L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe

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L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
L’Envoi                                    Revue de l’Église de Saint-Hyacinthe

                   La nativité
                      famille et naissance!
Volume XXXI, numéro 3 • Novembre - Décembre 2015
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
ANNÉE SAINTE DE
 LA MISÉRICORDE
    2015-2016
                  Venez visiter la
             Porte de la Miséricorde
      à la cathédrale de Saint-Hyacinthe
et visitez le www.diocese-st-hyacinthe.qc.ca
            afin de connaître les lieux
     de la miséricorde près de chez vous!
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
Sommaire
           5    Message de Noël
                Mot de Mgr Lapierre

           6    N’oubliez pas de développer
                votre cadeau
                par Michel Pelletier, d.p.

           7    Noël d’autrefois, Noël d’aujourd’hui
                par Frédéric Barriault

           10   La famille et la catéchèse :
                indissociables!
                par Hélène Lussier

           13   Quand le désir d’un enfant rime
                avec épreuve et drame spirituel
                par Frédéric Barriault

           17   L’histoire de la fête de Noël
                par Guy Prévost, d.p.

           21   1928 : Noël
                par Marc Benoît

           23   50e anniversaire d’ordination
                presbytérale de Mgr Lapierre
                par Mgr Jean-Marc Robillard

           27   Chancellerie
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
MOT DE LA RÉDACTRICE
                                 Catherine D. Marcoux

                                                           D         u plus loin que je me souvienne, Noël est pour moi un temps privilégié
                                                           de l’année où les traditions sont à l’honneur. Où le souper du Réveillon et les
                                                           partys de famille fusent de partout. Où la chaleur du Divin descend parmi nous.
                                                           Depuis l’arrivée de mon neveu/filleul il y a trois ans, Noël revêt un manteau de
                                                           plus. Un baume me permettant de faire un retour à l’essentiel. C’est fou ce que
                                                           peut faire une naissance...

                                                          Pour ce numéro nous traverserons les époques afin de faire un petit voyage dans
                                                          le temps et nous remémorer, avec une pointe de nostalgie je l’avoue, les Noëls
                                                          d’antan du Québec. Le temps des fêtes est avant tout un moment de l’année
                                                          passé en famille. Comme sous la crèche chérissons ces précieux instants afin
                                               de revenir aux sources. Sans oublier un événement majeur de notre diocèse, Mgr Lapierre
                                               qui célèbre son 50e anniversaire d’ordination presbytérale!

                                               L’actualité, nous dit Mgr Lapierre, fait penser à la Nativité. Aujourd’hui plus que jamais
                                               nous avons besoin d’ouverture afin d’accueilir l’autre. Il y a plus de 2015 ans, un enfant
                                               est né afin de nous apprendre à laisser tomber les barrières, les stéréotypes et aimer notre
                                               prochain.

                                                                                                        Bonne lecture et à l’année prochaine!

                                                                                                            CATHERINE D. MARCOUX, responsable aux communications
                                                                                                            communic@diocese-st-hyacinthe.qc.ca

                                  Coordination et rédaction : Catherine D. Marcoux                   Abonnement : 20 $ / 5 revues (avec annuaire : 35 $)
                                  Comité de rédaction : Frédéric Barriault, Marc Benoît, Stéphanie     Chèque à l’ordre de CECR Saint-Hyacinthe
                                  Bernier, Sr Françoise Boulais et Monique Cyr                       Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec
                                                                                                       Bibliothèque nationale du Canada.
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                                  Équipe technique : Sylvie Beaupré, Nicole Bossinotte
                                    et Louise Robillard                                              L’Envoi est édité par le diocèse de Saint-Hyacinthe et est
                                                                                                       publié 5 fois par année, de septembre à juin. Il est membre
                                  Adresse : Secrétariat diocésain                                      de l’Association Canadienne des Périodiques Catholiques
                                    1900, rue Girouard Ouest, C.P. 190, Saint-Hyacinthe                (ACPC).
                                    (Québec) J2S 7B4
                                    Téléphone : 450 773-8581 - Télécopieur : 450 774-1895            Tout texte publié dans L’Envoi demeure l’entière responsa-
                                    communic@diocese-st-hyacinthe.qc.ca                                bilité de son auteur et n’engage que celui-ci.
                                    www.diocese-st-hyacinthe.qc.ca                                        Prochaine parution : le vendredi 26 février 2016
                                                                                                           Date de tombée : le vendredi 29 janvier 2016

                             4      NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
MESSAGE DE NOTRE ÉVÊQUE
                                                                                               François Lapierre p.m.é.

                                      Message de Noël
                         Nous célébrerons dans quelques     pourcentage de gens sont réticents face à leur venue
                         jours Noël 2015, oui Noël 2015     après les évènements de Paris et de bien d’autres
                         parce que nous comptons les        endroits dans le monde.
                         années depuis la naissance de
                         Jésus.                               Mais la nouveauté qu’apporte la venue du Sauveur nous
                                                              invite à l’ouverture, à un amour universel car tout être
                            On peut se demander : Mais humain mérite d’être connu et aimé. L’ignorance de
quelle est la nouveauté qu’apporte cet enfant pour que l’autre est souvent source de peur et même de violence.
sa naissance marque le début d’un nouveau temps?
                                                              Jésus est né dans une crèche car, nous dit l’évangile,
L’apôtre Paul a bien saisi que Jésus apporte une nouvelle « il n’y avait pas de place dans la salle commune » (Luc
vision de l’être humain quand il écrit aux Galates : « Il 2,7). On peut penser que Marie et Joseph étaient perçus
n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme comme des « étrangers » dans ce village de Bethléem.
libre, il n’y a ni homme, ni femme; car vous ne faites
qu’un dans le Christ Jésus. » (Gal 3,27)                      C’est ce même Jésus qui dira plus tard « J’étais un
                                                              étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25,35) et nous
La nouveauté qu’apporte l’enfant de la crèche nous fait apprendra que la valeur de tout être humain est plus
voir que la valeur de l’être humain ne lui vient pas de son grande que son appartenance ethnique ou religieuse.
appartenance ethnique ou religieuse, de son orientation C’est là l’une des nouveautés qu’il a apportée à la vie
sexuelle ou de son statut social.                             du monde.

Dans la nuit de Noël ce sont des bergers dont le travail Je vous souhaite un très joyeux Noël 2015 et une bonne
n’était souvent pas valorisé qui sont les premiers témoins et heureuse année 2016.
du mystère de la Nativité.

