N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg

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N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
N° 8 / octobre 2013

Caritas.mag

   Agir ensemble
   Stimuler les synergies
   autour de l’entreprise
   sociale

   Sozialunternehmen fördern

Nous sommes solidaires         Fribourg | Freiburg
N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
Sommaire

                                                                    Editorial

                                                                    Petra Del Curto, directrice Caritas Fribourg

                                                                    L’entreprise sociale contre la pauvreté

                                                                    Agir ensemble pour l’entreprise sociale 4
                                                                    Les Caritas régionales de Suisse romande (Fribourg,

                                                         4
                                                                    Genève, Jura, Neuchâtel, Vaud) se donnent les moyens
                                                                    d’agir avec plus d’efficacité dans le domaine de l’entre­
                                                                    prise sociale en se dotant d’une plateforme de gestion
                                                                    de la connaissance et des compétences.
En partageant la connaissance et leurs compé-
tences, les acteurs du réseau Caritas de Suisse romande             Une entreprise peut elle être «sociale» dans une
­encouragent la création et stimulent leurs entreprises sociales.   économie de marché? 7
                                                                    réponse avec Sophie Swaton.

                                                                    Interview de Jürg Brechbühl, directeur de l’Office
                                                                    fédéral des Assurances Sociales (OFAS) 7

                                                                    Lutter contre la pauvreté avec l’entreprise ­
                                                                    sociale 10
                                                                    Commentaire de Bruno Bertschy, responsable secteur
                                                                    suisse et réseau de Caritas Suisse.

                                                                    Robin Cornelius, portrait intime 11

    .12
                                                                    Le fondateur de Switcher puise sa force dans l’échange
                                                                    avec les autres.

                                                                    Caritas Fribourg                                                  .
Coup d’Pouce: objectif, l’insertion par l’activité économique.
                                                                    Coup d’Pouce: objectif, l’insertion
                                                                    par l’activité économique 12
                                                                    A Fribourg, la recherche d’un logement est un parcours de
                                                                    plus en plus difficile pour les plus pauvres.

                                                                    SucréSalé, ein Restaurant mit sozialen Ziel­
                                                                    setzungen, das erst noch rentiert 14
                                                                    SucréSalé hat – zusammen mit Swisscom und der Migros –
                                                                    2011 den Ethikpreis der Hochschule für Ingenieurwesen
                                                                    und Management des Kantons Waadt erhalten.

                                                                    Integration in den Arbeitsmarkt – die öffent­
                                                                    lichen Hilfen reichen nicht immer aus 16
                                                                    Um Personen, die Ausbildungsprobleme haben, p     ­ rogressiv
                                                                    in den Arbeitsmarkt zu integrieren, «­ reichen die öffent­

                                                     .14            lichen Hilfen nicht immer aus», meint Pietro Fabrizio.

                                                                    ENTREPRISE SOCIALE ET
SucréSalé, ein Restaurant mit sozialen Zielset-                     SOCIAL BUSINESS 18
zungen, das erst noch rentiert Seit mehr als drei Jahren
behauptet sich ein Restaurant «mit sozialen Zielsetzungen, das      Dienstleistungen von Caritas Freiburg
aber trotzdem gewinnbringend ist», gegen die Konkurrenz.            Prestations de Caritas Fribourg 19

2    Caritas.mag   8/13                                                    Photo couverture (Michel et Abdullah de ProTravail) © Sedrik Nemeth
N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
Editorial

L’entreprise sociale contre la pauvreté
                                                  Lutter contre la pauvreté, c’est aussi don­          Durant les années septante à nonante,
                                                  ner une possibilité aux personnes vulné­         Caritas Fribourg a permis à plusieurs orga­
                                                  rables de s’insérer dans le monde du travail.    nisations actives dans le domaine de l’inté­
                                                  Concilier les impératifs de productivité avec    gration professionnelle et sociale de voir le
                                                  les objectifs d’intégration professionnelle et   jour. On peut rappeler notamment le mar­
                                                  sociale est un défi de taille. De nombreuses     ché de deuxième main Coup d’pouce, les
                                                  institutions et entreprises cherchent à le re­   Fondations Tremplin et Les Buissonets.
                                                  lever, afin d’offrir des places adaptées aux         En 2012, les Caritas régionales ro­
                                                  compétences de chacun.                           mandes se sont associées à l’Institut en in­
                                                       Plusieurs mesures et incitations co­        novation publique et gestion durable de la
                                                  existent dans le dispositif de réinsertion so­   Haute école de gestion de Fribourg pour
                                                  cioprofessionnelle du canton de Fribourg.        faire avancer la réflexion et développer des
                                                  Elles ont pour but de favoriser le retour sur    synergies dans ce domaine.
                                                  le marché du travail, ou aussi d’offrir des          Au fil des pages dédiées à Fribourg, vous
                                                  alternatives d’insertion dans le marché du       pourrez lire les réflexions sur les défis qui se
                                                  travail secondaire.                              présentent à la Fondation Emploi et Solida­
                                                       La thématique est d’actualité. Les en­      rité et ses centres Coup d’Pouce. Un autre
Petra Del Curto                                   treprises sociales ont récemment été iden­       article vous permettra de découvrir l’ori­
Directrice Caritas Fribourg                       tifiées par le Conseil fédéral comme moyen       gine de la Crêperie Sucrésalé, son engage­
                                                  d’action dans son Programme national de          ment social et les enjeux actuels à relever.
                                                  prévention et de lutte contre la pauvreté            Les réflexions de deux entrepreneurs
                                                  2014–2018.                                       complètent cette édition, à savoir celles de
                                                       Le Rapport sur le chômage de longue         Pietro Fabrizio, directeur de la Clinique
                                                  durée, présenté en juin dernier par les au­      Générale de Fribourg, et Roby Noris, di­
                                                  torités cantonales fribourgeoises, attribue      recteur de Caritas Tessin.
                                                  lui aussi aux entreprises sociales un rôle           J’espère que le thème des entreprises so­
                                                  dans les politiques cantonales d’aide aux        ciales retiendra votre intérêt, comme il re­
                                                  chômeurs.                                        tient le nôtre à Caritas Fribourg, et je vous
                                                       De nombreuses associations et fon­          souhaite une bonne lecture.
                                                  da­tions, dont la plupart des Caritas de
                                                  ­Romandie et du Tessin, proposent des ac­
                                                   tivités qualifiées d’entreprises sociales.

 Impressum

 Caritas.mag – Le magazine des Caritas
 (Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Vaud) paraît deux fois par an.

 Tirage global: 31 321 ex./Tirage Caritas Fribourg: 2300 ex.

