La constitution et la distribution d'une réserve de liquidation - IPCF
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés SOMMAIRE p. 1/ L a constitution et la distribution d’une réserve de liquidation p. 5/ Poursuite d’une activité déficitaire : quelle responsabilité pour les dirigeants ? p. 8/ L’Europe exclut les « montages non authentiques » de la directive mère- filiale La constitution et la distribution d’une réserve de liquidation Une des mesures les plus marquantes de la loi-pro- nel, il convient d’additionner le nombre de travail- gramme du 19 décembre 2014 (M.B., 29 décembre leurs occupés en moyenne annuelle par chacune 2014) est l’introduction de ce qu’on appelle la réserve des sociétés liées2. de liquidation. Les sociétés qui constituent une telle réserve pourront la distribuer lors de la liquidation, La société ne doit toutefois être considérée comme sans qu’un précompte mobilier ne doive encore être petite société que pour les exercices pour lesquels retenu. Par ailleurs, les montants distribués anté- une réserve de liquidation est constituée. Le fait rieurement à titre de dividendes seront soumis à un que la société soit considérée par la suite comme taux d’imposition inférieur à celui applicable à la dis- une grande société pour une ou plusieurs années P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-36 tribution d’une réserve ‘ordinaire’. n’a aucune conséquence pour les réserves de liqui- dation constituées antérieurement. La constitution d’une réserve de liquidation Comptabilisation sur un ou plusieurs comptes intangibles Uniquement pour les petites sociétés La réserve de liquidation doit être comptabilisée Seules les sociétés considérées comme petites socié- dans un ou plusieurs comptes distincts du passif et tés sur la base des critères de l’article 15 C. Soc. ne peut servir de base pour des rémunérations ou (concernant le chiffre d’affaires, le total du bilan attributions quelconques (art. 184quater, deuxième et l’effectif du personnel) peuvent constituer une et troisième alinéas CIR 1992). réserve de liquidation (art. 184quater, alinéa pre- mier, CIR 1992).1 Etant donné qu’il est renvoyé à Cette condition est similaire à la condition d’intan- l’article 15 C. Soc. dans son intégralité, les critères gibilité prévue à l’article 190 CIR 1992 pour les en matière de chiffre d’affaires et de total du bilan réserves immunisées (plus-values de réévaluation, doivent être calculés sur une base consolidée pour partie non encore imposée des plus-values soumises les sociétés liées à une ou plusieurs autres sociétés. à la taxation étalée, réserve d’investissement, tax En ce qui concerne le critère d’effectifs du person- shelter,…). Une réserve immunisée pour laquelle la condition d’intangibilité n’est plus respectée de- 1 Pour mémoire : le régime transitoire prévu par le gouvernement Di Rupo (la liquidation ‘interne’ visée à l’art. 537 CIR 1992) pouvait également s’appliquer aux grandes sociétés. 2 Art. 15, § 5 C. Soc. 1 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
vient imposable. Ce n’est toutefois pas le cas pour la une société qui comptabilise une réserve de liqui- réserve de liquidation puisqu’il ne s’agit pas d’une dation bénéficie aussi de postes de déduction fis- réserve immunisée, mais d’une réserve taxée (voir cale (éléments non imposables comme les libéra- aussi infra, ‘Du bénéfice imposable à la réserve de lités, déduction RDT, déduction pour revenus de liquidation nette’). Si la condition d’intangibilité de brevets, déduction d’intérêts notionnels, pertes la réserve de liquidation n’est plus respectée parce antérieures, déduction pour investissement, dé- que cette réserve est distribuée sous la forme de duction reportée d’intérêts notionnels) qui sont dividendes ou comme partie du boni de liquidation, supérieurs au résultat subsistant de la période im- le montant distribué sera encore soumis à un pré- posable (code 077 de la déclaration), la réserve de compte mobilier de 15 % ou de 5 % ou sera exonéré liquidation ne sera en effet pas effectivement taxée (voir infra, ‘La distribution d’une réserve de liquida- à