39 la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France - AstroQueyras
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la porte des étoiles le journal des astronomes amateurs du nord de la France Numéro 39 - hiver 2018 39
À la une Les environs de la grande nébuleuse d’Orion Auteur : F. Lefebvre et D. Fayolle Date : 16/10/2017 Lieu : Saint-Véran (05) GROUPEMENT D’ASTRONOMES Matériel : APN Canon 1000D et AMATEURS COURRIEROIS astrographe Boren-Simon 8'' F2.8 Édito Adresse postale GAAC - Simon Lericque 12 lotissement des Flandres 62128 WANCOURT On avait déjà raconté beaucoup de choses sur Saint-Véran et son Internet observatoire... On pensait même avoir tout dit... On ne voulait pas Site : http://www.astrogaac.fr se répéter... Et pourtant, la mission Astroqueyras 2017 du GAAC Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 a encore repoussé les limites... Imaginez, une fine équipe de 20 E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr astronomes amateurs venus de l’ensemble des Hauts-de-France (et même au-delà) envahissant pour une semaine le plus bel Les auteurs de ce numéro observatoire astronomique ouvert aux amateurs ; parmi eux, des Philippe Nonckelynck - membre du GAAC contemplateurs, des dessinateurs, des photographes. Les résultats, E-mail : philippe.nonckelynck@orange.fr fort nombreux, de cette mission historique nous ont poussé à nouveau à prendre la plume pour causer de ce coin de paradis, Simon Lericque - membre du GAAC E-mail : simon.lericque@wanadoo.fr de son ciel, de son observatoire et de ses instruments, et surtout de l’ambiance extraordinaire d’une semaine à 3000 mètres sous Yann Picco - membre du GAAC les étoiles... La belle histoire entre le GAAC et Saint-Véran se E-mail : yann.picco@cegetel.net poursuit donc avec cet épais numéro de la porte des étoiles... Sommaire Vincent Prouvoyeur - membre du CAD E-mail : vincent.prouvoyeur@yahoo.fr Michaël Michalak - membre du GAAC E-mail : michalak.michael62@gmail.com Damien Devigne - membre du GAAC 5..............................Mission Astroqueyras ‘‘Hauts de France’’ E-mail : damien.devigne@gmail.com par Philippe Nonckelynck Site : www.astro59.org 17...........................................................Le T62 fête ses 60 ans Laurie Peyroche - membre du GAAC E-mail : laurie.peyroche@gmail.com par Simon Lericque 22...Observer et dessiner les nébuleuses planétaires : de Saint-Véran à Lille L’équipe de conception par Simon Lericque Simon Lericque : rédac’ chef tyrannique Arnaud Agache : relecture et diffusion 33...............................................Le rayon vert et le rayon bleu Catherine Ulicska : relecture et bonnes idées par Yann Picco Fabienne Clauss : relecture et bonnes idées 38...................................Le transit de l’exoplanète WASP-10b David Fayolle : relecture et bonnes idées Émeline Taubert : relecture et bonnes idées par Vincent Prouvoyeur Serge Vasseur : relecture et bonnes idées 40..............................................................La Maison du Soleil Olivier Moreau : conseiller scientifique par Michaël Michalak Edition numérique sous Licence Creative Commons 43.......................................Une mission d’hiver à Saint-Véran par Laurie Peyroche et Damien Devigne 52.............................................................................. La galeríe
• • • • LA VIE DU GAAC C’était cet automne Mission Astroqueyras 2017 Animation astro à la Maison de la Nature Geotopia de Mont Bernenchon 28ème Nuit Noire du Pas-de-Calais Fête de la Science 2017 Grand nettoyage du miroir primaire du Dobson 400 du GAAC Ce sera cet hiver GANIL Sous le planétarium Ardennes belges Le 19 janvier prochain, le Le 27 janvier, le GAAC organise À l’approche du printemps, GAAC aura la chance de une rencontre d’utilisateurs de plusieurs membres du GAAC visiter le Grand Accelérateur petits planétariums numériques, iront passer quelques jours dans National d’Ions Lourds à Caen. type LSS. Ce sera au lycée de les Ardennes belges, près de Encore un riche moment en Radinghem, sur le site habituel Bastogne.Au programme : visites perspective... des Nuits Noires culturelles et astronomiques. Retrouvez l’agenda complet de l’association sur http://www.astrogaac.fr/agenda.html
• • • • LA VIE DU GAAC Les instantanés Bilan de la mission... Et quel beau bilan ! Saint-Véran (05) - 20/10/2017 Dédé à la barre... Saint-Véran (05) - 14/10/2017 À la plonge ! Saint-Véran (05) - 14/10/2017 Soirée mousse avec le GAAC ! Oignies (62) - 11/11/2017 De la lecture saine pour les vacances Brognon (21) - 13/10/2017 Treize à table... Même un peu plus. Saint-Véran (05) - 14/10/2017 Retrouvez la vie ‘‘officieuse’’ de l’association sur la page Facebook : https://www.facebook.com/GAAC62 la porte des étoiles n°39
• • • • VOYAGE Mission Astroqueyras ‘‘Hauts de France’’ Par Philippe Nonckelynck Pour cette première d’une invasion d’astronomes ‘‘Hauts de France’’ de la station du Pic de Châteaurenard, je me suis proposé pour reprendre la plume de Frédéric, de Michel et de Simon (qui avaient narré les précédentes missions) et vous raconter notre belle aventure 2017. Pour une première fois, l’observatoire serait occupé à 100% depuis sa rénovation en 2016. Nous sommes 20 participants, membres de sept clubs d’astronomie du Nord, du Pas-de-Calais, de Picardie et du Val d’Oise, accompagnés par Dominique Menel, notre pilote de chez Astroqueyras sur le site. Le programme présenté sera sobre. Les limites sont fixées aux ‘‘objets’’ du Groupe Local, mais aussi quelques raretés. Eh ! Ce sera quelques fois du lourd : voir la galerie de fin de journal particulièrement abondante en photos, imagerie et dessins... L’observatoire Astroqueyras, surpeuplé durant une semaine la porte des étoiles n°39
