Caritas.mag - Le défi des nouveaux exils L'engagement de Caritas - Caritas Vaud
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
N° 13 / AVRIL 2016 Caritas.mag Le défi des nouveaux exils L’engagement de Caritas Caritas Vaud mandatée par le Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR) pour l’accueil des familles syriennes Nous sommes solidaires Vaud
Sommaire Editorial Pierre-Alain Praz Directeur de Caritas Vaud Le défi des nouveaux exils Partir pour un toit et des droits 4 4 Les personnes contraintes de fuir leur pays sont de plus en plus nombreuses dans le monde entier. Ca- ritas les assiste hors de nos frontières et en Suisse. Partir pour un toit et des droits. La plupart des réfugiés ne désirent pas venir Des milliers de personnes prennent la route de l’exil pour échap- en Europe 9 per à la guerre. Les actions du réseau romand de Caritas en faveur des réfugiés 9 Caritas Suisse apporte son soutien en Grèce 10 Commentaire de Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse. « Je suis double. Entre deux cultures. » 11 Soraya Ksontini musicienne chante l’âme humaine en arabe et en français. .12 Couverture : En provenance d'Alep, Bachar 14 ans et son frère Ahmed, 1 an. Karine Crottaz, Responsable du Centre social d’in- tégration des réfugiés et du Centre social cantonal. Caritas Vaud . Le CSIR a mandaté des structures sociales privées, dont Caritas Vaud, pour l’accueil des familles syriennes nouvellement arrivées dans notre canton 12 – 13 Portrait d’Olivier Cruchon, nouveau chef du .16 secteur Action sociale 14 – 15 Interview croisée entre l’ancien Président, Paul J. Zimmermann, et le nouveau, Paul J. Zimmermann, Président de Caritas Vaud Mikaël Karlström 16 – 18 de 2002 à 2015, a passé la main à Mikaël Karlström le 1er janvier 2016. Appels à votre soutien 19 2 Caritas.mag 13/16 Photo de la couverture, © Sedrik Nemeth
Editorial S’engager pour préserver la dignité des migrants Caritas est présente pour tous les groupes autoroutes européennes, à peine arrêtés par de population fragilisés dans notre canton des barrières que chaque Etat érige en ur- et en Suisse, y compris les personnes mi- gence pour en dévier le flux vers la frontière grantes menacées. Il y a 50 ans, Caritas s’est de l’autre… Une communauté européenne montrée solidaire avec celles et ceux qui ve- qui multiplie les rencontres urgentes de naient d’Italie, d’Espagne, puis, plus tard, ses gouvernants sans parvenir à un ac- du Portugal. Elle a accueilli activement les cord sur un partage solidaire du fardeau… boat people qui fuyaient à la fin des années Triste spectacle d’une Europe des droits de 1970 le nouveau régime du Viêtam. Au dé- l’homme, incapable même de dresser des but des années 1990, nos collaborateurs ont tentes Organisation XY istpour seitaccueillir,L’organisation dans l’urgence, descertifiée XY est accompagné nombre de réfugiés par ZEWO depuis 19XX. 19XXchassés familles fuyant les bombardements. ZEWO-zertifiziert. La soli- par la guerre des Balkans. La solidarité de darité, il faut la chercher dans ces gestes ci- notre organisation s’est également manifes- toyens qui viennent apporter quelques vic- tée à l’égard de populations plus éloignées, tuailles, des souliers, des vêtements chauds Pierre-Alain Praz mais tout aussi désespérées : celles qui souf- aux familles qui dorment à même le sol sur Directeur de Caritas Vaud fraient en raison des conflits au Congo ou les routes de l’exil. qui fuyaient le génocide du Rwanda. Cette solidarité est aussi bien présente Actuellement, la guerre fait rage sur le chez nous, dans notre canton, parmi les pourtour méditerranéen. Les espoirs de dé- nombreuses personnes, salariées ou béné- mocratie, issus de la révolution non violente voles, qui se mobilisent dans l’accueil des ré- de Jasmin en Tunisie et des manifestations fugiés. Désireuse d’apporter sa contribution, de la place Tahrir en Egypte, ont laissé place Caritas Vaud soutient le Centre social pour à la guerre civile, au chaos et à une barbarie l’intégration des réfugiés (CSIR) dans l’ac- insoutenable. Syrte, Tripoli, Damas, Alep, cueil et la réinstallation de familles syriennes sont criblées d’obus, condamnant leurs ha- en Suisse. Outre le fait de trouver des appar- bitants à l’exil ! Des centaines de milliers de tements, entreprise parfois difficile en cette réfugiés s’entassent dans des camps en Jor- période de pénurie de logements, elle a mis danie, en Turquie et au Liban, des milliersOrganisation sur pied un programme XY ist seit d’accompagnement. 19XX embarquent pour la Grèce ou l’Italie, desZEWO-zertifiziert. Caritas Vaud lance, aujourd’hui, un ap- centaines se noient en mer ! pel à des bénévoles pour soutenir et accom- Du jamais vu depuis la Seconde Guerre pagner ces familles dans l’apprentissage mondiale ! Des hommes, des femmes, des d’une nouvelle vie en Suisse. Nous comp- enfants qui marchent sur nos routes et les tons sur vous, merci ! Impressum Caritas.mag – le magazine des Caritas romandes (Vaud, Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel) paraît deux fois par an Caritas Vaud est certifiée par ZEWO. Tirage global : 41 283 ex. | Tirage Caritas Vaud : 21 531 ex. Responsable d’édition : Pierre-Alain Praz, directeur de Caritas Vaud Rédactrice en cheffe : Corinne Jaquiéry | Rédaction : Françoise Crausaz Maquette | Impression : www.tier-schule.ch | www.pcl.ch Caritas Vaud César-Roux 8 | 1005 Lausanne | Tél. 021 317 59 80 Fax 021 317 59 99 | www.caritas-vaud.ch Photo © ARC J.-B. Sieber 13/16 Caritas.mag 3
Partir pour un toit et des droits Les personnes contraintes à l’exil sont de plus en plus nombreuses dans le monde entier. Caritas les assiste hors de nos frontières et en Suisse. Textes : Corinne Jaquiéry, photos : Sedrik Nemeth Le nombre de migrants et de réfugiés a plus que doublé depuis dix ans. Leur por- ter assistance est un devoir élémentaire, confirmé par l’article premier de la Décla- ration universelle des droits de l’homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Une nuit de septembre dernier à Budapest, un jeune père afghan tenant dans ses bras sa petite fille d’un an, lutte contre la fatigue pour marcher vers l’Autriche. 4 Caritas.mag 13/16
