LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC - Université du Québec
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Pour la suite du monde LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC 1 Pour la suite du monde Des chercheurs réfléchissent à des solutions pour transformer nos vies d’après-COVID. La pandémie, une bougie Comment bâtir Les effets de la crise d’allumage pour les une vie culturelle sur la santé mentale de la innovations en santé résiliente ? communauté étudiante Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC SOMMAIRE L’APRÈS-COVID : 3 LE VIRUS DE L’INNOVATION 6 COMMENT BÂTIR UNE VIE CULTURELLE RÉSILIENTE ? LA SCIENCE 8 ANS LA TÊTE D DES ÉTUDIANTS 11 L’ASSAUT DE À L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU FRONT 12 OUR NE PLUS LAISSER P PERSONNE DERRIÈRE 14 ES AÎNÉS L D’ABORD Coordination : • Marie Lambert-Chan • Valérie Reuillard Rédaction : • Maxime Bilodeau • Annie Labrecque • Martine Letarte • Charles Prémont • Fanny Rohrbacher oilà deux ans, un virus inconnu nous fai- V Direction artistique : Natacha Vincent Révision-correction : Pierre Duchesneau sait basculer dans une nouvelle réalité. Bibliothèque nationale du Canada : Dans ce monde gouverné par les me- ISSN-0021-6127 sures sanitaires, nous avons perdu nos repères et nos garde-fous. Mais les gens Comité consultatif : les plus fragilisés par la pandémie ont été Pietro-Luciano Buono, UQAR Yves Chiricota, UQAC sans contredit ceux qui se trouvent malgré Ghyslain Gagnon, ÉTS eux dans les angles morts de la société : Josée Gauthier, ENAP les aînés, les malades, les jeunes vul- Nathalie Gendron, INRS nérables, les familles à faible revenu, les Sylvie de Grosbois, UQO communautés éloignées, les travailleurs au statut précaire (comme les Louis Imbeau, UQAT artistes)… Peu de temps après l’annonce du premier confinement, des Éric Lamiot, Université TÉLUQ chercheurs étaient déjà à l’œuvre pour mesurer les effets de la crise Jean-François Millaire, UQTR sur ces populations. D’autres tentaient de mettre au point toutes sortes Jean-Pierre Richer, UQAM de solutions : des outils pour mieux traquer le virus et s’en protéger ; Josée Charest, UQ des technologies pour assurer la sécurité alimentaire ; des forma- Valérie Reuillard, UQ tions pour soutenir les enseignants dans leurs classes virtuelles ; etc. COUVERTURE ET MONTAGE : SHUTTERSTOCK.COM, NATACHA VINCENT Marie Lambert-Chan, QS Si ces idées sont nées dans l’urgence, leurs fruits seront récoltés pen- dant encore longtemps, car la recherche sera aux premières loges de la reconstruction du monde de l’après-pandémie. Dans ces pages, décou- Ce dossier est inséré dans le numéro de décembre 2021 du magazine vrez des études et des initiatives inspirantes de chercheurs qui ont les Québec Science (QS). Il a été financé par yeux rivés sur le futur. l’Université du Québec (UQ) et produit par le magazine Québec Science. Les 10 établissements du réseau de l’Université du Québec ont pour mission de faciliter l’acces- sibilité à l’enseignement universitaire, en plus de contribuer au développement scientifique du Québec et au développement de ses régions. Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
Pour la suite du monde Réjean Tremlay --- UQAR Roberto Morandotti et Tiago Falk --- INRS Gelareh Momen --- UQAC xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx LE VIRUS DE L’INNOVATION Microalgues, intelligence artificielle, biomimétisme : pour lutter contre la COVID-19, des chercheurs ont mis au point des solutions inédites qui pourront servir au-delà de la crise. Par Maxime Bilodeau chacune a un potentiel pour un large résonance magnétique nucléaire (RMN) L éventail de secteurs, dont celui de la et de la spectroscopie de masse. Ces santé », explique-t-il. algues produisent beaucoup d’acides La pandémie de COVID-19 fournit à gras, qui alimentent en quelque sorte la ce chercheur une occasion en or de faire cascade inflammatoire ; de quoi nourrir valoir son point. Depuis le printemps 2021, le « film » de l’inflammation et le voir se 3 il recourt à des molécules produites avec dérouler in vitro. « En couplant la RMN des microalgues enrichies à 99 % de car- et la spectroscopie de masse, on voit en bone 13, un isotope stable, afin de mieux haute définition la mobilisation des com- étudier les processus inflammatoires liés posés actifs lors des processus inflamma- au coronavirus. « On travaillait déjà sur toires caractéristiques de la COVID-19 », l’usage de microalgues marines enrichies précise le scientifique. L’enrichissement dans plusieurs applications. Les tester de microalgues en isotopes, qui servent sur des cellules humaines in vitro est en quelque sorte de traceurs, est assuré néanmoins un tout nouveau champ de par l’entreprise rimouskoise Iso-BioKem. recherche », confirme Réjean Tremblay. À terme, ces travaux faciliteront l’étude Les sciences de la mer, c’est plus que Les cellules en question sont situées et la mise au point de nouveaux médi- l’étude des courants marins ou des or- dans les poumons. Lorsque la COVID-19 les caments anti-inflammatoires contre la ganismes vivants qui peuplent le fond infecte, une réaction inflammatoire intense COVID-19. « La version finale de notre des océans. Réjean Tremblay en sait se met en branle, pouvant aller jusqu’à un plateforme sera prête d’ici l’été prochain, quelque chose, lui qui se consacre à la emballement anormal du système immu- si tout va bien. Dès lors, on mettra au point mise au point de biotechnologies marines nitaire. Bien qu’ils soient mieux compris, des solutions plus appliquées », prévoit à titre de professeur en écophysiologie les mécanismes biochimiques en jeu dans Réjean Tremblay. et aquaculture à l’Institut des sciences cette réponse immunitaire complexe Néanmoins, tout cela ne risque-t-il pas de la mer de l’Université du Québec à sont encore aujourd’hui à l’étude. C’est d’arriver trop tard ? « Le virus est là pour Rimouski (UQAR). « On connaît à peine là tout l’intérêt des microalgues marines de bon ; on devra apprendre à vivre avec. de 20 à 30 % des espèces de microalgues enrichies : elles permettent de percer le Diminuer les poussées inflammatoires qui existantes sur terre. Chacune est en mystère de ce qui se passe à l’intérieur lui sont attribuables sera encore pertinent soi une petite usine à biomolécules ; de cultures cellulaires avec l’aide de la dans plusieurs années », avance-t-il. Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC artificielle (IA) permet de traiter toutes mentaires de la lumière — est, pour sa 4 TOUSSEZ ! sortes de choses, y compris les biomar- part, doté d’une vitesse de transmission De la même manière, il faudra conti- queurs vocaux et les modifications des de données inégalée. En l’intégrant à de nuer à traquer le SRAS-CoV-2, le virus sons respiratoires. On pense qu’elle l’électronique, on améliore grandement à l’origine de cette pandémie dont on est capable de capter des patrons qui la capacité de traitement de masses se souviendra longtemps. À l’heure échappent à notre oreille », affirme considérables d’informations, comme actuelle, le dépistage de la COVID-19 Roberto Morandotti, qui mène ce pro- des voix humaines. » Ce tour de passe- se fait principalement par prélèvement jet en collaboration avec son collègue passe permet au tandem d’« entraîner » d’un échantillon au fond de la gorge et Tiago Falk. leur plateforme d’IA à grand renfort du nez qui est ensuite analysé en labo- Afin de valider cette hypothèse, les de centaines d’échantillons de voix de ratoire. Or, s’il n’en tenait qu’à Roberto IMAGES : SHUTTERSTOCK.COM, CHRISTIAN FLEURY ; ILLUSTRATION : NATACHA VINCENT chercheurs développent une plateforme gens atteints ou non de la COVID-19 Morandotti, professeur et chercheur d’IA pour l’analyse automatisée de la sans qu’elle soit submergée par la tâche. au Centre Énergie Matériaux Télécom- voix qui s’inspire des réseaux neuronaux Au moment d’écrire ces lignes, à la munications de l’Institut national de qu’on trouve dans le cerveau. Sa par- mi-octobre, les chercheurs en étaient la recherche scientifique (INRS), une ticularité : elle utilise des composants à étalonner adéquatement leur base de simple analyse du son de la toux d’une photoniques intégrés. « La microélec- données, une étape cruciale pour le bon personne potentiellement infectée tronique se heurte de plus en plus aux fonctionnement des techniques d’IA. pourrait bientôt suffire. limitations du signal électrique. C’est Dans leur esprit, le succès futur de leur En soi, la reconnaissance vocale ce qui explique que les performances plateforme d’analyse ne fait toutefois n’est pas révolutionnaire ; après tout, des ordinateurs modernes tendent à aucun doute, COVID-19 ou non. « Notre plusieurs assistants personnels intelli- plafonner : on ne peut plus optimiser le appareil vocal vibre différemment si on gents, notamment Alexa, Siri et Cortana, signal électrique », fait valoir le titulaire est atteint d’un cancer du poumon plutôt sont capables de reconnaître la voix de la Chaire de recherche du Canada que d’un simple rhume. Chaque maladie humaine depuis plusieurs années déjà. en photonique intelligente. respiratoire est dotée de sa signature Pareil exploit peut cependant profiter Il enchaîne : « Le signal optique à propre ; un peu comme une guitare, en au milieu de la santé. « L’intelligence base de photons — les particules élé- somme », illustre Roberto Morandotti. Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
Pour la suite du monde Roberto Morandotti, professeur et chercheur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS Gelareh Momen étudie depuis plusieurs sont au rendez-vous. Une fois vapo- L’EFFET LOTUS années comment modifier les proprié- risée sur une surface contaminée et Penser au-delà de la COVID-19 : c’est ce que font aussi Gelareh Momen et son col- tés de matériaux pour leur permettre séchée (un processus qui prend de 5 à 5 lègue Reza Jafari, tous deux professeurs d’accomplir des tâches précises, par 10 minutes), la solution tue 99,9 % des et chercheurs à l’Université du Québec à exemple se réparer, résister au gel ou se virus qui s’y trouvent. Mieux encore : Chicoutimi (UQAC). Elle et lui ont mis au nettoyer. Son approche s’ancre dans le l’efficacité s’étend sur « plusieurs mois », point un revêtement antiseptique efficace biomimétisme, c’est-à-dire le fait d’imiter aux dires de Gelareh Momen. pour repousser le HCoV-OC43, un coro- le vivant pour trouver des solutions ap- En théorie, cet extraordinaire navirus qui s’apparente au SRAS-CoV-2. plicables aux humains. « Dans ce cas-ci, « pouche-pouche » — qui peut aussi Le duo a entrepris ces travaux dans les nous nous sommes inspirés de la feuille être appliqué au pinceau — serait à premiers mois de la pandémie, au moment de lotus, qui est extrêmement difficile à même de signer l’arrêt de mort des fo- où l’on pensait encore que le virus de la mouiller : quand l’eau tombe dessus, elle mites. « Nous pensons que les milieux COVID-19 se propageait par les surfaces balaie les saletés, et la surface demeure hospitaliers seront intéressés par nos contaminées, aussi appelées fomites. sèche. Il se passe exactement la même résultats. Notre revêtement a en plus Depuis, plusieurs études ont démontré chose avec notre revêtement », dit la comme avantage d’être transparent et que le SRAS-CoV-2 se transmettait prin- scientifique avec enthousiasme. d’adhérer à diverses surfaces, du bois cipalement par des gouttelettes respira- Concrètement, l’équipe de cher- au métal en passant par le plastique toires émises