LA BONNE ÉDUCATION REGARDS CONTEMPORAINS SUR L'ÉCOLE 21 SEPTEMBRE 2019 - 2 FÉVRIER 2020
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LIVRET DU VISITEUR Barbara Kruger, Sans titre, 1989 | FNAC 89106 (3) | Commande à l’artiste en 1989 dans le cadre de la manifestation « Estampes et Révolution, 200 ans après » | Centre national des arts plastiques © droits réservés / Cnap EXPOSITION CONÇUE PAR LE FONDS RÉGIONAL D’ART CONTEMPORAIN NORMANDIE ROUEN LA BONNE ÉDUCATION REGARDS CONTEMPORAINS SUR L’ÉCOLE 21 SEPTEMBRE 2019 - 2 FÉVRIER 2020 LE MUSÉE NATIONAL DE L’ÉDUCATION CENTRE D’EXPOSITIONS – 185, RUE EAU-DE-ROBEC – ROUEN Plus d’informations sur munae.fr @MuseeEducation #expoBonneEducation Musée national de l’Éducation – Canopé
L’EXPOSITION : ARTISTES ET COLLECTIFS INVITÉS Avec : Anderson Alice – Ardouvin Pierre – Bächli Silvia – Bafoil Ivan – Barbier Gilles – Barnet S.E - Baxter Glen – Bérard Stéphane – Bertran Berrenger – Berthier Julien – Boltanski Christian – Breer Robert – Briand Denis – Bunn David – Cathala Laurence – Cauvard Marianne – Chaimowicz Marc-Camile – Chardon Nicolas – Closky Claude – Collin-Thiébaut Gérard – Cragg Tony – Davrinche Gaël – Dean Tacita – Delaunay Rodolphe – Desjardin Arnaud – Dibbets Jan – Dion Mark – Discrit Julien – Dolla Noël – Dubosc Sophie – Duchêne Gérard – Dupeyrat Jérôme – Duprat Hubert – Duyckaerts Éric – Dzama Marcel – Eisenreich Uta – Ellena Véronique – Erek Cevdet – Etienne- Martin – Floc’h Nicolas – Froment Aurélien - Gansterer Nikolaus – Gondinho Marco – Gronon Philippe – Guillaud Jean – Guilleminot Marie-Ange – Heidsieck Bernard – Hervé Louise – Huber Thomas – Janot Guillaume – Jones Gareth – Joumard Véronique – Kannisto Sanna – Kruger Barbara – Lefebvre Antoine – Lemonnier Guy – Liaudet David – Loiseur Yveline – Maillet Chloé – Martin Bevis – Messager Annette – Meuris Wesley – Milhé Nicolas - Morel Claire – Morfill Sally - Morgan John – Motti Gianni – Mougas Samir – Nicaise Simon – Noury Aurélie – Odermatt Arnold – Picandet Lucie – Pien Ed – Pluvinage Raphaël – Polansky Lois – Pressager Étienne – Prévieux Julien – Pujol Noëlle – Rullier Jean-Jacques – Salomone Yvan – Saussier Gilles – Schabus Hans – Selz Dorothée – Sérandour Yann – Saussier Gilles – Schabus Hans – Selz Dorothée – Sérandour Yann – Sévère Olivier – Sfar Laurent – Shrigley David – Streichardt Thorsten – Thurston Nick – Urquhart Donald – Villeglé Jacques – Youle Charlie. REMERCIEMENTS Au FRAC Normandie Rouen, implanté à Sotteville-lès-Rouen, association culturelle subventionnée par le ministère de la Culture/DRAC Normandie et la région Normandie, destinée à soutenir et diffuser l’art contemporain grâce à un fonds d’œuvres (plus de 2 600) regroupant des artistes phares et signifiants de la création contemporaine. Aux nombreux prêteurs outre le FRAC Normandie Rouen : le Centre national des arts plastiques, le FRAC Normandie Caen, le FRAC Bretagne, Des mondes dessinés – FRAC Picardie, le FRAC - artothèque du Limousin, 49 Nord 6 Est - FRAC Lorraine, le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, le FRAC Franche-Comté, l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne, la galerie Art : Concept, la galerie Anne-Sarah Bénichou, la galerie In Situ - Fabienne Leclerc, la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, la galerie Isabelle Gounod, la galerie Marcelle Alix.