 Responsable d’édition: Petra Del Curto, directrice Caritas Fribourg
 Rédactrice en cheffe: Corinne Jaquiéry/Rédaction: Jacques Berset
 Maquette/Impression: Stämpfli Publications SA

 Caritas Fribourg/Caritas Freiburg
 Rte André Piller 2 | Case postale | Postfach 62 | 1762 Givisiez |
 026 321 18 54 | www.caritas-fribourg.ch | www.caritas-freiburg.ch | info@caritas-fr.ch

Photo editorial © Romano Riedo                                                                                              8/13   Caritas.mag   3
N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
L’entreprise sociale pour
agir ensemble
En partageant la connaissance et leurs pratiques autour de l’entreprise sociale,
les Caritas régionales de Suisse romande veulent stimuler la lutte contre la pauvreté.
Analyse et reportage à Lausanne et Neuchâtel.

                                                  et définitions admis par le réseau européen     de ce que préconise la Confédération dans
Textes: Corinne Jaquiéry, photos: Sedrik Nemeth
                                                  de recherche en entreprise sociale (EMES),      son programme national de prévention et
                                                  ProTravail fait partie des entreprises analy-   de lutte contre la pauvreté présenté en mai
«ProTravail a été ma dernière chance», sou-       sées lors d’une étude menée par Haute école     dernier.
ligne Michel qui a pu intégrer, il y a deux       de gestion de Fribourg (HEG).                       En Suisse, quelques 600 000 personnes
ans, après quatre ans de chômage, cette en-           Mandatée par cinq Caritas régionales        sont touchées par la pauvreté et 400 000
treprise vaudoise spécialisée dans le com-        de Suisse romande, Genève, Vaud, Fri-           autres en sont menacées. Avoir un emploi
merce de détails de pièces démontées et           bourg, Neuchâtel et Jura, la HEG Fribourg       stable est l’une des clés de prévention contre
recyclées pour la maison. Emanation de            les a aidés à mettre en place une plateforme    l’exclusion et la pauvreté. Ainsi, outre la
Caritas Vaud, ProTravail est une fonda-           de gestion de la connaissance et des compé-     priorité donnée à la formation, la Confé-
tion indépendante dont la mission consiste        tences en matière d’entreprise sociale. En-     dération veut soutenir les exclus de l’emploi
à aider les personnes éloignées du marché         gagées à divers degrés dans ce domaine, les     par des mesures d’accompagnement à la ré-
du travail depuis longtemps à retrouver un        Caritas régionales souhaitent le dévelop-       insertion sociale et professionnelle. Les en-
emploi. Entreprise sociale selon les critères     per encore davantage dans la droite ligne       treprises sociales (ES) constituent une solu-

4    Caritas.mag   8/13                                                                                            Photos à ProTravail © Sedrik Nemeth
N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
tion intéressante, car elles tiennent compte     encore. Novatrices, elles ont
de la situation individuelle des personnes       pris les devants en décidant
concernées. Comme ces ES sont organisées         de mettre en commun leur
de façon très diverse, il s’agit notamment,      connaissance et leurs bonnes
dans le cadre du programme national qui          pratiques en faisant le point
sera lancé l’année prochaine, d’identifier les   sur l’existant pour mutuali-
facteurs qui leur permettent d’atteindre cet     ser leurs compétences et sti-
objectif de réussite sociale.                    muler l’émergence de nou-
                                                 veaux projets. Pour ce faire,
Une plateforme de gestion de la                  elles ont demandé à la Haute
connaissance et des compétences                  école de gestion de Fribourg
Souvent pionnières dans le cadre de la           de les accompagner dans une
lutte contre la pauvreté, les Caritas régio-     réflexion stratégique. «Nous
nales de Suisse romande l’ont été une fois       avions déjà collaboré, à satis-

                                                                                   8/13   Caritas.mag   5
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Agir ensemble

Schéma de la Plateforme                                                                    dans les entreprises sociales mise en évi-       rant un processus très participatif. «La dif-
                                       Comm. de                                            dence dans les Caritas de Fribourg, Genève,      ficulté des entreprises sociales est de trou-
• Tacite à
  tacite        Echanges
                                       praques          • Tacite à                        Jura, Neuchâtel et Vaud et d’identifier trois    ver l’équilibre entre impératif économique
                                                           explicite
              dʼexpériences                                                                thèmes importants à approfondir de façon à       et impact social. L’identification des compé-
                                                                                           faire ressortir un corpus de connaissances       tences dans un réseau comme celui de Ca-
                                      Extériorisaon:
                 Socialisaon:         formalisaon
                 Transmission                =>
                 de savoir-faire      communicaon
                                          possible
                                                        Inventaire                         commun, et d’autre part de faire émerger         ritas permet de maintenir cette exigence.
                                                          des ES
                                                                                           des potentiels projets d’entreprise sociale ex   Nous avons été des facilitateurs, mais tout
                 Internalisaon:
                                      Combinaison:
                                        Corpus de
                                                                                           ­nihilo ou par essaimage. Après plus d’un an     le savoir-faire venait du réseau Caritas. Ce
                  Réintégraon
                   du savoir =>
                     créaon
                                      connaissances
                                            =>                                              de travail, les Caritas régionales de Suisse    sera à lui d’alimenter la plateforme.»
                                                                                            romande ont pu tester les avantages de cette         Quant à Christine Bitz, cheffe de pro-
              Nouv. projets             Plus-value
                                          Stratégie
• Explicite                                              •Explicite à
  à tacite                                               explicite                          plateforme.                                     jet, elle a notamment coordonné la mise sur
                                                               Source: Nonaka & Takeuchi
                                                                                                                                            pied d’ateliers d’échanges et de diffusion de
                                                                                           Bâtir sur l’existant                             bonnes pratiques pour les collaboratrices
faction, avec la HEG pour étudier la faisa-                                                «Notre souhait était de bâtir sur l’existant     et collaborateurs des entreprises identifiées
bilité du lancement d’une épicerie sociale                                                 dans une dynamique d’échange d’exper-            comme entreprises sociales par les Caritas
dans l’agglomération de Fribourg», sou-                                                    tises», relève Jean-Christophe Zuchuat,          régionales. Il s’agit de La Fouine, la teintu-
ligne Petra del Curto, directrice de Caritas                                               consultant indépendant qui travaillé sur le      rerie Point Rouge et Epicerie sociale à Ge-
Fribourg. «Quand nous avons décidé de ré-                                                  projet avec Laurent Houmard, professeur          nève; de l’Espace des Solidarités et Épicerie
unir nos forces et nos ambitions dans le do-                                               à la HEG. Ce dernier, qui met en place un        sociale à Neuchâtel; de Propul’s et Restau-
maine de l’entreprise sociale, j’ai proposé de                                             cursus de formation continue pour les en-        verso dans le Jura; de VLSolidaire et Pro-
nous adjoindre la HEG de Fribourg pour                                                     trepreneurs sociaux, constate par ailleurs       Travail dans le canton de Vaud. Christine
associer ses compétences scientifiques à nos                                               que les entreprises sociales sont aujourd’hui    Bitz rappelle que ces neuf entreprises ont été
compétences de terrain et disposer d’une                                                   très tendance. Elles font l’objet de plusieurs   d’abord visitées pour recueillir des infor-
méthodologie de travail pour notre projet».                                                études HEG et universitaires (voir notam-        mations sur leur fonctionnement, puis ana-
    Soutenue par la Loterie Romande,                                                       ment Swiss Social Entrepreneurship/Solida-       lysées. En rassemblant des professionnels
l’étude avait pour objectif la mise en place                                               rity Economy Research Network (SSERN).           d’une grande diversité d’entreprises, le pro-
d’une plateforme de gestion de la connais-                                                 Selon lui, le type de plateforme proposé         jet a permis de mettre en évidence la qua-
sance et des compétences. Il consistait                                                    pour les Caritas permet de générer de la         lité du travail des encadrants et de mettre
d’une part à identifier les bonnes pratiques                                               connaissance du bas vers le haut en instau-      en exergue des bonnes pratiques telles que:

