C'est à Lire - Centre Antoine Lacassagne

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 JOURNAL DU CENTRE DE LUTTE CONTRE LE CANCER DE NICE

                                                                                                        N° SPÉCIAL 60 ANS

2021 : 60 ans du Centre Antoine Lacassagne
       et 30 ans de la protonthérapie
                     33 AVENUE DE VALOMBROSE| 06189 NICE CEDEX 2
                     TÉL. 04 92 03 10 00| FAX 04 92 03 10 10 |EMAIL : COMMUNICATION@NICE.UNICANCER.FR
                     WWW.CENTREANTOINELACASSAGNE.ORG
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SOMMAIRE
C'est à Lire - Centre Antoine Lacassagne
4
LA CRÉATION DU CENTRE
ANTOINE LACASSAGNE À NICE       P4

LES 30 ANS DE LA
PROTONTHÉRAPIE AVEC MEDICYC    P11

LE CENTRE EN QUELQUES DATES    P14

DE FORMIDABLES AVANCÉES
EN ONCOLOGIE MÉDICALE

                                       11
DEPUIS 30 ANS                  P18

L’ÉVOLUTION DE LA
CHIRURGIE DES CANCERS DU

                                                                                           19
SEIN, AVEC 33 ANS DE RECUL !   P19

QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER
DES 36 ANNÉES PASSÉES AU
CENTRE DANS MA SPÉCIALITÉ DE
CHIRURGIE ORL ?                P20

                                                     18
                                     22
                                             SOIXANTE ANS DE
                                             MÉDECINE NUCLÉAIRE AU
                                             CENTRE ANTOINE LACASSAGNE            P22

20                                           SOINS DE SUPPORT : DES
                                             PIONNIERS AUX ACTEURS
                                             D’AUJOURD’HUI                        P24

                                     26      LA RECHERCHE AU CAL, CINQ
                                             DÉCENNIES : DE L’INTERDIT
                                             ABSOLU À L’INDISPENSABLE             P26

                                             TÉMOIGNAGE D’ANCIENS
                                             PATIENTS                             P28

24
                                             TÉMOIGNAGES DE SALARIÉS              P33

                                     • 3 •                  C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S
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NAISSANCE DES CENTRES DE LUTTE CONTRE LE CANCER

La création du Centre
Antoine Lacassagne à Nice
par le Pr F.DEMARD, Directeur Honoraire
QUAND VIENT LA CÉLÉBRATION DU SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE SON OUVERTURE EN
1961 ET ALORS QUE SA NOTORIÉTÉ ET SON RÔLE DE RÉFÉRENT DANS LE DOMAINE DES
SOINS MAIS AUSSI DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE EN CANCÉROLOGIE SONT
AUJOURD’HUI RECONNUS, IL N’EST PROBABLEMENT PAS INUTILE DE S’INTERROGER SUR
LES ACTEURS ET LES DIVERSES ÉTAPES DE L’ÉDIFICATION, À NICE, DU CENTRE ANTOINE-
LACASSAGNE, L’UN DES ACTUELS 18 CENTRES RÉGIONAUX DE LUTTE CONTRE LE CANCER
EN ACTIVITÉ EN FRANCE.

Auparavant, pour une meilleure
compréhension de l’histoire de ces         ment de leurs moyens personnels.
derniers, un regard s’impose vers          Ce doit être au contraire un travail            PR FRANÇOIS DEMARD
un passé déjà lointain qui nous ra-        d’équipe, une œuvre collective                  DIRECTEUR GÉNÉRAL DU
mène à la période de la première           pourvue de moyens considérables              CENTRE ANTOINE LACASSAGNE
guerre mondiale et plus précisé-                                                              DE 1985 À 1996
                                           et exigeant la coopération de nom-
ment, en juin 1917, près de Reims,         breux techniciens… »
là où Claudius REGAUD, un jeune                                                    à cette période, du Ministère de
médecin lyonnais, est à l’origine          Voilà pourquoi, il y a maintenant       l’Hygiène, de l’Assistance et de la
d’une « Faculté de médecine sur le         un siècle, sans réglementation ni,      Prévoyance sociales.
front ». Il s’agit de la célèbre infir-    encore, de structuration juridique
merie de Bouleuse dotée, en ma-            précise, la création des centres ré-    Mise en place par ce ministre, la
tière d’urgence, d’un équipement           gionaux anti-cancéreux fut recon-       première « Commission du Cancer »
perfectionné mais, aussi, d’une or-        nue nécessaire dès le début des an-     voit, ainsi, le jour en 1922 : elle est
ganisation originale basée sur un          nées 1920, basée sur ce modèle          dirigée par Jean BERGONIÉ, un
concept nouveau, la multidiscipli-         où le traitement du cancer est per-     radiologiste bordelais, qui indique
narité médicale. Cette structure de        çu comme une affaire d’équipes          devant le Sénat, en juillet, que « ces
soins allait révolutionner, dans un        thérapeutiques : histopatholo-          Centres que nous voulons créer
temps pourtant bref (elle sera éva-        gistes, chirurgiens, radiothérapeutes   doivent être à la fois d’assistance,
cuée et totalement détruite lors de        doivent ainsi collaborer pour soi-      d’enseignement et de recherche
l’offensive allemande de mai 1918)         gner au mieux les patients cancé-       scientifique ». Cette Commission
la prise en charge des blessés de          reux. Cela tranche avec le système      formule aussi, à l’unanimité, le vœu
guerre.                                    de soins en place et heurte, à l’évi-   suivant :
La guerre achevée et précisément           dence, la logique de hiérarchie des     « …considérant qu’il est nécessaire
sur la base de l’expérience acquise        disciplines.                            d’obtenir des crédits suffisants pour
là en matière de pluridisciplinarité,                                              organiser sans retard la lutte contre
Claudius REGAUD va s’attacher au           La naissance officielle « sur le        le cancer, demande au Parlement
développement d’un modèle inno-            papier » des « Centres de Lutte         de voter les crédits indispensables
vant pour la prise en charge des tu-       anticancéreuse » est actée sous         à la création immédiate des Centres
meurs malignes :                           l’impulsion de ceux que l’on a          anti-cancéreux près les principales
« Comme l’était la chirurgie de            appelé les pères fondateurs,            Facultés de France ».
guerre, le traitement du cancer est        Claudius REGAUD en premier lieu
une affaire d’équipe thérapeutique.        mais aussi Justin GODARD, Jean          Le programme d’élaboration d’un
Il est évident que le traitement des       BERGONIÉ et le sénateur Paul            tel réseau voulu par Jean BERGO-
cancers ne pourrait pas être l’œuvre       STRAUSS, ce dernier en charge,          NIÉ est adopté par le Parlement qui
de médecins isolés, pourvus seule-

