L'AVÈNEMENT Litiges commerciaux : DIRECTION JURIDIQUE - Fierville Ziadé
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N° 67 – juillet 2020 Supplément de la Lettre des Juristes d’Affaires n°1453 du 20 juillet 2020 DIRECTION CABINETS JURIDIQUE D’AVOCATS Une nouvelle L’accélération organisation post-Covid de leur transformation LE MAGAZINE Litiges commerciaux : L’AVÈNEMENT DES MARC
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EN ACCÈS LIBRE Tous les 2 mois, LJA Le Magazine vous apporte un éclairage sur les • L’actualité de la profession grandes tendances de la profession et la vie des acteurs du droit des affaires. et de son environnement • Le fil de Dernière minute • Le Billet de la rédaction Tous les jours, consultez en version numérique vos numéros • Les fiches pratiques via l’appli mobile LJA et accédez aux contenus web réservés « Manager et communiquer » aux abonnés sur son site dédié. / décembre 2019 2019 du 25 novembre N° 63 – novembre d’Affaires n°1422 la Lettre des Juristes Supplément de AVOCAT La lettre a À tout moment, retrouvez l’actualité n Doit-il gérer la réputatio de son client ? des juristes d’affaires DIRECTIONS LE MAGAZINE JURIDIQUES 21 janvier 2019 - N° 1381 - du monde des ISSN 1143-2594 Les nouveaux métiers Le cabinet londonien Signature Litigation s’implante à Paris avec l’équipe de Thomas Rouhette affaires sur www.lja.fr A lors que plusieurs firmes amé- Cette semaine ricaines tentent actuellement d’accéder au marché parisien, ■ Fonctions liées c’est un cabinet britannique qui se place à la compliance : sous les projecteurs en annonçant son quelle rémunération et ouverture dans la capitale, au 118 avenue quelles missions ? (P. 2) des Champs Elysées. L’implantation de ■ Serge Pelletier et son Signature Litigation est permise grâce au équipe fondent le cabinet recrutement d’une équipe de quinze per- Rescue (P. 4) LJA_AP-LJA_A4_01-20 sonnes, réunies autour de la personnalité ■ Pauline Bournoville vient de Thomas Rouhette et de ses deux asso- développer la pratique ciées Sylvie Gallage-Alwis et Emmanuèle restructuring d’Herbert Sylvie Gallage-Alwis, Emmanuèle Lutfalla et Thomas Rouhette Lutfalla. Les deux premiers sont issus du Smith Freehills (P. 5) cabinet Hogan Lovells au sein duquel ils leur décision de s’engager dans un nou- ■ Quelle « langue » pour portaient l’équipe litigation et la pratique quel « expert » ? (P. 8) veau projet. « Nous ouvrons à Paris product liability à l’international. Au sein un type de cabinet qui n’y existait pas de la nouvelle maison, Thomas Rouhette jusqu’à présent : un modèle de boutique, compte poursuivre sa pratique de conten- d’origine londonienne, haut de gamme tieux multi-juridictionnels et internatio- pour le règlement des contentieux et des naux, tant commerciaux que financiers, arbitrages internationaux », explique Sylvie sans oublier son implication sur les dos- Gallage-Alwis. Et Thomas Rouhette d’ex- siers de responsabilité du fait des produits pliquer : « Signature Litigation est un cabi- a Suivez aussi la LJA sur défectueux, notamment dans le secteur de net fondé notamment par Graham Huntley @JuristesAffaire l’aviation. Sylvie Gallage-Alwis prend pour (ndlr : un ancien d’Hogan Lovells) en 2012 sa part en charge la pratique responsabi- et qui se composait jusqu’à présent de lité et sécurité des produits, secteur dans 11 associés et d’une trentaine d’avocats. lequel elle conseille les fabricants sur L’équipe, marquée par son tempérament : LANC EUR D'AL ERTE leurs dossiers pré-contentieux, devant les N° 58 – janvier / février 2019 entrepreneurial, consacre son activité Supplément de la Lettre des Juristes d’Affaires n°1381 du 21 janvier 2019 tribunaux, mais également dans le cadre exclusivement au contentieux et à l’arbi- CLASSEMENTS La quadrature du cercle ? CCIP-CA Naissance d’une juridiction d’enquêtes réglementaires. Emmanuèle trage international de façon à limiter le Com ment limit er LE MAGAZINE Lutfalla, qui exerçait jusqu’à présent au risque de conflits d’intérêts ». Si le bureau sein du cabinet Soulié & Coste-Floret parisien ouvre pour le moment avec un comme associée, crée la pratique assu- LES RIS QU ES ? axe très contentieux des affaires, l’équipe rance et réassurance, dans laquelle elle ne cache pas ses ambitions de développe- intervient dans des secteurs divers comme ment. Emmanuèle Lutfalla explique : « nous celui des médicaments, de la construction souhaitons recruter des praticiens répu- et de l’immobilier. tés en matière d’arbitrage international, Une union des forces très prometteuse. en compliance, en droit pénal des affaires, Responsabilité des personnes morales On aura par exemple repéré les associés voire également en contentieux des bre- ET DES DIRIGEANTS a Et sur lettre-des-juristes-daffaires auprès de grands noms comme Renault, vets ». Fort de ces perspectives encoura- Apple, Boeing, ou encore Honeywell. Et, geantes, ce cabinet devrait sans nul doute comme toujours, la survenance régulière trouver rapidement sa place à Paris. ■ Le magazine de conflits d’intérêts aura fini d’emporter LJA va paraitre Ondine Delaunay Bulletin d’abonnement À retourner à l’adresse suivante : JURISTES D’AFFAIRES ET DÉCIDEURS Service abonnements - 23 rue Dupont-des-Loges - 57000 Metz Tél. : 01 40 05 23 15 - Mail : abonnements@info6tm.com OUI, je souhaite m’abonner à La Lettre des Juristes d’Affaires Mme M. Nom / Prénom ................................................................................................................................ Choix