par les personnes infectées. cheurs a mis au point un revêtement et même les textiles », énumère la N’empêche, les fomites font la vie dure à pulvériser constitué d’un mince film professeure-chercheuse. Imaginez : aux humains : d’autres virus, comme la de biopolymère qui a subi diverses pénétrer dans une salle d’attente sans grippe et la gastroentérite, circulent en transformations chimiques pour de- avoir à craindre d’en ressortir avec une partie par leur intermédiaire. venir antiviral. Et de quel ordre sont vilaine infection chopée sur une surface À titre de responsable du Laboratoire ces modifications ? Impossible de le quelconque... et, surtout, sans avoir à sur les revêtements glaciophobes et savoir : la technologie est en cours de se badigeonner de gel hydroalcoolique l’ingénierie des surfaces de l’UQAC, brevetage. Cela étant dit, les résultats avant et après. Le rêve, quoi ! ● Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC COMMENT BÂTIR UNE VIE CULTURELLE RÉSILIENTE ? Les industries culturelles sortent meurtries des longs mois de confinement. Certaines études montrent toutefois qu’il existe des pistes de solution pour mieux soutenir nos artistes en temps de crise. Par Charles Prémont S Ironiquement, la pandémie a aussi sou- « Ces pratiques sont ancrées dans ligné à quel point les arts sont importants des habitudes, explique Hervé Guay. dans notre société. Quelles leçons peut-on Ce sont des choses que les gens aiment tirer de cette crise ? Des universitaires faire, qu’ils aiment répéter. » Il poursuit : ont multiplié les études pour trouver des « [Les événements culturels] sont des réponses… et rassurer les artistes. moments exceptionnels qui rythment 6 Les arts sont parfois perçus comme un la vie et lui donnent un sens. Quand on luxe superflu. Aussi, une inquiétude des soustrait ces activités, comme ce fut le professionnels des industries culturelles cas pendant les confinements, on peut était de savoir si les gens reviendraient en penser que les gens en souffrent d’une salle lorsqu’ils y seraient autorisés. Or cette certaine manière. » préoccupation s’est avérée infondée : dès Cet attachement à la culture fait en la réouverture de ces établissements, en sorte que les amateurs ont été enclins juin 2020, les amateurs se sont empressés à soutenir leurs organismes culturels d’acheter des billets — et ce, malgré les pendant la crise. « La pandémie a mis restrictions sanitaires. en lumière cette idée de communauté Salles fermées, représentations annu- Une hypothèse pour expliquer ce phé- de proximité. Ces gens tiennent à ce que lées, billets à rembourser, prestations nomène : la vie culturelle est liée à l’intimité la vie culturelle continue ; c’est sur ces déplacées en ligne (et organisées parfois des gens qui y participent. Hervé Guay, personnes qu’il faut compter dans les IMAGES : SHUTTERSTOCK.COM ; ILLUSTRATION : NATACHA VINCENT avec les moyens du bord) : la pandémie professeur au Département de lettres et moments difficiles », indique Hervé Guay. a frappé le secteur culturel de plein communication sociale de l’Université du Il cite en exemple les théâtres qui ont Québec à Trois-Rivières (UQTR), a supervisé demandé à leurs détenteurs de billets fouet. Selon les données de Statistique une enquête intitulée Publics québécois de ne pas exiger de remboursement. La Canada, au premier trimestre de 2021, des arts de la scène : portrait de groupe campagne, nommée #billetsolidaire, a le produit intérieur brut (PIB) des arts pendant et après l’épidémie de COVID-19 à connu un grand succès, selon lui. de la scène était de 62,9 % sous la barre Montréal et en région. Grâce à un sondage La robustesse des organismes cultu- de ce qu’il était avant l’arrivée de la mené auprès de 2 000 spectateurs et à des rels semble bel et bien passer par la COVID-19. D’aucuns prédisent que groupes de discussion, les chercheurs ont connivence que ceux-ci développent les répercussions des confinements conclu que ces personnes sont très attachées avec leur public, confirme l’étude Les sur cette industrie se feront sentir de aux rituels qu’elles se construisent grâce effets de la pandémie [de] COVID-19 longues années. aux événements culturels. sur la vitalité culturelle du Quartier des Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
Pour la suite du monde spectacles à Montréal. Cette recherche, retombées positives qu’a également menée conjointement par l’organisme à L’ACCESSIBILITÉ, LA GRANDE OUBLIÉE identifiées Wilfredo Angulo Baudin au Avec le concours de l’organisme but non lucratif Synapse C et l’Univer- cours de ses recherches : « Il y a eu une Culture Outaouais, Julie Bérubé, pro- sité du Québec à Montréal (UQAM), a plus grande diffusion culturelle auprès fesseure au Département des sciences montré que le sentiment d’appartenance des citoyens, confirme-t-il. Alléger la administratives de l’Université du Québec à la vie culturelle d’un secteur peut charge de la pandémie grâce à la culture, en Outaouais (UQO), a étudié les effets favoriser la résilience des organismes ç’a été un peu comme un remède. Il y a de la pandémie sur les modèles et les qui s’y trouvent. eu une augmentation de l’intérêt pour 7 pratiques artistiques dans cette région. Les données recueillies révèlent que, les produits culturels locaux. » paradoxalement, les gens qui vivent au- Surprise : malgré les répercussions dé- Néanmoins, même lorsque la pandémie tour du Quartier des spectacles voient vastatrices de la COVID-19 sur le secteur, sera chose du passé, il faudra poursuivre ce lieu d’un œil très positif, tandis que certaines retombées positives seraient les efforts pour rendre la culture plus ceux qui y résident, un peu moins. « Si déjà identifiables. accessible, selon M me Bérubé. « Par ce sentiment d’appartenance est