« Le soleil passe les frontières sans que les soldats tirent dessus. » Salim Jabran, un réfugié Photos © Sedrik Nemeth 5
Le défi des nouveaux exils « Arrivée sur la route, il y avait une dame passeuse avec un taxi, elle m’a donné un peu de lait pour ma fille, juste le fond d’un biberon... » Extrait de la pièce Au bord du monde. En Grèce, Caritas Suisse gère des Le monde en mutation Migrants ou réfugiés ? hébergements à Lesbos et à Athènes et a Aujourd’hui, les déplacements forcés dans Cette augmentation massive d’exilés est prin- augmenté son aide d’urgence. En Suisse, le monde approchent les 55 millions et, cipalement due à la guerre en Syrie, mais le réseau Caritas romand se montre fra- depuis le début de l’année 2016, plus de aussi à la multiplication des conflits dans le ternel à divers niveaux et par différentes 150 000 personnes ont débarqué en Grèce monde entier, notamment en Afrique et au actions, selon les cantons. Ainsi, si Caritas (état au 15 mars) dont près de 40% sont des Moyen-Orient. Tous ces migrants ne sont pas Neuchâtel est officiellement mandatée par enfants. Un drame humanitaire de grande forcément des réfugiés, mais tous les réfugiés son canton pour gérer le séjour des réfu- ampleur auquel personne ne peut rester sont en migration. En réalité, selon le HCR1, giés statutaires, Caritas Jura n’est pas solli- indifférent. En septembre dernier, lors de les personnes qui sont arrivées récemment citée par l’Etat jurassien, mais tient notam- son discours inaugural en tant que président en Italie ou en Grèce appartiennent aux deux ment une consultation juridique destinée de la Commission européenne, Jean-Claude groupes. La Convention de Genève relative aux migrants. Parmi d’autres activités, Juncker déclarait : « Nous, Européens, aux droits des réfugiés, signée en 1951 par Caritas Genève a ouvert un deuxième ves- devons nous souvenir que l’Europe est un 145 Etats, établit clairement la distinction: tiaire social réservé aux requérants d’asile, continent où presque chacun a été un jour «Un réfugié est une personne qui craint avec alors que Caritas Vaud cherche des appar- un réfugié. Notre histoire commune est raison d’être persécutée du fait de sa race, de tements pour les réfugiés sous l’égide de marquée par ces millions d’Européens qui sa religion, de sa nationalité, de son apparte- l’Etat. Quant à Caritas Fribourg, elle offre ont fui les persécutions religieuses ou poli- nance à un certain groupe social ou de ses opi- des repas et des moments de partage. tiques, la guerre, la dictature ou l’oppres- nions politiques et doit fuir le pays dont elle a sion. » Depuis, plusieurs Etats membres de la nationalité (…).» Quant aux migrants, ils l’Europe semblent avoir fermé les oreilles, choisissent de s’en aller afin d’améliorer leur les yeux et maintenant, leurs frontières ! vie en trouvant du travail ailleurs. 6 Caritas.mag 13/16 Photos © Sedrik Nemeth
Editorial Au Centre d’accueil de Fontainemelon, les requérants d’asile apprennent à vivre ensemble tout en cuisinant des plats de leurs pays d’origine. Pour Claudio Bolzman, sociologue Part delala Part de Suisse Suisse par rapport par rapport au au nombre denombre demandesde demandes d’asile d’asile déposées en Europe et enseignant à la Haute Ecole de travail déposées en Europe social à Genève, avant les années 1990, soit on était réfugié, soit on ne l’était pas. Il n’y 1 400 000 avait guère de possibilités intermédiaires. 3,0% 12 % La Suisse a privilegié le statut d’admission 1 200 000 10 % provisoire surtout à partir de la guerre des 1 000 000 8,2% Balkans. Un statut censé rendre justice à des 8% personnes persécutées collectivement, mais 800 000 à qui on ne peut octroyer un vrai statut de 600 000 6% réfugié. « C’est une garantie de pouvoir res- 4% 400 000 ter un certain temps, mais le statut de réfu- gié est un peu la Rolls Royce et l’admission 200 000 2% provisoire la 2CV de la protection humani- taire. Le pays d’accueil ne peut pas envoyer 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 ces personnes à la mort et, en même temps, il Suisse Europe ne veut pas donner une protection intégrale. En 2015, près de 1,4 million de demandes d’asile ont été déposées dans toute l’Europe, Beaucoup d’autres pays ont inventé des sta- soit le double de l’année précédente. Comparativement à l’Europe, la hausse des demandes tuts semblables. C’est une situation précaire. d’asile relevée en Suisse l’an dernier a été modérée. En effet, la part des demandes déposées dans notre pays est passée de 3,8% en 2014 à 3,0% en 2015. Il s’agit là de la Un pied ici et un pied dans la porte. Difficile proportion la plus faible enregistrée depuis 25 ans. de s’intégrer dans ces conditions. » 13/16 Caritas.mag 7
Le défi des nouveaux exils La part de la Suisse «Le camion s’est arrêté en pleine nuit au bord de la route et le chauffeur nous a dit: «Ça y est, vous êtes arrivés en Angleterre.» Je suis arrivé en Suisse en croyant que c’était l’An- gleterre», raconte ce réfugié dont le témoi- gnage, interprété par un acteur dans la pièce Au bord du monde, a été recueilli par la met- teuse en scène genevoise Valentine Sergo. La Suisse a accueilli quelque 40 000 demandeurs d’asile l’année dernière, dont 4745 provenaient de Syrie. Après avoir été admis dans l’un des cinq centres d’enregis- trement situés aux frontières de la Suisse, les requérants d’asile sont envoyés dans les cantons selon une clé de répartition par can- ton, par exemple 17% à Zurich, 8,4% pour le canton de Vaud ou encore 2,4% à Neuchâ- tel. «Chaque canton doit s’organiser pour disposer de l’infrastructure adéquate. Nous travaillons avec Caritas Neuchâtel et le CSP. Le temps est parfois long au Centre d’accueil malgré un