La fin des chantiers navals en Provence ? - INDUSTRIES EN PROVENCE - Mip Provence
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INDUSTRIES n°18 février 2006 EN PROVENCE 2 > La lettre électronique de MIP Provence La fin des chantiers navals en Provence ? Coll. J. Domenichino Mip Provence Mémoire Industrie & Patrimoine en Provence
2 La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 Sommaire ARTICLE La reconversion industrial-portuaire de La Ciotat, par Marc BASSONI RUBRIQUES TRIBUNE DU PATRIMOINE : Les derniers vestiges patrimoniaux des chantiers navals de La Seyne-sur- mer menacés de démolition, par Françoise MANARANCHE INDUSTRIE ET SOCIÉTÉ : Les chantiers et L’amiante, par Dominique DURAND ACTUALITÉS : Parution du n°13 de la revue Industries en Provence Coll. J. Domenichino
La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 3 La reconversion industrialo-portuaire de La Ciotat : naissance d’un district industriel “à l’italienne” ? Marc Bassoni (Maître de conférences en économie à l’École de journalisme et de communication de Marseille) > Article publié en novembre 2000 dans la revue Industries en Provence (n°6) entre eux et à définir ensemble les voies d’un avenir collectif plus radieux. C’est à l’évocation de ce projet, et à ses différents enjeux, qu’est consacrée cette enquête. L’ histoire économique récente de La Ciotat est marquée par un terrible sinistre, la fermeture des chantiers de construction navale de la Normed (1). Ses douloureuses conséquences économiques, sociales et 1. Le marché convoité des navires de grande plaisance humaines sont, hélas, bien connues. Le choc a été si brutal et si profond que nombre de nos contemporains continuent Sitôt le désastre de la Normed connu, nombre d’acteurs toujours de l’associer à la seule évocation du nom de la ville ; locaux se sont mobilisés sur le thème de la reprise pure et comme si cette dernière était fatalement condamnée à simple de l’activité traditionnelle de construction navale. véhiculer cette image négative et si lourdement chargée Pendant de nombreuses années, l’espoir de reprise des d’affects. chantiers était le seul baume (apaisant ?) étalé sur les cicatrices béantes de la cité. Pareil scénario reposait sur À l’heure actuelle, la prégnance de cette perception a ceci de deux conditions sine qua non : d’une part, l’engagement dommageable qu’elle occulte les promesses de durable d’un repreneur industriel sur un créneau fortement transformation et le travail obstiné qui est engagé en leur concurrencé et à faible valeur ajoutée ; d’autre part, la nom. Sous l’écume encore bouillonnante de la crise et de son mobilisation de l’État, capable, par le jeu des commandes ressenti collectif, sourd pourtant, dans l’épaisseur du publiques, de regarnir le carnet de commandes du site territoire économique, un puissant processus de industriel. Après moult promesses d’engagement, sitôt reconversion industrialo-portuaire. L’enjeu est de taille : il suivies de rétractations douloureusement ressenties, après s’agit de catalyser, à partir du bassin de La Ciotat, et en moult espoirs déçus, ce scénario fut finalement remisé. synergie avec d’autres lieux de la façade méditerranéenne française, l’émergence et l’affirmation d’un pôle de référence En 1994, après une longue période d’enlisement, le scénario dans le domaine de la maintenance, de la réparation et de la alternatif de la reconversion du site prend corps refonte (M.R.R.) de navires de grande plaisance. La progressivement. Mais qui dit reconversion dit tout d’abord nouveauté : le dit pôle a pour ambition de ressembler, toutes définition d’une nouvelle cible économique, d’un nouveau proportions gardées, à un district industriel “à l’italienne”, segment de marché sur lequel se positionner, si possible de c’est-à-dire à un territoire animé par des acteurs façon pérenne. Quelques intuitions préalables, bientôt économiques et sociaux locaux, enfin décidés à coopérer suivies par une étude de marché réalisée par un cabinet
