L'apparence : atout ou obstacle ? Influence du style vestimentaire sur l'attractivité d'une personne.
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L’apparence : atout ou obstacle ? Influence du style vestimentaire sur l’attractivité d’une personne. Lucile JULHAN, Sami KSIBII SAHLI, Angélique LAMOINE, Céline LEGENDRE. RESUME Dans cette étude, nous nous sommes penchés sur l’attractivité d’une personne en fonction de son style vestimentaire. Nous proposons une interaction entre les catégories d’âge et l’attractivité. Plus précisément, nous avons émis l’hypothèse que le score moyen d’attractivité attribué par la population étudiante serait le même pour la femme vêtue de manière classique et pour la femme vêtue de manière déviante alors que chez la population active, la femme vêtue de manière déviante se verrait attribuer un score moyen d’attractivité plus faible que la femme vêtue de manière classique, qui serait encore plus faible chez les seniors. Afin de confirmer cette hypothèse, nous avons effectué une étude auprès de personnes appartenant aux différentes tranches d’âge concernées. On leur montrait une photographie d’une femme avec un style soit classique soit atypique. Ensuite, ils remplissaient un questionnaire qui permettait de mesurer l’attractivité de la personne observée. Nos résultats montrent que la population étudiante ne fait aucune différence entre les deux photographies alors que les actifs font une différence significative qui est encore plus accentuée chez des seniors. INTRODUCTION Dans le cadre de notre TD de psychologie interculturelle, nous nous sommes intéressés aux notions de discrimination, de stéréotypes et de préjugés. Remarquant que dans la société actuelle, le paraître occupait une place prépondérante, nous avons réalisé une étude portant sur l’attractivité d’une personne. Celle-ci peut être définie comme une attitude positive, réciproque ou non, d’une personne à l’égard d’une autre personne. Historiquement, l’apparition de certains mouvements tels que le mouvement punk à la fin des années 70 a favorisé l’émergence de nouveaux styles. Ces derniers ont conduit au développement de multiples stéréotypes et préjugés (association à la violence, agressivité, débauche, rébellion, vandalisme). Un stéréotype est, en effet, un ensemble de croyances (partagées) par n’importe quel groupe de personnes. Le préjugé est défini par Allport (1954) comme une attitude négative ou une prédisposition à adopter un comportement négatif envers un groupe, ou envers les membres de ce groupe, qui repose sur une généralisation erronée et rigide. Stéréotypes et préjugés nous touchent dès notre plus jeune âge, nous y sommes constamment confrontés, notamment les femmes. En effet, en 1983 Brown et France ont montré que dès l’école maternelle, de nombreuses remarques concernant l’apparence physique étaient faites, essentiellement aux filles. De plus, Eagly, Ashmore et al., (1991) affirment que nous sommes tous, même inconsciemment, physionomistes. Dans leur étude, ils concluent que nous associons des stéréotypes positifs aux visages séduisants et des stéréotypes négatifs aux non séduisants. 57
Dion et al., (1972) vont même plus loin en démontrant que nous attribuons des compétences sociales supérieures aux personnes attirantes et nous jugeons qu’elles possèdent des caractéristiques personnelles et sociales plus désirables. Ceci correspond à l’effet de Halo qui est un biais cognitif affectant la perception que l’on a des gens. Il a été mis en évidence par le psychologue social Edward Thornike en 1920. Une caractéristique jugée positive à propos d’une personne a tendance à rendre plus positives les autres caractéristiques de cette personne, même sans les connaître (et inversement pour une caractéristique négative). Aux vues de ces recherches, nous avons axé notre étude sur l’attractivité d’une femme, en fonction de son apparence (vêtements, coiffure, maquillage). Nous définirons l’apparence comme ce qui se présente à la vue. Les femmes étant plus sujettes aux stéréotypes et préjugés (d’après l’étude de Brown et France énoncée précédemment), nous nous sommes concentrés sur le jugement porté sur elles. Contrairement aux recherches antérieures, portant essentiellement sur la beauté physique, nous avons réalisé une étude sur un critère plus générale : l’apparence. Nous avons utilisé deux photographies : une femme vêtue de manière classique et un femme vêtue de manière déviante. De plus, nous différencions trois catégories d’âge pour les participants (personnes jugeant la femme) : étudiants, actifs et retraités. Ainsi, nous supposons que le jugement porté sur une femme dépendrait de son apparence et de l’âge des personnes qui la jugent. Plus précisément, nous avons émis l’hypothèse que le score moyen d’attractivité attribué par la population étudiante serait le même pour la femme vêtue de manière classique et pour la femme vêtue de façon atypique alors que chez la population active, la femme vêtue de manière atypique se verrait attribuer un score moyen d’attractivité plus faible que la femme vêtue de manière classique, qui serait encore plus