La réindustrialisation de la France doit devenir une priorité nationale - 15 propositions

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La réindustrialisation de la France doit devenir une priorité nationale - 15 propositions
La réindustrialisation
de la France doit devenir
une priorité nationale

             15 propositions
             pour le quinquennat
             2022-2027
La réindustrialisation de la France doit devenir une priorité nationale - 15 propositions
L’UIMM
 LA FABRIQUE
 DE L’AVENIR, C’EST...
 59            UIMM territoriales                           10          fédérations professionnelles

                                                                     Une communauté
                                                                  d’hommes et de femmes
                                                                   mobilisés au service de

               42 000
                                                                             1,6
                                                                                           DONT
               entreprises industrielles
               qui emploient
                                                                             million
                                                                             de salariés
                                                                                              92%
                                                                                                en CDI

          91%                   sont des PME                                       120 000 à
          de moins de             50                  salariés                     150 000
                                                                                    besoins en recrutements
                                                                                    par an d’ici 2025*
                                      n
                                       o r t a ti o

                      45%
                                                                   PILOTE du
         c h if

                                      xp

                                                                   1er réseau privé
                                      àl
               fr e

                 d’
                                  ’e

                      a ff a ir e s

                                                                      en matière de formation
                                                                      technique et industrielle

                                                                 33 Pôles formation UIMM
                                                                 avec
                                                           et 135 sites de formation.

                                                                 En 2020 un nombre record
                                                                 de 15 833 nouveaux apprentis formés,
                                                                 soit + 20 % de nouveaux contrats.

Chiffres Acoss - Insee pour la branche métallurgie
* Selon l’étude prospective du BIPE pour l’Observatoire paritaire prospectif et analytique des métiers
  et des qualifications de la métallurgie.
La réindustrialisation de la France doit devenir une priorité nationale - 15 propositions
ÉDITO
                             Éric TRAPPIER, Président de l’UIMM,
                             Union des Industries et Métiers de la Métallurgie

L’industrie, les femmes et les hommes qui la font,        Dans cette perspective, l’UIMM a souhaité
ont tant à apporter à la France et aux Français.          formuler 15 propositions pour un modèle social
                                                          et industriel ambitieux.
La production industrielle est dans bien
des domaines, indispensable à notre vie                   Elles se nourrissent de l’expérience de terrain
quotidienne.                                              de nos adhérents, de celle des acteurs de
                                                          notre réseau de formation, mais aussi de notre
L’industrie est la colonne vertébrale des terri-                pratique quotidienne du dialogue social,
toires et offre des perspectives de carrière                         essentiel pour allier performance
plurielles.                                                             économique et progrès social.
Enfin, seule l’industrie est en                                             Ces propositions ont vocation
mesure de faire naître les                                                   à adresser trois défis cruciaux
innovations qui permettent
                                                    La
                                           réindustrialisation                pour le retour durable d’une
de relever les défis stra-                                                    industrie d’excellence, forte
tégiques posés par les                      de la France doit
                                                                              et moderne, gage d’un avenir
profondes mutations tech-                 devenir une priorité                de progrès.
nologiques,       climatiques,                  nationale
sanitaires…                                                                   1. Refonder notre modèle
                                                                              social qu’il soit plus efficient
D’ailleurs, les épreuves traver-                                             et que son financement soit
sées, notamment la crise Covid,                                            compatible avec l’exigence
ont fait sentir à chacun à quel point                                   indispensable de compétitivité
sans une industrie forte, un pays n’est                             dans une économie mondialement
pas pleinement maître de son destin.                         ouverte.
Or, malgré de solides atouts et des domaines              2. Améliorer la performance de notre système
d’excellence, les décennies d’errements poli-             éducatif et de formation pour être à la hauteur
tiques ont conduit la France à subir la plus forte        de la bataille internationale des compétences.
désindustrialisation parmi les pays développés.
                                                          3. Faciliter les mutations du travail industriel
Si des premières mesures significatives ont été           pour répondre aux attentes des futures généra-
prises ces derniers mois dans le cadre des plans          tions et préserver l’emploi.
de relance, il est urgent de les amplifier considé-
rablement pour rendre enfin à notre pays, son             Seulement avec ces conditions réunies, la réin-
rang de grande nation industrielle.                       dustrialisation de la France pourra être une
                                                          réalité. Nous sommes aujourd’hui à la croisée
La campagne présidentielle est un moment                  des chemins. En cela, le quinquennat à venir, et
privilégié pour inscrire au cœur du débat public          les choix qu’il fera, seront déterminants pour la
cet enjeu déterminant de l’avenir de notre                destinée des Françaises et des Français.
pays. Plus que jamais la réindustrialisation doit
devenir une priorité nationale.

                                                      3
Il n’y a pas de pays
    heureux, d’économie
     forte sans industrie
         compétitive.

4
Face à un état des lieux édifiant,
l’urgence d’agir vigoureusement

La crise Covid a mis en lumière les grandes                                   Un développement technologique suffi-
fragilités de l’industrie française :                                         sant pour répondre aux nombreux défis,
– la France s’est retrouvée hors-jeu dans la                                  environnementaux, alimentaires, énergétiques,
course aux vaccins et distancée dans celle des                                numériques, médicaux… auxquels la planète est
traitements antiviraux ;                                                      confrontée. La France doit être dans la course
                                                                              pour répondre aux enjeux d’une croissance
– elle a dû massivement importer des masques,                                 décarbonée.
des médicaments… dévoilant sa dépendance
de pays tiers pour son approvisionnement en                                   – Une classe moyenne consolidée, puisque
biens essentiels ;                                                            dans l’industrie les salaires sont en moyenne plus
                                                                              élevés, les emplois plus stables et mieux protégés.
– l’industrie française a pris conscience, avec le
confinement strict de la Chine et des pays asia-                              – Des territoires dynamiques, compte tenu
tiques et les fortes perturbations du commerce                                de l’effet d’entraînement que l’industrie exerce
mondial, de la grande vulnérabilité de ses                                    sur les économies locales (1 emploi industriel
chaînes d’approvisionnement.                                                  génère jusqu’à 3 emplois dans les services).
                                                                              – Un pays plus optimiste : la désindustrialisa-
Ce n’est malheureusement pas une surprise.                                    tion et ses retombées inquiètent nos concitoyens,
Parmi les grands pays industrialisés, la France                               induisent un sentiment de déclassement, un
a subi la plus forte désindustrialisation lors des                            pessimisme croissant, une défiance envers les
deux dernières décennies. Passée en vingt ans                                 institutions propice à des révoltes sociales (Gilets
de la sixième à la huitième puissance indus-                                  jaunes, Antivax), et une montée des populismes.
trielle dans le monde, la France est devenue
l’économie la plus désindustrialisée du G7,
avec le Royaume-Uni.
                                                                              Pour redevenir une puissance
 ÉVOLUTION DE LA PART DE L’INDUSTRIE ENTRE 2000 ET 2020                       industrielle digne de ce nom, la France
                                                                              doit s’atteler à trois défis majeurs :
                     EN POURCENTAGE DU PIB (EUROSTAT)
25

