L'ÉMERGENCE DES MARQUES LOCALES ? - LA BEAUTÉ DANS LES PAYS DU GOLFE : LIVRE BLANC 2018 - Chalhoub Group
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L A B E A U T É D A N S L E S P A Y S D U G O L F E : L’ÉMERGENCE DES MARQUES LOCALES ? LIVRE BLANC 2018
INDEX Introduction.............................................................................................................. 4 Partie 1: La beauté dans le Golfe : une histoire d’amour et de culture...... 6 Une demande enracinée dans la tradition................................................................ 6 Une beauté sous influence digitale........................................................................... 10 Partie 2: De la région pour la région................................................................... 12 Se spécialiser pour sortir du lot................................................................................... 12 Innover pour mieux connecter.................................................................................. 15 Partie 3: Un coup de jeune pour l’écosystème beauté du Golfe ................. 18 Le tremplin du commerce électronique................................................................... 18 Se développer dans le monde hors ligne................................................................. 21 Con c lusion : A c c epte r , c o m p r end r e et a c c ueilli r la beauté d ’ au j ou r d ’ h ui.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 4 3
I nt r odu c tion À la r en c ont r e des nou v eaux expe r ts beauté du G olfe Le secteur de la beauté dans les pays membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) a longtemps été dominé par les marques institutionnelles. Il connaît actuellement de profonds bouleversements liés à l’émergence d’acteurs indépendants locaux, qui séduisent le consommateur moderne en incarnant fièrement la culture et les valeurs de leur région. Ce phénomène n’est pas fortuit. Au contraire, il est à la fois la cause et le résultat d’une évolution majeure dans la manière dont se définit la beauté elle-même et de la façon dont cette industrie fonctionne désormais. Le succès des marques de beauté locales est lié à une combinaison de facteurs. En premier lieu, le marché régional des produits d’importation souffre d’un environnement macroéconomique difficile, comme l’explique le Livre Blanc 2016 du Groupe Chalhoub sur la Nouvelle Norme. Après une tendance positive amorcée lors du premier semestre 2017, le marché physique de la beauté de luxe dans le Golfe a baissé d’environ 5 %. Le marché du parfum est celui qui a le plus chuté, de -10 % par rapport à 2016. Le marché du maquillage a également souffert d’une baisse de 3 % en 2017, alors que sa croissance était encore légèrement positive au premier semestre. Le marché du soin est quant à lui toujours en légère baisse par rapport à 2016. Le marché global de la beauté de luxe au CCG est donc estimé à environ 1,8 milliard de dollars pour 2017, contre 1,9 milliard de dollars en 2016 1. Confrontés à cette baisse notable de leurs ventes, les groupes internationaux ont réduit leurs budgets marketing dans le CCG. Là où par ailleurs, les variations de prix liées aux fluctuations des taux de change suscitent la méfiance des consommateurs. En parallèle, et comme le détaille le Livre Blanc 2017 du Groupe Chalhoub, une véritable révolution sociétale est en train de remodeler la région. En effet, l’émergence de la jeunesse (la moitié de la population du Golfe a désormais moins de 30 ans 2) alliée à l’explosion d’Internet (le taux de pénétration moyen y est de 76 %, contre 53 % en moyenne dans le monde 3 ), modifie la façon de consommer. Curieux, connectés et les pieds sur terre, ces jeunes se distinguent radicalement de leurs aînés, y compris dans la manière dont ils gèrent leurs dépenses. Habitués à voyager, sophistiqués et attachés à leurs racines, ils s’informent sur les réseaux sociaux, et donnent beaucoup d’importance aux conseils des influenceurs digitaux. Cette jeune génération contribue aussi à la croissance rapide du commerce électronique dans les pays du Golfe. Le taux de croissance des ventes en ligne devrait augmenter de 31 % annuellement d’ici 2022 pour générer alors un total annuel de 24 milliards de dollars 4. Enfin, la clientèle moderne du CCG, bien informée et bénéficiant d’un niveau d’éducation élevé, aspire à trouver du sens et de la substance dans les divers aspects de sa vie. Elle attache donc beaucoup d’importance à l’authenticité des liens qu’un label crée (ou non) avec son public. Les marques institutionnelles s’adaptent lentement à cette nouvelle donne alors qu’une vague de créateurs néophytes saisit à bras le corps l’opportunité qui lui est offerte dans la région. Le caractère foncièrement évolutif et expérimental de la beauté se retrouve dans une clientèle particulièrement encline à adopter les tendances et les technologies les plus novatrices. Embrassant pleinement ces caractéristiques, les jeunes entrepreneurs indépendants, innovants et maîtrisant les 4
I nt r odu c tion outils digitaux, s’établissent partout à travers le monde. Ils bénéficient du soutien des chaînes de vente au détail spécialisées dans la beauté, très réactives aux attentes de leur clientèle et proposant constamment des nouveautés. Ensemble, ces nouveaux acteurs inventent des modèles inédits et redéfinissent les règles régissant le secteur à l’échelle globale. Inéluctablement, le même phénomène se produit dans les pays du CCG dont la population est hyper connectée et pour qui la beauté est d’une grande importance. Celle-ci fait, en effet, partie intégrante de la culture et de la vie en société dans cette région. Les relations sociales y jouant un rôle fondamental, il est crucial de toujours avoir une présentation très soignée. En même temps, les jeunes consommateurs ne se contentent plus d’être bien informés ; ils se transforment en experts constamment à la recherche de