La grève des bateliers à Eragny-sur-Oise et à Conflans (août-septembre 1933)

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La grève des bateliers à Eragny-sur-Oise et à Conflans (août-septembre 1933)
2006 bulletin SHARPOV n°72

              La grève des bateliers à Eragny-sur-Oise
                  et à Conflans (août-septembre 1933)

         Des chevaux appartenant à la garde mobile attachés dans la cour de l’école d’Eragny. C’est un
souvenir fort qu’a gardé Jean Thomas, alors enfant, de la grève très dure entreprise par les bateliers de
l’Oise, dont Conflans et Eragny furent avec Chauny et Janville, des pôles majeurs.

         Dans les années 1930, le trafic sur l’Oise était très important. Il n’était pas rare de voir à l’Isle-
Adam ou à Pontoise, des trains de péniches attendre leur tour pour franchir les écluses. Les bassins
houillers du Nord et du Pas-de-Calais fonctionnaient alors à pleine puissance, le charbon étant
l’énergie de base pour les activités industrielles et domestiques (chauffage et cuisine). Le gaz de ville
lui-même provenait de la distillation de la houille opérée tant dans de grosses usines à gaz — Saint-
Denis, La Villette, Clichy-la-Garenne – que dans de plus petites – Pontoise, Andrésy – dont
l’alimentation en charbon, tout comme celle des centrales électriques, se faisait par voie d’eau.
         L’Oise permettait la liaison entre les bassins industriels du nord de la France et de la région
parisienne. Au transport fluvial des combustibles, s’ajoutaient celui des matériaux de construction,
des produits agricoles et métallurgiques. Une étude publiée dans les Annales des Ponts et Chaussées
de 1934 (N° 12) chiffre le nombre des péniches circulant sur l’Oise « tractionnées », c'est-à-dire
remorquées soit par des remorqueurs, soit par des tracteurs électriques, soit encore par des chevaux,
à 10000, et celui des automoteurs à 1700. A titre indicatif, en juillet 1933, le canal de Saint Quentin
avait été parcouru par 3336 bateaux, soit 107 par jour, alors qu’en 2006 seule une trentaine a franchi
chaque jour les écluses de l’Isle-Adam.
         Une grève de la batellerie sur l’Oise avait donc un tel impact économique qu’elle ne pouvait
laisser indifférents les pouvoirs publics.

Guêpes et Bleus une concurrence âpre

         Le mouvement de 1933 n’était pas le premier par son ampleur. Au début de 1897, s’était créée
à Conflans-Sainte-Honorine la première société de remorquage à vapeur. Les Guêpes (remorqueurs de
la Société Générale de Touage et de Remorquage Marillon-Corvol, ou SGTR) tiraient des trains de
péniches à une vitesse bien supérieure à celle des bateaux halés par des chevaux, et causaient aux
mariniers qui ne pouvaient payer le prix élevé de leurs services une concurrence inquiétante. C’est
pourquoi un pénichien, M. Mazy, et quelques autres parmi les plus aisés, avaient crée une société
concurrente, la Société de Remorquage et Batellerie réunis, ou SRBR, dotée d’un petit nombre de
remorqueurs, les Bleus.
         Le Service de la Navigation, s’appuyant sur le droit d’ancienneté, décréta qu’aux écluses, les
Guêpes auraient la priorité sur les Bleus. Des mois durant ce fut la guerre, jusqu’au jour ou, raconte
le Progrès de Seine et Oise du 26 août 1933, le père Mazy se plaça d’autorité à l’entrée de l’écluse de
l’Isle-Adam, devant laquelle il s’était présenté le premier, et, non sans incidents, obtint de se faire
passer avant ses concurrents dans l’autre bief.
         Toutefois, si aucun conflit important n’est signalé dans les archives du Service de la
Navigation sur l’Oise déposées aux Archives Départementales du Val-d’Oise, on trouve trace dans la
série S de nombreuses protestations ou requêtes concernant le non-respect des règles de la navigation
par les bateaux à vapeur, notamment pour leur vitesse. Les lavandières de Pontoise par exemple
considéraient qu’ils étaient dangereux, car ils passaient trop près de leurs bateaux-lavoirs amarrés
quai du Potuis

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La grève des bateliers à Eragny-sur-Oise et à Conflans (août-septembre 1933)
Le trématage et le début de la grève

