La peste porcine MALADIE - Controverse : loups ou hybrides ? - Chasse et nature
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Revue mensuelle | www.chassenature.ch | N° 1 janvier 2018 MALADIE LE LOUP GYPAÈTE La peste porcine Controverse : Le barbu menace… loups ou hybrides ? se porte bien
La photo insolite Même pas peur… I mpressionnante cette photo où l’on voit Odile Cur- un loup: «L’aiglier avait mis son aigle à proximité, juste chod, photographe animalière qui part parfois fort derrière moi pour la photo et celui-ci a battu des ailes loin pour ramener des reportages insolites. Plus inso- en piaillant… aussi j’ai eu un mouvement de recul, il a lite encore, son grand éclat de rire, sachant que ces aigles éclaté de rire et j’ai suivi…» sont de redoutables chasseurs. Ils s’attaquent surtout au N.B. Nous avons publié en octobre son reportage petit gibier, lièvres, renards ou jeunes loups pour leur sur les aigliers kazakhs, dont le texte avait été attri- fourrure. Mais à plusieurs, ils chassent des animaux bien bué à tort au rédacteur de la revue. En fait, celui-ci plus imposants, tels le bouquetin et même le loup adulte. s’était borné à poser les questions, c’est bien Odile Explication d’Odile quand on lui demande si elle n’a qui avait fourni les réponses et toutes les explica- pas eu peur d’être si près d’un rapace capable de tuer tions. Dont acte. Envoyez vous aussi vos photos bizarres Appel aux photographes ! ou insolites à : jean.bonnard@netplus.ch. Toute photo proposée par un non-abonné Si leur qualité est suffisante pour l’impression, lui vaudra six mois d’abonnement gratuit elles seront publiées ici avec vos explications. en cas de publication…
no 1 janvier 2018 | CHASSE ET NATURE | 3 ÉDITO Entre chien et loup… et peste porcine africaine | Jean Bonnard, rédacteur de Diana Chasse et Nature E n France, les éleveurs ont franchi un nouveau pas dans leur opposition au retour du loup en diffu- sant une vidéo choc pour dénoncer les dégâts du prédateur sur les troupeaux : 10 200 victimes reconnues en 2016 et 11 000 de plus à la fin novembre 2017 ! Parallèlement à la sortie de cette vidéo (les images d’animaux déchirés sont difficilement supportables), les éleveurs ont invité la presse à Grenoble pour révéler les résultats d’analyses ADN effectuées en Allemagne par un laboratoire mandaté et payé par les éleveurs. Des résultats qui sont en contradiction flagrante avec ceux annoncés par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS (reportage en page 10). Les divergences portent sur le nombre de loups esti- més, sur leur origine et sur le fait que de nombreux loups seraient des hybrides (vingt hybrides sur vingt prélèvements d’ADN analysés !). Enfin, la question de la provenance des «loups», objet des analyses, pour- Une épidémie entraînerait de lourdes conséquences rait être une bombe : «Comment ces loups qui ont une économiques pour les pays touchés. L’Office fédéral origine génétique venue des pays de l’Est ont-ils pu se de l’environnement, l’Office de la sécurité alimentaire retrouver en France sans une intervention humaine ?» et des affaires vétérinaires et le Centre pour la méde- L’ONCFS «demeure extrêmement confiant dans les cine des animaux sauvages de l’Université de Berne ont résultats» de son laboratoire et qualifie ces résultats rédigé un article à l’intention des chasseurs, exposant allemands de «très étonnants» ; il promet d’organiser les précautions à prendre et les invitant à annoncer la une rencontre entre les deux laboratoires Antagène découverte de sangliers morts (article en page 6). (France) et ForGen (Allemangne) pour «mieux com- prendre les divergences». Première conséquence : mi-décembre, tous les syn- N.B. Amis lecteurs et chasseurs : en 2018, vous dicats agricoles ont boycotté la rencontre ministérielle aurez un nouveau rédacteur responsable de Diana de Nicolas Hulot organisée à la sortie du document qui Chasse et Nature. Après trois ans passés à ce poste devrait guider les actions de terrain en rapport avec le passionnant, je souhaite retourner dans la nature et loup pour les six prochaines années. chasser. Je remercie le comité de Diana Romande et La PPA, autre sujet chaud : la question n’est plus de son président Charles-Louis Rochat pour la confiance savoir si, mais quand la peste porcine africaine débar- témoignée et la liberté totale accordée aux contribu- quera en Europe de l’Ouest. La maladie très conta- teurs de votre revue. Mes remerciements vont aussi gieuse – qui ne se transmet pas à l’homme – touche les aux collaborateurs réguliers et correspondants can- sangliers et les porcs qui en meurent en quelques jours. tonaux, et tous mes vœux à mon successeur.