6      Caritas.mag             8/13                                                                                                                 Photos à l’Espace des Solidarités © Sedrik Nemeth
N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
– La création de la teinturerie Point Rouge
à Genève et le partenariat avec B
                                ­ aechler en
vue de former et réinsérer des personnes
                                                  L’entreprise sociale
sur le long terme (image professionnelle et
labellisée)
                                                  ­innovatrice et solidaire
– La mise en place de supports de commu-
nication professionnelle par l’entreprise de      Chercheuse et spécialiste en économie sociale au Centre
restauration et livraison à domicile Espace       ­Walras-Pareto de Lausanne, Sophie Swaton étudie l’émer-
des Solidarités à Neuchâtel                        gence dynamique de l’entrepreneuriat social.
– L’approche orientée marché et une com-
munication indépendante par l’entreprise          «Oui, les entreprises sociales sont ten-
de restauration Restau-verso à Delémont           dance!» affirme Sophie Swaton. Détentrice
– La mise en avant d’une démarche d’en-           d’un doctorat en sciences économiques,
treprise productive de déconstruction,            elle étudie l’économie sociale et solidaire
réhabilitation et vente d’éléments/appa­          (ESS) depuis plusieurs années. Selon la
reillage de cuisine par Pro Travail canton        chercheuse, les entreprises sociales pro-
de Vaud. Cette entreprise propose un mé-          posent une alternative crédible au para-
canisme d’augmentation de la productivité         digme dominant en théorie économique
au moyen d’un taux d’occupation et d’un           de recherche exclusive de profit. «Elles sont
salaire horaire progressifs.                      vectrices d’innovation et d’adaptation aux
                                                  nouveaux enjeux de ce millénaire, prenant
 L’entreprise sociale, une réalité                en compte les exigences environnementales
­contrastée                                       autant que sociales tout en promouvant le
 On constate que l’appellation «entreprise        débat en interne et parmi les citoyens» sou-
 sociale» recouvre des réalités diverses au       ligne l’auteure de Une entreprise peut-elle
 sein même de Caritas, et elle l’est également    être sociale dans une économie de marché?
 pour la Suisse. Ces entreprises réunissent           «Beaucoup de jeunes entrepreneurs se
 deux dimensions communes: en tant qu’ac-         retrouvent dans les valeurs d’égalité pro-
 teurs économiques, elles assurent une part       mues, notamment entre les hommes et les         nouveau Charity business avec le social bu-
 de leur financement par la vente de biens et     femmes, de recherche d’écarts salariaux ré-     siness, mais à celui de l’ESS pensée comme
 services, mais leur but est social. En Europe,   duits, de valorisation de la mobilité douce     un ensemble de pratiques et de valeurs pro-
 les ES se sont développées dans la mou-          ou de valeurs d’intérêts collectifs. Ils ont    posant une alternative au modèle domi-
 vance de l’économie sociale et solidaire.        aussi conscience du défi à relever, un ar-      nant. En période de récupération idéolo-
 Avec l’importance croissante du problème         bitrage devant sans cesse se faire pour te-     gique, fréquente quand un champ d’activité
 de l’exclusion, les initiatives se sont multi-   nir les exigences économiques en équi-          est à la mode, il est important de préser-
 pliées. L’objectif est de promouvoir l’inser-    libre avec les valeurs défendues. Or, cela      ver son identité et de marquer son appar-
 tion par le travail de personnes fragilisées     n’est pas évident, y compris au niveau de la    tenance à une discipline ou à une école de
 sur le marché du travail (personnes han-         participation démocratique qui peut être        pensée. Si Caritas peut et veut jouer un rôle
 dicapées, chômeurs, bénéficiaires de l’aide      difficile à mettre en œuvre quand l’entre-      dans l’entreprenariat social de type ESS,
 sociale sans emploi, jeunes sans formation,      prise grandit ou quand les difficultés éco-     c’est aussi en promouvant en interne, parmi
 etc.). En l’absence de cadre juridique spé-      nomiques apparaissent. Il leur faut sans        les collaborateurs, des pratiques en accord
 cifique en Suisse, les entreprises sociales      cesse innover.» Pour Sophie Swaton, l’éco-      avec les valeurs de l’ESS, comme la partici-
 d’insertion se présentent sous des formes        nomie sociale est une alternative impor-        pation et le management social, mais aussi
 diverses. Exemple avec l’Espace des Soli-        tante au capitalisme pur et dur puisqu’elle     la transparence et l’autonomie par rapport
 darités à Neuchâtel, un programme d’in-          représente environ 10% des emplois en Eu-       aux collectivités publiques par exemple.»
 sertion sociale et professionnelle en cui-       rope et s’étend dans tous les secteurs. His-
 sine et un lieu d’accueil soutenu par l’aide     toriquement, l’ESS est a-capitaliste. Elle se                       Face aux scandales de cette dernière
 sociale du canton. L’Espace des Solidari-        constitue dans le contexte des inégalités so-                       décennie (crise des subprimes, défer-
 tés, qui sert déjà des repas pour des insti-     ciales, proposant une alternative à la fois à                       lante de suicides chez France Télé-
 tutions de personnes âgées et à domicile, a      l’Etat et au marché. Ce n’est pas un secteur                        com), les réflexions universitaires et
 depuis peu été engagé par la Ville de Neu-       fourre-tout mais un domaine à part entière                          les propositions d’actions concrètes
                                                                                                                      ­affluent: il s’agit de penser et d’entre-
 châtel pour les repas de midi d’un lieu d’ac-    qui se reconnaît dans ses pratiques et va-                           prendre «autrement». Comment?
 cueil parascolaire prenant ainsi une vraie       lorise l’autonomie, la sienne et celle de ses                        En se tournant et en faisant davantage
 dimension d’entreprise sociale. «Une telle       membres. Quel regard porte-t-elle sur la        de «social». Mais qu’est-ce qu’une entreprise sociale? De
 entreprise mérite notre soutien car elle in-     volonté du réseau Caritas de créer des en-      quel secteur relève-t-elle, de «l’économie sociale» ou du
                                                                                                  business social? La Coop et la Migros sont-elles des en-
 tègre les personnes exclues du monde du          treprises sociales ? «Caritas peut ainsi mon-
                                                                                                  treprises sociales? Une entreprise peut-elle conserver sa
 travail. En même temps nous avons des exi-       trer clairement son attachement non pas au      spécificité sociale et rester efficace? Autant de questions
 gences de qualité auxquelles nous ne pou-        seul domaine de la charité, encore moins au     que cet ouvrage vise à clarifier.