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NAISSANCE DES CENTRES DE LUTTE CONTRE LE CANCER

           JEAN BERGONIÉ                          CLAUDIUS REGAUD                              PAUL STRAUSS

vote, le 30 juin 1923, une loi accor-   non seulement être fondée sur les          Années 30
dant, pour certains des investisse-     possibilités acquises dans l’état ac-      Le 27 mars 1930, le Président
ments lourds nécessaires (appareils     tuel de la science, mais encore tenir      de la République, Gaston DOU-
de radiothérapie et achat de ra-        le plus grand compte de la valeur          MERGUE inaugure les nouvelles
dium) des subventions sur les fonds     comparée des moyens matériels et           installations qui transforment, sur
du Pari mutuel…                         des personnes qui seraient, dans           proposition de Gustave ROUSSY,
                                        le cas envisagé, chargées d’exé-           un anatomopathologiste, le service
Les buts poursuivis sont précisés et    cuter tel traitement ou tel autre Les      anti-cancéreux situé dans l’hôpital
peuvent se résumer de la façon sui-     procédés de traitement des cancers         Paul BROUSSE de Villejuif (devenu,
vante :                                 devant, dans de nombreux cas, être         en 1925, Centre Régional contre le
•Faciliter les recherches scienti-     combinés ou associés dans un cer-          cancer de la banlieue parisienne)
  fiques en ce qui concerne le can-     tain ordre, il est souhaitable que les     en un Institut de recherche et de trai-
  cer dans l’espoir d’en découvrir      indications thérapeutiques soient          tement, un ensemble de laboratoire
  un jour la cause                      établies par collaboration entre           de recherches et un secteur hospi-
•Mettre en œuvre les moyens sus-       chirurgiens et radiothérapeutes ».         talier autour d’un objet commun :
  ceptibles de perfectionner les        Les réunions de concertation mul-          le cancer. L’Institut Gustave-Roussy
  méthodes diagnostiques et de          tidisciplinaire, obligatoire de nos        était né !
  traitement                            jours, sont, ici, en toute première        Au total, à l’orée de la deuxième
•Organiser la prophylaxie du           gestation !                                guerre mondiale, la France compte
  cancer en s’adressant à la fois au                                               15 centres anti-cancéreux dont au-
  public médical et au grand pu-        Le Sénat, dans sa séance du 30             cun n’a été créé dans les mêmes
  blic.                                 janvier 1925, a adopté une propo-          conditions et dont, d’ailleurs, les
                                        sition de loi de Paul STRAUSS qui          structures et les modes de fonc-
Dans un rapport particulièrement        attribue la personnalité civile à ces      tionnement sont nécessairement
prémonitoire, Claudius REGAUD           Centres de lutte contre le cancer.         disparates.
souligne que « la complexité, le ca-    Outre la Fondation Curie créée en
ractère spécial, le prix élevé et la    1920 par Marie CURIE et Claudius           Années 40
difficulté d’application des moyens     REGAUD, structure de droit privée          Survient la Libération avec, en août
de traitement des cancers, la forme     liée à l’Institut Pasteur et à l’univer-   1944, le transfert à Paris du gou-
collective ou collaborative que re-     sité de Paris, dix centres vont, ain-      vernement d’Alger, et, parmi de
vêt de plus en plus cette thérapeu-     si, être créés entre 1923 et 1924 à        multiples conséquences, l’arrivée
tique sont des motifs puissants en      Bordeaux, Lyon, Montpellier, Tou-          d’un médecin militaire, le Docteur
faveur de l’organisation en France      louse, Strasbourg, Reims, Nantes,          AUJALEU qui appartient au cabinet
de Centres de lutte et de thérapeu-     Rennes et Caen suivis par Angers et        du Ministre de la Santé, Monsieur
tique anti-cancéreuse » et il ajoute    Marseille en 1925, Nancy en 1927           BILLOUX. Energique et déterminé,
aussi que « ces Centres doivent être    et Alger en 1928. Le centre an-            il devient, en 1945, Directeur de
avant tout parfaitement pourvus en      ti-cancéreux de la région Nord, à          l’Hygiène Sociale (future Direction
moyens matériels et en personnel ».     Lille, s’ajoute, enfin, à ces créations    Générale de la Santé) qui a compé-
Pour lui, « la décision à prendre       et existe depuis le 15 janvier 1930.       tence sur tout ce qu’on appelait, à
pour chaque cas particulier doit                                                   cette époque, les maladies sociales

                                                       • 5 •                                  C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S
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NAISSANCE DU CENTRE ANTOINE LACASSAGNE