faible, La crise aurait favorisé l’émergence exemple, le Conservatoire [de musique les possibilités pour les organismes d’un nouveau public grâce à une meil- de Gatineau] s’est aperçu que certains de survivre à la pandémie s’éloignent leure accessibilité. Les arts ont dû sortir spectateurs ne venaient pas en salle, mais un peu », explique Wilfredo Angulo de leurs murs et trouver d’autres façons qu’ils affectionnaient les performances en Baudin, stagiaire postdoctoral et res- d’être vus et entendus, ce qui aurait ligne. Aujourd’hui, il considère offrir des ponsable de l’étude. « [Lors d’une crise contribué à la découverte des artistes. concerts hybrides, à la fois en présentiel sanitaire,] les acteurs culturels se re- En s’extirpant de leurs réseaux tradition- et en ligne, pour permettre à ces gens de trouvent seuls, comme dans un désert, nels, ces derniers ont établi un premier profiter de la musique même s’ils ne se compare-t-il. Il faut construire un sen- contact avec de nouveaux spectateurs. déplacent pas. » timent d’appartenance plus fluide entre « La diffusion de l’art a été beaucoup Grâce à l’expérience acquise, il y a ce qui se fait sur le plan culturel dans le plus large qu’à l’habitude, indique Julie fort à parier que le secteur saurait réagir quartier et ses résidents, parce que ce Bérubé. Il y a eu, bien sûr, des prestations plus rapidement si un événement de force sont eux qui vont défendre leurs orga- grâce aux technologies numériques, majeure obligeait les salles à fermer. nismes. Ailleurs à Montréal, on a observé mais aussi des expositions à l’extérieur Toutefois, il ne faut pas se leurrer : « Pour un certain dynamisme culturel, et cela ou en vitrine. Cela a permis à des gens le spectacle vivant, les crises sanitaires est attribuable aux habitants qui se sont intimidés à l’idée d’entrer dans une galerie seront toujours difficiles, puisque ce sont impliqués ; c’est quelque chose à bâtir ou une salle de concert de développer des arts qui sont basés sur la rencontre », afin que la culture soit plus durable. » leur curiosité par rapport à l’art. » Des rappelle Hervé Guay. ● Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC DANS LA TÊTE DES ÉTUDIANTS La santé mentale des étudiants universitaires s’est détériorée depuis le début de la pandémie. De quelle façon peut-on garder ces apprenants motivés ? Par Martine Letarte C humaines et sociales de l’Université du de façon significative au cours de la Québec à Chicoutimi (UQAC). Celle qui crise, d’un temps de mesure à l’autre », est aussi travailleuse sociale a sondé en observe Christiane Bergeron-Leclerc, moyenne plus de 1 200 étudiants dans qui poursuivra son étude au moins le réseau de l’Université du Québec et à jusqu’en 2022. Polytechnique Montréal à trois reprises En revanche, ses recherches montrent 8 depuis le début de la pandémie. une diminution notable des manifesta- Les résultats sont sans équivoque tions associées au trouble de stress post- et illustrent l’aggravation de l’état de traumatique, qui, elles, ont passé de 34 % en ces personnes au fil des vagues de la avril 2020 à 24 % cette année. « Ces données pandémie. En avril 2020, près de 51 % confirment que la pandémie et le confine- des étudiants éprouvaient d’importantes ment sont des événements potentiellement manifestations d’anxiété ; cette propor- traumatiques, indique la chercheuse. Néan- tion a augmenté à 67 % un an plus tard. moins, on a observé une diminution de ces Au cours de la même période, ceux qui manifestations dans le temps, ce qui montre IMAGES : SHUTTERSTOCK.COM, UNIVERSITÉ TÉLUQ ; ILLUSTRATION : NATACHA VINCENT rapportaient des symptômes de dépres- qu’il y a eu une forme d’adaptation. » Confinés devant leur écran, privés qu’ils sion se sont aussi faits plus nombreux, Son équipe amorce maintenant une étaient de l’énergie du campus, des passant de près de 55 % à plus de 69 %. collecte de données auprès des étu- contacts avec leurs camarades de classe Cela étant dit, la situation n’était pas diants pour savoir ce dont ils aimeraient et des soirées festives avec les amis, rose avant la pandémie : 58 % des 24 000 bénéficier comme mesures d’accom- étudiants universitaires québécois son- pagnement. « Mais déjà, on sait que des les étudiants universitaires ont trouvé dés dans 14 établissements présentaient stratégies de promotion et de prévention la dernière année scolaire longue, très un niveau de détresse psychologique en santé mentale sont importantes, dit longue. Et leur santé mentale n’en est élevé, d’après l’enquête Sous ta façade, M me Bergeron-Leclerc. Les pratiques pas sortie indemne : en avril dernier, réalisée à l’automne 2018 par l’Union de soutien par les pairs me paraissent près de 70 % d’entre eux rapportaient étudiante du Québec. aussi une avenue pertinente. Et, dans qu’ils vivaient de la détresse psycho- « Tout de même, la détresse psy- une perspective systémique, si l’on veut logique. Cette donnée est tirée d’une chologique — c’est-à-dire les gens qui soutenir les étudiants, il faut aussi réflé- étude longitudinale menée par l’équipe vivent des symptômes apparentés à chir à la manière de soutenir les employés de Christiane Bergeron-Leclerc, pro- la dépression majeure et au trouble de l’université » (voyez l’encadré à la page fesseure au Département des sciences d’anxiété généralisée — a augmenté suivante). Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
