologie. Cette année encore, le congrès
                                                                          s’est trouvé en tête de la liste des priorités
  Congrès de la SSO                                                       de nombreux médecins-­dentistes suisses.
                                                                          Texte: Daniel Nitschke, méd. dent., Bonstetten
                                                                          Photos: Martin ­Bichsel, photographe

Connaissez-vous cette anecdote? «Le                 son mandat et sa présidence du Départe-
conseiller fédéral Adolf Ogi et le président        ment des transports et de l’énergie, en
français François Mitterrand se rendent à           particulier la décision de construire le
Kandersteg dans un hélicoptère soudain              tunnel de base du Gothard dans le
pris dans de fortes turbulences. Mitter­            contexte des nouvelles lignes ferroviaires
rand se tourne vers Ogi: ‹Est-ce qu’on est          alpines (NLFA).
perdu?› Ogi comprend alors que le Fran-             L’ancien conseiller fédéral a rappelé com-
çois lui propose de se tutoyer! (Sind wir           ment, avant son élection au Conseil fédé-
per du?)» Ce sont des anecdotes de ce               ral, certains organes de presse l’avaient
genre qui ont contribué à sa légende et             stigmatisé comme «intellectuellement
qui garantissent que l’on ne s’ennuie ja-           pas à la hauteur». Il en avait été peiné. Il a
mais avec Adolf Ogi. Ce fut donc le succès          néanmoins réussi à gagner la confiance de
de la SSO de l’avoir invité à prononcer             la presse, de la population et de la classe
une allocation au congrès. La dernière              politique entre autres grâce à son style
séance du samedi matin ne compte géné-              inimitable. Il a poursuivi qu’en politique,
                                                                                                     L’exposé d’Adolf Ogi sur le «Leadership» a été
ralement pas la plus nombreuse assis­               tout comme dans les entreprises, il y a des
                                                                                                     un point fort du Congrès de la SSO: «Etre un
tance. Mais cette année, la salle était             opportunités qui se présentent et puis           ­leader, c’est motiver les autres pour accomplir
comble!                                             s’en vont. C’est dans ces moments qu’il           une mission.»
L’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi,              faut agir, et vite. Adolf Ogi s’est exprimé
73 ans, a commencé son exposé par                   pour une philosophie de l’action. Mais
quelques phrases en français, puis y est            le «Do it», le «Je veux», doit être suivi        tance que cette évolution pose à nos mé-
revenu à réitérées reprises tout au long de         d’une phase de fermeté. C’est le leadership      decins-dentistes.
son allocution. Alors que des personnali-           qui importe, en plus des personnes et des        «Nos aînés n’ont aujourd’hui plus grand-
tés politiques UDC s’étaient vu critiquées          missions. Après avoir assumé une fonc-           chose de commun avec les personnes fra-
il y a quelques semaines de ne pas com-             tion, il faut rapidement exposer son style       giles et vieillies que nous voyions encore
prendre le français, Adolf Ogi ne pouvait           de commandement. Commander, c’est                sur les bancs de nos jardins publics il y a
certainement pas se sentir visé… Il a parlé         motiver les hommes pour une tâche, les           une trentaine d’années.» C’est par ces
de sa carrière et, surtout, des décisions           enthousiasmer et les accompagner. Com-           mots d’introduction que le Prof. Dr Chris­
difficiles qu’il avait dû prendre pendant           mander, c’est toujours et encore réorga-         tian Besimo, président de la commission
                                                    niser. Il faut de surcroît faire d’avance        scientifique du congrès, a ouvert la mani-
                                                    confiance à son équipe. Autre caractéris-        festation et souhaité la bienvenue aux
                                                    tique d’un leader qui réussit: être prêt à       quelque 1500 participants. Jamais aupara-
                                                    servir soi-même: «Si tous les hommes du          vant en Suisse n’avait eu lieu un congrès
                                                    monde voulaient servir, notre monde se-          si important consacré à la gérodontologie.
                                                    rait différent, notre monde serait meil-         Le sujet se trouvait placé auparavant sur
                                                    leur!»                                           un pied d’égalité avec les soins aux pen-
                                                                                                     sionnaires des maisons de retraite. Mais
                                                     La gérodontologie en point de mire              cela ne suffit pas, comme l’a souligné le
                                                    D’habitude, la gérodontologie ne figure          Prof. Besimo: il faut mettre plus d’accent
                                                    qu’à l’ordre du jour des congrès de la So-       sur les personnes âgées qui vivent encore
                                                    ciété suisse de médecine dentaire pour           chez elles.
                                                    handicapés et personnes âgées (SGZBB).
                                                    Cette année cependant, c’est la SSO qui          «Limbifiez» votre vie!
                                                    lui a consacré l’intégralité de son congrès      Werner Tiki Küstenmacher (63 ans) s’est
                                                    annuel. C’est à considérer comme un              ­décrit lui-même en tant que «patient
                                                    ­authentique message: la SSO accorde la           âgé» tel que mentionné dans l’intitulé du
Beat Wäckerle, président de la SSO, a pu annoncer
au Congrès 2016 que le nombre des participants       plus grande importance à notre popula-          congrès. Ce pasteur évangélique, auteur
avait battu un nouveau record.                       tion vieillissante et aux défis d’impor-        et caricaturiste venu d’Allemagne, s’est