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5 SOMMAIRE Revue mensuelle fondée en 1883 6 Maladie Après la tuber- Organe officiel de la Société suisse des chasseurs «La Diana» www.chassenature.ch culose bovine, ÉDITEUR Diana Romande la peste porcine Les Crettets 21 Texte collectif et photos Friedrich-Loeffler-Institut 1342 Les Charbonnières ÉDITEUR DÉLÉGUÉ Passion chasse AdVantage SA Editions & Régie publicitaire Avenue d’Ouchy 18, 1006 Lausanne Le loup est-il RÉDACTION un loup ? 10 Direction-Rédaction Jean Bonnard Texte de Chasie et photos de Jean Bonnard Rue de Condémines 39, 1950 Sion Tél. 079 252 92 09 jean.bonnard@netplus.ch ABONNEMENTS AdVantage SA 14 Le coin du pêcheur Avenue d’Ouchy 18, 1006 Lausanne Tél. 021 800 44 37 L’homme et les poissons abo.chassenature@advantagesa.ch PUBLICITÉ Marianne Bechtel Texte et photos de Michel Bréganti Tél. 079 379 82 71 mac@bab-consulting.com AdVantage SA Tél. 021 800 44 37 regie@advantagesa.ch Nature Délai de réservation: le 1er du mois pour parution dans l’édition du mois suivant Balade hivernale… MISE EN PAGES à peau de phoque l’atelier prémédia Sàrl Chemin de la Fin du Clos 39 1616 Attalens 17 Texte et photos de Georges Laurent IMPRESSION 28 Imprimerie Saint-Paul Réflexion L’automne, Boulevard de Pérolles 38 1700 Fribourg la chasse Tirage: 4000 exemplaires N° 1 JANVIER 2018 et les médias… Photo de couverture: Texte et photos d’Alain Rossier Roland Clerc Les articles publiés dans Diana Recette de chasse Médaillons Chasse et Nature n’engagent que leurs auteurs. Les documents envoyés ne sont pas restitués, sauf accord préalable avec la rédaction. Tous droits de reproduction (articles de chevreuil sauce poivrade 42 et illustrations) réservés pour tous pays. La reproduction de tout ou partie de textes et d’illustrations doit De Virginie Lénart faire l’objet d’un accord préalable avec la rédaction. 27 2 La photo insolite par Odile Curchod | 21 Poster : Le retour du gypaète par Jean Bonnard 24 Portfolio par Henry Ausloos | 25 Trophées : Cerf, les formes de trophées par Daniel Girod 31 Les infos | 43 Jeu Scannez ce code avec votre smartphone et consultez notre site Internet
6 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 MALADIE Après la tuberculose bovine, la peste porcine | Texte Marie-Pierre Ryser-Degiorgis , Dominique Suter, Cordia Wunderwald, Thomas Gerner | Photos Friedrich-Loeffler-Institut LA PESTE PORCINE AFRICAINE (PPA), MALADIE TRÈS CONTAGIEUSE D’ORIGINE VIRALE, TOUCHE LES ESPÈCES PORCINES (SANGLIERS ET PORCS). LE RISQUE D’UNE INTRODUCTION EN EUROPE OCCIDEN- TALE EST TRÈS ÉLEVÉ. LA QUESTION N’EST PAS DE SAVOIR SI LA PPA VA ARRIVER, MAIS PLUTÔT QUAND ET OÙ LE NOUVEAU FOYER APPARAÎTRA ! E n Europe, la PPA n’affecte que Les sangliers infectés par le virus de la PPA sont caractérisés par un manque de réactions. les cochons domestiques et les sangliers, mais en Afrique les phacochères et les potamochères y sont aussi sensibles. Il n’y a pas de risque de transmission à l’homme. Cependant, une épidémie de PPA implique de lourdes conséquences économiques pour le pays touché. Une maladie d’origine africaine La maladie a été décrite pour la première fois au début du 20e siècle en Afrique, où elle est encore lar- gement répandue. La PPA a été décrite en Europe pour la première fois dans les années 1950. Elle s’est étendue du Portugal à l’Espagne, la France, Malte, la Belgique et les Pays-Bas ; il y a même eu des foyers sur le continent américain. La mala- die a alors pu être éradiquée de tous les pays américains et européens, en Arménie, Russie, Ukraine et au le plus proche ; cent autres cas ont mis à part la Sardaigne, où elle est Bélarus. En 2014, elle a atteint la été recensés jusqu’au mois d’octo- présente encore aujourd’hui. Lituanie, la Pologne, la Lettonie et bre. L’origine de l’infection n’a pas l’Estonie. En juin 2017, elle a été été complètement élucidée, mais Epidémie actuelle mise en évidence pour la première selon les autorités tchèques, le virus en Europe de l’Est fois en République tchèque chez des aurait pu être introduit par des ou- La PPA a été introduite en Géorgie sangliers morts, à une distance d’en- vriers ukrainiens de la blanchisserie en 2007. Elle s’est ensuite étendue viron 400 km du front de l’épidémie de l’hôpital local par l’intermédiaire
7 d’un jambon cru. Des foyers de PPA chez des porcs do- mestiques ont été détectés dans deux petites fermes d’arrière-cour en Roumanie en juillet 2017, mais ils ont pu apparemment être combattus avec succès. Il faut s’attendre à ce que la PPA continue à se propager vers l’ouest : le risque d’une introduction vers l’Europe oc- cidentale est considéré comme très élevé. La question n’est donc pas de savoir si la PPA va arriver dans nos régions, mais plutôt quand et où le nouveau foyer va apparaître. Des porcs et des sangliers, qui infecte qui ? Après les premiers cas mis en évidence chez des porcs domestiques en Géorgie, la PPA est aussi appa- rue chez le sanglier. Le scénario typique semble être le mouvement légal ou illicite de porcs malades ou de leurs produits, ou d’objets contaminés par l’homme, suivi de l’apparition de nouveaux foyers dans des éle- vages de porcs ; puis suivent les premiers cas chez des sangliers dans la même région, qui transmettent à leur tour le virus à des porcs domestiques et contaminent l’environnement avec des excrétions contenant le Nouveauté: virus. Suivent alors de nouveaux cas chez le sanglier et Caméra thermique Pulsar HELION XP/XQF la situation ne peut plus être contrôlée… Dans des conditions naturelles, la maladie est moins • Plage de détection jusqu’à 1800 m contagieuse qu’on s’y attendait, et elle s’étend plus len- • StreamVision (connexion des smartphones/tablettes iOS et tement qu’on le craignait au départ, plus lentement, Android) mais sûrement : même dans les régions où on avait • Batterie rechargeable B-pack l’espoir que le virus ne se maintiendrait pas au sein • Entièrement étanche (IPX7) des populations de sangliers, on a dû changer d’avis. 77405 Helion XP50 (2.5-20x) On ignore encore si les hautes densités de sangliers Particulièrement idéal sous les conditions de temps difficiles et certaines pratiques de gestion du sanglier, comme • Haute résolution 640x480 Pixel, 17 µm, 50 Hz par exemple le nourrissage, jouent un rôle important. • Objectif interchangeable CHF 