Nous le savons, nous nous préparons à accueillir des                                         François Lapierre p.m.é.
                                                                                                    9 décembre 2015
réfugiés; des sondages récents montrent qu’un bon

         JOYEUX NOËL
                                                                                                                          L’Envoi de Saint-Hyacinthe

          ET BONNE
         ANNÉE 2016!

                                                                                  NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015            5
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CHRONIQUE DU DIACRE
                                 Michel Pelletier

                                                    N’oubliez pas de développer votre cadeau
                                                   Une mère de famille me racontait           précédés et elle est encore bien présente dans le cœur
                                                   qu’une année, à Noël, les invités          de la très grande majorité des chrétiens. Malgré le
                                                   avaient été tellement généreux             fait qu’elle ne semble pas très active ou quelque peu
                                                   en cadeaux de toutes sortes pour           endormie chez plusieurs de nos contemporains, un
                                                   les trois seuls enfants présents           peu comme un feu qui couve sous la cendre, elle
                                                   à la fête, que ces derniers n’en           n’attend qu’un petit souffle de l’Esprit-Saint pour se
                                                   finissaient plus de développer             raviver et reprendre toute sa vigueur.
                                                   leurs cadeaux, les uns après les
                                                   autres. Tellement que l’un d’eux,          Profitons de cette Année Sainte, consacrée à la misé-
                                 empressé de jouer avec l’un de ses cadeaux, en a             ricorde, en participant nous-mêmes et en invitant
                                 oublié un, non développé, derrière l’arbre de Noël.          le plus de chercheurs de Dieu possible de notre
                                 Le lendemain matin, à la demande de sa mère, il a            entourage à participer aussi à toutes les activités et
                                 appelé son donateur pour le remercier.                       pèlerinages qui seront proposés en Église dans le cadre
                                                                                              de cette année toute spéciale, notamment, une visite
                                 Cette anecdote m’amène à réfléchir à tout l’aspect           à la cathédrale de Saint-Hyacinthe dans le cadre d’une
                                 commercial de la fête de Noël qui prend toujours de          démarche spirituelle préalablement bien préparée par
                                 plus en plus de place et peut parfois même éclipser          la prière et le sacrement du pardon pour traverser
                                 sa dimension spirituelle. Cela se pourrait-il que, parmi     la Porte de la Miséricorde qui y sera spécialement
                                 les cadeaux oubliés au pied de l’arbre, il y ait aussi       aménagée pour l’occasion. Le Seigneur nous y attend,
                                 l’enfant Jésus dans la crèche? Celui-là même dont            impatient de nous combler de ses grâces.
                                 nous célébrons la venue à Noël. Il n’y a rien de bien
                                 répréhensible dans le fait d’offrir plusieurs cadeaux         Avec insistance et confiance, demandons au Seigneur
                                 aux enfants et de les gâter un peu quand on en a les         que soit renouvelée et ravivée en chacun de nous cette
                                 moyens. Mais la fête de Noël n’est-elle pas d’abord          grâce d’union à Dieu et ainsi nous pourrons espérer
                                 et avant tout la fête de la nativité du Sauveur ? Cet        redonner à toute l’Église un nouvel élan missionnaire
                                 événement est fêté, non seulement pour qu’on se              pour que nos frères et sœurs, qui ont tant besoin
                                 souvienne de la venue de Jésus parmi nous, il y a déjà       d’amour et de lumière, puissent enfin s’en abreuver
                                 plus de 2000 ans, mais pour qu’on l’accueille toujours       directement à la source : le cœur miséricordieux de
                                 de plus en plus en nos cœurs et pour que sa présence         Jésus Christ.
                                 en nous, nous transforme en artisan de paix, en témoin
                                 de sa miséricorde, en ami des pauvres, en amoureux
                                 de la vérité, en enfant de la Lumière, …                            Joyeux Noël
                                 On a parfois l’impression que beaucoup de chrétiens
                                                                                                Bonne et Sainte année
                                 ont oublié dans un petit coin de leur cœur, toujours             de la Miséricorde!
                                 bien conservé dans son emballage d’origine, le
                                 merveilleux cadeau que le Seigneur leur a fait à leur
                                 baptême, ce don gratuit de Dieu, sans l’avoir vraiment                          Michel Pelletier, diacre permanent
                                 développé.                                                                                                  Granby
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                                 « Je te le rappelle : ravive le don gratuit de Dieu, ce
                                 don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains
                                 ». Voilà ce que saint Paul disait à son disciple Timothée,
                                 lui rappelant également que sa mère et sa grand-mère
                                 possédaient aussi en elles cette foi sincère.

                                 La foi chrétienne nous a été transmise par plusieurs
                                 générations de fervents catholiques qui nous ont

                             6      NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
NOËL D’AUTREFOIS, NOËL D’AUJOURD’HUI
               par Frédérick Barriault
             Communications & Société
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
DOSSIER