Réf. Offres abonnement annuel LJA Prix HT Prix TTC Fonction ................................................................................................................................................................................... L0010 Entreprises 1 310 € 1 337,51 € Établissement ........................................................................................................................................................................ L0010 Cabinets < 10 avocats 1 310 € 1 337,51 € Adresse : ................................................................................................................................................................................ L0020 Cabinets d’avocats 10 à 49 avocats 1 479 € 1 510,05 € Code postal abbbc Ville .................................................................................................................................... L0030 Cabinets d’avocats 50 avocats & + 1 785 € 1 822,48 € Tél. ac ac ac ac ac Fax ac ac ac ac ac Mon abonnement annuel comprend : 47 n° de la Lettre hebdomadaire, 6 n° du LJA Magazine, l’accès au dernier numéro LJA en ligne, en version feuilletable et pdf (au sein de votre structure exclusivement) et à ses archives, dossiers et organigrammes E-mail (obligatoire) .............................................................................................................................................................. sur www.lja.fr, 1 accès aux n° de la Lettre hebdo et du LJA Mag sur web, smartphones et tablettes via l’appli LJA. TVA 2,1 %. Les tarifs indiqués sont valables jusqu’au 31/12/2020 franco de port et d’emballage sous réserve d’une modification du taux Nombre de salariés ............................................................................................................................................................. de TVA applicable au moment de la commande. 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Sommaire ÉCLAIRAGE LES DÉBATS 4 La direction juridique post-Covid-19 14 Litiges commerciaux : Le sujet a bien sûr été traité maintes et maintes fois, parfois avec une analyse quasi-visionnaire. l’avènement des MARC Le directeur juridique est passé, en une vingtaine d’années, de conseiller du président à business partner de l’entreprise, pour être aujourd’hui un influenceur, un stratège. Mais la crise sanitaire que nous vivons va-t-elle changer la donne pour lui permettre d’amplifier son champ d’action ? Et comment l’organisation de son équipe va-t-elle être impactée par les semaines de télétravail du printemps ? Car à n’en pas douter : il y a eu un avant Covid et il y aura un après. La rédaction de la LJA a sorti sa boule de cristal avec l’aide de quelques experts. 8 Y’aura-t-il un nouveau Le Covid-19 et la crise économique qui y est liée ont favorisé managing partner l’apparition de tensions dans les relations contractuelles. Défaillances de fournisseurs, salariés indisponibles, contraintes dans le monde d’après ? logistiques, barrières douanières, autant d’explications à Le premier jour de la nouvelle vie des managing partners dans le monde d’après est-il l’inexécution contractuelle et à la montée du ton entre les enfin arrivé ? Vont-ils devoir se réinventer à cocontractants. Comment gérer ces nouveaux litiges ? Quelles l’aune des changements annoncés de longue solutions alternatives ? Quelles initiatives ont vu le jour pendant date mais accélérés par la crise du Covid-19 ? cette crise qui pourraient être adaptées à ces contentieux ? 10 Comment la crise sanitaire a-t-elle accéléré la transformation des cabinets PORTRAIT La crise sanitaire a révélé l’urgence des mutations à accomplir dans les cabinets pour 31 Aurélien Hamelle : un esprit indépendant mieux répondre aux nouvelles demandes des clients. Rémunération, facturation, nouvelle philosophie d’exercice, nombre de cabinets 34 VGG : au coeur du M&A ont saisi les opportunités offertes par le post- Covid pour se réinventer. Reportage. 37 Covid-19 & pro bono des cabinets Supplément de la Lettre des Juristes d’Affaires. N° de commission paritaire : 0920 I 87011. Dépôt légal : à parution. ISSN : 1143 - 2594. Président : François Grandidier. Directrice générale : Raphaëlle Franklin. Rédactrice en chef : Ondine Delaunay. Rédaction graphique : Pixel6TM (Lauren Trusch). Journalistes : Pixel6TM (Anne Portmann, Aurélia Granel), Florence Henriet. Photographe : Mark Davies. Couverture : ©freshidea - stock.adobe.com. Éditrice et responsable commerciale : Lucy Letellier (01 81 69 80 68 - l.letellier@info6tm.com). Pour s’abonner : 01 81 69 80 68. Impression : Socosprint, 36 route d’Archettes, 88000 Épinal. Le magazine Origine géographique du papier : Espagne. Taux de fibres recyclées : 0,27 %. Certification des fibres utilisées : PEFC. Indicateur environnemental : Ptot 0,01 kg/tonne. Édité par INFO6TM Siège social : 137 quai de Valmy Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans la présente publication, faite sans autorisation 75010 Paris de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Les noms, prénoms et adresse de nos abonnés sont communiqués à nos services internes et organismes liés SAS au capital de 10 000 euros contractuellement avec la publication, sauf opposition motivée. Dans ce cas, la communication sera limitée au service abonnement. Conformément à la loi du 06/01/78, RCS Paris 815 380 498 ces informations peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit d’accès et de rectification auprès de INFO6TM - Direction commerciale.