• • • • VOYAGE Dans le registre haut de gamme, nous ne sommes pas non plus peu fiers. Stéphane et Vincent ont œuvré pour le compte de la NASA. Il s’agissait de l’étude du transit d’une exoplanète, WASP 10-b. Bien sûr, leur travail sera noyé dans l’immensité comptable fournie par tous les astronomes réquisitionnés sur le sujet. Mais quand même, leur réussite sera presque totale et un article spécifique sera rédigé à ce sujet (voir page 38). Précision immédiate, j’emploie le terme ‘‘objet’’ à regret. Faute d’une autre appellation usitée pour ces espaces perdus au fond de notre espace visible, juste aux limites de la portée de nos télescopes à portée humaine. Là-bas, si loin, c’est la grandeur de l’univers dans tous les sens, les trois dimensions ajoutées de toutes celles que nous ne connaissons pas encore et même pas prêts de connaître. Je trouve ce terme ‘‘objet’’ bien réducteur, il ne s’agit pas de simples bibelots pour décorer l’espace des humains. Le premier choc, enfin, de notre périple, soit la traversée de la France dans presque une diagonale, c’est ce paysage de montagne. Il s’agit d’une splendeur et d’une émotion quasiment verticale, pierreuse, desséchée et rude. Les couleurs, ici, ce sont des flammes dorées dans les feuillages d’automne, le contraste avec la pierre grise, parfois presque noire. Les bouleaux en vallée, puis, jusque très haut vers les cimes, les délicatesses presque féminines du port des mélèzes, soit en tenue estivale, soit dorée en parure d’automne. Tout ceci en des artifices de lumière mouvante sous un silence majestueux... Vendredi 13 octobre Comme l’an dernier, le camp de base intermédiaire se situe au hameau de la Chap, sous le village de Saint- Véran, qui possède le titre de ‘‘plus haut village d’Europe’’. Ce que j’aime à Saint-Véran, c’est qu’il s’y trouve différents lieux de culte chrétien, un protestant, un catholique. Ce que je n’aime pas à Saint-Véran, c’est une sensation de ‘‘pas propre’’ global du village, avec en particulier, toujours des chantiers mal rangés, les mêmes dépôts informes que l’an dernier. Ceci ne convient pas au statut de ce site quand on héberge un observatoire. Et quel observatoire ! À titre de comparaison, passez jeter un œil quelques kilomètres plus bas, au village de Pierre Grosse et après, on en reparle... Premiers moments de convivialité autour de la table au gîte de La Chalp Dans la chambre du gîte, me voici confronté à un premier moment de poésie intense. Le lit se trouve juste en-dessous d’une ‘‘lucarne-Velux’’. Je suis positionné plein feu sous la Voie lactée à peu près au zénith. Le Cygne se déplace lentement tout au long de la nuit. Tout se déplace en mode géocentrique comme au temps de la conception stoïcienne de l’univers, soit un plongeon dans la pensée scientifique ancienne avant le retour vers Edwin Hubble. Vertige. Vertige. la porte des étoiles n°39
• • • • VOYAGE Trombinoscope de la mission Arnaud Carpentier Carine Souplet Cédric Giraud David Fayolle André ‘‘Dédé’’ Barbarin Philippe ‘‘Fifi’’ Sénicourt François Lefebvre Françoise Auger Huguette Pruvost Jean-Pierre ‘‘Biquet’’ Auger Mathieu Guinot Mathieu Senegas Michel Pruvost Pascale Barbarin Philippe Nonckelynck Sabine Garnier Simon Lericque Stéphane Razemon Vincent Prouvoyeur Yann Picco la porte des étoiles n°39
• • • • VOYAGE Samedi 1 octobre La montée à l’observatoire n’est pas une expédition en soi, mais quand même, en voiture ou à pied, c’est assez sportif. Ma fourgonnette s’était offert la montée et descente sans encombre l’an dernier. J’avais alors retrouvé des sensations de jeunesse parce que, dans un temps lointain, j’ai passé mon permis de conduire en montagne. Mais, cette fois, je suis assez content de ne pas être sollicité pour remonter comme chauffeur cette année. Avec six autres copains de cordée, ce sera chemin à quatre pattes, soit deux pieds plus deux bâtons de randonnée. Cordée, pas vraiment. Les cinq plus jeunes se disputent la tête du peloton à vitesse V² et creusent rapidement l’écart. Yann et Certains courageux attaquent l’ascension à pied... moi-même, nous les regardons s’envoler littéralement vers le sommet. Yann est, certes, légèrement lourd (ancien pilier de rugby) et moi, légèrement vieux. Ça peine un peu. Dur dans mes articulations pourries et les poumons en déficit de O2. Une partie du peloton des grimpeurs s’arrêtera aimablement une demi-heure pour nous attendre. David nous offre en prime du ravitaillement. Peut-être se sont-ils inquiétés ? Au-dessus de nous planaient paresseusement deux majestueux vautours. Comme dans les western, ils ont repéré l’homme qui pourrait ‘‘viander’’ avec la ferme intention de se le bouffer sans lui laisser le temps de dessécher. C’est vrai que pour la faune et la flore, en ces contrées hostiles, les conditions de vie sont tellement difficiles. Et puis, c’est sympa un vautour, c’est ...d’autres préfèrent se risquer en voiture sur la piste difficile. un peu développement durable, recyclage en fin de circuit alimentaire. J’en ai même déjà vu de très prés, ils ont une belle allure, des yeux pétillants, une expression dedans. Trop chou, dirait ma petite fille. Nous, les piétons, apprenons à notre arrivée à l’observatoire les détails des déboires automobiles. Sous les capots, on a gravement surchauffé. Cette piste, apparemment anodine qui serpente assez doucement vers le somment est une véritable tuerie pour nos mécaniques. Pour la voiture de Fifi, c’est même la casse, bien contrariante, ma foi. Fort heureusement, pas trop de dégâts au final. La météo, annoncée excellentissime n’a pas changé d’avis. Le Soleil cogne généreusement dans un ciel complètement limpide et sans vent. L’anémomètre affichera quelquefois aucun mouvement durant notre séjour. Passons rapidement sur le premier apéritif aussi copieux que le premier repas qui va suivre. Et les jours suivants qui seront identiques : félicitations en passant, pour les organisateurs de l’intendance. Dans l’après-midi, le plateau de la station commence à se garnir de matériel. Nous voici aux choses sérieuses : les trépieds de photographes, les montures, dont la HEQ5 qui portera les futurs exploits de l’astrographe Boren-Simon récemment acquis par le GAAC, et bien sûr, les Lunt calcium et Hα. À peine arrivés, le matériel est déjà installé la porte des étoiles n°39