produits sophistiqués et de services développés spécifiquement pour eux. Ayant identifié un potentiel jusque-là négligé, les nouvelles marques locales répondent à ces attentes. Qui plus est, elles savent développer un lien avec les consommateurs qui leur permet de connaître, anticiper et même engendrer les tendances susceptibles de leur plaire. Ambitieuses et motivées, elles concurrencent désormais les labels internationaux (certaines, comme Huda Beauty, avec brio). S’appuyant sur plus de 60 ans d’expertise au Moyen-Orient, sur de nombreuses études de marché, réalisées en propre et par des tiers, et sur divers points de vue d’experts, le Livre Blanc 2018 du Groupe Chalhoub tente d’apporter un nouvel éclairage sur cette génération de créateurs locaux et sur ce qu’elle a à apporter au marché de la beauté dans le CCG. Le Groupe Chalhoub affirme son engagement auprès de ces jeunes entrepreneurs et prône un ajustement des mécanismes et des structures dans notre industrie, afin de mieux les accueillir et les soutenir. Notre pertinence future dépendra de notre capacité à les comprendre et à les embrasser. Le digital et le commerce électronique ont profondément altéré l’univers de la beauté dans le CCG. Aujourd’hui, les consommateurs sont connectés et très au fait des nouvelles tendances, produits et technologies. Ils n’écoutent plus les marques mais recherchent de multiples sources d’information, telles que les influenceurs du net. Ils sont ouverts aux idées novatrices et sont si bien informés qu’en magasin, ils se servent de leurs appareils pour montrer aux vendeurs les nouveautés qui les intéressent. Dans ce contexte, les marques de beauté doivent non seulement suivre mais aussi anticiper les attentes de leurs consommateurs, ce en quoi les nouveaux acteurs de la beauté dans le Golfe excellent. Forçant le secteur à se remettre en question et à se concentrer davantage sur sa clientèle, ils ont un impact majeur et positif sur une industrie qui ne devrait pas les craindre, mais plutôt les encourager. Le Groupe Chalhoub apprécie ces acteurs locaux indépendants, et est fier d’avoir contribué au succès international de certains d’entre eux. Il nous en faut davantage. Anthony Chalhoub - co-PDG du Groupe Chalhoub 5
P a r tie I L a beauté dans le G olfe : une h istoi r e d ’ a m ou r et de c ultu r e Les consommateurs du CCG ont longtemps dû se contenter de produits de beauté conçus pour l’international et qui ne répondaient pas nécessairement à leurs besoins spécifiques. La révolution du digital a renversé ce rapport entre les marques et leur clientèle. Grâce à Internet, le public du Golfe a accès à toutes sortes d’informations, il peut exprimer ses opinions et peut surtout acheter les produits de son choix sans contrainte géographique. Mature et avide d’exploration, il aspire à recevoir une offre sophistiquée et localisée. C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrivée d’acteurs indépendants, eux- mêmes issus de la région et pleinement en harmonie avec les aspirations et les caractéristiques de leurs clients. Une demande enracinée dans la tradition Les nouvelles marques locales ont fait un constat d’une importance primordiale : les amateurs de beauté dans la région ont leur propres attributs, habitudes et préoccupations. Par exemple, ces marques savent que l’importance des rituels de beauté dans les pays du Golfe ne doit jamais être sous-estimée, en particulier pour les parfums orientaux dont la dimension culturelle est considérable. Symboles de statut social, ils contribuent au sentiment d’appartenance communautaire et leur achat est une véritable expérience de vie en société. Pendant des siècles, leurs ingrédients (encens, oud, rose, musk, santal et ambre) ont marqué les gestes quotidiens et l’identité même des habitants de la région. Les parfums orientaux se présentent sous différentes formes : les huiles sont des essences pures, utilisées seules ou mélangées ; le « bokhour » se présente sous forme de copeaux de bois imbibés d’huiles ; la 6
P a r tie I « mukhamariya » est une sorte d’huile épaisse et hautement concentrée ; les vaporisateurs répandent des senteurs intenses et durables ; les produits de toilette servent à parfumer le corps et les cheveux ; les « faraash » rafraîchissent la literie et sont aussi appliqués sur les rideaux et les tissus. À la différence des produits occidentaux, les parfums orientaux ont donc mille et une utilisations : dans la salle de bain, le salon, la chambre à coucher et la voiture, ainsi qu’au travail et lors d’évènements sociaux et/ou religieux comme le « majlis » (« l’endroit où s’assoir » en arabe, faisant référence à une assemblée législative ou à une pièce dédiée aux réunions sociales), les mariages ou les rencontres amicales au cours desquelles les invités peuvent les essayer. C’est d’ailleurs pourquoi dans le Golfe, l’emballage et les accessoires d’un parfum sont aussi importants que sa senteur elle-même. L’application est un art consistant à créer une fragrance personnalisée par la superposition de différentes senteurs et a, elle aussi, une dimension rituelle : en moyenne, cinq à sept couches sont appliquées, d’abord dans la douche, puis avec une lotion et/ou un déodorant. Du bokhour imprègne ensuite les vêtements, les cheveux et la peau, et de l’huile est apposée sur les poignets, le cou et le nez. Enfin, on vaporise un ou deux parfums occidentaux. L’importance qu’accordent les habitants du CCG au parfum explique la résilience de ce segment sur un marché généreusement alimenté par des producteurs régionaux de renom, comme Abdul Samad Al Qurashi, Ajmal Perfumes ou Arabian Oud. S’appuyant sur leur présence historique et leur prestige, certaines de ces marques se sont d’ailleurs lancées avec succès dans la vente au détail. Ajmal Perfumes par exemple, fondée en 1951, a ouvert son premier magasin à Dubaï en 1976 et compte aujourd’hui plus d’une centaine de points de vente au Moyen-Orient. De même, Arabian