environnement agréable et la qualité Ils gèrent l’aide sociale dévolue aux réfu- de l’encadrement . giés statutaires et les accompagnent dans leurs démarches d’intégration, notamment Au Centre de Fontainemelon, la jour- profité et en profitent encore. Globalement, la recherche d’un appartement», explique née est rythmée par le bruit des casseroles les exilés apportent plus à leur nouveau pays Albin Mosimann, responsable financier, et les délicieuses et exotiques odeurs des que ce qu’ils ne reçoivent. En Suisse notam- adjoint du chef du Service des migrations de repas que chacun se prépare. Une volonté ment, les assurances sociales sont en par- Neuchâtel. «Nous accueillons aujourd’hui du canton qui y voit un moment de partage tie financées par les jeunes cotisants issus quelque 600 réfugiés. Un chiffre qui a doublé et, en même temps, de reconnexion avec de l’immigration. Le souci principal reste en deux ans. Cela devient difficile en termes la culture de chaque requérant. « Mon plus cependant la crainte de perdre son identité, de ressources et de locaux. Par exemple, grand désir est de bien apprendre le fran- mais, là aussi, le sociologue tempère : « Notre nous offrons des cours de langue pour les çais. Je sais que c’est ainsi que je pourrais identité se construit sur un double mouve- requérants d’asile, même si la Confédéra- trouver du travail et mieux m’intégrer en ment. D’une part, l’expérience commune tion ne propose aucune mesure d’intégra- Suisse », explique Davood, venu d’Afghanis- partagée au quotidien. Travailler, se former, tion pour eux. Nous voulons anticiper leur tan. « J’ai trouvé ici la sécurité et la joie de avoir des loisirs ensemble, d’autre part, avoir intégration, car, parfois, ils peuvent attendre manger à ma faim. Nous apprenons à vivre des références institutionnelles, telles que le des mois ou même des années une décision avec d’autres cultures même si c’est parfois fédéralisme ou l’égalité entre les femmes et pour être reconnus réfugiés statutaires.» difficile, car il y a des personnes qui sont les hommes. Chacun cherche une place dans Perry Proellochs, directeur du Centre très tristes ou en colère. J’appréhende l’ave- le monde avec la reconnaissance d’autrui. d’accueil de requérants d’asile à Fontaine- nir. Je risque ma vie si je dois rentrer chez Cela passe aussi par ce qu’un migrant ou un melon (NE) rejoint Albin Mosimann sur ce moi », soupire Abdou, d’origine malienne. réfugié apporte à la collectivité. » point. «A l’évidence, ce serait mieux pour Enfin, Claudio Bolzman croit à une inté- leur intégration de pouvoir répondre aux La richesse de l’intégration gration réussie qui commence par un bon besoins réels de formation et d’information 6377 personnes ont obtenu le statut accueil. « Les organismes, comme Caritas, dès l’arrivée des requérants. Nous essayons de réfugié en Suisse l’année dernière. Les ont des compétences qui sont complémen- de le faire un peu, mais nous n’en avons pas autres ont soit obtenu le statut d’admis pro- taires au développement d’une politique vraiment les moyens.» Pour cet ancien délé- visoire, soit ont été renvoyés dans leurs pays d’accueil digne de ce nom. Elle peut égale- gué du CICR (Comité international de la ou dans le premier pays où ils ont été enre- ment jouer un rôle important dans le pas- Croix-Rouge) l’essentiel est de bien accueil- gistrés (accords de Dublin), soit n’ont pas sage de l’accueil à l’intégration. » ■ lir quelque 80 personnes, une majorité pu être renvoyés pour diverses raisons. Si d’hommes, quelques femmes et des mineurs Davood et Abdou obtiennent le statut de 1. Haut Commissariat des Nations Unies non accompagnés. «Nous ne connaissons réfugié statutaire, ils s’installeront dans le pour les réfugiés pas leurs parcours. Ici n’est pas le lieu adé- canton de Neuchâtel avec l’aide de Caritas. Notes: Bolzman, C. (2014). Exil et errance. quat pour ouvrir la boîte de Pandore de leurs «On ne peut pas accueillir toute la misère Pensée plurielle. Parole, pratiques et ré- souvenirs. C’est un lieu pour répondre à leur du monde ! » s’exclament parfois certains flexions du social, 35(1), 43-52. doi:10.3917/ besoin de se poser, de respirer et de commen- concitoyens, mais, pour Claudio Bolzman, les pp.035.0043. Au bord du monde. Cie Uranus. cer à construire de nouveaux repères.» pays où l’immigration est importante en ont www.cieuranus.ch/au-bord-du-monde.html 8 Caritas.mag 13/16 Photo © Sedrik Nemeth
L’ACTION DU HCR AVEC MADAME KLUG « La plupart des réfugiés ne désirent pas venir en Europe » Directrice du Bureau du HCR (Haut Commissariat pour les Réfugiés) pour la Suisse et le Liechtenstein, Anja Klug rappelle quelques fondamentaux de l’asile. Les déplacements forcés région d’origine. Le travail du HCR n’est pas Le soutien de la société civile grecque et des dans le monde approchent de s’assurer que tous les réfugiés pourront autres organisations qui offrent leur aide est les 60 millions de per- venir en Europe. Notre but est que les réfu- essentiel. Nous prenons un rôle de coordi- sonnes. Les réfugiés, de- giés puissent trouver l’asile dans tous les nateur en nous assurant que les différentes mandeurs d’asile et personnes déplacées à pays du monde de la même façon, y compris, organisations sur place répondent aux be- l’intérieur de leur propre pays, sont plus bien sûr, en Europe. C’est donc avec grande soins en fonction de leurs compétences et nombreux en 2016 que lors de la dernière inquiétude que nous observons ces ferme- qu’elles travaillent de manière coordonnée. guerre mondiale. Le HCR, qui a le mandat tures des frontières. En même temps, il est Quel rôle jouez-vous ailleurs dans de soutenir les états afin de protéger les ré- très important que les premiers pays d’asile le monde ? fugiés et de trouver une solution durable à soient soutenus de façon à ce que les réfu- Le HCR est actif dans plus que 120 pays dans leur égard reste donc incontournable. Gar- giés ne se