4‘700.00 Cependant on peut soupçonner qu’en présence d’un nombre élevé d’animaux et de points d’agrégation, les 77395 Helion XQ50F (4-16x) contacts entre animaux sont plus fréquents, impliquant Pour l‘application exigeante donc un risque plus élevé de transmission du virus de • Résolution 384x288 Pixel, 17 µm, 50 Hz CHF 3‘100.00 la PPA. 77338 Quantum Lite XQ30V (2.5-10x) Pleine performance au prix accesible Un virus très résistant ! • Résolution 384x288 Pixel, 17 µm, 50 Hz CHF 1‘700.00 La PPA est causée par un virus. Il peut survivre des mois dans le sang, les excréments ou les produits car- www.pulsar-thermal.ch Halle 3.0 nés – qu’ils soient congelés, réfrigérés ou conservés à Stand A09 température ambiante. En revanche le virus est inacti- Disponible auprès des BEA-BERNEXPO, vé par la cuisson (au moins à 60° pendant 20 minutes) magasins spécialisés! Berne et détruit par les désinfectants. Parmi les désinfectants efficaces, on compte ceux à base de o-phenylphenol appliqués pendant 30-60 min, le formol à 1% pendant 6 jours, la soude caustique, l’acide peracétique (0.15%, une heure de temps d’action) et les désinfectants OptiLink SA, rue de la poste 10, 2504 Bienne Fon 032 323 56 66, info@optilink.ch, www.optilink.ch
8 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 disponibles dans le commerce avec un spectre d’action incluant les vi- rus enveloppés, en particulier ceux à base de surfactants. La transmission a lieu par contact avec des animaux infectés, leurs produits ou leurs excrétions, y com- pris l’ingestion de viande infectée. Comme cela est mentionné plus haut, l’homme joue un rôle central dans la propagation de la PPA en transportant le virus sur de longues distances par l’intermédiaire d’ob- jets contaminés (par exemple des bottes), de véhicules, de produits carnés, et par le déplacement d’ani- maux. En Afrique, certaines espèces de tiques jouent un rôle important comme vecteurs du virus de la PPA, Reins présentant de nombreux saignements ponctuels. mais il semble qu’en Europe de l’Est les tiques ne jouent aucun rôle. Surface de coupe d’un poumon Maladie rapide et fatale révélant une mousse abondante. avec lésions hémorragiques L’évolution de la maladie est géné- ralement rapide et mortelle, que cela soit chez le sanglier ou le porc – en général moins de dix jours s’écoulent entre l’infection et la mort. La maladie est caractérisée par un manque d’ap- pétit et de réactions, de la fièvre et des saignements cutanés (reconnais- sables chez les porcs à peau claire). Les animaux atteints peuvent aussi présenter des troubles respiratoires et de la diarrhée. Ils développent des hémorragies dans les organes in- ternes, comme par exemple les reins qui présentent alors de nombreux petits saignements ponctuels, et la vessie. Les ganglions lymphatiques dans la région de l’estomac et du foie aucun vaccin disponible. Par con- Annoncer les sangliers trouvés sont typiquement rouge foncé et en- séquent, les seules possibilités de morts flés. De la mousse blanche peut être limiter la progression de la maladie Les expériences faites dans les présente dans les poumons et la tra- incluent la prévention de l’introduc- régions où la PPA est présente chée. tion du virus et la détection pré- montrent que l’échantillonnage et coce des cas, ainsi qu’une gestion l’examen de sangliers sains tués à la Possibilités de contrôle des sangliers proche des conditions chasse ou heurtés par un véhicule Il n’existe aucune option de naturelles et une biosécurité élevée ne sont pas très utiles pour la détec- contrôle et il n’y a actuellement dans les élevages porcins. tion précoce, car la grande majorité
9 de ces animaux ne sont pas infec- Tronçon d’intestin avec de nombreux saignements (stries rouges). tés. En revanche les sangliers trou- vés morts représentent un matériel d’analyse idéal : dans les régions af- fectées, jusqu’à 50% des carcasses sont infectées par le virus de la PPA ! Il faut songer à la PPA comme origine potentielle de la mort, en particulier lors de la découverte de plusieurs carcasses de sangliers dans la même zone. Dans la situation inquiétante actuelle en Europe, il est donc es- sentiel d’annoncer et d’analyser sys- tématiquement les sangliers trouvés morts (non accidentés). Ceux-ci doivent être immédiatement signa- lés à une institution compétente (Service vétérinaire, Service de la chasse, Centre pour la médecine des poissons et des animaux sau- vages FIWI) et mis à disposition pour une analyse. Les échantillons adéquats pour la recherche du virus trouvés morts au laboratoire sélec- l’échelle nationale, en collaboration de la PPA incluent le sang ainsi que tionné sans les ouvrir au préalable avec l’Office fédéral de l’environne- différents organes internes comme et après les avoir bien emballés. A ment (OFE) et le FIWI. Il est prévu la rate, les reins, les ganglions lym- l’heure actuelle, l’Office fédéral de de lancer un programme de surveil- phatiques, les poumons et le foie la sécurité alimentaire et des af- lance du virus de la PPA chez les (de préférence ceux présentant des faires vétérinaires (OSAV) prépare sangliers trouvés morts ou abattus lésions). Il est cependant vivement une stratégie pour la surveillance pour des raisons sanitaires. conseillé d’acheminer les sangliers et la détection précoce de la PPA à Précautions en cas de situation à risque pour la PPA - Manipuler les sangliers morts avec des gants et les annoncer immédiatement à une institution compétente (Service vétérinaire, Service de la chasse, Centre pour la médecine des poissons et des animaux sauvages). - Se laver les mains après tout contact avec un sanglier mort ; nettoyer / désinfecter l’équipement (y compris couteau, bottes et containers) et les habits ; éviter les contacts avec des porcs domestiques. - Lors de tourisme de chasse en Europe de l’Est, garder en tête qu’en l’absence de grandes précautions, l’invi- sible virus pourrait être introduit en Suisse (équipement de chasse, véhicule, nourriture, trophées de chasse). - Ne pas nourrir les sangliers et les porcs avec des déchets de cuisine ; éviter en général tout contact entre porcs et sangliers. - Ne pas laisser des restes de nourriture dans la nature ; ne pas « lancer au renard » même les plus petits mor- ceaux de produits carnés (éliminer tous les restes de façon inaccessible pour les sangliers).