PARCOURS DE L’EXPOSITION Comment le processus l’art du xixe siècle est économe de d’apprentissage, de transmission scènes collectives scolaires, thème de savoirs a-t-il été matérialisé par assez peu choisi par les chefs les artistes à travers les temps ? de file des renouveaux artistiques Ces représentations témoignent de de ce temps ; curieux oubli, à une la place que les sociétés accordent époque où cette généralisation de à l’École et de l’importance du savoir l’enseignement représentait un espoir dans nos choix de citoyens éclairés. fondamental pour la société post- révolutionnaire. Il faut attendre l’école L’acte d’instruire et d’éduquer de Ferry et Buisson pour que l’École s’incarne pendant de nombreux soit assimilée à l’ère nouvelle siècles de l’histoire de l’art occidental de la modernité. à travers les figures emblématiques de sainte Anne instruisant la Vierge La démocratisation scolaire du Marie, ou des pères de l’Église xxe siècle a-t-elle modifié le regard associés au Livre ou bien de portraits sur l’école, sur les apprentissages de maîtres à penser. Le couple et sur la valeur du savoir ? Les artistes maître-élève est aussi questionné au contemporains participent-ils de ce fil des représentations, tantôt rapport changement de regard ? C’est ce que de force, voire de conflit, tantôt objet tente d’observer « La bonne éducation » d’échanges. L’enjeu du savoir est qui, à travers une sélection d’œuvres, symbolisé par des objets choisis avec principalement issues des collections soin dans une nature morte, ou sur publiques françaises, cherche à mettre un portrait en majesté d’un puissant, en lumière la manière dont les artistes, d’un philosophe ou d’un scientifique. de différentes générations, de Boltanski Dans cette représentation du savoir, à Julien Prévieux, de Noël Dolla à la question du champ disciplinaire Martin & Youle, s’emparent volontiers importe dans la mise en scène. Ainsi, de l’école, de son esthétique, son les objets de physique ou d’optique imaginaire, ses codes, ses méthodes accompagnent l’homme des pédagogiques, afin de lui conférer Lumières au xviiie siècle, tandis que une autre sens, une autre vision. la littérature et plus encore les textes moraux trouvent leur place auprès Pour donner corps à cette observation, de la femme qu’il faut instruire. le FRAC a imaginé un parcours scindé en deux axes : l’un s’inscrivant À partir de 1792, l’instruction publique dans une histoire matérielle de est considérée comme un enjeu l’enseignement, l’autre dans une fondamental, qui tarde pourtant logique plus pédagogique. Il en résulte à advenir. Force est d’admettre que une première partie qui, se déployant >3<
sur l’ensemble du deuxième étage L’autre partie, présentée au troisième du musée, met avant l’appropriation étage, s’éloigne de la représentation par les artistes non seulement des pour s’emparer de la question des outils (trousse, cahier, cartable, méthodes et principes pédagogiques règle, compas, etc.), du mobilier liés à l’éducation interrogeant, par là (table, tableau noir) mais également même, le lien qu’entretient celle-ci des domaines (littérature, histoire, avec le jeu, dans un mouvement sciences naturelles, etc.) tels de pensée qui remonte à Aristote, qu’enseignés communément à l’école. Comenius, Rousseau… Delphine Campagnolle, Véronique Souben, Coralie Dupinet. PRODUCTION DE L’EXPOSITION Commissariat : Véronique Souben, directrice du FRAC, assistée de Coralie Dupinet (FRAC) Coordination : Delphine Campagnolle, directrice du Munaé Régie des œuvres : Vincent Poulain (FRAC) ; Franck Renou et Fanny Jacquinet (Munaé) Administration & logistique : Christine Morice (FRAC) ; Sophie Lebret et Philippe Pain (Munaé) Communication : Chloé Palau (FRAC), Isabelle Arnoux (Munaé) Montage/scénographie : Pascal Foulon, David Jouin (FRAC) ; Christiane Deltour, Corinne Flament, Florian Bouelle et Christophe Leroux (Munaé) Actions pour les publics : Julie Debeer (FRAC) ; Saadia Dahmani, Léa Goyer, Julie Guimont, Paul-Erwan Bonsens (Munaé) et Arnaud Caquelard (conférencier & plasticien) Barbara Kruger, né en 1945 à Newark (États-Unis) Sans titre, 1989 Commande à l’artiste en 1989 dans le cadre de la manifestation « Estampes et Révolution, 200 ans après » Centre national des arts plastiques (CNAP) >4<
1RE PARTIE : OBJETS DE L’ÉCOLE, OBJETS D’UN IMAGINAIRE COLLECTIF 2e étage Salle 1 : univers scolaire Tantôt bonnet d’âne ou professeur, Les artistes exposés dans la première les artistes détournent les outils partie de l’exposition jouent avec de l’écolier, du compas au tableau les objets, images et supports noir, rejouent l’alphabet comme les plus usuels mais aussi les plus l’atlas et développent des approches emblématiques et symboliques à la fois ludiques et interactives de l’école. Que ce soient la photographie de l’éducation. Se compose alors, de classe de Véronique Ellena, les dans cette exposition, un nouveau coloriages de Claude Closky, les dessins récit d’apprentissage où savoir rime d’enfants de David Shrigley, les rébus avec pouvoir. Le premier espace de Gérard Collin-Thiébaut, les cahiers de cette exposition est consacré d’écoliers de Dorothée Selz, au mobilier scolaire et aux outils Yann Sérandour et Alice Anderson, à la fois de l’élève et du professeur. les jeux de mots et d’écriture de Bertran Berrenger, les règles à mesurer de Les artistes contemporains Cevdet Erek, tout ce vocabulaire et ces s’ingénient à détourner cahiers, rituels d’apprentissage, qui font écho sacs à dos, pupitres et livres pour aux écoliers de tout temps, sont ici en restituer des visions parfois réinterprétés. Élément récurrent de politiques, sociales mais aussi l’accrochage, figure le tableau noir qui récréatives. L’univers de l’école, se décline en de multiples et complexes de l’étude devient l’élément moteur façons chez Dolla, Saussier, Boltanski, pour des expérimentations formelles, Joumard ou encore Gronon. narratives et conceptuelles. >5<