20
                                                                              1. Refonder notre modèle social pour
                                                                                  le rendre plus efficace et moins
15
                                                                                  coûteux.
10
     2000           2005            2010            2015          2020        2. Améliorer la performance de notre
        UE (à27)   Allemagne       France          Italie   Royaume-Uni
                                                                                  système éducatif et de formation.

Il est impératif que la France retrouve son
                                                                              3. Faciliter les mutations du travail
statut de puissance industrielle. Une indus-                                      industriel.
trie forte, c’est :

Un commerce extérieur équilibré ou excé-
dentaire : du fait de la désindustrialisation de
notre pays. Aujourd’hui, en tendance moyenne,
la France est entre 75 et 90 milliards de déficit
du commerce extérieur et l’Allemagne entre
200 et 250 milliards d’excédent.

                                                                          5
6
Refonder notre modèle social

Mis en place à la Libération, sur la         Un système de protection sociale
base du programme de réformes                peu lisible et mal piloté
économiques et sociales du Conseil
national de la Résistance, le modèle         À l’origine, la protection sociale a été conçue
social français a mal vieilli.               comme une assurance sociale, les salariés (et
                                             leurs ayants droit) étant assurés contre les risques
Bien adapté à la période des Trente          sociaux (maladie, chômage, vieillesse et charges
                                             familiales) par le paiement de cotisations obli-
Glorieuses, ce modèle particulièrement       gatoires. D’inspiration bismarckienne, le modèle
généreux et son mode de financement          social français se différenciait donc du modèle
sont devenus un réel handicap dans           anglo-saxon qui repose sur une solidarité entre
un pays inséré au sein d’une économie        tous les citoyens financée par l’impôt (modèle
mondialisée.                                 beveridgien) et assurant une aide limitée aux
                                             plus démunis, l’essentiel de la protection indivi-
                                             duelle relevant de l’assurance privée.

                                             Ébranlée par la crise économique des années
                                             1970, la montée du chômage de masse, le
                                             développement des contrats courts et à temps
                                             partiel, la multiplication des familles monoparen-
                                             tales, la protection sociale a progressivement
                                             intégré des mécanismes de solidarité, comme
                                             l’universalisation de la prise en charge des frais
                                             de santé ainsi que des allocations familiales.
                                             Ont par ailleurs été mis en place de nombreux
                                             minima sociaux relevant exclusivement d’une
                                             logique d’assistance : il s’agit de prestations
                                             non contributives, versées sans contrepartie
                                             de cotisations (minimum vieillesse, minimum
                                             invalidité, allocation spécifique de solidarité,
                                             allocation veuvage, RSA, protection universelle

                                         7
maladie, complémentaire santé solidaire). Si
bien qu’aujourd’hui, le modèle social français
se caractérise par la coexistence de plusieurs               CHIFFRES CLÉS
logiques de protection sociale (assurances et              DE LA PROTECTION SOCIALE
assistance) et de plusieurs modes de finance-
ment (par les cotisations et par l’impôt).

Depuis la Libération, l’organisation institu-
tionnelle de notre système de protection
sociale s’est complexifiée. La gouvernance
des différents régimes implique de multiples
acteurs, avec ce paradoxe que ceux qui payent                         Nombre d'ACTIFS
ne sont pas ceux qui décident. Le financement                         pour 1 RETRAITÉ
est difficilement compréhensible, chaque
                                                                         1950 5
régime étant financé par un mélange de cotisa-
tions et d’impôts, ce qui contribue au manque                             2010     3,5
de lisibilité des prélèvements obligatoires                               2020     3
finançant la protection sociale. Et, au final, ce
morcellement institutionnel et financier                                  2050     1,8
rend plus difficile la réalisation d’arbitrages
                                                                                                      OCDE
collectifs sur l’importance de la dépense de
protection sociale et sur son partage entre
les différents risques.                                                  DÉPENSES
                                                                    de protection sociale

Un modèle social dispendieux
                                                               33,6 %                  28,1 %
Par ailleurs, certaines branches sont devenues
structurellement déficitaires, à commencer
par notre système de retraite qui a pâti de                     France             Moyenne des
la forte dégradation du ratio entre actifs et                                     27 pays de l'UE
inactifs, qui est l’assise de son équilibre finan-
cier. Faute d’avoir procédé aux adaptations
nécessaires, la plupart des grands régimes                   31,3 %         30,3 %          30 %
de retraite sont aujourd’hui lourdement défi-
citaires, à l’exception notable du régime de
retraite complémentaire Agirc-Arrco géré par               Danemark       Allemagne        Finlande
les partenaires sociaux. La dérive des dépenses
d’assurance maladie est également problé-                 Pays-Bas, Italie ou Belgique avoisinent les 29 %
matique alors que des gains d’efficience sont
réalisables, en particulier en matière de maîtrise
                                                           Rapporté au PIB, l’écart se chiffre à :
médicalisée des dépenses (consommation de
médicaments, indemnités journalières…) ou                  + de 79 milliards € par rapport
dans le secteur hospitalier (réorganisations,              à l'Allemagne
écarts de coûts).                                          132 milliards € par rapport à la moyenne
                                                           des pays européens.
A l’arrivée, notre modèle social est devenu
très coûteux. La France se situe aujourd’hui                                               2019 - Eurostat
largement en tête des États-providence les
plus dispendieux.
                                                         souligne le récent rapport de la Commission
Plus inquiétant encore, cet écart ne cesse de            pour l’avenir des finances publiques présidé
se creuser : ces dernières années, entre 2005            par Jean Arthuis, notre gouvernance actuelle
et 2019, les dépenses de sécurité sociale ont            est incapable de s’engager dans une stra-
augmenté plus vite en pourcentage du PIB                 tégie de maîtrise sur le moyen et long terme
en France (+ 1,4 %) qu’en moyenne au sein                de nos dépenses.
de l’Union européenne (+ 1,1 %). Comme le