• • • • VOYAGE Je détecte, dans les conversations, les projets des dessinateurs. Je les espérais moins nombreux que les photographes et les imageurs CCD. La concurrence sera rude. Il se profile du ''trafic jam'' sur le plancher branlant de la coupole du T62. Fifi me suggère, avec une légère ironie, de choisir les heures creuses : 4 heures le matin, il parait que ça se calme. J'abandonne immédiatement ma liste d'observation présumée et les projets des peintures qui devaient suivre. Tant pis, je prendrai ce qui défilera à l’oculaire en fonction des possibilités et de l'humeur de ma vision que je crains légèrement détériorée depuis l'an dernier. Je serai uniquement la plume légère de notre virée en ces Alpes en majesté. La première nuit se prépare dans la très bonne humeur et une température incroyablement douce. Le ciel s'offre à nous, exceptionnellement lisse et calme. Le premier ''objet'' est pointé dès la fin du jour. C'est Saturne. Je pourrais vous aligner douze lignes de superlatifs, tant la vue est superbe. Quelques sujets de la grande dame gazeuse sont également de sortie, Encelade, c'est sûr (il court, tout le long de la mission, la vue des geysers). Mais pour cette première nuit, je ne perçois pas exactement la nuance entre les satellites et deux étoiles qui se sont incrustées dans le paysage. Jamais je n'avais observé un tracé aussi pur, une ligne si limpide de la division de Cassini. Geyser d’Encelade photographié à l’heure de la soupe... Dans la station, c'est à peu près l'excitation. Quelqu'un court vers la cuisine pour autoriser ceux qui sont de corvée de plonge à venir rapidement plonger sous le télescope. Michel tente ensuite d'améliorer la magie avec un grossissement de 700 fois au lieu de 200. C'est perdu, nous avons été trop gourmands. Plus de magie, la belle dame se brouille façon ''Hamilton'' puis se voile définitivement dans les turbulences des abords de l'horizon. Michel et Simon, pour la septième fois en sept ans, prennent possession de la salle de contrôle pour le pilotage du télescope. Les dessinateurs s'étalent sur chaque cm² disponible et font le va-et-vient entre la coupole et la pièce. C'est une joyeuse pagaille entre les ordres à hygiaphone, les mouvements de la coupole. Ici, André, nommé Dédé se lance ainsi dans son premier dessin, voilà lancée le début d'une grande carrière avec M57. Mais Dédé est d'abord trop modeste. Du monde sous la coupole du T62 la porte des étoiles n°39 9
• • • • VOYAGE Comme Jean-Pierre (généralement surnommé ''Biquet''), je décide de fuir, assez souvent, l'engorgement général du site. Pas question d'importuner les photographes (en général, ils détestent). Donc, entre les vides, c'est Voie lactée à l’œil nu. Sympa, nos chefs de station nous pointent quelques standards incontournables d'un ciel de montagne, mais c'est pour moi, les mêmes fiascos visuels que l'an dernier sur des sujets de référence. Je manque le tracé de la nébuleuse Saturne. Dédé et Jean-Pierre partagent les même réserves. Je n'ai vu que du bleu. Normal, me direz-vous puisque cette NP est bleue ! Mais nous ne voudrions pas gêner nos coachs ; ils ont la tête ailleurs. C'est pour la recherche des fonds du fond du noir-noir-noir, les trucs perdus que personne n'a vu, les images peu ou pas publiées, qu'ils sont ici. Pour exemple, IC 4997 que Simon vient de dessiner. Je ne vois rien de précis, mais je m'en fiche. J'éprouve comme un frisson d'avoir ainsi accès aux contrées les Photo souvenir à l’extérieur, sur fond de Voie lactée plus obscures du ciel dans les sombres recoins d'une bibliothèque remplie d'IC, de PK bien rangées dans le firmament. Imaginez, nous sommes dans le registre des magnitudes supérieures à 15 et des étendues à 6, 4, et même 3 secondes d'arc ! Comment vais-je expliquer ça, de retour à la maison ? Dimanche 1 octobre Il faut être levé vers 7h45 si on veut admirer le rayon vert sur le superbe mont Viso, du côté de l'élégance italienne. La couleur du rayon qui flashe au lever du Soleil diffère suivant les millésimes. C'est comme le Beaujolais. Cette année, la tendance est au bleu, voire bleu-violet. Je suis sûr que ce sera un grand cru. Au petit matin, observation du lever du Soleil depuis le pic de Châteaurenard Le soir au T62, on m'offre Neptune. La petite bille au milieu de l'objectif claque dans un bleu intense... Toujours des bleus. Triton se détache très nettement sur la gauche et je l'ai vu aussi ! Michel présente maintenant NGC 6790 avant de la dessiner. Je cours chercher Jean-Pierre et Dédé afin qu'ils me confirment l'acclimatation de nos trois paires de vieilles rétines à la noirceur. Voici une de mes galaxies fétiches : NGC 7331. J'ai bien détecté une, puis, un instant, deux des galaxies petites sœurs en-dessous vers la droite. Je croyais que Yann avait capté fermement les deux, mais je n'en retrouve qu'une sur son dessin, plus bas que ma détection à moi. J'apprends plus tard que Simon a capturé une autre improbabilité : PK 104-29.1 dans Pégase. Un truc probablement énorme puisqu'estimé à une étendue de 5,3' d'arc. Moi, qui suis d'origine comptable, plus il y a de chiffres, plus je suis content. Le plus surprenant sera la différence d'appréciation de Michel et Simon sur le sujet. J'ai hâte de voir les résultats. Stéphane régale enfin les survivants de la nuit avec Uranus et ses quatre satellites visibles. C'est trop géant. la porte des étoiles n°39 10