voient pas contraints de chercher tout le monde. Notre rôle dépend des besoins dien de la Convention de Genève relative au refuge ailleurs par manque d’assistance. Cer- des réfugiés et des pays d’accueil. Il com- statut des réfugiés, il veille au respect de tains pays voisins des conflits ont tellement prend l’aide humanitaire ainsi que le soutien leurs droits dans chaque pays d’accueil. Les peu de ressources qu’il est difficile pour eux aux réfugiés, afin que ces derniers puissent pays proches des conflits sont confrontés à d’accueillir un nombre important de réfugiés. vivre dans la paix et la dignité indépendam- des flux importants de réfugiés. Souvent Comment le HCR collabore-t-il avec ment de l’aide internationale, jusqu’à ce qu’ils pauvres, ils n’arrivent plus à faire face, la les ONG et autres organismes interna- n’aient plus besoin de protection internatio- mission du HCR est alors d’organiser et de tionaux comme la Croix-Rouge ou nale. Nos activités comprennent l’assistance financer l’enregistrement, la prise en charge Caritas notamment en Grèce ? aux individus, mais aussi le travail politique. et la protection des réfugiés. S’occuper des réfugiés est de la responsa- Quel est le rôle du HCR pour un pays Actuellement, certains pays européens bilité des états hôtes. Si ces pays n’ont pas comme la Suisse ? ferment leurs frontières et d’autres, des capacités suffisantes au vu des flux im- La Suisse prend sa mission d’accueil des ré- comme la Suisse, souhaiteraient aug- portants de réfugiés – comme c’est le cas en fugiés au sérieux selon sa longue tradition menter leur aide aux réfugiés sur place Grèce (ex. 17 568 arrivées du 19 au 25 février humanitaire. Nous sommes donc plus dans ou dans les zones proches plutôt que 2016) – il est primordial de les soutenir. C’est le conseil sur des questions de droit interna- dans leur pays. Qu’en pensez-vous ? pourquoi le HCR a énormément étendu ses tional et nous soutenons parfois le gouver- C’est une perspective très européenne de opérations sur place. Le HCR collabore di- nement pour développer de nouveaux pro- penser que tous les réfugiés veulent venir en rectement avec les autorités grecques et nos jets. Notre rôle est également d’informer la Europe. Ce n’est vraiment pas le cas. La plu- collaborateurs sont présents sur le terrain population sur la situation des réfugiés ici en part des réfugiés restent très proches de leur afin de conseiller les personnes qui arrivent. Suisse et dans le monde. LES ACTIONS DU RÉSEAU ROMAND DE CARITAS EN FAVEUR DES RÉFUGIÉS CARITAS NEUCHATEL a le man- CARITAS VAUD a reçu le mandat du CSIR CARITAS FRIBOURG soutient l’action de l’as- dat d’accompagner les réfugiés statu- de trouver des appartements pour les réfugiés sociation Point d’Ancrage, située dans les locaux taires dans leur processus d’intégration statutaires en provenance de Syrie et de prendre de l’Africanum, chez les Pères blancs de Fribourg. et d’autonomie. Elle a pour tâche la ges- les baux à son nom. Le programme « mentorat Chaque mercredi midi cette association accueille tion des dossiers d’aide sociale pour les intégration » a été créé pour accompagner les une soixantaine de requérants d’asile pour un re- réfugiés résidant dans le canton de Neu- familles nouvellement résidentes dans notre pas et un temps de partage. De même, Caritas châtel et au bénéfice du statut de réfugié canton. Les bénévoles formés au préalable, ac- Gruyère propose des repas partage chaque lundi. et donc d’un permis de séjour. Sa mission compagnent les familles. Le service social pro- Suivant son exemple, Caritas Fribourg organise, consiste également à accompagner les pose un accompagnement et une orientation à deux vendredis par mois dès juin 2016, des repas réfugiés statutaires dans leur processus toute personne en difficulté et les permanences partage dans les salles de réception du Couvent d’intégration sociale et professionnelle, accueil permettent de venir déposer ses problé- des Cordeliers. Une équipe de bénévoles prépare notamment pour les démarches adminis- matiques sans rendez-vous. Des cours de fran- un repas chaud pour les personnes qui se trouvent tratives, la recherche d’un logement ou çais sont donnés gratuitement et le service MSI, isolées. Il s’agit d’un moment de rencontre, la réalisation d’un projet d’intégration so- à Lausanne, oriente sur les prestations d’aide au d’écoute, de partage et de prière. Les repas par- ciale et professionnelle visant à l’autono- retour et prodigue un accompagnement afin tage sont préparés et pris en commun. Un moment mie financière et sociale. d’éviter la péjoration des situations. de convivialité qui favorise le lien social. CARITAS GENEVE n’a plus d’offre spécifiquement dédiée aux réfu- CARITAS JURA n’a pas d’action spécifique pour les migrants, mais giés statutaires. En revanche, pour répondre aux besoins de vêtements des plusieurs de ses projets de lutte contre la pauvreté répondent à cer- nombreux requérants d’asile qui arrivent depuis quelques mois un 2ème Ves- tains de leurs besoins. Outre la consultation juridique pour migrants qui tiaire social provisoire (jusqu’à mi-mai), géré conjointement par Caritas Ge- reçoit dans les bureaux de Caritas Jura sous l’égide de Caritas Suisse nève et le Centre social protestant, a été mis en place pour cette population (20% de permanence), l’institution offre des prestations dans le cadre spécifique dans des locaux prêtés par la Ville de Genève. D’autre part, le des cours budgets donnés au CAFF (centre d’animation et de forma- Service juridique de Caritas Genève tient une permanence asile le mercredi tion pour femmes migrantes), des cours de français, des ateliers di- matin de 9 h à 12 h. Il oriente les personnes qui n’ont pas encore déposé de vers pour la soixantaine de migrants qui fréquentent LARC chaque jour, demande d’asile ou accompagne les requérants d’asile déboutés dans le ou encore des mesures d’insertion pour les requérants d’asile et pour cadre de leur procédure de recours. Le Service juridique s’occupe aussi de ceux qui ont obtenu le statut de réfugiés à Propul’s. Caritas Jura par- demandes de regroupement familial une fois le statut de réfugié obtenu. ticipe également au projet «Se comprendre» (service d’interprétariat). 13/16 Caritas.mag 9