                                                     8
L’anomalie des impôts              des autres secteurs : en 2016,                     valeur ajoutée brute du
 de production                      l’ensemble des prélèvements                        secteur marchand, mais il
                                    obligatoires sur l’industrie                       contribue pour plus de 23 %
 Le facteur majeur de la            manufacturière représentaient                      au paiement des impôts de
 désindustrialisation de            28 % de la valeur ajoutée                          production.
 notre pays est la perte de         brute, contre 24 % pour les
                                                                                       C’est la raison pour
 compétitivité de l’industrie       autres secteurs (hors finance).
                                                                                       laquelle nous demandons,
 française par rapport à            Outre le poids des                                 avec France Industrie,
 nos voisins européens.             cotisations sociales prises en                     que soit engagée une
 Et cette dégradation de la         charge par les employeurs,                         nouvelle étape de baisse
 compétitivité tient d’abord        l’autre anomalie fiscale                           et de simplification des
 et avant tout au poids de la       française est un niveau                            impôts de production de
 fiscalité hexagonale. Non          d’impôts de production sur                         30 milliards €, ciblée sur
 seulement la France est le         les entreprises le plus élevé,                     les cinq impôts à plus fort
 pays qui affiche le ratio de       et de loin, de la zone euro.                       impact sur l’industrie (CVAE,
 prélèvements obligatoires          En 2019, ils s’élevaient à 3,5 %                   CFE, taxe foncière, versement
 par rapport au PIB le plus         du PIB en France contre 1,5 %                      mobilité et C3S). S’ajoutant
 important en Europe (47,4 %        en moyenne dans la zone                            à la première étape de
 en 2019, supérieur de 5,8          euro, et 0,5 % en Allemagne                        diminution de 10 milliards €
 points de PIB à la moyenne de      (Eurostat). De surcroît,                           entrée en vigueur en
 la zone euro), mais l’industrie    ces impôts pèsent plus                             2021, cette nouvelle étape
 est, en France, soumise à          lourdement sur l’industrie :                       permettrait de combler une
 un taux de prélèvements            le secteur manufacturier                           bonne partie de l’écart avec la
 obligatoires supérieur à celui     représente 15,4 % de la                            moyenne de la zone euro.

Un financement qui pèse                                   des facteurs majeurs de la dégradation de
                                                          la compétitivité de l’industrie française par
lourdement sur les entreprises                            rapport à nos voisins européens. Ainsi, cotisa-
                                                          tions sociales comprises, le coût horaire chargé
En dépit de l’universalisme croissant des                 du travail dans l’industrie manufacturière s’élève
prestations de protection sociale, l’essentiel            aujourd’hui à 39,6 € en France, contre 34,8 €
du financement de ces dépenses repose sur                 en moyenne dans la zone euro, 28,9 € en Italie,
des cotisations sur les salaires et tout parti-           24,4 € en Espagne. Seule l’Allemagne affiche
culièrement sur des cotisations prises en                 un coût du travail supérieur (42,6 €), du fait des
charge par les employeurs : en 2017, toujours             hausses salariales intervenues depuis quelques
selon Eurostat, la part des cotisations à la charge       années, mais avec un poids de cotisations patro-
des employeurs représentait plus de 40 % des              nales inférieur d’un quart à celui observé en
ressources de la protection sociale en France             France. Ce différentiel de charges pèse mécani-
(le taux le plus élevé en Europe, à l’exception de        quement plus lourd sur les salaires médians des
l’Espagne), contre 35 % pour la moyenne de l’UE,          techniciens, des ingénieurs et cadres.
moins de 35 % en Allemagne et en Italie, moins
de 30 % aux Pays-Bas, et 11 % au Danemark.
                                                           COTISATIONS SOCIALES
De surcroit, l’industrie est moins bien traitée que
les secteurs d’activité protégés de la concur-
                                                           PATRONALES EN 2020,
                                                                         en pourcentage du PIB (Eurostat)
rence internationale (commerce, construction,
hôtellerie et restauration…), dans la mesure où
les pouvoirs publics français ont depuis plus                 France                                                      10,3

de 25 ans engagé une politique d’allègements                Espagne                                                   10

des cotisations patronales fléchée sur les bas                  Italie                                           9

salaires. L’industrie, qui emploie massivement              Belgique                                       8,2

des salariés qualifiés, bénéficie donc moins                UE (à 27)                                7,5

de l’enveloppe des allègements octroyés.                   Allemagne                                 7,3
                                                            Pays-Bas                           5,5

Le poids et les modalités de financement de                Danemark          0,1

notre protection sociale sont devenus l’un                               0         2      4     6      8             10          12

                                                      9
Un effort indispensable                                    2. Un profilage plus large des
de maîtrise                                                    allègements de cotisations
                                                               employeurs, aujourd’hui ciblés
Si elle entend réindustrialiser ses territoires, la            sur les bas salaires, pour qu’ils
France n’a pas d’autre choix que de s’attaquer                 bénéficient plus aux secteurs
résolument à la maitrise, et mieux, à la baisse                exposés à la concurrence
de ses dépenses sociales.
                                                               internationale.