                                 N
                                           oël est, sans contredit, la fête de la nostalgie      juifs célèbrent eux aussi le solstice d’hiver et la fête de
                                           par excellence. Il suffit d’interroger nos parents    la lumière : pendant huit jours consécutifs, ils doivent
                                           ou nos amis et tous affirmeront à l’unisson que       allumer l’une après l’autre les chandelles installées sur
                                           Noël n’est plus ce qu’il était dans le bon vieux      un chandelier à huit branches.
                                 temps, cette époque bénie où tout était mieux qu’au-
                                 jourd’hui. Plusieurs personnes conservent en effet des          Il reste évidemment quelque chose de cette célébration
                                 souvenirs impérissables des Noëls traditionnels qu’elles        de la lumière, d’abord dans nos couronnes de l’Avent et
                                 ont connu dans leur enfance. Comme toute nostalgie,             leurs quatre bougies. Et aussi, quoique de manière clin-
                                 cette idéalisation du passé passe sous silence une donnée       quante et ostentatoire, dans les guirlandes lumineuses
                                 essentielle : à partir des années 1850, la fête chrétienne      qui décorent nos maisons et nos sapins lors de la période
                                 de Noël a été en bonne partie « contaminée » par les            des Fêtes.
                                 valeurs mercantiles et individualistes promues par la
                                 société capitaliste.                                            Or, c’est sans doute là que le bât blesse : dans nos villes
                                                                                                 modernes, il y a une telle surabondance de lumière,
                                 Les historiens sont formels : la fête de Noël — du moins        même en plein hiver, qu’il est parfois difficile, voire
                                 telle que nous la célébrons désormais — est apparue à           impossible, de se recueillir convenablement. La noirceur
                                 une époque très récente dans l’histoire, c’est-à-dire au        et la lumière sont en effet deux dimensions complé-
                                 milieu du XIXe siècle. Et d’abord au sein du monde bour-        mentaires de l’expérience religieuse. C’est souvent dans
                                 geois, anglo-saxon et protestant. Les chrétiens célèbrent       l’obscurité la plus totale de la nuit que des mystiques
                                 certes l’Avent et la Nativité depuis les tout débuts de         chrétiens — Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et Christian
                                 l’histoire de l’Église. Ce qui est nouveau, par contre, c’est   de Chergé, par exemple — ont connu leurs plus puis-
                                 l’idée voulant qu’il s’agisse d’une fête avant tout privée,     santes illuminations religieuses.
                                 vécue d’abord en famille, dans l’intimité du foyer, aux
                                 abords d’un sapin illuminé et richement décoré, et au           Il s’agit certes là de cas exceptionnels. Le Québec rural
                                 pied duquel les enfants déballent de (trop?) nombreux           de jadis était néanmoins plus propice au recueillement.
                                 cadeaux — cadeaux qui leurs sont d’ailleurs tendus par          Avant l’électrification rurale des années 1940 et 1950,
                                 un papa (ou un grand-papa) déguisé en Père Noël, aux            les villages agricoles du Québec étaient immergés dans
                                 couleurs de… Coca Cola! Un Noël dont le contenu                 l’obscurité. Seules quelques lampes à l’huile et, chez
                                 chrétien et les référents religieux sont, admettons-le,         les plus riches, des réverbères au gaz, illuminaient les
                                 extrêmement minces.                                             maisons. Le trajet pour se rendre à la messe de minuit
                                                                                                 se faisait dans la noirceur totale de la nuit, les chemins
                                 Ce court article s’attachera à faire ressortir les dimensions   n’étant éclairés que par les reflets de la lune et des
                                 ouvertement religieuses des Noëls anciens. Non pas par          étoiles, sur la neige immaculée. Cette immersion dans
                                 nostalgie pour un temps révolu mais avant tout pour             l’obscurité de la nuit contrastait totalement avec la riche
                                 qu’on puisse prendre toute la mesure de l’évolution des         lumière qui se dégageait de l’église paroissiale et qui
                                 mentalités.                                                     conférait puissance et éclat à la flamboyante liturgie de
                                                                                                 la fête de la Nativité.
                                 L’ombre et la lumière
                                                                                                 Cette immersion dans la nuit et le froid amenait aussi
                                 La fête de Noël coïncide avec le solstice d’hiver, c’est-à-     les fidèles à penser au petit Jésus frissonnant et sans
                                 dire avec la noirceur la plus totale. La nuit de Noël est en    doute terrifié, couché dans une mangeoire d’une crèche.
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                                 effet l’une des plus longues de l’année. Cette « mort » de      L’obscurité ambiante et la monotonie du trajet à cheval
                                 la lumière était d’ailleurs une profonde source d’angoisse      devait sans doute amener les fidèles d’autrefois à scruter
                                 pour les peuples primitifs de l’Antiquité. Non sans raison,     la voûte céleste, à la recherche de l’Étoile ayant guidé les
                                 plusieurs fêtes et rituels s’efforçaient de conjurer et de      bergers et les Rois Mages jusqu’à Bethléem.
                                 surmonter cette peur bien réelle. Lors du solstice d’hiver,
                                 les peuples païens rendaient un culte au soleil ou à la         Par une copieuse ironie, nous tentons désormais d’atté-
                                 divinité qui « contrôlait » la lumière, afin que celle-ci ne    nuer la puissance des néons et lampes halogènes afin
                                 disparaisse pas pour toujours. Lors de l’Hanoukka, les          de créer des « réserves de ciel étoilé », notamment aux

                             8      NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
DOSSIER

abords des observatoires astronomiques comme celui de           taux verdoyants, qu’il s’agisse de feuilles de gui ou de
Lac-Mégantic.                                                   feuilles de houx. Les anglo-saxons ne s’y sont pas trom-
                                                                pés lorsqu’ils ont créé le mot evergreen (toujours verts)
Mort de la nature, naissance du Messie                          pour désigner les conifères. Ces arbres-là sont en effet
                                                                les seuls à résister à la « mort » de la nature, lors de la
Le cycle de l’Avent et la fête de Noël prennent place           saison hivernale. D’où leur étroite association avec l’idée
au moment même où, sous nos latitudes, la nature                d’immortalité.
commence à « hiverner ». Les récoltes sont terminées et
l’Action de grâce a été célébrée. Les feuilles des arbres       L’association entre le sapin et la fête de Noël est d’abord
sont tombées, la terre est gelée, le foin et le grain sont      apparue au sein du christianisme germanique. On raconte
ensilés, les animaux rentrent à l’étable. Bref, la nature se    que saint Boniface, l’évangélisateur de l’Allemagne,
meurt; elle ne « ressuscitera » que dans quelques mois,         aurait expliqué aux païens germaniques le mystère de
au printemps. Dans le monde agricole de jadis, le mois          la Trinité en faisant référence à la forme triangulaire du
de novembre était un mois « perdu » : on ne pouvait plus        sapin (notons que saint Patrick, lorsqu’il évangélisait les
cultiver la terre mais on ne pouvait encore — du moins          Irlandais, leur avait expliqué la Trinité… à l’aide d’une
pas avant la première neige — aller bûcher des arbres et        feuille de trèfle). Quoi qu’il en soit, c’est d’abord chez
« charroyer » son bois de chauffage.                            les chrétiens de langue allemande que la fête de Noël
                                                                fut associée au sapin. Le tout premier sapin de Noël
                                                                de l’histoire du Canada a d’ailleurs été vu en 1781, à
                                                                Sorel, chez une riche famille allemande (celle du général
                                                                Friedrich Adolf von Riedesel). Ce sont d’abord les riches
                                                                et avant tout les protestants qui vont adopter le sapin de
                                                                Noël. Les Canadiens français ordinaires ne vont se rallier
                                                                à cette mode que dans les années 1940-1950.