                                           dical, l’obligation de mettre en           figure en annexe au rapport relatif
                                           place d’une véritable concertation         au plan quadriennal d’équipement
                                           pluridisciplinaire.                        sanitaire établi par le directeur dé-
                                                                                      partemental de la santé de Mar-
                                          Années 50                                   seille au début de 1953 ».
                                          Création du centre anti-cancéreux de Nice
                                          A Nice, tristement dépourvue à              Dans ce bref rapport on retrouve,
                                          cette époque d’enseignement su-             en effet,
                                          périeur, c’est ce même Docteur              - que la « commission administrative
                                          AUJALEU, toujours Directeur de                  du centre hospitalier de Nice n’a
                                          l’Hygiène Sociale, qui transmet, en             pris encore aucune délibération à
                                          août 1952, une lettre, que l’on peut            ce sujet »
                                          qualifier de « fondatrice », au Pré-        - que la « situation, localement,
             DR AUJALEU                   fet des Alpes-Maritimes. En voilà               semble assez confuse » et que
à savoir, outre le cancer, la tuber-      les termes principaux : « L’augmen-             « le corps médical ne semble pas
culose, les maladies mentales et la       tation progressive du taux de mor-              avoir fait l’unanimité »
protection maternelle et infantile et     talité par cancer montre la nécessi-        - et « qu’il ne semble pas qu’une
donc les établissements de préven-        té d’intensifier l’organisation de la           décision ait pu s’orienter en ce
tion et de soins correspondants.          lutte contre le fléau et mes services           qui concerne la possibilité des
Caractéristique complémentaire,           se proposent d’étudier les possi-               concours locaux au point de vue
ces structures, qu’il s’agisse des sa-    bilités de création, dans le cadre              financier »
natoria ou des hôpitaux psychia-          de l’ordonnance du 1er octobre              Le Dr AUJALEU conclut ainsi son
triques, sont, à l’instar des hôpitaux    1945 d’un nouveau centre anti-              courrier au Dr PASCHETTA : « s’il
militaires, dirigés par un médecin.       cancéreux dont le siège serait fixé         vous était possible de reprendre ce
Et, donc, outre cette prérogative         à Nice qui serait appelé à desser-          projet sur le plan local, j’en serais
spécifique, au ministère de la San-       vir le département des Alpes-Ma-            très heureux ».
té, elles ne dépendent pas, comme         ritimes et éventuellement la Corse.
l’ensemble des hôpitaux publics,          Il va de soi que la réalisation d’un        Cette fois, et fort heureusement pour
de la Direction des Hôpitaux, ce          tel projet est en partie subordon-          Nice et sa région, il sera entendu.
qui peut expliquer, pour partie du        né à l’apports de concours locaux
moins, certaines oppositions épi-         (départementaux ou communaux).              Rappelons qu’à cette époque, s’il
sodiques mais toujours vives dans         La participation de l’Etat aux dé-          n’y a pas de Faculté de Médecine
les années qui vont suivre…               penses afférentes à la construction         à Nice, il n’en existe pas moins
                                          et à l’installation d’un établissement      une vie médicale de qualité avec,
Le Général de Gaulle, Président           de lutte contre le cancer ne peut en        notamment une médecine libérale
du gouvernement provisoire de             effet dépasser 50 %.... Je vous se-         de bonne réputation. Son hôpital
la République française, signe le         rais obligé de bien vouloir apporter        public, qui a encore une vocation
1er octobre 1945, l’Ordonnance            un soin tout particulier à l’examen         plus ou moins d’hospice, n’est clas-
n°452221 qui dote les établisse-          de cette affaire… ».                        sé que 2ème catégorie, 1er groupe
ments anti-cancéreux, faisant donc        Cette missive, comment est-ce pos-          mais s’y développe, dans ce début
partie de cette Direction de l’Hy-        sible, n’aura, pourtant, aucune ré-         des années 50, une excellente for-
giène sociale, d’une organisation         ponse, ne déclenchera aucune ac-            mation pour les internes niçois (l’In-
précise et originale caractérisée         tion….                                      ternat de Nice existe depuis 1882,
par :                                                                                 22 ans après le rattachement à la
-la capacité juridique des établis-     Le 6 juin 1953, nouvelle lettre com-        France) en médecine, notamment
    sements d’utilité publique avec       parable du Dr AUJALEU, ici adres-           dans les services de l’hôpital Pasteur
    une autonomie de gestion recon-       sée à l’adresse privée du Docteur           que dirigent les Docteurs Paul AU-
    nue                                   Vincent PASCHETTA, électroradio-            DOLY, Henri DUPLAY ou Lucien LA-
- un statut spécifique pour les méde-   logiste niçois, dont le nom lui a été       PEYRE, mais aussi en chirurgie. Pour
    cins qui y exercent                   recommandé par un confrère de               cette dernière, la qualité reconnue
-un Conseil d’Administration prési-     ses amis auquel il s’était ouvert de        nationalement de l’enseignement
    dé par le Préfet                      l’échec de sa démarche. Dans ce             prodigué par des Maîtres tels que
- et un Directeur médecin qui a en       nouveau courrier, il ne cache pas,          les Docteurs Jean-Paul GRINDA
    main la double responsabilité à       ainsi, que : « …cette affaire ne pa-        ou Louis BARRAYA dispense leurs
    la fois médico-scientifique et ad-    rait pas avoir progressé et le seul         élèves, en fin d’études, et à l’ins-
    ministrative avec, sur le plan mé-    renseignement qui me soit parvenu           tar des internes des hôpitaux de

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ville de Faculté, d’un passage de-        la mission d’entreprendre et de
vant une commission nationale de          mener à bien les pourparlers avec
qualification. Nice est, ainsi, avec      toutes les administrations intéres-
Grenoble, la seule ville sans Faculté     sées, la sécurité sociale, les hô-             QUI SONT-ILS ?
qui permet, après 5 ans d’Internat        pitaux… L’objectif de cette petite
local, d’obtenir la qualification en      équipe ainsi constituée est de ré-
chirurgie générale.                       aliser ce Centre, certes confor-
                                          mément aux règlements vigueurs,
Revenons donc à ce projet de              mais, également très important au
Centre anti-cancéreux qui, malgré         plan local, « en tenant compte des
un intérêt évident, s’était, curieu-      intérêts de chaque organisme ».
sement, enlisé plus d’un an. Une
concertation est, sans délai, organi-    Voilà le duo fondateur constitué et
sée par Vincent PASCHETTA. Elle          dès lors les choses vont avancer
réunit le Dr GUEUTAL, alors Direc-       rapidement grâce à leur volonté
teur Départemental de la Santé, le       d’aboutir.
28 juillet autour du Maire, M. Jean
MÉDECIN, de son premier adjoint,         Et, dès novembre 1953, le proces-
le Doyen LÉPINE, le Dr SIMON,            sus de création d’un Centre An-
Adjoint à la Santé et Président du       ti-Cancéreux (CAC) à Nice est dé-         Le Dr Vincent PASCHETTA est né le 13
Syndicat des Médecins, le Dr COS-        cidé, après l’avis favorable de la        avril 1904. Il est électroradiologiste des
SA, Président du Conseil de l’Ordre      Commission supérieure du cancer,          hôpitaux de Nice et chef de service central
des médecins ainsi que Mr VALEN-         par le Ministère de la Santé.             d’électroradiologie et du service du cancer
TIN qui préside le Conseil d’Admi-                                                 de l’Hôpital St Roch. Son service comporte
nistration des hôpitaux.                 Dans le cadre du programme de
                                                                                   43 lits avec un équipement moderne
                                         financement envisagé, il est stipu-
Un mois et demi seulement, donc,         lé que l’Etat donne 50 % pour les         comprenant 2 appareils de radiothérapie
après le courrier dépité venant du       Centres nouveaux mais que son ef-         et du radium pour la curiethérapie.
ministère, tous ces principaux par-      fort atteint 60 % lorsqu’il s’agit de     C’est aussi un passionné de sa région
tenaires du domaine vont, à l’una-       la transformation de Centres exis-        notamment un grand montagnard. Son
nimité, émettre le vœu directement       tants… ce qui souligne, donc, l’inté-     intérêt pour la cancérologie est grand et
adressé au ministre, en faveur de        rêt de créer un Centre « virtuel » à St   il sera, d’ailleurs quelques années plus
la création effective, à Nice, sans      Roch. Cela, bien sûr aussi, présente      tard, à l’origine de la création du Comité
retard, d’un « centre régional anti-     l’avantage de limiter le financement      des Alpes-Maritimes de la Ligue contre le
cancéreux ».                             local puisque celui-ci passe à 15 %       cancer.
                                         au lieu de 25 %.
On devine, ici, la singulière éner-      L’Etat préconise (et le demande aux
gie et l’efficacité qui caractérisent    hôpitaux de Nice) de procéder par
la personnalité du Dr Vincent            deux étapes :
PASCHETTA car on retrouve, dans          - le Centre hospitalier accepte de
ce document de concertation, deux           céder temporairement ses locaux        Le Dr Pierre-Paul PRAT est né le 25
propositions constructives complé-          consacrés aux malades cancéreux
mentaires :                                 moyennant un loyer fictif              novembre 1906 à Nice. Il est le fils d’un
- la première serait, d’ores et déjà,   - le CAC les restituera à l’hôpital      éminent chirurgien niçois, formé à Paris et
   de transformer en centre anti-can-       après sa construction et son instal-   brillant chirurgien des hôpitaux lui-même.
   céreux le service de cancérolo-          lation définitive.                     Il est, lui aussi, également attiré par la
   gie et curiethérapie qu’il dirige à   Des plans sont, ainsi, établis pour       cancérologie et il vient sous l’égide de
   l’hôpital Saint Roch avec celui,      la transformation des deux services       l’OMS de passer trois mois au Memorial
   voisin, de chirurgie que dirige       ainsi que des locaux de consulta-         Sloan Kattering à New York. Le service
   le Dr Pierre-Paul PRAT, et cela       tions spécifiques.                        qu’il dirige comporte 80 lits avec un bloc
   comme « première étape de réa-                                                  opératoire de deux salles.
   lisation de ce centre »,              La création du Centre de lutte
- et la seconde, de se voir désigner    contre le cancer de Nice est agréée
   comme futur directeur-radiothéra-     par le Ministère par arrêté du 18
   peute accompagné du Dr Pierre-        octobre 1954.
   Paul PRAT comme chirurgien avec