                                                                                                         SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016  P
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      exprimé dans son exposé sur les émotions
      et il l’a illustré de dessins projetés en di-
      rect. «Lorsque nous vieillissons, ce sont
      les émotions négatives qui prennent le
      dessus», a-t-il expliqué. Pour les contrer,
      les jeunes médecins-dentistes possèdent
      un don tout aussi important que leurs re-
      marquables prestations médicales. Mal-
      heureusement, l’orateur a oublié au long
      de son exposé de nous dire de quel don il
      s’agissait! Message-clé: veiller à la mobi-
      lisation du système limbique lors de la
      communication. Les émotions ne doivent
      pas être refoulées, mais exprimées. Et
      c’est tout aussi important pendant les en-
      tretiens entre le médecin et son patient.
      Les gens ont trop tendance à vouloir res-
      ter concrets. Et il faut que l’intuition soit
      de la partie. Le public a beaucoup appré-
      cié l’exposé du pasteur Küstenmacher, no-
      tamment grâce aux amusants dessins qui
                                                           En citant quelques faits d’évidence, la Prof. Pas­   Le Prof. Martin Schimmel a parlé de la santé
      ont illustré ses propos. L’orateur est ainsi         qualina Perrig-Chiello a réglé leur compte à         bucco-­dentaire des personnes âgées dépendantes
      parvenu à contourner la devise de son                quelques préjugés sur l’âge.                         en institutions.
      ouvrage: «Simplify your life!» dans sa re-
      cherche de solutions simples en réponse
      à des questions complexes. Tout comme                de nombreuses années en bonne santé                     comme un fardeau alors qu’elles étaient
      le fait qu’il n’a pas le moins du monde              devant eux. Simultanément, la vieillesse                autrefois respectées. Mais l’âge a toujours
      abordé le thème du congrès!                          est encore repoussée, ne serait-ce que                  été abordé de manière ambivalente!
                                                           par les personnes âgées elles-mêmes.                    L’oratrice en a donné pour preuve une
      Vieillir, ce n’est pas seulement être âgé            Bien sûr, il en est toujours allé ainsi car             fort intéressante sélection de citations
      La partie thématique du congrès a com-               la vieillesse est quelque chose d’ambi-                 historiques. C’est ainsi que Socrate, déjà,
      mencé avec l’exposé de la Prof. Dr Pasqua­           valent. Il y a une euphorie de la vieillesse            s’était exprimé de manière critique au
      lina Perrig-Chiello de Berne. Elle a expliqué        qui s’oppose à une phobie de la vieillesse.             sujet du conflit entre les générations.
      qu’aucune tranche de la vie n’était plus             Euphorie en raison de l’enrichissement                  2. L’âge serait synonyme de décadence
      chargée de mythes et de préjugés que la              aux plans social et culturel, phobie devant             cognitive et de capacités amoindries.
      vieillesse. C’est pourquoi il faut exposer           les problèmes sociaux, démographiques                   Ceci est également partiellement exact,
      certains faits. Les habitants de la Suisse           et personnels.                                          mais seulement partiellement. Les
      forment une société de gens qui vivent               L’oratrice s’est ensuite exprimée sur trois          ­personnes âgées possèdent de vastes
      longtemps. Même après la survenue de                 importants préjugés: 1. Les personnes                 ­capacités cognitives et corporelles. Les
      l’âge de la retraite, nos aînés ont encore           âgées seraient aujourd’hui considérées                  différences sont considérables d’une
                                                                                                                  ­personne à l’autre. Nul doute que l’ap-
                                                                                                                   prentissage tout au long de la vie soit à la
                                                                                                                   fois possible et nécessaire. 3. La qualité
                                                                                                                   de la vie diminuerait, les dépressions
                                                                                                                   augmenteraient avec l’âge: c’est ici en-
                                                                                                                   core un préjugé à considérer d’un point
                                                                                                                   de vue différencié. En toute objectivité,
                                                                                                                   la qualité de vie diminue effectivement
                                                                                                                   en vieillissant, mais elle est souvent per-
                                                                                                                   çue différemment au plan subjectif. Les
                                                                                                                   dépressions surviennent plutôt dans le
                                                                                                                   groupe d’âge des 30 à 45 ans. Cette por-
                                                                                                                   tion de la vie est particulièrement mar-
                                                                                                                   quée par la prise de grandes responsabi­
                                                                                                                   lités alors que c’est en général le cadre
                                                                                                                   social qui conditionne la qualité de la vie
                                                                                                                   à un âge avancé.

                                                                                                                Plus faible part des mises en institution
                                                                                                                des personnes dépendantes
      Werner Tiki Küstenmacher, pasteur évangélique, auteur et caricaturiste a plaidé pour que l’on fasse       Le Prof. Dr Martin Schimmel a expliqué à
      preuve d’empathie également lors des entretiens entre le médecin et son patient.                          l’assistance la distinction fréquemment

      SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016P
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présente dans la littérature entre le troi-       «C’est pour vos jambes que vous êtes ici,           munication, si elle doit être très claire,
sième et le quatrième âge. Pendant le             pas pour vos dents!»                                ne doit cependant pas se dérouler à trop
troisième âge, il est encore possible de          La Suisse compte actuellement 290 000               haute voix: il faut recourir à des phrases
mener une vie exempte de handicaps et             personnes de plus de 80 ans. La plupart             simples et brèves tout en faisant preuve
sans grandes limitations, en opposition           d’entre elles vivent chez elles et leur état        de beaucoup de patience.
à la dépendance. Celle-ci commence                de santé est étonnamment bon. C’est ce
lorsque certaines activités ordinaires ne         qu’a exposé Anja Ulrich, soignante à l’Hô-          Comment organiser les soins de médecine
peuvent plus être accomplies en toute             pital universitaire de Bâle. Ce serait dû à         dentaire aux personnes dépendantes?
autonomie. La moitié des personnes de             l’encadrement et aux soins. Il faut ici faire       La Prof. Dr Frauke Müller de l’Université
plus de 90 ans seraient concernées. Mais          la distinction entre les soins à domicile           de Genève compte parmi les infatigables
ce ne sont que 25% des personnes dé-              (Spitex), les soins au long cours en institu-       combattantes au service d’une plus
pendantes qui se trouvent dans des                tion et les soins aigus en milieu hospi­            grande pondération de la gérodontologie
homes.                                            talier. Des problèmes inattendus sur-               en Suisse. C’est dans ce rôle qu’elle s’est
Au sujet des maisons de retraite, Martin          viennent déjà dans le cadre des soins à             déclarée très satisfaite de l’importance
Schimmel a remarqué que l’on ne prend             domicile pour ce qui est de la santé buc-           accordée à ce thème par le congrès de
pas suffisamment soin de l’hygiène buc-           co-dentaire. Bien souvent, aucune me-               cette année. Elle a affirmé pour com-
cale et de l’hygiène des prothèses den-           sure d’hygiène buccale ne peut être                 mencer que l’état de santé général des
taires, ainsi que l’a relevé une étude me-        ­administrée en raison du respect dû à              pensionnaires des homes présentait un
née en Finlande où, il y a 25 ans déjà, on         l’autonomie des «clients» qui n’ac-                facteur de risque pour leur santé bucco-­
recommandait une plus forte implication           ceptent pas de soins, même lorsqu’ils               dentaire. Et puis la situation financière
des personnels soignants dans l’hygiène            ­revêtent un caractère d’urgente nécessi-          des patients est souvent inconfortable.
bucco-dentaire des pensionnaires. Il se           té. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant, car           Ce qui importe tout particulièrement,
trouve que l’attitude et l’intérêt des per-       la bouche fait partie de la sphère intime           c’est la reconnaissance que l’absence
sonnels se sont améliorés dans ce do-             du corps et, souvent, les patients ne s’at-         de dents n’est pas synonyme d’absence
maine. Il faut également observer que les         tendent pas à ce que ce domaine fasse               de pathologies orales. Celles-ci affectent
pensionnaires des homes ont aujourd’hui           partie de celui des soins.                          surtout les crêtes osseuses, les replis
un plus grand nombre de leurs dents na-           C’est dans de telles situations qu’il im-           maxillaires et mandibulaires ainsi que
turelles, mais que celles-ci se trouvent          porte de créer un climat de confiance, a            la langue.
souvent en triste état. Ce sont surtout les       souligné Anja Ulrich. Les personnes dépen-          Mais comment donc mettre en œuvre le
caries récurrentes, les pertes de dents, les        dantes doivent se voir impliquées dans            suivi médico-dentaire pour les pension-
affections du parodonte et la prévalence            une forme simplifiée d’incitations et             naires des homes? Frauke Müller a évoqué
des précarcinomes. Du point de vue de la            d’encouragements aux soins dans le                plusieurs possibilités pour y parvenir. 1. Le
médecine dentaire, des difficultés parti-           contexte de la stimulation basale. Il y a         pensionnaire du home se rend au cabinet
culières découlent de l’instabilité, de             lieu, pour les patients atteints de dé-           dentaire, ce qui est tout à fait positif car
l’immobilité et de la dégradation des               mence, de ne pas entrer directement en            cela lui fait participer à la vie extérieure.
­facultés intellectuelles.                          contradiction avec eux. De plus, la com-          De plus, c’est ainsi que les conditions de