4 La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 régional, entrouvrent la piste : il s’agira de la M.R.R. des l’arrière-pays et à la proximité d’avec la célèbre Côte-d’Azur. navires de grande plaisance, c’est-à-dire des yachts de plus • Un atout industriel, enfin. Sur 35 hectares, équipé entre de 30 mètres (30 à 120 m). Quelles sont les caractéristiques autres de ponts roulants, de postes de soudure et d’un grand de ce marché en Méditerranée ? Ce marché est important et portique de 600 tonnes, le site de La Ciotat dispose en croissance rapide (il y avait 860 navires de ce type en également d’une cale sèche de 50/60 mètres, ainsi que d’un Méditerranée il y a 10 ans ; il y en a 1800 aujourd’hui et on en bassin à flot de 500 mètres de long. Ces installations, prévoit plus de 3000 dans 10 ans). Sur ce marché, la adossées à une solide tradition industrielle locale, ne peuvent tendance est à l’augmentation de la taille au sein de que donner crédit à la piste ainsi explorée. l’échantillon-cible (50 m étant probablement la référence à venir). Enfin, ce marché fait actuellement la fortune des chantiers italiens (Gênes, entre autres) et espagnols 2. L’impérieuse mobilisation (Barcelone et Palma de Majorque). Face à “l’explosion” générale attendue du marché, il y a place pour un nouveau pôle de compétences en M.R.R. ; à défaut, le risque est grand de voir Il ne suffit pas qu’une organisation identifie clairement sa la demande se délocaliser (à destination des Bahamas, par fonction-objectif : encore faut-il que tous les acteurs, en son exemple, leader mondial sur ce créneau). sein et autour d’elle, aient accepté pareille identification et Ce marché de la M.R.R. de navires de grande plaisance est un aient promis d’oeuvrer à sa réalisation. De ce point de vue, marché à forte valeur ajoutée. Les navires de cette catégorie l’année 1994 constitue, pour le projet ciotaden, une date qui sollicitent des chantiers recherchent en fait des charnière. Cette année-là, à l’initiative de l’État, un protocole compétences sur toute une filière de métiers hautement en faveur de la reconversion industrielle du site est signé par spécialisés : matériaux composites, mécanique de précision, tous les acteurs économiques et sociaux concernés par climatisation, peintures spécialisées, électronique l’avenir du bassin d’emplois. Ce protocole crée deux outils embarquée et applications des nouvelles technologies de opérationnels : une société d’économie mixte (la Sémidep 3), l’information et de la communication à la navigation, ... Autour d’une part, chargée de la reconversion physique du site et du de cette filière, c’est tout un secteur tertiaire spécialisé qui draînage vers lui de nouvelles activités ; un comité de suivi, s’organise, depuis l’architecture navale et le design, d’autre part, chargé, sous la présidence du Préfet, de suivre jusqu’aux assurances et à la location de navires “haut de l’application du protocole en question. gamme”. La présence active sur un pareil marché suppose Après une période de rôdage, dédiée à la mise en place de son donc un fonctionnement en réseau ; à charge pour quelques système opératoire (par exemple, via l’obtention d’une “chefs d’orchestre” installés sur un site de référence de délégation de service public) et à la définition de son projet mobiliser autour d’eux les compétences voulues, au cas par économique de reconversion, la Sémidep obtient le 8 juillet cas. C’est l’agrégation localisée de tous ces savoir-faire et 1999 le feu vert du comité de suivi sur son pari de conquête leur maîtrise commune du même marché-cible qui de la M.R.R. des navires de grande plaisance. Il s’agit là d’un constituent les clefs de voûte du district industriel “à l’italienne” (2). Sur ce segment de marché, La Ciotat dispose incontestable- ment de trois