          Le mouvement prend naissance le 5 août 1933 sur le canal de Saint-Quentin, près de Chauny.
Les pénichiens décident de s’arrêter pour protester contre l’éclusage, avant son tour, d’un automoteur,
et le 6, ils écrivent au préfet de l’Aisne : »par suite de privilèges dont jouissent certaines catégories de
bateaux, un mécontentement général s’est produit parmi l’ensemble des bateliers en stationnement à
Chauny ». le représentant du préfet vient sur place et leur demande de reprendre le travail, mais
devant leur refus, le préfet décide d’établir des postes de gendarmerie le long du canal afin d’assurer la
liberté de circulation.
          Les privilèges dénoncés par les bateliers découlaient de l’application du décret du 6 février
1932 permettant le trématage, droit pour les automoteurs de passer les premiers aux écluses, et que
le ministre des Travaux Publics estimait nécessaire pour assurer le transport des marchandises
périssables. Ce « service accéléré » ne pouvait être accordé que sur présentation « de renseignements
utiles pour justifier le régime privilégié », mais au dires des mariniers, certains en abusaient, avec la
complicité d’éclusiers, et leur réaction violente laisse à penser que les autorisations n’avaient pas le
caractère exceptionnel visé par le décret… A cette disposition s’ajoutait, pour les automoteurs, la
possibilité de circuler la nuit.
          L’incident de Chauny survient dans un moment où un profond mécontentement existe chez
les mariniers ‘remorqués » estimant que le prix moyen du fret, qui avait légèrement baissé entre 1929
et 1933, était insuffisant. Il était plus rémunérateur pour les automoteurs : plus de 40% de péniches
remorquées ou tractionnées transportant du charbon dans la région parisienne remontaient à vide
vers le nord, alors que seulement 25% des automoteurs étaient dans cette situation, les autres ayant
du fret pour le retour. A ce mécontentement général s’ajoutait un problème particulier au canal de
Saint Quentin, dans lequel la saison des basses eaux conduisait les bateliers à faire des manœuvres
difficiles et délicates pour éviter d’endommager leurs péniches.
          Le 9 août une délégation de mariniers de Chauny est reçue au ministère des Travaux Publics,
et le représentant du ministre décide de suspendre provisoirement le manœuvres sur les écluses entre

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9 h du soir et 5 h du matin. Le 15, le comité de grève de Chauny se réunit et exige, pour reprendre le
travail, un accord non plus provisoire, mais définitif.
         Le 16 le ministre confirme la décision de son représentant, toujours à titre provisoire, et
s’engage à faire étudier le trématage afin d’éviter les abus des automoteurs. Les mariniers se
réunissent à Cambrai, Janville, Conflans-Sainte-Honorine, Pontoise… pour définir leurs
revendications et le mouvement prend une grande ampleur. Les revendications retenues en conclusion
de ces assemblées sont essentiellement :
    -   La suppression du trématage pour les automoteurs ;
    -   Le droit pour les péniches tractionnées de s’arrêter « en bief » (c'est-à-dire entre deux écluses)
        à la tombée de la nuit ;
    -   L’application du décret du 28 novembre 1919 règlementant la durée du travail dans la
        batellerie ;
    -   La fermeture des écluses de 19 h à 6 h l’été et du coucher du soleil au lever en hiver ;

                          Le temps de travail dans la batellerie

        L’article 3 du décret du 28 novembre 1919, pris pour définir les conditions d’application de la
loi du 23 avril 1919 sur la journée de 8 heures précisait :
        « Les heures de présence seront réparties de telle façon :
    1- Que toutes les catégories de personnel jouissent d’un repos annuel de 24 jours accordé en une
        ou plusieurs fois ;
    2- Que la durée totale normale de présence pendant les autres jours atteigne en moyenne :
          a. 9 heures par jour pendant les mois de novembre, décembre et janvier
          b. 10 heures pendant les mois de février, mars, avril, août, septembre et octobre ;
          c. 11 heures pendant les mois de mai, juin et juillet ».
        Le temps de présence était celui pendant lequel l’employé rendu à son poste de travail était à
        la disposition de l’employeur.