La Dr Sandra Oppikofer a parlé de la communica­   L’autonomie des clients des soins à domicile doit   La Prof. Frauke Müller lutte infatigablement pour
tion avec des personnes atteintes de démence.     toujours être respectée lorsque l’on prodigue des   une pondération accrue de la gérodontologie en
                                                  soins d’hygiène bucco-dentaire a souligné Anja      Suisse.
                                                  Ulrich.

                                                                                                          SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016 P
L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
740     L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE

                                                                                                                 60% des personnes de plus de 70 ans
                                                                                                                 souffrent de polymorbidités, c’est-à-dire
                                                                                                                 qu’elles présentent au moins deux affec-
                                                                                                                 tions relevant de la médecine interne.
                                                                                                                 Dans ce cadre, les maladies orales font in-
                                                                                                                 tégralement partie de la polymorbidité.
                                                                                                                Déjà les caries constituent un problème
                                                                                                                chez les pensionnaires des homes, un
                                                                                                                ­problème auquel on n’a pas su faire face.
                                                                                                                 A ceci s’ajoute un autre facteur négatif: le
                                                                                                                 fait que la médecine dentaire ne soit plus
                                                                                                                 prioritaire aux yeux des patients. En effet,
                                                                                                                 les autres problèmes de santé ont trop de
                                                                                                                 conséquence à leurs yeux. C’est pourquoi
                                                                                                                 il est d’autant plus important que les mé-
                                                                                                                 decins-dentistes ne perdent pas de vue
                                                                                                                 les patients du quatrième âge. Il faut donc,
                                                                                                                 de l’avis de Christian Besimo, une détection
                                                                                                                 précoce aux plans médical et social ainsi
                                                                                                                 qu’une mise en réseau interdisciplinaire.
                                                                                                                 Il y a lieu également de déterminer si les
      Le sujet du Dr Christophe Graf traitait des défi­   Prof. Christian Besimo: «Les pensionnaires des
                                                                                                                 patients peuvent encore répondre aux at-
      ciences de l’alimentation des personnes âgées.      homes sont aujourd’hui plus âgés qu’il y a encore
                                                          20 ou 30 ans, et il leur reste un plus grand nombre    tentes du médecin-dentiste en pratiquant
                                                          de leurs dents naturelles.»                            une prévention orientée ressources.