l’impôt des sociétés. tion’). Toutefois, si la condition d’intangibilité n’est pas respectée d’une autre manière, p.ex. en raison Après déduction de l’impôt des sociétés, il convient de l’imputation de pertes comptables, la partie de encore de déduire la cotisation distincte due sur la réserve de liquidation affectée de cette manière la réserve de liquidation même (voir infra) pour ne pourra plus être distribuée moyennant un pré- calculer le montant de la réserve de liquidation compte mobilier réduit. nette. Des exemples repris plus loin illustrent ce calcul. Montant qui peut être affecté à la réserve de liquidation Cotisation distincte de 10 % Il est possible d’affecter à une réserve de liquida- Sur le montant transféré à la réserve de liquidation, tion une partie ou la totalité du bénéfice comptable la société est tenue de payer une cotisation distincte après impôt (art. 184quater, deuxième et troisième de 10 % (art. 219quater CIR 92). Cette cotisation est alinéas CIR 1992). Il s’agit du montant repris dans enrôlée en même temps que l’impôt des sociétés et le schéma des comptes annuels soit sous le code ne doit donc être payée qu’avec l’impôt des sociétés5. 9904 comme ‘Bénéfice de l’exercice’, autrement La cotisation ne constitue pas un coût déductible dit le bénéfice indiqué immédiatement après les pour la société (art. 198, §1er, 1° CIR 92), et la socié- comptes 67/77, soit sous le code 9905 (Bénéfice de té ne peut y imputer des précomptes ou versements l’exercice à affecter)3. Cela signifie qu’il n’est pas anticipés6. possible d’encore transférer à une réserve de liqui- dation d’‘anciennes’ réserves taxées d’un exercice Les éventuels postes de déduction fiscale qui, antérieur à 20144. Les réserves taxées de l’exer- comme nous l’avons dit plus haut, peuvent être dé- cice 2013 se retrouvent ainsi entre deux chaises (le duits pour le calcul de l’impôt des sociétés dû sur la régime transitoire de l’article 537 CIR 1992 et le réserve de liquidation ne sont pas déductibles pour régime de l’article 184quater CIR 1992). la cotisation distincte due sur la réserve de liquida- tion7. Du bénéfice imposable à la réserve de liquidation nette Il est important de noter que la cotisation doit être payée quelle que soit l’évolution ultérieure des ré- Le fait que le montant pouvant être affecté à la serves de la société. Il n’est donc pas exclu qu’une réserve de liquidation soit le bénéfice comptable société paie les 10 % sur une réserve qui n’existe- après impôt signifie que le bénéfice est encore sou- ra plus au moment de la liquidation de la société mis à l’impôt des sociétés avant le transfert. Une parce que dans les années suivant la constitution imposition effective n’est toutefois pas requise. Si de la réserve de liquidation, la société aura subi des pertes plus importantes que les réserves et 3 La deuxième interprétation est préférable si l’on suit l’ exposé des motifs, dans lequel le montant qui peut être transféré à une réserve 5 Il ne s’agit donc pas d’un précompte mobilier, comme lors d’une ‘liqui- de liquidation et également considéré comme « le bénéfice à affecter dation interne’ prévue par le gouvernement Di Rupo (art. 537 CIR de l’année fiscale qui se rapporte à la période d’imposition » (Chambre 1992). 20142015, n°672/001, p.14 ) au lieu du « bénéfice comptable après 6 L’art. 304, § 2, deuxième alinéa CIR 1992 mentionne les cotisa- impôts ». tions distinctes établies en exécution des articles 219 à 219ter CIR 4 Il faut remarquer que dans l’interprétation selon laquelle on entend 1992 comme des impôts sur lesquels les précomptes et versements par ‘Bénéfice comptable après impôts’ le montant repris au code 9905 anticipés peuvent être imputés, mais ne mentionne pas la cotisation (à la place de 9904), des ‘vieilles’ réserves immunisées qui sont ajoutés distincte établie en exécution de l’article 219quater CIR 1992. au résultat de l’exercice et de ce fait deviennent imposables (car la 7 Voir à ce propos I. Vandenbroeck et B. Van Vlierden, ‘Aftrekken van condition d’intangibilité n’est plus respectée), peuvent être transférés belastbare winst laten afzonderlijke aanslag op liquidatiereserve en réserve de liquidation. ongemoeid’, in Fisc. Act., 2014, nr. 43, p. 16-17. 2 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