                                                                Le dépouillement et l’abondance

                                                                Jadis, le cycle de l’Avent rimait avec privations et sacri-
                                                                fices, sous forme de jeûne. Il s’agissait, par ce biais, de
                                                                se purifier physiquement et spirituellement, en prévi-
                                                                sion de la fête de Noël mais aussi de la célébration de
Novembre était donc un mois « oisif » au cours duquel           l’Eucharistie qui aurait lieu lors de la messe de minuit.
on se préparait, nous aussi, à hiberner. C’était la saison      Rappelons qu’autrefois, les catholiques ne communiaient
des veillées et des contes, où les histoires de morts et        que deux fois l’an, d’abord à Pâques et ensuite à Noël,
de revenants étaient à l’honneur. Car qui dit novembre          lors de la messe de minuit. Jusqu’à ce que le pape Pie X,
dit aussi mois des morts, et ce, tant dans la vie civique       au tout début du XXe siècle, n’encourage la communion
(Halloween, Jour du Souvenir) que dans la vie liturgique        fréquente, de même que son corollaire : les congrès
(Toussaint, Fête des morts).                                    eucharistiques.

Puis, début décembre, commençait un nouveau cycle               Bref, avant de recevoir le Corps du Christ, il fallait disci-
liturgique : celui de l’Avent. Changement complet d’am-         pliner son corps, purifier son esprit et aussi confesser ses
                                                                                                                                L’Envoi de Saint-Hyacinthe

biance : malgré la grisaille de la fin de l’automne, malgré     péchés à Monsieur le curé afin d’être en « état de grâce »
la noirceur environnante, malgré la « mort » de la végéta-      au moment de communier. Ça voulait donc dire se priver
tion et de la nature, on se prépare à célébrer la naissance     de viande, de gras et de sucreries pendant près d’un mois
de Celui qui est « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6),   (et pendant six semaines chez les chrétiens d’Orient). En
de même que « la lumière du monde » (Jn 8, 12).                 jeûnant lors de l’Avent, les catholiques se soumettaient
                                                                aussi aux mêmes privations que Joseph et Marie, lors
C’est sans doute pour conjurer cette « mort » de la             de leur exil forcé vers l’Égypte, afin d’échapper à la folie
nature si Noël rime aussi avec sapins et autres végé-           meurtrière du roi Hérode.

                                                                                       NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015             9
L'Envoi - La nativité famille et naissance! - Diocèse de Saint-Hyacinthe
DOSSIER

                             Ce jeûne ne prenait réellement fin que le 25 décembre           Que s’est-il donc passé? D’abord l’influence du protes-
                             au soir, après la messe de minuit. Et encore, il s’agissait     tantisme anglo-saxon, chez lesquels les étrennes
                             souvent d’un léger goûter : d’abord, parce que le repas         étaient distribuées à Noël plutôt qu’au Jour de l’an. Les
                             avait lieu en pleine nuit, ensuite parce qu’un estomac          marchands et les grands magasins à rayons ont voulu
                             ayant jeûné est souvent plus fragile. De fait, les ripailles    faire en sorte que tous leurs clients — qu’ils fussent
                             bien grasses et les repas bien arrosés avaient souvent          catholiques, protestants ou juifs — achètent des cadeaux
                             lieu au Jour de l’an. C’est là qu’on sortait les tourtières,    et les distribuent à Noël. Ensuite, la mutation des menta-
                             le ragoût de pattes de cochon et la grosse dinde. Mais          lités qui a transformé la fête de Noël en fête des enfants,
                             aussi la bière, le gin et le whisky. Et, bien sûr, le violon,   alors que c’était jusque-là une fête religieuse pour tous.
                             l’accordéon et le « calleur » de sets carrés.                   Car, il faut bien le dire, la très longue messe de minuit
                                                                                             (plus de deux heures) et le long trajet à cheval dans la
                             Notons aussi qu’autrefois, ce n’est qu’au Jour de l’an          froidure hivernale faisaient en sorte que les tout petits
                             que les enfants recevaient et déballaient leurs cadeaux.        enfants restaient à la maison.

                             On constate donc le monde de différence entre ces               Les publicistes et autres « marchands du Temple » ont
                             Noëls-là et ceux d’aujourd’hui. Rares sont les familles         créé toute une succession de personnages féériques et
                             — même catholiques — qui s’astreignent aux jeûnes               enchanteurs — Santa Claus, ses lutins, ses rênes et son
                             et privations lors de l’Avent. On mange « gras » tout           chariot volant — lesquels ont fini par déchristianiser la
                             au long du mois de décembre et les enfants déballent            fête de la Nativité. Et en faire une fête de plus en plus
                             leurs (nombreux) cadeaux dès le 25 décembre. Enfants            commerciale où il s’agit de gâter — au sens propre et
                             qui finissent aussi de manger leur cargaison de bonbons         figuré — des enfants qui, souvent, ne manquent de rien,
                             d’Halloween tout au long du mois de novembre, sinon             sinon de l’essentiel : la vie spirituelle.
                             de décembre.
                                                                                             En raison de tout cela, la fête de Noël est de moins en
                             Jésus et Santa Claus                                            moins célébrée collectivement et dans l’église paroissiale,
                                                                                             les gens préférant la fêter à la maison et en famille, au
                             Dernier contraste entre les Noëls d’hier et ceux d’au-          pied du sapin. Et loin de toute référence à Jésus, à Marie
                             jourd’hui : la place prépondérante qu’occupe désormais          et à Joseph.
                             Santa Claus, c’est-à-dire le Père Noël. Alors que, jadis,
                             Jésus prenait toute la place. Il occupait une place prépon-
                             dérante dans les prières, les cantiques, les chants et la
                             liturgie. Il était aussi présent dans les processions et les
                             représentations théâtrales de la Nativité. Et aussi dans
                             les crèches : celles qui décoraient les maisons et celle
                             que le bedeau érigeait patiemment — et dans le plus
                             grand secret — dans l’église paroissiale. Le divin enfant
                             était aussi présent dans les petits Jésus de cire que les
                             religieuses et leurs écolières façonnaient et habillaient. Et
                             que l’on déposait de manière solennelle dans la crèche
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                             fabriquée par le sacristain du village.

                             Le Christ était également présent lors des étrennes,
                             puisque dans le monde catholique d’autrefois, c’était le
                             petit Jésus lui-même — assisté par quelques angelots —
                             qui se faufilait dans les maisons et déposait des cadeaux
                             au pied des lits — ou dans les bas de Noël — des enfants
                             sages.