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C’est le 17ème Centre créé en                   complète.                                 BERT est désigné comme Architecte
France. Conformément à leur en-                 Dans un courrier, daté du 5 avril         et il bénéficiera du soutien de Mr
gagement, Vincent PASCHETTA et                  1955, Vincent PASCHETTA rap-              LAUGIER, architecte de l’Hôpital
Pierre-Paul PRAT démissionnent de               porte ainsi certaines des craintes        Pasteur qui a, d’ailleurs, entamé les
leur centre hospitalier public dès              exprimées :                               études préliminaires.
leur entrée en fonction comme chefs             - « certains médecins avaient peur
de services de ce nouveau Centre                   que le CAC examine gratuitement        Le premier devis de l’immeuble et
anti-cancéreux en gestation.                       tous les malades inquiets et que les   des installations afférentes est pré-
                                                   cabinets médicaux se vident » …        senté lors du Conseil d’Administra-
Le 15 décembre 1954, le premier                 - les chirurgiens appartenant au         tion du 23 mars1957 ; son coût total
Conseil d’Administration du CAC,                   syndicat hospitalier pouvaient eux     s’élève à 443.245.554 francs.
complété à 9 membres, propose,                     redouter qu’un CAC soit en me-         Un emprunt est engagé auprès
à l’unanimité, que le Dr Vincent                   sure d’effectuer toutes les opéra-     de la Caisse des Dépôts et Consi-
PASCHETTA en soit le Directeur ; il                tions du cancer et que leur service    gnations d’un montant de 80 mil-
sera nommé par arrêté du Ministre                  hospitalier (ou leur clinique) en      lions de francs au taux d’intérêt de
en date du 4 février 1955.                         pâtisse…                               5.50 % ; cet emprunt est garanti par
                                                                                          le Conseil Général des Alpes-Ma-
Les premières difficultés                       Comme il se plait à le rapporter ici,     ritimes.
Plusieurs difficultés vont vite appa-           « il a fallu agir avec prudence et di-
raître. Elles concernent surtout la             plomatie, avançant, reculant selon        Devant l’ampleur d’un tel projet, le
validité de la création de ce CAC               les circonstances, heurtant de front      duo initial devient un trio avec l’ar-
à Nice et la difficulté de trouver un           aucun intérêt ».                          rivée de Pascal OCCELLI, surveil-
terrain compatible pour la construc-                                                      lant chef des services généraux du
tion nouvelle prévue.                           Il n’empêche que l’autonomie,             Centre Hospitalier de Nice lequel
                                                reconnue et accordée aux Centres          se déclare heureux de collaborer à
- d’abord la validité du concept et d’inévi-   de lutte contre le cancer, est aussi      la construction de ce futur CAC. Re-
   tables réticences                            jugée par certains, tel le Doyen          cruté en vue de la création de son
Certes, Marseille est une ville éloi-           LÉPINE, susceptible de conduire           service des achats en septembre
gnée de l’agglomération niçoise et              soit à un gaspillage financier soit       1949, et ce après une carrière de
l’obligation d’y aller pour des trai-           à une confusion dans l’activité des       17 ans dans la marine nationale,
tements spécifiques représente et               services de soins.                        M. Pascal OCCELLI sera proposé
entraîne une perte de temps préju-                                                        à l’agrément ministériel comme Se-
diciable à la guérison ainsi que des            - ensuite concernant le terrain           crétaire Administratif lors du Conseil
frais élevés.                                   La première option concerne le ter-       d’Administration du Centre le 17 no-
Néanmoins, on apprend qu’un                     rain dit « Musso », sis boulevard         vembre 1958.
délégué de la CRAM (semble-t-                   Pasteur, que la Mairie a décidé           Il prend ses nouvelles fonctions le
il téléguidé par le Pr Jean-Baptiste            d’acheter et qui serait sa contribu-      24 juin 1959.
PAOLI qui dirige le Centre anti-                tion pour la construction du futur
cancéreux de Marseille) s’est élevé             Centre. Mais il faut entreprendre les     Le Dr Vincent PASCHETTA de-
contre la création d’un Centre à                (longues) formalités d’expropriation      mande également au Conseil d’Ad-
Nice. Heureusement cette offensive              du paysan qui cultive ce terrain…         ministration de mars 1958 que le
ne semble pas faire l’unanimité                 Cela est abandonné d’abord au             Dr Pierre-Paul PRAT assure mainte-
des marseillais ; le projet de Nice             profit d’un autre terrain dit « Ti-       nant les fonctions de Directeur Ad-
reçoit, ainsi, un ferme soutien du              ranty » mais ce sera une autre op-        joint afin qu’il soit habilité, le cas
Doyen Georges MORIN qui dirige                  tion qui sera finalement retenue :        échéant, à remplacer le directeur.
la faculté de médecine de Marseille             elle est située dans l’enceinte même
et du Pr DUBOULOZ qui déclare                   de l’hôpital Pasteur. C’est le terrain    Les adjudications ont lieu en mai
qu’il y a « largement la place pour             de la Villa Colombo dont la démo-         1958 et comporte 12 lots, dont cer-
deux ».                                         lition posera l’épineux problème du       tains gérés de gré à gré, pour un
                                                relogement des internes.                  montant qui s’élève à 292 millions
Certains médecins du syndicat des                                                         de francs
hôpitaux de Nice manifestent éga-               C’est là cependant que sera
lement et parfois vivement leur in-             construit le nouveau Centre antican-      Les travaux commencent par
quiétude devant la perspective d’un             céreux de Nice                            quelques surprises lors des fonda-
nouveau centre à construire et cela                                                       tions liées à la présence inattendue
dans un cadre d’indépendance                    Pour cette édification, Honoré AU-        de rochers et de sources qui vont

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obliger à des travaux importants de
consolidation.