Philippe Gronon, né en 1964 Gilles Saussier, né en 1965 à Suresnes à Rochefort-sur-Mer 180 kilomètres avant la mer, tableaux Tableau noir-Amphi Sciences P, 1996 de classe I & II, 2016 Épreuve sur papier baryté fixé sur aluminium Installation-impression pigmentaire sur Canson CNAP platine Rag, contrecollée sur aluminium FRAC Normandie Rouen Le tableau – apparu dans les salles de classe dès le xviie siècle, puis Dans l’œuvre de Gilles Saussier, encouragé par les pouvoirs publics le tableau vert de la classe de dans l’agencement et l’organisation l’ancienne école primaire George- de la classe au xixe siècle, sous la Sand de Pont-Audemer est un des forme de tableau noir– devient chez multiples jalons sur ces 180 km Philippe Gronon le sujet, l’œuvre d’art. entre Paris et la Manche, le long d’un tracé en ligne droite, fruit d’une L’auteur Vincent Zonca parle ainsi commande passée par l’Institut de son travail : « [Philippe Gronon] géographique national en 2008 à développe une pratique minimale l’artiste. Le FRAC Normandie Rouen de la photographie qui, combinant résume sa démarche : « Il explore les acquis des techniques argentiques l’ensemble des lieux et des activités et numériques, consiste à montrer situés sur ce tracé et organise les objets tels quels, frontalement, des observatoires informels avec sans effet, sans fragmentation des établissements scolaires, ni agrandissement (à l’échelle 1-, des associations, des centres celle de la réalité sensible), chaque d’art. À chaque étape de cet atlas photographie est le portrait d’un documentaire, toute une histoire objet et d’un seul, qui est alors locale, poétique et émouvante institué comme le sujet principal ressurgit grâce au matériau de la représentation photographique. collecté (récits, photographies, Sa technique photographique inspire objets et documents trouvés) et à le mode de production, à savoir sa mise en espace le plus souvent des séries d’un même objet. [Ses] in situ. Au fil des 180 km, Gilles Tableaux noirs sont vierges de toute Saussier engage des rencontres écriture, photographiés au sein de entre les habitants et les usagers grands amphithéâtres universitaires. du territoire. L’enjeu est à chaque Les traces constituent l’expression fois de « recouvrer des histoires linguistique didactique […] ; les objets refoulées, d’évoquer des espaces sont pris comme par surprise au culturels perdus, de proposer une dépourvu, en dehors de leur usage contre-mémoire historique ». Au sein habituel, quand ils n’expriment plus de l’école primaire désaffectée, si ce n’est le silence ou autre chose, il réalise, en 2016, des installations ce que le spectateur ou le passant photographiques intégrant des n’est pas censé lire. » tableaux de classe et des écritures >6<
qui symbolisent le territoire qu’il le fait d’utiliser mes expositions en dévoile. La craie sur le tableau tant qu’espaces performatifs, au évoque les coteaux crayeux de la sens de les performer par la parole vallée de la Seine mais témoigne et l’activité (écrire, donner des aussi de processus immatériels lectures, créer des rencontres…), d’apprentissage, transmis par de les recomposer en cours la parole, aujourd’hui envolée, d’expositions, d’y réaliser de cours donnés et appris. À des prises de vues qui ne sont propos de ses installations, Gilles pas de la documentation d’artiste, Saussier témoigne : « Réfléchir mais la forme photographique à des dispositifs d’exposition ou même du projet en cours. » à des installations photographiques hors de lieux institutionnels m’a toujours intéressé. Tout comme >7<
du quotidien scolaire, non sans humour, pour proposer à travers la mise en scène de celui-ci et par trois séquences vidéo, une hypothèse d’une main autrefois à six doigts et munie de deux pouces. One forearm hypothesis permet à l’artiste de revenir sur son entreprise de reconstitution d’une « archéologie de l’art de peindre ». Dans sa vidéo, sa théorie est affirmée dans une position d’autorité qui entraîne pour l’auditeur une écoute d’adhésion plus qu’une écoute critique. Cette histoire de l’évolution de la main se base sur des analyses scientifiques de paléontologie mettant en exergue la spécificité de l’espèce humaine, mais la rhétorique est mise ici au service de l’absurde. Avec des mots savants, des références historiques, le recours au latin ou à l’anglais, des schémas anatomiques etc., l’auditeur est alors sous emprise et doit faire preuve d’un libre arbitre certain, pour mettre en doute les pseudo-évidences énoncées par le conférencier. Par ses conférences- Éric Duyckaerts (Liège, 1953-Bordeaux, performances, Éric Duyckaerts met 2019), One forearm Hypothesis, 1994 en doute les discours des « sachants », Installation et vidéo ou des « chercheurs-cherchant », FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur avides de garder pour un milieu d’initiés le résultat de leurs recherches. Artiste belge, diplômé en droit et en Ses développements ne sont pas philosophie, disciplines qui requièrent dénués d’un sens du comique, un des l’art de l’éloquence, il commence dans ressorts de la transmission orale. L’artiste les années 1980 à recourir à l’art de disait de ses vidéos en 2007 à la galerie la conférence, pour créer une œuvre Emmanuel Perrotin : « Elles seront qui questionne les savoirs et leur axées sur un personnage. On pourrait vulgarisation. l’appeler Éric D. C’est un personnage qui navigue entre le professeur et Le squelette de la salle de classe, le savant fou. Il a beaucoup d’idées du cours d’anatomie, est ancré dans à faire partager. Son enthousiasme n’est l’imaginaire collectif des poncifs de pas feint. Il fonce dans ces sphères l’école. Éric Duyckaerts utilise cet objet de connaissance où il se sent bien. » >8<