10 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 PASSION CHASSE Le loup est-il un loup ? | Texte Chasie | Photos Jean Bonnard CETTE QUESTION, UN COLLECTIF D’ÉLEVEURS FRANÇAIS SE L’EST POSÉE. ILS ONT ENGAGÉ, À LEUR PROPRE COMPTE, DES ANALYSES GÉNÉTIQUES. MAIS POURQUOI ? ONT-ILS TROUVÉ LA RÉPONSE ? Il n’a plus peur de l’homme… Photo Henry Ausloos L e 22 novembre 2017, une con- Pourquoi une telle démarche ? nent s’ajouter à la liste des proies férence de presse s’est dérou- Il faut d’abord relever qu’en attribuées aux loups. Le nombre lée à la Chambre d’agriculture France, en 2016, près de 10 000 bre- d’attaques évolue de manière inat- de l’Isère à Grenoble dans le but bis ont été reconnues officiellement tendue puisque les dégâts sur les de divulguer les résultats des dé- et indemnisées comme ayant été troupeaux protégés ont largement marches avancées qu’ont réalisées victimes des grands prédateurs. En dépassé ceux causés en zone non de leur propre initiative un collectif 2015, ce sont également près de protégée. Les éleveurs éprouvent d’éleveurs du Plateau du Larzac. 500 caprins et 150 bovins qui vien- un ressenti de mensonges ou de
11 prédation. Elle permet également d’identifier l’origine de l’individu et détermine notamment s’il s’agit d’un loup, d’un hybride ou d’un autre car- nivore. Le dénombrement des popu- lations et leurs similitudes dans le monde rend possible l’établissement des origines. Procédure et déroulement des analyses Les prélèvements ont été effec- tués sur les victimes animales de la prédation, sur les crottes et les poils laissés par les prédateurs ou encore sur des ossements. Ils ont été réali- sés par des personnes formées sur la méthode, notamment sur le ma- tériel, les précautions, les consignes et les fiches de renseignements. Les échantillons prélevés ont été remis à un laboratoire indépendant rem- plissant les critères de capacité à réaliser des analyses génétiques sur les loups, en possession de bases de données sur les canidés et bé- L’animateur de la journée : Bruno Lecomte, chevrier et réalisateur de vidéos sur les loups. néficiant des accréditations et des certifications. Le choix s’est porté sur l’entreprise allemande ForGen dissimulations depuis le «retour» n’a plus peur des hommes. L’Office qui pratique la génétique médico- des loups en France. Ils ont l’im- national de la chasse et de la faune légale à Hambourg. Ce laboratoire pression que l’estimation officielle sauvage (ONCFS) n’a jamais donné est certifié par le service allemand du nombre de loups est en déca- suite à la demande des éleveurs qui d’accréditation selon la norme ISO lage total avec la réalité basée sur la souhaitaient avoir le retour des ré- 17025. Il réalise des tests de filiation quantité d’animaux d’élevage tués sultats des analyses. Il a par ailleurs et des analyses génétiques même ou blessés et sur la présence vi- toujours refusé de procéder à des avec des traces minimales. Il pro- suelle des loups. Les constatations prélèvements sur les victimes mais cède à de telles recherches sur des du stress des chiens de protection s’est limité à analyser uniquement animaux pour l’identification des qui n’ont pratiquement aucun re- des échantillons sous la forme de espèces ainsi que pour l’examen de pos, qui sont aussi tués ou blessés crottes ou de poils de loups dans un bâtardises des chiens. Il est expert par les loups ou en fuyant les pré- but de suivi de la population-loups reconnu auprès des tribunaux et les dateurs, interpellent. L’évolution du et de son expansion. Ces raisons ont analyses sont effectuées avec des comportement des loups est par motivé les éleveurs à prendre les normes de qualité identiques, que ailleurs en contradiction avec les choses en mains en organisant des les échantillons soient humains ou théories académiques. Les atta- analyses génétiques indépendantes. de provenance animale. Les analyses ques se déroulent de plus en plus en laboratoire ont été conduites par proches des activités humaines, des Pourquoi des analyses des scientifiques : le Dr Nicole von chiens de troupeau sont attaqués génétiques ? Wurmb-Schwark, auteure de hui- à la porte des maisons, et s’est ins- Seule l’analyse génétique iden- tante articles dans des revues inter- tallé ainsi le sentiment que le loup tifie avec certitude l’auteur de la nationales et plus de cent cinquante
12 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 gènes du chien et du loup, peu im- Auditoire attentif pendant l’exposé de Grenoble. Une délégation suisse au premier rang. porte les sexes (père loup / mère chien ou père chien / mère loup) des deux géniteurs. L’identification des hybrides est ainsi garantie. Les résultats Complets et détaillés, ils ont été présentés à la conférence de presse par Mme Dr Nicole von Wurmb- Schwark qui a souhaité ainsi enga- ger la réputation de rigueur scienti- fique du laboratoire ForGen. Ils ne sont donc pas le fruit d’une inter- prétation par les éleveurs eux- mêmes. Dans la quasi-totalité des analyses des échantillons prélevés rapports et contributions scienti- s’il y a un chien dans l’ascendance en France, le laboratoire allemand fiques, formatrice à l’Ecole de po- paternelle. a retrouvé des allèles génétiques re- lice sur la génétique médico-légale Pour les analyses confiées par latifs à des origines russes, lettones et enseignante universitaire, et le les éleveurs, le laboratoire a choisi et baltes. ForGen a également ana- Dr Jan-Hendrik Modrow, expert en la méthode génétique basée sur dix lysé dix crottes de loups prélevées génétique animale ayant soutenu marqueurs ADN nucléaire. ForGen dans les Abruzzes. Celles-ci ont ré- une thèse de doctorat consacrée au possède une base de données de vélé, comme en France, des allèles typage génétique des animaux. 700 chiens sur 100 races différentes spécifiques de loups russes. Elles et une base de données de 120 loups ont détecté un allèle «80» inconnu Les types d’analyses de différentes origines géographi- pour le laboratoire et absent dans Avec l’analyse mitochondriale, ques. Cette méthode d’analyse per- les analyses faites en France, ni re- l’ADN du mâle (paternel) fusionne met de détecter la présence des censé dans la base de données de avec l’ADN de la femelle (maternel) dans le noyau de l’ovule mais les mitochondries de l’ovule ne captent pas l’ADN paternel. Il ne subsiste en finalité que l’information génétique maternelle. On ne retrouve donc que la ligne de l’ascendance mater- nelle. Autrement dit, si le mâle est loup Ascendance = mère loup et père chien : l’analyse génétique mitochondriale identifie pur et la femelle chien, l’analyse gé- le loup hybride comme un loup normal. nétique de la descendance conclura à l’identification d’un loup hybride. Par contre, si la femelle est loup et le mâle chien, l’analyse de la des- cendance identifiera un loup alors qu’en réalité elle est aussi hybridée. La méthode de l’analyse mitochon- driale ne permet pas de détecter une ascendance paternelle chien. Donc, le cas échéant, le résultat sera Ascendance = mâle loup et mère chien : l’analyse génétique mitochondriale identifie l’identification d’un loup pur même un loup hybride.