Oud, créée en 1982, dispose d’une chaîne de magasins comptant plus de 800 boutiques exclusives. Toutefois, la nouvelle vague d’entrepreneurs sait mieux que quiconque combien les jeunes clients du Golfe ont soif d’expériences et de produits qui leur ressemblent, car elle fait elle-même partie de cette génération. Libres des contraintes pesant sur les magasins physiques, les fondateurs de marques comme Ne’emah, Arcadia, Odict ou Widian (ex-AJArabia) se basent donc sur leur propre expérience pour créer des parfums orientaux à la fois modernes et ancrés dans la tradition, présentés dans des emballages luxueux réaffirmant haut et fort leurs racines. Poussant ce principe encore plus loin, Ghawali (créé par le Groupe Chalhoub) invite ses clients La popularité croissante des parfums orientaux reflète l’évolution de la clientèle du CCG au cours de ces dernières années. Comme le montre le dynamisme des arts, de la mode et du design, cette clientèle investit avec enthousiasme dans sa propre culture. Il en va de même pour les parfums orientaux. C’est pourquoi Ne’emah affine et modernise son image, tout en protégeant l’identité que nous avons construite dès notre lancement en 1997. Je viens d’une famille locale de nez et j’ai grandi dans cet univers, avec ces valeurs. Dans notre famille, il est essentiel de préserver le prestige de notre maison ; cela fait partie de notre héritage. Nous ne créons aucun parfum qui ne raconte à coup sûr notre histoire, nos souvenirs et notre caractère. Nous offrons à nos clients nos propres réflexions et expériences. Mohammed Ne’emah - Fondateur & Directeur Créatif, Ne’emah Fragrances 7
Les essentiels beauté dans le CC G Y eu x Palettes de fards Khôl/eyeliners liquides Mascaras Faux-cils Crayons/gels/poudres/palettes pour sourcils V isage Bases pour teint mat Anticernes/antitaches Poudres/crèmes/palettes pour contour Poudres/crèmes/palettes illuminatrices L è vres Correcteurs de couleur Poudres/fixateurs Rouges à lèvres longue tenue Rouges à lèvres liquides Crayons pour contour Source : Département Développement commercial du Groupe Chalhoub à découvrir sa ligne de parfums et ses rituels dans le cadre élégant de luxueux concept stores. Tous ces jeunes acteurs de la beauté ont brillamment compris ce fonctionnement. De même, les rituels de maquillage ont toujours fait partie de la culture et du quotidien des femmes du Golfe, dont la tenue traditionnelle ne révélait autrefois que les yeux et les sourcils. Le khôl (ou kajal) est un éternel symbole de leur féminité et a d’ailleurs été utilisé pendant des siècles pour identifier les filles à la naissance. Cette pratique se retrouve aujourd’hui dans l’accent mis sur les yeux. Des techniques comme le contouring et le « baking » font désormais partie du maquillage de tous les jours et ont, elles aussi, acquis un caractère ritualiste. Ainsi, les femmes du CCG adoptent et revisitent les tendances cosmétiques internationales. Un maquillage des yeux particulierement prononcé, des faux-cils, des sourcils arqués, des lèvres mates mais pulpeuses et bien dessinées, de l’anti- cernes, du correcteur et un contouring complet sont autant d’étapes essentielles dans un rituel beauté visant à mettre le visage en valeur autant que possible. Cette philosophie cosmétique explique d’ailleurs pourquoi le segment soin commence seulement à se développer en dépit de son potentiel évident, en particulier au niveau des produits mêlant soins et maquillage. Bien que certains articles (exfoliants, sérums, masques, produits et instruments de nettoyage, rouleaux à aiguilles) aient connu un franc succès grâce au soutien des influenceuses en ligne, les consommatrices locales souhaitent obtenir des résultats visibles rapidement et préfèrent donc se maquiller. Ayant tendance à avoir la peau grasse, elles utilisent une base matifiante et du fond de teint, tenus en place avec de la poudre. Elles se servent aussi de bases nourrissantes et/ou apaisantes ainsi que de correcteurs pour masquer les irritations provoquées par le climat désertique. De fait, ces conditions climatiques altèrent aussi les produits, accélèrent l’oxydation et dégradent les pigments, ce qui explique la forte demande régionale pour des formules très 8
P a r tie I résistantes. Qui plus est, les femmes du CCG ont une carnation chaude qui ne correspond pas au teint clair servant généralement de référence internationale aux grands groupes de beauté. Ces consommatrices ont donc besoin d’une gamme de couleurs qui leur convienne mieux. Issues du même environnement, les nouvelles marques de cosmétiques partagent ce vécu et reflètent l’ADN de la région à tous les niveaux, de leurs ingrédients à leurs formules, couleurs, emballages et même stratégies promotionnelles. Huda Beauty, dont la réussite est intimement liée à la compréhension profonde du marché qu’en a sa fondatrice, est un parfait exemple : Huda Kattan crée son blog en 2010 et se lance sur Instagram en 2012 (elle y est suivie aujourd’hui par plus de 25 millions de personnes). En 2013, elle fait ses premiers pas dans la création de produits avec une ligne de faux-cils vendue exclusivement chez Sephora au Dubai Mall. Conçue pour répondre précisément aux attentes des femmes du Golfe, cette première initiative lui permet de satisfaire un besoin négligé jusqu’alors et de capturer rapidement un marché au vaste potentiel. Désormais disponible aux Etats-Unis, en Allemagne et au Danemark avec Sephora, ainsi qu’au Royaume-Uni avec Harrods, la gamme de produits Huda Beauty reste soigneusement développée pour la population du CCG. Par exemple, sa palette « Desert Dusk » (une extension de la célèbre palette « Rose Gold ») propose des textures innovantes, une formule idéale pour l’épiderme arabe, 18 tons à la pointe de la mode, et des appellations rendant hommage aux origines de la marque (comme « Musk », « Oud » et « Safran »). Dans le même esprit, Glossy Makeup, lancée à Dubaï par la maquilleuse Natasha Zaki, a dévoilé