À découvrir également Salle 1 : suite Nikolaus Gansterer, Configuration III ; Véronique Joumard, Tableautin ; Christian Boltanski, Julien Discrit, Terra incognitae- né en 1944 à Paris Haute-Mana. L’École, 1977 Tirage photographique couleur monté Vitrine 1 : jeux de mots sur aggloméré Bertran Berranger, Tout 26 cartes Institut d’art contemporain, Villeurbanne postales ; Gérard Collin-Thiébaut, Rébus-Lautréamont. Christian Boltanski confie à Suzanne Pagé, en 1981, à propos de sa création Vitrine 2 : dessins et coloriages L’École : « Les éléments qui rentrent David Shrigley, Untitled (Help Me; dans mes Compositions sont choisis The life+work of Mr X) ; Dorothée pour leur valeur émotionnelle. Selz, Cahier d’écolier de Dorothée Les jouets m’intéressent en tant Selz ; Claude Closky, Coloriage, qu’ils sont représentation culturelle colorie comme tu veux, dessine du réel. Le fond noir est destiné et écris ce que tu veux ; Alice à supprimer l’espace naturaliste, Anderson, My Friends, my Ennemies ; à placer les objets hors perspective. Yvan Salomone, Strasbourg 266. Mais, plus profondément, je désire que mes Compositions tiennent pour le spectateur un peu le même rôle que le jouet pour l’enfant : images codifiées et collectives de la réalité, elles sont aussi, chez chacun, déclencheurs d’histoires particulières. » Imprégné toute sa jeunesse par l’histoire de la Shoah transmise par ses parents, survivants de cette tragédie, il quitte l’école à 14 ans. Autodidacte, il s’adonne tout d’abord à la peinture mais ouvre rapidement sa pratique à la photographie et aux installations. L’ensemble de son œuvre sera marquée par l’idée de présence/ absence. Il écrit une histoire réelle ou imaginaire personnelle et toutes ses œuvres véhiculent à la fois une portée de mémoire individuelle et de mémoire collective. >9<
Ce grand format, tirage unique, Noël Dolla, né en 1945 à Nice appartient aux grandes Compositions Tableau d’école, 1995 de l’artiste. Celui-ci aime mettre Peinture, craie et tarlatane contrecollée sur bois en scène différents éléments dont FRAC Bretagne certains, très modestes, deviennent reliques par l’art de sa mise en scène. Le tableau d’école est aussi un objet Cette œuvre mixte mêle différents totem, porteur d’une mémoire, matériaux : supports photos, objets, réinterprété par Noël Dolla. Étudiant panneau noir symbole de la surface à Nice, il rencontre Claude Viallat, issue d’une longue tradition picturale Ben, et participe, en 1968, à la création dont Boltanski se sent l’héritier. du groupe Supports/Surfaces. Il explore Chacun peut se souvenir des objets de nombreuses techniques et utilise mis en scène par l’artiste, la carte l’objet quotidien comme un peintre de France en plastique dont on utilise un pinceau ; il se revendique dessinait les contours, le taille- d’ailleurs aussi comme peintre. La crayon « mappemonde » ou l’ardoise. tarlatane, ce chiffon qui sert au graveur Ces objets racontent son histoire, à faire pénétrer l’encre dans les stries mais aussi une histoire universelle de la plaque gravée, devient une de l’enfance. Vestiges de moments matière et une forme première : elle passés sur les bancs de l’école, ils devient ligne. Il parle ainsi de sa série sont des jalons d’un art qui ne rejette Tableaux d’école : « J’ai étiré la bande pas l’élément affectif, voire nostalgique de tarlatane d’un mur sur l’autre et dans l’œuvre. Époux d’Annette je me suis mis à tisser l’espace avec Messager (présente également dans un dessin qui s’est étendu sur 20 m2. l’exposition avec son œuvre Mot pour C’est une ligne qui se développe mot Oubli), le recours à des éléments dans l’espace et qui, au lieu de autobiographiques parcourt les rester sur un seul plan, a occupé la œuvres de ces deux artistes, éléments troisième dimension. » Ces Tableaux devenant un matériau de création. d’école, réalisés entre 1991-1999, utilisent l’espace comme un élément du médium sur lequel l’œuvre se construit. Du mur au plafond, sur le panneau et en dehors de celui-ci, la tarlatane forme des lignes qui deviennent maison, étoile… Une autre manière de dessiner, tel un contour d’un dessin d’enfant… >10<
sont imprimées à partir du décalque, À découvrir également réalisé à main levée par des enfants, Stéphane Bérard, Étude pour d’un gabarit reproduisant les doubles une transmission patrimoniale lignes des cahiers d’apprentissage non autoritaire ; Wesley Meuris, de l’écriture. Conçues comme un Examples of genetic Engineering. insert dans une chaîne industrielle, les couvertures des cahiers sont fournies par le papetier Clairefontaine, Vitrine 3 : outils de l’écolier partenaire du projet. Silvia Bächli, Sans titre ; Nicolas Floc’h, Le Grand Troc ; Simon Vitrine 5 : punitions Nicaise, (48+(12ln(x)/5,93) +67,4n) / Gianni Motti, Autoportrait ; (1+2,5)/2,4x+5yn = 02 ; Cevdet Erek, Sophie Dubosc, Bras cassé. Ruler Now-End ; Ruler O-Now. Vitrine 6 : portrait d’écolier Vitrine 4 : cahiers Nicolas Milhé, Vladimir ; David Shrigley, Jean-Jacques Rullier, Le Rêve Untitled ; Olivier Sévère, En mains de la fuite dans la forêt qui s’écroule ; propres ; Marie-Ange Guilleminot, Alice Anderson, Cahier d’écolière ; Cauris. Sally Morfill, SE Barnet, Arnaud Desjardin (The Every Day Press), Drawing and Other Writing. Yann Sérandour, né en 1974 Cahiers Clairefontaine, 2006 Ensemble sous plastique de 5 cahiers d’écolier, impression offset couleur, couverture pelliculée FRAC Normandie Rouen Yann Sérandour explore, à travers des corpus de publications et d’imprimés, une matière qui peut être source d’une nouvelle histoire. Son cheminement intellectuel l’amène à relire des œuvres ou à utiliser des artefacts, comme cette série de Cahiers Clairefontaine. S’inscrivant dans un mouvement de l’art issu de l’art conceptuel des Olivier Sévère années 1960 et 1970 qui n’hésite pas En mains propres, 2007 à remettre en cause l’œuvre et sa Marbre blanc, laiton chromé production, Yann Sérandour sème Collection Frac Normandie Rouen, le trouble. Les pages de ces cahiers © Adagp, Paris >11<