Ils vont se poursuivre durant l’an-
née 1959 avec une première date
prévue de livraison en juin 1960.
Un nouvel emprunt de 120 millions
soit 80 millions pour l’équipement et
40 millions pour un fond de roule-
ment est lancé auprès de la CDC.
Ces emprunts sont également ga-
rantis par le Conseil Général des
Alpes-Maritimes.

Par lettre du 6 mai 1959 le Ministre
de la Santé estime que le coût de
l’équipement du Centre qui s’élève
à 404.363.000 Frs est trop élevé et
il demande qu’il soit ramené à 200
millions. L’équipement devra donc
être réduit au matériel strictement
indispensable à l’ouverture de l’éta-
blissement ce qui revient notam-
ment à n’équiper qu’une seule salle
de radiologie et qu’une seule salle
d’opérations…
Durant l’année 1960 le planning
des travaux est globalement res-
pecté même si la date d’ouverture
est, finalement, reportée au 1er jan-
vier 1961.                               Années 60                               Cette année d’ouverture se termine-
                                         Le Centre ouvre effectivement ses       ra, en matière de confiance de la
Deux hommes efficaces vont, à            portes le 1er janvier 1961 avec         population, sous des auspices plus
cette période, intégrer et renforcer     une équipe médicale encore mo-          que favorables puisque 691 ma-
l’équipe en place :                      deste à laquelle, outre le duo mé-      lades auront bénéficié d’une hospi-
- Monsieur Michel VACELET, âgé           dical fondateur, participent le Doc-    talisation pour leur prise en charge
de 35 ans, adjoint à l’économe           teur Michel ABBES, qui d’interne        thérapeutique.
du sanatorium Armand Bernard             va devenir assistant de chirurgie       La première appellation choisie
de Menton, est nommé, le 11 juin         et quelques médecins spécialistes       pour dénommer ce nouvel éta-
1960, trésorier du CLCC.                 exerçant au Centre hospitalier de       blissement hospitalier, à savoir
- Monsieur Albert PIANCASTELLI,          Nice qui apportent, à temps par-        « Centre de Diagnostic et de Traite-
ingénieur au Centre Hospitalier de       tiel, une très efficace contribution.   ment », correspond bien à la volon-
Nice, qui a réalisé un énorme tra-       L’équipe soignante est, elle aussi,     té marquée par cette communauté
vail durant la construction et l’ins-    en devenir avec quelques figures        médicale d’en faire un institut auto-
tallation qui se termine est recruté     attachantes telles que Mimi SEYTRE      nome et performant dédié au dé-
comme ingénieur responsable des          et Gisèle LAVIGNE. Intermède per-       pistage précoce, au diagnostic et à
services techniques.                     sonnel : sur l’entremise du Docteur     la prise en charge moderne des di-
                                         PRAT, le jeune étudiant en méde-        verses thérapeutiques des cancers.
La situation définitive des tra-         cine de 3ème année à Marseille que
vaux s’élève à un montant total          je suis, déjà externe des Hôpitaux      Son inauguration officielle sera
de 410.647.210 francs, auquel il         (c’était alors un concours ouvert à     présidée par l’initiateur même de
faut ajouter le matériel amortis-        tous les étudiants en médecine !)       sa création, le Dr AUJALEU, alors
sable : cela situe, au final, le coût    viendra, cette première année, as-      Directeur général du Ministère de
total de la construction et de l’équi-   surer pour quelques semaines le         la santé publique et se déroule le
pement légèrement au-dessus de           remplacement estival de Michel          7 juin 1962 en présence de nom-
600.000.000 francs.                      ABBES…                                  breuses personnalités locales.

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                                                                                ris et qui fut Professeur au Collège
                                                                                de France (où il succéda à Claude
                                                                                BERNARD en 1941), membre de
                                                                                l’Académie nationale de Médecine
                                                                                et de l’Académie des Sciences, Pré-
                                                                                sident de la Ligue nationale contre
                                                                                le cancer entre 1956 et 1971, il sut,
                                                                                en effet, solliciter et obtenir de la
                                                                                famille de cet éminent médecin et
                                                                                chercheur de renommée interna-
                                                                                tionale (il reçut en 1962 le Prix des
                                                                                Nations-Unis « pour l’ensemble
                                                                                de son œuvre accomplie au cours
                                                                                d’une longue carrière dans le do-
                                                                                maine du cancer ») que puisse être
                                                                                attribué, à titre d’hommage, son
                                                                                nom au Centre anti-cancéreux de
                                                                                Nice. Celui-ci acquiert alors, ain-
Ce jour-là, se concrétise donc la       d’enseignement, ses amphithéâtres       si, son appellation définitive presti-
création du Centre anti-cancéreux       et sa bibliothèque, financés par        gieuse de « Centre Antoine-Lacas-
de Nice tel qu’il a été voulu par ses   tiers par l’Education Nationale, la     sagne ».
fondateurs.                             ville de Nice et le département des
                                        Alpes-Maritimes, seront disponibles     Son histoire au service de la popula-
C’est un décret en date du 22 juillet   en 1970.                                tion régionale perdure aujourd’hui ;
1965, trois ans plus tard, qui crée,                                            elle se poursuit, jour après jour, de-
à Nice, une Ecole Nationale de          Dix années après l’inauguration du      puis maintenant plusieurs décen-
Médecine dont le premier Direc-         Centre anti-cancéreux, c’est au nou-    nies, dans la même philosophie qui
teur, le Pr René BOURGEON, est          veau directeur de l’établissement le    privilégie à la fois la recherche et
chargé d’élaborer le programme          Professeur Claude LALANNE (qui a        l’innovation scientifique (la proton-
pédagogique et d’entreprendre           succédé le premier janvier 1971 au      thérapie des tumeurs en est, notam-
la construction de la future Faculté    Docteur Vincent PASCHETTA) qu’il        ment, un bel exemple) mais aussi,
sur un terrain situé dans l’enceinte    appartiendra de mener une initia-       la qualité et la disponibilité d’une
même de l’Hôpital Pasteur, à proxi-     tive qui va grandement contribuer       équipe médicale, administrative et
mité immédiate, donc, du nouveau        à la renommée nationale et interna-     technique dévouée à sa tache de
centre anti-cancéreux. L’enseigne-      tionale de son établissement.           soins au seul bénéfice des patients.
ment s’ouvre, officiellement, par       Au décès brutal, courant avril sui-
arrêté du 1er octobre 1968, dans        vant, du Professeur Antoine LACAS-          Professeur François DEMARD
des locaux temporaires pour un          SAGNE qui avait pris la succession                      Directeur Général
peu plus de 400 postulants. La tour     de Claudius REGAUD, en 1937, à               du Centre Antoine Lacassagne
Pasteur de 13 étages, ses niveaux       la tête de l’Institut du radium à Pa-                      de 1985 à 1996

C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S                         • 10 •
HISTOIRE DU CYCLOTRON MEDICYC

Les 30 ans de
la protonthérapie
MEDICYC
par Pierre Mandrillon, physicien
EN CE 17 JUIN 1991, IL Y A DONC 30 ANS, RÈGNENT UNE EFFERVESCENCE, UNE
TENSION ET UN PROFOND SENTIMENT PARTAGÉ DE VIVRE UN ÉVÉNEMENT SI LONGTEMPS
ATTENDU : LE FAISCEAU DE PROTONS DU CYCLOTRON MEDICYC EST PRÊT POUR RÉALISER                                                          PIERRE MANDRILLON
LE PREMIER TRAITEMENT DE PROTONTHÉRAPIE EN FRANCE.