• • • • VOYAGE Lundi 1 octobre La vie à la station s'est rapidement stabilisée sous la direction de quelques dirigeants affirmés. La liste qui suit est établie par ordre alphabétique pour ne pas décrypter quelconque dominance. − Au management général de la station représentant l'association Astroqueyras : Dominique ; − au commencement officiel de la mission : Michel et Simon ; − au commandement réel de la mission : Carine, Huguette ; − au sourire et la bonne humeur : Carine, Françoise, Huguette, Pascale, Sabine ; − au RC 500 sous la coupole ''Genève'' où on se gèle : Mathieu de Carine ; − au RC 500 sous la coupole ''Paris'' où on travaille les doigts de pieds à l'air à 18°C : Arnaud et l'autre Mathieu (les guitareux d'Amiens) ; − aux extérieurs, les photographes qui se gèlent encore plus : Carine, Cédric, David, Dédé, François, Jean-Pierre, Fifi, Simon, Stéphane, Vincent, Yann ; − à l'astrographe, une spécificité certes, mais tout aussi froide en plein vent : David et François ; − au transit de WASP 10b : Stéphane et Vincent ; La mission en chiffres − aux dessins au T62 : Carine, Cédric Un petit bilan compilé par Carine... (qui officient directement sur papier noir) Dédé, Jean-Pierre, Michel, Simon, 20 participants, 17 observateurs/dessinateurs/photographes Yann ; pour au moins : − au T62, seulement en visuel : Sabine, - 5 nuits favorables Philippe, Stéphane ; - 342 observations différentes (en dehors des nombreuses − à l'observation de la faune et la flore images grand champ et photos d’ambiances qui n’ont pas de la montagne : Huguette, Pascale, été détaillées) Sabine, Philippe ; - 137 objets (ou types d’observation) différents − à la recherche géologique : Sabine et - 31 nébuleuses planétaires Philippe ; - 30 objets Messier − aux photographies d'ambiance de ce - 61 objets NGC texte : Huguette, Pascale, Philippe, - 12 objets IC Simon. - 87 dessins - 132 photos (toujours sans compter les nombreux grands Enfin, n'oublions pas la musique, qui champ et photos d’ambiance) est globalement une deuxième partie - 123 observations visuelles du programme de notre séjour. Un piano, deux guitares, des percussions fabriquées sur place par Dédé et cinq musiciens, en alternance. Pendant la sieste, j'entends la guitare de Mathieu. Il pratique des sons bossa nova et jazz. Brusquement, je me sens mal à l'aise dans mon registre rock en tempo binaire et mes gammes pentatoniques (en La Majeur ; précision justifiée de François). Je commence à partitionner dans ma tête afin de pouvoir adapter ma rustique guitare de cow-boy aux différents registres musicaux de chacun. Ce lundi, le voile de début de nuit semble poussiéreux. L’ouragan qui a traversé l’Irlande aurait, selon Sabine, qui connaît les déserts autant que les mers, baladé en notre ciel du sable de Mauritanie et non du Sahara. Le premier est jaune, le second est rouge. Le voile disparaît rapidement. Voici une autre belle nuit devant nous. la porte des étoiles n°39 11
• • • • VOYAGE L’opérateur, en salle de contrôle a ‘‘envoyé’’ selon le jargon de la commande, NGC 40 et voici qu’on me sort à l’écran de l’ordinateur un dessin du célèbre Bertrand Laville. Petit conseil : ne jamais regarder les travaux de ce dernier avant le passage à l’oculaire. Ne pas regarder après non plus. Sinon, vous êtes sûr de rater votre croquis. Carine, Cédric et Yann se positionnent au dessin avec enthousiasme : NGC 246, NGC 206, NGC 1535 et Michel sur NGC 7640 pour compléter sa collection. Je rate enfin un truc de fou, comme dirait mon petit- fils, la nébuleuse planétaire Humason 1-1 ; Simon serait même sorti de son flegme habituel. C’est dire que de telles visions dans la gamme du très beau, ça se mérite. Mardi 1 octobre J’aime l’ambiance de ce télescope, le piqué des étoiles, les nuances de gris à n’en plus finir, par exemple sur une galaxie vue par la tranche où les crachats de lumière d’un amas globulaire. L’immensité s’offre ainsi à portée d’homme, la magie démultipliée en grossissement de 250 à plus de 1000. Ça bouscule l’électricité dans mes neurones. Yann, en plein dessin derrière l’oculaire du T62 Dessous la grosse mécanique, vous voyez un assez petit chercheur. Or, Michel s’est énervé à la recherche de IC 2120 (je crois ?) et dans ces cas-là, les vrais, les forts ; ils détectent au chercheur. C’est la classe du navigateur qui ne se perd pas en mer... La conquête visuelle de Pease 1 occupera assez largement le début de nuit. Filtre, puis pas filtre, puis re-filtre (etc.) dans l’éclatant M15. Faut vraiment vouloir une nébuleuse planétaire dans ce feu d’artifice… Incroyable, ce sera dessiné par Michel et Simon ! Évidemment, dans l’assemblée, personne ne s’est permis d’objecter sur la certitude de la position de Pease 1 dans l’indescriptible fouillis des étoiles d’un amas globulaire. C’est Xième nuit blanche pour certains, fin de nuit en mode lumière zodiacale, puis conjonction Lune-Venus-Mars, et à 8 heures le matin, comme d’hab, au lieu de pouvoir se coucher : Xième matin de rayon vert-bleu sur la montagne italienne, avec des valises de quinze grammes sous les yeux. J’ai vu Cedric sauter comme un joueur de foot lensois qui vient de marquer un but. C’est vrai que les buts, c’est devenu assez peu fréquent au pays des corons en ces temps de Ligue 2. Il a piqué le rayon pleine lucarne à en déchirer les filets dans deux de ses clichés. C’est finalement si simple le bonheur quand on est astronome. Non ? Lumière zodiacale matinale, conjonction Lune-Mars-Vénus... étoile filante en bonus la porte des étoiles n°39 12