A ces revendications fondamentales s’en ajoutent parfois de plus particulières, telle que l’autorisation
pour les mariniers de circuler à bicyclette sur les chemins de halage. Ils soulignent que les privilèges
accordés aux automoteurs, les gagnant de vitesse et circulant la nuit, sont cause de retards à
l’éclusage de leurs péniches et aussi de l’insomnie des bateliers que le passage de lourds chalands aux
hélices trépidantes tiennent éveillés. D’autres encore indiquent que, malgré la surveillance, beaucoup
de péniches amarrées la nuit subissent des avaries à la suite du passage des automoteurs et que les
dégâts, dont quelques-uns accusent les automoteurs belges, ne sont jamais remboursés.

Le durcissement

        Le numéro du journal La Vie Ouvrière daté du 18 août 1933 relate que le comité central de
grève a su « lier dans l’action les différentes catégories de travailleurs de la marine fluviale entre
lesquels l’administration des Ponts et Chaussées avait su créer des fossés profonds ».

         Le samedi 19 août, en effet, on ne compte pas moins d’environ 4000 péniches immobilisées
par la grève, et 20 barrages de péniches bloquent la circulation sur l’Oise entre l’écluse de Pontoise et
Conflans-Fin-d’Oise. A 15 heures, près de l’écluse de Pontoise, se tient en plein air un meeting avec la
participation de dirigeants nationaux de la CGTU, confédération regroupant la tendance
« révolutionnaire » qui avait quitté la CGT en 1920, et dont l’unité se refit en 1935. Le mot d’ordre final
était « Pas un bateau ne doit circuler, ni être dérangé »

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La grève des bateliers à Eragny-sur-Oise et à Conflans (août-septembre 1933)
La réunion est surveillée, à
                                                               distance par les gardes mobiles – garde
                                                               républicaine mobile crée en 1926, appelée
                                                               aujourd’hui gendarmerie mobile - qui
                                                               viennent d’arriver à Eragny.

                                                                        Le détachement comprend des
                                                               pelotons de gardes à cheval et de gardes à
                                                               pied. Pour les loger l’école de garçons a été
                                                               réquisitionnée, ainsi que la salle de bal du
                                                               café Quignon et quelques granges.

                                                                        Une péniche Le Hire, chargée de
                                                               260 tonnes de blé en vrac menace de
                                                               prendre feu par suite de l’échauffement du
                                                               grain. L’Echo Pontoisien du jeudi 24 signale
                                                               que les grévistes refusent tout arrangement
                                                               pour la décharger. Mais le lendemain, à 4
                                                               heures du matin, le déchargement
                                                               commence, on ignore par qui, vers des
                                                               camions, sous la protection des gardes
                                                               mobiles. Lorsque les grévistes s’en
                                                               aperçoivent, ils obtiennent que le reste du
                                                               chargement soit transporté sur une
                                                               péniche en fer.

                                                                    Le dimanche 20 août après-midi,
                                                            une réunion se tient à Conflans. Les
                                                            participants approuvent le cahier de
                                                            revendications arrêté la veille à Pontoise et
                                                            ajoutent à leur résolution : « Les bateliers
                                                            ont décidé de ne se livrer à aucun
                                                            sabotage, d’assurer la sécurité des bateaux
et de leur chargement, mais s’opposeront par tous les moyens à la rupture des 20 barrages établis
entre Pontoise et Conflans-Fin-d-Oise et poursuivront toutes mesures pour en créer d’autres. Dans le
cas où on chercherait à rompre les barrages déjà établis, les mariniers ancreraient leurs péniches,
chose qu’ils n’ont pas faite jusqu’à présent ».

        Le lundi 21 août, un nouveau barrage est établi sur la Seine à Conflans.

        Entre temps les gardes mobiles ont reçu des renforts portant leur effectif à 200, et un
détachement de la marine nationale en provenance de Brest et de Cherbourg est arrivé à Conflans,
accompagné de deux remorqueurs équipés de lances à incendie. Il est aussi fait appel au régiment de
sapeurs pompiers de Paris qui dépêche deux autopompes de grande puissance, tandis qu’un avion de
reconnaissance du 34e régiment d’aviation du Bourget est envoyé à Eragny pour photographier la
position exacte des barrages. Le ministre des Travaux Publics Paganon, de son coté, multiplie des
déclarations provocatrices en indiquant devant les journalistes « qu’il est décidé à opérer, s’il le fallait,
2000 arrestations ».