Le défi des nouveaux exils La famille n’est pas un luxe COMMENTAIRE Le nouvel annuaire Caritas de la situation sociale en Suisse met en évidence la pau- vreté des familles et insiste sur la nécessité de s’en préoccuper. Texte : CJ/Caritas Suisse La pauvreté des familles est l’un des défis sociopolitiques de la Suisse. On paie, ici, deux à trois fois plus cher pour une place de crèche que dans tous les pays voisins, et la Suisse consacre moins Caritas Suisse auprès des réfugiés de 2% de son produit national brut à soutenir ses familles, alors Un million de réfugiés en Europe, pour une popu- que la moyenne, dans les pays de l’OCDE, se situe autour de 2,55%. lation de 650 millions d’habitants : ce n’est pas un Résultat : près de 250 000 parents et enfants sont dans la pauvreté. défi insurmontable. A titre de comparaison, le Li- Un tiers des personnes qui vivent de l’aide sociale sont des enfants ban, qui compte 4 millions d’habitants, accueille, et des jeunes. La situation des familles monoparentales est parti- à lui seul, 1,2 million de réfugiés ! culièrement précaire : dans ce groupe, une famille sur six est tou- L’an dernier, la Suisse a dénombré environ 40 000 ré- chée par l’indigence. fugiés, pour 8 millions d’habitants. Nous avons bien maîtrisé la situation et les Suisses se sont montrés so- lidaires. Le défi persiste pourtant, car les structures La famille est le lieu premier de l’éducation et de l’acquisition d’accueil ont été démantelées dans les cantons après de la cohésion et de la solidarité. Elle offre un contrepoint émo- la guerre des Balkans. Aujourd’hui, elles font défaut et tionnel à la vie professionnelle et assure l’existence économique il faut des investissements avec la volonté politique de ses membres. Toute la société bénéficie donc des prestations d’assurer aide et protection aux réfugiés. Les per- de la famille. sonnes réfugiées n’ont besoin de rien d’exceptionnel, juste ce que prévoit la loi : un accueil, un hébergement, Pour Caritas, il est donc évident que la politique familiale un traitement rapide des demandes d’asile et, surtout, des mesures d’intégration également rapides. Les ré- doive être à même de prévenir la pauvreté. Laquelle peut être fugiés ont besoin de travailler, ce qui favorise l’intégra- réduite notamment en assurant le minimum vital avec des pres- tion et économise des coûts sociaux. tations complémentaires pour familles, valables dans toute la De même que des montants financiers existent pour Suisse, en partageant le déficit en cas de séparation et de divorce, relever d’autres défis, par exemple en prévision de la en garantissant la pension alimentaire pour les besoins de l’enfant. réforme de la fiscalité des entreprises ou des subven- Il faut également viser une harmonisation globale entre travail et tions à l’agriculture, il faut aussi le faire pour la problé- vie familiale, notamment avec des congés parentaux ou des écoles matique des réfugiés. Les communes et les cantons à horaire continu et assurer une meilleure égalité des chances par ont besoin de soutien financier pour les prestations le biais de la formation, de l’accompagnement et des bourses ou qu’ils fournissent en faveur de l’insertion des réfugiés : des logements à prix abordables. ■ intégration scolaire, recherche de logement, formation linguistique, familiarisation à la culture locale, etc. La Confédération devrait mettre au moins un milliard de francs à disposition dans ce dossier, alors que, de manière incompréhensible, elle veut réduire les contributions aux prestations d’intégration des cantons. Almanach social 2016 (en allemand) La Suisse peut augmenter son aide en Syrie, en Tur- « La famille n’est pas un luxe » quie, au Liban, en Irak ou en Jordanie. Il faut allouer (Familie ist kein Luxus). nettement plus de soutien financier à ces pays qui ac- Lucerne, décembre 2015, 220 pages, complissent des choses incroyables. 36 fr., ISBN: 978-3-85592-141-6. Caritas doit être présente en Suisse et sur place. Ici, par un travail d’intégration, là-bas, par des projets d’aide. Commande: courriel: info@caritas.ch ou Actuellement, nous agissons à Lesbos ou encore en en ligne sur www.caritas.ch/sozialalmanach Jordanie, pour ne citer que deux exemples. Mais Cari- Egalement disponible en e-book. tas a aussi pour mandat d’informer et de transmettre ses expériences à la population suisse et à la classe po- litique. Nous voulons être les porte-parole des réfugiés pour que leur situation soit mieux comprise. Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse 10 Caritas.mag 13/16 Photo © Caritas Suisse
SORAYA KSONTINI « Je suis double. Entre deux cultures. La musique m’a permis de trouver mon harmonie. » Les notes de piano emplissaient la maison de cette musicienne née à Lausanne de parents tunisiens. Aujourd’hui, sa voix de velours sombre chante l’âme humaine en arabe et en français sur des rythmes electro-pop. « Tunisie dois-je avoir peur pour toi ou me réjouir ? Tu accouches, et je suis loin de toi. Le sang qui a coulé me fait souffrir, mais la liberté est plus grande que la nuit de l’oubli. Terre d’amour et mère de héros... » En jan- vier 2011, au lendemain de La Révolution de Jasmin, j’ai demandé quelques vers en arabe à Khaled Oueghlani, un ami poète, pour les dire dans une émission de télévi- sion où j’étais invitée. Pour moi, la langue arabe est une langue de résistance face au pouvoir et à l’adversité. Une langue pour l’amour. Une langue pour la nostalgie de l’exil. Elle a une puissance d’évocation poétique difficile à atteindre en français. En arabe, il y a des dizaines de mots différents pour parler d’amour. Avec un mot, on ouvre aussi tout un coffre de références littéraires, poétiques ou histo- riques. C’est pour cela que je demande à des poètes d’écrire les textes arabes de mes tion musicale et scénique accélérée, mais BIO chansons. Moi, j’écris en français que je également de reconnecter avec ma culture 1982 Naît le 10 juillet à Lausanne. maîtrise mieux. C’est une langue merveil- tunisienne et plus largement arabe car il y Benjamine, elle arrive dix ans leuse pour raconter des histoires et écrire de avait des candidats du Maroc, de l’Algérie, après 2 frères et une sœur. chansons, mais elle permet moins l’épan- de la Libye. 