• • • • VOYAGE Mercredi 1 octobre Deuxième partie du séjour, au moins pour ma part. En effet, l’ambiance se sonorise peu à peu autrement que dans le son cristallin des verres et bouteilles vides. La station dispose d’un piano numérique. Dédé et François s’en emparent rapidement mais c’est plus tard que se sont introduit des idées harmoniques avec effets de synthé et boites à rythmes. À tour de rôle, Arnaud et Mathieu précédent ou suivent la mélodie. Pour ma part, je martèle sauvagement mes cordes sur la base d’accord, le plus souvent, en La Majeur (bien entendu). Quoique, nous finirons par élaborer un joli phrasé en mode reggae, tellement vrai qu’on aurait détecté la marijuana dans l’air ambiant, sans oublier la trop discrète et trop courte imitation de Bob Marley par Mathieu. Notre auditoire est agréablement surpris. Pourtant, c’est si naturel, la musique. C’est comme l’astronomie, il faut écouter, plus encore, regarder. Pour ma part, une oreille sur la rythmique et le mouvement des mains des claviéristes et ça prend comme une mayonnaise. Les astronomes sont souvent musiciens. Le silence de l’espace connu, sans aucune vibration, serait-il une trop grande frustration ? La nuit venue, j’attends au chaud dans la salle de contrôle l’observation de Blue Snow Ball, puisque Les musiciens se donnent en spectacle c’est écrit sur un bout de papier qui semble être le programme de ce soir. Tiens, encore un objet bleu. Dehors, certains se caillent joyeusement au Dobson 300 de la station. Je n’ai pas compris pourquoi une hilarité générale s’est déclenchée à l’observation de M33. Si j’ai raté quelque chose d’important : dites le moi ! Beaucoup de monde dans la salle de contrôle du T62 la porte des étoiles n°39 13
• • • • VOYAGE Jeudi 19 octobre Pascale revient d’une de ses promenades matinales. Elle ne marche pas, elle flotte à quelques centimètres du sol comme un moine tibétain. Que s’est-il passé ? Pascale a rencontré une très jolie biquette, chèvrement délicieuse, qu’on appelle bouquetin. La rencontre s’est produite sur un petit bout de prairie, peut-être un peu plus grasse que dans le fond de l’ubac, non loin de la station. La bête à sabots fendus ne s’est pas sauvée, un regard, puis feignant l’indifférence avec une attitude de flegme qui rappelle Simon, quand il fait semblant d’être absent, elle s’est lentement évanouie derrière les rochers. Une fois encore le climat nous permet de prendre l’apéro dehors. Le whisky du jour est agrémenté d’un accompagnement proposé par Carine et Mathieu : c’est un apéro du futur, quand viendra le temps de nourrir l’humanité avec des insectes. Des grillons grillés, des vers, tout ça. Moi, j’apprécie. C’est comme du crustacé terrestre. Apéro sous le Soleil La météo change, les nuages flottent presque sur le même plan que nous, nouveau spectacle charmant qui modifie le contour des reliefs. Nuages dentelles, nuages coton. Vendredi 20 octobre Dernier rayon bleu. Pour ma part, je n’en ai pas capté de la semaine (comme l’an dernier). Je me suis décalé dans une ambiance de froid polaire sur la droite par rapport aux photographes afin de glaner quelques dixièmes de secondes sur les objectifs. Hier, le temps que j’annonce et c’est pris pour Stéphane. Aujourd’hui, même méthode. Mais cette fois, je me suis positionné le regard coincé sur le petit piton à droite du Viso. Je m’exclame : ‘‘il est double !’’ Le flash ! Je me suis pris, pleine rétine, le bleu du Soleil de chaque coté de la pointe du rocher. Gigantesque. Pendant dix minutes, ma vue tente de demander à mon cerveau de sortir de cette vision de mini Big Un double rayon bleu matinal Bang. Des ronds de tailles différentes se promènent dans mes yeux et cette fois, ce ne sont pas des étoiles. Inutile de préciser que la préoccupation première de Pascale, c’est de revoir sa bête ! Évidemment Huguette, Sabine et moi-même, nous courrons derrière elle le lendemain de cette rencontre magique. Les dames ont décidé de faire silence dans la montagne (!), ne pas bavarder pour ne pas effrayer le bouquetin. Évidemment, nous bavardons quand même. Nous savons qu’il n’est pas fou, le bouquetin. Une fois, mais pas deux, il a prévenu les copains qu’il est plus prudent de partir brouter ailleurs. Le fameux bouquetin vu par Pascale la porte des étoiles n°39 1
• • • • VOYAGE Samedi 21 octobre Vu que la dernière nuit est annoncée couverte, tout le monde est parti. Je ressens l’angoisse. Vous êtes maintenant sur la route. Fatigue, long trajet, puis la conduite de nuit. C’est infiniment plus pernicieux qu’une piste en cailloux vers un observatoire à 3000 mètres d’altitude. Sabine et moi sommes restés visiter des cailloux. Il existe ici les vestiges d’une mine de cuivre et les vestiges d’une exploitation d’un marbre local appelé ‘‘serpentine’’. Il est vert. J’en ramasse un qui semble vert, avec des Fermeture de la station avant l’arrivée de l’hiver et de la neige... traces qui me rappellent celles d’un gros myriapode fossilisé. Ça change au final d’une semaine bleue, après Neptune des nébuleuses planétaires bleues, des rayons bleus... Retrouvez toutes les photos de la mission sur la galerie Google du GAAC la porte des étoiles n°39 1