                      10        NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
PASTORALE

La famille et la catéchèse :
indissociables!                                                                                           Hélène Lussier
                                                                     responsable du Service aux couples et aux familles,
                                                                      animatrice de sessions La spiritualité au quotidien,
                                                                                             diocèse de Saint-Hyacinthe

Le pape Paul VI, dans son encyclique sur l’évangélisation,    des valeurs d’autrui. Ce berceau, c’est la famille de Jésus
Evangelii Nuntiandi, présente la famille comme une            Christ, l’Église, notre Église en plein monde. La catéchèse
« Église domestique ». La famille chrétienne est appe-        part du berceau, elle se vit au quotidien, souvent dans
lée à vivre les valeurs chrétiennes, à en témoigner. Pour     de simples gestes.
sa part, Jean-Paul II, dans Familiaris Consortio (no 17),
écrit : « La famille a la mission de garder, de révéler       Les mots pour dire sa foi
et communiquer l’amour. » Chaque chrétien, par son
choix de vocation, est missionnaire là où il est enraciné :   Bien souvent, quand j’anime des groupes de parents ou
« Fleuris là où tu es planté » (saint François de Sales).     de couples, j’entends : « Je n’ai pas les mots pour parler
Or, la catéchèse est « l’ensemble des actions destinées       de la foi… Je ne sais pas quoi dire, mais, en même temps,
à éduquer des enfants, des jeunes et des adultes à la         je veux que mon enfant puisse se marier à l’église, qu’il
doctrine chrétienne ».                                        soit parrain ou marraine... » Ces parents ou ces couples
                                                              ressentent de l’impuissance devant le défi de transmettre
Chaque membre d’une famille devient évangélisateur            leur foi. Ils n’ont pas eux-mêmes les mots pour le dire.
pour l’autre. La 8e Rencontre mondiale des familles avait     Toutefois, l’enfant, dès son jeune âge, apprend par le
pour thème L’amour est notre mission : une famille plei-      toucher, il voit tout, il entend tout. Il voit l’émerveillement
nement vivante. Est-ce que la famille chrétienne d’au-        de ses parents, leurs bontés, leurs délicatesses, et aussi
jourd’hui est pleinement consciente de la mission qui lui     leurs manques d’amour, leurs demandes de pardon. Il
est confiée : révéler Jésus Christ par ses actions? Écrire    voit le crucifix, la Bible, etc. Dans le développement du
une page d’Évangile bien vivante au quotidien?                tout-petit, jusqu’à sa vie adulte, le parent a à témoigner
                                                              de ses convictions, de ses valeurs morales ou chrétiennes.
Quand un enfant vient au monde, les parents lui préparent     L’enfant verra la cohérence entre paroles et actes. Donner
un berceau. Celui-ci est en quelque sorte une rampe de        le goût de Jésus Christ, cela passe par le quotidien : par
lancement dans la société. Cet enfant sera porté par          des gestes, des rites, des temps d’intimité et d’intériorité
ce que ses parents auront souhaité lui transmettre du         adaptés à l’enfant selon son âge. Donner le goût de Jésus
meilleur d’eux-mêmes : l’amour, le respect, le pardon,        Christ, c’est aussi accepter d’être questionné par son
le dialogue, etc. La liste est longue de ce que chacun et     adolescent(e), de voir la foi chrétienne remise en cause.
                                                                                                                                  L’Envoi de Saint-Hyacinthe

chacune veulent transmettre. Éduquer un enfant, c’est         Pour donner ce goût, les parents ont besoin du soutien
le rendre autonome pour qu’il puisse partir, quitter le nid   de leur communauté paroissiale.
familial, faire en sorte qu’il puisse voler de ses propres
ailes.                                                        Aujourd’hui, le défi est grand : beaucoup de familles ou
                                                              de parents qui font la demande de sacrements auraient
Quand on veut mettre au monde un chrétien, on lui             besoin de plus de temps pour eux afin de revisiter leur
prépare aussi un berceau. Les parents lui permettent ainsi    propre cheminement de vie chrétienne. Un parent me
de « s’élever », de devenir une personne tournée vers         partageait : « Je ne suis pas pratiquant, mais je crois.
les autres, attentive à ce qui se vit autour, respectueuse

                                                                                      NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015               11
PASTORALE

                                                        Chaque soir, ma femme et moi, on bénit nos enfants, on
                                                        les confie à Dieu. On ne va pas à la messe, mais il nous
                                                        semble important que nos enfants vivent les sacrements.
                                                        Cela les aidera dans la vie… » Je lui demande : « Parlez-
                                                        vous de Jésus avec eux? » Il me répond : « Non, nous ne
                                                        savons pas comment. »

                                                        Un parcours aidant : La spiritualité au quotidien

                                                        L’Office de catéchèse du Québec (OCQ) et le diocèse
                                                        de Trois-Rivières ont développé un parcours d’éveil à la
                                                        spiritualité familiale intitulé La spiritualité au quotidien.
                                                        Ces ateliers sont des bijoux de rencontres, auxquelles les
                                                        parents participent pour eux-mêmes, pour leur propre
                                                        cheminement de foi. Ils peuvent y trouver les mots pour
                                                        dire leur foi, pour en témoigner. J’ai animé ce parcours
                                                        plusieurs fois depuis l’an 2000 et j’y ai constaté de
                                                        belles transformations. Les parents se disent reconnus
                                                        en tant que personnes. Ils découvrent qu’il leur manquait
                                                        seulement un lieu pour échanger sur leur propre vie
                                                        chrétienne, entre adultes, et ensuite avec leurs enfants.
                                                        Vouloir que les enfants vivent à leur tour les sacrements
                                                        est un acte de foi en soi. Croire que Jésus peut les accom-
                                                        pagner demande aux parents d’en témoigner en paroles
                                                        et en actes.

                                                        Comme personnes engagées en Église, nous sommes un
                                                        peu comme le liquide dans lequel les photographes —
                                                        du moins jusqu’à l’arrivée du numérique — plongeaient
                                                        les négatifs pour y faire apparaître les photos dans toute
                                                        leur splendeur. Les familles ont besoin de nous, de notre
                                                        accueil et de temps de partage entre elles. Elles sont les
                                                        premières responsables de l’éducation des enfants, pour
                                                        reprendre les termes de Jean-Paul II dans Les tâches de
                                                        la famille chrétienne (1983). Les parents disent parfois
                                                        ne pas avoir de temps pour des rencontres supplémen-
                                                        taires : cela est vrai si les rencontres ne leur rapportent
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                                                        pas quelque chose pour eux-mêmes. Comprenons-les,
                                                        nous n’avons pas de temps à perdre, nous non plus!
                                                        Dans la mesure où nos rencontres deviendront des lieux
                                                        d’évangélisation mutuelle, les parents trouveront peut-
                                                        être plus de temps à y consacrer…

                                                                                                Revue Passages
                                                                                                Automne 2015

                      12     NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
OPINION

    Quand le désir d’enfant rime avec épreuve et drame spirituel
                                                    Frédéric Barriault
                                                 Communications & Société

De tout temps, le fait de ne pas                                à être sensibles aux « blessures qui sont imprimées dans
                                                                la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri
pouvoir enfanter a été perçu comme                              s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence [géné-
une malédiction. Que ce soit pour                               rale]». Jubilé, nous dit le pape François, où « l’Église sera
Abraham et Sarah, pour Zacharie et                              encore davantage appelée à soigner ces blessures, à les
                                                                soulager avec l’huile de la consolation, à les panser avec
Élisabeth ou pour les parents d’au-                             la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’atten-
jourd’hui. L’épreuve est la même.                               tion » (bulle Misericordiae Vultus, 11 avril 2015).