qu’aucun boni de liquidation ne sera donc distri- fice comptable (!) après impôt des sociétés s’élève bué8. Dans ce cas, la société ne peut pas réclamer le donc à 30.025,72 euros. Ce montant comprend tou- remboursement de la cotisation distincte payée ni tefois encore la cotisation distincte de 10 %. Autre- la compenser d’une autre manière. Les sociétés qui ment dit, ce montant représente 110 % de la réserve s’attendent encore à subir des pertes (importantes) de liquidation nette. La réserve de liquidation nette n’ont donc pas intérêt à constituer une réserve de est donc égale à 27.296,11 euros (=30.025,72 eu- liquidation9. ros/110 × 100) et la cotisation distincte due sur ce montant s’élève à 2.729,61 euros (=27.296,11 eu- A noter aussi que la cotisation de 10 % disparaît de ros × 10 %, ou 30.025,72 euros – 27.296,11 euros). l’avoir de la société et que dès lors, suite à la consti- tution de la réserve de liquidation, la base pour la 2) Imaginons qu’outre la déduction des intérêts déduction des intérêts notionnels diminue. notionnels de 2.000 euros, la société du premier exemple ait aussi 80.000 euros de dettes fiscales Possible à partir de quand ? reportées. Le nouvel article 184quater CIR 1992 est en vigueur Le bénéfice imposable serait alors égal à 0 euro à partir de l’exercice d’imposition 2015. Concrè- (= 50.000 euros de bénéfice comptable + 20.000 eu- tement, cela signifie donc que les petites sociétés ros de dépenses non admises - 2.000 euros de déduc- peuvent déjà transférer une partie ou la totalité du tion d’intérêts notionnels - 68.000 euros de pertes bénéfice de l’exercice 2014 à une réserve de liquida- reportées) et la société ne devrait donc pas payer tion lors de l’assemblée annuelle qui se tiendra au d’impôt des sociétés. Le bénéfice comptable (!) après printemps 2015. impôt des sociétés s’élèverait donc à 50.000 euros. La réserve de liquidation maximale serait égale à Exemples 45.454,54 euros (= 50.000 euros/110 × 100), et la cotisation distincte due sur ce montant à 4.545,45 1) Une petite société a réalisé un bénéfice comptable euros (= 45.454,54 euros × 10 %, ou 50.000 euros - avant impôt de 50.000 euros, compte 20.000 euros 45.454,54 euros). de dépenses non admises (impôt des sociétés non in- clus) et a droit à une déduction des intérêts notion- Cet exemple illustre le fait que les postes de déduc- nels de 2.000 euros pour l’exercice 2014. La société tion fiscale sont bien imputés sur l’assiette de l’im- bénéficie du taux réduit à l’impôt des sociétés. Il est pôt des sociétés (de sorte qu’aucun impôt des socié- décidé lors de l’assemblée annuelle en mai 2015 de tés ne doit être payé), mais pas sur l’assiette de la constituer la réserve de liquidation maximale, au- cotisation distincte. trement dit d’affecter la totalité du ‘bénéfice comp- table après impôt’ à un compte distinct ‘réserve de 3) Imaginons que pour la société du premier liquidation’. exemple, l’année 2014 soit le premier exercice, qu’au cours des exercices 2015 et 2016, elle ait Le bénéfice imposable s’élève à 68.000,00 euros enregistré une perte comptable de respectivement (= 50.000 euros de bénéfice comptable + 20.000 eu- 17.000 euros et 15.000 euros, et qu’elle soit liqui- ros de dépenses non admises - 2.000 euros de déduc- dée début 2017. La société ne disposerait alors plus tion des intérêts notionnels). L’impôt des sociétés de réserves au moment de la liquidation puisque sur ce bénéfice s’élève à 19.974,28 euros (6.244,38 les 32.000 euros de pertes seraient en effet déduits euros sur la première tranche de 0,01 euro à des 27.296,11 euros de la réserve de liquidation. 25.000 euros et 13.729,90 euros sur la deuxième tranche de 25.000 euros à 68.000 euros). Le béné- Cet exemple illustre le fait qu’une société peut éven- tuellement avoir payé pour rien la cotisation dis- tincte puisqu’aucun boni de liquidation n’est finale- 8 Voir également ce qui a été dit plus haut à propos de la condition ment distribué. d’intangibilité. 