Pour la suite du monde Cathia Papi, professeure spécialisée en enseignement à distance au Département MAÎTRISER L’ÉCOLE VIRTUELLE Éducation de l’Université TÉLUQ Il est vrai que si les étudiants ont pu s’adapter, ce n’est pas étranger à la façon dont le personnel de l’éducation s’est ajusté rapidement à l’enseignement à distance. Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a d’ailleurs 9 voulu le soutenir dans ce virage majeur. Cathia Papi, professeure spécialisée en enseignement à distance au Département QU’EN EST-IL DES PROFS ? Éducation de l’Université TÉLUQ, a été chargée de créer une formation pour les enseignants du préscolaire, du primaire, Si les étudiants universitaires vont plutôt mal, comment se portent leurs professeurs et les du secondaire et du collégial, ainsi que chargés de cours ? « Nous nous sommes intéressés à ce sujet puisqu’il va de pair avec celui pour les professeurs et chargés de cours de la santé mentale des étudiants : les enseignants qui se portent bien peuvent contaminer à l’université. C’est ainsi qu’est née J’en- positivement le bien-être des étudiants et vice-versa », affirme Christiane Bergeron-Leclerc, seigne à distance, une formation offerte de l’UQAC. gratuitement qui a été regardée par plus Les résultats de son étude montrent que ces professionnels s’en sortent mieux que les de 221 500 utilisateurs dans 178 pays, dont étudiants. Environ 40 % des enseignants ont atteint les seuils cliniques pour le trouble d’anxiété généralisée et le trouble dépressif majeur depuis le début de la pandémie. « Il 86 % sont des Canadiens. « On est très ne faut toutefois pas minimiser la détresse qu’ils ont vécue, prévient la chercheuse. La contents d’avoir pu aider des enseignants surcharge de travail a été réelle. Il y a eu beaucoup de départs anticipés à la retraite et de à l’extérieur de la province ; on est tous congés de maladie. Et plusieurs couples ont éclaté. » dans le même bateau », souligne Mme Papi. Néanmoins, Christiane Bergeron-Leclerc est convaincue que si les professeurs et les chargés En effet, si certains ont adopté l’en- de cours s’en tirent mieux, c’est parce qu’ils n’en sont pas à la même étape dans leur vie seignement virtuel, d’autres ont eu du que les étudiants. Ces derniers sont en transition vers la vie adulte. « C’est une période re- mal à se familiariser avec ce nouvel connue pour créer des vulnérabilités », fait valoir la professeure. « Les enseignants ont atteint environnement, et ce, même si les outils un moment de leur vie où ils jouissent d’un certain confort matériel et, dans bien des cas, technologiques n’avaient pas de secret d’une sécurité d’emploi. Avant la pandémie, plusieurs étaient déjà habitués à faire du télétra- vail. Même si la situation est difficile, ils sont motivés pour faire de leur mieux afin que leurs pour eux. « Maîtriser une plateforme ne étudiants ne soient pas pénalisés par la crise », conclut-elle. fait pas nécessairement de vous un bon Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC pédagogue à distance », fait remarquer bien que les autres, précise Cathia Papi. la spécialiste. L’autonomie que procure l’enseignement à Pour y arriver, l’enseignant doit prendre distance est avantageuse pour plusieurs. » en considération plusieurs paramètres. Par exemple, dans le monde réel, les étudiants LES INSCRIPTIONS EN HAUSSE ont le temps de faire connaissance avant D’ailleurs, les inscriptions de citoyens que la classe commence. Sur Zoom, tous canadiens ont augmenté de 4 % dans les sont catapultés ensemble en un clic et se universités québécoises entre la rentrée voient ainsi pour la première fois. Bonjour automnale de 2019 et celle de 2020. C’est l’ambiance ! « L’enseignant doit d’abord le cas surtout chez les 25 ans et plus, qui créer des activités “brise-glace”, suggère semblent avoir profité de la crise sanitaire Cathia Papi. Puis, s’il demande aux étu- pour retourner aux études. Entre septembre diants de travailler en groupe, il doit être 2019 et septembre 2020 — au moment là pour les guider. Il doit aussi alterner le où l’on parlait du spectre de la deuxième travail de groupe et individuel. » vague —, les inscriptions dans ce groupe « À distance, c’est Il faut aussi se questionner sur l’utili- d’âge ont augmenté de 6,6 %. Chez les sation à bon escient du temps de cours. 24 ans et moins, l’augmentation est de 1,7 %. très facile de perdre « On ne peut pas donner son cours de Cependant, la situation est bien dif- trois heures sur Zoom comme on le ferait férente du côté des étudiants étrangers : [des étudiants]. en présentiel, affirme Mme Papi. Ce serait plusieurs d’entre eux n’ont pu venir ou res- trop horrible pour les pauvres étudiants, ter au Canada en raison des déplacements En les contactant qui devraient regarder quelqu’un parler internationaux limités, et parfois même à l’écran pendant six heures dans leur interdits. « On parle d’une baisse de près fréquemment, il est de 20 % entre 2019 et 2020, alors qu’on sait journée s’ils enlignent deux cours de suite ! La fatigue visuelle est à prendre en que ces étudiants sont vitaux sur le plan possible d’arriver à financier pour les universités québécoises », les raccrocher avant 10 considération. » Elle conseille plutôt de concevoir l’enseignement en variant les explique Pierre Doray, professeur au activités, comme la lecture d’un texte, une discussion de groupe ou un travail d’équipe Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). qu’ils n’abandonnent avec l’appui ponctuel de l’enseignant. L’accompagnement des étudiants est Au cours des prochains mois, le cher- cheur s’intéressera à l’expérience vécue complètement. » d’ailleurs capital lorsque tout se fait à par les étudiants pendant la pandémie : – Cathia Papi, distance. « L’enseignant doit être proactif « On réalisera des entretiens avec des professeure à l’Université TÉLUQ pour garder ses étudiants motivés, ajoute étudiants de différents programmes et la professeure. Il est essentiel qu’il fasse on fera des enquêtes auprès des établis- beaucoup de rétroaction, la plus positive sements pour examiner de plus près les que possible. Il ne doit pas laisser passer