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E Par Ondine Delaunay ©©ВАДИМ ПАСТУХ La direction juridique post-Covid-19 Le sujet a bien sûr été traité maintes et maintes fois, parfois avec une analyse quasi-visionnaire1. Le directeur juridique est passé, en une vingtaine d’années, de conseiller du président à business partner de l’entreprise, pour être aujourd’hui un influenceur, un stratège2. Mais la crise sanitaire que nous vivons va-t-elle changer la donne pour lui permettre d’amplifier son champ d’action ? Et comment l’organisation de son équipe va-t-elle être impactée par les semaines de télétravail du printemps ? Car à n’en pas douter : il y a eu un avant Covid et il y aura un après. La rédaction de la LJA a sorti sa boule de cristal avec l’aide de quelques experts. 4
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E D ans la grande majorité des cas, le confinement des juristes approche des réunions d’équipes : « Auparavant, elles étaient salariés s’est bien déroulé. Sur-sollicités durant les trois organisées par hiérarchie, les managers étaient ensuite chargés mois du printemps, ils ont largement prouvé leur impli- de faire passer les messages aux équipes. Pendant le confine- cation dans l’accompagnement du business de l’entreprise3. La ment, il a fallu gérer l’urgence et chaque spécialiste, indépen- plupart d’entre eux n’a d’ailleurs pas encore repris le chemin damment de son titre hiérarchique, a été directement convié du bureau. Mais d’ores et déjà, des leçons peuvent être tirées à la visioconférence pour livrer son point de vue, apporter ses de cette période de travail intense avec une organisation inédite. connaissances ». Il estime qu’avec le développement du télé- « La première c’est que le télétravail n’altère ni la productivité, travail, cette organisation devrait se poursuivre. « C’est ce que ni l’efficacité des équipes juridiques », note Laetitia Menasé, la Harvard Business School appelle la Smart collaboration, directrice juridique de Canal +. Reconnaissant qu’à titre per- explique-t-il, avec un goût toujours marqué pour les concepts sonnel, elle a toujours eu un appétit pour cette forme de travail anglosaxons. J’informe l’autre de ce que je sais pour lui per- à distance, elle assure que le groupe conduit une réflexion pour mettre d’aller plus vite, en dehors de toute considération hiérar- renforcer le télétravail sur le long terme. Et de fait, plusieurs de chique et de top down ». ses homologues réfléchiraient à autoriser le télétravail au moins Frédéric Vern, secrétaire général de Gecina, témoigne : « Le deux jours par semaine à l’avenir. Mais elle prévient : « Il est management de la direction juridique a changé. Il y a moins de essentiel de garder le contact avec les équipes ». Car dans les top down au sein de l’équipe, moins de hiérarchie, moins de car- directions juridiques de taille importante dans lesquelles, par can sur le traitement des problématiques juridiques ». La crise principe, l’organisation est pyramidale, il est rapide de perdre du Covid-19 a été pour lui l’occasion de réorganiser le secréta- le lien avec le juriste que l’on ne croise plus dans le couloir du riat général qu’il dirige et au sein duquel évolue notamment la service ou au réfectoire. Laetitia Menasé, qui est à la tête de direction juridique groupe. Certes, la réflexion avait été entamée cinq directions juridiques spécialisées, a donc mis en place une avant le confinement, mais sa mise en œuvre a bien eu lieu au formule qu’elle espère être gagnante : « Je m’entretiens avec début du mois de mai. Le secrétariat général est désormais orga- les directeurs juridiques chaque semaine et, charge à eux, de nisé autour de trois pôles : Immobilier, dirigé par Julien Nataf faire passer les messages stratégiques au sein de leurs équipes. et Carmen De Pablo, directeurs juridiques M&A et immobilier ; Chacun est responsable du lien avec son pôle et des réunions Compliance/Corporate, piloté par Sylvain Metz ; et sont organisées à échéances régulières par visioconférence Documentation digitale & numérique et pour partager l’information ». Archives, mené par Sonia Lieutier. Ils siègent tous les quatre au LIBÉRER LA PAROLE comité de direction. « C’est un peu comme un fonc- Au sein du groupe L’Oréal, l’organisation est assez simi- tionnement de cabinet laire. Yannick Chalmé, le directeur juridique groupe, révèle : d’avocats, témoigne-t-il. « L’équipe n’a jamais été aussi proche que pendant cette période Les référents répartissent de confinement. Nous avons organisé des réunions, par webi- les dossiers au sein de nar, soit hebdomadaires avec l’ensemble des équipes en France leurs équipes et veillent à (juristes et non juristes), ou toutes les trois semaines avec les assurer une parfaite agi- équipes internationales (basées en Asie, Amériques, Europe, lité du service, une vision Afrique, Moyen-Orient), que nous avons surnommées « les pauses café juridiques ». Elles permettaient de discuter, d’échan- ger et de faire passer les informations stratégiques et de mainte- nir un lien convivial entre tous. Chaque responsable en France et à l’étranger organisait aussi, de la même façon, l’animation et le partage plus spécifique à son équipe selon les périmètres et ter- GE S OR SF ritoires. Ces rendez-vous ont rencontré un intérêt tel qu’ils vont OIN DE UD se poursuivre à la demande des équipes au-delà de la période de ©A confinement, de façon plus espacée ». Selon lui, ces webinars ont en outre permis de mettre un terme à un certain cérémonial lors des réunions. La parole s’est libérée, tout le monde a pu exprimer son point de vue, le lien a été plus facile, plus direct. Frédéric Vern Olivier Chaduteau, fondateur de Day One, vient pour sa part de mener une enquête auprès d’une cinquantaine de directeurs juridiques d’entreprises du SBF 1204. Et il a perçu une nouvelle 5