• • • • VOYAGE Du sens de l’image... Entre beautés et vérités, impressions de séjour Depuis mon premier séjour l’an dernier à la station, je me suis intéressé à l’image telle que je l’ai vu pratiquée. La spécificité de l’image en astronomie, qu’elle soit produite par une caméra CCD ou un appareil photo reflex, c’est qu’il s’agit d’un troisième œil manœuvré par un opérateur, avec des moyens techniques mais aussi sa sensibilité. Autrement dit, ce n’est pas au départ ma conception de l’astronomie. Je me suis donc peu à peu adapté, à ce que l’on pourrait pompeusement nommer une ‘‘philosophie de l’image’’. Voici trois exemples. Cédric, entre autres, pratique des courtes poses sans autoguidage sur des objets assez étendus, type Dentelles du Cygne. Une image brute, quelques étoiles un peu écrasées type ‘‘patate’’ en bord de champ. Un choix de cadrage pour suggérer la prise d’un instantané, un mouvement. À l’autre extrême, l’imagerie telle que pratiquée par les ‘‘Mathieu’’ et Arnaud. Ici, en particulier, une caméra Apogée U16000. Il faut commencer par une nuit de réglage informatique. Déjà le principe me gène, parce qu’on prépare l’artiste, on choisit la trousse de maquillage, etc. Vient l’acquisition, avec évidemment son lot de complications techniques : un autre arsenal technique est requis. Il faut aussi gérer l’exposition SHO et gamma avec et au final ces fameuses images cuivrées. En gros, où commence la fausse couleur ? Le meilleur (ou pas), c’est pour la fin avec le traitement : l’effacement d’un passage Les dentelles du Cygne photographiées par Cédric lumineux incongru qui laisse comme un grain de beauté à éliminer sur le visage de la star. Et les retouches de maquillage. J’apprécie ici le travail quand les couleurs sont bien dosées, quand, par exemple le centre d’une galaxie n’est pas brûlé. Mais au final, ce n’est que de l’esthétique. Notre troisième œil peut perdre, au passage, un peu de son objectivité au regard de l’astronomie qui est science, uniquement science et pure quête de vérité. Un peu dans la gamme intermédiaire, je découvre l’existence d’une technique pratiquée depuis peu au La galaxie NGC 2403 photographiée par Mathieu GAAC avec un ‘‘astrographe’’. Dans ce séjour, elle sera pratiquée par David et François. Ce n’est pas un instrument généraliste même si le schéma d’utilisation semble classique : chaîne d’acquisition, éliminations des bruits... Or ici, les résultats me semblent aussi beaux que vrais sur les champs larges (voir dans la galerie M45 et M42+ M43 parce que l’acquisition est ultra rapide : 20 secondes pour Orion.) Tout ceci révèle une démarche bien différente que la recherche uniquement visuelle de trucs perdus au fond de notre ciel, sous l’oculaire d’un télescope de 9 mètres de focale, n’est ce pas ? La nébuleuse d’Orion photographiée par François et David la porte des étoiles n°39 1
• • • • HISTOIRE Le T62 fête ses 60 ans Par Simon Lericque Le télescope Cassegrain de 620 millimètres de l’observatoire Astroqueyras fête cette année ses 60 ans. Celui que l’on surnomme désormais affectueusement le ‘‘T62’’ n’a pas toujours été installé sur les hauteurs de Saint- Véran. En effet, avant de rejoindre les Hautes-Alpes, le T62 a connu ses premières lumières en Provence, avant un passage par l’Espagne... Voici le récit de son histoire. la porte des étoiles n°39 1
• • • • HISTOIRE Les premières lumières Notre télescope soixantenaire, dans sa première mouture, a été réalisé par la société REOSC (Recherche et Étude en Optique et Sciences Connexes) basée à Saint-Pierre-du- Perray dans l’Essonne. Cette société, filiale de Safran (elle- même filiale du groupe Sagem Défense Sécurité) existe toujours aujourd’hui et développe des optiques de haute précision pour l’astronomie, le domaine spatial ou encore les lasers. REOSC a notamment participé à la réalisation d’optiques pour les Very Large Telescope installés au Chili ou pour le Gran Telescopio Canarias – le plus grand télescope du monde – qui trône sur l’île de La Palma aux Un vestige des jeunes années du T62 ? Sur le bouchon du télescope on trouve mention de la société REOSC Canaries. Le début de l’histoire du T62 débute en même temps que le célèbre télescope de 193 centimètres de l’observatoire de Haute-Provence, près du village de Saint-Michel. En effet, les deux instruments sont construits de concert en 1957 et 1958. Mais si le T193 est abrité par une coupole géante, le T62 est quant à lui installé dans un bâtiment annexe, à savoir la partie Est du bâtiment des ‘‘coupoles jumelées’’. Avec plus de 9 mètres de distance focale et donc un rapport F/D de 16, le T62 offre facilement des grossissements importants. Il a d’ailleurs été conçu à l’origine pour la pratique de la photométrie photoélectrique. Dans ce sens, il est d’abord équipé d’un photomètre à six couleurs (système UVBGRI de Stebbins-Withford pour les spécialistes) conçu par le laboratoire d’André Lallemand de l’Observatoire de Paris. Cet instrument de pointe est destiné à l’étude des Céphéides : des étoiles variables utilisées, entre autres, pour définir les distances de certaines galaxies (voir l’article de Jean-Pierre Auger, dans le numéro 37 de la porte des étoiles). Ces études seront surtout menées par l’astronome Pierre Le T62 couplé au photomètre Antoinette sous une coupole de l’OHP Mianes. Les années passent et d’autres photomètres viennent équiper le télescope Cassegrain. Ils sont réalisés par les équipes du même Pierre Mianes et de Joseph-Henri Bigay, alors directeur de l’observatoire de Lyon. Le photomètre le plus utilisé est baptisé ‘‘Antoinette’’. Le T62 fonctionne ainsi à l’Observatoire de Haute- Provence durant 20 ans, jusque 1978. Une nouvelle jeunesse À la fin des années 1970, le directeur de l’observatoire de Haute-Provence, Charles Fehrenbach, offre le T62 à l’observatoire de Nice. Cela tombe à point nommé car un groupe d’observateurs niçois baptisé ‘‘Étoiles variables à courte période’’ cherche à implanter un télescope de mission dans un site propice et envisage donc d’installer ce T62 à... Saint-Véran. Mais l’INAG (Institut National d’Astronomie et de Géophysique) refuse de construire une seconde coupole (chacun sait que depuis la rénovation de 2005, il y en a désormais trois). L’histoire entre le T62 et les Hautes-Alpes aurait pu débuter plus tôt. Une occasion ratée ! la porte des étoiles n°39 1