13 ForGen qui comporte pourtant cent Dr Nicole von Wurmb-Schwark présente les résultats du laboratoire ForGen. vingt loups de différentes origines géographiques, avec quatre sous- espèces. S’il s’agit d’une spécifici- té du loup italien présent dans les Abruzzes, la conclusion est qu’au- cune trace d’origine italienne n’a été découverte sur les loups français qui ont fait l’objet des analyses confiées à ForGen. Concernant le Plateau du Larzac, les vingt analyses complètes basées sur les échantillons remis par les éleveurs ont démontré vingt hybrides. L’analyse morphologique d’un crâne, retrouvé en zone loups (Var, France) le 7 juillet 2017 et réa- lisée indépendamment des analyses génétiques, a confirmé par l’appré- ciation de Kaj Grandlund, un scien- tifique international, qu’il s’agissait aussi d’un loup hybride. Tous ces résultats corroborent les intuitions constructif semblent s’engager. Un Loup 2018 / 2023 est en préparation. des éleveurs. premier pas pourrait se dessiner par Ces résultats posent les mêmes la volonté de mettre en relation les questions sur la situation suisse. Conséquences laboratoires Antagene, qui ont effec- D’autre part, les loups hybrides ne L’ONCFS est ainsi interpellée sur tué les analyses pour l’ONCFS, et sont pas protégés par la Convention plusieurs questions. Cet office affir- ForGen. Le Premier ministre fran- de Berne qui souhaite même leur me prendre au sérieux ces résul- çais a été interpellé par les socié- éradication. tats et les prémices d’un dialogue tés d’élevage de France car le Plan Affaire à suivre. « Tirez-les… mais ne nous le dites pas ! » Yann Souriau, le maire de Chichilianne, commune qui a vu récemment cent soixante brebis et vaches tuées par les loups, fut un des premiers élus à soutenir ouvertement les éleveurs. A Grenoble, il a affiché sa révolte et s’est confié à la TV grenobloise : « Aujourd’hui, la régulation (des loups) nous la faisons… on a commencé à tirer les loups sur les communes des alentours, avec l’aide de l’ensemble des acteurs, y compris le personnel de l’Etat, qui sont épuisés de la mascarade et qui nous aident à faire la régulation que l’Etat ne fait pas… Je suis obligé de le dire, parce que les préfets avec lesquels nous parlons nous disent : Tirez-les, mais ne nous le dites pas !… Qu’est-ce que vous feriez à ma place ? Est-ce que vous laissez continuer le massacre ? Ou vous prenez le risque ?… » Le risque, ce sont sept ans de prison et 150 000 euros d’amende par loup Le maire Yann Souriau. abattu… Voir le reportage de téléGrenoble avec l’interview du maire sur le site de Diana Chasse et Nature ou ici : https://lc.cx/gM2a. J.B.
14 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 LE COIN DU PÊCHEUR L’homme et les poissons | Texte et photos Michel Bréganti DÈS LA FIN DU PALÉOLITHIQUE, IL Y A ENVIRON DOUZE MILLE ANS, L'HOMME (HOMO SAPIENS) QUI N'ÉTAIT QUE CHASSEUR-CUEILLEUR, COMMENCE À S'APPROCHER DES ANIMAUX SAUVAGES QUI CONSTITUENT LA BASE DE SON ALIMENTATION. Dans les grottes préhistoriques, les poissons figuraient au menu. T out d’abord, il domestique le ces premiers animaux domestiques gagnaient rapidement l’Occident. loup pour les besoins de la se fait rapidement, car contraire- C’est aussi l’époque des débuts de chasse, puis les autres ani- ment à ce que l’on nous enseignait la pisciculture ou tout au moins maux, moutons, chèvres, bœufs, il y a une cinquantaine d’années, les du piégeage des poissons dans des porcs, etc., afin d’en disposer sans routes du commerce, de la culture plans d’eau restreints permettant avoir à les poursuivre dans la nature. et des idées étaient très fréquentées de les conserver vivants, soit en eau Il est à relever que la dispersion de et les avantages de la civilisation douce, soit en mer.