Puisque ce numéro de L’Envoi aborde l’enjeu de la Nativité      Désirant commémorer la fête de la Nativité — et le
et qu’il prend place quelques semaines après la conclusion      massacre des Saints Innocents —, cet article se penchera
                                                                                                                                L’Envoi de Saint-Hyacinthe

du Synode sur la famille, j’aimerais profiter de la tribune     sur le drame spirituel des couples qui, comme le mien,
qui m’est offerte pour témoigner de mon rapport person-         ont connu ce drame atroce qu’est celui de perdre un
nel, paternel — et douloureux — avec le désir d’enfant.         ou plusieurs bébés. Célébrer la naissance de Jésus doit
Ces jours-ci, notre Église oscille entre plusieurs émotions :   en effet nous donner l’occasion de réfléchir au drame
elle se prépare d’abord à célébrer dans la joie et l’allé-      vécu par celles et ceux qui veulent de toutes leurs forces
gresse la naissance de Celui qui est la Voie, la Vérité et la   accomplir le projet de vie que l’Église assigne aux couples
Vie. Or, dans quelques jours, cette même Église donnera         mariés, c’est-à-dire la vie familiale. Mais que faire quand
aussi le coup d’envoi au Jubilé de la Miséricorde, année        l’enfant tant attendu tarde à se matérialiser? Que le
sainte au cours de laquelle les catholiques seront invités      couple vit fausse couche après fausse couche? Et drame

                                                                                       NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015            13
OPINION

                             après drame? Comment accompagne-t-on ces familles                admirable de l’oblat Jean Monbourquette (1933-2011),
                             brisées? Quel soutien leur offre-t-on?                           véritable pionnier en psychologie du deuil.

                             Le deuil et le deuil périnatal au Québec                         Un jour ou l’autre, il faudra aussi faire face au drame
                                                                                              spirituel vécu par les jeunes parents catholiques endeuil-
                             Au Québec comme ailleurs en Occident, il n’est pas facile        lés. Ceux qui, comme mon épouse et moi, ont vécu des
                             de vivre pleinement et sereinement le moindre deuil.             fausses couches à répétition. Qui ont trop souvent côtoyé
                             Notre rapport à la mort a connu de profondes mutations           le drame et la détresse. Des couples qui ont pleuré. Qui
                             au cours des dernières décennies, tant et si bien qu’on          ont douté. Mais sans jamais cesser d’espérer.
                             refuse collectivement de faire face à ce drame humain
                             qu’est celui de la mort. Les funérailles d’un proche sont        Car, qu’on se le dise, les couples catholiques acceptent
                             à peine terminées qu’on nous demande déjà de le laisser          volontiers le projet de vie que l’Église leur assigne, c’est-
                             aller, de vivre notre vie et de passer à autre chose. Bref, il   à-dire l’édification d’une famille appelée à faire rayonner
                             faut anesthésier notre douleur et chasser de notre esprit        la joie et l’amour autour d’elle. L’Église nous enseigne en
                             les souvenirs qui nous relient à l’être aimé, afin de rede-      effet que la famille est l’aboutissement ultime, naturel,
                             venir — le plus rapidement possible — des travailleurs           nécessaire et légitime du mariage et de la vie conjugale.
                             performants et productifs1.                                      Or, ces couples ne se contentent pas d’accepter la mission
                                                                                              que l’Église leur confie : ils l’appellent de tous leurs vœux.
                             Les couples qui vivent une fausse couche et les parents          Dès les premiers instants de leur histoire d’amour, ils se
                             qui perdent un enfant en bas âge font face au même               voient déjà parents et heureux, comme dans la célèbre
                             genre d’indifférence, à la même absence d’empathie. La           chanson de Georges Brassens sur Les amoureux des
                             perte de l’enfant à naître est à peine consommée qu’on           bancs publics :
                             dit à ces parents endeuillés de tourner la page, que rien
                             n’arrive pour rien et que la prochaine fois sera la bonne.                      Ils se tiennent par la main,
                             Sans oublier toutes ces personnes pour lesquelles un                               Parlent du lendemain,
                             embryon n’est pas vraiment une personne et qu’il est                               Du papier bleu d’azur
                             inutile de pleurer pour « ça »2…                                   Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher
                                                                                                Et choisissent les prénoms de leurs premiers bébés
                             Il y a lieu de se questionner sur cette apparente insensi-
                             bilité à l’égard de la douleur et de la détresse vécue par       Mais que se passe-t-il lorsqu’un couple chrétien n’arrive
                             les personnes endeuillées, qu’elles soient jeunes ou moins       pas à voir se concrétiser le projet de vie mis de l’avant
                             jeunes. D’autant que nous vivons dans une société vieil-         par l’Église? Que fait-on pour accompagner les couples
                             lissante (en 2020, près de la moitié des Québécois auront        qui ne demandent qu’à vivre pleinement cette parentalité
                             plus de 50 ans). De plus, malgré tous les progrès de la          mais qui en sont empêchés pour toutes sortes de raisons :
                             médecine et de la science, près de 500 bébés meurent             problèmes de fertilité, fausses couches à répétition, deuil
                             chaque année au Québec, que ce soit en cours de gros-            périnatal, allongement des délais et alourdissement des
                             sesse, à la naissance ou lors des premières semaines de          procédures d’adoption, etc. Que fait-on avec ces couples
                             leur (trop courte) vie. On parle ici de 500 bébés ardem-         brisés et blessés dont le projet familial tarde à se maté-
                             ment désirés et aimés passionnément dès leur conception          rialiser — ou ne sematérialise jamais?
                             mais qui, hélas, n’ont jamais eu la chance de souffler leur
                             première bougie.                                                 Le doute finit tôt ou tard par s’emparer de ces couples.
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                                                                                              Ils se questionnent sur Dieu, sur sa justice, sa providence.
                             Des familles chrétiennes en mal d’enfants                        Ils se sentent parfois seuls, abandonnés. D’autant qu’ils
                                                                                              vivent dans une société où le deuil n’a presque plus droit
                             On ne saurait sous-estimer la douleur, la détresse psycho-       de cité; dans une société où la fausse couche et le deuil
                             logique et le drame spirituel des personnes faisant face         périnatal ne sont pas suffisamment reconnus. Ils vivent
                             à la perte d’un être cher. Certes, l’Église — à travers sa       aussi dans un monde où la technoscience tente de nous
                             liturgie, sa pastorale du deuil et ses groupes de soutien        convaincre qu’on peut tout contrôler : notre fécondité,
                             — peut offrir réconfort et espoir aux familles endeuillées.      « notre » accouchement, et même notre propre mort.
                             À ce chapitre, on ne saurait passer sous silence le travail      Alors que la réalité des proches aidants, des couples