atouts principaux : • Un atout physique, tout d’abord. La Ciotat est, ne l’oublions pas, un site marin exceptionnel. • Un atout touristique, ensuite. Les propriétaires, capitaines et équipages des bateaux en maintenance peuvent être sensibles aux charmes de la baie de La Ciotat, à la qualité de > Repérage des aménagements 1. Rénovation du port de pêche et de plaisance 2. Aménagement paysagé des quais 3. Réhabilitation du bâtiment d’armement 4. Aménagement des accès au site 5. Création d’une aire de carénage 6. Terrain des calanques 7. Cales de radoub 8. Terrains disponibles en D.P.M. 9. Réparation du mur de digue
La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 5 signal fort : l’État, la Région, le Département, la Ville, la C.G.T., Autonome, Chambre de Commerce, collectivités territoriales, ...) tous les partenaires impliqués dans la définition de l’avenir prennent définitivement conscience de cette responsabilité du site, s’engagent donc à promouvoir le scénario de type régionale de Marseille et des “effets de débordement” que sa “cluster” évoqué ci-dessus. dynamique peut exercer. Le fonctionnement en réseau qui est au coeur du succès des districts italiens doit également Dans l’immédiat, l’engagement des acteurs va se lire au imposer sa logique aux décideurs locaux, abstraction faite travers des actions engagées pour pallier les faiblesses du des concurrences territoriales et des pré-carrés municipaux site, et en particulier ses faiblesses d’image. A titre dont les limites n’ont plus de pertinence économique. d’exemple, un lourd programme d’investissements tend à dissiper l’image de friche industrielle indûment accollée aux On en conviendra : la mutation à opérer est considérable. Les infrastructures portuaires de La Ciotat. Grâce à une plus pessimistes parieront encore sur l’échec et invoqueront enveloppe financière de 100 millions de francs environ, la fatalité des clivages anciens et le poids des habitudes pour abondée à hauteur de 20 millions de francs par des fonds expliquer la difficile adaptation du tissu économique local aux structurels européens (Feder), les quais du port subissent réalités mouvantes de la compétition internationale. Les plus une “requalification urbanistique”, le grand bâtiment de optimistes se permettront toutefois de rêver à un sursaut, l’Armement est reconverti et la desserte routière de la zone aussi spectaculaire qu’inattendu. Gageons que le succès est repensée (désenclavement). Ces réalisations concrètes futur d’Euro-méditerranée, bâti sur la relance des fonctions crédibilisent ce que G. Capuro, l’actuel Directeur de la métropolitaines et internationales de Marseille, saura donner Sémidep, appelle le “projet-action” qui exerce une grande raison à ces derniers et conforter, dans leur élan, les attractivité sur les entreprises structurantes et qui s’oppose, dynamiques voisins - et alliés - ciotadens. partant, au “projet-intention”. L’arrivée récente, sur le site, de Bouygues/GTM et de ABB Alstom tend indubitablement à conforter ce genre de démarche (4). notes 3. L’esquisse d’une autre géographie 1. Pons (D.).- “La Ciotat, ou la vie après les chantiers”, Le Monde diplomatique, oct. 1999, p. 25. industrialo-portuaire ? 2. Au sens propre, un district industriel est un ensemble de PME/PMI, spécialisées dans un domaine donné, fonctionnant en “Les territoires économiques évoluent plus vite que les réseau et installées sur un territoire précis. Le district se territoires politiques”, note avec sagacité Ph. Langevin (5). caractérise par d’intenses coopérations horizontales qui En l’espèce, vus depuis Hong Kong, Bahrein ou Nassau, les stimulent l’innovation et favorisent l’émulation. En tant que tel, changements qui se dessinent à La Ciotat ne peuvent pas le district est le creuset de la “coo-pétition”, forme moderne des relations inter-firmes localisées. Sur ce sujet, cf . Vidal (F.).