faible chez les seniors. METHODE Participants : Quatre vingt seize sujets ont participé à notre expérience, répartis en 3 tranches d’âge : étudiants âgés de 17 à 29 ans (m = 20.4 ans, écart-type=2.74), actifs âgés de 28 à 59 ans (m = 40.8 ans, écart-type=9.80) et retraités âgés de 60 à 79 ans (m = 68.4 ans, écart-type=5.00). Tous les participants étaient originaires de Clermont-ferrand, choisis aléatoirement et n’ont pas été rémunérés. Dans chaque tranche d’âge (étudiants, actifs, retraités), le nombre d’hommes et de femmes était égal. Les étudiants ont été interrogés à la Bibliothèque Universitaire de Gergovia, les actifs et les retraités, place de Jaude. Matériel : Nous avons utilisé un questionnaire de 20 items, à échelle de type Lickert. En effet, l’attractivité était mesurée grâce à une échelle allant de 1 (pas du tout d’accord) à 7 (totalement d’accord). Exemple : Je trouve cette personne plaisante Pas du tout 1 2 3 4 5 6 7 tout à fait 58
Nous avions 8 items codés négativement : les n° 2, 3, 5, 8, 9, 12, 18, et 20. Pour les besoins de l’expérience, deux photos de la même personne ont été utilisées : Une représentant la femme vêtue de manière classique (voir annexe 3) Une représentant la femme vêtue de manière atypique (voir annexe 2) Dans chaque condition était présentée une photographie de pied associée au portrait. Procédure : Nous avons interpellé les individus en leur demandant de répondre à notre questionnaire le plus honnêtement possible. Il n’y avait pas de limite de temps. Nous avons respecté les règles de l’anonymat, et avons simplement demandé aux participants de préciser leur âge et leur sexe. Avec chaque questionnaire était fournie la photographie correspondante à la condition expérimentale proposée. RESULTAT Aux vues des résultats présentés sur la figure 1, on peut conclure que notre hypothèse est validée. En effet, nous observons une interaction significative entre les tranches d’âge et le type de photographies sur le degré d’attractivité (F (1,90) = 11.480 ; p < 0.001). Figure 1 : Interaction entre le type de photographies et l’âge des participants sur l’évaluation d’attractivité. 7 ,0 6 ,0 5 ,0 4 ,5 4 ,6 4 ,6 Score moyen d'attractivité 4 ,0 4 ,2 3 ,7 3 ,0 2 ,6 2 ,0 typ e d e photo c lassi que 1 ,0 a typique é tudia nts a ctifs s enior tranche d' age 59
Plus précisément : • En ce qui concerne la population étudiante, le score moyen de l’attractivité est quasi similaire quelque soit la condition expérimentale (m classique = 4.51, m atypique = 4.59 avec F (1,30) = 0.122 et p = 0.730). • Pour la population active, on remarque une différence significative du score moyen d’attractivité selon le style vestimentaire de la femme ( m classique = 4.58, m atypique = 3.74, avec F (1,30) = 6.899 et p = 0.006). Ils évaluent donc plus positivement la femme vêtue de manière classique que la femme vêtue de manière atypique. • On observe cette même différence significative du score d’attractivité chez les seniors mais plus accentuée (m classique = 4.25, m atypique = 2.64, avec F (1,30) = 49.94 et p < 0.001). Remarque : il nous semble important de stipuler que quelque soit la tranche d’âge des participants, la moyenne d’attractivité accordée à la femme vêtue de manière classique reste stable autour de 4.5. DISCUSSION L’étude que nous avons menée visait à montrer que l’apparence physique (et le style vestimentaire associé) avait un impact sur le jugement porté par autrui. Notre expérience était ciblée plus précisément sur le jugement porté sur une femme, et son évaluation selon l’âge des participants. Nous remarquons ainsi, conformément à notre hypothèse de départ, qu’il existe une différence entre le score d’attractivité porté sur la femme de style classique et celui de la femme de style atypique. Si aucune différence significative n’est observée (concernant la mesure de l’attractivité entre les deux photographies) au sein de la population étudiante, elle le devient chez la population active et chez les seniors. L’existence des préjugés apporte un début de réponse aux différences observées. En effet, les préjugés impliquent le rejet de « l’autre » en tant que membre d’un groupe envers lequel on entretient des sentiments négatifs. Précisons que les préjugés se situent au niveau des jugements cognitifs et des réactions affectives. Ainsi, la différence significative observée chez les actifs et les seniors est due à un biais pro-endogroupe. Ils auront en effet tendance à s’identifier plus fortement à la femme vêtue de manière classique. Les différences de moyennes peuvent aussi s’expliquer par l’effet de halo. On peut supposer que suite à des préjugés, les participants attribuent une caractéristique négative à la femme au style atypique et donc, par conséquent, en attribuent d’autres. Clifford (1975) a montré dans son expérience qu’une personne était jugée plus ou moins intelligente selon son attrait physique, par application de l’effet de halo. En règle générale, les individus se définissent selon un processus fondamental : la catégorisation sociale. Grâce à elle, nous divisons la réalité en catégories, et les individus comme appartenant à des groupes. Ainsi, nous distinguerons « notre groupe » et « les autres ». On peut alors parler de différenciation catégorielle qui mène à l’identité sociale. Elle est définie par Tajfel comme une partie du concept de soi d’un individu liée à la connaissance de son appartenance à certains groupes sociaux ainsi qu’à la signification émotionnelle et évaluative qui résulte de cette appartenance. 60