                                                           3. La poursuite du recul progressif de
Notre conviction est que la refonte                            l’âge de départ à la retraite (très
de notre modèle social passe                                   bas en comparaison internationale)
nécessairement par trois étapes :                              pour garantir l’équilibre financier
                                                               à moyen et long terme de notre
1. Une refonte de l’architecture de la
                                                               système de retraites. A titre
    protection sociale permettant de
                                                               d’exemple, une réforme des retraites
    clarifier les champs respectifs de
                                                               portant l’âge de départ à 65 ans
    ses acteurs, de les responsabiliser
                                                               (avec plein effet au bout de 11 ans)
    et de rendre plus lisibles ses modes
                                                               diminuerait le déficit du régime
    de financement. Une partition serait
                                                               général d’assurance vieillesse de
    opérée entre un pôle non contributif
                                                               23 milliards € par an par rapport à la
    intégré dans le budget de l’État
                                                               tendance actuelle.
    et financé par l’impôt, et un pôle
    contributif géré par les partenaires
    sociaux et financé par des cotisa-
    tions sociales.

                                                      10
Nos propositions

   Réformer l’organisation et le                     Créer un nouveau régime de la
financement de la protection sociale              santé au travail confié aux partenaires
pour tenir compte de l’universalisation de        sociaux qui regrouperait l’actuelle
la couverture de nombreuses prestations.          branche accidents du travail-maladies
Effectuer une partition entre un volet de         professionnelles de la Caisse nationale
solidarité géré par l’État et financé par         d’assurance maladie (Cnam), les services
l’impôt, et un volet assurantiel géré par         de prévention et de santé au travail
les partenaires sociaux et/ou le privé et         interentreprises et l’Institut national de
financé par les cotisations sociales.             recherche et de sécurité (INRS).

Transférer ainsi à l’État la gestion et le        Ce regroupement permettrait une
financement des prestations familiales,           approche systémique d’une politique
du minimum vieillesse et des droits               fonctionnant aujourd’hui dans un cadre
à pensions issus des droits familiaux,            fortement morcelé, et dans lequel
ainsi que des prestations d’assurance             les financeurs ne sont pas les vrais
chômage relevant de la solidarité.                décideurs.

   Alléger les cotisations employeurs                Relever de 62 à 65 ans l’âge légal
de 17 milliards € supplémentaires, en             de départ à la retraite d’ici à 2035 (soit
substituant à l’ensemble des allègements          3 mois supplémentaires par génération),
actuels, d’une part, une « franchise »            et demander aux retraités (dont le revenu
de cotisations d’un montant forfaitaire           était en 2020 supérieur à 10 % à celui des
applicable à tous les salaires jusqu’à            actifs) un effort partagé en sous-indexant
4,5 smic et, d’autre part, un allègement          la revalorisation des pensions d’un point
des cotisations au niveau du smic et              par rapport à la hausse des prix.
décroissant jusqu’à 1,5 smic, l’objectif
étant de réduire le coût du travail des           Pour être vraiment efficace, cette réforme
salaires moyens et supérieurs tout                doit intégrer une remise à plat de tous les
en préservant le niveau actuel des                dispositifs de départs anticipés, ainsi que
allègements sur les bas salaires.                 des mesures pour favoriser l’emploi des
                                                  seniors.

                                             11
12
Rénover le dispositif éducatif
et de formation
Pour se développer, monter en gamme,           Un système éducatif peu
mener à bien sa transformation                 performant
technologique et numérique,
prendre sa part dans la transition             Les performances du système éducatif fran-
                                               çais se situent dans la moyenne des pays
environnementale, améliorer sa                 de l’OCDE, un classement qui n’est pas à la
compétitivité dans une économie                hauteur de l’investissement massif de notre
mondialisée, l’industrie française             pays dans l’éducation. Selon l’enquête trien-
doit disposer sur le marché du                 nale Pisa sur le suivi des acquis des élèves à la
travail de personnes qualifiées et             fin de la scolarité obligatoire, l’écart se creuse
                                               plus qu’ailleurs entre bons et mauvais élèves,
compétentes pour innover, créer et             avec un fort impact de l’origine socio-écono-
produire, or le dispositif de formation        mique des enfants sur les résultats : le quart des
des compétences connait des failles            élèves français les plus performants affichent
inquiétantes.                                  un niveau comparable avec les pays les mieux
                                               classés (Japon, Corée, Finlande…), tandis que le
                                               quart des moins bons élèves se classe au niveau
                                               des pays les plus en retard. Si bien qu’au final,
                                               100 000 jeunes décrocheurs scolaires sortent
                                               chaque année du secondaire, sans diplôme ni
                                               qualification.

                                               Le niveau en mathématiques et sciences
                                               (chimie, physique, sciences de la vie) des
                                               élèves de CM1 et de 4ème est particulièrement
                                               inquiétant : selon l’enquête TIMMS de l’OCDE,
                                               la France se classe dernière ou avant-dernière
                                               des 37 pays évalués : 2 % seulement des
                                               jeunes Français ont un niveau jugé élevé
                                               en mathématiques (contre une moyenne de
                                               11 %).

                                          13
RÉPARTITION DES PERFORMANCES EN MATHÉMATIQUES
                            PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE OU DE L'OCDE

   Corée du Sud
           Japon
      Angleterre
         Pays-Bas
       États-Unis
       Danemark
           Suède
      Allemagne
             Italie
        Espagne
          France
                      400              450                  500                 550                      600

            Moyenne européenne                                                        Source : IEA - MENJS-DEPP