en 2017 sa ligne de faux-cils « Arabia Collection », dont les articles sont appelés « Lashes in Abu Dhabi », « Lashes in Qatar » ou « Lashes in Kuwait » et répondent chacun à un besoin précis (cils longs, fournis, extrêmes ou pour grands/petits yeux). Chaque paire de faux-cils, en poils de vison, peut être réutilisée jusqu’à 12 fois. Ghawali : étude de cas Ghawali, lancée en septembre 2016, est une ligne de parfums et de soins pour le corps commercialisée via son propre concept de magasins. Le terme « ghawali », qui signifie en arabe « quelque chose de précieux, cher et aimé », a une signification historique profonde dans le Golfe où il fait référence aux débuts de la fabrication de parfums. Épousant pleinement cette identité, Ghawali s’adresse à une clientèle aisée et moderne, âgée de 24 à 45 ans et à la recherche de nouvelles expériences et produits, et à laquelle elle promet d’« éveiller à nouveau vos rituels de parfum ». Cette promesse se retrouve au cœur de toute son offre, de ses produits phares à ses formules de qualité, en passant par une harmonieuse gamme de senteurs que les clients peuvent mixer eux-mêmes. Son packaging comporte de nombreux symboles et son expérience en magasin est ultra-personnalisée (une pièce dédiée au bokhour est conçue comme un Majlis). Comptant satisfaire les attentes des consommateurs à tous les niveaux, Ghawali a inauguré sa plateforme de commerce électronique au début de 2018. 9
P a r tie I Une beauté sous influence digitale Dans les pays du CCG, il est normal et même apprécié de se maquiller tous les jours de façon sophistiquée, ce qui explique pourquoi les femmes du Golfe consacrent du temps et un budget conséquent à cet aspect de leur vie. Elles sont très fières de maîtriser à la perfection les techniques les plus complexes et beaucoup d’entre elles ont acquis un niveau de compétence digne des meilleures professionnelles grâce à leurs nombreux voyages, de l’entraînement soutenu et surtout une lecture et un suivi intensifs du contenu diffusé sur les réseaux sociaux. Alors qu’Internet était la source d’information sur le maquillage la moins consultée dans le monde en 2012, c’est désormais en ligne que les consommatrices de produits cosmétiques font le plus de recherches 5. Propulsé par les réseaux sociaux dont le dynamisme ne cesse de croître, Internet est aussi devenu le canal de référence pour les marques du secteur cherchant à informer et à fidéliser leur public. Aux Etats-Unis par exemple, Instagram est la plateforme de prédilection des labels cosmétiques axés sur les couleurs, dont les articles génèrent 95 % de l’engagement total du contenu beauté ; de même, les marques de soin y ont plus que doublé leur taux d’engagement en 2017 6. Néanmoins, les fans de cosmétiques dans la région ont ceci d’unique qu’elles utilisent Internet pour se transformer en véritables expertes, inspirées par des influenceuses digitales qui leur servent d’instructrices. Il y a seulement cinq ans, les consommateurs du Golfe écoutaient les conseils de leur clan et de leur famille dans tous les domaines ; en 2013, 79 % d’entre eux sollicitaient l’avis de leurs amis avant de faire un achat de luxe, et 70 % considéraient que ces amis avaient la plus forte influence sur leur style 7. Mais aujourd’hui, 90% des acheteurs de luxe en Arabie Saoudite font une recherche en ligne avant tout achat 8. Plus important encore, les influenceurs digitaux ont une emprise inédite sur leurs abonnés dans cette partie du monde où 61 % des individus âgés de 18 à 26 ans et 56 % de ceux âgés de 27 à 34 ans suivaient au moins un influenceur en 2016 9. Leur façon informelle, créative et amusante de partager généreusement conseils, astuces, avis et idées plaît aux passionnées de beauté, pour qui leurs tutoriels vidéo servent de véritables leçons. L’incroyable popularité des influenceuses du Golfe Source : Forbes Middle East, avril 2017. Note : en nombre d’abonnés Instagram. Cette liste n’est pas exhaustive. Huda Kattan Joelle Mardinian Sondos AlQattan 25 millions 7.2 millions 2.3 millions 10
P a r tie I Les influenceuses beauté dans le Golfe ont une telle autorité qu’elles peuvent créer ou détruire des tendances, des marques et des produits. C’est grâce à leur matraquage en ligne que certaines nouveautés comme les cils magnétiques, les eyeliners en tampon, les brosses sirène, les rouges à lèvres ombrés et les gels illuminateurs ont connu un succès aussi massif dans la région. Ces influenceuses inspirent même le lancement de nouvelles initiatives, comme la ligne de soins cosmétiques Farsali, créée en 2014 par l’ex-consultant Sal Ali. En effet, ce sont les tutoriels de son épouse, la blogueuse Farah Dhukai, qui ont donné à Ali l’idée de développer des produits combinant maquillage et soin, et d’adopter une stratégie entièrement axée sur Instagram. Les produits de Farsali sont photogéniques, leur application est amusante et les clins d’œil aux buzz du net (comme la licorne ou le Rose Gold) sont omniprésents 10. Enfin, les femmes du CCG, toujours extrêmement fières de repérer un produit ou une tendance avant les autres, apprécient que les influenceuses en ligne aient accès en avance aux nouveautés. Les consommatrices de beauté dans la région sont des collectionneuses constamment à la recherche du produit ou de l’expérience qui leur permettra de se distinguer. Le digital dans le Golfe Avec une population de plus en plus jeune (dont la moitié a moins de 30 ans 11), le CCG est connecté comme jamais. En janvier 2018, les taux de pénétration d’Internet atteignaient 70 % à Oman, 91 % en Arabie Saoudite, 98 % au Koweït et à Bahreïn, et 99 % aux EAU et au Qatar, contre 53 % en moyenne dans le monde 12. En 2016, le digital absorbait 65 % du temps total consacré aux médias dans les EAU 13. Cet usage élevé s’explique surtout par l’engouement des habitants du Golfe pour les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Snapchat et YouTube. En janvier 2017, 99 % de la population connectée au Qatar et dans les EAU étaient actifs sur l’une de ces plateformes 14. C’est dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord que se trouvent 10 % de la communauté totale d’Instagram dans le monde 15, 8% de celle de Facebook 16 et 6% of de celle de Snapchat 17. En 2016, cette région était aussi l’un des plus grands marchés de YouTube en termes de durée de visionnage, juste après les Etats-Unis et avant le Brésil 18. Cette durée est en augmentation constante avec un taux impressionnant de +60 % par an 19. Nora Bo Awadh Fouz AlFahad Dalal AlDoub 2.3 millions 2.3 millions 2.2 millions 11