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E transverse et une appréhension large des problématiques par prochains mois étant incertains, tant d’un point de vue sanitaire les juristes ». De cette crise sanitaire, le secrétaire général veut qu’économique, elle considère que « le directeur juridique va retenir un élément essentiel : l’agilité des équipes. « Nous avons devoir être attentif à ce que les équipes attendent de lui : donner rapidement créé, au sein du secrétariat général, une cellule de un cap, mais aussi veiller au bien-être de ses juristes ». Olivier crise qui regroupait les chefs de pôle juridique, des juristes spé- Chaduteau partage cette opinion : « le directeur juridique aura cialisés sur certaines questions techniques comme les baux, le encore plus de leadership. Il devra embarquer l’équipe et être directeur des assurances, une personne en charge du corporate clair sur ce qu’il attend de chacun, sur chaque tâche et pour non boursier, une autre en charge du corporate boursier et le chaque objectif ». DPO. Le traitement de chaque problématique spécifique était examiné avec les yeux de tous les spécialistes et cette transver- UN LEVIER salité des approches nous a permis d’être plus réactifs et de faire POUR MIEUX REBONDIR tomber certaines barrières ». Et il compte bien œuvrer pour maintenir cette nouvelle façon de réfléchir ensemble, de penser Catherine Rose, directrice de la communication corporate juri- globalement. dique & financier du groupe L’Oréal, témoigne à son tour : « Face à une situation d’urgence, les barrières entre les dépar- PLUS DE LEADERSHIP POUR tements se sont affaissées pour laisser place à un esprit de par- LE DIRECTEUR JURIDIQUE tage, à une transversalité inédite. Tout le monde œuvrant dans le même sens, avec célérité et dans un esprit de solidarité ». Et Yannick Chalmé a, lui aussi, l’espoir que cette approche per- Yannick Chalmé d’approuver : « Le vecteur juridique est fon- dure et le groupe travaillerait depuis déjà plusieurs années pour damental pour le développement de nos métiers opérationnels. réduire les diverses strates hiérarchiques. Le confinement a sans Notre département doit agir en joint-venture avec les opération- doute permis d’accélérer le processus. « Le télétravail va-t-il nels dans le même objectif : créer des produits et les vendre ». permettre de démystifier la place du Post-Covid, la direction juridique du groupe a d’ailleurs décidé directeur juridique ? Va-t-il faci- d’accélérer sa révolution digitale : mise en place systématique liter son accessibilité et donc au plan mondial de la signature électronique, automatisation et simplifier le fonctionne- standardisation de certains contrats non stratégiques, création de ment de la direction ? », bases de contrats dans lesquels les opérationnels pourront aller s’interroge-t-il. Laetitia piocher pour aller plus vite, avec une plus grande autonomie, Menasé estime que « le dans un mode plus coopératif, nouveaux outils de communica- leadership du direc- tion, etc. Au sein du groupe Canal +, les démarches sont assez teur juridique a évo- similaires et l’ambition d’accélérer la digitalisation de certains lué durant cette crise contrats est notable, tout comme la volonté de mieux partager la sanitaire. Son rôle a documentation entre les équipes. « L’un des grands gagnants du été avant tout de fédé- Covid-19, c’est bien le digital, reconnaît Olivier Chaduteau. La rer les équipes ». Les crise a été un formidable accélérateur de la conduite du chan- gement et elle a démontré l’utilité de l’outil numérique tout en levant les freins qui perduraient au sein de certaines directions juridiques ». L’AVÈNEMENT D’UNE AUTRE FAÇON DE TRAVAILLER Durant ces quelques semaines d’urgence, le juridique s’est posi- tionné comme un levier pour sortir de la crise autrement, pour permettre à l’entreprise de mieux rebondir, d’être plus efficace. Et pourquoi ne pas surfer sur la vague ? Comment se réorganiser pour conserver cette efficience ? Pour Eric Gardner de Béville, recruteur et consultant international, le déconfinement offre une occasion unique pour mettre en place une nouvelle organi- Laetitia Menasé sation plus performante et économe de la direction juridique, par l’avènement de la fonction de legal operation officer. Elle a pour rôle de « mettre en parfaite adéquation les services des exécutants - les juristes - avec les attentes des bénéficiaires - les 6