                                                                                                                La polymorbidité en tant que risque pour
      travail sont les meilleures pour le méde-           Ne pas perdre de vue les personnes                    la santé bucco-dentaire
      cin-dentiste. L’inconvénient, c’est le ni-          ­dépendantes                                          La polymorbidité se définit par la surve-
      veau élevé du travail d’organisation ainsi           Voici ce que l’on observe si l’on compare            nance simultanée de deux ou plus de
      que le fait que le cabinet dentaire doit être        le sort des pensionnaires des homes d’au-            deux maladies somatiques. Par tableaux
      spécialement équipé à partir d’un certain            jourd’hui avec la situation d’il y a 20 ou           cliniques pluridimensionnels par contre,
      niveau de déficit de la mobilité. 2. Le mé-          30 ans: les pensionnaires sont plus âgés             on entend la survenance simultanée de
       decin-dentiste prodigue ses soins dans              et nombre d’entre eux ont un plus grand              plusieurs maladies relevant de différentes
      une pièce dans le home. Cette possibilité            nombre de leurs dents naturelles qu’au-              ­dimensions de la santé: par exemple une
      offre au médecin-dentiste de bonnes                  paravant, et aussi des implants. C’est sur-           maladie somatique et une maladie psy-
      conditions, mais non idéales. Le patient             tout le nombre des implants qui va nota-              chique. Le Dr Daniel Grob, médecin chef du
      n’a pas besoin de transport compliqué                blement augmenter à l’avenir comme l’a                service de gériatrie de l’Hôpital de Waid,
      mais le grand inconvénient, ce sont les in-          expliqué le Prof. Dr Christian Besimo au dé-          a montré que la polymorbidité augmente
      vestissements considérables à la charge du            but de son exposé. Comme certains des                rapidement avec l’âge. La combinaison la
      home. 3. Le traitement est prodigué dans              orateurs qui l’ont précédé à la tribune,             plus fréquente réunit une arthrose et une
      un bus ambulance dentaire. Cette possibi-             il a indiqué que la santé buccale ne s’était         dépression. L’orateur a déclaré au sujet de
      lité représente une approche très pratique            pas améliorée dans les institutions. Tout            son influence sur la santé buccale: «Lors-
      qui offre de bonnes conditions de travail             au contraire, l’incidence des infections
      au médecin-dentiste. Les inconvénients                a même augmenté, ce qui serait dû au
      sont en relation avec les coûts élevés et             nombre élevé de dents naturelles subsis-
      l’espace restreint. 4. Médecin-dentiste               tantes.
      mobile. C’est une possibilité avantageuse            Quels obstacles peut-on identifier en
      pour les soins au patient qui reste dans             termes d’encadrement de médecine den-
      son cadre habituel et les possibilités de            taire dans les institutions? Christian Besimo
      communication avec les personnels soi-               a cité tout d’abord le manque d’équipe-
      gnants sont appréciées positivement.                 ments. A ceci s’ajoute le fait que les pres-
      ­Inconvénient: les options de traitement             tations fournies sont insuffisamment
       sont limitées. 5. Hygiéniste dentaire itiné-        ­rémunérées. Il en résulte deux probléma-
       rante. C’est également une possibilité               tiques car le cabinet dentaire n’est pas
       avantageuse. Le nettoyage et la motiva-              desservi pendant le travail à l’extérieur et
       tion sont rendus possibles à bon compte.             ne génère en conséquence aucun chiffre
       Des études indiquent que le nombre des               d’affaires. Par-dessus le marché, nom-
       urgences de médecine dentaire pourrait               breux sont les médecins-dentistes qui
       se voir ainsi réduit dans les homes. Ce-             sont dépassés par les défis de médecine
                                                                                                                Le Dr Daniel Grob a décrit le tableau clinique d’un
       pendant, la question de la responsabilité            générale qu’ils constatent chez les pen-
                                                                                                                patient âgé de 88 ans qui a perdu son autonomie
       reste problématique et aucun diagnostic              sionnaires des homes où les maladies                en raison de sa mauvaise santé bucco-dentaire.
       fiable ne peut être posé.                            chroniques jouent un très grand rôle.

      SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016  P
L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE              741

qu’un patient a moins de neuf dents, ceci a
une plus grande influence sur sa qualité de
vie qu’une allergie, une hypotonie, voire
même qu’un cancer. La santé bucco-den-
taire joue donc un rôle essentiel.» Un
quart de tous les patients hospitalisés en
gériatrie sont sous-alimentés et plus de la
moitié d’entre eux souffrent de patholo-
gies cognitives, ce qui serait également la
conséquence du mauvais état de leur den-
tition. Celui-ci, selon Daniel Grob, se dété-
riorerait chaque année davantage.
L’orateur a décrit l’évolution de la maladie
d’un patient en soins intensifs âgé de
88 ans. Devenu septique peu de temps
avant sa sortie de l’hôpital en raison de
l’état catastrophique de ses dents, il n’est
sorti que six semaines plus tard réduit au
stade de patient nécessitant des soins
lourds. Daniel Grob estime que c’est sa
mauvaise santé bucco-dentaire qui lui
                                                 La xérostomie est souvent détectée trop tard   Le Prof. Andreas Stuck a déclaré au sujet de la
a valu de perdre son autonomie. Il ajoute
                                                 ­selon le professeur Tuomas Waltimo.           ­capacité de discernement: «On ne peut pas être
que ce cas souligne encore sur un autre                                                          ‹un peu› capable de discernement!»
aspect: la santé buccale est peu ressentie
dans le public, tout comme auparavant.
Même les médecins hospitaliers ne jette-
raient qu’à peine un coup d’œil superficiel      macie. Bien que la prise de médicaments        de tête. Ensuite, le médecin-dentiste
à la dentition de leurs patients. Il est pani-   nombreux soit en quelque sorte la suite        prescrit encore du Méfénacide après une
quant de constater à quel point sont peu         logique de toute polymorbidité, elle est       extraction alors qu’il ne sait rien de la
nombreux les patients âgés hospitalisés à        cependant parfois inutilement poursui-         prise d’Ibuprofène. Tout aussi problé­
avoir un médecin-dentiste de premier re-         vie, voire renforcée. L’une des raisons de     matique peut s’avérer la transition d’un
cours. Ce serait essentiellement dû au fait      cet état de fait serait le grand nombre des    tableau de soins à un autre, ou bien le
que les médecins-dentistes qui ont prati-        groupes qui ont un intérêt à une consom-       traitement par plusieurs spécialistes dif-
qué pendant de longues années finissent          mation élevée de médicaments, dont tout        férents. Et puis les médicaments eux-
par prendre leur retraite! Ces patients à un     naturellement l’industrie pharmaceu-           mêmes recèlent des risques: c’est ainsi
âge très avancé ont donc souvent cessé de        tique, mais aussi les pharmaciens eux-         que même les spécialistes perdent toute
pratiquer des contrôles réguliers.               mêmes. La polypharmacie est en elle-           vue d’ensemble lorsqu’il y a prise de plus
                                                 même un important problème médical à           de quatre médicaments différents. Il en
Les risques de la «polypharmacie»                l’origine de nombreux séjours en milieu        va de même pour les patients lorsqu’ils
Brigitta Voellmy, pharmacienne à l’EPF de        hospitalier. Chez les personnes âgées pré-     en ont plus de six dans la journée. Les
Zurich, a parlé dans son intéressant expo-       cisément, la moindre proportion d’eau          ­patients polymorbides sont souvent très
sé du sujet sous-estimé de la polyphar-          dans le corps et donc le plus faible volume    occupés par la prise de leurs médications
                                                 de répartition des substances actives ag-      tout au long de la journée à heures fixes.
                                                 grave cette problématique. S’y ajoutent        A la fin de son exposé, Brigitta Voellmy a
                                                 des fonctions rénales et hépatiques dimi-       renvoyé ses auditeurs à la liste Priscus des
                                                 nuées et le ralentissement de l’élimina-        83 médicaments potentiellement inap-
                                                 tion des médicaments qui en résulte.            propriés pour les personnes âgées. Elle a
                                                 Dans la doctrine, on parle de polyphar-         cité des produits de substitution.
                                                 macie à partir de la prise de trois à cinq
                                                 médicaments.                                   Votre patient est-il capable de discerne-
                                                 Toutefois il y a encore une autre cause à      ment?
                                                 côté du diagnostic de différentes mala-        Le Prof. Dr Andreas Stuck, spécialiste en gé-
                                                 dies: les directives thérapeutiques sont        riatrie de l’Hôpital de l’Ile à Berne, a parlé
                                                 formulées spécifiquement pour chaque            dans son exposé de l’importance de la dé-
                                                 maladie. On perd ainsi la vue d’ensemble.       mence pour la santé bucco-dentaire. Il
                                                 Et puis nombreuses sont les personnes           s’agit ici pour l’essentiel de la capacité de
                                                 qui se soignent elles-mêmes sans savoir         discernement. Elle revêt une très grande
                                                 que certains des médicaments qu’elles           importance car il ne faut pas placer sur
                                                 prennent ont des effets cumulés. Ce             pied d’égalité le désir exprimé par un
«La polypharmacie est un grave problème
                                                 risque est particulièrement présent avec       ­patient et sa capacité de discernement.
­médical qui provoque de nombreuses hospitali­
 sations», a souligné la pharmacienne Brigitta   les analgésiques. On peut par exemple           C’est son consentement éclairé (informed
 Voellmy.                                        prendre de l’Ibuprofène contre les maux         consent) qui est ici essentiel, à savoir la