- “Le être perceptibles. A l’échelle planétaire, seul compte secret des districts industriels italiens”, Sociétal, n° 24, mars aujourd’hui le pouvoir attractif d’une région, au profil 1999, p. 99-104. économique lisible et aux capacités reconnues, région qui 3. Société d’économie mixte de développement économique et transcende le cadre devenu trop exigu des découpages portuaire. administratifs traditionnels du territoire. De ce point de vue, 4. Bouygues/GTM vient d’installer son unité de fabrication de la constitution d’une communauté de communes ne caissons en béton qui seront utilisés dans le cadre des travaux constitue qu’une réponse partielle. d’agrandissement du port de Monaco. Le groupe français de B.T.P. a ainsi jugé que le site ciotadin pouvait offrir un espace En fait, bien au-delà de la coopération inter-institutionnelle, le appréciable de production, en prise directe sur des installations projet ciotaden a impérativement besoin d’une vraie relance portuaires pratiques et efficaces. C’est un calcul à peu près portuaire marseillaise. Les axes forts de cette dernière comparable qui a poussé ABB Alstom à choisir ce site pour une pourraient être les suivants : développement d’une plate- unité d’assemblage destinée à la fabrication des trois plus forme logistique de standard européen, relance de la grandes turbines du monde pour le colossal barrage des “Trois réparation navale lourde dans le sillage du développement de gorges” en Chine. l’activité des croisiéristes (6), soutien de l’activité off-shore. 5. Cité par Ph. Sanmarco in Marseille capitale ?, Aix-en- Grâce à pareille relance, des complémentarités seraient Provence, Edisud, 2000, p. 113. établies par rapport au projet ciotaden ; de plus, le renouveau 6. Avec 148 511 passagers de croisières en 1999, Marseille se portuaire phocéen musclerait la capacité de réponse situe encore loin derrière Les Baléares (722 821), Gênes (568 124) ou Barcelone (546 023). Pour autant, c’est l’escale régionale aux sollicitations fortes du marché-cible de la méditerranéenne qui a connu la plus forte variation de son trafic grande plaisance. Dans cette logique, le succès de l’un dans les années récentes. Au sujet du renouveau de l’activité conforte celui de l’autre. C’est le jeu du “gagnant-gagnant”. des croisiéristes à Marseille, voir le dossier que La Provence de Un tel scénario vertueux nécessiterait que tous les acteurs l’économie lui a consacré récemment (mardi 16 mai 2000). de la vie portuaire marseillaise (entreprises, salariés, Port
6 La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 TRIBUNE DU PATRIMOINE Les derniers vestiges patrimoniaux des chantiers navals de La Seyne-sur-mer menacés de démolition P hilippe Mioche écrivait en 2002 “Les chantiers navals de la Seyne ne conservent que leurs emblèmes et ils sont pour nous un triste exemple” (Industries en Provence, n°6). vie quotidienne des travailleurs des chantiers : le comité d’entreprise était installé dans ce que nous continuons à appeler « la clinique » en référence à son rôle pendant une centaine d’années et la référé suspension (et en annulation) afin que la menace de démolition soit suspendue et nous permette de sauver partie au moins de ces bâtiments. Nous préparons aussi l’avenir de l’atelier méca- L’association Histoire et Patrimoine cantine accueillait aussi les banquets nique : atelier monumental qui témoigne Seynois (HPS) partage ce constat d’autant d’après lancement. de l’activité industrielle et donne que depuis cette date, un important Le maire qui a vendu ces bâtiments à une cohérence à l’ensemble des “emblèmes” monument emblématique, la Rotonde, société d’aménagement a tenté de passer conservés. Une chance ? Le bâtiment dernier élément d’un long bâtiment en force en délivrant un permis de démolir installé sur le domaine maritime ne peut administratif, a été rasé au profit d’un parc sans tenir compte de l’opposition de être remplacé