15 On n'est pas loin de ce discret petit jus. La plupart et les plus anciennes Quant à la pisciculture des temps un couvert de végétation fabriquée. des civilisations ont élevé des pois- modernes, elle a gagné toute la pla- La flotte a disparu de la surface et sons. Cette activité a commencé nète, tant en mer qu’en eau douce même de la carte géographique la avec la construction des canaux d’ir- et avec la plupart des espèces plus détaillée, elle se déverse dans rigation, autrement dit avec le début consommées par les hommes. Plus le canal par un drain et un tuyau, de l’agriculture. Déjà deux mille ans de la moitié des poissons élevés ac- car la source est toujours vive. Les avant J.-C., au Proche-Orient, on si- tuellement sur la planète est issue ravageurs de nature ont de nouveau gnale dans la région de l’Euphrate de pisciculture dont la très grande frappé ! des élevages de poissons sans en majorité (85%) vient d’Asie. Au plus profond d’épais taillis, en- préciser l’espèce, mais probable- châssé entre les baliveaux de frêne, ment s’agit-il de carpes. La Chine s’y Une pisciculture naturelle de viorne, de cornouiller, enchevê- met aussi, puisque Fan Li écrit un Il existe en plaine des petits jus, tré dans un épais lacis «ouarbe», traité de pisciculture en 473 av. J.-C, des fossés et des biefs à l’eau claire la clématite sauvage, et même de en bassin naturel, mais aussi déjà en et froide, issus de source ou du houblon, cette opiniâtre rigole tire bassin artificiel creusé, les poissons drainage, si bien cachés qu’ils sont son jus, creuse quelques cavernes étant nourris. Les Grecs et les Ro- oubliés par les pêcheurs, mais bien pour s’enfoncer plus loin dans un mains ont bénéficié de ces progrès, fréquentés par des truites de belle trou proche du canal auquel elle se ces derniers étant particulièrement taille. Venues au gré des hautes relie. Du chemin, distant d’une cen- friands de poisson d’eau douce. Plus eaux d’automne, elles ont grandi taine de mètres, ce trésor de nature proche de nous, les étangs de la bien à l’abri des prédateurs et par- est invisible, noyé qu’il est par une Dombes, construits par les moines fois même se sont reproduites. Et végétation plus que centenaire, un cisterciens dès le XIIe siècle, avec ainsi, la flotte grouille d’une foule de peu comme s’il avait toujours existé. l’alternance pâturage et mise en farios de tout âge. eau qui fonctionne encore aujour- C’est encore une vieille histoire, Tout s’allume... d’hui, produisent abondance de car- car ce mince ru, peu profond, est Il y a beaucoup de truites, mais pes particulièrement appréciées les maintenant recouvert de tous les le courant est si lent, l’accès si dif- jours d’abstinence, vendredi jour gravats de la région, c’est une dé- ficile qu’il est impossible de pêcher sans viande pour les catholiques. charge pieusement dissimulée par «normalement». Après avoir fait le
16 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 compte des poissons dignes d’inté- ont faim et sont en chasse. La saute- fuient de toutes leurs nageoires. Il rêt, je décide de laisser dériver, sous relle, une grosse grise avec du bleu faut se résoudre à quitter les lieux... les buissons, ma ligne eschée d’une à l’intérieur des ailes, épinglée sur Comme un braconnier poursuivi grosse sauterelle, sans plomb afin ma ligne, navigue tout lentement, par le garde-champêtre, je m’en- qu’elle reste à la surface, la gros- zigzague entre cailloux, souches fonce dans ce tissu végétal aux seur de l’insecte devant rebuter les et racines. Passant devant un trou mailles géantes, mais inextricables petites truites. Peine perdue, ces perdu entre ces obstacles, le jus ex- en cassant les branches qui font voraces s’en prennent à la pauvre plose et une truite jaillit comme si obstacle, et suis ce courant si lent bestiole et effraient tous les pois- elle avait dû prendre l’insecte dans que je rattrape le trouble qui pour- sons des alentours. Il faut y revenir les airs. Évidemment, toute l’eau du suit aussi son chemin. Le lieu est plus tard. ruisseau se transforme en boue sous vraiment bien habité et les grosses Au deuxième épisode, les petites les coups de queue violents de l’ani- sont nombreuses, hélas, inacces- se sont cachées. Elles craignent pour mal qui se défend comme un diable sibles. A peine arrivé à l’endroit où leurs arêtes, car ce jour les belles au purgatoire, et les autres belles le jus s’enfonce dans un tuyau de drainage, j’aperçois, juste avant que Serpentant dans la végétation, si mince et pourtant si riche... l’eau vaseuse n’envahisse ce dernier creux, un placide bolide qui gobe les mouches, la gueule béante à chaque capture. Hélas ! Effrayée, elle fuit dans la conduite, sans doute pour un bon bout de temps. Tout s’éteint... Il a fallu trois approches pour cap- turer cette fario de deux livres et la mettre au panier. Elle s’est battue comme une lionne dans sa caverne, avec toutes les astuces possibles, se bloquant dans le tuyau, sautant pour casser la ligne à peine sortie du tunnel, fuyant comme l’éclair dans les dix centimètres de jus que son creux laissait en amont, se lançant même parfois dans le talus comme pour fuir ce liquide qui lui semblait si hasardeux et même funeste. L’année suivante, cette merveil- leuse nature avait disparu sous deux mètres de gravats et de décombres. J’ai vu les baliveaux plier sous la poussée de ces amas ravageurs, les troncs et racines bousculés par la force des machines, les creux et ca- vernes bouchés par les sables et gra- viers, toute la flore et la faune à ja- mais disparue. C’est la loi du monde moderne ou tout au moins celui que l’on nous impose ; les destructeurs sont têtus et finissent par gagner. J’en ai pleuré...
17 NATURE Balade hivernale… à peau de phoque | Texte et photos Georges Laurent DÉCOUVERTE DE LA NATURE EN HIVER ET GOÛT DE L’EFFORT : MERCI LA PEAU DE PHOQUE… Loin des pistes et des cohues. Q ui n’a pas eu l’occasion d’ad- très recourbées, mollets entourés tagne sans trop enfoncer dans la mirer dans un album de de solides bandes d’étoffe, têtes cas- neige. On n’en demandait pas plus. famille la photographie d’un quées de passe-montagne... A cette Bientôt, l’équipement se complé- groupe de skieurs des temps hé- époque, la peau de phoque n’était ta d’antidérapants de bricolage : fi- roïques ? Vous voyez l’image : pieds pas encore née. Les skis permet- celles, fils de fer, lanières ou autres chaussés de longues lattes de bois taient de gravir et dévaler la mon- inventions destinées à éviter le recul
Observer des chamois en quête de nourriture. 18 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018
19 du ski dans la pente. On imagine les rapidement la reléguer au musée. phoque retrouve-t-elle sa faveur ? scènes hautes en couleurs que de- Toutes les anciennes notions furent Pourquoi ceux qui l’utilisaient ne vaient provoquer des randonnées bouleversées par l’implantation des sont-ils plus considérés comme avec un matériel aussi rudimentaire. moyens de remontées mécaniques. des extravagants, mais comme Aux traces dans la neige poudreuse des sages ? Plusieurs raisons ex- Une vraie révolution… marquant le parcours de descente pliquent ce regain de faveur. Elles Puis vint la peau de phoque ! On succédaient de larges surfaces ni- se rattachent à cette réaction que pouvait grimper en glissant les skis velées comme des routes. Le débu- l’on constate lorsque l’habitude a sans avoir, à chaque pas, à lever tant, l’enfant, toute la famille avait émoussé l’attrait du nouveau. La une jambe lourdement chaussée, accès aux champs de ski autrefois facilité offerte par les moyens de en même temps que les fixations réservés à des sportifs endurcis. remontée engendre le goût de la dif- s’amélioraient. Le ski devenait non A l’heure où téléskis, télésièges, ficulté ; le lot dominical du commun seulement l’un des sports les plus télécabines ou autres installations des mortels inspire l’évasion hors populaires, mais aussi l’un des fac- faisaient partout florès, remon- des sentiers battus. teurs majeurs du développement ter une pente à peaux de phoque, des régions montagnardes. c’était s’exposer à des remarques Traces du lièvre variable… La peau de phoque avait consti- ironiques, accompagnées du geste C’est ainsi que la revanche de la tué une véritable révolution, mais bien connu de l’index sur la tempe. peau de phoque, cet objet trop tôt le moteur, dans ses conquêtes, allait Pourquoi aujourd’hui cette peau de condamné au musée, s’exprime La trace dans la neige poudreuse.