Cet événement marque la fin d’une                                          s’est engagée énergiquement dans              En juillet 1977 se réunit à Saclay
Odyssée singulière commencée 19                                            ce grand projet d’un cyclotron ori-           un Conseil Scientifique présidé par
ans plus tôt en février 1972 avec la                                       ginal entièrement dédié aux appli-            Jules Horowitz qui reconnaît la vali-
rencontre entre Pierre Mandrillon,                                         cations biologiques et médicales              dité du concept et l’engagement ni-
alors jeune attaché scientifique au                                        et a maintenu une confiance sans              çois d’un accélérateur de type cy-
CERN à Genève, et Claude Lalanne                                           faille envers l’équipe scientifique et        clotron dédié à l’activité médicale.
Directeur du Centre de Diagnostic                                          technique niçoise.
et de Traitement des Cancers de                                                                                          De 1978 à 1980 se constitue,
Nice qui ne portait pas encore le                                          Je présentais en 1976 un premier              sous ma direction (alors détaché
nom d’Antoine Lacassagne. Claude                                           projet dénommé MEDICIS, le « IS »             de l’IN2P3 du CNRS), une jeune
Lalanne s’intéressait alors à la neu-                                      rappelant l’objectif de la produc-            équipe technique qui est accueillie
tronthérapie (radiothérapie avec                                           tion d’isotopes : « Trop florentin me         au sein du CERN à Genève dans
des neutrons) et envisageait l’ins-                                        dit Claude Lalanne, nous appelle-             la division du Synchro-cyclotron
tallation d’un simple générateur de                                        rons ce projet MEDICYC ».                     où elle trouva un savoir-faire ex-
neutrons. J’évoquais alors l’époque
pionnière de Berkeley avec les cir-
constances de la naissance du cy-
clotron et l’histoire unique des frères
Lawrence : Ernest, l’inventeur pres-
tigieux du cyclotron (Nobel de phy-
sique 1939) et son frère John lui mé-
decin. Ainsi alors que le cyclotron
fut inventé pour la recherche fon-
damentale en Physique, de ce fait
ses applications en médecine furent
quasi immédiates, notamment dans
la radiothérapie des cancers.

Le destin de MEDICYC s’est avéré
particulièrement chaotique*, mais
heureusement souvent marqué par
la bonne Fortune. La Direction du
Centre Antoine Lacassagne d’abord
sous Claude Lalanne qui avait visi-
té Berkeley, puis François Demard                                                     L’ÉQUIPE DE CONSTRUCTION DE MEDICYC DANS SES LOCAUX À CARROS (ALPES MARITIMES)

*Pour plus d’informations cf « Dans l’œil du Cyclotron » L’Harmattan Éditeur 2016
(www.harmattan.fr)                                                                       • 11 •                                       C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S
HISTOIRE DU CYCLOTRON MEDICYC

    VISITE DU MAIRE DE NICE PENDANT LE MONTAGE DÉFINITIF DU CYCLOTRON MEDICYC

ceptionnel et des conseils précieux             termination de poursuivre ce grand              vier 1987.
par des techniciens et ingénieurs               projet tel que voulu par l’unanimité            En mai 1987 se réunit à Nice le
de haut niveau puis, plus tard, des             des 26 membres du Conseil Scien-                24ème Congrès Européen des Cy-
mentors prestigieux tels que Fran-              tifique exceptionnel réuni à Nice le            clotrons (ECPM) sous la présidence
cis Farley et les deux prix Nobel               17 mai 1985 et présidé par Yves                 effective d’un nonagénaire étince-
Georges Charpak et Carlo Rubbia.                Cachin, président de la Commis-                 lant, le Professeur John Lawrence
                                                sion Nationale des Cancers.                     qui prend acte de la future instal-
Après la phase initiale de concep-              L’autorisation définitive d’installa-           lation définitive de MEDICYC (cf
tion de MEDICYC, le Centre Lacas-               tion est accordée au Centre Antoine             photo ci-dessous).
sagne décide en 1982 de financer                Lacassagne par le Ministère de la               Après l’obtention d’un permis de
la construction de la pièce maitresse           Santé par arrêté en date du 7 Jan-              construire, accordé le 5 juin 1986,
du cyclotron : l’électro-aimant de
130 tonnes permettant d’atteindre
l’objectif d’une énergie voisine
de 65 MeV pour un faisceau de
protons. Il reçoit l’autorisation ex-
ceptionnelle d’être provisoirement
installé au CERN afin d’effectuer
les indispensables campagnes de
mesures magnétiques. Il y reste-
ra jusqu’en février 1985 pour re-
joindre des locaux industriels loués
à Carros pour réaliser l’assemblage
final de tous ses composants.

Le 1er juillet 1985 le Pr François
Demard succède à Claude Lalanne
à la Direction du Centre avec la dé-             CLAUDE LALANNE (AVEC LE MICRO), JOHN LAWRENCE, PIERRE MANDRILLON ET FRANÇOIS DEMARD

C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S                                     • 12 •
HISTOIRE DU CYCLOTRON MEDICYC

les travaux de terrassement du fu-
tur bâtiment d’accueil débutent en
Janvier 1988 sur un terrain excep-
tionnel situé sur la colline de la Lan-
terne. Sa construction, sous la férule
rigoureuse d’Alain Faraut (OTB),
respectera les délais et les coûts
prévisionnels et le cyclotron rejoin-
dra son site définitif le 2 mars 1989.
Commencent alors le montage final
du cyclotron avec l’objectif priori-
taire de la protonthérapie oculaire,
l’étude du transport de faisceau par
Francis Farley et la réalisation des
voies de faisceau jusqu’à la salle de
traitement.