9 Selon le ministre des Finances, l’existence de pertes comptables repor- tées d’années de revenus précédentes n’empêche pas la constitution Formulaire d’une réserve de liquidation avec les bénéfices de l’année de revenus courante (Doc. Parl., Chambre 2014-2015, n° 672/001, 17), mais il convient toutefois d’être attentif si l’intention est de ne distribuer la La société doit, à compter de l’exercice d’imposition réserve de liquidation qu’au moment de la liquidation de la société. Si les pertes comptables reportées, donc les réserves négatives, existent au cours duquel la réserve de liquidation est consti- encore à ce moment-là, elles seront en effet déduites des réserves positives et donc, si les réserves taxées ‘ordinaires’ sont insuffisantes, tuée, joindre à sa déclaration une attestation dont le de la réserve de liquidation. 3 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
modèle doit encore être établi par arrêté ministériel ou 15 % de précompte mobilier dus sur la distribu- (art. 184quater 4e alinéa CIR 1992). tion d’un dividende provenant d’une réserve taxée ordinaire (pour une illustration, voir les exemples La distribution d’une réserve de ci-dessous). liquidation A noter aussi que la distribution d’une réserve de Distribution à titre de boni de liquidation liquidation après cinq ans constitue une alternative au régime VVPRbis. Il s’agira généralement d’une Pour les bonis de liquidation attribués ou mis en alternative plus intéressante puisque les conditions paiement depuis le 1er octobre 2014, le précompte d’une distribution fiscalement avantageuse d’une mobilier s’élève à 25 %10. La partie du boni de liqui- réserve de liquidation sont moins strictes que celles dation qui provient de la ou des réserves de liquida- applicables au régime VVPR-bis. Par ailleurs, le tion ne constitue toutefois pas un revenu mobilier précompte mobilier réduit est applicable à la totalité imposable (art. 21, 11° CIR 1992) et aucun pré- du dividende provenant de la réserve de liquidation compte mobilier n’est dès lors encore dû sur cette alors que pour les petites sociétés constituées avant distribution. La cotisation distincte de 10 % qui a le 1er juillet 2013, le dividende ne peut être distribué été payée par la société est donc (excepté l’impôt des moyennant un précompte mobilier réduit que dans sociétés) le seul impôt dû sur le boni de liquidation la mesure où il est attribué à des actions émises lors distribué. d’une augmentation de capital opérée à partir du 1er juillet 2013. Distribution à titre de dividendes ordinaires Possible à partir de quand ? Le précompte mobilier sur les dividendes ordinaires Les règles concernant la distribution d’une réserve s’élève à 25 %11, ou à 15 % pour ce qu’on appelle les de liquidation sont également applicables à comp- dividendes VVPR-bis12. ter de l’exercice d’imposition 2015. Une société peut donc déjà distribuer une réserve de liquidation à La distribution d’une réserve de liquidation à titre titre de dividendes lors de l’affectation du résultat de dividendes ordinaires est également soumise pour l’exercice 2015, voire même déjà au cours de au précompte mobilier. Le taux est de 15 % lorsque l’exercice 2015 à titre de dividende intermédiaire. la distribution a lieu dans les 5 ans à compter du Une distribution moyennant un Pr.M. de seulement dernier jour de la période imposable concernée, 5 % est possible au plus tôt à partir du 1er janvier et de 5 % en cas de distribution intervenant plus 2020, pour une réserve de liquidation constituée de cinq ans après ce dernier jour (art. 269, §1er, pour l’exercice 2014. 