P a r tie I I D e la r égion pou r la r égion Une prise de conscience décisive s’est faite au sein de l’industrie à travers le monde : ayant accès à une masse d’informations en ligne, le grand public a complètement changé sa perception de la beauté. Celle-ci n’est plus définie par les règles que les marques dictaient autrefois, catégorisant leurs cibles par âge, sexe et types de peau/cheveux/corps. Aujourd’hui, les consommateurs du monde entier, y compris dans le Golfe, ont compris que personne ne les connaît mieux qu’eux-mêmes. Ils veulent être traités comme des individus dont les besoins ne peuvent être simplifiés ou modélisés, mais doivent au contraire être satisfaits par une offre modulable. La génération naissante de spécialistes beauté locaux, alignée sur ce nouvel état d’esprit, les interpelle précisément sur ce plan en adoptant une approche basée sur l’inclusion et la personnalisation. Se spécialiser pour sortir du lot Les labels indépendants de la région offrent aux amateurs de beauté tout ce qu’ils recherchaient auparavant, souvent en vain : polyvalence, ingrédients de qualité, gammes de produits variées, formules sophistiquées, impression d’exclusivité et surtout, expertise. Ces marques n’existent que depuis peu mais sont déjà en excellente position pour s’approprier une partie du marché. Dans le CCG, fragrances occidentales et fragrances orientales (ces dernières représentant 60 % à 65 % du volume total du marché 21) se partagent le segment parfum, qui reste dominé par les grands groupes au niveau des ventes en magasins physiques. Cependant, la réputation de nouveaux entrants comme Ghawali, Arcadia, Odict, Ne’emah ou Widian ne cesse de grandir. Ces nouveaux-venus se présentent comme particulièrement qualifiés pour répondre au désir d’individualité des jeunes consommateurs de la région et ne visent pas un public plus large. Ce n’est pas par hasard que la collection Bespoke (« Sur mesure ») de Widian propose à sa clientèle de créer elle-même des parfums luxueux et personnalisés de A à Z, tandis que le concept entier de Ghawali repose sur l’expérience unique que chaque visiteur est invité à découvrir dans ses boutiques. 12
P a r tie I I De même, les jeunes marques de cosmétiques dans le Golfe mettent en avant leur degré élevé de spécialisation. Pinky Goat, Brg3 ou Lash Dubai par exemple soulignent leur expertise dans les faux-cils tandis que K7L Cosmetics (basée au Koweït et dont le nom se lit en fait « KHL », ou « khôl » en arabe familièrement retranscrit en lettres latines), se focalise sur « la formulation d’une ligne de produits répondant aux normes les plus pointues du métier. Nous ouvrons à nos consommatrices les portes du luxe ultime » 22. À n’en pas douter, le parcours exemplaire de Huda Beauty est une source d’inspiration. En 2017, Huda Beauty figurait dans le top 10 des labels spécialisés dans le maquillage (avec MAC, Make Up For Ever et Benefit). Ces marques ont clairement pris le devant sur les marques de beauté haut de gamme en termes de ventes physiques dans le CCG, alors qu’aucun acteur institutionnel ne figurait plus dans le top 5 23. Dans le segment soin, les nouveaux entrants insistent aussi sur l’adéquation entre leur expertise et les besoins spécifiques de la région, se distinguant ainsi des acteurs étrangers qui dominent actuellement le marché physique (comme Kiehl’s, Clinique ou La Prairie). Par exemple, Izil Beauty, lancée à Dubaï par la Marocaine Mouna Abbassy, propose des recettes marocaines traditionnelles se servant d’ingrédients comme l’huile d’argan, l’argile rhassoul, le henné et la rose. Repère Care, elle aussi basée à Dubaï et axée sur la tradition marocaine, se concentre sur l’huile de figue de barbarie, dont les secrets d’utilisation se transmettent de génération en génération. Lancée au Koweït par Sheikha Intisar AlSabah et Sheikha Fatima AlSabah, Prismologie se sert de pierres précieuses dont les effets sur l’humeur sont inscrits dans les coutumes du CCG : le ruby apporte de la vigueur, le saphir a des propriétés apaisantes, etc. S’inspirant aussi de l’Arabie d’autrefois, Dr. Lamees Hamdan a fondé la ligne de soin organique Shiffa (« guérison » en arabe), et s’assure que chaque ingrédient est de la plus haute qualité (comme la rose d’Iran, l’ambre d’Inde, le jasmin d’Égypte ou la fleur d’oranger du Liban). Cette génération de créateurs s’aligne sur la nouvelle proposition beauté de la région que, dans bien des cas, elle a longtemps suivie et parfois modelée. En effet, beaucoup de ces entrepreneurs sont d’anciens maquilleurs devenus influenceurs Qu’est-ce qu’une marque indépendante ? Le concept de marque indépendante ne repose plus seulement sur la nature de son statut financier, mais aussi sur le type d’entrepreneurs qui l’établit. Comme l’explique le site spécialisé indiebrandbuilder.com, une marque indépendante est fondée par « une nouvelle sorte d’entrepreneurs créatifs, modernes et prêts à réécrire les règles traditionnelles du métier. Sachant exploiter les changements technologiques et sociaux, ils dépassent les limites habituellement posées aux petites entreprises. Prolongeant souvent la passion de leur fondateur pour un sujet précis, ces marques ont pour mission de répondre aux besoins spécifiques d’une cible niche. En raison de leur mode de financement contraignant, elles doivent souvent trouver des stratégies innovantes et insistent sur leur côté artisanal, mettant en avant le design de leurs produits et leur mode de fabrication. Elles produisent en petites quantités, ce qui leur donne un côté exclusif très recherché. Enfin, les marques indépendantes sont capables de bouleverser les règles traditionnelles du marketing par une utilisation innovante des nouvelles plateformes, du contenu de marque et des réseaux sociaux, et savent toucher leur audience grâce à une histoire unique et fascinante 20 ». 13