                                                                                                    SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016
                                                                                                                                            P
L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
742     L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE

      capacité du patient d’évaluer le traite-           nombre minimum de dents dont aurait
      ment et ses alternatives et de prendre en-         besoin une personne âgée. Elle ne s’est
      suite une décision. Si le médecin-dentiste         toutefois pas bornée à la seule alimen­
      éprouve un doute sur la capacité de dis-           tation car un faible nombre de dents a
      cernement, il peut demander au patient             de nombreux autres effets. En effet, des
      d’énumérer les options de traitement et            arcades dentaires réduites peuvent aggra-
      de les expliquer. S’il échoue, il faudra le        ver les difficultés de déglutition dont
      considérer comme incapable de discerne-            souffrent fréquemment les personnes
      ment selon Andreas Stuck. Cette apprécia-          âgées.
      tion doit être claire: il n’y a pas «d’à peu       Autre difficulté que rencontre le médecin-­
      près capable» de discernement! En pré-             dentiste: le fait que les patients sont moins
      sence d’un patient incapable, il y a lieu          dérangés par la perte de leurs dents laté-
      d’obtenir le consentement éclairé de son           rales que de leurs dents frontales. L’esthé-
      représentant légal dans le meilleur intérêt        tique joue un rôle déterminant, la fonction
      du patient. Le plan de traitement pourra           n’assumant souvent qu’un rôle seulement
                                                                                                         La Prof. Ina Nitschke a décrit le cercle vicieux de la
      alors être appliqué si tel est le cas. Si le       subalterne. La satisfaction subjective du       mauvaise alimentation et de la perte des dents.
      patient rejette le traitement, il ne doit          patient est fréquemment difficile à dé­
      pas se voir contraint, d’autant plus qu’un         terminer, tout comme l’efficacité de la
      tel traitement sous contrainte serait diffi-       mastication: les patients âgés se satisfont
      cilement réalisable. La priorité doit être         souvent de la faible efficience de leur mas-    Faut-il traiter les arcades dentaires
      donnée aux mesures visant à la réduction           tication.                                       ­raccourcies?
      du rejet par le patient ainsi que de ses           On considère généralement que le                 Le nombre de dents manquantes chez les
      craintes.                                          nombre des dents naturelles serait plus          personnes âgées est en diminution en
                                                         important que le nombre des dents rem-           Suisse, tout comme la part des prothèses
      Relation entre performances de mastication         placées. Le patient a une assez grande           amovibles. Si l’on confectionne une pro-
      et aptitudes cognitives                            chance d’avoir un IMC normal lorsqu’il a         thèse, c’est généralement plus tard dans
      Les relations entre la santé bucco-den-            plus de 21 dents naturelles. Le risque de        la vie que ce n’était le cas il y a encore
      taire et l’état général de santé ainsi             dénutrition augmente lorsque ce nombre           quelques années. Comme ce sont les mo-
      qu’avec le statut social et l’alimentation         diminue. C’est pourquoi le médecin-­             laires qui sont affectées en premier lieu,
      ont déjà été mises en évidence par plu-            dentiste est coresponsable de l’état nutri-      on peut se poser la question de leur pré-
      sieurs études. A ceci s’ajoute le cercle           tionnel de ses patients! L’important, c’est      servation. La Prof. Dr Nicola Zitzmann a ren-
      ­vicieux d’une mauvaise alimentation et            de parler de leur alimentation à ses pa-         voyé à ce sujet au modèle original de Kay-
       de la perte des dents. Tous ces facteurs          tients âgés lors des rappels, également en       ser du «Shortened Dental Arch» avec des
       agissent en fin de compte sur la qualité          raison du fait que les patients ne modi-         dents jusqu’à la deuxième prémolaire et
       de vie. La Prof. Dr Ina Nitschke de Zurich,       fient guère leur alimentation après la mise      du «Extreme Shortened Dental Arch»
       a abordé dans son exposé la question du           en place d’une prothèse améliorée.               avec dentition jusqu’à la première pré-
                                                                                                          molaire. Les études ne parlent à ce sujet
                                                                                                          de troubles, dans le cas des arcades symé-
                                                                                                          triques, qu’à partir de moins de quatre
                                                                                                          éléments masticatoires postérieurs (dents
                                                                                                          après les canines) par maxillaire. En
                                                                                                          d’autres termes: une arcade dentaire rac-
                                                                                                          courcie jusqu’à la deuxième prémolaire
                                                                                                          est en principe suffisante. Il y a cependant
                                                                                                          des limitations en présence de trauma-
                                                                                                          tismes dentaires, de trouble de l’articula-
                                                                                                          tion temporo-mandibulaire ou de malpo-
                                                                                                          sitions. Finalement, ce qui importe, c’est
                                                                                                          de tenir compte du désir du patient, sans
                                                                                                          omettre d’évaluer l’ampleur du traite-
                                                                                                          ment, son caractère invasif et supportable
                                                                                                          ainsi que les possibilités d’adaptation
                                                                                                          du patient âgé. Il importe de réunir des
                                                                                                          conditions exemptes d’inflammation et
                                                                                                          de la moindre altération possible d’une
                                                                                                          prothèse préexistante.