        Malgré les sommations de la Marine nationale, les grévistes maintiennent le barrage établi sur
la Seine.

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Le barrage est arrosé de vapeur et d’eau glacée par la Marine nationale. Il est procédé à de
nombreuses arrestations, dont quatre sont maintenues. Les quatre manifestants sont immédiatement
déférés devant le tribunal correctionnel de Versailles, qui les condamne à deux mois de prison ferme et
à 16 francs d’amende.

        Mais L’Echo Pontoisien du 31 août précise que les barrages d’Eragny ont été renforcés et que
neuf rangs de péniches, l’une derrière l’autre, sont maintenant constitués : « Sur cinq cents mètres de
profondeur, les bateaux barraient la rivière ».

         Le jeudi 24 août le préfet de Seine et Oise Bonnefoy-Siboure vient à Eragny pour appréhender
la situation. A 17 heures il tient une réunion à Conflans, avec les commandants de gendarmerie et des
forces maritimes. L’effectif des forces déployées est maintenant de 850 hommes, dont 8 pelotons de
gardes mobiles à cheval et 4 à pied.

         Le vendredi à 2h30 du matin, il demande aux grévistes de lui envoyer une délégation. Devant
leur refus, il donne l’ordre d’attaquer le barrage de Fin-d’Oise. Une à une les péniches sont
remorquées à Herblay sans incidents majeurs. Puis il se rend de nouveau à Eragny, où il arrive à 19
heures. A 20 heures, il demande aux grévistes de lever le barrage et les prévient que s’ils refusent, il
utilisera la force. Les mariniers refusent.

        En fin d’après-midi, le bruit court dans le village que la garde mobile va entrer en action pour
disloquer les barrages. Dans la soirée la population se rend sur les bords de l’Oise, les uns - sans
doute les plus nombreux – par curiosité, les autres pour manifester leur solidarité aux grévistes et
pour désapprouver l’utilisation de la force comme réponse aux revendications des bateliers. Une partie
du chemin de halage leur est interdite par la garde mobile. Rien ne se passe et, vers 11 heures du soir
chacun rentre chez soi.

        Le samedi, à 5 heures du matin, le préfet réunit son état-major et décide de passer à l’attaque.
L’opération commence à 6 heures. A midi l’Oise est débloquée sans incidents. Un service d’ordre,
assuré par les gendarmes de Pontoise, est resté sur place entre Cergy et Pontoise.

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Après la dislocation des barrages, M. Wattier, directeur de la Navigation fluviale au ministère
des Travaux publics, vient le dimanche à Eragny s’entretenir avec les mariniers et les marinières. Ces
derniers lui indiquent que les hélices des automoteurs engendrent des vagues dangereuses pour le
sommeil de la famille, surtout des enfants, mais aussi pour les chargements de denrées périssables.
M. Wattier leur aurait déclaré : « Ceci me parait assez logique et il faudra étudier une règlementation
qui puisse donner aux pénichiens les apaisements désirables pour leurs familles et le repos de leurs
enfants ». En réponse les automoteurs menacent de ne pas reprendre le travail le lendemain lundi.

        La presse souligne, dans son numéro du 28 août, que la centrale électrique de Vitry-sur Seine
n’a plus que deux jours de combustible.

         Les mariniers tractés estiment que le communiqué du ministère des Travaux publics n’est pas
suffisamment clair sur la limitation des heures de travail journalier. La principale revendication de la
grève était, en effet, la limitation du temps de travail et la suppression du travail de nuit. Quand on
saura que les bateliers étaient astreints à des journées de 18 heures et qu’ils ne pouvaient se reposer
la nuit par suite du danger couru par leurs péniches à cause du passage continuel des automoteurs
du service accéléré, on comprendra toute la légitimité et la popularité d’un tel mot d’ordre.

        Le dimanche 27 août, 250 mariniers se réunissent au Café du XXe siècle, à Eragny, et décident
d’envoyer une délégation au Ministère, à Paris. Ils attendent le retour de leurs délégués lorsqu’arrive
M. Lucas, sous préfet à Pontoise, lequel leur fait connaître qu’à la suite d’un accord intervenu entre les
ministres des Travaux publics, de l’Intérieur et de la Justice, les quatre mariniers arrêtés à Conflans-
Sainte-Honorine seront bientôt remis en liberté conditionnelle. Il rend hommage à la modération dont
les mariniers ont fait preuve au cours des trois semaines de grève, et d’après L’Echo Pontoisien, il est
applaudi.