mesures mises en place pour s’ajuster 10 jours sans avoir de nouvelles de ses et aider les étudiants. Ainsi, on pourra IMAGES : SHUTTERSTOCK.COM ; ILLUSTRATION : NATACHA VINCENT étudiants. » Elle poursuit : « À distance, c’est évaluer leurs effets sur le parcours des très facile de les perdre. En les contactant étudiants. » fréquemment, il est possible d’arriver à Enfin, le chercheur continuera de les raccrocher avant qu’ils n’abandonnent surveiller les données liées aux inscrip- complètement. » tions pour voir si elles se maintiendront. En fin de compte, si l’école virtuelle « Lorsque les effets de la pandémie et n’est pas au goût de tout le monde, elle des restrictions sanitaires s’allégeront, fonctionne bien pour plusieurs. « En est-ce que les universités auront acquis formation à distance, le taux d’abandon une forme de souplesse pour permettre était supérieur à celui du présentiel bien aux gens qui sont retournés au bureau de avant la pandémie, mais ceux qu’on réussit continuer d’étudier afin d’aller chercher à accrocher à distance réussissent aussi leur diplôme ? Ce sera à voir. » ● Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
Pour la suite du monde À L’ASSAUT DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE Un projet de serres communautaires pourrait aider les résidents des quartiers défavorisés à se nourrir. Par Annie Labrecque u tout début de la logique de la chose, comme l’efficacité et comprendre comment ils participeront au A pandémie, plusieurs énergétique des futures serres. projet », insiste Nathan McClintock. ont redouté qu’une Si une serre urbaine peut devenir un faille survienne dans LE COUP DE POUCE VERT moteur de changement dans un quar- l’approvisionnement Les chercheurs le soulignent d’emblée : tier, encore faut-il qu’elle soit placée en nourriture. Pen- l’idée n’est pas de construire une serre de A au bon endroit. « Il faut faire attention dant cette période à Z, mais bien de proposer aux communau- pour éviter l’“embourgeoisement vert”, incertaine, Nathan tés une sorte de boîte à outils qui aidera à avertit le professeur. C’est un phénomène McClintock, professeur et chercheur en implanter l’agriculture de proximité dans un qui survient lorsque les aménagements géographie au Centre Urbanisation Culture paysage urbain où l’espace est souvent limité. écologiques sont rassemblés dans les Société de l’Institut national de la recherche « On veut stimuler l’agriculture urbaine, quartiers en transition et attirent des scientifique (INRS), cherchait une façon d’ai- tout en facilitant l’accès à la technologie classes de personnes plus aisées à la der les résidents des quartiers défavorisés de aux groupes de citoyens. Pour ce faire, recherche de ces commodités. » Montréal à obtenir des fruits et légumes frais. on souhaite leur offrir des solutions de Pour le moment, le projet en est en- 11 « Les quartiers à faible revenu, où vivent rechange économiques et accessibles sur core à ses débuts, mais il arrive à point souvent les communautés multiethniques, ont le plan technique pour leur permettre, par nommé. « On sent un vent d’enthou- été touchés plus durement par la COVID-19 exemple, de prolonger la saison de culture siasme envers l’agriculture urbaine », et par l’insécurité alimentaire », observe-t-il. ou de diminuer la consommation énergétique remarque M. McClintock, qui ajoute : « Il Selon une enquête réalisée par l’Institut des serres », explique Jasmin Raymond. y a eu de nouveaux fonds créés par le universitaire SHERPA du Centre intégré L’équipe peut ainsi conseiller d’isoler le mur gouvernement québécois pour soutenir universitaire de santé et de services so- nord de la serre pour réduire la dépense la production en serre. » De son côté, ciaux (CIUSSS) du Centre-Ouest-de-l’Île-de- énergétique, ou encore de transformer un la Ville de Montréal a l’objectif ambi- Montréal, les intervenants sur le terrain ont abri d’auto temporaire de type Tempo… en serre géothermique ! Ce n’est pas une tieux d’augmenter de 33 % la superficie constaté qu’au cours du printemps 2020, « le nombre de personnes ayant recours solution « sexy », comme le fait remarquer consacrée à l’agriculture urbaine. Son aux banques alimentaires aurait triplé » Nathan McClintock, mais plusieurs orga- plan inclut entre autres des espaces dans ces quartiers défavorisés et que ces nismes communautaires n’ont pas le luxe de pour des serres ainsi que d’autres types organismes peinaient à combler les besoins construire une serre qui coûte des millions d’aménagements (arbres fruitiers, jardins de la population locale. de dollars. « Cela dit, peut-être que la serre collectifs, petits élevages, etc.). Nathan McClintock a uni son expertise “Tempo” offrira des avantages semblables à L’équipe de l’INRS s’affaire à dresser à celle du professeur à l’INRS Jasmin ceux d’une serre plus coûteuse et permettra l’inventaire des serres existantes et des Raymond, spécialisé en énergie géother- de produire des fruits et des légumes toute quartiers de Montréal qui pourraient en mique, pour mettre sur pied CommunoSerre, l’année ! » avance-t-il, enthousiaste. accueillir d’autres à venir. Les chercheurs un projet de serres urbaines. Le premier Avant tout, les chercheurs souhaitent que recueilleront ensuite les opinions des étudie les défis sociaux soulevés par l’inté- les citoyens s’approprient la serre de leur citoyens, qui, espèrent-ils, seront inspirés gration de serres en milieu urbain, tandis que quartier. « On doit vraiment penser aux aspi- par CommunoSerre. ● le second s’occupe plutôt de l’aspect techno- rations des habitants des quartiers touchés Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC POUR NE PLUS LAISSER PERSONNE DERRIÈRE La crise sanitaire a exacerbé les inégalités sociales. Aujourd’hui, les