par de nouvelles paysager et d’un projet hôtelier. l’architecte des bâtiments de France qui constructions. partage notre volonté de sauver ces Le plan de réaménagement du site des Notre vocation à défendre le patrimoine bâtiments en les réutilisant dans le cadre chantiers prévoit la démolition de nous a amenés à mener seuls la bataille du plan de réaménagement du site. Le l’ancienne clinique et de la cantine des juridique mais nous avons eu le soutien de futur lieu de mémoire ou centre chantiers navals. Ces bâtiments ont une neuf autres associations seynoises et d’interprétation des chantiers pourrait, par valeur architecturale : la clinique est l’une nous comptons continuer à agir pour que exemple, y trouver sa place, face à la porte des dernières bastides du XIXe siècle la dimension patrimoniale de 250 ans de des chantiers. existantes à la Seyne , la cantine est une vie industrielle dans notre cité soit mieux construction due à l’architecte Alfred Le maire, pris avant les élections d’une prise en compte dans la politique de la ville. Henry, très représentative de l’archi- fièvre de réalisations immobilières, nous a tecture des années 1960. Ils sont aussi contraint dans l’urgence à déposer au Françoise Manaranche des lieux chargés de mémoire car liés à la tribunal administratif une requête en (secrétaire d’HPS)
La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 7 “ Les chantiers navals de la Seyne ne conservent que leurs emblèmes et ils sont pour nous un triste exemple ” > ci-dessus et ci-dessous : ancienne clinique des chantiers navals > page de gauche : cantine des chantiers navals
8 La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 INDUSTRIE & SOCIÉTÉ Les chantiers et l’amiante C’ est à partir de 1978 que la crise économique a commencé à toucher réellement le chantier naval de La Ciotat. Il y a eu, dans un premier temps, le licenciement de 1200 ouvriers, d’un coup. Puis les départs se sont faits petit à petit, mensuellement, par paquets de 50 à 100 licenciements. En 1983 il ne restait plus que 4000 salariés, en 1988, 880. Le Chantier a fermé en 1989. Que sont devenus ses employés? “Les anciens des chantiers sont devenus des précaires, des chômeurs de longue durée, certains sont au R.M.I. pour être passés de contrat en contrat, sans jamais avoir réussi à se fixer, d’autres sont en intérim, ou dans des petits C.D.D. qui ne garantissent aucun avenir professionnel” écrivent Julie Le Fol et Guy-Laurent Silvestre dans un mémoire rédigé pour l’Institut Universitaire Professionnel de Marseille. Coté santé, les dépressions ont été nombreuses, parfois jusqu’au suicide. “La perte de sens dans la vie sociale aggrave des comporte- ments de désintérêt par rapport à la santé, note un médecin. On ne fait pas attention à ce qu’on mange, ni à la quantité de cigarettes que l’on consomme, ni à son bien-être. On ne fait pas de sport, on délaisse son suivi médical, on va voir les médecins encore plus tardivement qu’avant”. Et puis sont arrivés les premiers décès par mésothéliome, autrement dit cancer par inhalations trop importantes de fibres d’amiante, cet amiante indispensable à l’époque pour calorifuger les chaudières des bateaux. Dès 1906 les effets nocifs de l’amiante avait été repérés. Mais ce n’est qu’en 1997 que son interdiction définitive a été décidée. Entre temps, des milliers d’employés des chantiers ont, comme ils disent, “bouffé de l’amiante”. À la fin 1999 et en janvier 2000, quel- ques salariés des chantiers de La Ciotat, mais aussi de ceux de La Seyne ont saisi les tribunaux des affaires de la Sécurité sociale de Toulon et de Marseille pour faire reconnaître la faute inexcusable des entreprises qui les ont employés et leur réclamer une indemnisation pour le préjudice qu’ils ont subi. Parmi eux Roger, 69 ans, qui souffre d’asbestose. Chaudronnier de bord dès 1947, il a travaillé constamment au contact de l’amiante sans l’avoir jamais su. Chaudronnier lui aussi, Henri, cinquante-neuf ans est atteint. On lui a enlevé un poumon. À La Ciotat, les questions échangées et le travail engagé entre Coll. J. Domenichino les médecins et les ouvriers des chantiers fréquentant le centre de santé mutualiste avaient préfiguré les termes du dossier de l’Amiante, tel qu’il se présente aujourd’hui sur le plan national. Comme l’explique un médecin du centre de santé : “Des les années 1970, dans nos cabinets de consultations, les constats d’usure prématurée posaient