1987 Commence le piano. Elle enregistre chement sentimental, sous peine de passer ses premières chansons sur son pour gnangnan. Ou alors il faut être Brel Au début des révolutions arabes, tout petit magnétophone. ou Gainsbourg ! ce qui touchait à la Tunisie me boulever- 1999 Monte sur scène pour remplacer sait : je montais au paradis, et puis sou- Deborah, la chanteuse du groupe de rap Sens Unik. Elle chante Ma double culture est aujourd’hui un dain j’étais en enfer. Aujourd’hui, je me également pour Stress. atout, une richesse énorme, notamment protège, mais je n’ose pas imaginer ce que 2007 Participe à la Star Academy pour faire de la musique, mais cela n’a pas vivent émotionnellement ceux qui sont en Maghreb et accède à la finale. toujours été le cas. Enfant je me sentais contact direct avec la réalité, notamment 2009 Bachelor en relations internationales. déchirée entre les deux. On ne se rend pas mes amis qui vivent sur place. Bien que peu Elle entame un master en anthropo- compte des difficultés que cela peut engen- ou pas soutenu par l’Etat et contraints par logie en 2012. drer. J’ai dû apprendre à négocier avec cette des règlements absurdes ou par les soucis 2011 Chante La révolution du Jasmin et double identité. Pendant des années, j’étais financiers, les artistes tunisiens résistent et dit un magnifique texte qu’elle a demandé au poète Khaled Oue- celle qui venait d’ailleurs quand j’allais en bouillonnent d’idées. J’ai toujours l’espoir ghlani (voir ci-dessus) à La Télé (télé- Tunisie et celle qui avait d’autres origines que la situation évolue favorablement. vision locale Vaud-Fribourg). A voir en Suisse. Tout cela m’a sûrement conduit sur Youtube: https://www.youtube. vers mes études actuelles en ethnologie. J’ai C’est difficile pour moi de comprendre com/watch?v=CgaefWUv3TU développé un regard extrêmement sensible qu’on puisse fuir la Tunisie car je trouve que 2012 Sortie de son premier EP de quatre titres Soraya & me aux problématiques culturelles. Ma parti- c’est un pays merveilleux, mais moi j’ai la 2015 Sortie de la chanson Sur mon pare- cipation à la Star Academy Maghreb m’a chance de vivre dans la dignité, alors que brise, un avant-goût de son 2e EP à permis d’avoir non seulement une forma- ceux qui partent ne le peuvent pas. » ■ découvrir cet automne. Photos © Sedrik Nemeth 13/16 Caritas.mag 11
Caritas Vaud L’Etat de Vaud mandate des structures sociales privées pour les réfugiés Depuis septembre 2015, le canton de Vaud s’est vu chargé, par la Confédération, d’accueillir des familles syriennes en provenance directe de camps de réfugiés. Eclairage avec Karine Crottaz, psychologue au Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR). La première a été confiée à l’Association Et c’est non sans fierté que nous avons Texte : Françoise Crausaz Nous autres créée par le Dr Jean-Claude entendu notre contact à la Confédération Métraux, spécialiste dans les questions de souligner l’efficacité de ce plan d’action. Le Le Centre social d’intégration des ré- migration. Il a créé la mesure « Nous autres canton de Vaud est le seul à s’appuyer sur fugiés (CSIR) dépend du Service de pré- pour les autres » qui a pour mission l’ac- deux programmes si complémentaires. voyance et d’aide sociales (SPAS). Déjà sur- compagnement et la réhabilitation sociale Il n’est pas exclu que ce modèle soit pro- chargé dans les tâches qui lui sont dévolues et/ou professionnelle de travailleurs mi- posé aux autres cantons. en raison de l’afflux très important de réfu- grants en situation de rupture sociale à la giés depuis plus d’un an, le CSIR a cherché suite de maladie ou d’accident. Combien de personnes sont atten- des solutions et mandate des structures so- Le SPAS a demandé que cette mesure dues dans le canton de Vaud durant ciales privées, dont Caritas Vaud. soit adaptée aux familles syriennes qui ar- l’année 2016? Le même nombre rivent dans notre canton. Ainsi, celles-ci chaque année? Question: Quelles actions le canton sont accompagnées par un interprète qui La Confédération a annoncé qu’elle déli- de Vaud a-t-il prises pour répondre les accueille et les aide à découvrir leur nou- vrerait environ 3000 permis humanitaires à l’accueil de réfugiés syriens au vel environnement de vie. En moyenne, d’ici à la fin de 2017. Mais nous avons assez bénéfice d’un permis humanitaire? l’interprète passe une trentaine d’heures Karin Crottaz : Rappelons que la mission avec ces familles. C’est un accompagne- du CSIR est de prendre en charge les ré- ment indispensable pour ces personnes qui fugiés statutaires qui, habituellement, ont arrivent directement de camps de réfugiés, transité par l’EVAM (Etablissement vau- accompagnement qui ne pourrait être as- dois d’accueil des migrants), au moment sumé par les assistants sociaux du CSIR, au où ils doivent quitter le centre. Nos quelque vu de leur charge de travail actuelle. 