chercheurs retroussent leurs manches pour que certains groupes ne demeurent plus dans les angles morts de la société. Par Fanny Rohrbacher Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du TENDRE LA MAIN À LA RÉSEAU VOLANT : 1 JEUNESSE VULNÉRABLE Québec (CRJ). Les confinements à répétition ont isolé davantage ces adolescents — «même 2 DU NUMÉRIQUE POUR TOUS Certains sont placés sous la pro- Depuis près de deux ans, nos vies s’ils nous disent être isolés tout le temps », tection de la jeunesse. D’autres vivent dans se déroulent largement en ligne : télétravail, expose-t-il — et compliqué leurs conditions la rue. D’autres encore ont des problèmes télémédecine, congrès virtuels, apéros de vie. Par exemple, il leur était impossible de consommation de drogue ou sont sous- Zoom… Pour beaucoup de gens, il suffit d’accéder aux restaurants et aux boutiques, scolarisés. Dans tous les cas, ces adolescents de quelques clics pour accéder à Internet. 12 où plusieurs occupent de petits boulots. sont vulnérables. Et au cours des derniers Cependant, pour les communautés isolées, Selon Martin Goyette, il y a du chemin mois, nombre d’entre eux ont demandé de on parle d’un parcours du combattant. l’aide... mais peu ont reçu le coup de main à faire pour aider cette population. Bien Georges Kaddoum, professeur-chercheur attendu. Qui plus est, près de la moitié sûr, il importe de revoir l’accessibilité au Département de génie électrique de l’École de ceux qui se sont retrouvés dans cette aux services, tout comme les pratiques de technologie supérieure (ÉTS), souhaite situation étaient déjà dans un état fragile : d’intervention, et d’assurer un lien au connecter ces déserts numériques en s’ap- ils avaient connu un problème de santé moment du passage à l’âge adulte. « Il puyant sur des drones-antennes équipés de mentale l’année précédente. Voilà l’un des faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de bris technologies avancées de télécommunications tristes constats tirés des travaux de Martin de service à l’âge de 18 ans. Souvent, les appelés Flying Ad-Hoc Networks (FANET). Goyette, professeur à l’École nationale jeunes Autochtones, ceux issus de com- Ces engins à hélices, qui ont la taille d’administration publique (ENAP), qui munautés culturelles et ceux qui quittent d’une table de salle à manger et pèsent préside un groupe d’experts mandaté par les centres jeunesse ont déjà vécu un quelques dizaines de kilogrammes, se cumul de ruptures. Ils ont des besoins IMAGES : SHUTTERSTOCK.COM, ÉTS ; ILLUSTRATION : NATACHA VINCENT le gouvernement du Québec pour étudier déploieraient dans le ciel afin de relayer comment ces jeunes ont été soutenus durant particuliers », observe-t-il. l’information numérique jusqu’à des en- la crise sanitaire. Or, comment mieux les protéger lorsque droits difficilement accessibles. « L’idée, Au plus creux de cette dernière, plusieurs l’ensemble du système sociosanitaire et de c’est de créer une troisième dimension : une ados vulnérables ont ainsi fait face à un l’éducation est hyper saturé ? Le chercheur station volante où l’utilisateur pourra se immense vide. « Les services sociaux institu- mise sur l’aide offerte par d’autres jeunes connecter », illustre Georges Kaddoum. Les tionnels et de la jeunesse ont été délestés pour ayant eu un parcours similaire. « Lors- connexions seraient plus rapides puisque envoyer des intervenants sur la ligne de front qu’une personne a connu des difficultés le drone volerait seulement à quelques mil- [dans les hôpitaux] », regrette le chercheur, et qu’elle s’en est sortie, elle a du recul et liers de kilomètres au-dessus de la Terre ; qui dirige aussi la Chaire de recherche sur est en mesure d’offrir du soutien à ceux le message parcourrait donc une distance l’évaluation des actions publiques à l’égard qui sont dans la même situation. Il faut moindre que vers un satellite. des jeunes et des populations vulnérables que les jeunes deviennent des acteurs de Combien de drones seraient-ils né- (CREVAJ) et le volet Santé et Bien-être de la l’intervention sociale », estime-t-il. cessaires pour un village éloigné ? Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
Pour la suite du monde Georges Kaddoum, professeur-chercheur au Département de génie électrique de l’ÉTS « Globalement, on pourrait en connecter l’accès au soutien et aux thérapies, essen- nuance-t-elle. Les groupes d’entraide en ligne quelques dizaines à une centaine de per- tiels pour maintenir leur qualité de vie. mis en place pendant la crise ont, quant à sonnes, en fonction de leurs besoins, de la Considérée à tort comme un symptôme, eux, déjà brisé les barrières en offrant aux technologie et des fréquences utilisées », la douleur chronique est une maladie patients des régions éloignées ou à ceux envisage le chercheur. réelle qui dure plus de trois mois. « Elle est qui sont trop souffrants un meilleur accès Chose certaine, il y a des leçons à basée sur la durée, mais elle englobe plein à des rencontres en personne. tirer de la pandémie, de l’avis de Georges de maux, explique Mme Lacasse. Les plus « La pandémie a offert des solutions Kaddoum : « C’est grâce aux réseaux de communs sont la lombalgie, l’arthrite, la inattendues. Elles devraient rester », espère télécommunications si notre économie fibromyalgie et les douleurs abdominales Anaïs Lacasse. Plusieurs personnes risquent a continué de fonctionner. C’est le temps chroniques. » d’en avoir besoin : d’un côté, les patients 13 d’investir et d’être proactif, car on ne sait Ses travaux montrent que plusieurs dont les conditions dépérissent alors que pas quand la prochaine crise frappera. Ces patients ont augmenté leur consommation la pandémie s’éternise ; de l’autre, tous technologies vont retailler notre futur ; les d’opioïdes, de