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E commerciaux, fiscalistes, personnes des RH, et autres clients souvent passionnantes, avec un entrain certain », se félicite le internes ». Selon lui, « elle maximise l’efficience de la direction secrétaire général. juridique par une optimisation du personnel, des consultations et Poursuivant cette réflexion, Christophe Roquilly, directeur avis légaux, et de la technologie appliquée au droit en entreprise, du LegalEdhec Research Centre, a proposé à chaque service tout en minimisant les risques, les budgets et les experts par une juridique de s’interroger sur sa raison d’être. « Tenant compte meilleure rationalisation de leur choix, utilisation et rémunéra- de l’entreprise qu’il est censé servir, comment incarne-t-il sa tion5 ». Olivier Chaduteau le confirme, nombre d’entreprises ont vision et son ambition en se définissant d’abord par ce qu’il est, déjà mis en place cette fonction depuis une quinzaine d’années. avant de savoir ce qu’il doit faire. Cette raison d’être constitue Tel est par exemple le cas dans les grandes banques françaises, le socle de sa stratégie devant le conduire à des actions dont les mais également chez Engie, EDF, Ubisoft, Ipsen, Channel ou objectifs sont mesurables8 ». Laetitia Menasé se dit intéressée encore Atos. « La crise sanitaire va accélérer le déploiement de par cette approche qui permet de valoriser le travail quotidien la fonction car l’ensemble des services vont chercher à optimi- des juristes. Une piste à creuser pour la direction juridique de ser leurs coûts, à réfléchir sur leurs effectifs et à considérer leur demain ? ■ département comme une véritable business unit. Le juridique n’y 1. Rappelons notamment l’ouvrage d’Olivier Chaduteau qui prévoyait, en 2014, « un changement de échappera pas et le legal operation officer en sera le chef de pro- paradigme du droit dans l’économie » in La direction juridique de demain. Éditions Lextenso. 2014. jet », explique-t-il. 2. Cf. notre article Directeur juridique, le business partner est devenu influenceur dans le magazine LJA n°62 d’octobre 2019. 3. Cf. notre article Les directions juridiques en première ligne face DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES à la crise dans le magazine LJA n°66 d’avril 2020. 4. Intitulée Retours d’expériences du Covid-19, sa parution est prévue pour juillet 2020. À TRAITER 5. Déconfinement et juridique opérationnel, par Eric Gardner de Béville, publié sur le site LJA le 18 mai 2020 6. Article publié dans la lettre Inspiration(s) by Business & Legal Forum, le 14 mai 2020 Le droit comme accélérateur de la sortie de crise6, c’est sur 7. La résolution a finalement été rejetée. cette question que Marc Mossé, président de l’AFJE et direc- 8. Article publié dans la lettre Inspiration(s) by Business & Legal Forum, le 14 mai 2020 teur juridique et des affaires publiques de Microsoft Europe, s’est récemment interrogé. « Dans des sociétés en quête de confiance, les juristes au service du droit et de l’intérêt général peuvent être des acteurs du changement, des passeurs d’ave- nir », écrit-il en appelant à « une véritable politique de déve- loppement du droit, tant au niveau national qu’européen ». Il vise par exemple la mobilisation des juristes pour rendre pos- sible le green deal. Car cette crise a également fait ressortir le traitement des questions écologiques qui étaient traitées jusqu’à présent sur le coin de la table. Et, encore une fois, les juristes sont en première ligne pour les appréhender. En témoigne par exemple la résolution déposée mi-avril par une coalition de onze investisseurs demandant à Total de modifier ses statuts pour intégrer dans son rapport de gestion des informations concernant les actions que le groupe entend mener pour respec- ter les Accords de Paris. Le pétrolier a inscrit cette résolution à l’ordre du jour de son Assemblée générale tout en émettant de doutes sur la légalité de l’initiative des actionnaires7. On sent donc que la direction juridique a eu un rôle important à jouer dans le traitement de cette problématique, à la frontière des sujets de gouvernance et d’environnement. Les questions environnementales sont également au cœur des priorités du groupe Gecina et les juristes interviennent régu- lièrement sur le sujet. L’entreprise vient d’ailleurs de créer un comité RSE pour aborder l’ensemble des questions sociétales et environnementales. Elle a également structuré une fonda- tion dédiée à la protection de l’environnement, au soutien de toutes les formes de handicap, à la préservation du patrimoine Yannick Chalmé et à l’accès au logement pour le plus grand nombre. « Tous les juristes prêtent main forte et acceptent de sortir des sentiers battus pour aborder de nouvelles problématiques juridiques, 7
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E Par Florence Henriet © SERGEY NIVENS Y’aura-t-il un nouveau managing partner dans le monde d’après ? Le premier jour de la nouvelle vie des managing partners dans le monde d’après est-il enfin arrivé ? Vont-ils devoir se réinventer à l’aune des changements annoncés de longue date mais accélérés par la crise du Covid-19 ? L a crise sanitaire et ses conséquences sociales, sociétales et éco- Au sein des grandes banques d’affaires, l’organisation est plus nomiques pourraient modifier en profondeur le fonctionnement pyramidale. Les dirigeants se focalisent sur les attentes de leurs des cabinets d’avocats. Dans ce nouveau contexte, quel sera le clients, ce qui leur confère une vision et donc un vrai leadership. rôle des managing partners (MP) ? Le choc du Covid-19 pourrait être Être à l’écoute du client et du marché ne se limite pas à factu- l’agent accélérateur d’un management à réinventer sur de nouvelles rer et à rester dans l’opérationnel. Les directions juridiques ont bases. Mais le sujet est sensible. La preuve : certains managing quant à elles, désormais mis à leur tête des leaders auxquels on ne partners ont accepté de nous parler mais uniquement en off. demande pas d’être des experts d’un droit particulier. Ils doivent avoir une vue d’ensemble, être à la pointe de la géopolitique, de