Salle 2 : contenus, modes à l’occasion de la xie Biennale de et disciplines scolaires Paris/musée d’art moderne, par la création d’un lieu de transmission, Mais le savoir est multiple. L’histoire une école des signes et du sens, en de l’enseignement nous rappelle favorisant la rencontre avec un large combien les savoirs se modifient public. Ces travaux fondateurs vont avec les siècles. Certaines matières donner lieu à beaucoup d’autres, considérées comme les voies interrogeant tour à tour le corps, royales du succès scolaire ne le ses traces, le paysage, la fabrique, demeurent pas toujours, comme pour ensuite s’intéresser à l’énergie, en témoigne le regard évolutif porté entre physique et métaphysique. sur les humanités et les sciences En 1990, il fonde le Conservatoire ou aujourd’hui sur l’économie. nominal des arts et métiers (double L’exposition se poursuit donc en du Conservatoire national des arts et explorant les matières qui composent métiers), lieu de travail et de stockage, le savoir : lettres, sciences naturelles, lieu d’exposition et sujet d’une réflexion géographie, etc. Chaque vitrine ou sur la fonction et l’usage des médiums espace présente des œuvres en en rapport avec la chose nommée ». référence à une discipline scolaire dont elles semblent rejouer, détourner Guy Lemonnier propose à travers ou dépasser les enjeux. cette installation une vision plus générale et scolaire de l’atelier L’ATELIER, UN LIEU POUR APPRENDRE comme lieu d’apprentissage, lieu de travail et d’étude où les outils de Guy Lemonnier, né en 1957 l’archive et de la documentation, D’un inventaire, l’autre ou le vertige tels les classeurs, la tour de CD ou zététique, 2012 encore le tampon encreur, organisent Installation et vidéo l’espace. Conçue à l’issue d’une FRAC Normandie Rouen performance en regard du projet de l’Inventaire entrepris au FRAC de Le FRAC de Normandie nous présente Rouen depuis 2011, cette installation l’artiste installé sur le territoire se joue des effets propres à la liste, rouennais, enseignant aux Beaux-Arts entre absurdité et poésie. L’artiste de Rouen puis à l’ESADHaR, site de nous propose de nous perdre avec Rouen, depuis 1984. Guy Lemonnier, délice dans l’absurde et nous renvoie « artiste plasticien, engage, à partir à la définition de la zététique (selon de 1980, ses travaux sur l’invention Wikipédia) : « Étude rationnelle des et la création de signes dans l’espace. phénomènes présentés comme Il édite en 1979 une encyclopédie, paranormaux, des pseudosciences réécriture cryptée de l’histoire et des thérapies étranges. La des arts plastiques. Il développe zététique est destinée aux théories cette expérience l’année suivante scientifiquement réfutables […]. >12<
[Elle] se réclame aussi du scepticisme aux économistes « classiques » scientifique, et plus généralement de comme Ricardo et Smith, développe la démarche de doute cartésien qu’elle une nouvelle théorie politique, décrit comme nécessaire en science économique et sociale, fondée sur comme en philosophie. » Ce doute la critique du capitalisme et sur une cartésien est un des piliers de cette mise en valeur d’un monde sans éducation à l’esprit critique que l’École classes. Julien Prévieux continue entend transmettre aux élèves. d’interroger ces notions de travail (avec une série consacrée aux Lettres de SCIENCES ÉCONOMIQUES non-motivation) et essaie de décrypter le sens des textes fondateurs. Julien Prévieux, né en 1974 Il associe des séquences, les relie, à Saint-Martin-d’Hères (Isère) celles-ci créant alors des mots cachés. Boycott Smith, Ricardo et Marx, Cette constellation de mots-clés donne de la série « À la recherche du miracle un sentiment de chaos, interroge économique », 2007 le bon fonctionnement de l’économie Impression jet d’encre et encre sur papier ; mondiale et les conséquences sur S.T.D.N.R. G.B sur l’étiquette le travail et sur la vie de l’humanité. FRAC Bretagne HUMANITÉS Julien Prévieux cherche à renverser le rapport de force à l’œuvre dans les Vitrine 1 : littérature sociétés. Son œuvre questionne les Gérard Collin-Thiébaut, Réapprendre sciences économiques et les théories à lire ; Gérard Duchêne, Roman des textes fondateurs d’Adam Smith Noir ; Aurélie Noury, Pierre Ménard. (1723-1790), de David Ricardo (1772-1823) El ingeniosos hidalgo Don Quijote et de Karl Marx (1818-1883). Le premier, de la Mancha ; Laurence Cathala, Adam Smith, philosophe et économiste La Conversation ; John Morgan & Marc- écossais, est considéré comme Camille Chaimowicz, Madame Bovary ; le père des sciences économiques John Morgan & Donald Urquhart, modernes, un des premiers à affirmer Vanity Fair (La foire aux vanités) ; que la richesse des nations provient John Morgan & Gareth Jones, du travail des hommes, et donc un des The Picture of Dorian Gray. premiers à mettre la valeur travail au premier plan et la nécessité de diviser Vitrine 2 : histoire celui-ci. David Ricardo, économiste Gaël Davrinche, Portrait de George libéral anglais, reprend les théories Washington (d’après George Stuart), d’Adam Smith et développe la théorie n° 42 ; Tacita Dean, Fontainebleau is de la « valeur d’usage » et de la « valeur in France ; C/o Jolyon ; Nick Thurston, d’échange ». Il sera aussi parmi les plus Historia Abscondita. influents dans les théories du libre- échange. Karl Marx, qui s’opposa >13<