                                                                                                         Ne pas considérer la gérodontologie comme
                                                                                                         un «mandat éthique»
      Le juriste Alois Kessler a parlé de l’obligation   La Prof. Nicola Zitzmann a présenté un exposé
                                                                                                         C’est par un véritable feu d’artifice de sta-
      ­d’informer qui incombe au médecin-dentiste        sur les prothèses fixes.
       vis-à-vis de ses patients âgés.                                                                   tistiques et d’émotion que le Prof. Dr Chris­
                                                                                                         toph Benz a ouvert la deuxième partie de

      SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016  P
L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE                    743

                                                   plus en plus d’importance. «Les méde-                Des concepts pour les soins aux patients
                                                   cins-dentistes champions du sang, de                 dépendants
                                                   la fraise et du titane ont considéré la pré-         L’orateur suivant a parlé ensuite d’une
                                                   vention comme une discipline non aca-                «exigence éthique»: le Dr Mohammad
                                                   démique et ils se sont sentis rabaissés.             Houshmand de Zurich veut que tous les
                                                   Il n’y a toutefois aucune raison de croire           patients bénéficient de soins de médecine
                                                   que le grattage soit moins académique                dentaire tout au long de leur existence.
                                                   que le fraisage!» La prévention ne doit              De nombreux patients parmi les 400 000
                                                   pas être vue comme une pièce rapportée               qui vivent dans des homes ou qui bénéfi-
                                                   à pratiquer ou à laisser pratiquer comme             cient des soins à domicile ne peuvent pas
                                                   un à-côté et avec mauvaise volonté. Tout             se rendre dans un cabinet dentaire ou ne
                                                   au contraire, il faut également tirer parti          le peuvent qu’avec les plus grandes diffi-
                                                   de toutes les possibilités ouvertes par ce           cultés. C’est pourquoi nous avons besoin
                                                   domaine de spécialisation. Christoph Benz            d’un concept de traitements ayant lieu en
                                                   a été clair à ce sujet: «Quand il s’agit de          grande partie dans les institutions. L’ora-
Le Dr Mohammad Houshmand a milité pour que
chaque patient bénéficie de soins médicaux à       screening parodontal, bien des médecins-­            teur fait ici la distinction entre une phase
chaque moment de son existence.                    dentistes sont trop paresseux. Ils ne le             d’examen, une phase thérapeutique et
                                                   pratiquent tout simplement pas! Et c’est             une phase de suivi, le tout encadré par
                                                   encore pire lors du traitement subsé-                des rappels à maillage serré. L’objectif est
la matinée du vendredi. Le vice-pré-               quent du parodonte.» Il a souligné qu’il             la mise en place d’une bonne santé buc-
sident de la Chambre fédérale allemande            ne fallait pas commettre les mêmes er-               co-dentaire et le passage à une situation
des médecins-dentistes et de la Société            reurs qu’aux Etats-Unis où la prévention             bien maitrisée en ce qui concerne les
allemande de gérodontologie a recouru              a été pratiquement mise à l’écart. Résul-            soins. Pour l’appuyer, des soignants se-
à un langage clair et rafraîchissant pour          tat: près de 40% des médecins-­dentistes             ront formés dans les homes en qualité de
parler des évolutions de la médecine               américains n’auraient pas assez de tra-              Oral Health Care Managers (OHCM), une
dentaire: «Précédemment, la prévention             vail. La médecine dentaire doit aussi se             mesure bien accueillie par le personnel
et la restauration tiraient à la même              redécouvrir pour la prise en charge des              des institutions et par leurs directions.
corde. Mais cela n’a tenu que tant que             patients âgés. En Allemagne, chaque ca-              Le fait que des concepts nouveaux sont
la prévention en a été réduite à la portion        binet dentaire traite en moyenne 71 pa-              indispensables s’est vu confirmé par le
congrue.» Aujourd’hui, la prévention               tients dépendants. Ce serait tout à fait             Dr Giorgio Menghini de Zurich. A la diffé-
a pris de l’importance et il y a de la ba-         déraisonnable d’un point de vue écono-                rence de la gérodontologie, de notable-
garre. Ce sont surtout les générations de          mique de laisser ce secteur en friche.               ment meilleures valeurs DMFT ont été
médecins-­dentistes qui n’ont pas grandi           C’est pourquoi les médecins-dentistes                ­relevées ces dernières décennies dans le
avec une cupule de polissage et de la pâte         doivent faire preuve d’une plus grande               cadre des soins dentaires scolaires et des
à polir qui se sont sentis menacés par la          souplesse et se mettre résolument à la               écoles de recrues. Ceci est également dû à
prévention qu’ils voyaient prendre de              prévention.                                          des concepts bien élaborés (et intelligem-

Prof. Christoph Benz: «Il n’y a aucune raison de   Le Prof. Michael Bornstein a parlé des altérations   Le but poursuivi par le traitement des personnes dé­
croire que ‹gratter› soit moins académique que     des muqueuses avec l’âge.                            pendantes, c’est le contrôle des inflammations et de
‹fraiser›!»                                                                                             la douleur ainsi que le rétablissement de la capacité
                                                                                                        de mastication, a expliqué le Dr Giorgio Menghini.

                                                                                                            SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016  P
L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
744     L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE

      Le Prof. Patrick Schmidlin a incité ses consœurs     Le Prof. Anton Sculean estime qu’il ne faut recourir   Le Prof. Joannis Katsoulis a démoli le dogme selon
      et confrères présents à avoir le courage de suivre   à l’extraction que lorsque la préservation de la       lequel une prothèse amovible serait plus facile à
      des voies non conventionnelles dans leurs traite­    dent n’est ni possible, ni réaliste.                   nettoyer qu’une prothèse fixe.
      ments de médecine dentaire.