LÉGITIMITÉ DU MANAGING PARTNER : la digitalisation, des changements dans le monde. « La légitimité MANAGER OU PERFORMER du pouvoir réside dans la relation clients à haut niveau de l’en- treprise. Quand les experts parlent aux experts, ils ne sont pas L’organisation d’un cabinet d’avocats est particulière. Et celui en contact avec les réels dirigeants », précise Olivier Chaduteau, qui en est le meneur a une position parfois compliquée. « La associé-fondateur, Day One. Toutefois le directeur juridique légitimité se mesure encore souvent à l’aune du chiffre d’affaires bénéficie d’un CDI. Ce n’est pas le cas pour le dirigeant d’un généré dans un cabinet. Est-ce le bon critère ? Sans doute pas. cabinet d’avocats, même si l’on peut considérer qu’une sorte de Mais celui qui facture peu ne sera pas pour autant un meilleur CDD lui est confié par ses associés. Dans la grande majorité des manager », indique Patrick Tardivy, office leader d’Orrick. « Les cas, il est élu ou nommé pour un nombre d’années déterminé tops performers ne deviennent pas forcément des top managers. dans les règlements internes. Il est tributaire des changements de Mais la performance de l’avocat confère toujours une autorité gouvernance, les reconductions de mandats peuvent être limitées. accrue au manager », ajoute Mathieu Remy, son homologue chez Ce rôle lui donne tout de même une plus grande visibilité sur le Clifford Chance. marché, en tant qu’avocat, que celle de ses partenaires. Mais le 8
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E salut n’est que temporaire et il garde à l’esprit le jour où il rede- large consensus et les autres. C’est le secret de l’efficacité. Il faut viendra un associé parmi d’autres. « Le MP de demain saura faire convaincre plus que contraindre », explique Pierre-Sébastien évaluer sa plus-value. La valeur induite d’un bon management, Thill, président du directoire de CMS Francis Lefebvre Avocats la reconnaissance de son cabinet au sein de son réseau et sur et Executive Chairman de CMS. « Passer à un management trop son marché sont générateurs de business. Le MP doit assumer un vertical pour prendre des décisions plus rapidement peut géné- rôle qui navigue entre l’institutionnel, le stratège et le VRP. Il doit rer des frustrations et une absence d’adhésion, ajoute Mathieu également garder un certain volant de business pour ne pas se Remy. Le gain de temps ? On le retrouvera dans la mise en œuvre couper des réalités et des contraintes du métier. L’enjeu, c’est de des décisions acceptées par le plus grand nombre ». trouver le juste équilibre », reconnaît Rémy Blain, MP de BCLP. Quand Dominic Jensen, avocat associé du cabinet Librato Certains admettent qu’il devient de plus en plus délicat de ne pas Avocats, accompagne des cabinets sur les sujets de gouvernance, être MP à plein temps. Le type de gouvernance rend compliquée il recommande la création d’un comité exécutif avec l’attribu- l’acceptabilité d’une réelle professionnalisation de ce métier qui tion de vrais pouvoirs. Il explique : « C’est en donnant de vrais déboucherait sur un rôle entièrement détaché de l’opérationnel. Si mandats à une équipe dirigeante et en valorisant les fonctions certains admettent d’un côté la nécessité de se consacrer pleine- supports, qui devraient à cette occasion changer de nom, que ment à ces fonctions, ils craignent aussi que la « professionnali- le cabinet pourra se comparer à une véritable entreprise. » La sation » ne les détache de l’opérationnel et ne donne d’eux une crise du Covid-19 pourrait-elle accélérer ce mouvement ? Mais image de « super administratifs » plutôt que de « leaders ». « Je Patrick Vignaud, cofondateur de B-Harmonist, expert en culture suis une associée comme les autres la moitié de la journée et MP et cohérence d’entreprise, tempère : « L’obstacle numéro un dans l’autre moitié. Je peux me le permettre car je m’appuie sur une l’évolution de cette profession est le triptyque : système de rému- équipe exceptionnelle », précise Mahasti Razavi, MP d’August nération, égo des associés et règles de gouvernance (décisions Debouzy. très collégiales, de moins en moins de fondateurs charismatiques Dans d’autres entreprises de services, l’organisation peut être plus qui fédèrent les troupes, etc.) ». verticale car le niveau de délégation est plus important. L’avocat, même star, reste très près de l’opérationnel avec moins d’effets de DEMAIN : LE CHAMP DES POSSIBLES leviers. ENTRE STRUCTURE ET SOUPLESSE UNE GOUVERNANCE PLUS AGILE Patrick Vignaud poursuit : « La crise joue un rôle d’accélérateur PARCE QUE PLUS VERTICALE ? dans la modification de l’écosystème (révolution digitale, quête de sens et d’équilibre de la nouvelle génération, inter profes- Le MP consacre beaucoup de temps à la recherche du consensus sionnalité, nouvelles attentes des entrepreneurs) et l’écart va se entre les associés. Cette recherche du compromis peut entraver creuser entre les MP modernes et les MP dinosaures. » Le lea- l’agilité de la prise de décision au sein du cabinet. Or, de fait, pen- dership et la capacité à décider sont essentiels pour une génération dant cette période de crise, beaucoup ont dû prendre des décisions de jeunes avocats qui est en quête de nouvelles perspectives. Elle dans l’urgence en consultant moins largement des associés. « S’il a également besoin de nouveaux modes de travail plus flexibles. faut toujours s’assurer d’un certain consensus, il faut aller plus La crise confirme