                      14        NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
OPINION

infertiles ou des personnes endeuillées est un drame           désespérément d’en avoir — n’est pas moins intense que
quotidien.                                                     celui vécu par les familles vivant dans les « périphéries
                                                               existentielles » de l’Église.
Je ne connais pas beaucoup de couples — c’est-à-dire
de mères — dont l’accouchement s’est produit comme             En célébrant Noël, nous commémorons avec joie la nais-
elles se l’imaginaient lorsqu’elles ont rédigé leur « plan     sance du Verbe incarné et du Sauveur du monde. Or,
de naissance ». La douleur, le chaos et l’angoisse : voilà     nous sommes aussi appelés à revivre les tribulations de
à quoi ressemble trop souvent l’enfantement. Pour les          Joseph et Marie; à nous remémorer la violence et la
couples qui, comme le mien, ont déjà perdu deux ou trois       persécution qu’ils fuyaient, et à nous rappeler de la froide
bébés lors de fausses couches, la grossesse est un stress      indifférence — au sens propre et figuré! — dans laquelle
permanent et l’accouchement est une « libération » — et        Jésus est né. Nous sommes aussi appelés à nous souvenir
non pas une espèce d’apothéose.                                du massacre des Saints innocents, ces nourrissons bruta-
                                                               lement exterminés à la demande du roi Hérode.
Fort heureusement, des ressources et des groupes de
soutien existent. Récemment, mon collègue Philippe             Ayons cela à l’esprit et tâchons d’avoir une pensée pour
Vaillancourt a publié un article extrêmement émouvant          les jeunes familles ayant perdu un enfant au cours des
à propos de l’accompagnement spirituel et liturgique           derniers mois ou des dernières années. Particulièrement
qui est offert aux couples ayant pleuré la mort d’un           celles qui, contrairement à mon épouse et moi, n’ont pas
ou de plusieurs bébés. À travers la célébration de la          encore pu vivre cette immense grâce qu’est celle de tenir
Fête des anges, la paroisse Saint-Charles-Borromée de          entre leurs mains leurs propres enfants. Et de les bercer,
Charlesbourg aide les parents à honorer la mémoire des         les chérir et les éduquer.
enfants que Dieu a rappelé à Lui un peu trop hâtivement.
Et à guérir les âmes meurtries et encore endeuillées de         Notes et références
ces parents3.
                                                                1- Jean Monbourquette, o.m.i et Isabelle Aspremont, Excusez-moi :
Au tout début du Synode sur la famille, le pape François        je suis en deuil!, Montréal, Éditions Novalis, 2011, 172 p.
invitait les évêques du monde entier à s’intéresser aux
                                                                2- Isabelle Clément et Manon Cyr, Fausse couche, vrai deuil,
« périphéries existentielles » de l’Église, c’est-à-dire aux    Montréal, Éditions Caractère, 2013, 232 p.
familles ou aux personnes qui ne vivent pas exactement
selon les règles de l’Église. Les couples non-mariés,           3- Philippe Vaillancourt, « Une émouvante célébration aide les
les divorcés remariés, les familles reconstituées ou les        parents à surmonter la perte de leur bébé », Présence : information
                                                                religieuse, 19 octobre 2015 http://presence-info.ca/article/famille/
personnes LGBT, par exemple. Or, le drame spirituel vécu        une-emouvante-celebration-aide-les-parents-a-surmonter-la-perte-
par les couples ayant perdu des enfants — ou tentant            de-leur-bebe

                                               Conseils et soutien
                                                                                                                                        L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                                      WWW . P A R E N T S O R P H E L I N S . O R G

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REGARDS
          ÉBLOUIS...
Comme filaments d’or, vestiges de l’automne,
   Comme blanches féeries de l’hiver,
   Comme fragiles lumières dans la nuit,

            Ainsi va notre quotidien.
        Insaisissable merveille : la terre,
        Somptueux et cosmique jardin,
          Insondable « MILIEU DIVIN »,
        S’offre à nous comme mystère.

    S’éveillent les marées de la mémoire
        Où les vagues nous ramènent
    Sur les rives fabuleuses de l’enfance :
Images naïves burinées dans l’argile des coeurs,
    Enchantement d’un monde intérieur,
          Mélodies, chants et danses,
       Bercent, consolent et fécondent
         La joyeuse attente de NOËL.

                    LE SAPIN,
          Arbre vénérable et mythique,
            Aux racines Messianiques,
            Emaillé de constellations,
 Trône devant les maisons et dans nos salons;
     Étoiles, bergères de nos nuits polaires,
Festin pour les yeux, jubilation pour nos coeurs.
   Magicien de l’innocence, de la candeur
           Et des rêves enchanteurs...

  Des FÊTES de Partage, d’Amour et de Paix!

    « Au clocher de Jérusalem,
     je voudrais voir une Croix,
    une Étoile, un Croissant... »
                                Marie-A. Bouchard
                                 Mont-Saint-Hilaire
THÉÂTRE

  L’HISTOIRE DE LA FÊTE DE NOËL
                                                  par Guy Prévost d.p.