Les premiers essais d’injection du
faisceau dans le cyclotron débutent
en juin 1990 et le premier faisceau
haute énergie est extrait du cyclo-                                                   ARRIVÉE SUR LE SITE DE LA LANTERNE LE 2 MARS 1989
tron le 3 décembre 1990. Le 26
avril 1991 le faisceau extrait est                 et avec une tolérance parfaite.         DICYC, sa possibilité d’accélé-
transporté, pour la première fois,                 Aujourd’hui, à côté du cyclotron        rer différents types de particules à
dans la salle de protonthérapie.                   MEDICYC, toujours en fonctionne-        des énergies variables, permettent
                                                   ment sans défaillance, a été instal-    d’entrevoir des applications dans
La première séance de protonthé-                   lée un nouvel accélérateur du type      le domaine de la production des
rapie réalisée en France a lieu à                  synchro-cyclotron supraconducteur       radioisotopes pour la médecine,
Nice 17 juin 1991 sous la direction                (S2C2™) fruit de la collaboration       activité déjà initiée à Nice pour la
du Dr Pierre Chauvel, radiothéra-                  entre la société niçoise AIMA DE-       production de Fluor 18 de 2002 à
peute, assisté de deux physiciens                  VELOPPEMENT et la Société belge         2010.
médicaux Nicole Brassard et Joel                   IBA. La haute énergie (226 MeV)         Un exemple significatif fut la R&D
Hérault. Elle concerne une patiente                de ce prototype permet l’irradiation    engagée en 2015 sur la possible
de 57 ans habitant la région borde-                des tumeurs profondes.                  production d’isotopes tels que le Lu-
laise qui subira au total 4 séances                                                        tétium 177, aujourd’hui riche d’ave-
d’irradiation successives sans aléa                La particulière flexibilité de ME-      nir pour la théranostique.

                                                                                           Quant à la radiothérapie vers des
                                                                                           particules plus lourdes que les pro-
                                                                                           tons, la société AIMA DEVELOP-
                                                                                           PEMENT étudie la possibilité d’ac-
                                                                                           célérer des ions Helium permettant
                                                                                           des irradiations plus précises et plus
                                                                                           efficaces en profondeur. Un projet
                                                                                           dénommé IThAC reposant sur un
                                                                                           accélérateur très compact est ainsi
                                                                                           en cours de développement.
                                                                                                        Pierre MANDRILLON
                                                                                                      Concepteur de MEDICYC
                                                                                                                  et du S2C2™
                                                                                               (accélérateur du Proteus® One)
                                                                                                                 et actuel PDG
                                                                                                       d’AIMA Développement
  SALLE DE TRAITEMENT DE PROTONTHÉRAPIE OCULAIRE

                                                                • 13 •                                  C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S
LE CENTRE EN QUELQUES DATES

                                     1ER JANVIER 1961                                                   1961 - 1970
                                    OUVERTURE DU CENTRE DE                                         DR VINCENT PASCHETTA
                                                                                                        DIRECTEUR GÉNÉRAL
                                  DIAGNOSTIC ET DE TRAITEMENT
                                 (CONSTRUCTION DU BÂTIMENT A)

                                       1989                                                 1987
                                                                                    OUVERTURE DE L’HÔPITAL
                               INAUGURATION LABORATOIRE
                                                                                   DE JOUR ET D’UNE UNITÉ DE
                                  ONCO-PHARMACOLOGIE
                                                                                        SOINS INTENSIFS

                                                                1989                                  17 JUIN 1991
                  1987-1989                                                                        PREMIER PATIENT TRAITÉ EN
            CONSTRUCTION DU BÂTIMENT C                MISE EN PLACE DU CYCLOTRON
                                                                                                  FRANCE EN PROTONTHÉRAPIE
            SITE OUEST AV DE LA LANTERNE                    SUR LE SITE OUEST
                                                                                                    BASSE ÉNERGIE POUR UN
                                                             ET TEST FAISCEAU
                                                                                                  MÉLANOME DE LA CHOROÏDE

C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S                              • 14 •
LE CENTRE EN QUELQUES DATES

                                               1970 - 1985                                    1971
   8 JUIN 1962                              PR CLAUDE LALANNE                      LE CENTRE DE DIAGNOSTIC ET DE
   INAUGURATION                                DIRECTEUR GÉNÉRAL
                                                                                   TRAITEMENT DEVIENT LE CENTRE
     DU CENTRE
                                                                                        ANTOINE LACASSAGNE

    1985 – 1996                               1980                                     9 FÉVRIER 1977
PR FRANÇOIS DEMARD                       OUVERTURE DE LA                               INAUGURATION DE LA
   DIRECTEUR GÉNÉRAL                FONDATION VINCENT PASCHETTA                      SURÉLÉVATION DU CENTRE
                                            (BÂTIMENT B)                                  (BÂTIMENT A)

                       1994                                                  1995
                                                                     PREMIER PATIENT INCLUS                   1996 – 2001
          OUVERTURE DE L’UNITÉ PROTÉGÉE                                                                  PR JEAN-NOËL BRUNETON
                                                                   DANS UNE ÉTUDE CLINIQUE VIA
             AU B4 POUR L’ACCUEIL DES                                                                          DIRECTEUR GÉNÉRAL
                                                                   UNE STRUCTURE DÉDIÉE POUR
          PATIENTS EN ONCO-HÉMATOLOGIE
                                                                          LA RECHERCHE

                                                         • 15 •                                   C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S
LE CENTRE EN QUELQUES DATES

                   2001 – 2009
              PR JEAN-PIERRE GÉRARD                     2006                            2009
                   DIRECTEUR GÉNÉRAL          CRÉATION DU DÉPARTEMENT DES            EXTENSION DE
                                                    SOINS DE SUPPORT         LA RADIOTHÉRAPIE – BÂTIMENT B

                        2014                             2014 – 2019                             2013
            ACQUISITION DE LA CONSOLATA,                 JOËL GUIGAY                           OUVERTURE
            MAISON D’ACCUEIL HOSPITALIÈRE                DIRECTEUR GÉNÉRAL                DE L’HÔPITAL DE JOUR
                                                                                           SOINS DE SUPPORTS

                        2016                                                                    2018
             INAUGURATION DE L’INSTITUT
                                                             2017                    OUVERTURE PLATEAU D’IMAGERIE
                                                      CRÉATION DE L’UNITÉ           DIAGNOSTIQUE ET INTERVENTIONNEL
                 MÉDITERRANÉEN DE
                                                      DE PHASES PRÉCOCES              3D AVEC L’ACQUISITION DE DEUX
                  PROTONTHÉRAPIE
                                                                                             TOMOSYNTHÈSES

C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S                       • 16 •
LE CENTRE EN QUELQUES DATES

        2009 – 2014                        2011                                        2011
        JOSÉ SANTINI                                                       LABELLISATION DE CENTRE DE
                                   CRÉATION DE L’INSTITUT
       DIRECTEUR GÉNÉRAL                                                   RECHERCHE CLINIQUE PAR LA
                                UNIVERSITAIRE DE LA FACE ET DU
                                                                          DGOS, EN PARTENARIAT AVEC LE
                                         COU (IUFC)
                                                                                   CHU DE NICE

            2012                                                                       2012
     INSTALLATION D’UNE
                                           2012                        OUVERTURE DE LA CLINIQUE DU SEIN QUI
                                 INSTALLATION D’ UNE CAMÉRA             DEVIENDRA L’INSTITUT UNIVERSITAIRE
      TOMOTHÉRAPIE EN
                                  TEP EN MÉDECINE NUCLÉAIRE                DU SEIN ET DE CANCÉROLOGIE
       RADIOTHÉRAPIE
                                                                             GYNÉCOLOGIQUE EN 2017