20 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 chaque année par le nombre de skieurs rencontrés loin des pistes, hors des cohues. Beaucoup de jeunes ont découvert dans l’effort d’une montée, dans une marche à travers bois et vallons, dans l’excur- sion en haute montagne, une joie différente de celle qu’ils éprouvent à dévaler de nombreuses fois dans la journée le même champ de ski. La découverte de la nature hiver- nale ajoute son puissant attrait à celui d’indépendance pour faire de nouveaux adeptes de la peau de phoque. Suivre la trace du discret lièvre variable ourlée de cristaux, admirer les sculptures féeriques du gel, le nuage poudreux levé par un coup de vent, le jeu d’un rayon de soleil à travers la brume ou dé- couvrir des lagopèdes en tenue de camouflage gîtés dans la pente, le randonneur apprécie sa chance de pouvoir cueillir à la source des joies nouvelles. Et si la chance vous permet encore d’observer des cha- mois quêtant leur nourriture sur une crête soufflée par les vents, ne leur donnez le bonjour ni de la main ni de la voix, car ces seigneurs de la montagne, farouchement libres, vous fuiraient comme des ennemis. Contentez-vous de prendre plaisir à leurs évolutions en vous faisant le plus discret possible. Revanche ? Le mot est peut-être un peu fort. Le ski, sport complet par excellence, devait fatalement revenir aux sources de joie aux- quelles il doit sa naissance. Entre le téléski et la peau de phoque, il n’y a ni concurrence, ni revanche, mais complément. Le ski ne se laisse en- fermer dans aucune formule défini- tive. Il veut – et c’est heureux – per- mettre à chacun d’utiliser à sa guise les infinies possibilités qu’il offre avec une générosité sans réserve. Suivre la piste du lièvre variable.
21 POSTER : RETOUR DU GYPAÈTE Le barbu se porte bien… | Texte Jean Bonnard | Photo Roland Clerc LE GYPAÈTE BARBU, PLUS GRAND OISEAU DES ALPES, JADIS CHASSÉ SANS RELÂCHE, AVAIT DISPARU À LA FIN DU XIXe SIÈCLE. AUJOURD’HUI, LES OBSERVATEURS SONT SATISFAITS, SON RETOUR – INITIÉ DÈS 1986 – EST UNE RÉUSSITE. L e gypaète est un vautour qui suivi dix ans plus tard de la première compte 15 couples reproducteurs. se nourrit essentiellement naissance en liberté. Chaque année, La première naissance en Valais d’ossements prélevés sur la une journée de prospection interna- a été observée en 2007. Grande carcasse des vertébrés morts : ce tionale des gypaètes est organisée : chance cette année : les 5 couples n’est pas un rapace prédateur, mais des centaines de spécialistes, de reproducteurs ont tous procréé et un charognard. Son envergure ap- passionnés et de promeneurs parti- tous les petits ont survécu. Un jeune, proche les 3 mètres. cipent à un comptage des oiseaux. tombé du nid, s’était cassé un fémur, Le Réseau gypaète Suisse occi- La mise en commun des observa- il a été soigné avant de pouvoir pren- dentale a recueilli plus de 4300 ob- tions permet de se faire une idée de dre son envol… mais comme l’hiver servations de gypaètes dans les can- l’évolution générale des effectifs. était trop proche, on l’a relâché plus tons du Valais, de Vaud, Fribourg et Un nouveau projet en voie de réa- au sud, dans la région des Baronnies Berne. «Nous pouvons compter sur lisation tend à relier la population au sud du Vercors. environ 150 à 200 personnes – dont des Pyrénées avec celle des Alpes Le couple le plus âgé est celui de une quinzaine de passionnés – qui par un pont virtuel grâce à des sta- Derborence, le mâle aura 20 ans en nous font part régulièrement de tions intermédiaires, par exemple 2018 et la femelle 17 ans. Le mâle leurs observations. Nous sommes aux Grands Causses, dans le sud du du couple de Loèche-les-Bains, né dans une bonne phase du retour Massif central, où on procède à des et relâché en 1998, aura lui aussi du gypaète» explique le biologiste lâchers depuis quatre ans. 20 ans l’an prochain. valaisan François Biollaz (aussi pas- Le gypaète atteint sa maturité sionné par les chauves-souris). Il Deux cent cinquante sexuelle à l’âge de 6 à 8 ans. Sa du- est responsable et coordinateur du dans les Alpes rée de vie est impressionnante: le Réseau gypaète Suisse occidentale La population de gypaètes est mâle du zoo de la Garenne, décédé et gère aussi les relations interna- d’environ 250 individus dans les l’an passé, avait 50 ans et a été – tionales. Ce réseau est soutenu par Alpes (Suisse, Italie et France). jusqu’à la fin de sa vie – un repro- une Fondation Pro Gypaète domici- On a recensé une quarantaine de ducteur remarquable. liée à Zürich. couples qui ont permis à 32 jeunes Même constat en France où le bar- de prendre leur premier envol en bu a été réintroduit par un premier pleine nature en 2017. En Suisse, lâcher qui remonte à trente ans, entre les Grisons et le Valais, on Pages 22-23 : gypaète de la Gemmi.