Ainsi, appliquées à notre étude, ces notions fondamentales influencent les choix des individus. Les participants jugent plus positivement la personne en laquelle ils se reconnaîtront le mieux. Nos résultats permettent de conclure que, par la vision d’une photographie, des jugements sont portés, et ceux-ci diffèrent par simple changement de style vestimentaire. Notre étude trouve tout son intérêt dans le fait qu’elle s’intéresse à l’unique changement de style vestimentaire sur une même personne, contrairement aux recherches précédentes qui ne considéraient pas cet attribut. Néanmoins, certains problèmes sont à considérer : l’âge de la personne photographiée se rapproche plus de celui des étudiants. Cette distinction peut avoir influencé leur choix. Ils se sentent proches d’elle, appartenant au même groupe défini par l’âge. De plus, la désirabilité sociale peut être prise en compte dans le jugement porté. Les participants peuvent, en effet, biaiser leurs propres réponses dans un souci de plaire à l’examinateur. Enfin, notre expérience se portait sur la photographie d’une femme. Obtiendrions-nous les mêmes résultats avec la photographie d’un homme ? Aussi, si un style vestimentaire autre que celui proposé était mis en jeu, la différence serait-elle toujours significative ? Une prochaine étude pourrait nous permettre d’approfondir ces interrogations. REFERENCES Allport,Gordon (1954). The Nature of Prejudice. Addison-Wesley. Baudouin, J.Y, Tiberghien, G. (2004).Séduction du visage et interactions sociales. Dans ce qui est beau…. est bien. PUG Bourhis, R.Y., Gagnon, A., & Moïse, L.C. (1994). Discrimination et relations intergroupes. In R.Y. Bourhis et J.P. Leyens (Éds.). Stéréotypes, discrimination et relations intergroupes (pp. 161-200). Sprimont, Belgique : Mardaga. Dion, K., Berscheid, E., & Walster, E. (1972). What is beautiful is good. Journal of Personality & Social Psychology, 24, 285-290. Eagly, A. H., Ashmore, R. D., Makhijani, M. G., & Longo, L. C. (1991). What is beautiful is good, but…: A meta-analytic review of the physical attractiveness stereotype. Psychological Bulletin, 110, 109-128. Michinov, E. (1996). L’attraction interpersonnelle : un concept en évolution. Dans les cahiers de Psychologie Sociale. Edition de l’université de Lièges. Site internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_de_halo 61
ANNEXE 1 Questionnaire anonyme Ceci est un questionnaire totalement anonyme. Merci de répondre le plus sincèrement possible. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, nous vous demandons simplement d’indiquer vos opinions spontanées et sincères. Pour chaque énoncé, nous vous demandons d’exprimer le degré d’accord ou de désaccord, tous les énoncés sont en rapport avec la photo présentée précédemment. Pour ce faire, veuillez entourer le chiffre correspondant à votre opinion sur les échelles à 7 chiffres selon l’exemple suivant : Non, pas du tout d’accord 1 2 3 4 5 6 7 Totalement d’accord Par exemple on vous propose l’énoncé suivant : Le sport permet d’évacuer les tensions 1 2 3 4 5 6 7 1 - Je trouve cette personne plaisante. 1 2 3 4 5 6 7 2 - Je n’ai pas envie de connaître cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 3 - Cette personne ne m’inspire pas du tout confiance. 1 2 3 4 5 6 7 4 - Cette personne me laisse indifférente. 1 2 3 4 5 6 7 5 - Je n’ai pas envie de côtoyer cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 6 - Je pourrais m’identifier à cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 7 - J’aimerais avoir cette personne comme voisine. 1 2 3 4 5 6 7 8 - Cette personne m’inspire le dégoût. 1 2 3 4 5 6 7 62
9 - Je ne me sentirais pas en sécurité avec cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 10 - J’aimerais collaborer avec cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 11 - Lors d’une soirée, j’aborderais cette personne spontanément. 1 2 3 4 5 6 7 12 - Je n’apprécie pas cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 13 - Cette personne me renvoie un ressenti agréable. 1 2 3 4 5 6 7 14 - J’aimerais avoir cette personne comme collègue de travail. 1 2 3 4 5 6 7 15 - Cette personne pourrait être une de mes amies. 1 2 3 4 5 6 7 16 - Cette personne ne me semble pas agressive. 1 2 3 4 5 6 7 17 - Lors d’un voyage en train, je confierais mes affaires à cette personne pendant 5 min. 1 2 3 4 5 6 7 18 - Cette personne ne me semble pas sérieuse. 1 2 3 4 5 6 7 19 - Je me sens proche de cette personne. 1 2 3 4 5 6 7 20 - Cette personne ne me semble pas compétente. 1 2 3 4 5 6 7 Sexe: F - M Age: …… Merci de votre participation. 63
ANNEXE 2 : photographies style atypique 64
ANNEXE 3: photographies style classique 65
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