40 collaborateurs gèrent actuellement envi- ron 1200 personnes. La seconde mesure est liée à la recherche d’appartements, tâche très difficile dans Lorsque la Confédération a demandé notre canton où la crise immobilière est aux cantons de prendre en charge des fa- importante. Bien que deux collaboratrices milles syriennes en provenance directe de à plein temps soient en charge du logement camps de réfugiés, il nous a paru évident au CSIR, leur surcharge actuelle est telle que nos collaborateurs, déjà fortement sur- qu’il n’était pas réaliste de leur confier la re- chargés, ne pouvaient pas assumer seuls ce cherche des appartements pour les familles travail supplémentaire. En effet, les exi- syriennes, qui arrivent à raison de deux fa- gences étaient claires : on devait avoir des milles par mois. Le SPAS a donc demandé appartements prêts pour les accueillir à Caritas Vaud, sur le même modèle que le le jour de leur arrivée, ce qui n’est pas le projet Ariane*, de trouver les appartements, cas pour ceux qui transitent par l’EVAM. de les équiper du nombre de lits nécessaires Sachant que nous ne sommes avertis que à la famille et de prendre le bail à son nom. deux à trois semaines à l’avance, que le canton de Vaud est très touché par la crise Ainsi, grâce à la collaboration de ces immobilière et que nous devrons accueil- deux structures que sont Nous autres et lir un nombre important de familles, le Caritas Vaud, le plan d’accueil mis en SPAS a cherché une solution auprès de ses place est efficace et, qui sait, pourrait vivre partenaires. Deux mesures ont été mises plus longtemps que les deux ans initiale- en place. ment prévus. 12 Caritas.mag 13/16
peu de prévisibilité pour ce qui concerne administration et ses coutumes, bref, qui poursuive, voire qu’elle se développe pour le canton de Vaud. Depuis septembre 2015 les aiderait à leur intégration. Arrivées par aider les migrants à leur intégration pro- à ce jour (ndlr, propos recueillis à la fin avion, le choc est généralement grand pour fessionnelle par l’accès au réseau des entre- de février), huit familles, soit environ ces familles de voir les exigences que nous prises. Je tiens à préciser que nous sommes 40 personnes, ont été reçues et installées avons pour recevoir l’aide sociale. Elles sont satisfaits de la motivation dont la plu- dans différentes régions comme, notam- souvent frappées par les démarches à en- part de nos bénéficiaires font preuve. Ils ment sur la Riviera et dans la Broye, là où treprendre pour en bénéficier. Notre sys- veulent s’intégrer le mieux et le plus rapi- les prix des appartements sont abordables. tème est fiable, mais néanmoins compli- dement possible et font les efforts qu’il faut qué pour quelqu’un qui vient d’un autre pour y arriver : nous leur proposons des Pour le CSIR, en quoi l’accueil de paradigme. Cependant, tous les migrants, cours de français, des formations ou des réfugiés syriens diffère-t-il de ce- qu’ils soient arrivés par l’entremise du HCR stages professionnels. Mis à part leur sta- lui organisé pour les personnes qui ou non, sont traités de la même manière. tut de migrant avec le parcours difficile et obtiennent le statut de réfugiés au harassant qui y est lié, ces personnes n’ont terme de la procédure d’asile? Comment les associations carita- pas vraiment de problèmes particuliers à Ces familles ne passent pas par le statut tives constituées peuvent-elles gérer et sont prêts pour une intégration re- « requérant d’asile », elles ne sont pas prises aider le canton dans cette mission lativement rapide. Pour autant qu’on leur en charge par l’EVAM (Etablissement vau- d’accueil? donne les moyens de le faire. Dépourvus dois d’accueil des migrants). Elles n’ont, par Faire appel aux associations constituées de réseaux, il est difficile de trouver un em- conséquent, pas ce temps d’adaptation qui a été la solution la plus adéquate pour ploi, voire même un stage. Et c’est là que leur permettrait d’apprendre un peu de le SPAS. Nous en sommes très satisfaits les associations, mais aussi la population, français, de se familiariser avec le pays, son et souhaitons que cette collaboration se pourraient intervenir. ■ Portrait Karin Crottaz, psychologue, travaille de- puis plus de cinq ans au CSIR. Elle a com- mencé sa carrière professionnelle dans une fondation privée comme conseillère en insertion socioprofessionnelle. Elle se trouvait donc en contact étroit avec les mi- grants, population avec laquelle elle a tou- jours aimé travailler. Le bénévolat accom- pli à Appartenances durant ses études en témoigne. C’est donc tout naturellement qu’elle a postulé au CSIR. Elle aime ce tra- vail et son équipe sur laquelle elle peut s’appuyer. * Le projet Ariane consiste à proposer à des bénéficiaires du RI, avec l’appui des CSR et du CSIR, un accompagnement dans des appartements qu’ils occuperont durant un temps défini. Caritas Vaud travaille avec eux «le savoir habiter et le vivre ensemble», la stabilisation de leur situation socioadmi- nistrative et la recherche d’appartement, en vue de leur relogement autonome. Photo © Caritas Vaud 13/16 Caritas.mag 13
Caritas Vaud Olivier Cruchon, années, Olivier Cruchon n’a cessé de se for- mer : CAS en droits de l’homme ; en reli- gions, cultures et communication ; en ges- nouveau responsable du tion d’équipe et conduite de projets ainsi qu’un brevet fédéral de spécialiste en res- sources humaines. secteur Action sociale En 2015, il postule à Caritas Vaud, dé- sireux de travailler dans une association privée. Il a repris le secteur Action sociale de Caritas Vaud, le 1er janvier 2016, et il Le nouveau chef du secteur Action sociale à Caritas Vaud sou- est très au clair face à la vision qu’il a de haite développer un véritable réseau autour de chaque bénéfi- celui-ci : « Il est indispensable de renfor- ciaire afin de l’aider à rebondir dans des délais raccourcis. cer la transversalité des secteurs au profit des bénéficiaires. Quelqu’un qui fréquente une épicerie ou un sleep-in a certainement Né à Lausanne en 1976, Olivier Cru- sens à sa vie. A son retour, il entreprend les besoin d’être accompagné par un assis- chon se destinait à devenir un musicien démarches pour devenir délégué du CICR. tant social ou une assistante sociale ou de professionnel. Guitariste blues-rock plus A la veille de partir au Sri Lanka pour sa suivre un cours de français, par