         A peine M. Lucas parti, arrivent en taxi les délégués de Paris, qui donnent lecture du
communiqué du ministre des Travaux publics. Ils ont exigé et obtenu une déclaration écrite. Jusqu’à
cette rencontre, il n’y avait que des promesses verbales dont s’étaient satisfaits les délégués de la CGT.
Des réactions diverses accueillent les propos des délégués de la CGTU et il est décidé de reprendre le
travail le lendemain 28 août.

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Le communiqué du ministère des Travaux publics prévoit :

    -   L’interdiction des fausses bassinées en temps de sècheresse, en raison des abus du trématage.
        On appelait bassinée le volume d’eau compris entre les portes amont et aval de l’écluse, dans
        le sas. Lorsqu’aucune péniche ne se trouvait dans ce sas, qu’il était vidé pour permettre à un
        bateau situé dans le bief aval de pénétrer dans l’écluse et qu’on la remplissait à nouveau pour
        qu’il franchisse l’écluse, on parlait d’une « fausse bassinée ». leur multiplication, réservée aux
        automoteurs alors que les autres devaient attendre, avait en période sèche une incidence
        réelle sur le niveau de l’eau dans les biefs amont des canaux du Nord. Les mariniers
        demandaient donc une gestion plus rationnelle et plus économique de celle-ci ;
    -   La faculté d’arrêt en plein bief à condition de ne pas gêner la circulation ;
    -   La règlementation plus stricte du trématage et des services accélérés ;
    -   La mise en place de commissions en vue de l’application de la journée de 8 heures. Il est
        également précisé que, la nuit, « la vitesse des automoteurs sera ramenée à 66% de la valeur
        de la vitesse autorisée pendant le jour », et que « les mesures provisoires limitant la durée
        journalière de la navigation sont maintenues ». La délégation n’a pu obtenir la fermeture des
        écluses de 19 heures à 6 heures du matin, ni l’admission de six délégués du syndicat unitaire
        de la batellerie (SBU) à la commission de régulation des frets.

    Quelques incidents, qui ont pour origine le non-respect des engagements pris par le ministre des
Travaux publics, ont encore lieu dans le courant de la deuxième quinzaine de septembre, notamment
à Conflans-Sainte-Honorine et dans le nord, à Javille. La situation ne redevient normale qu’en octobre.

Conclusion

         A la lecture des documents que nous avons consultés, il apparait que cette grève était motivée
par des revendications économiques pour les uns , sociales pour les autres. Les artisans propriétaires
des péniches « tractionnées » craignaient la concurrence des automoteurs qu’ils considéraient déloyale,
et les travailleurs de ces péniches soutenaient leurs revendications car elles avaient des conséquences
négatives sur leurs conditions de travail. Le respect de la législation sur la durée journalière de travail
était donc une revendication commune aux travailleurs des péniches tractionnées et des automoteurs.

         La Vie Ouvrière, organe des dirigeants nationaux de la CGTU, titrait le 25 août : « Aujourd’hui,
toute la corporation lutte pour la réduction de la journée de travail et la suppression de la navigation
de nuit ». Quant au journaliste du Progrès de Seine et Oise, en conclusion de son compte rendu de la
réunion du 19 août à Pontoise, il écrivait : « Il fut autant question de revendications sociales que de
trématage, de fret ou de surestaries (sommes dues à l’armateur par les affréteurs ou les destinataires,
en cas de retard dans le chargement et déchargement, pour indemniser l’armateur du préjudice qui lui
est causé par ledit retard) ».

         Il faudra encore attendre le mouvement social de 1936, auquel participa activement la
Batellerie, pour obtenir une revendication chère aux mariniers indépendants : la loi du 30 juin 1936
qui plaçait tous les bureaux d’affrètement crées ou à créer sous l’autorité de l’Office national de la
Navigation (ONN) et l’affrètement à tour de rôle obligatoire. Ainsi s’organisa la bourse d’affrètement de
Conflans-Sainte-Honorine, qui fonctionna jusqu’en l’an 2000.

                                                                                        Jean Thomas

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