GÉOGRAPHIE Vitrine 3 : géographie Guillaume Janot, Sans titre ; Julien Discrit, né en 1978 Denis Briand, At last Slata Atsal. Terra incognitae-Haute-Mana, 2015 Petit Atlas des irritations du monde ; Carte ajourée, 80 x 80 cm Hans Schabus, Log book of ballast ; Galerie Anne-Sarah Bénichou, Paris Das Rendezvousproblem ; Mark Dion, Néotropic. Julien Discrit explore, à travers la géographie, le monde et ses SCIENCES DE LA NATURE représentations. C’est une discipline qu’il connaît bien, lui l’ancien étudiant Les œuvres présentées tissent en géographie de l’université de des liens avec ces bibliothèques Reims. Espace réel mais aussi espace et musées scolaires qui pouvaient imaginaire ont toujours composé apparaître, selon les époques, comme la dialectique de la cartographie, tout des cabinets de curiosité étranges, comme le contrôle des connaissances proposés au regard de l’élève mais des élèves de géographie qui oscille réservés à la manipulation du maître entre le factuel, la distorsion liée à l’acte ou de la maîtresse. Les artistes tirent, de mémorisation et l’imaginaire face ici, parti de l’étrangeté de ces objets à l’oubli. Julien Discrit se joue de ces scientifiques, artefacts, éléments paradoxes et, au contraire, les utilise collectés dans la nature et de leurs dans un processus de recréation d’un manuels pour mieux en explorer territoire. Outre l’espace, le temps la poésie ou en détourner le sens. est un élément du processus créatif symbolisant le temps nécessaire Vitrine 4 : géologie – minéraux au parcours et nécessaire au récit. et fossiles Mark Dion, Blood Coral-Vanitas ; Sophie La galerie Anne-Sarah Bénichou Dubosc, Os/Bone ; I. I. I. I. (International résume cette création : « Ces cartes Institute for Important Items) Louise de la Guyane française ont été Hervé & Chloé Maillet, Les Cristaux de dressées par l’IGN, leur particularité Pasteur. est de représenter des zones blanches, exemptes d’informations Vitrine 5 : biologie – la faune et désignées sur la carte sous Mark Dion, The Sturgeon, Field Guide l’appellation “nuages”. Ce sont to the Wildlife of Madison Square Park, ces vides, ces manques qui ont été Die geöffnete Raritäten und Naturalien découpés ici, dessinant en négatif Kammer, Polar Bear ; Jan Dibbets, les cumulus présents lors des prises Domaine d’un rouge-gorge ; Marcel de vues aériennes de la zone. » Dzama, Lonesome Creatures of Worried World ; Yveline Loiseur, Dix nids. >14<
Vitrine 6 : biologie – la flore à partir duquel ils conçoivent un jeu, Sanna Kannisto, Dictyophora sorte de kit du parfait petit chimiste. Indusiata ; Loïs Polansky, Apgaris Cette boîte permettra aux enfants Geber Plant Analysis ; Alice Anderson et aux adultes de créer des formes Collection ; Ivan Bafoil, Edirne, en gelée, mais chaque forme sera sur un texte de Luis Porquet. productrice d’un son électronique lorsque celle-ci sera touchée par Vitrine 7 : entomologie la main de l’homme. Mark Dion, Hommage à Jean-Henri Fabre (Necophorus giganteus) ; L’utilisateur retrouve le geste appris Hubert Duprat, Sans titre. en cours de sciences : sélection et manipulation de substances – eau SCIENCES ET TECHNIQUES et poudres – mélangées dans les éprouvettes et gobelets d’une verrerie Vitrine 8 : chimie de laboratoire puis transformées au moyen de moules et de colorants. Raphaël Pluvinage, né en 1986 Les formes démoulées sont posées et Marianne Cauvard (1987-2014) sur une plaque munie d’une carte Noisy Jelly, Études test pour Noisy Jelly, électronique, une enceinte est alors Maquettes d’étude pour Noisy Jelly, branchée sur la boîte. La gelée est un Tests d’étude pour Noisy Jelly matériau qui non seulement permet Installation-boîte en contreplaqué de bouleau- de mettre l’eau en forme, mais qui découpe laser, bois collé sur une plaque en permet aussi d’être manipulée, métal conductrice, moules en PET thermoformé, reprise, cassée, recollée, produisant système Ardvino, Mac mini et programme autant de signaux sons que de Max/MSP. Prototype autoédition formes réinventées. Cette œuvre CNAP participative évoque aussi la magie de l’expérimentation du cours de chimie, Designers de formation, diplômés de où sans en connaître l’effet final, l’ENSCI – Les ateliers (École nationale l’expérimentateur produit des sons supérieure de création industrielle), grâce à chacune de ces formes qui Raphaël Pluvinage et Marianne génèrent leur propre interaction. Cauvard s’y rencontrent et s’associent pour l’œuvre Noisy Jelly. Ce projet est Ce plaisir du jeu, ce goût de mené dans le cadre de leurs études, l’interactivité avec les publics le sujet étant « contours flous ». Tandis où l’électronique est utilisée comme que Raphaël Pluvinage s’intéresse un moyen d’expérimentation de aux contrôleurs, aux interrupteurs phénomènes scientifiques se poursuit tactiles, Marianne Cauvard, de retour aujourd’hui dans le travail de Raphaël de Londres, s’inspire des formes floues Pluvinage, associé désormais à Marion du pudding anglais, la jelly. Les deux Pinaffo, suite au décès prématuré artistes ont trouvé leur matériau de Marianne Cauvard. >15<
où il expose régulièrement. Vers 1970, À découvrir également il invente une forme de dessins Tony Cragg, Test tubes II ; légendés dont il fait par la suite Noëlle Pujol, Sans titre. sa forme d’expression usuelle : « J’ai trouvé ma propre voie, dit-il, en détournant l’imagerie des livres Vitrine 9 : mathématiques pour adolescents des années 1930… » Thorsten Streichardt, XXBOXXX ; Des cow-boys confrontés à l’art Thomas Huber, Hängung Aushub moderne, des collégiens anglais qui Hängung Proportionen (15.05.2012). « transforment les repas de cantine scolaire en authentique nourriture », Vitrine 10 : technologie des parodies de couverture de Bernard Hiedsieck, Circuits intégrés. « Que sais-je ? » dont les sujets sont « l’ennui », « l’anarchie », « l’étude Vitrine 11 : les manuels de la condensation », tels sont les thèmes de prédilection de Glen Baxter. Glen Baxter, né en 1944, à Londres Défilent ainsi tous les héros de la Que sais-je ? Les pellicules ; Que mythologie enfantine. Mais c’est aux sais-je ? La géographie ; Que sais-je ? adultes avant tout que Glen Baxter Les Anglais destine ses images qui font appel Dessin à l’encre et aux crayons de couleur sur à notre inconscient. Agrémentant ses papier/encre de chine et crayons gras sur papier dessins old fashion de commentaires vélin volontairement détruit par le feu et doublé délirants, il obtient d’inénarrables sur papier effets de décalage. Dans ses FRAC Normandie Rouen et Galerie Isabelle Gounod interviews, Glen Baxter cite volontiers ses sources : Lewis Carroll, le livre Glen Baxter découvre le surréalisme What a Life considéré par Raymond qui lui donnera le goût du non-sens, Queneau comme pionnier du de l’incongru. Il aime associer le surréalisme, Buffalo Bill, Tom Mix, texte et l’image dans des livres qui George Herriman créateur de Krazy soudain bouleversent le rapport sacré Kat et ceux qu’il admire le plus : Jarry, du lecteur avec le média livre, tant les Queneau, Raymond Roussel, Magritte, rapprochements ont de quoi dérouter Chirico, Desnos, Man Ray… ce dernier. Glen Baxter est un artiste anglais. À découvrir également Peintre et dessinateur, c’est surtout Claire Morel, Sans titre-Que sais- son œuvre graphique qui l’a fait je ? ; Sans titre-Que sais-je sur connaître aux États-Unis d’abord, puis la relativité surface encrage ; en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, Antoine Lefebvre, La Bibliothèque dans les pays nordiques, en Australie, fantastique, Que Sais-Je ? au Japon et, bien sûr, en France >16<