C’était la veille de Noël au matin. La neige commençait        - La fête des cadeaux!, lança un autre lutin.
à tomber tout doucement. Une douce brise caressait les
branches des sapins. Au pôle nord, tous les lutins étaient     - Ho! Ho! Mes petits lutins, vous êtes bien excités, dit
réunis dans le grand salon du Père Noël. Ils attendaient       le Père Noël. C’est vrai que c’est la fête de Noël….. Et
avec excitation son arrivée afin de recevoir les derniers      pourtant, je n’ai pas le cœur à la fête. J’ai plutôt le cœur
ordres avant le grand départ pour la tournée de distribu-      en peine.
tion des cadeaux à travers le monde.
                                                               Les lutins se regardèrent les uns les autres. Personne ne
Tout à coup, on entendit une voix crier haut et fort : - Ho!   semblait comprendre la peine qui avait envahi le cœur
Ho! Ho! Joyeux Noël, les amis!                                 du Père Noël.

Les lutins à leur tour se mirent à crier. - Joyeux Noël!       - Mais pourquoi Père Noël, lui dit un lutin curieux? Ce
Joyeux Noël!                                                   soir plein d’enfants seront comblés de cadeaux! Ce sera
                                                               le bonheur!
                                                                                                                              L’Envoi de Saint-Hyacinthe

Le Père Noël, vêtu de son élégant costume rouge, entra
au salon et salua ses lutins.                                  Le Père Noël lui répondit :
                                                               - Tu as raison, mon lutin. Mais sais-tu exactement pour-
- Je suis tellement heureux d’être ici parmi vous, dit-il,     quoi nous sommes là?
car c’est une grande fête qui nous réunit, c’est un grand
événement qui nous rassemble.                                  Sans hésiter le lutin lui dit :
                                                               - Pour rendre les gens heureux, Père Noël! C’est votre
- Oui, oui, la fête de Noël! La fête des enfants!, s’exclama   fête, c’est la fête de Noël, du Père Noël! Vive Noël et les
un lutin.                                                      cadeaux!!!!!

                                                                                      NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015           17
THÉÂTRE

                             Le Père Noël soupira.                                            taine, un miracle est arrivé. Pourtant ce miracle n’avait
                                                                                              rien de spécial au premier regard. Personne ne pouvait
                             - Non, mon bon lutin. La fête de Noël ce n’est pas ma            croire que ce qui était en train d’arriver allait complète-
                             fête, c’est bien plus que tout ce que tu viens de dire. Il y a   ment changer la vie de millions de personnes depuis plus
                             de cela très longtemps, quand j’ai commencé à distribuer         de 2000 ans!
                             des cadeaux, je voulais simplement aider les plus pauvres
                             autour de moi en partageant avec eux.                            Un lutin s’exclama :
                                                                                              - Les miracles ne sont pas toujours « extravagants ou
                             - C’était à l’époque où on vous appelait saint Nicholas,         grandioses », mais ils existent!
                             souffla un petit lutin.
                                                                                              Un autre poursuivit :
                             - On m’appelait seulement Nicholas. Je voulais simple-           - Pensez au miracle de la vie! Une maman qui porte son
                             ment partager avec ceux qui en avaient besoin. Je le             enfant pendant plusieurs mois sans le voir et qui soudai-
                             faisais parce que l’amour de Dieu m’avait envahi et que je       nement, après un dur travail peut enfin le prendre dans
                             voulais partager cet amour. Je ne pensais pas qu’un jour         ses bras! Le fruit de son amour, le fruit de son cœur, le
                             la fête de Noël perdrait son sens profond et deviendrait         fruit de son corps! C’est ce genre de miracle qui nous
                             une fête des cadeaux et des grosses dépenses.                    réunit tous ce soir.

                             - Rappelez-nous comment la fête de Noël a commencé,              Le Père Noël continua :
                             Père Noël!, demanda un lutin.                                    - Un homme et une femme que l’amour va réunir :
                                                                                              l’amour humain, bien sûr, mais aussi et surtout l’amour
                             - Elle a commencé bien avant ma naissance, quand un              que chacun d’eux portait pour Dieu. Et c’est là que le
                             événement grandiose est arrivé. Vous voulez entendre             miracle agit! C’est à cause de l’amour que le miracle s’est
                             l’histoire?                                                      produit! Rappelez-vous bien, les amis : une toute jeune
                                                                                              femme appelée Marie apprend qu’elle est enceinte! Elle
                             - Moi, je la connais l’histoire! lança le petit lutin.           apprend aussi que l’amour de Dieu est tellement grand
                                                                                              pour elle qu’elle a été choisie pour être la mère de celui
                             - Moi aussi, moi aussi!, dit un autre lutin.                     qui va transformer le monde par son message, par sa
                                                                                              présence, par son amour. Marie ne comprend pas tout
                             - Alors, vous allez m’aider, répondit le Père Noël.              ce qui lui arrive, mais elle décide de faire confiance à
                                                                                              Dieu. Joseph, son époux, apprend la nouvelle à propos de
                             Rappelons-nous pourquoi nous sommes ici. Lutin coquin,           Marie par la bouche même d’un ange de Dieu. Joseph lui
                             va me chercher mon grand livre d’histoire.                       aussi ne comprend pas tout, mais son cœur droit et juste
                                                                                              lui dicte de garder Marie auprès de lui et d’en prendre
                             - Mais Père Noël, nous sommes à l’ère du numérique.              soin. Il deviendra le père terrestre de Jésus.

                             Et le lutin, en tendant au Père Noël une tablette numé-          Le petit lutin ajouta :
                             rique, lui dit :                                                 - On pourrait imaginer que Marie et Joseph ont été trans-
                             - Le voilà votre grand livre!!                                   portés par l’amour de Dieu, qu’ils étaient envahis par une
                                                                                              immense paix et que plus rien ne pouvait les atteindre.
                             - Ho! Ho! Ho! Mais tu as bien raison », lui répondit le
L’Envoi de Saint-Hyacinthe

                             Père Noël en riant de bon cœur. Alors, il est temps de           Le Père Noël reprit :
                             commencer l’histoire de Noël!                                    - Hélas, Dieu n’a pas voulu faire de la terre un nouveau
                                                                                              ciel : il a plutôt voulu venir sur terre pour vivre notre
                             Et le Père Noël débuta le récit de la grande histoire de la      humanité. Les angoisses, les doutes, la peur, l’incom-
                             fête de Noël.                                                    préhension ont sûrement fait partie du quotidien de
                                                                                              Marie et Joseph. Imaginez… imaginez les ragots qui
                             - Jamais il n’y a eu de plus belle nuit… Nuit remplie d’es-      pouvaient circuler dans leur village et dans les environs
                             pérance et de joie…. Nuit remplie d’amour et de paix!!!          à leur sujet. Imaginez les regards « durs et méchants »
                             Il y a de cela très, très longtemps, dans une contrée loin-

                      18        NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2015
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