Photo © UNIL                                                                                                                       8/13   Caritas.mag        7
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Agir ensemble

vons pas déroger. C’est l’occasion rêvée de      donnée dans le rapport final de la HEG          cadres intermédiaires de nos institutions.
faire un essai grandeur nature», souligne        pour le bien de leurs entreprises sociales      Désormais, nous avons un rapport, des
Christine Gaillard, directrice de l’éduca-       existantes. Et pour créer une dynamique         outils, des pistes de collaborations claire-
tion de la Ville de Neuchâtel. Pour Hubert       pérenne entre les cinq entités, le but serait   ment identifiées», commente Jean-Noël
Péquignot, directeur de Caritas Neuchâ-          de préparer l’émergence d’un projet com-        Maillard, directeur de Caritas Jura. Alors
tel, il est très important de faire des ex-      mun: la création d’une entreprise logistique    que son collègue Pierre-Alain Praz, direc-
périences dans le domaine de l’entreprise        supra cantonale autour du secteur seconde       teur de Caritas Vaud fait un constat ré-
sociale. «Nous avons aujourd’hui suffisam-       main.                                           jouissant: «Nos collaborateurs foisonnent
ment de recul pour constater que certaines                                                       d’idées et de projets. J’attends beaucoup de
personnes n’arrivent plus à reprendre pieds                                                      cette mise en commun des connaissances
sur le premier marché du travail. Les entre-            «Aucun de nous                           et des pratiques.» Pour Petra Del Curto,
prises sociales ne constituent pas LA solu-                                                      directrice de Caritas Fribourg, le partage
tion au problème du chômage et de l’aide                 ne sait ce que                          de la connaissance va faire évoluer chacun
sociale, mais une solution à explorer. Il n’en         nous savons tous,                         dans son expérience et par la même, peut-
demeure pas moins que créer une entre-                                                           être faire émerger des synergies et des pro-
prise sociale constitue un véritable risque
                                                          ensemble.»                             jets communs en Suisse romande. Quant à
économique et que c’est une tâche com-                             Euripide                      ­Dominique Froidevaux, directeur de Cari-
plexe. Un vrai défi.»                                                                             tas Genève, il rejoint son collègue Hubert
                                                                                                  Péquignot dans son analyse: «De manière
Expérience commune positive                          Les cinq directrice et directeurs du ré-     générale, toute la réflexion et le processus
Aux Caritas régionales de Suisse romande         seau Caritas en Suisse romande sont satis-       liés à cette étude nous ont permis de modi-
de se retrousser les manches pour appro-         faits de l’expérience. «Nous avions depuis       fier notre regard et de nous confronter à des
fondir ensemble les questions de la concur-      longtemps l’intuition que nous aurions           logiques économiques et de concurrence
rence, de la communication et des res-           à gagner à nous rapprocher, à échanger           que nous contournons volontiers dans le
sources humaines, une recommandation             nos expériences, y compris au niveau des         domaine social.» ■

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N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
Editorial