La faiblesse en sciences des jeunes Français             techniques et professionnelles par défaut, lors-
est clairement un handicap pour l’indus-                 qu’ils ne sont pas jugés aptes à suivre la filière
trie, la recherche, pour la modernisation de             générale, perçue comme la filière d’excellence.
l’économie, ou l’utilisation de l’intelligence           Un jeune sur deux est en échec scolaire dans
artificielle.                                            les lycées professionnels, et les effectifs des
                                                         lycées professionnels ne cessent de diminuer :
L’investissement dans l’Éducation est mal                ils ont baissé de 8 % entre 2000 et 2018.
fléché : beaucoup plus ciblé que la moyenne
des pays OCDE vers le collège (+7 %) et le
lycée (+35 %) et pas suffisamment vers l’élé-
mentaire (-2 %) et le primaire (-8 %), où se joue
                                                      Une orientation professionnelle
l’acquisition des apprentissages scolaires de         défaillante
base (maîtrise du langage, savoir lire,
écrire, compter) indispensables à la                                 Au lieu de s’efforcer de faire
poursuite des études secondaires                                        coïncider les souhaits et les
et supérieures. C’est d’abord à                                           aptitudes des élèves, l’orien-
ce niveau que devrait porter                     L’industrie               tation scolaire se résume
l’effort de l’Éducation natio-                 française doit               généralement à une suite
nale pour développer des                      disposer sur le                de décisions ponctuelles
pratiques pédagogiques et                  marché du travail                 prises dans l’urgence à
des temps d’apprentissage                      de personnes                  l’occasion des classes de
adaptés aux rythmes de                          qualifiées  et              troisième,     seconde ou
progression des élèves.                         compétentes                  terminale.      L’orientation
                                                                             des élèves se fonde essen-
L’enseignement professionnel                                                tiellement sur les notes
reste      dévalorisé :     « parent                                      obtenues    : sont progres-
pauvre » du système éducatif, il                                       sivement     écartés     ceux qui
continue d’être considéré en France par la                        n’obtiennent    pas  les résultats suffi-
plupart des enseignants et des parents comme               sants pour poursuivre dans les filières les
une voie de garage dans l’orientation des             plus valorisées. Trop souvent, les décisions d’af-
élèves. Les jeunes sont orientés dans les filières    fectation ne correspondent pas à leurs souhaits,

                                                    14
particulièrement dans la voie professionnelle :
des élèves peuvent se voir affectés contre leur
gré dans une autre spécialité que celle qu’ils
                                                              Transition numérique
ont choisie, une affectation difficilement réver-             et environnementale
sible, dans la mesure où les transitions entre
différentes filières demeurent exceptionnelles.
Enfin, les représentations et stéréotypes, liés au            L’enjeu des compétences est d’autant
sexe de l’élève, sont très prégnants : les jeunes             plus important pour l’industrie qu’elle est
filles sont sous-représentées dans les séries                 confrontée à une double transition, à la fois
scientifiques ou les spécialités industrielles et             numérique et environnementale.
surreprésentées dans les séries à dominante                   Pour rester concurrentielle, l’industrie fran-
littéraire, sanitaire et sociale, ou dans les filières        çaise doit accélérer sa transition numérique
services à la personne.                                       et la modernisation de son outil de produc-
                                                              tion, pour combler son retard en matière
Le double pilotage de l’orientation entre                     de numérisation d’équipements et d’auto-
Éducation nationale et régions génère                         matisation des procédés par rapport à ses
confusion et déperdition d’énergie. La                        principaux concurrents.
multiplication des intervenants, le foisonne-
ment d’informations de qualité très inégale,                  L’industrie française ne compte par exemple
et l’opacité des processus d’affectation font                 que 18 robots pour 1 000 salariés, contre 19
de l’orientation un sujet d’inquiétude pour de                en Espagne, 21 en Italie, 23 aux États-Unis,
nombreuses familles et pénalisent celles qui                  28 en Suède, 35 en Allemagne, 36 au Japon
sont les plus éloignées de la culture scolaire. Par           et 87 en Corée du Sud. Elle doit également
conséquent, le dispositif d’orientation actuel                se projeter vers « l’industrie 5.0 », en inté-
est donc très loin de « permettre à chacun                    grant des briques nouvelles sur la maîtrise
d’exploiter tout son potentiel et de s’insérer                de la data, l’internet des objets, l’intelli-
professionnellement », comme le préconise le                  gence artificielle, la protection des données
Haut Conseil de l’éducation.                                  (cybersécurité), les usages industriels de la
                                                              5G .
                                                              L’industrie doit aussi concourir à l’objectif
Une université qui sélectionne                                national de zéro émission nette de gaz à
par l’échec                                                   effet de serre, ou neutralité carbone, d’ici
                                                              2050. Elle doit ainsi poursuivre ses efforts
L’enseignement supérieur souffre de deux                      d’efficacité énergétique et de décarbona-
défauts majeurs. Il s’est construit sur la dicho-             tion de ses process qui lui ont permis, avec
tomie entre les grandes écoles vers lesquelles                le secteur de la production d’énergie, de
s’orientent les meilleurs bacheliers et l’uni-                contribuer à plus de 90 % de la baisse totale
versité à laquelle s’inscrivent, souvent par                  des émissions françaises de CO2 entre
défaut et sans exigence de prérequis, ceux                    1990 à 2019.
qui sont le moins préparés. Résultat : la sélec-              Mais elle doit aussi se positionner comme
tion à l’université s’effectue d’abord par                    apporteuse de solutions efficaces pour
l’échec. Seuls 30 % des étudiants obtiennent                  réduire les émissions mondiales : énergies
leur licence en trois ans, et seulement 40 %                  nucléaire et renouvelables, hydrogène,
en quatre ans. Les chances de réussite en                     bioénergies, capture du carbone, réseaux
licence sont extrêmement faibles pour les                     intelligents, écoconception des produits,
titulaires d’un bac techno ou d’un bac pro :                  recyclage, nouveaux matériaux d’isolation,
37 % des titulaires d’un bac général décrochent               véhicules électriques et technologies bas
leur licence en 3 ans et un peu plus de 50 % en               carbone pour la mobilité…
3 ou 4 ans, contre respectivement 8 % et 15 %
pour les bacheliers technologiques, et un peu                 Le défi – considérable – va donc être
plus de 2 % et moins de 5 % pour les bache-                   de former de nouvelles compétences,
liers professionnels. Et au bout du compte, un                d’adapter ou de reconvertir des compé-
étudiant sur cinq quitte l’enseignement supé-                 tences actuelles pour permettre à
rieur sans en être diplômé, soit 75 000 jeunes                l’industrie française de mener à bien ces
par an.                                                       deux transitions essentielles pour son
                                                              avenir.