toutes ces tendances. « Il va falloir beaucoup vite. Être à la recherche permanente de l’accord de tous peut être plus travailler autour du sens de la raison d’être et du déve- un frein à la mise en œuvre de la stratégie. Issu d’une famille de loppement durable. Le MP doit se projeter dans les tendances militaires, pendant cette crise, j’ai retrouvé un peu de mon ADN. sociétales, c’est une très forte attente chez nos jeunes », note On nous a choisi pour tenir ce rôle, cela implique parfois de pas- Pierre-Sébastien Thill. ser au-dessus de certaines réticences », souligne Rémy Blain. Mahasti Razavi tient néanmoins à garder la tête froide : « Je suis Patrick Tardivy s’interroge d’ailleurs « sur la bonne méthode convaincue que décider quoique ce soit maintenant c’est trop tôt. pour prendre les décisions demain. Les processus plus agiles, On ne décide pas en émotion. Prendre des bonnes décisions, c’est parce que plus directifs, pendant la crise ont été très bien reçus. d’abord prendre le recul nécessaire pour développer un consen- Agir par cercles concentriques plus restreints, en veillant à ce que sus intelligent. C’est le champ des possibles entre structure et sou- des sceptiques soient toujours inclus dans ces derniers, pourrait plesse ». Et Olivier Chaduteau enfonce le clou en s’interrogeant : être une piste ». « Le marché du top 100 des cabinets d’avocats d’affaires a dou- Selon certains, la consultation - exercice plus pédagogique que blé entre 2003 et 2017. Pourquoi changer de gouvernance ? ». décisionnel – a souvent permis d’éviter les frustrations, pour « Nous sommes des enfants gâtés et la bonne santé de nos cabi- arriver finalement au même résultat. Pendant la crise, les rela- nets nous conforte dans une tendance au conservatisme », recon- tions entre MP et associés se sont transformées, l’urgence ayant naît aussi Pierre-Sébastien Thill. Force est en effet de constater commandé que le gain de temps et l’efficacité prenne le pas sur que l’on agite le chiffon rouge des profonds changements de la la sacro-sainte collégialité. « Il faut savoir placer le curseur au profession de MP depuis déjà plusieurs années, sans qu’elle ne bon endroit entre les décisions essentielles qui demandent un connaisse de réelles évolutions. ■ 9
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E Par Anne Portmann Comment la crise sanitaire a-t-elle accéléré la transformation des cabinets ? La crise sanitaire a révélé l’urgence des mutations à accomplir dans les cabinets pour mieux répondre aux nouvelles demandes des clients. Rémunération, facturation, nouvelle philosophie d’exercice, nombre de cabinets ont saisi les opportunités offertes par le post-Covid pour se réinventer. Reportage. «L es cabinets d’avocats n’ont pas changé de voire même davantage. « Les collaborateurs au garde-à- business model depuis un siècle. Ils utilisent vous pour les réunions d’agenda le lundi à 9 heures, c’est toujours le Cravath system créé au début du fini, et certains salariés vont aussi vouloir travailler sous XXe siècle », introduit Olivier Chaduteau, fondateur du cabi- cette formule », prédit Philippe Glaser, associé du cabi- net de Conseil Day One, qui a organisé un webinar sur la net Taylor Wessing. Il relève au demeurant que chez beau- question le 19 juin dernier. La crise du Covid-19 a, selon coup de clients, il en est de même, ce qui rend sans doute lui, accentué la remise en cause de ce modèle, qui semble la chose plus facile à accepter. Au sein du cabinet Franklin, aujourd’hui dépassé. Anna-Christina Chaves, associée au le télétravail était une exception, même chez les avocats. sein du cabinet Stehlin le reconnaît volontiers : « Cette crise « La culture du cabinet était en présentiel, comme on dit a secoué les idées reçues et elle a contribué à accélérer un aujourd’hui, observe Jérôme Michel, associé de la struc- mouvement déjà entamé, mais pour lequel beaucoup étaient ture. Pendant la crise, nous nous sommes rendus compte dans le déni ». que cela fonctionnait. Désormais, il n’est pas exclu de pen- ser au travail à distance, dans une mesure raisonnable ». TRAVAIL À DISTANCE Chez KPMG Avocats, on réfléchit déjà à modifier l’ac- POUR TOUS cord sur le travail à distance pour l’autoriser probable- ment deux jours par semaine. « Nous avons aussi beaucoup L’introduction forcée du télé- de demandes d’avocats actuellement basés à Paris, qui travail pendant le confinement souhaitent pouvoir être basés dans un de nos bureaux situé a d’abord fait sauter certains en région, correspondant parfois à leur région d’origine », préjugés. Et si dans quelques confie Mustapha Oussedrat, qui ne voit aucune raison de cabinets, il existait une tolé- refuser cette modalité d’exercice. rance pour le travail à distance Mais tous les avocats n’ont pas encore sauté le pas. José des avocats, souvent en Desfilis, du cabinet éponyme, avertit en effet : « Ce n’est déplacement, nombre pas la même chose de parler à quelqu’un en visio et en d’associés ont face à face ». Jérôme Bersay est d’accord et insiste sur le désormais pris fait qu’il reste important de se voir. « La cross synergie est conscience de plus simple en physique et les échanges d’e-mails peuvent ce que les sala- parfois créer des quiproquos. Je ne suis pas favorable au riés affectés aux télétravail à 100 % ». fonctions sup- port pouvaient REPENSER L’ALLOCATION DES RESSOURCES être aussi per- formants de « Le Covid-19 a été le meilleur des DSI, car il a poussé les Emmanuel Gaillard chez eux, cabinets à la digitalisation », lance Anna-Christina Chaves. 10