Étienne Pressager, À découvrir également né en 1958 à Lunéville dans la salle 2 L’alphabet turbulent, 26 dessins Rodolphe Delaunay, Cyclope Graphite et lavis de gouache sur papier Panoramic ; David Bunn, Secret Des mondes dessinés – FRAC Picardie Societies ; Samir Mougas, Programme #4 ; Marco Gondinho, Enseignant à l’École nationale Le monde nomade#1 ; Lucie supérieure d’arts de Nancy, cet artiste Picandet, « Aïôn », Emophone n° 1, utilise la lettre et recherche également Poème Seconde Hampe – Mithridate, la mise en regard de l’image au recueil Detterrissages – Celui que je texte. Mais il aime à perturber notre suis ; Julien Berthier, Le mouvement regard tant la lettre n’est pas toujours perpétuel. aisément identifiable ; ses lettres, traces et matières noires sur le blanc du papier s’assemblent et deviennent Salle 3 : les abécédaires le sujet principal de l’œuvre. Étienne Premier manuel de l’enfant pour Pressager appartient à une tradition apprendre à lire et à écrire ses lettres, où les techniques ancestrales de l’abécédaire ne se limite pas à l’objet- l’art de peindre sont parfaitement livre. Utilisé dès le Moyen Âge, il doit maîtrisées : la perspective illusionniste, donner à l’enfant le goût du mot et la palette des nuances de couleur de la lecture. S’il symbolise l’entrée aboutissant à une variété de gris/noirs. dans la culture de l’écrit, l’image reste Réalisée en 1994, cette série témoigne pourtant essentielle, susceptible de l’intérêt de l’artiste pour le graphisme de porter le désir de l’enfant vers de la lettre, pour sa force plastique, un monde de mots. Les œuvres voire sculpturale, comme si la deuxième présentées dans cette salle s’inscrivent dimension de la feuille réussissait dans cette tradition et la détournent. à suggérer les trois dimensions de Comme le rappelait Ségolène Le Men, la forme. Ces lettres ne se résument « l’alphabet ne sert pas seulement plus seulement à un phonème en à lire ; c’est aussi une machine à devenir, mais à un signe, à un symbole acquérir de nouvelles connaissances » et à une matière pure. L’artiste nous (Les Abécédaires : lettres, mots, propose de regarder ces lettres images, Éd. Scérén, 2012). Pour les d’un nouvel œil, d’y voir chez une, la artistes, il s’agit avant tout d’envisager souplesse et le potentiel de lien, sur une de nouvelles manières d’aborder autre, le symbole d’un enfermement, l’esthétique du lettrage comme chez etc. Le geste est calligraphe et pictural : Pressager, Messager et Villeglé. Il est une ligne produite grâce au crayon aussi question de revisiter la logique de graphite, un plein produit par le même de l’alphabet à travers le principe pinceau du lavis. Il y a sans conteste du dictionnaire (Barbier et Liaudet) le plaisir du geste, peut-être à l’image ou du flipbook (Breer). du plaisir du premier alphabet récité >17<
par l’enfant qui perçoit le potentiel de c’est qu’une image parfaite là, en haut, possibles d’un monde de sons, de mots dans la boîte crânienne, ne passe et d’idées qui s’ouvre à lui. L’intérêt pas par le bras puis par la main. Alors et l’amour des lettres provoquent qu’il s’agit du même corps. Il y a des l’intérêt et l’amour des mots. refus d’obtempérer qui sont irritants. » David Liaudet utilise très largement Ses recherches se poursuivent au cours la technique de la lithographie, des décennies, les lettres composent un des arts qu’il enseigne d’ailleurs des mots et peuvent se dissocier sur aux Beaux-Arts du Mans où il est plusieurs lignes ou plans, ainsi l’espace professeur depuis 1997. entre les lettres, le « entre », ce vide aura tout autant de puissance que la En 2018, il décide d’abandonner pause ou le silence entre deux notes. la lithographie, qui peut lui demander On a aussi rapproché Étienne Pressager jusqu’à vingt-cinq passages sous du surréalisme ou de l’art conceptuel ; presse pour obtenir toutes les teintes le goût de l’absurde, tout comme le souhaitées. Ses planches peuvent goût du poème visuel se retrouvent, aussi être rehaussées d’aquarelle tel chez René Magritte ou chez Marcel comme celles du FRAC Normandie Broodthaers. Rouen. Ces dernières années, il utilise uniquement le dessin, technique David Liaudet, né en 1967 qui lui apporte une nouvelle liberté Complément d’illustrations et un nouveau rapport à l’objet au dictionnaire Larousse, 1994 dessiné : « J’ai choisi un papier avec Estampe, planche dessinée en couleur- un peu de grain, un peu rêche, sévère, lithographie aquarellée qui semble se refuser à la plume. FRAC Normandie Rouen Autre nouveauté : les outils de dessin. Par tradition, j’ai gardé les craies Depuis 1994, David Liaudet s’est et l’encre à lavis de lithographie mais donné pour tâche de « réaliser j’ai opté pour des feutres de différents un complément aux illustrations calibres, tous remplis de véritable du dictionnaire Larousse de (son) encre de Chine. Je veux que mes noirs enfance », édition de 1967. À chaque soient noirs. Chose qui m’étonne : mot, un dessin créé par l’artiste, le format des papiers m’autorise compose un abécédaire inédit. à tourner dans tous les sens mon En 2007, il écrit à propos de cette support, ce que je ne pouvais nécessaire imagination : « Je m’étonne vraiment pas faire avec mes pierres de l’imagination qui permet, presque lithographiques. C’est amusant cette toujours, de tracer des lignes. Je sens ergonomie du dessin. » bien parfois que cela patine, qu’il y a des redites voire des resucées mais, Au fur et à mesure, l’artiste dans l’ensemble, le cerveau produit. avance dans sa tâche, et cherche Ce qui m’étonne aussi toujours, parallèlement à la documenter. Le blog >18<