La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 9 avec force des questions aux ouvriers eux-mêmes, en même l’intéressé, utilisable par le médecin et sa remise s’accompagne temps qu’aux praticiens : Quel est le risque réel des poussières toujours d’un entretien personnel, dans le souci d’éviter l’écueil d’amiante, à court et à long termes ? Comment éliminer au plus de l’alarmisme et celui de la négligence. vite les surexpositions ? Comment faire la lumière pour les Le Carnet à trois objectifs : accroître et faciliter la surveillance diagnostics de maladie de l’amiante”. Et ce médecin écrit médicale des anciens salariés des chantiers. Comme on le fait encore : “En 1980 on s’inquiétait déjà du nombre prévisible de avec un carnet de santé pour les nourrissons et les enfants, le cas de cancers des poumons avec des risques multipliés par mille carnet amiante permet de retracer avec précision l’évolution de chez les ouvriers des chantiers et un maximum d’incidence dans la pathologie et le résultat des différents examens. Second les années 2000-2005”. Les chantiers fermés, leurs ouvriers objectif, rechercher la précocité du diagnostic. Quelle que soit la licenciés, qu’allait devenir cette somme de connaissances et raison qui conduit le salarié chez le médecin, le professionnel de comment allait être suivies les victimes de l’amiante ? santé pourra intégrer parmi les facteurs de risques, l’amiante. En 1987, au moment des licenciements et à la veille de la Troisième objectif, optimiser les choix thérapeutiques, le carnet fermeture de l’entreprise, les médecins du centre et des permettant, on l’a dit, de tracer l’historique des interventions et salariés créent l’association Centaure pour conserver la des traitements. mémoire des conditions de travail. Si les maladies de l’amiante Aujourd’hui, 2600 carnets ont été distribués par l’intermédiaire sont des maladies des retraités, encore faut-il garder contact des associations de retraités, la mutuelle, les services sociaux avec les licenciés et savoir s’ils ont été exposés. Centaure a municipaux. De nombreux cancers dus à l’amiante ont été donc un double objectif : garder la mémoire de l’exposition au dépistés, traités et peuvent être reconnus comme maladie pro- risque amiante mais aussi aider à la reconnaissance de la fessionnelle. C’est l’espoir de Roger, c’est l’espoir d’Henri. maladie professionnelle. Chaque salarié des chantiers est invité à prendre possession d’un carnet risque amiante qui comporte trois volets : le volet mémoire des données concrètes d’exposition, le volet alerte pour le médecin, le volet Dominique Durand réglementation et droit à réparation. Le carnet est lisible par (Rédacteur en chef de la revue Prévenir) Coll. J. Domenichino
10 La Lettre Electronique de MIP Provence - n°18 février 2006 ACTUALITÉS Parution du n°13 de la revue Industries en Provence Sommaire ARTICLES 7 Une histoire du pétrole dans la région marseillaise, Olivier LAMBERT 2 7 L’hydroélectricité en Provence, Jean-Louis BORDES 3 7 Comment le charbon est-il devenu électricité en Provence ?, Philippe MIOCHE 4 9 Le Centre de Cadarache au coeur de l’énergie, Claude-Alain SARRE PORTFOLIO 6 0 Portrait d’entreprise : la raffinerie de Provence RUBRIQUES 6 7 Un Objet : la machine à vague de Philippe Girard, Xavier DAUMALIN et Olivier RAVEUX 7 0 Une Technique : l’énergie hydraulique au Moyen