      ment mis en œuvre!). Le but poursuivi                préservation de la dentition était souhai-             ment et si la prothèse restait «à de-
      par les traitements prodigués aux per-               table également à un âge avancé moyen-                 meure» pour de longues périodes, on
      sonnes dépendantes est avant tout de                 nant une compliance raisonnable.                       constatera un effet contraire avec des
      contrôler les inflammations, de maîtriser                                                                   conséquences pathologiques pour les
      la douleur, de restaurer la capacité de               Préserver des dents parodontalement                   muqueuses concernées.
      mastication et d’avoir ainsi dans l’en-              ­compromises?                                          Si l’on prévoit une prothèse amovible pour
      semble une action positive sur leur qualité           Le Prof. Dr Anton Sculean de l’Université             des patients partiellement édentés, il faut
      de vie.                                               de Berne s’est prononcé dans son exposé               veiller à disposer de quatre piliers disposés
                                                            pour que l’on n’exclue pas d’emblée les
      Oser pratiquer des traitements non                    thérapies de résection du parodonte.
      ­conventionnels                                       Tant que le pronostic n’est pas très défa-
       Tout traitement de médecine dentaire                 vorable, la résection parodontale n’a pas
       doit s’orienter en fonction de ce que le             plus mauvaise presse que la pose d’im-
       patient peut supporter. Et l’on ne pense             plants sur l’aire concernée. La perte de
       pas seulement à l’aspect physique, mais              dents chez des patients présentant des
       aussi au cadre financier. Le Prof. Dr Patrick        parodontopathies est moindre que la
       Schmidlin de l’Université de Zurich a de-            perte d’implants selon une étude menée
       mandé à ses consœurs et confrères pré-               par le Prof. Sculean lui-même. Le point
       sents d’avoir le courage de suivre parfois           d’achoppement toutefois, ce sont des
       des voies non conventionnelles. Il a, entre          coûts cinq fois plus élevés que dans le cas
       autres, montré le traitement d’une mo-               de la pose d’implants. Cependant, la thé-
       laire supérieure au moyen d’une cou-                 rapie parodontale améliore le pronostic
       ronne CEREC, ce qui n’aurait rien eu                 à long terme des dents. Une extraction
       d’extraordinaire si aucune hémisection               ne doit intervenir que lorsque la préser-
       n’avait été pratiquée auparavant. L’ora-             vation des dents n’est plus possible ou
       teur a également montré un pont modé­                n’est plus réaliste.
       lisé en intrabuccal à l’aide de composite
       sur deux molaires ayant préalablement               Prothèses dentaires pour personnes âgées
       subi une hémisection. Le principal pro-             Peut-on réellement mieux nettoyer une
       blème de l’âge, c’est la récession d’aires          prothèse amovible qu’une prothèse fixe?
       exposées sans fluorisation depuis de                C’est à ce dogme que s’est attaqué le
       nombreuses années. Ces surfaces doivent             Prof. Dr Joannis Katsoulis de Berne. Il a              La Dr Teresa Leisebach a parlé des pièges qui sur­
                                                                                                                  viennent lors du traitement des personnes âgées:
       être comblées au moyen de composite et              ­expliqué que tel était bien le cas, mais
                                                                                                                  «Les personnes âgées n’ont que faire de titres
       non avec des matériaux de moindre qua-               seulement si la prothèse amovible était               comme ‹MDent Med UZH› ou autres abréviations
       lité. L’orateur a également précisé que la           régulièrement nettoyée à fond. Autre-                 du même acabit!»

      SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016P
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L’ACTUALITÉ EN MÉDECINE DENTAIRE             745

                                                           sonnes d’un grand âge. Les finances             complexes s’opposent dans les pires
                                                           aussi sont susceptibles de constituer une       des cas au pédantisme et à la crainte du
                                                           chausse-trappe. Contrairement à l’idée          changement. François Höpflinger a ajouté
                                                           largement répandue, une grande part de          qu’après la ­retraite nombre de nos aînés
                                                           nos aînés mènent une vie modeste. L’iné-        rencontrent également des difficultés du
                                                           galité des ressources augmente avec l’âge       fait du manque d’intérêt pour ce qui ne
                                                           ainsi que Teresa Leisebach l’a expliqué: les    fait pas partie de la profession, la diffi-
                                                           patients dépendent de plus en plus des          culté d’accepter la perte de statut social
                                                           prestations complémentaires lorsqu’ils          et du cadre temporel quotidien habituel
                                                           avancent en âge, car les soins représentent     pour n’en citer que quelques exemples.
                                                           une part importante de leur budget.             «Les aînés doivent apprendre à se libé-
                                                                                                           rer des contraintes et à se laisser aller.»
                                                           «Apprendre à vieillir, avec un grand cœur»      Ils pourraient rattraper bien des choses
                                                           L’âge et le travail ne sont que peu corré-      laissées en plan et satisfaire des désirs.
                                                           lés a affirmé le Prof. Dr François Höpflinger   Malheureusement, ce sont bien souvent
                                                            le samedi matin. Ce sociologue a expli-        les projets qui sont aux abonnés ab-
                                                            qué que les pertes de capacités dues à         sents  …
                                                            des facteurs purement biologiques entre        D’autres oratrices et orateurs se sont éga-
                                                           65 et 70 ans sont désormais l’exception.        lement exprimés au Congrès 2016 de la
                                                           Ce n’est qu’à un âge avancé que les ca-         SSO: la Dr Sandra Oppikofer de l’Université
                                                           pacités d’apprentissage et d’adaptation         de Zurich sur la communication avec les
Le sociologue Prof. François Höpflinger a dénoncé le       diminuent perceptiblement. Le travail           patients atteints de démence, le Dr Chris­
préjugé selon lequel il y aurait corrélation entre l’âge
                                                           des personnes âgées n’est guère limité          tophe Graf de Thônex sur l’alimentation
et la diminution des performances: «Les capa­cités
d’apprentissage et d’adaptation ne commencent à            que par la moindre mobilité profession-         déficiente des personnes âgées, le Prof.
décliner notablement qu’à un âge très avancé.»             nelle. D’autres facteurs limitatifs sont le     Dr Tuomas Waltimo de l’Université de Bâle
                                                           statut social et l’activité professionnelle     sur la xérostomie, le Prof. Dr Michael Born­
                                                           cloisonnée pendant de longues années.           stein de l’Université de Berne sur les alté-
de manière symétrique. Accessoirement,                     Les facteurs positifs de cette classe d’âge     rations des muqueuses avec l’âge ainsi
des implants peuvent servir de piliers.                    tels que l’expérience, la loyauté et la         que le juriste Alois Kessler de Schwyz sur le
Dans le cas d’édentation complète, le trai-                ­capacité d’apprécier des situations            devoir d’informer du médecin-dentiste.
tement standard de la mandibule doit si
possible consister en une overdenture sur
deux implants. On peut en toute sécurité
recourir à des ancrages (en or, titane ou                    Adolf Ogi dans le rôle de la bonne fée
­alliages non ferreux) au lieu des boutons
 pression classiques. Dans les régions où la                 Adolf Ogi a joué samedi matin le rôle de la bonne fée pour le tirage au sort du «Prix
 crête est très atrophiée, on peut également                 participation SSO» décerné pour la première fois à l’occasion du Congrès de la SSO. Il
 envisager de recourir à une solution vissée                 visait à motiver le plus grand nombre possible de participants à assister également au
 sur deux implants ou plus.                                  dernier jour des présentations. Beat Gontersweiler a été l’heureux gagnant d’un vélo
                                                             électrique de marque Stromer (Thömus Veloshop). Sur la photo et de g. à d.: Thomas
Les médecins-dentistes sont-ils préparés                     Binggeli de Thömus Veloshop, Beat Gontersweiler, l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi,
à recevoir des patients très âgés?                           Beat Wäckerle, président de la SSO, et Simon Gassmann, secrétaire de la SSO.
La Dr Teresa Leisebach, médecin-dentiste
 cantonale de Zurich, s’est attaquée aux
 pièges des traitements des personnes
 âgées. L’agencement et l’équipement de
 nombreux cabinets dentaires en effet ne
 conviennent pas pour le traitement des
 patients très âgés. De plus, la tendance à
 l’enjolivement des désignations des pro-
 fessions rebute de nombreux patients:
 ils ne peuvent rien tirer d’intitulés tels
 que «MDent Med UZH» ou autres ésoté-
 rismes!
Mais d’autres détails encore révèlent une
faible empathie pour ce groupe d’âge. Par
exemple, les fiches d’anamnèse sont fré-
quemment d’une lecture difficile et il n’y
a bien souvent pas de loupe au cabinet
dentaire. Et puis le patient doit se voir
­expliquer clairement certaines notions
 de compréhension difficile pour des per-