exemple. précisément. Mais c’est une formation HEC première mission, certains antécédents mé- Chacun doit pouvoir être accueilli dans qu’il achève avec succès. Après avoir tra- dicaux empêchent le médecin-conseil de un lieu qui répond à son urgence, mais vaillé un an et demi au service marketing valider son départ. chacun devrait pouvoir profiter d’un autre d’une grande société de téléphonie, Olivier programme qui l’aide à acquérir une meil- Cruchon décide de réaliser son rêve : partir Il choisit un poste de conseiller à l’ORP leure autonomie. Il nous incombe de ré- seul, sac au dos. Ainsi, durant trois mois, il qui lui permet d’aider les personnes au chô- fléchir à ce que nous pouvons apporter traverse de nombreux pays comme le Né- mage dans leurs démarches. Il y reste huit de plus à nos bénéficiaires, afin de les ai- pal, le Tibet, la Thaïlande, le Vietnam et le ans. Puis, en 2011, pour être plus près des der à rebondir dans de meilleurs délais. » Japon. Ces trois mois faits de rencontres et personnes en difficulté, il entre à l’Unafin Mieux communiquer les possibilités, les de partage le renforcent dans sa volonté de (Unité d’assainissement financier du ser- activités et les résultats du secteur vers s’épanouir dans un travail qui donne un vice social de Lausanne). Durant toutes ces les « financeurs », comme à l’interne, est un chantier sur lequel il va s’atteler. « En montrant la réalité des situations par des témoignages de nos bénéficiaires, l’aide que l’on nous accorde par des dons ou des subventions prendra une dimension plus humaine, plus concrète. » Le Secteur aide sociale de Caritas Vaud • Le service social polyvalent • Les permanences d’accueil • Les cours de français et ceux de naturalisation • Le Pôle dettes • Les centres d’accueil de nuit • Les programmes d’accompagnement, Tout compte fait, Accompagner la Vie et MSI (Migrants en situation irrégulière) • Ariane, le projet d’appartements de transition et d’accompagnement social facilitant le relogement de personnes Olivier Cruchon bénéficiant de l’aide sociale 14 Caritas.mag 13/16
« Mentorats Immersion dans un intégration » cours de français Pour répondre aux besoins des ré- Ce mardi-là, deux cours avaient lieu fugiés syriens et des nombreux mi- simultanément dans les locaux de grants résidant dans notre canton, l’Espace Traits d’Union à Yverdon- Caritas Vaud développe un nouveau les-Bains. J’ai eu le privilège d’assis- programme de mentorat. ter à celui donné par Béatrice, ensei- gnante à la retraite, bénévole pour Le besoin d’accompagnement et de sou- les cours de français de Caritas Vaud tien des familles nouvellement résidentes depuis six ans. est évident : elles arrivent dans un pays à la culture totalement différente de la leur, bien Les élèves arrivent les uns après souvent en ayant quitté leur propre pays les autres. Les jeunes mamans contraintes et de manière précipitée. Or, les passent par la garderie qui se trouve assistants sociaux du Centre social d’inté- dans les mêmes locaux, afin de gration des réfugiés (CSIR) ou de Caritas confier leurs enfants aux collabora- Vaud n’ont pas la disponibilité suffisante trices pendant le cours. Béatrice ac- pour, véritablement, les accompagner dans cueille chacune et chacun avec cha- une intégration harmonieuse. leur et sympathie. Elle les connaît bien, ses élèves, la plupart suivent le Les bénévoles de Caritas Vaud, formés cours depuis plus d’une année. au préalable, représentent une complémen- tarité efficace en favorisant la création des Autour de la table se trouvent liens sociaux des migrants avec la société, dix nationalités ou provenances dif- facilitant ainsi leur autonomisation. C’est férentes : Uma vient du Sri Lanka, donc un soulagement pour les services so- Yvonne, chinoise de nationalité, a ciaux concernés que la prise en charge du transité par la Hollande, Amany est quotidien soit faite par des collaborateurs Egyptienne, Patrick Cap Verdien, a bénévoles garantissant une réelle proxi- transité par le Portugal, Tsehay est mité. Grâce à eux, les arrivants partiront Erythréenne, Sanija Kosovare, Su- à la découverte de leur nouvel environne- sana Portugaise d’origine, a passé ment de vie (immeuble, quartier, ville), par- de nombreuses années en Espagne, tageront des activités culturelles, convi- Ana est, elle aussi, Portugaise et Os- viales et de socialisation, découvriront les mar Brésilien. Porter de temps en temps le sari traditionnel us et coutumes de l’endroit où, désormais, est très important pour Sanjia. ils vivront. Ils seront accompagnés aussi Aujourd’hui, nous allons tra- dans leurs démarches administratives. vailler les verbes être et avoir et sur le logement. C’est un cours très participatif l’importance qu’a, pour elle, ce vêtement Nous recherchons donc des personnes que nous vivons, le texte à trous proposé traditionnel qu’elle possède depuis 22 ans, prêtes à consacrer du temps à nos nou- par Béatrice sera complété par chacun. Ici, on mesure la qualité de la relation entre ces veaux concitoyens. Si cet engagement il n’y a pas de gêne si l’on se trompe. Pour deux femmes. Uma a accepté de m’expli- vous intéresse, appelez le numéro de Béatrice, il est important qu’on ose se le- quer comment s’en vêtir (voir photo). téléphone 021 317 59 80 et demandez le ver pour écrire au tableau, il est essentiel secrétariat « bénévolat ». qu’on participe, qu’on se parle. Tous sont Un grand merci à elle, à Béatrice et tous là dans ce but, sans discrimination. les participants de m’avoir si bien accueil- lie. L’expérience de vivre deux heures avec En plus d’apprendre à s’exprimer et à eux a été très enrichissante, et j’en viens écrire en français, les participants tissent à regretter de n’avoir pas besoin de cours des relations d’amitié les uns avec les autres. de français. ■ Ce jour-là, Sanjia rapportait le sari qu’elle avait emprunté à Uma. Lorsqu’on connaît Photo © Caritas Vaud 13/16 Caritas.mag 15
Vous pouvez aussi lire