«Nous voulons maintenir un solide
réseau social en Suisse»
Directeur de l’OFAS (Office fédéral des assurances sociales) depuis 2012, Jürg Brechbühl doit
relever de nombreux défis concernant notamment le durcissement de l’AI et la réforme de l’AVS.
Cela fait une année que vous êtes                 a mis l’accent sur les racines de la pauvreté      nelle (CII) entre notamment l’AI, l’assurance
directeur de l’OFAS. Quel bilan pou-              qui sont souvent liées à un déficit de com-        chômage et l’aide sociale pour favoriser l’in-
vez-vous en tirer?                                pétences. Nous allons donc miser sur l’éga-        sertion ou la réinsertion des personnes en
Nous avons commencé avec une nouvelle             lité des chances dans la formation, la ré-         difficulté et réduire ainsi le nombre de nou-
équipe au département de l’Intérieur dirigé       insertion et l’accompagnement des jeunes.          velles rentes (48% de nouvelles rentes AI en
par Alain Berset, nouveau conseiller fédéral                                                         moins depuis 2003). Une entreprise sociale
et une nouvelle équipe à l’OFAS. Notre pre-       Les différentes rentes ne s’amenui-                peut effectivement servir de passerelle avant
mière réussite, c’est que nous jouons dans le     sent-elles pas malgré tout?                        de réintégrer les gens dans le marché pri-
même orchestre et nos violons sont accor-         Notre réforme de la prévoyance vieillesse          maire.
dés. Notre objectif commun est de préparer        2020 a comme objectif le maintien et la ga-
la grande réforme sur la prévoyance vieil-        rantie des prestations. Les rentes de l’AVS        Seriez-vous pour une aide sociale
lesse et de mettre un rapport en consulta-        doivent couvrir les besoins vitaux. Le main-       accrue ou un revenu minimum ga-
tion à la fin de l’année. En revanche, le refus   tien du niveau des prestations est une prio-       ranti?
de la révision de l’AI par le Parlement a été     rité de notre département avec des propo-          En tant que citoyen, je pense impor-
un signal négatif parce que cette réforme         sitions comme l’augmentation de l’âge de           tant que l’état garantisse une égalité des
contenait beaucoup d’éléments visant à la         la retraite des femmes de 64 à 65 ans ou           chances pour tout le monde. Cette égalité
moderniser. On devra certainement prépa-          l’augmentation de la TVA de 2%. En ce qui          des chances passe par une bonne éducation.
rer une autre révision. Pas aujourd’hui, ni       concerne l’AI, le but n’est pas de suppri-         Les bases d’une bonne formation profes-
demain, mais dès que l’on aura des résul-         mer les rentes, mais de sortir des personnes,      sionnelle sont plus importantes qu’un re-
tats sur les effets de la cinquième révision      principalement des jeunes gens, de la rente        venu garanti.
de l’AI et de la révision 6a vers 2015.           en les réinsérant dans le marché du travail.
                                                                                                     On assiste à une augmentation des
Le défi pour les assurances sociales              Caritas a mis en place ce type de                  entreprises sociales. N’est-ce pas un
du futur?                                         programmes d’insertion. Ne de-                     effet du désengagement de l’état?
Le défi majeur est la réforme de l’AVS liée au    vriez-vous pas plus les soutenir?                  Les entreprises sociales jouent un rôle im-
vieillissement de la société. Cela ne touche      L’OFAS a subventionné pour 70 millions             portant. Elles sont souvent le résultat d’une
pas seulement l’OFAS en charge, entre             de francs environ les organisations qui            initiative personnelle. Il ne faut pas tout at-
autres, des assurances vieillesse et invali-      aident les invalides à s’insérer, comme            tendre du Parlement. J’admire ce qui se fait
dité, mais aussi l’Office fédéral de la santé     par exemple, Pro Infirmis. L’AI intervient         sans attendre une décision politique. ■
publique par le biais de l’assurance mala-        uniquement pour les mesures de réinser-
die. Le prolongement de l’espérance de vie        tion des invalides. Dans ce cadre, Caritas
aura des conséquences sur ces assurances.         ne touche pas de subvention, mais les pro-
                                                  blèmes à résoudre sont complexes et le rôle
                                                                                                                                Jürg Brechbühl est
La pauvreté augmente en Suisse.                   d’organisations comme Caritas est fonda-
                                                                                                                                né en 1956 dans le
Les assurances sociales sont-elles                mental. Nous poursuivons le même but qui                                      canton d’Argovie. Il
prêtes à lui faire face?                          est la prévention de la pauvreté.                                             a étudié le droit à
Notre réseau de sécurité sociale est bon. No-                                                                                   l’Université de Bâle.
tamment pour le 1er pilier. L’AVS a contri-       Une entreprise sociale en création                                            Il entre en 1982 à
bué à diminuer la pauvreté parmi les per-         pourrait-elle vous demander un sou-                                           l’OFAS en tant que
sonnes âgées et les programmes d’insertion        tien financier?                                                               collaborateur juri-
                                                                                                                                dique de la section
de l’AI offrent un certain filet de sécurité.     Les critères de subvention ont une base lé-
                                                                                                                                Rentes où il va tra-
Il est évident que nous avons encore des ef-      gale. Il faut que l’objectif de cette entreprise    vailler pendant plus de vingt ans. En 2005,
forts à faire. Il y a un problème constitution-   soit de réinsérer les gens dans le marché du        il quitte l’OFAS pour l’économie privée. Il re-
nel en matière de lutte contre la pauvreté        travail ou d’éviter que des personnes, at-          vient en 2012 en bon connaisseur de son
qui est en premier lieu du ressort des can-       teintes dans leur santé, ne finissent à l’AI.       terrain. Un de ses défis est l’évolution de
tons et moins celui de la confédération. Elle                                                         l’assurance-invalidité et les mesures préco-
a malgré tout lancé, en mai dernier, un pro-      Quelle est selon vous, la bonne so-                 nisées de réinsertion des personnes (en
                                                                                                      2012, 3072 personnes) dans le marché du
gramme de lutte contre la pauvreté en col-        lution pour la réintégration?
                                                                                                      travail.
laboration avec les cantons. Ce programme         Il existe une collaboration interinstitution-

                                                                                                                               8/13   Caritas.mag   9
N 8 / octobre 2013 Caritas.mag - Agir ensemble Stimuler les synergies autour de l'entreprise sociale - Caritas Fribourg
Agir ensemble

Lutter contre la pauvreté
en encourageant
l’entreprise sociale
Caritas Suisse est membre fondateur de la Communauté
de travail des entreprises sociales suisses (ASSOF) car ce
type d’entreprise lutte contre l’exclusion.                                                       Commentaire

                                                                                                  L’entreprise sociale, facteur d’intégra-
Membre fondateur de la Communauté de             proposition aussi attractive que possible.       tion et de prévention
travail des entreprises sociales suisses (AS-    Des projets similaires ont été abandonnés
                                                                                                  Caritas Suisse est active dans la prévention
SOF), Caritas Suisse avait déjà élaboré un       dans le passé durant la phase de planifica-      et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion
important manuel sur le sujet des entre-         tion (Spar, atelier 93), mais Caritas Suisse     sociale en Suisse. Elle accorde une impor-
prises sociales en 2007 (Christine Kehrli).      en examinent toujours d’autres.                  tance particulière à l’intégration sociale et
Quant au groupe d’experts «entreprises so-           Les spécialistes de Caritas Suisse           professionnelle car le nombre de per-
ciales – intégration professionnelle» du ré-     connaissent donc bien le domaine de l’en-        sonnes devant recourir à l’aide sociale aug-
seau Caritas, il agit comme une plate-forme      treprise sociale et savent ce que font les       mente constamment. Une fois exclues de
d’échanges pour le transfert des connais-        autres acteurs et où se trouvent les oppor-      la vie professionnelle, elles éprouvent des
                                                                                                  difficultés croissantes à se réintégrer, tan-
sances et pour des collectes de données. Il      tunités et les risques dans le cadre d’une
                                                                                                  dis que leur vie personnelle en subit les
représente les intérêts des entreprises so-      économie sociale et solidaire (ESS). Plu-        conséquences. Caritas s’engage depuis
ciales de Caritas et de son réseau dans les      sieurs entreprises de Caritas et également       longtemps en promouvant les entreprises
fédérations et organisations suisses.            quelques concurrents correspondent aux           sociales.
    Caritas Suisse se concentre sur les possi-   critères élaborés par Caritas. Lors d’une        L’activité professionnelle est un facteur cen-
bilités d’une entreprise sociale ayant un po-    évaluation, le caractère intégratif et la        tral d’intégration, dans une société centrée
tentiel national qui peut ensuite être adapté    rentabilité sont au premier plan. Le mo-         sur le travail comme celle de la Suisse. Avoir
dans les régions. La chaîne de restaurants,      dèle de l’entreprise sociale idéale doit clai-   un travail permet de disposer d’un revenu
en cours d’élaboration à Caritas Suisse, est     rement viser le groupe cible prioritaire de      pour vivre, mais c’est aussi la reconnais-
un bon exemple: en collaboration avec son        Caritas, les personnes touchées par la pau-      sance sociale et une vie structurée qui
partenaire la Fondation SV, les contenus         vreté, il doit promouvoir l’intégration so-      contribuent de manière essentielle à ac-
                                                                                                  croître l’estime de soi. Le but des entre-
sont définis, les conditions-cadres fixées et    ciale et doit pouvoir être géré de manière
                                                                                                  prises sociales est d’offrir une possibilité
les questions de financement clarifiées. Les     autonome. ■                                      d’emploi aux personnes qui n’en trouvent
Caritas intéressées disposent alors d’une                                                         pas sur le premier marché du travail.
                                                                                                  En première ligne, ce sont les Caritas régio-
                                                                                                  nales qui gèrent les entreprises sociales. Le
                                                                                                  groupe d’experts national «entreprises so-
                                                                                                  ciales – intégration professionnelle» sert de
                                                                                                  plate-forme d’échanges pour le transfert
                                                                                                  des connaissances. La création d’une start-
                                                                                                  up est envisagée. Une enquête interne a ré-
                                                                                                  vélé en 2012 que Caritas offre en Suisse
                                                                                                  déjà plus de 700 emplois et l’engagement
                                                                                                  de la Suisse romande est ici particulière-
                                                                                                  ment important. Caritas Suisse veut conti-
                                                                                                  nuer à promouvoir cette offre et nous tra-
                                                                                                  vaillons dans ce sens. Nous démarrons
                                                                                                  actuellement un concept innovateur dans
                                                                                                  le domaine de la restauration. Nous lançons
                                                                                                  une chaîne spéciale de restaurants dans les
                                                                                                  régions, en collaboration avec la SV Fon-
                                                                                                  dation.