                                                                                                              SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016
                                                                                                                                                   P
L'ancien conseiller fédéral Adolf Ogi au Congrès de la SSO
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                                                                          La 20e édition de Dental Berne a été marquée
        De belles actions                                                 par une grande ­affluence de toute la branche

        à Dental Berne                                                    dentaire. 175 exposants se sont présentés
                                                                          lors de la plus importante foire-exposition
                                                                          de ­médecine dentaire en Suisse.
                                                                          Texte: Andrea Renggli, rédactrice SDJ
                                                                          Photos: Martin Bichsel, ­photographe

      En réalité, le tapis rouge était rose, du moins à l’expo Dental           la branche dentaire ont pu attirer l’attention grâce à des actions
      Berne 2016. Il menait d’un seul trait de l’entrée de la halle             remarquables».
      Bernexpo à la foire exposition dentaire, puis zigzaguait dans les         Ueli Breitschmid, président de l’ASD, était tout aussi satisfait. Il a
      travées. 175 exposants se sont présentés sous leur meilleur jour.         pu annoncer, dès l’ouverture de la foire exposition, un nouveau
      Et il y avait de quoi faire: de la live hypnose pour les patients timo-   record du nombre de visiteurs avant même de couper le ruban
      rés à un chariot de glace jusqu’à un automate de jeu, moult appa-         à l’entrée en compagnie de Beat Wäckerle, président de la SSO,
      reils à essayer et bien sûr toutes les nouveautés les plus récentes       et de ses hôtes d’honneur: le directeur de la santé publique du
      avec les dernières innovations, produits et services, et sans ou-         canton de Berne désigné Pierre-Alain ­Schnegg et le Dr Thomas
      blier d’innombrables cadeaux …                                              Grichting, CEO du Groupe Mutuel d’assurances. Alors que
                                                                                  Pierre-Alain ­Schnegg a souligné dans son allocution le rôle si
      Nombre record de visiteurs                                                  ­important du secteur de la santé dans la politique cantonale
      Un complet succès pour les organisateurs de Dental Berne 2016:              (où la médecine dentaire est injustement sous-estimée de temps
      la Swiss Dental Events AG pour le compte de l’Association patro-            à autre …), Thomas Grichting a évoqué les initiatives en faveur
      nale suisse de la branche dentaire (ASD). «Les exploitants des              d’une assurance dentaire obligatoire déposées dans plusieurs
      stands se sont donné beaucoup de peine et ce qu’ils ont offert aux          cantons. On s’est toujours, en Suisse, référé à la responsabilité
      visiteurs était exceptionnel», a remarqué Ralph Nikolaiski, orga-           propre des patients et au rapport de confiance avec le méde-
      nisateur de la foire exposition. «Même de petites entreprises de            cin-dentiste. C’est ainsi que les dépenses pour les soins buc-
                                                                                  co-dentaires en Suisse sont encore contenues dans un cadre
                                                                                ­raisonnable. Nul doute que bien des problèmes feraient leur ap-
                                                                                 parition si ces initiatives étaient acceptées. Le Groupe Mutuel
                                                                        10       d’assurances les rejette car elles provoqueraient une augmenta-
                                                                                tion des coûts.
                                                                                Beat Wäckerle et Ueli Breitschmid se sont félicités de la symbiose
                                                                                 entre la foire exposition et le Congrès de la SSO. Les échanges
                                                                                 ­réciproques entre la médecine dentaire d’une part et la branche
                                                                                  dentaire d’autre part sont en effet au bénéfice des deux parties.

                                                                                Les médecins-dentistes ont apprécié ­l’atmosphère si cordiale
                                                                                Les médecins-dentistes, assistants dentaires, assistants en pro-
                                                                                phylaxie, hygiénistes dentaires, techniciens dentaires et repré-
                                                                                sentants de la branche se sont tous réjouis de l’atmosphère de la
                                                                                foire exposition et de l’occasion qui leur était offerte de retrouver
                                                                                des connaissances. Près de 4500 visiteuses et visiteurs ont par-
                                                                                couru les stands pendant ces trois journées. L’équipe de Bernexpo
                                                                                a fait un travail remarquable. Le lieu d’exposition, Bernexpo,

                                                                                 9

      SWISS DENTAL JOURNAL SSO VOL 126 7/8 2016
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