est un nouveau moyen pour conserver Vitrine ce cheminement de création mais Jacques Villeglé, Alphabet ; Étienne aussi de doutes qui peuvent étreindre Martin, Abécédaire et autres lieux ; l’artiste. Il livre ses dessins et confie Annette Messager, Mot pour mot Oubli. par ses commentaires l’étendue de son travail : « 24 décembre 2018 – C’est toujours heureux dans ce projet de passer une lettre et d’en entamer une autre. Voilà que c’en est fini des F. Fini des F, j’aime bien. Voilà que le G arrive. Le G c’est un oiseau, c’est le plaisir. C’est les garçons. Alors je vous laisse regarder ces nouvelles planches. Remarquerez-vous que les dessins gagnent en taille ? » En 2016, il écrit : « En art, je ne crois pas au projet, je ne crois qu’en la pratique. Je ne crois pas aux chimères, je ne crois qu’à la présence dans le réel. Faire est le moyen de voir. » Vertigineuse pratique qui l’amène depuis 25 ans à poursuivre ; sur sa première planche en 1994, son premier mot est « abandon » ; en juillet 2019, le mot « gaspillage » devient une sorte de constellation planétaire. À découvrir également Robert Breer, vidéo : ATOZ. Jacques Villeglé Alphabet, 2000 Collection FRAC Bretagne © ADAGP, Paris 2019. Crédit Photographique : Hervé Beurel >19<
1er étage : exposition Arrivé dans le sud-est de la France à 20 ans, il étudie à Aix-en-Provence permanente puis à Marseille où il vit et travaille Gilles Barbier, né en 1965 au Vanuatu toujours, au sein de la Friche la Belle (Nouvelles-Hébrides) de Mai, fabrique artistique et espace De « Exploiter » à « Floculation » culturel. Artiste multiple, il diversifie et ses trois errata, 2018 ses techniques de création : dessins, Encre et gouache sur papier sculpture, installation. Il se fait Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris connaître notamment pour des grandes planches copiant des pages de dictionnaires qu’il reprend, associant images et textes, dialogue visuel >20<
et graphique, comme dans l’art de la bande dessinée qu’il affectionne depuis son enfance. Mais il recompose ces pages symboles de la synthèse de la connaissance, par un changement d’échelle. Car elles deviennent monumentales (2,10 m), tandis que les personnages de ses installations deviennent homme-dé et homme- pion (Dice man), petits personnages avançant de manière aléatoire, comme des pions sur des cases de damier. Son rapport au texte est omniprésent dans ses dessins, aime-t-il à rappeler, et la forme est tout aussi fondamentale. « Je peux même dire que ce qui est produit (et là je parle de l’ensemble de ma production) n’est au fond que l’illustration du texte. Ou peut-être, plus justement, par une manière de retournement bizarre, que le texte en serait l’enluminure. » Au cœur de sa création, demeurent donc le texte et le dessin, dessins aux formats et aux techniques particulières, mais aussi aux vitesses particulières ; certains sont très lents, et très travaillés, tandis que « d’autres seront plus jetés » pour reprendre le terme de l’artiste. Son œuvre oscille donc entre contrainte et aléatoire. En effet, depuis 1993, Gilles Barbier recopie le dictionnaire, page par page, les dimanches, arrivant en 25 ans à un quart de la tâche réalisée. Parallèlement, ses installations renferment des énoncés placés sous la case d’un damier. Par les mots, l’artiste ouvre alors un champ des possibles. D’une consigne claire, l’œuvre, quelquefois multiple, prend corps. >21<
2E PARTIE : MÉTHODES PÉDAGOGIQUES, APPROCHES LUDIQUES 3e étage Salle 5 L’exposition se poursuit à l’étage Bevis Martin et Charlie Youle, supérieur avec une deuxième partie nés en 1975 à Londres et 1977 relative à l’enseignement et plus à Sheffield précisément au jeu comme méthode First notions C (Solids and cupcake)/ et support de transmission du savoir, First notions D (boxes, coins, lettuce, enjeux qui passionnent penseurs cake divided into 7) et philosophes depuis le xviiie siècle, Faïence émaillée, bois, médium, peinture de Jean-Jacques Rousseau et FRAC Normandie Caen Johann Pestalozzi à Friedrich Fröbel, John Dewey en passant par Marie Passionnés d’art brut et de surréalisme Pape-Carpantier, Ovide Decroly, tout autant que d’objets trouvés, ce Maria Montessori et Célestin Freinet. duo d’artistes anglais installés à Nantes depuis 2003 part souvent d’une image Les artistes présentés dans cet ou d’un livre d’écolier ou d’une notion espace revisitent les classiques apprise à l’école, comprise ou non, des jeux pédagogiques et méthodes devenant la source de leur création. ludiques d’enseignement pour Ils questionnent aussi cette difficulté en détourner souvent le dessein de la transmission de la connaissance ou les enjeux dans une nouvelle et, de fait, s’intéressent aux objets compréhension, parfois amusée pédagogiques qui sont censés atténuer (Martin & Youle, Chardon), analytique cette difficulté et jouer leur rôle (Froment), critique (Prévieux), de passeur. culturelle (Guilleminot) et souvent poétique (Pien). Ils décrivent ainsi leur démarche et leur œuvre : « Notre projet en cours est une investigation plus ou moins dépourvue de directions sur la connaissance humaine, une recherche approximative et manuelle portant sur les structures mentales. Nous partons d’un point reclus de la pensée où se trouvent réunis les divers accessoires et les objets qui, à un moment donné de notre vie, ont été convoqués pour nous transmettre les notions >22<
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