cannabis et d’alcool depuis les rescapés de la COVID-19 qui doivent pays qui auront les meilleures télécommu- le début de la pandémie. « Ces malades composer… avec la douleur chronique. nications gagneront la bataille économique ont pris les moyens du bord pour soulager D’où l’urgence de mieux soutenir ces ma- de demain. » leurs douleurs, analyse la professeure. Il lades en allégeant leur fardeau pour lequel, faut que les professionnels de la santé malheureusement, il n’existe pas de pilule PAS DE PAUSE POUR LA 3 DOULEUR CHRONIQUE soient à l’affût des conséquences. » Or, comment faire lorsque les ressources miracle. ● La crise sanitaire a exacerbé les sont difficilement accessibles, comme ce tourments des personnes qui sont aux fut le cas pendant les confinements — et prises avec la douleur chronique, dont même encore aujourd’hui, alors que les listes « La pandémie a souffre un Québécois sur cinq. C’est d’attente ne cessent de s’allonger ? Anaïs ce qu’a mis en relief une étude publiée Lacasse fonde des espoirs sur l’autogestion offert des solutions dans PAIN Reports et menée par Anaïs en ligne, c’est-à-dire des programmes virtuels Lacasse, professeure en sciences de interactifs qui permettent aux patients de inattendues. Elles la santé à l’Université du Québec en se fixer des objectifs et de participer à des Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Presque ateliers, selon leurs besoins et leurs moyens. devraient rester. » 40 % des malades médicamentés ont « C’est important de combiner les approches – Anaïs Lacasse, professeure à l’UQAT rapporté des changements dans leurs physiques et psychologiques, mais cela né- traitements, puisque les perturbations des cessite pour chaque patient de s’impliquer soins et des services de santé ont réduit activement dans la gestion de sa maladie », Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
LA RECHERCHE DANS LE RÉSEAU DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC LES AÎNÉS D’ABORD De toutes les tranches de la population, ce sont peut-être les personnes aînées qui ont le plus souffert lors de la pandémie de COVID-19. « Plus jamais ! » se sont écriés des chercheurs de différents horizons. Par Maxime Bilodeau sources intermédiaires. Au total, plus de et visière ainsi que pour se laver les mains M 5 000 personnes aînées y sont décédées est-il bien investi ? Il s’intéresse en outre lors de la première vague. aux facteurs qui expliquent les variations « « La prévention est le parent pauvre de la santé ; on le sait et on le répète depuis la parution du rapport Aucoin [sur la prévention et le contrôle des infections de performance entre les CHSLD. Pour rappel : certains établissements — comme celui de Herron, à Dorval — ont été frap- pés de plein fouet par le virus, alors que nosocomiales], en 2005. Le problème, d’autres ont été quasiment épargnés. c’est qu’on ne dispose pas de données Bien qu’il soit toujours en cours, ce 14 pour confirmer l’efficacité à court, moyen vaste chantier révèle déjà ses premiers et long terme de programmes de santé résultats. Par exemple, Éric Tchouaket publique », se désole Éric Tchouaket, a calculé qu’investir en prévention et en professeur au Département des sciences contrôle des infections dans des unités infirmières de l’Université du Québec de soins d’un établissement de santé en Outaouais (UQO). Maintes études standard s’avère très rentable. « On parle montrent pourtant que le rendement de d’économies de l’ordre de plusieurs mil- « Mieux vaut prévenir que guérir » est un l’investissement se chiffre en dizaines, lions de dollars par rapport au statu quo », adage qui ne transparaît pas dans les budgets voire en centaines de dollars pour chaque révèle-t-il. Autre constat : les CHSLD qui en santé au Québec. La prévention accapare dollar investi dans ce poste. « Le coût ont le mieux tiré leur épingle du jeu lors bon an mal an un infime pourcentage des humain, matériel et technologique de la de la pandémie sont ceux où l’accès aux dépenses totales du réseau de la santé et des prévention est assez peu élevé. Moins, en ressources (matérielles, humaines, etc.) IMAGES : SHUTTERSTOCK.COM, UQTR ; ILLUSTRATION : NATACHA VINCENT tout cas, que de réparer les pots cassés », ne constituait pas un problème. « C’est ce services sociaux. En avril 2021, un rapport estime le chercheur. qui explique pourquoi la première vague du Centre interuniversitaire de recherche Pour le prouver, cet économiste de la a été aussi meurtrière dans les CHSLD en analyse des organisations (CIRANO) santé calcule les rapports coûts-bénéfices par rapport aux vagues subséquentes. confirmait d’ailleurs que la santé publique de diverses initiatives de santé publique Le gouvernement a investi entre-temps souffre de sous-financement chronique mises en place dans les centres hospita- dans ces établissements », souligne le depuis plusieurs années. Et lorsque la liers et les CHSLD depuis le début de la professeur. pandémie de COVID-19 a frappé, ce qui pandémie. Les questions qu’il se pose sont devait arriver arriva : ces lacunes ont pour le moins pointues : combien coûte UN QUOTIDIEN BOUSCULÉ plombé le bilan du Québec, surtout dans chaque hospitalisation évitée ? Un résident Il importe néanmoins de porter son les centres d’hébergement et de soins de en perte d’autonomie qui maintient sa regard au-delà de ce « mastodonte » qu’est longue durée (CHSLD), dans les résidences qualité de vie, qu’est-ce que ça vaut ? Le le système de santé pour constater à quel privées pour aînés (RPA) et dans les res- temps requis pour enfiler masque, blouse point la pandémie a affecté le bien-être des Encart produit par le magazine Québec Science, édition décembre 2021 et financé par l’Université du Québec
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