• • • • HISTOIRE Dès 1979, le T62, qui est alors toujours à l’OHP, connaît quelques réfections et modernisations avec la réalisation d’une nouvelle optique ouverte à F/15 et en Zérodur, un matériau au coefficient de dilatation quasi-nul. Cela engendre la réalisation d’un nouveau barillet et d’un nouveau tube, plus court. En fait, ces évolutions étaient nécessaires pour que le télescope puisse entrer sous la coupole prévue en Sierra Nevada (voir plus loin). Cette configuration est encore celle que l’on connaît aujourd’hui à Saint-Véran. Le système de pointage et l’électronique sont eux aussi modernisés. Des moteurs pas-à-pas et Le miroir du T62 en zérodur lors de l’installation à Saint-Véran des codeurs performants permettent désormais un pointage plus rapide et plus précis. L’automatisation de séquences d’observations est désormais possible. Les travaux sont réalisés par la société SECIA de Manosque et par les ateliers de l’observatoire de Nice. Les tests sont effectués directement à l’observatoire de Haute- Provence aux mois de juin et juillet 1980, juste avant le déménagement. La Sierra Nevada Le télescope révisé prend finalement le chemin du Pico Veleta, à l’observatoire de la Sierra Nevada en Espagne. L’observatoire de Nice coopère ainsi alors avec l’Institut d’Astrophysique d’Andalousie et forme en contrepartie deux jeunes étudiants espagnols : R. Garrido et M. Saez. À 2600 mètres d’altitude, le site espagnol est bien meilleur que la Côte d’Azur, avec de nombreuses nuits dégagées, comme à Nice certes, mais sans la moindre trace de pollution lumineuse. D’ailleurs, les statistiques réalisées à l’époque montrent que plus de 60 % des nuits sont exploitées à des fins L’observatoire de la Sierra Nevada dans les années 1980. Le T62 était installée dans le coupole de droite. Celle-ci rejoindra aussi Saint-Véran. scientifiques : ce qui veut dire que le ciel est à la fois dégagé, mais également très stable. Le T62 connaît son deuxième site étoilé en octobre 1980 et livre ses premiers résultats – sur l’étoile 16 de la constellation du Lézard – dans le courant de l’année 1981. En Espagne comme à l’OHP, le T62 est toujours utilisé pour l’étude photométrique d’étoiles variables, mais cette fois-ci, sous la conduite de l’astronome Jean-Michel Le Contel de l’observatoire de la Côte d’Azur. L’instrumentation scientifique, toujours liée à la photométrie, s’améliore continuellement, si bien que le taux d’occupation de la coupole devient très important : les Britanniques exploitent 70 % du ‘‘temps de coupole’’ qui leur est alloué, 80 % pour les Français et même 90 % pour les Espagnols. Les équipes françaises se succèdent derrière le T62 de 1981 à 1989. L’arrivée à Saint-Véran C’est en 1989 que l’histoire du T62 et celle de l’association Astroqueyras se rejoignent à Saint-Véran. À cette époque, l’observatoire est délaissé par les astronomes professionnels qui privilégient désormais des sites loin de l’hexagone (Chili, Hawaï, Canaries...). Que faire alors de cet endroit, pourtant l’un des meilleurs pour la pratique de l’astronomie en Europe continentale ? C’est l’astronome Paul Felenbok (membre fondateur et toujours actif d’Astroqueyras) de l’observatoire de Paris qui trouve la réponse : ouvrir l’observatoire aux astronomes amateurs. L’association Astroqueyras est fondée à cette fin. la porte des étoiles n°39 19
• • • • HISTOIRE Mais à l’époque, la coupole de l’observatoire de Saint-Véran est vide. En effet, le coronographe qui y était abrité a été démonté avant le départ des astronomes professionnels. Il faut donc dénicher un instrument ! Avec l’appui du CNRS (Centre National de Recherche Scientifique), le T62 quitte le Pico Veleta pour être rapatrié en France en 1989. Le télescope et sa monture pesant plusieurs tonnes sont difficilement acheminés sur les hauteurs de Saint-Véran et passent (heureusement) à travers le cimier de la coupole. Par ailleurs, la coupole qui abritait le T62 en Espagne prend aussi le chemin de Saint-Véran pour y accueillir un instrument annexe : longtemps une chambre de Schmidt et, depuis 2016, un télescope Ritchey-Chretien de 500 millimètres de diamètre. L’observatoire accueille son premier groupe d’astronomes amateurs dès 1990. Depuis 28 ans, ce sont près de 2000 passionnés venus de toute l’Europe qui ont eu la chance de participer à une mission à 3000 mètres, et Le pilier de la monture porté à travers le de jeter un œil (ou les deux) à travers le fameux T62. Encore aujourd’hui, cimier de la coupole le télescope est parfois utilisé à des fins scientifiques, dans le cadre de collaborations entre professionnels et amateurs. Études photométriques comme à l’origine, spectroscopie ou validation de nébuleuses planétaires sont différentes recherches menées par les amateurs éclairés séjournant à l’observatoire. Mais le fameux T62 offre aussi l’opportunité de se rincer l’œil, voire de dessiner la Lune, les planètes, les objets extragalactiques ou... les nébuleuses planétaires (voir article page 22). Lors de l’installation du T62 à Saint-Véran en 1989 Remerciements et sources − Jean-Claude Thorel, Jean-Michel Le Contel et Dominique Menel, pour leur contribution et leur relecture attentive. − Le site Internet de l'observatoire de Haute-Provence : http://www.obs-hp.fr − Le site Internet de l'observatoire de la Sierra Nevada : http://www.osn.iaa.es − Le site Internet de l'Institut d'Astrophysique d'Andalousie : http://www.iaa.es − L'article ''Une opération de l'observatoire de Nice : le télescope photométrique de Grenade'' par J.M. Le Contel et J.C. Valtier, publié en 1980 dans le bulletin de l'Association pour le Développement de l’observatoire Un gros câlin ! de Nice (ADION) − L'article ''L'histoire de la lunette Arago'', par André Amossé dans la porte des étoiles numéro 29 − L'article ''L'histoire de l'observatoire Astroqueyras'', par Dominique Menel, dans la porte des étoiles numéro 23 la porte des étoiles n°39 20