                                            2019
                                   CRÉATION DU DÉPARTEMENT
                                       D’EPIDÉMIOLOGIE,
                           DE BIOSTATISTIQUE ET DES DONNÉES DE SANTÉ

                                           2020                                         2020
                                    852 PATIENTS INCLUS DANS
      DEPUIS 2019                                                                65 982 CONSULTATIONS -
PR EMMANUEL BARRANGER              DES PROJETS DE RECHERCHE
                                                                              843 SALARIÉS - 108 MÉDECINS -
     DIRECTEUR GÉNÉRAL            PRÈS DE 1200 PROFESSIONNELS            6131 PATIENTS PRIS EN CHARGE - 197 LITS
                           DE SANTÉ FORMÉS PAR LES EXPERTS DU CENTRE

                                                   • 17 •                                C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S
EVOLUTION DES PRISES EN CHARGE

De formidables avancées en oncologie
médicale depuis 30 ans
                                         Mais bien sûr, l’essentiel des pro-       bouchera sur l’apparition d’autres
                                         grès a été réalisé avec l’arrivée de      thérapies ciblées.
                                         thérapies innovantes des cancers.         Enfin plus récemment encore sont
                                         Dans les années 90 seules deux            apparues des anticorps qui visent
                                         options de traitements médicamen-         à démasquer les cellules tumorales
                                         teux étaient proposées : la chimio-       vis-à-vis de leur reconnaissance par
                                         thérapie et l’hormonothérapie dans        le système immunitaire de l’orga-
                                         les cancers du sein et de la prostate.    nisme et leur destruction par les lym-
                                         Une première porte fut ouverte avec       phocytes tueurs. Ces médicaments
                                         l’arrivée de l’interleukine 2 à la fin    ont permis de faire des progrès
                                         des années 90. C’était la première        considérables dans certaines tu-
                                         immunothérapie, traitement efficace       meurs jusqu’alors très résistantes aux
                                         dans certains cas mais très lourd et      traitements classiques comme les
                                         difficile à utiliser. Mais le concept     cancers du poumon, de la sphère
                                         d’immunothérapie était né.                ORL ou urologiques.
          PR JEAN-MARC FERRERO           Cette nouvelle ère thérapeutique          A côté de ces développements thé-
                                         a vraiment vu le jour au tout début       rapeutiques, l’analyse des gènes
                                         des années 2000 avec l’arrivée du         des cellules tumorales nous a
L’ÉVOLUTION DE L’ONCOLOGIE MÉDICALE
                                         premier anticorps monoclonal hu-          conduit également à mieux com-
A ÉTÉ CONSTANTE AU COURS DE CES          manisé dans traitement du cancer          prendre les mécanismes intimes de
TRENTE DERNIÈRES ANNÉES. ELLE S’EST      du sein. Ce traitement était dirigé       la cellule cancéreuse et à mieux
FAITE TANT AU NIVEAU DES TRAITEMENTS     contre sa cible spécifique, le récep-     identifier le pronostic de chaque tu-
PROPOSÉS QUE DE LA PRISE EN CHARGE       teur HER2. La révolution thérapeu-        meur aboutissant au concept de mé-
                                         tique était en marche. Jusque-là, la      decine personnalisée. Il s’agit d’éta-
GLOBALE DES PATIENTS. JE SUIS ARRIVÉ
                                         chimiothérapie tuait les cellules can-    blir une carte d’identité de chaque
COMME MÉDECIN DES CENTRES DE LUTTE       céreuses mais aussi beaucoup de           tumeur afin d’adapter le traitement
CONTRE LE CANCER EN 1991 AU CENTRE       cellules saines, grâce ce nouveau         adjuvant c’est-à-dire celui qui vise à
ANTOINE LACASSAGNE. A CETTE ÉPOQUE       traitement nous pouvions montrer          éviter une récidive. Pour ce faire, le
LA PLUPART DES TRAITEMENTS SE FAISAIT    qu’un médicament pouvait n’être           concept de « signature génomique »
                                         actif que sur des cellules malades        qui tend à se généraliser permet de
LORS DE PHASES D’HOSPITALISATION. :
                                         grâce au concept de « cible théra-        faire du « sur mesure » pour chaque
LE PATIENT RESTAIT PLUSIEURS JOURS À     peutique ». A côté de la chimiothé-       patient par rapport à la pathologie
L’HÔPITAL. LES CHIMIOTHÉRAPIES ÉTAIENT   rapie et de l’hormonothérapie, une        qu’il présente.
COMPLEXES, SOUVENT LONGUES, LES EFFETS   troisième voie était possible : la thé-   Le cancer n’est certes pas encore
SECONDAIRES DIFFICILES À TRAITER, LE     rapie ciblée.                             vaincu, mais la formidable éclo-
                                         A partir de là, l’essor des traitements   sion de nouvelles thérapeutiques is-
CONTEXTE ANGOISSANT ET LES SUCCÈS
                                         ciblés en fonction des mutations          sues de la recherche, l’élaboration
THÉRAPEUTIQUES BEAUCOUP PLUS RARES       génétiques des cellules favorisant        de combinaisons thérapeutiques, le
QU’AUJOURD’HUI.                          l’apparition d’un cancer (oncogé-         développement de nouveaux outils
                                         niques) représente l’un des princi-       tels que les imageries métaboliques,
En dix ans nous avons pu observer        paux changements de paradigme             pourront permettre une médecine
l’explosion des traitements en am-       en oncologie des 10 dernières an-         de précision encore plus efficace et
bulatoire (dans la journée), ce qui      nées. De multiples altérations onco-      moins toxique. Toutes ces raisons ex-
a nécessité l’extension constante        géniques ont été identifiées dans la      pliquent l’enthousiasme des jeunes
des capacités de l’hôpital de jour et    plupart des tumeurs solides, y com-       médecins et des chercheurs pour
l’apparition du concept de soins de      pris de l’enfant. Une grande partie       cette spécialité que l’on appelle
support qui englobe l’ensemble des       des données, provenant notamment          l’oncologie médicale au service de
thérapies médicamenteuses ou pas,        des programmes de caractérisation         nos patients.
visant à mieux prendre en charge les     des informations génétiques des                      Pr Jean-Marc FERRERO
conséquences physiques et psycho-        cellules comme le Cancer Genome                         Chef du Département
logiques des traitements.                Atlas, reste à exploiter ce qui dé-                    d’Oncologie Médicale

C ’ E ST À L I R E 6 0 A N S                           • 18 •
EVOLUTION DES PRISES EN CHARGE

L’évolution de la chirurgie des cancers du sein,
avec 33 ans de recul !
                                           D’abord réservée aux tumeurs de
                                           petite taille (
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