8° CIR 1992). Si le dividende est déclaré dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques, il Exemples est en principe taxé distinctement au taux de 15 % ou 5 % (art. 171, 3°septies CIR 1992). L’imputation Reprenons les deux premiers exemples donnés plus sur les réserves de liquidation se fait selon le prin- haut. cipe FIFO, les réserves les plus anciennes étant censées être les premières retirées (art. 184quater, 1) Lors de l’assemblée annuelle de 2018, la société cinquième alinéa CIR 1992). décide de distribuer l’intégralité de la réserve de liquidation de 27.296,11 euros. Etant donné que A noter que la distribution d’une réserve de liquida- moins de cinq ans se sont écoulés depuis le dernier tion est moins taxée que la distribution d’une autre jour de l’exercice pour lequel la réserve de liquida- réserve taxée ‘ordinaire’. La combinaison de 10 % de tion a été constituée, un Pr.M. de 15 % doit être re- cotisation distincte et de 15 % ou 5 % de précompte tenu sur le montant distribué, soit 4.094,42 euros. mobilier entraîne en effet un taux d’imposition glo- bal de 22,73 % ou 13,64 %, soit moins que les 25 % La distribution porte donc sur un bénéfice brut après impôt des sociétés de 30.025,72 euros. Sur ce montant distribué, un montant total de 6.824,03 euros d’impôt 10 L’art. 269, § 1er, 5° CIR 1992 a été abrogé au 1er octobre 2014 par l’art. 5, a) de la loi du 28 juin 2013 (M.B., 1er juillet 2013 (éd. 2)) de a été payé, à savoir la cotisation distincte de 2.729,61 sorte que les bonis de liquidation sont depuis soumis au taux fixé à l’art. 269, § 1er, 1° CIR 1992 euros, plus le précompte mobilier de 4.094,42 euros. 11 Art. 269, § 1er, 1° CIR 1992 Le taux d’imposition sur le montant distribué s’élève 12 Art. 269, § 2 CIR 1992 4 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
donc à 22,73 % (= 6.824,03 euros/30.025,72 euros) au montant distribué, un montant total de 6.818,17 lieu des 25 % de précompte mobilier dus sur la distri- euros d’impôt a été payé, à savoir la cotisation dis- bution d’une réserve taxée ‘ordinaire’. tincte de 4.545,45 euros, plus le précompte mobilier de 2.272,72 euros. Le taux d’imposition sur le mon- 2) La société décide lors de l’assemblée annuelle en tant distribué s’élève donc à 13,64 % (= 6.818,17 2020 de distribuer l’intégralité de la réserve de li- euros/50.000 euros) au lieu des 25 % de précompte quidation de 45.454,54 euros. Etant donné que plus mobilier dus sur la distribution d’une réserve taxée de cinq ans se sont écoulés depuis le dernier jour de ‘ordinaire’ ou des 15 % de Pr.M. dus sur la distribu- l’exercice pour lequel la réserve de liquidation a été tion d’un dividende VVPR-bis. constituée, un Pr.M. de seulement 5 % doit être re- tenu sur le montant distribué, soit 2.272,72 euros. Felix VANDEN HEEDE La distribution porte donc sur un bénéfice brut Juriste fiscal après impôt des sociétés de 50.000 euros. Sur ce Poursuite d’une activité déficitaire : quelle responsabilité pour les dirigeants ? I. Contexte II. Situation de faillite : obligation d’en faire l’aveu 1. Suite à la crise qui frappe durement depuis quelques années, de nombreux dirigeants sont 3. En principe, tout commerçant se trouvant en confrontés à un dilemme : faut-il poursuivre l’ac- situation de faillite doit en faire l’aveu dans le mois, tivité, en perte depuis plusieurs exercices en rai- au greffe du Tribunal de commerce (article 9 de la son du ralentissement de l’activité économique loi sur les faillites du 8 août 1997). et de la baisse des commandes, ou convient-il, au contraire, de déposer le bilan au plus vite, en Pour rappel, l’état de faillite se caractérise par deux faisant une croix définitive sur des possibilités éléments cumulatifs, à savoir la cessation des paie- d’embellie ou de redressement que ces dirigeants ments et l’ébranlement du crédit. Autrement dit, croient réelles ? lorsqu’un commerçant ne peut plus honorer ses créanciers et que ceux-ci n’entendent plus lui ac- 2. La question est évidemment tout sauf anodine, corder de facilités de paiement ou de plans d’apure- dès lors qu’elle conditionne non seulement l’avenir ment, la faillite doit être prononcée. personnel des dirigeants concernés, lesquels sont généralement actionnaires de la société qu’ils cor- 4. Le défaut d’aveu de faillite est, notamment, naquent et dans laquelle ils ont souvent beaucoup sanctionné pénalement (article 489bis, 4° du investi, mais également parce que leur responsabi- Code pénal), mais il peut également déboucher lité civile et pénale personnelle peut se trouver en- sur une mise en cause de la responsabilité des ad- gagée, si la décision qu’ils prennent s’avère ne pas ministrateurs ou gérants défaillants (voir infra, être la bonne. point IV). 5. La procédure de faillite étant réservée aux com- merçants, une société civile à forme commerciale (exerçant, par exemple, une activité de profession 5 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