Âge, Georges COMET 7 4 Patrimoine d’aujourd’hui : la Route des énergies en Commande et abonnement Pays d’Aix, Lionel MICHAUD et Sébastien SAVOURNIN cliquez ici ou sur le site web de MIP Provence 7 7 Actualité de la recherche : « Les Collectivités > www.mip-provence.org locales et l’électricité », Guillaume Bouvier L e territoire régional a su profiter dès l’Antiquité de l’énergie hydraulique pour assurer l’irrigation des cultures et développer des activités proto industrielles, comme le montre Georges Comet dans ce numéro de notre revue. Cependant notre région a dû composer avec un climat méditerranéen caractérisé par la fréquence des années sèches, l’irrégularité des précipitations et des régimes hydrographiques. Pour le développement de l’économie régionale, cette rareté de l’eau a certes été une faiblesse mais elle a aussi favorisé l’innovation par les réponses qui lui furent apportées. Lors de la première industrialisation notamment, l’insuffisance de l’énergie hydraulique a encouragé l’essor de la machine à vapeur ; les travaux récents de Xavier Daumalin et d’Olivier Raveux soulignent le caractère précoce de son usage et sa contribution déterminante dans l’émergence de pôles industriels régionaux. Puis les besoins croissants en énergie amenèrent à poser à nouveau la question de la maîtrise de l’eau et cela pour produire de l’hydroélectricité. À l’issue d’importants aménagements hydrauliques que décrit l’article de Jean-Louis Bordes, la région PACA assure aujourd’hui près du quart de la production française de “houille blanche” et surtout elle produit une énergie précieuse : l’électricité de “pointe” qui permet à tout moment et d’une façon immédiate de répondre à l’augmentation de la demande. En matière d’énergies fossiles, la Provence a également su trouver des ressources capables d’alimenter sa croissance économique. D’abord, le charbon de Gardanne a fourni pendant un temps le combustible nécessaire aux industries régionales ; lorsqu’elle fut de plus en plus concurrencée par d’autres formes d’énergies, la lignite provençale se reconvertit dans la production d’électricité grâce à la centrale thermique - dont Philippe Mioche retrace ici l’histoire et les enjeux – qui fut bâtie au coeur du bassin minier. Puis, au moment de la seconde industrialisation, c’est vers le pétrole que la Provence s’est tournée ; les atouts industrialo-portuaires de l’aire marseillaise ont alors favorisé la naissance d’un complexe d’activités pétrolières qui a permis de renforcer la vocation européenne et internationale de la région PACA. Ainsi l’histoire économique et industrielle régionale est intimement liée à l’énergie. Quant à l’avenir, la Provence est plus que jamais une terre d’énergies ; c’est sur son territoire que se prépare en effet un des « futurs » énergétiques de la planète avec le projet ITER dont l’implantation se fera à Cadarache. Claude-Alain Sarre nous montre dans son article, réalisé en collaboration avec Jean Mégy, toute l’expérience acquise par le Centre d’études du CEA qui place ainsi Provence parmi les leaders mondiaux de la recherche et du développement en matière d’énergie nucléaire.Il faut également évoquer la création dernièrement d’un pôle de compétitivité dédié aux énergies dites “non génératrices de gaz à effet de serre”. Ainsi, dans notre région, l’énergie est bien au c?ur des dynamiques d’hier et d’aujourd’hui.
La Lettre Electronique de MIP Provence 2 INDUSTRIES EN PROVENCE n°18 février 2006 Directeur de la publication Philippe Mioche Rédacteur en chef Olivier Lambert Comité de rédaction Georges Comet Xavier Daumalin Claude-Alain Sarre Maurice Turc Pour toute correspondance MIP Provence c/o Master Europe Université de Provence Espace Yves Mathieu 3, Place Victor Hugo 13331 Marseille cedex 02 www.mip-provence.org Conception REF.2C editions@ref2c.com MIP / REF.2C © 2006
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