22 | CHASSE ET NATURE | n°5 mai 2016
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Portfolio 24 | CHASSE ET NATURE | n°5 mai 2016 La barbe ? Des plumes qui font saillie sous son bec. © Photos Henry Ausloos Contraste entre le blanc roux dessous et le noir dessus.
25 TROPHÉES Cerf : les formes de trophées | Texte et photos Daniel Girod VÉRITABLES CHEFS-D’ŒUVRE DE LA NATURE, LES BOIS DE CERFS ORNENT AUSSI BIEN LES SALLES DE GRANDS CHÂTEAUX QUE LES COURS DE FERMES. DÉCLINÉS SOUS DIFFÉRENTES FORMES, ILS CARACTÉRISENT SOUVENT UNE SAVANTE ALCHIMIE OÙ LA GÉNÉTIQUE ET LE BIOTOPE S’ENTRE- MÊLENT MYSTÉRIEUSEMENT. D e tous temps, les bois de cerfs ont été l’objet de multi- ples croyances quant à leurs Ces bois en forme de U présentent une dissymétrie qualités propres à guérir certains quant à la typologie des empaumures. Sur le merrain de gauche, on note la présence de la chevillure, puis maux humains telles les hémorra- de la classique configuration composée d’une trochure gies ou les coliques, voire les insuf- surmontée d’une fourche. Le merrain de droite, quant fisances sexuelles. Néanmoins, ce à lui, est muni d’une chevillure surmontée d’une em- paumure à trois épois qui forment un calice très évasé. sont les différentes formes et géo- métries des bois qui ont été et sont encore les plus sujettes à la curiosité de l’homme. En U, en V ou en cœur… Malgré quelques variantes, les bois peuvent prendre essentiellement trois formes fondamentalement dif- férentes. En effet, vue de face, la ramure présente une configuration qui rappelle soit un U, soit un V, soit un cœur. Dans le premier cas de fi- gure, les merrains forment un léger galbe qui présente une légère cas- sure de continuité à la hauteur de la chevillure. Dans le cas d’un profil géométrie où l’élégance du galbe ticulier, un constat s’impose – très en V, les merrains sont quasiment met en valeur le haut de la ramure. peu de cerfs parviennent à cet âge droits, ce qui entraîne souvent un Quelle que soit la forme des bois, canonique. La majorité des coiffés étagement des épois. La forme en le trophée n’atteint son apogée qu’à est prélevée entre la cinquième et cœur est très agréable à l’œil. L’har- partir de la dixième, voire la dou- la huitième année. Ceci explique monie caractérise le mieux cette zième année. Or, sur ce point par- en partie le fait que le nombre de
26 | CHASSE ET NATURE | no 1 janvier 2018 Ce magnifique trophée en forme de cœur qui cote 192 points présente des empaumures très caractéristiques. Comme l’ensemble des cors, les surandouillers ne sont pas très longs. A contrario, les meules et les merrains pré- sentent une circonférence importante, facteur déterminant quant au nombre de points. grands trophées n’est pas très im- année soit d’un accident, soit d’une titre d’exemple, une étude menée portant au regard du plan de chasse maladie. sur des cerfs issus de l’île de Rum qui se compte en milliers d’animaux. en Ecosse a consisté à déplacer un En ce qui concerne l’évolution des De 83 à 200 kilos ! certain nombre d’animaux vers la bois dans le temps, il faut distinguer Les caractéristiques propres à la Nouvelle-Zélande. En l’espace de deux cas de figure. Tout d’abord, la ramure dépendent également de deux générations, le poids moyen ramure se refait systématiquement deux facteurs déterminants. En des cerfs repris sur l’île de Rum d’une année à l’autre. Cependant, premier lieu, les ascendants géné- est passé de 83 à 200 kilos. Dans a contrario du chevreuil qui refait tiques de l’animal. Les collections de le même temps, le poids des bois a ses bois pendant l’hiver, le cerf re- mues, les expositions de trophées considérablement augmenté. Ceci constitue les siens pendant la belle et l’examen des tableaux de chasse démontre que, sur la même base saison. Cela signifie que, mis à part montrent que le potentiel hérédi- génétique, les cerfs en provenance un accident ou une maladie, la ty- taire des reproducteurs se transmet d’un milieu hostile se développent pologie des bois ne va pas changer très bien d’une génération à l’autre. d’une tout autre façon dans un mi- fondamentalement pendant toute la Des milliers de gestionnaires de ter- lieu riche. L’exemple des cerfs issus vie d’un cerf. ritoires de par le monde ont, à un du domaine de Chambord appuie La récolte annuelle des mues per- moment ou un autre, tenté d’utili- totalement ce constat. En effet, les met de suivre l’évolution des bois ser les ascendants génétiques pour différentes morphologies corpo- d’une année à l’autre. Par la même «améliorer» la qualité des trophées. relles ou les différentes typologies occasion, cette collection plurian- Cependant, et c’est là le deuxième de bois constatées d’une région à nuelle de mues retrace avec une facteur, l’hérédité ne fait pas tout. l’autre montrent à merveille que le grande fidélité les différentes péri- Heureusement d’ailleurs. Un cerf, génotype Chambord1 s’adapte et se péties de la vie d’un cerf. En effet, et par voie de conséquence ses bois, transforme au contact du milieu. au travers d’une anomalie présente ne peuvent se développer si un cer- Néanmoins, les qualités nourri- sur un ou éventuellement deux tain nombre de conditions ne sont cières du territoire ne sont pas les merrains, les mues peuvent montrer pas réunies. Il y a tout d’abord l’in- seules à influer sur la qualité des que l’animal a souffert telle ou telle fluence de la qualité du biotope. A bois. En effet, le stress induit par
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