libérale) ne peut, en principe, pas faire l’objet d’une IV. Responsabilité pour faute de telle procédure. En cas de difficultés économiques gestion en cas de poursuite d’une insurmontables, seule la procédure de liquidation activité déficitaire volontaire (voire de dissolution, en cas de désac- cord entre associés) paraît envisageable. La pour- 9. Les dirigeants d’une société sont responsables, suite téméraire d’une activité non commerciale à l’égard de celle-ci, de la bonne exécution du man- peut néanmoins engager la responsabilité des diri- dat qui leur a été confié et répondent de leurs fautes geants, au même titre que dans le cas d’une société à l’égard de leur mandante (articles 262, 408, al. commerciale. 1er et 527 du Code des sociétés, respectivement ap- plicables aux SPRL, SCRL et SA). Il ne s’agit pas III. Procédure de la sonnette d’un cas de responsabilité solidaire, la faute et ses d’alarme conséquences devant donc s’apprécier dans le chef de chacun des dirigeants de la société. 6. Lorsque les dirigeants constatent que l’actif net de la société est réduit à moins de la moitié du La poursuite d’une activité déficitaire constitue une capital social, ils sont tenus de mettre en œuvre la faute de gestion, lorsqu’il est avéré que l’activité est procédure de sonnette d’alarme (articles 332, 431 irrémédiablement condamnée à générer des pertes. et 633 du Code des sociétés, applicables respective- ment aux SPRL, SCRL et SA). Cette démarche a pour Cette preuve n’est toutefois généralement pas facile but d’avertir les actionnaires et les tiers, quant aux à rapporter. En effet, elle suppose de se replacer difficultés de la société et aux mesures destinées à au moment où les dirigeants ont décidé, explicite- assurer son redressement. ment ou non, de maintenir leurs efforts en vue de sauvegarder la société et d’en poursuivre les acti- En effet, les dirigeants doivent établir un rapport vités. Normalement, les événements extrinsèques spécial dans lequel ils exposent la situation à l’at- ultérieurs ne doivent pas être pris en considération tention des actionnaires et proposent des mesures pour décider si la poursuite d’activité constituait, concrètes dont ils jugent qu’elles permettront la dans les circonstances concrètes de l’espèce, une survie de l’entreprise. S’ils considèrent que la socié- faute de gestion ou non. té est irrémédiablement condamnée, c’est la liquida- tion qui doit être proposée au vote des actionnaires. Il convient de s’en référer au comportement du diri- geant normalement prudent et avisé : soumis au cas 7. Une assemblée générale extraordinaire doit d’espèce, quelle serait sa réaction saine et légitime ? être tenue, dans les formes prescrites pour la mo- dification des statuts, endéans les deux mois de la Très souvent, la jurisprudence s’intéresse à l’atti- constatation de la situation justifiant l’application tude adoptée par les dirigeants à l’égard de l’as- de la sonnette d’alarme ; cette assemblée doit spéci- semblée générale. Il convient, notamment, de fiquement se prononcer sur la poursuite ou non de vérifier si les actionnaires ont été informés des l’activité et sur le bien-fondé des mesures curatives difficultés de la société en temps utile et invités à proposées par le management. se prononcer sur la poursuite des activités. Le res- pect de la procédure de la sonnette d’alarme (voir 8. Si les dirigeants ne mettent pas en œuvre la point III) peut, à cet égard, constituer un élément procédure de la sonnette d’alarme, soit parce qu’ils d’appréciation très important, tout comme – bien n’ont pas constaté la réunion des conditions d’appli- entendu – la poursuite de l’activité, alors que les cation dans le délai prévu (par exemple, parce que conditions de la faillite sont manifestement réu- les comptes annuels ont été arrêtés tardivement), nies (voir point II). soit parce qu’ils n’ont, malgré ce constat, pas établi de rapport spécial et/ou convoqué les actionnaires La jurisprudence en la matière est foisonnante, de en assemblée générale, leur responsabilité solidaire sorte que la synthétiser en quelques lignes relève peut être mise en cause par la société ou tout tiers d’une gageure. intéressé (un créancier, par exemple). 