P a r tie I I sociaux, comme Joelle Mardirian (Joelle Paris), Areej Sultan AlEssa (K7L Cosmetics), Bassam Fattouh, Samer Khouzami ou, bien sûr, Huda Kattan (Huda Beauty). Ils ont su se servir de leur renommée et de leur crédibilité professionnelle, ainsi que de leur importante communauté en ligne, pour construire leur propre marque. D’autres ont eu un parcours différent mais font aussi valoir leur expérience : Pinky Goat a été établie par deux vétérans de la mode et de la beauté, Maha Morley-Kirk et Elle Hardy. Lamees Hamdan, la fondatrice de Shiffa, est une dermatologiste réputée. Mohammad Ne’emah, créateur de la ligne de parfums du même nom, vient d’une famille de nez à la réputation prestigieuse. La gamme de maquillage Wow by Wojooh a été lancée par la chaîne de vente au détail spécialisée Wojooh (détenue par le Groupe Chalhoub). Ces nouveaux acteurs ont tous en commun d’avoir su créer un lien authentique avec leur clientèle alors que bon nombre de grandes marques étrangères ayant tenté d’établir cette connexion ont échoué. Par exemple, les marques de parfum internationales ont essayé les unes après les autres de capitaliser sur la popularité du oud dans le Golfe en lançant des fragrances orientalisées et des collections dédiées à la région. Mais rares sont celles qui ont fait suffisamment attention aux nuances et subtilités locales et qui ont compris que les consommateurs arabes ne percevaient pas ces produits comme orientaux. En conséquence, leurs ventes ont grignoté sur les parts de marché des parfums occidentaux au lieu d’empiéter sur celles des fragrances locales qui ont, quant à elles, conservé leur statut privilégié aux yeux des clients du CCG. 14
P a r tie I I Innover pour mieux connecter Les marques de beauté indépendantes savent non seulement utiliser les réseaux sociaux pour se faire connaître, mais aussi identifier des stratégies innovantes qui suscitent l’intérêt des consommateurs du Golfe. Visant toujours à mettre en avant leur expertise, elles mettent l’accent sur la sophistication et la qualité de leur travail à tous les niveaux, que ce soit les formules, les textures (K7L, par exemple, se concentre sur « des couleurs richement pigmentées, une application facile, l’intensité et la durabilité » 24) ou le packaging, en particulier pour les parfums. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, les parfums orientaux sont utilisés en de multiples occasions et sont considérés comme des objets d’arts à mettre en valeur. Les marques locales font donc extrêmement attention à leur packaging : par exemple, le design des flacons et boîtiers de Widian s’inspire de la Grande Mosquée Sheikh Zayed à Abu Dhabi 25. Les flacons de Ghawali sont décorés de motifs traditionnels, comme leur bouchon rond emblématique auquel le métal torsadé en or rose donne néanmoins une touche moderne. En effet, se tenir au fait des dernières tendances en ligne (comme l’ombré, le rose gold, les licornes, l’irisé et les paillettes) contribue au succès de ces marques dans le Golfe. La « Happy Collection » de Brg3 se présente dans des boîtiers aux couleurs pastel, pailletés d’or ou Fenty Beauty : étude de cas Le lancement en septembre 2017 de la marque de cosmétiques Fenty Beauty par la chanteuse/entrepreneuse Rihanna a chamboulé le monde du maquillage et restera sans doute comme l’événement beauté de l’année dans le Golfe. Son argument de vente : l’inclusion. « Le Visage Fenty a été créé pour les femmes de toutes couleurs et de toutes personnalités, » a déclaré Rihanna dans un communiqué au moment du lancement. Ayant identifié un manque à ce niveau sur le marché global, la nouvelle entité propose un large éventail de nuances, des formules adaptées à tous les types de peau et des couleurs à l’attrait universel. Sa ligne de beauté comprend 91 produits, dont le fond de teint « Pro Filt’r Soft Matte Longwear Foundation » disponible en 40 tons et la gamme « Match Stix Skinsticks » pour contour, correction et illumination disponible en 30 tons. À titre de comparaison, le « Highlight & Contour Pro Singles » de Nyx Cosmetics n’existe qu’en 12 teintes alors que la « Radiant Cream Compact Foundation » de Nars n’en propose que 10. Fenty se distingue par son soin du détail, de ses tutoriels vidéo accompagnant chaque produit à ses emballages décorés de graffitis. Dans cette même logique de beauté inclusive, Fenty a été dévoilée simultanément dans 1600 magasins et 17 pays. Elle a rapidement été listée parmi les 25 Meilleures Inventions de l’Année par le magazine Time 29. 15
P a r tie I I d’argent. Lash Dubai joue sur le célèbre mème digital des Illuminati avec ses boîtiers triangulaires assortis d’un Œil de la Providence portant des faux-cils. Cette approche est valable pour les produits eux-mêmes. L’un des articles les plus vendus de Farsali est son Essence de Licorne, un liquide épais et scintillant que l’on peut apposer sur les joues comme des larmes. Quant aux brosses de la collection « Brush Crush » de Wow by Wojooh, leurs manches sont de couleur rose gold et leurs poils sont ombrés. Les labels locaux ont aussi compris que l’incroyable succès à travers le monde de la marque américaine Fenty Beauty est lié à son approche inclusive et globale de la beauté, et que leur public aspire à se voir proposer une offre similaire. Ils lancent donc des gammes de produits riches et étendues : par exemple, Pinky Goat propose 50 types de faux-cils et la ligne de fonds