                                                         15
16
L’autre anomalie de notre système d’ensei-               Un dispositif d’alternance
gnement supérieur, c’est, à l’inverse par
                                                         et de formation perfectible
exemple de la pratique des grandes univer-
sités américaines, une séparation nette
entre les activités de recherche, menées                 Pour pallier ces difficultés, les entreprises
principalement dans des structures souvent               industrielles s’impliquent fortement dans
isolées de l’enseignement supérieur (hormis              l’apprentissage et la formation profession-
le CNRS et l’INSERM), et les activités d’en-             nelle de leurs salariés. Mais le dispositif actuel
seignement. Sauf en droit et en médecine,                reste perfectible. Trois ans après son adoption
la France a confié ses meilleurs étudiants et            en septembre 2018, la réforme de la formation
une grande partie de sa recherche publique               professionnelle et de l’apprentissage accuse
à des écoles et des organismes distincts des             en effet de nombreux défauts. A commencer
universités. Cela conduit à dévaloriser l’acti-          par un défaut structurel de financement.
vité d’enseignement au sein des universités              Lourdement déficitaire en 2020 (4,6 milliards €),
et à déconnecter les universités du monde de             France compétences l’a été à nouveau en 2021
l’entreprise.                                            à hauteur de 3,5 milliards € (le gouvernement a
                                                         fait voter une « subvention » de 2,7 milliards €
                                                         pour combler en partie ce déficit). L’utilisation
                                                         peu professionnalisante du compte personnel
Un défaut alarmant                                       de formation (CPF) pèse lourdement dans la
de compétences sur le marché                             balance : viennent en tête l’achat de formations
du travail                                               au permis de conduire et au CACES (Certificat
                                                         d’aptitude à la conduite en sécurité), suivies des
                                                         formations à l’anglais, puis les bilans de compé-
L’inefficacité du système éducatif se traduit            tences et l’informatique. Seuls deux dossiers sur
par une faiblesse des compétences de la                  dix concernent des actions en vue de l’obten-
population active. L’enquête PIAAC qui mesure            tion d’une certification professionnelle.
les compétences des adultes des pays OCDE
place la France 21ème en compréhension écrite,           Autorité publique chargée de répartir les fonds
sur les 24 pays évalués, 19ème en mathématiques          mutualisés (alimentés par la contribution unique
et 22ème en traitement de l’information. Or avoir        des entreprises) aux acteurs de la formation
des compétences faibles et un coût du travail            professionnelle et de l’apprentissage, France
élevé est destructeur et incite les entreprises          compétences ne respecte pas l’objectif initial
à se délocaliser dans des pays où les compé-             de définir une vision stratégique partagée avec
tences sont plus fortes et les coûts salariaux           les partenaires sociaux. Sa gouvernance est à
plus faibles. On observe ainsi une corrélation           la main de l’État et des personnes qualifiées
très forte entre le score à l’enquête PIAAC de           qu’il a désignées (qui totalisent 55 voix, contre
l’OCDE et le poids de l’industrie dans le PIB, le        40 pour les partenaires sociaux et 15 pour les
degré de robotisation de l’industrie, et le taux         régions) et la répartition des fonds s’effectue en
d’emploi.                                                fonction des priorités décidées par l’État.

Ces déficiences de notre système éducatif se             L’efficacité du Plan d’investissement dans les
traduisent, dans une majorité d’entreprises              compétences (PIC), censé améliorer la qualifica-
industrielles dont les PMI, par des difficultés          tion des demandeurs d’emploi par la formation,
à trouver des candidats volontaires et dotés             s’avère discutable. Doté de 15 milliards € sur
des compétences nécessaires pour occuper                 cinq ans et cofinancé par la contribution unique
un emploi. L’enquête sur les besoins en main             des entreprises, le PIC ne produit pas d’effet
d’œuvre réalisée avant la crise Covid soulignait         perceptible en termes d’insertion profession-
une plus grande difficulté des recrutements              nelle des intéressés et de réponse aux besoins
dans les secteurs industriels que dans l’en-             de recrutement des employeurs. A la sortie
semble de l’économie : les « métiers en                  des périodes de confinement, les difficultés de
tension » concernaient pour près de 50 % des             recrutement des entreprises, notamment indus-
entreprises industrielles. Une situation d’autant        trielles, persistent sur de très nombreux métiers.
plus paradoxale que la France enregistre un
chômage massif depuis plusieurs décennies.

                                                    17
Au final, les entreprises de plus de 50 sala-                                          Les réponses à l’enjeu capital des
riés, qui versent une contribution de 1,68 %                                           compétences pour l’industrie sont
de leur masse salariale sans bénéficier de                                             multiples. Elles nécessitent de :
fonds mutualisés pour financer leur plan de
développement des compétences, estiment                                                – réviser en profondeur les priorités
ne pas avoir de retour sur investissement.                                             éducatives ;
                                                                                       – piloter l’orientation au plus près des
S’agissant de l’alternance, si la dynamique                                            territoires
de croissance de l’apprentissage est incon-
testable (en 2020, le nombre de nouveaux
                                                                                       – confier la formation professionnelle
contrats d’apprentissage a atteint le chiffre                                          initiale dans les filières industrielles au
record de 526 000, soit une hausse de plus                                             ministère de l’Industrie ;
de 40 %. Selon les premiers chiffres cette                                             – accorder une plus grande autonomie et
tendance se confirme en 2021), elle recouvre                                           de nouvelles ressources aux universités ;
une réalité contrastée. Elle s’opère en partie
grâce à un basculement des contrats de profes-                                         – poursuivre la réforme de l’apprentissage
sionnalisation (qui enregistre une baisse de                                           et de la formation professionnelle
près de 50 %) vers les contrats d’apprentissage                                        pour mieux répondre aux besoins des
au niveau de prise en charge financière plus                                           entreprises : libéraliser, simplifier, investir,
attractif. Et, surtout, en raison de la très forte                                     responsabiliser et insérer dans l’emploi.
croissance du nombre des contrats en appren-
tissage dans l’enseignement supérieur (+ 92 %
pour les bac+3 et plus, et + 64 % pour les
bac+2 par rapport à 2019), les grandes écoles
voyant dans l’apprentissage une source de
financement qui vient compenser une baisse
des financements publics. L’apprentissage
au niveau Bac ou infra Bac ne progresse que
faiblement. Il y a donc une déformation de l’al-
ternance en faveur des diplômes supérieurs.
Or les difficultés de recrutement concernent
au premier chef des postes d’ouvriers qualifiés
(chaudronnier, soudeur, tôlier… dans la métal-
lurgie), de niveau bac professionnel, voire CAP.