10. En principe, la poursuite de l’activité défici- En outre, la loi prévoit spécialement qu’en pareille taire n’oblige les dirigeants à rendre des comptes hypothèse, le préjudice subi par les tiers est pré- qu’à la société qu’ils représentent. En cas de faillite, sumé, de manière réfragable néanmoins, découler l’action peut être introduite, pour compte de celle- du défaut de respect de ladite procédure. ci, par le curateur. 6 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
Les tiers (créanciers, fournisseurs, etc) peuvent 13. L’action ne peut être introduite lorsque la toutefois démontrer que l’attitude des dirigeants faillite concerne une SPRL ou une SCRL qui a ré- constitue, à leur égard, une faute personnelle au alisé, au cours des trois exercices qui précèdent sens de l’article 1382 du Code civil, qui entraîne la faillite, un chiffre d’affaires moyen inférieur à pour les dirigeants visés une obligation de répa- 620.000 EUR HTVA et lorsque le total du bilan au ration du dommage subi individuellement par les terme du dernier exercice n’a pas dépassé 370.000 tiers en question. EUR, ces deux conditions étant cumulatives. Se- lon la doctrine majoritaire, cette mesure de faveur 11. Le problème de la fixation du dommage, que ne s’applique donc qu’aux sociétés qui ont clôturé ce soit à l’égard de la société ou des tiers, constitue au moins trois exercices et dont la comptabilité une source de discussion importante. est régulièrement tenue et considérée comme pro- bante. En effet, l’action en responsabilité fondée sur les ar- ticles 262, 408, al. 1er ou 527 du Code des sociétés 14. La procédure peut être diligentée par un créan- n’est pas une procédure en comblement du passif, cier lésé, à concurrence de son préjudice propre, ou de sorte qu’il n’y a pas lieu de condamner les diri- par le curateur, agissant pour compte de la masse geants à supporter tout le passif, à concurrence de des créanciers. l’insuffisance d’actif. Contrairement à ce qui prévaut lorsque la simple Seul le passif constitué pendant la période de pour- faute de gestion est mise en exergue par la par- suite illégitime des activités constitue, en principe, tie poursuivante (voir point IV), le tribunal peut un préjudice indemnisable dans le chef de la société condamner les dirigeants à supporter tout le passif ou des créanciers. et non seulement la partie de celui-ci résultant de la période où l’activité déficitaire a été illégitimement Il convient, par ailleurs, de rappeler que la dé- poursuivie. charge accordée par l’assemblée générale constitue une cause de paralysie de l’action de la société : le Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de prouver que dommage résultant d’une période couverte par une la poursuite de l’activité gravement déficitaire est la décharge valablement donnée ne peut être indem- seule cause de la faillite ou du préjudice subi : il suf- nisé à l’égard de la société, puisqu’elle est censée fit d’établir qu’elle y a participé pour que l’obligation avoir validé l’action de ses dirigeants pour l’exer- d’indemnisation naisse dans le chef des dirigeants. cice en question (voy., sur cette question, O. Robi- jns, Responsabilité des dirigeants, décharge et fail- VI. Conclusions lite : le point sur la question, Pacioli, n° 372, p. 6). 15. Le parcours entrepreneurial est semé d’em- bûches. Même un excellent projet ou une bonne V. Faute grave et caractérisée en idée peut s’avérer un fiasco économique, parfois en cas de poursuite d’une activité raison de circonstances étrangères aux dirigeants manifestement déficitaire de l’entreprise. 