• • • • HISTOIRE Et l’histoire de la coupole ? Le T62 est abrité par une coupole qui date aussi de quelques décennies. On a longtemps cru qu’il s’agissait de la coupole datant de 1858 et qui trônait à l’origine au sommet de la tour Ouest à l’observatoire de Paris. Cette dernière était issue des ateliers de Gustave Eiffel, si bien que certains amateurs la baptisaient souvent la ‘‘coupole Eiffel’’. Cette dénomination perdure encore aujourd’hui... Et pourtant, des recherches récentes montrent que cette coupole historique a été remplacée en 1949. À l’heure actuelle, on ne sait d’ailleurs pas ce qu’elle est devenue ni où est passé l’instrument qu’elle abritait : un équatorial de 31,6 centimètres de diamètre voulu par l’éminent directeur de l’observatoire Urbain Le Verrier, et dont l’objectif avait été taillé par le célèbre Secrétan. Toujours est-il que c’est cette ‘‘nouvelle’’ coupole installée à l’aube des années 1950 sur la tour Ouest de l’observatoire de Paris qui a été démontée en 1974 La coupole lors de son installation à l’observatoire de pour être déménagée à Saint-Véran. Jusque 1982, elle Saint-Véran en 1974. abritait un coronographe puis elle est restée vide jusque l’arrivée du T62 en 1989. Rien n’a changé depuis... La coupole de plusieurs tonnes est toujours là à supporter inlassablement toutes les tempêtes hivernales et nombreux sont les astronomes amateurs à s’être épuisés en jouant de la manivelle pour la faire tourner. La coupole de Saint-Véran alors installée sur la tour Ouest de l’observatoire de Paris dans les années 1960. la porte des étoiles n°39 21
• • • • OBSERVATION Observer et dessiner les nébuleuses planétaires de Saint-Véran à Lille Par Simon Lericque Saint-Véran, dans les Hautes-Alpes et Observatoire de Lille Lille, la capitale des Flandres : il n’existe pas de lieux plus extrêmes pour pratiquer l’astronomie. D’un côté, le plus haut village d’Europe, de l’autre une grande métropole européenne de plus d’un million d’habitants. Et pourtant, ces deux communes ont un point commun, elles abritent chacune un observatoire astronomique et un instrument d’observation hors du commun permettant de scruter avec une relative facilité les nébuleuses planétaires. Observatoire de Saint-Véran Les coupoles ouvertes des observatoires de Lille et de Saint-Véran, prêtes pour la nuit... la porte des étoiles n°39 22
• • • • OBSERVATION Le site de Saint-Véran L’observatoire Astroqueyras est situé à 2930 mètres d’altitude exactement, 900 mètres au-dessus du pittoresque village de Saint-Véran, dans le département des Hautes-Alpes. Bâti au pied du pic de Châteaurenard culminant à 2990 mètres, l’observatoire bénéficie d’un site astronomique d’exception. Seul un discret halo de pollution lumineuse vers l’Est (Turin à près de 100 kilomètres) se fait sentir lorsque l’ambiance est humide. Mais généralement, les nuits là-haut offrent des conditions extraordinaires avec une transparence quasi-parfaite où la lumière zodiacale et le gegenshein peuvent être perçus à l’œil nu. Il s’agit donc d’un site idéal, l’un des meilleurs de France métropolitaine. Le lieu a d’ailleurs été retenu de longue date puisqu’il a été repéré dès les années 1960 pour installer un télescope professionnel de cinq mètres de diamètre. Après diverses tergiversations administratives, celui-ci sera finalement installé à Hawaï et deviendra le célèbre CFHT (Canada France Hawaï Telescope). Le site de Châteaurenard est alors recyclé pour accueillir un observatoire solaire où un coronographe est installé. Il est abrité sous la coupole de la tour Ouest de l’observatoire de Paris, démontée pour l’occasion. La station fonctionne ainsi de 1974 à Carine Souplet en plein dessin à l’oculaire du T62 1982 mais, au terme de cette période, alors que les sondes spatiales dédiées à l’étude du Soleil se multiplient, le coronographe est démonté et la station tombe dans l’oubli. Il faut attendre la création de l’association Astroqueyras en 1989 pour que l’observatoire accueille à nouveau des astronomes. Depuis sa dernière rénovation survenue en 2015, l’observatoire dispose de trois coupoles abritant des instruments aux diamètres conséquents : deux télescopes Ritchey-Chrétien de 500 millimètres de diamètre et un télescope de type Cassegrain de 620 millimètres de diamètre et de 9,20 mètres de focale. C’est ce dernier qui est le plus souvent utilisé pour le visuel et qui s’avère performant dans l’observation des nébuleuses planétaires. Ce télescope – souvent surnommé T62 – fête cette année ses soixante ans. Il a été réalisé à l’origine pour l’étude photométrique et spectroscopique d’étoiles variables. Il a ainsi capté ses premiers photons célestes à l’observatoire de Haute Provence et, à la fin des années soixante-dix, est prêté à l’observatoire de Nice pour être modernisé. Il est ensuite installé à l’observatoire du Pico Veleta, près de Grenade en Espagne. Enfin, en 1989, sous l’impulsion de Paul Felenbok, astronome professionnel à l’observatoire de Paris, le T62 rejoint sa demeure actuelle à Saint-Véran, en même temps que la fondation de Vue générale de l’observatoire Astroqueyras depuis le pic de Châteaurenard l’association Astroqueyras. la porte des étoiles n°39 23
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