      ÉVOLUTION DU FLUX D’ENTRÉES
        ET DU STOCK D’ALTERNANTS
    DANS LA BRANCHE DE LA MÉTALLURGIE

 70 000
                                                             Entre 70 000
 60 000                           57 354                     et 75 000

           47 725
 50 000                                       56 275
                                                             7 000
 40 000
                                   11 983       5 727
 30 000                  14 093
            12 536

 20 000                                                      40 000
                                   27 774      30 882
            21 459       23 175
 10 000

    -
            2017         2018      2019         2020        2021*

        Flux d'entrée en contrats de professionnalisation

        Flux d'entrée en contrats d'apprentissage

        Stock au 31/12

 * Estimations                      Source : DGEFP (2016-2019) & OPCO 2i (2020)

                                                                                  18
Nos propositions
    Faire de l’acquisition effective par tous                    Octroyer davantage d’autonomie aux
les élèves des savoirs de base (lire, écrire,                 universités et chefs d’établissement pour
maîtriser la langue, les TIC, compter, s’ex-                  leur permettre de mettre en place des filières
primer en anglais) la priorité n° 1 de notre                  sélectives reposant sur l’exigence de prére-
système éducatif. Ce qui suppose de faire porter              quis, de pouvoir recruter et gérer librement
l’effort sur l’école élémentaire et primaire, d’ampli-        enseignants-chercheurs et personnel admi-
fier la politique engagée en 2017 (24 élèves maxi             nistratif, d’augmenter de façon significative les
en CP et CE1 et dédoublement dans les établis-                droits d’inscription en licence (hormis pour les
sements d’éducation prioritaire…), et de revoir les           étudiants boursiers). En contrepartie de cette
méthodes d’apprentissage pour faciliter l’acquisi-            plus grande autonomie, une évaluation des
tion des savoirs par tous.                                    résultats obtenus serait assurée par une agence
                                                              indépendante, qui conditionnerait le versement
   Confier la responsabilité des lycées                       d’une partie de la dotation de l’établisse-
professionnels sur les filières industrielles au              ment. Il faut enfin encourager les partenariats
ministère de l’Industrie. A l’image des lycées                entreprises-universités.
agricoles pilotés par le ministère de l’Agriculture,
cette proposition a pour objectifs d’associer plus               Créer un dispositif d’incitation fiscale
étroitement l’industrie à la conception, au fonc-             (du type « crédit d’impôt formation ») se
tionnement et à l’évolution de l’enseignement                 substituant à la mutualisation des fonds de
professionnel, de développer l’apprentissage                  formation, qui bénéficierait aux entreprises
dans les lycées professionnels, et d’assurer une              engageant des dépenses (hors formations
vraie complémentarité entre lycées profession-                obligatoires) pour développer les compétences
nels et centres de formation d’apprentis.                     de leurs salariés. Plafonner annuellement
                                                              le financement du CPF, et le limiter aux
   Mettre en place dès le primaire, un plan                   seules formations permettant l’acquisition de
volontariste de promotion de la culture scien-                compétences professionnelles utiles sur le
tifique à l’école, pour sensibiliser les jeunes,              marché du travail et répondant à des besoins
améliorer la qualité de l’enseignement des                    d’entreprises. Favoriser la mise en œuvre
matières scientifiques (mathématiques, chimie,                d’une clause de dédit-formation pour les
physique, sciences de la vie). Pour pallier les               salariés bénéficiant d’une formation longue
pénuries d’enseignants dans certaines acadé-                  et coûteuse. Encourager le co-investissement
mies, permettre de faire appel (par contrat) à                du salarié et de l’entreprise sur des formations
des diplômés d’université scientifique ou d’école             professionnalisantes.
d’ingénieur ou de commerce.
                                                                 Renforcer le paritarisme et la place des
   Confier le pilotage de l’orientation aux                   branches professionnelles dans la gouver-
régions en coordination avec l’État (rectorats)               nance de France compétences (conseil
et les universités (SUIO). Les SPRO seraient                  d’administration et commissions), ainsi que
remplacés par des agences régionales de                       dans les instances de l’enseignement supérieur,
l’orientation professionnelle, sous pilotage                  notamment à la conception des référentiels des
des régions, associant l’ensemble des acteurs                 diplômes.
(collèges, lycées, universités, Pôle emploi, Apec,
Cap emploi, missions locales, branches profes-                    Fusionner le contrat d’apprentissage et le
sionnelles) et en charge de l’animation et de                 contrat de professionnalisation en un contrat
la professionnalisation des conseils en évolu-                d’alternance unique, éligible à tout public et
tion professionnelle. Former les personnels                   sans limite d’âge et à toutes les certifications
enseignants au conseil en orientation (forma-                 inscrites au RNCP (y compris les CQP), condi-
tion initiale et continue) et rendre obligatoire              tionné à la mise en œuvre d’une vraie pédagogie
une immersion en entreprise ou en situation                   de l’alternance. Sécuriser le financement de
professionnelle reconstituée (via un organisme                l’alternance par la contribution des entreprises,
de formation) pour tous les professionnels de                 de l’État et des régions, par des mesures d’éco-
l’orientation (professeurs principaux, psycholo-              nomies, ainsi qu’en rendant le solde de 13 % de
gues de l’Éducation nationale, CIO, SUIO, etc.).              la taxe d’apprentissage éligible aux CFA.