LJA MAGAZINE - juillet 2020 É C L A I R AG E « Cette crise a eu l’avantage de permettre de nous rendre d’audience en attendant mon dossier, je pouvais m’occuper compte que nos technologies de gestion électronique de à autre chose », souligne pour sa part José Desfilis documents fonctionnaient parfaitement, et chez nos clients également » dit Jérôme Bersay. Le cabinet a d’ailleurs closé LES DOSSIERS POST-CRISE l’acquisition par le groupe allemand Global Savings Group de la société française IGraal auprès de M6, le 20 mars, dans Très rapidement sollicités sur les mesures gouvernemen- les premiers jours du confinement. Un closing réalisé par tales liées à la crise sanitaire, les avocats cherchent déjà à écrans interposés, via une vidéo-conférence couplée à un anticiper les nouveaux besoins des entreprises. Le cabinet système de signature électronique. Dans la plupart des cabi- Bersay, conscient de ce que les clients seront d’abord absor- nets, la crise a été l’occasion de déployer la signature élec- bés par les questions relatives à la survie de leurs entreprises tronique avec des clés sécurisées auprès des collaborateurs. à court terme, a conclu un partenariat avec Bureau Veritas La question des ressources allouées aux locaux a également (audits techniques couplés aux audits juridiques et fiscaux) fait l’objet de réflexions. Est-il encore utile de conserver et constate un développement des activités contra-cycliques des locaux coûteux, avec de spacieuses salles de réunions, (retructuring, licenciements, contentieux), mais également dans des quartiers huppés à l’heure du travail à distance ? droit public, avec l’omniprésence de l’État et des collecti- « Le sens du vent est la réduction de la taille des locaux. vités territoriales dans l’économie. Les associés de KPMG Des équipes nous rejoindront bientôt et nous attendons Avocats estiment que les préoccupations premières des que l’équipe soit au complet. Nous aborderons alors la clients seront de gérer et de restaurer au mieux leur tréso- question tous ensemble » révèle Jérôme Bersay. Au cabi- rerie. Les différentes aides au financement et la sécurisation net Stehlin, on s’était bien rendu compte, depuis une paire des positions prises pendant la crise seront le premier set d’années, qu’il y avait de moins en moins de réunions phy- de mesures. Beaucoup considèrent aussi qu’avec le soutien siques dans les locaux. « Au mois de décembre dernier, de l’État et des collectivités locales à l’économie, le droit le propriétaire a résilié le bail de deux grandes salles de public des affaires va faire son grand retour. KPMG Avocats réunion au rez-de-chaussée et nous avons décidé de ne pas cherche d’ailleurs à recruter une équipe en la matière. « Pas le renouveler » raconte Anna-Christina Chaves qui indique forcément à Paris », glisse-t-on. « Il y aura des opportunités que les ressources économisées ont été redéployées sur les de développement dans les territoires, et les collectivités outils numériques. « En cas de besoin, nous pouvons louer locales vont sans doute prendre davantage de participa- une salle », complète son associé Marc Stehlin. Chez Taylor tions dans les entreprises pour soutenir l’économie locale », Wessing, au Royaume-Uni, une partie du support a quitté le pense Marc Stehlin qui élabore une offre de service droit centre de la capitale pour s’installer près de centres d’ex- public/droit privé en ce sens, en partenariat avec un cabinet cellence. À Paris, le prix des loyers avait déjà incité à réflé- de droit public et un cabinet de conseil qui chir au choix des prochains locaux, qui interviendra d’ici l’aidera dans son positionnement. deux ans. « Les moulures et les grands bureaux pour une D’autres ne croient pas à cette ten- seule personne, ce n’est plus possible », confie Philippe dance d’un renouveau du droit Glaser qui parle de modularité. Même le jeune cabinet public des affaires. « Il y a trop de KPMG Avocats, pourtant en croissance d’effectifs continue, concurrence et travailler avec les a décidé de ne plus ajouter de m2 en région parisienne, mais collectivités locales, ce n’est pas d’axer la croissance sur les régions. rentable », pense Jérôme Michel Certains cabinets veulent aménager davantage d’espaces de Franklin. Emmanuel Gaillard collectifs pour leurs membres afin de faire perdurer cet n’est pas non plus convaincu par esprit de partage qui existait, de manière paradoxale, pen- un éventuel retour de l’État. « Il y dant le confinement. « Il n’est pas sûr que certaines salles aura beaucoup de contentieux autour de réunion soient équipées de tables de ping-pong », tem- de la notion de force majeure et à cet père cependant Jérôme Michel avec humour. égard, les droits qui connaissent la « La crise a été un catalyseur de la réflexion sur les espaces théorie de l’imprévision seront de travail » reconnaît Emmanuel Gaillard du cabinet avantagés », analyse-t-il Shearman & Sterling. L’associé, spécialisé en arbitrage cependant. international, espère aussi que cette crise mondiale sera l’occasion de pérenniser les audiences virtuelles devant cer- taines instances. « Le coût de l’arbitrage en sera réduit », note-t-il. Et ce n’est pas qu’une question de distance. « J’ai assisté à une audience du tribunal de commerce depuis mon bureau, cela m’a évité l’attente inutile dans la salle Jérôme Bersay 11
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