                                                                                                  Bruno Bertschy, responsable secteur suisse
                                                                                                  et réseau de Caritas Suisse

10   Caritas.mag   8/13                                                                                                         Photo © Caritas Suisse
Robin Cornelius

«Etre social, c’est agir ensemble»
Toujours en ébullition, le créateur de Switcher est un des pionniers de la production
éthique et durable. Il puise sa force dans l’échange avec les autres.
«Depuis tout petit, j’aime parler avec les             ce n’est pas seulement une marque, c’est une         siques durables. Je tiens chaque soir ma
gens. Pour moi, les idées sont des molécules           vision, une promesse à tenir.                        «comptabilité de la chambre à coucher» et
de bonheur, des geysers qui émergent chez              Je pense être un entrepreneur social dans            j’examine si mes actions du jour ont été adé-
l’un ou l’autre, mais qui font partie du bouil-        le sens où je veux agir avec les autres en           quates. Si chacun le faisait, riche ou pauvre, à
lonnement commun de l’inconscient collec-              respectant un code de conduite très strict           sa mesure et en toute conscience, je pense que
tif. J’ai été élevé de manière très libre. Je n’ai     concernant les conditions de production.             ce monde pourrait s’améliorer car comme le
pas de modèle, mais mon père était mon hé-             Aujourd’hui, mon credo c’est «moins, c’est           dit le philosophe André Comte-Sponville, le
ros, un aventurier comme Bob Morane. An-               mieux!» Quand on achète un produit, il faut          capitalisme est un système, il est ni immo-
cien pilote de l’armée suédoise, il a rencon-          se poser la question: «En ai-je vraiment be-         ral, ni moral, il est amoral. La solution pour
tré Lindbergh, a mangé en tête à tête avec             soin?» Switcher propose des produits ba-             éviter les excès passera par la morale indi-
Churchill et a construit les pre-                                                                                          viduelle. L’essentiel est de se
mières maisons préfabriquées                                                                                               trouver. Faire le premier che-
en Inde dans les années 40. Je                                                                                             min fondateur qui est celui de
le voyais peu, mais il me di-                                                                                              l’acceptation et de l’amour de
sait toujours: tu es le meilleur,                                                                                          soi pour pouvoir aimer et ac-
fais ce que tu veux! Je n’avais                                                                                            cepter les autres.»
aucune limites. Je n’ai pas fini
pourri, car j’ai dû me débrouil-
ler et faire plein de petits bou-
lots pour m’en sortir quand je                                                                                               Trois principes fondateurs
                                                                                                                             pour Switcher
suis resté seul en Suisse après le
retour de mes parents en Suède.                                                                                              1. Etre transparent pour ame-
                                                                                                                                 ner le consommateur à sai-
Je suis toujours farouchement                                                                                                    sir l’impact de tout acte
indépendant et j’ai une répul-                                                                                                   d’achat
sion contre la hiérarchie. En                                                                                                2. Répondre à 3 questions fon-
revanche, la solidarité est une                                                                                                  damentales: dans quel but
de mes valeurs fortes avec une                                                                                                   un produit ou un service
                                                                                                                                 sont-ils développés? Sous
grande place laissée à la créati-                                                                                                quelles conditions sociales
vité et à l’émotion.                                                                                                             et avec quels impacts éco-
J’ai fondé mon entreprise après                                                                                                  logiques? Quel est le lieu de
                                                                                                                                 production et est-il le plus
avoir vu Jimmy Carter faire son                                                                                                  approprié?
jogging en survêtement. J’ai eu
                                                                                                                             3. 
                                                                                                                                Intégrer les valeurs fémi-
envie de proposer aux Suisses                                                                                                   nines basées sur le courage
ce type de vêtements confor-                                                                                                    (écouter, échanger, parta-
tables. De style intemporel,                                                                                                    ger, reconnaître, pleurer, ai-
                                                                                                                                der, aimer) et masculines
sans logo, mais où chacun peut                                                                                                  basées sur la peur (être fort,
trouver sa couleur. Mon entre-                                                                                                  oser, s’imposer, être re-
prise est devenue mon jardin,                                                                                                   connu, gagner) pour un
                                                                                                                                équilibre harmonieux des
très coloré. Je l’ai appelée Swit-                                                                                              forces vives.
cher car je ne voulais pas que
                                                                                                                             Info: www.switcher.com
l’on dise sweat-shirt. Pour moi,

 Petite Bio
 1956 N
       aissance le 25 septembre 1956 à Pully          1984 P art en Inde. Rencontre son fidèle parte-    1988 N  aissance de sa fille Tess, son fils Bryan
      où ses parents d’origine suédoise se sont              naire Subbiah Gounder Duraiswamy, di-                suivra en 1991, puis sa fille Zoé en 1994.
      installés.                                             recteur de Prem Group.                        2006 Etiquettes de traçabilité, l’«ADN» des vê-
 1973 R
       este seul en Suisse après le retour en         1987 S’associe à Prem group. Crée des dispen-             tements Switcher.www.respect-code.org
      Suède de ses parents. Donne des cours                  saires et des écoles mobiles installées       2013 En septembre dernier, sortie du livre Das
      particuliers et fait le chauffeur de taxi pour         dans des bus pour parcourir les bidon-             Switcher-Prinzip: Warum uns weniger
      se payer des études à HEC.                             villes en Inde sous l’égide de la Fondation        mehr bringt. Wörterseh, 2013 en allemand.
 1981 L
       ance Switcher avec une ligne minima-                 Switcher. Met en place un système de               La version française est en préparation.
      liste et des couleurs unies sans logos.                production visant à respecter les hommes
                                                             et l’environnement.