                                                         19
20
Faciliter les mutations du travail

Deux révolutions sont en cours dans le              Vers des organisations
domaine du travail industriel :                     responsabilisantes dans les usines
– Le télétravail ou travail à distance,
pratiquée à grande échelle depuis la                L’automatisation des process de production,
                                                    la robotisation, l’amélioration de l’ergonomie
crise du Covid-19 dans les fonctions
                                                    des postes changent la nature du travail.
supports, sur les sites tertiaires, chez les        Elles soulagent les opérateurs des tâches
« cols blancs » de l’industrie.                     manuelles pénibles et routinières, et leur
– Une mutation en profondeur du                     permettent de se focaliser sur des tâches à
                                                    plus forte valeur ajoutée : gérer des aléas,
contenu et de l’organisation du travail             des dysfonctionnements de façon autonome,
dans beaucoup de sites industriels,                 travailler en collaboration au sein d’une équipe
chez les « cols bleus », générée par                et avec les autres services de l’entreprise
la transformation numérique de la                   (services contrôle, méthodes, logistique par
production.                                         exemple). La pénibilité physique du travail
                                                    diminue. Le sentiment d’un travail répétitif et
                                                    le risque d’ennui qui va de pair décroissent dès
                                                    lors que le salarié prend en charge des tâches
                                                    plus complexes et plus diversifiées. L’entreprise
                                                    est conduite à accorder plus d’importance à
                                                    l’initiative qu’à l’exécution, à la coopération
                                                    qu’à la coordination, à la responsabilité
                                                    individuelle qu’à l’obéissance hiérarchique.

                                                    Dès lors, l’organisation du travail se transforme.
                                                    La combinaison des technologies numériques et
                                                    des outils de communication digitale permette
                                                    de répondre aux exigences accrues des consom-
                                                    mateurs en termes de différenciation, de qualité
                                                    des produits, et de délais de livraison. Mais cela
                                                    suppose une flexibilité plus poussée de l’outil
                                                    de production, une polyvalence des tâches, une

                                               21
transversalité plus grande au sein des équipes,            type lean management, visant à élever les
avec les autres services de l’entreprise et son            niveaux de qualité et de performance de la
écosystème.                                                production (réduction des délais, des coûts, du
                                                           gaspillage…), en s’appuyant sur l’expérience, le
Les organisations traditionnelles, héritières de           savoir-faire et les idées des opérateurs. Parce
l’organisation scientifique du travail (caracté-           qu’elles reposent sur l’intelligence et l’initia-
risées par la séparation stricte entre les tâches          tive des opérateurs, elles cherchent à créer
d’exécution et celles de conception et réso-               une dynamique d’apprentissage collectif et
lution des problèmes confiées au bureau des                permanent pour faire grandir les opérateurs,
méthodes et au service maintenance), verticales            leur permettre d’actualiser, de renouveler leurs
et hiérarchisées, trop rigides pour répondre               connaissances, ou d’en acquérir de nouvelles.
à ces objectifs, sont, dans un nombre crois-
sant d’entreprises industrielles, remises en                     D’autres       entreprises       vont    plus
cause au profit d’organisations dites                                     loin. Partant du constat que
« responsabilisantes ».                                                       beaucoup de projets de trans-
                                                                                formation         n’atteignent
Ces organisations visent à                                                        pas       leurs    objectifs,
« libérer les énergies ».                                                          elles coconstruisent la
Elles reposent notamment                       Les organisations                     conception et l’évolu-
sur la mise en place d’îlots                      traditionnelles                     tion des équipements
de production au sein des                       [...] sont remises                     industriels, des postes
usines, au sein desquelles                     en cause au profit                      de travail et l’organi-
les salariés travaillent                     d’organisations dites                    sation  qui en découle
de façon collaborative                                                               avec les opérateurs.
                                             «responsabilisantes».
avec un minimum de                                                                   L’idée sous-jacente est
hiérarchie. La responsabi-                                                             qu’ils sont les mieux
lisation des équipes consiste                                                          placés pour identifier
à leur conférer des marges                                                           les défaillances d’une
d’autonomie, tout en exigeant                                                      machine, le manque de
des comptes sur les décisions prises                                           fiabilité ou les défauts d’un
et leurs conséquences. Elles supposent                                     processus de production, les
que les opérateurs acquièrent, en plus des                        « irritants » qui peuvent altérer l’orga-
savoirs et savoir-faire techniques propres à leur        nisation ou les conditions de travail, l’absence
métier (hard skills), des compétences trans-             d’ergonomie d’un poste de travail…
versales (soft skills) d’ordre social (travailler en
équipe, en mode projet), cognitif (résoudre les
problèmes, gérer la complexité), ou personnel
(autonomie, adaptabilité, esprit d’initiative),          Vers un travail hybride
ainsi que des connaissances numériques de                dans les bureaux
base et une compréhension des principes de
fonctionnement des technologies.                         L’organisation et les conditions de travail
                                                         évoluent aussi fortement dans les bureaux et
Elles nécessitent également un changement de             les services supports de la production, mais de
posture des managers de proximité, qui sont              façon beaucoup plus visible et généralisée, avec
censés pratiquer un management fondé sur la              l’irruption massive du télétravail imposé par
confiance et l’autonomie de leurs collaborateurs,        la crise du Covid-19 et rendu possible par l’ar-
et non plus sur le diptyque command & control.           rivée à maturité de nombreux outils numériques
Le manager sert désormais moins à relayer des            (réseau informatique, cloud, outils collaboratifs
décisions descendantes qu’à jouer un rôle de             de type visioconférence).
régulation et d’animation de l’équipe, à aider
les opérateurs pour qu’ils détectent et résolvent        Cette expérimentation à grande échelle a
eux-mêmes les problèmes, et développent ainsi            permis de lever un certain nombre de préjugés,
leurs compétences. Il lui faut passer du parti-pris      de dissiper la méfiance que cette forme d’orga-
« c’est le chef qui sait » à l’idée « c’est celui qui    nisation du travail suscitait chez beaucoup de
fait qui est le mieux placé pour savoir ».               managers. La plupart des entreprises indus-
                                                         trielles sortent des périodes de confinement
Ces organisations vont souvent de pair avec              avec la conviction que le travail en 100 %
une démarche d’amélioration continue, de                 présentiel au sein des locaux de l’entreprise

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