de teint #FauxFilter de Huda Beauty comporte 30 tonalités différentes, dont neuf étaient en rupture de stock trois jours après leur lancement sur la plateforme numérique de Sephora 26. Jouer sur le risque qu’un produit se vende très rapidement et ne soit plus disponible dans le CCG est d’ailleurs une excellente façon de piquer la curiosité des passionnées de beauté soucieuses de ne pas manquer une nouveauté. Les tactiques axées sur la rareté d’un produit attisent leur esprit de compétition et suscitent leur convoitise. Farsali, par exemple, ne lance de nouveaux produits qu’une à deux fois par an, mais s’assure que chacun d’entre eux provoque un véritable buzz sur le net. Son nombre d’abonnés aurait augmenté de 1200 % et atteint le million sur Instagram suite au lancement de son Rose Gold Elixir en 2016 27. La même logique s’applique aux collections limitées développées avec des célébrités locales, qui par ailleurs permettent à l’entreprise de renforcer son image d’experte et de nouer un Wow by Wojooh : étude de cas Wojooh, la chaîne de vente au détail spécialisée dans la beauté du Groupe Chalhoub, a lancé sa ligne de maquillage Wow by Wojooh en septembre 2014 avec pour objectif de répondre à la demande régionale pour des produits dont les propriétés et les couleurs correspondent aux spécificités du Golfe. Sa gamme comprend plus de 200 produits (pour les yeux, le visage, les lèvres, accessoires et brosses) manufacturés en Europe selon les normes de qualité les plus exigeantes et suivant les dernières tendances internationales. Ces produits sont toutefois formulés pour répondre précisément aux besoins des consommateurs du CCG, du fond de teint à l’épreuve du climat aux vernis à ongle perméables. Wow by Wojooh se définit comme une marque experte en beauté, dynamique, créative et ayant une connaissance naturelle de son environnement. Elle célèbre sa relation privilégiée avec la région par le biais de partenariats réguliers avec des designers réputés et lors de grandes occasions (comme son opération spéciale avec Coty sur le thème de la générosité pour Ramadan 2016). Wow by Wojooh est exclusivement vendue dans les magasins Wojooh et sur la plateforme numérique de la chaîne, où elle est d’ailleurs rapidement devenue la ligne de maquillage la plus vite vendue 30. Elle prévoit d’élargir bientôt sa gamme aux produits pour le bain et le corps. 16
P a r tie I I Notre stratégie a toujours consisté à créer des liens avec l’ensemble de nos partenaires, à commencer par notre principale source d’inspiration : nos consommatrices. En tant que marque locale, nous sommes fiers de concilier expertise occidentale et culture arabe. C’est pourquoi, par exemple, nous vérifions en ligne quels sont les prénoms arabes les plus populaires du moment et choisissons ainsi comment appeler nos nouveaux produits. De plus, notre équipe en ligne est disponible en direct tous les jours et à n’importe quelle heure pour aider nos clientes et répondre à toutes leurs questions. Nous sponsorisons aussi de nombreux ateliers à travers le monde, avons une relation profonde avec les influenceuses et collaborons intensivement avec nos détaillants, créant pour eux des collections spéciales et des évènements exclusifs. Il est indispensable aujourd’hui d’avoir cette relation sincère avec tous vos partenaires et de ne pas vous intéresser à eux seulement quand vous en avez besoin. Maha Morley-Kirk - PDG de Pinky Goat lien encore plus fort avec son audience. C’est ce que fait régulièrement Wow by Wojooh en partenariat avec des designers de renom, comme Mochi en 2016 (pour des pochettes à maquillage) et Fyunka en 2017 (pour le packaging de sa collection de rouges à lèvres Lipstuck, déjà très populaire). Enfin, organiser un évènement mémorable est une autre manière de tisser une relation plus forte avec les clients de la région, que ce soit en les surprenant (comme l’a fait la ligne de parfums Voile avec son lancement surprise à bord d’un avion de la Saudi Airlines en 2012) ou en communicant en amont pour susciter l’envie. Les sessions de rencontre, par exemple, permettent aux participants de voir et de parler brièvement avec leur célébrité préférée. Elles sont tellement populaires dans cette région où le relationnel joue un rôle fondamental qu’en mai 2017, Huda Kattan a dû en annuler une à la dernière minute par crainte d’incidents. En effet, la blogueuse ayant promis que les 40 premiers arrivés repartiraient avec un ensemble de produits d’une valeur de 1770 dollars, une foule incontrôlable avait commencé à se rassembler cinq heures avant l’heure prévue de son arrivée 28. Dans le même esprit, les master-class au cours desquelles de célèbres maquilleurs partagent leur savoir avec un public limité, ont un énorme succès dans le monde et, bien entendu, dans le Golfe. Quelques séminaires de ce genre ont déjà eu lieu dans la région, le plus connu mettant en vedette le célèbre maquilleur Mario Dedivanovic accompagné de la star des réseaux sociaux Kim Kardashian à Dubaï en janvier 2017. Les billets VIP à 1667 dollars pièce se sont tous vendus en quelques jours. De plus en plus de maquilleurs locaux organisent ce type d’évènements eux-mêmes, comme Huda Kattan et les sœurs Irako-Anglaises Sonia et Fyza Ali. Ces master-class profitent à la fois au public (qui découvre de nouvelles techniques et obtient des produits) et à la marque (qui se met en avant, gagne la loyauté de ses clients et en recrute de nouveaux). Je sais combien les femmes attachent d’importance à leur peau, qu’elles veulent saine, nette, avec de petits pores. Ce n’est pas de la vanité, mais une réalité. Je sais aussi que les ingrédients naturels sont mieux absorbés et assimilés par le corps humain, et qu’une meilleure absorption veut dire de meilleurs résultats. Mais je n’arrivais pas à trouver une marque de produits de beauté naturels qui ait les réels effets sur le vieillissement que je recherchais. J’ai donc créé ma propre marque. Dr Lamees Hamdan - Fondatrice de Shiffa 17