Photo © Switcher                                                                                                                       8/13   Caritas.mag   11
Caritas Fribourg/Caritas Freiburg

Coup d’Pouce: objectif, l’insertion
par l’activité économique
Lutter contre l’exclusion au nom des droits fondamentaux de la personne humaine.

                                                d’Pouce, nous reçoit dans la «boutique», à       magasins et ateliers offrent la possibilité
Textes: Jacques Berset
                                                la Grand-Rue 35, dans le centre historique       de placer des personnes en situation réelle
                                                de Romont, en compagnie de Serge Tho-            de travail et ainsi d’acquérir des compé-
On a près de 140 places de travail tempo-       rimbert, chef de site à Estavayer-le-Lac et      tences nouvelles.»
raires sur nos sites, où l’on accueille des     Romont.
personnes en recherche d’emploi ou en ré-
insertion professionnelle… Cela fait plus de        Le discours est clair, basé sur la réalité   La collaboration avec l’Office AI de
600 personnes qui passent à Coup d’Pouce        du marché du travail: «Notre mission est         Fribourg
chaque année! Nous contribuons ainsi à la       la réinsertion socio-professionnelle; nos        L’Office AI place des personnes en observa-
revalorisation des personnes, car chaque        partenaires sont les Offices régionaux de        tion, dans les ateliers de la fondation, pour
personne a le droit de tenir une place re-      placement, dépendant du Service public           que soient évaluées leurs capacités de tra-
connue dans la société. Félix Grossrieder,      de l’emploi (SPE), l’Office de l’assurance-      vail résiduelles. Coup d’Pouce voit ainsi
directeur de la Fondation Emploi Solida-        invalidité (AI) de Fribourg et les services      quelles sont les activités dans lesquelles la
rité, qui chapeaute les différents sites Coup   sociaux régionaux ou communaux. Nos              personne avec un handicap peut être réin-

12   Caritas.mag   8/13                                                                                                    Photos © Jacques Berset
Coup d’Pouce a un taux de réinsertion
   sur le marché du travail de 36% pour les
   personnes qui lui sont adressées par les
   Offices régionaux de placement (ORP),
   de 20% pour celles qui sont envoyées
   par les services sociaux. L’association
   est née d’une initiative de Caritas Fri-
   bourg en 1989. Très vite autonome et ac-
   tive dans tout le canton de Fribourg, elle
   s’est constituée en fondation depuis
   2001. La Fondation Emploi Solidarité dis-
   pose de trois sites principaux compre-
   nant les ateliers et magasins à Fribourg,
   Bulle et Estavayer-le-Lac, de deux bou-
   tiques à Châtel-St-Denis et Romont, ainsi
   que d’un centre logistique et ateliers à
   Granges-Paccot. http://coupdpouce.ch

                                                                               Serge Thorimbert (àgauche) et Félix Grossrieder de Coup d’Pouce.

sérée. Les stages de trois mois peuvent être      les ateliers. Les conseillers en réinsertion    par ses ateliers retrouve un emploi en en-
renouvelés une fois.                              ont pour mission l’organisation des ate-        treprise, de pouvoir continuer à l’accom-
                                                  liers de formation et le suivi individuel.      pagner si nécessaire, «car certaines restent
   Depuis peu, la fondation offre aussi           Ils sont tous des formateurs d’adultes, avec    fragiles…». D’où l’importance de mainte-
une mesure «d’accompagnement indi­                des formations en psychologie – et en job       nir des contacts avec les entreprises privées.
viduel dans la recherche d’emploi et la ré-       coaching», note Serge Thorimbert.               «On ne fait pas de réinsertion profession-
insertion dans le marché du travail».                                                             nelle sans leur collaboration!»

                                                  Développement durable et écologie                   Coup d’Pouce offre des places de tra-
Gérer la frustration                              Le concept de Coup d’Pouce est basé sur le      vail dans des secteurs de l’administration
La majorité accepte notre coup de main            travail, notamment sur la récupération de       (secrétariat) et du magasin (vendeurs, li-
de bon cœur, d’autres peuvent être révol-         matériaux et de biens en bon état, qui sont     braires, décorateurs, gestionnaires de
tées, relève Félix Grossrieder. Envoyées par      retapés et revendus dans les «supermarchés      mobilier), en passant par l’intendance
l’ORP, certaines personnes en recherche           de l’occasion», qui permettent également        (concierges, agents de nettoyage, gestion-
d’emploi ont également perdu leur statut          de former du personnel de vente. «Sur appel     naires d’économat), le transport et la lo-
professionnel. Il faut gérer cette frustration.   téléphonique, notre service gratuit de ra-      gistique, la menuiserie-ébénisterie, les
Peut-être que toutes les démarches de sou-        massage se rend à domicile pour récupérer       textiles, l’électroménager et la petite mé-
tien n’ont pas été mises en œuvre. C’est à        les objets en bon état dont on veut se débar-   canique.
nous de voir. C’est pareil avec des personnes     rasser. La revalorisation d’objets de seconde
à l’assistance sociale, qui sont entrées dans     main s’inscrit dans un objectif de dévelop-         «Nous fonctionnons sur la base des
un fonctionnement qu’il va falloir modifier.      pement durable et d’écologie.»                  règles d’une entreprise et avons comme ob-
                                                                                                  jectif l’insertion par l’activité économique.
    Au secrétariat de Coup d’Pouce, des                                                           Sur nos 3,7 millions de francs de charges,
personnes adressées par l’AI sont formées         Secteurs d’activité diversifiés                 1,5 million est couvert par le chiffre d’af-
comme employés de commerce. «Avec                 Pour collecter ce matériel, l’organisation      faires de nos magasins Coup d’Pouce.
l’aide de l’AI et notre accompagnement,           dispose de sept véhicules, ce qui lui permet    Notre activité économique couvre 45% de
des personnes qui ont dû changer d’orien-         également de former des chauffeurs et des       nos frais; 55% de la couverture financière
tation ont fait l’apprentissage chez nous.        aides-chauffeurs. Ils pourront ensuite tra-     de la structure de la fondation vient du
Nous avons sur chaque site des maîtres so-        vailler comme livreurs ou aides-livreurs sur    Service public de l’emploi, des services so-
cio-professionnels qui ont la responsabi-         le marché du travail. Coup d’Pouce relève       ciaux et de l’AI. ■
lité de l’encadrement des personnes dans          l’importance, quand une personne passée