12. La faute commise par les dirigeants qui Lorsque la faillite sonne la fin de l’aventure, la ten- poursuivent une activité manifestement et gra- tation peut être forte, pour le curateur, les créan- vement déficitaire peut s’avérer à ce point lourde ciers ou encore les actionnaires, de chercher un res- qu’elle devienne une « faute grave et caractérisée » ponsable, voire un bouc-émissaire. au sens des articles 265, § 1er, 409, §1er et 530, § 1er, applicables respectivement aux SPRL, SCRL et L’abondante jurisprudence en matière de respon- SA. sabilité des dirigeants devrait inciter ceux-ci à une prudence de tous les instants. Dans ce cas, lorsque survient la faillite et qu’il est constaté une insuffisance d’actif, les dirigeants peuvent être tenus, solidairement ou non selon l’ap- Olivier ROBIJNS, Avocat préciation du tribunal, de couvrir tout ou partie du Spécialiste en droit des sociétés passif de la faillite, à concurrence de l’insuffisance Spécialiste en droit fiscal d’actif constatée. Cabinet d’avocats HERVE 7 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
L’Europe exclut les « montages non authentiques » de la directive mère- filiale Dans le cadre de la lutte qu’elle mène contre la vantages de la directive mère-fille à un montage a fraude fiscale et l’évasion fiscale internationales, la ou à une série de montages qui, ayant été mis en Commission européenne précise la règle anti-abus place pour obtenir, à titre d’objectif principal, un contenue dans la directive dite « mère-filiale ». La avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de Commission refuse ainsi aux « montages non au- la finalité de la présente directive, n’est pas authen- thentiques » les avantages accordés par la directive tique compte tenu de l’ensemble des faits et circons- mère-filiale. tances pertinents ». Directive mère-fille Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties. La directive mère-fille exonère de retenue à la source les dividendes et autres bénéfices distribués par des Un montage ou une série de montages est considéré filiales à leur société mère et élimine la double impo- comme « non authentique » dans la mesure où ce sition de ces revenus au niveau de la société mère. montage ou cette série de montages n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui Si une société établie dans un État membre de l’UE reflètent la réalité économique. détient une participation d’au moins 10 % dans le capital d’une société implantée dans un autre État Aujourd’hui, la Commission européenne signale en membre de l’UE, l’État membre de la société mère outre que la directive mère-fille ne fait pas obstacle ne peut pas imposer les bénéfices distribués ou doit à l’application de dispositions nationales ou conven- autoriser la société mère à déduire l’impôt payé par tionnelles visant à lutter non seulement contre la la filiale sur ces bénéfices. L’État membre de la fi- fraude fiscale ou les abus, mais également contre liale doit lui aussi accorder une exonération de rete- l’évasion fiscale. nue à la source. (modification de l’article premier, directive mère- Ce régime ne s’applique qu’aux sociétés qui re- fille; article premier, directive (UE) 2015/121). vêtent l’une des formes juridiques mentionnées à l’annexe I à la directive mère-filiale, qui sont éta- Entrée en vigueur blies dans un État membre de l’UE et qui sont obli- gatoirement assujetties à l’un des impôts énumérés La directive (UE) 2015/121 du 27 janvier 2015 entre dans la directive mère. en vigueur le 17 février 2015. Pas pour les « montages non Les États membres doivent satisfaire à la directive authentiques » (UE) 2015/121 le 31 décembre 2015 au plus tard. La Commission européenne stipule à présent que « les États membres ne peuvent accorder les Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Jean-Marie CONTER, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : info@ipcf.be, URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Jean-Marie CONTER, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. Réalisée en collaboration avec Wolters Kluwer – www.wolterskluwer.be 8 P a c i ol i N ° 399 I P C F - B I B F / 16 Février – 1 Mars 2015
Vous pouvez aussi lire