P a r tie I I I U n c oup de j eune pou r l ’ é c osyst è m e beauté du G olfe Les nouvelles marques beauté du CCG ont beau être dynamiques et motivées, elles ne peuvent pas opérer indéfiniment de manière isolée. Pour grandir, elles doivent intégrer les différents circuits de la vente au détail. L’écosystème digital leur sert presque d’incubateur, les divers acteurs du commerce électronique ayant un intérêt naturel à interagir avec elles et à les voir se développer. Mais, hors-ligne, l’industrie traditionnelle a eu du mal à accueillir cette jeune concurrence, devant déjà s’adapter à une nouvelle clientèle exigeante et implacable, à l’irruption du digital et aux bouleversements du marché qui en résultent. Elle commence seulement à apprécier ce que la génération naissante d’entrepreneurs locaux peut apporter au marché de la beauté dans le Golfe. Le tremplin du commerce électronique À l’aise avec les outils digitaux, la plupart des marques de beauté indépendantes disposent très tôt de plateformes e-commerce performantes. La corrélation entre croissance du commerce électronique et émergence d’acteurs de ce type est d’ailleurs claire partout dans le monde. Aux Etats-Unis, les marques dites « indie » produisaient pas moins de 85 % des articles les plus vendus sur Amazon en 2017 31. 18
P a r tie I I I Boutiqaat et les influenceuses : une collaboration qui marche Le site de vente en ligne Boutiqaat a été créé au Koweït en 2015 autour d’une idée unique : faire des influenceuses sociales du Golfe le cœur de son concept. Alors que d’autres espaces du même type, comme Namshi, Ounass ou Sivvi, ont ponctuellement recours à ces influenceuses dans le cadre d’opérations diverses (promotions, compétitions, recommandations, critiques de produits, tutoriels, etc.), Boutiqaat va plus loin : chacune de ses 150 célébrités dispose d’une boutique hébergée par la plateforme (d’où son nom), et y présente sa propre sélection de produits, directement achetables en ligne. Signe de son succès, la clientèle de Boutiqaat est prête à payer un prix généralement plus élevé pour obtenir un article recommandé par un gourou qu’elle apprécie, alors que les autres sites proposent une large gamme de produits de beauté à des prix très variés. Boutiqaat ne se contente plus de vendre les produits des autres marques, mais s’associe aujourd’hui à ses influenceuses pour lancer ses propres parfums, soins pour les cheveux et bokhour. Certes, bien que 66 % des utilisateurs Internet dans le CCG achètent en ligne 32, le commerce électronique est encore peu développé dans la région pour les multiples raisons présentées dans le Livre Blanc 2017 du Groupe Chalhoub (économies basées sur les transactions en espèces, difficultés logistiques, etc.). Alors qu’il représente 10 % à 20% en moyenne du volume total des ventes au détail dans les pays développés (Etats-Unis, Royaume-Uni et Chine) et 5 % de ce volume dans les marchés émergents (Inde, Brésil et Russie), il ne représente que 1,3 % des ventes totales en Arabie Saoudite et aux EAU 33. Les ventes en lignes devraient 19
P a r tie I I I néanmoins augmenter massivement dans le Golfe, en moyenne de 31 % par an jusqu’à atteindre un volume total de 24 milliards de dollars en 2022 34. Le secteur de la beauté devrait alors représenter 13 % de ce total, avec un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 35 %, le troisième plus rapide après les produits de première nécessité et la mode 35, propulsé par les clients modernes en quête permanente d’un meilleur rapport qualité/prix. En effet, 59 % des consommateurs aux EAU et 65 % de ceux en Arabie Saoudite achètent en ligne plutôt que dans un magasin physique en raison des prix plus bas proposés sur le net 36. Séduits par cette perspective prometteuse, de nombreux détaillants locaux et internationaux entrent dans l’arène digitale, contribuant à créer un environnement favorable aux marques indépendantes qui disposent alors d’une multitude de nouveaux canaux pour vendre leurs produits et services : portails (comme Amazon, Noon.com ou Souq), espaces de vente purement digitaux (Cult Beauty, Beautylish, Namshi ou Sivvi entre autres) et plateformes en ligne de détaillants établis hors ligne (par exemple, Tryano, Harvey Nichols, Bloomingdale’s, Sephora ou Wojooh). D’autres sont sur le point de se lancer, comme le site Nisnass par le grand distributeur émirati AlTayer Insignia, déjà propriétaire de la plateforme de e-commerce de luxe Ounass. Ces nouveaux acteurs évitent soigneusement les écueils qui avaient ralenti l’expansion du commerce électronique dans la région jusqu’à présent. Ils acceptent le paiement en espèces à la livraison, assurent une livraison gratuite pour tout achat d’une valeur supérieure à un montant donné, proposent des services de livraison express, acceptent que les articles soient Bienvenue chez Beauty Nation Au moment où de nombreuses marques de beauté susceptibles de plaire aux consommateurs ne pouvaient pas être distribuées faute d’espace, l’ouverture du grand magasin Tryano à Abu Dhabi a donné au Groupe Chalhoub l’occasion idéale pour créer une destination au sein d’une destination, dédiée aux indépendants. En préparation pendant quatre ans, Beauty Nation a ouvert ses portes en avril 2017. Ayant le même fonctionnement qu’un laboratoire où les nouveautés peuvent être testées avant d’être lancées en grande distribution, Beauty Nation propose à la clientèle de Tryano de découvrir de nouveaux noms comme Mai Couture, Nugg ou House of Lashes, dans un large éventail de prix. L’équipe de Beauty Nation explore le monde en permanence, sélectionnant des marques et produits encore inconnus mais capables de séduire la région. Cet espace de vente/incubateur se concentre actuellement sur le maquillage mais s’élargira bientôt au parfum et au soin, comptant présenter une gamme totale de 35 labels triés sur le volet. 20
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