                                                                                                                           8/13   Caritas.mag   13
Caritas Fribourg/Caritas Freiburg

SucréSalé, ein Restaurant
mit sozialen Zielsetzungen,
das erst noch rentiert
Seit mehr als drei Jahren behauptet sich ein Restaurant «mit sozialen Zielsetzungen, das
aber trotzdem gewinnbringend ist», gegen die Konkurrenz. Es handelt sich um die Crêperie
SucréSalé (auf Deutsch: SüssSalzig) an der Rue de Lausanne 50 in Freiburg. Das Sozial­
unternehmen wurde im April 2010 lanciert und beschäftigt eine ganze Reihe von Angestell­
ten – drei Leitungskräfte, Berufsleute aus dem Sozialwesen, dazu eine Servicekraft, eine
Köchin, eine Sekretärin und eine Servicekraft in Ausbildung – sowie gegen zwanzig Per-
sonen, die sich in einer beruflichen Wiedereingliederungsmassnahme befinden oder eine
IV-Rente beziehen. Ein paar in Teilzeit angestellte Studierende komplettieren den Personal­
bestand des Unternehmens.

                                                                                         Werkstätte, sondern der eines echten Un-
                                                                                         ternehmens, das sich dem Primärmarkt
                                                                                         stellt …»

                                                                                         Abkommen mit der Invalidenversi­
                                                                                         cherung
                                                                                         «Wir haben ein Abkommen getroffen mit
                                                                                         der IV-Stelle Freiburg, die uns einen Auf-
                                                                                         trag erteilt für Leute, die sich in einer Wie-
                                                                                         dereingliederungsmassnahme befinden.
                                                                                         Diese Personen mussten aus gesundheit-
                                                                                         lichen Gründen ihre berufliche Tätigkeit
                                                                                         aufgeben. Sie werden zu uns geschickt
                                                                                         mit dem Ziel, ihre beruflichen und sozia-
                                                                                         len Kompetenzen unter Berücksichtigung
                                                                                         der psychischen Dimension aufzufrischen.
                                                                                         Mit der neuen Revision begleiten wir auch
                                                                                         Personen, die eine IV-Rente beziehen. Ziel
                                                                                         dabei ist es, deren Rente zurückzufahren
                                                                                         oder sie gänzlich aufzuheben, sofern der
                                                                                         Gesundheitszustand dies erlaubt.»
                                                                                             Mit anderen Worten: Ein Teil der von
                                                                                         der IV erbrachten Leistungen deckt die
                                                                                         sozialen Begleitmassnahmen. Die IV be-
                                                                                         zahlt allerdings nur jene Tage, an denen
                                                                                         diese Personen – auch wenn sie sich in ei-
Thierry Bourquenoud, der dynamische Di-      zwischen St-Louis und der Crêperie. Das     ner Wiedereingliederungsmassnahme be-
rektor der Stiftung St-Louis, die sich der   Projekt, das sich den Marktgegebenheiten    finden – tatsächlich arbeiten. «Angesichts
Wiedereingliederung von Personen mit ei-     stellt, wurde geboren nach einem Treffen    der psychischen Probleme ist das manch-
ner psychischen Behinderung widmet, sagt     mit Martine Fauché-Geinoz, Genossen-        mal schwierig … Von den 850 000 Franken
es uns gleich vorneweg: «Meine Tätigkeit     schafterin und Co-Leiterin der ­Crêperie,   Umsatz, den die Crêperie gegenwärtig er-
bei der Stiftung ist nicht der Grund, wes-   und einer weiteren Genossenschafterin,      zielt, entfallen lediglich 14 Prozent auf Leis-
halb ich Präsident des Verwaltungsrats –     Marie-Christine Baechler. Wir wollten       tungsaufträge der IV. Der Rest muss mit
und Genossenschafter der Crêperie Sucré­     nicht von Subventionen abhängig sein, wir   der Tätigkeit des Restaurants erzielt wer-
Salé bin. Es existiert keine Verbindung      folgen nicht der Logik einer geschützten    den!»

14   Caritas.mag   8/13                                                                                             Photos © Jacques Berset
Die Crêperie SucréSalé ist nicht aktiv      Personen in einer Wiedereingliederungs-           Die Crêperie ist täglich von 11 bis
in der beruflichen Umschulung im klas-          massnahme: Wie sollen soziale Begleit-       22.30 Uhr geöffnet, Montag ist Ruhetag.
sischen Sinn: Sie beschäftigt auch Perso-       massnahmen für behinderte Personen und       An Samstagen schauen jeweils doppelt so
nen, die eine Rente beziehen. Diese müs-        die Tatsache, dass die Crêperie ein gewin-   viele Leute vorbei wie an Wochentagen. Die
sen z. B. einen geregelten Tagesablauf und      norientiertes Unternehmen ist, unter ei-     Zunahme der Gästeanzahl ist nicht zuletzt
Pünktlichkeit (wieder) erlernen. Der Lohn,      nen Hut gebracht werden? Das war etwas       darauf zurückzuführen, dass die Kund-
den diese Personen erhalten, ist eine Ergän-    Neues.                                       schaft die nachhaltige Entwicklung, wel-
zung zur IV-Rente.                                  «In der Zwischenzeit sind wir aber an-   che sich die Crêperie zum Ziel gesetzt hat,
                                                erkannt, und man ist der Meinung, dass       schätzt. Nach Möglichkeit werden lokale
Zu Beginn hatte die IV Vorbehalte               derartige Unternehmen auch in anderen        Produkte verwendet, sei es nun Gemüse,
«Die Arbeit bei uns ist schwierig, oft stres-   Tätigkeitsbereichen funktionieren könn-      Most oder traditionell gebrautes Bier: So
sig und ermüdend. Die Leute müssen viel         ten», sind sich die Leiterinnen der Crêpe-   viel wie möglich stammt aus Region. «Das
Verantwortung übernehmen, wir legen den         rie einig.                                   ist eine strategische Qualitätswahl», betont
Akzent auf die Wertschätzung, das Selbst-       Die 55 Plätze des Restaurants, das einen     Thierry Bourquenoud, «auch wenn die Pro-
wertgefühl und das Vertrauen in die Fähig-      Steinwurf von der Kathedrale St-Nicolas      dukte teurer sind. Im Moment läufts!» ■
keiten der bei uns arbeitenden Personen.        entfernt liegt, sind am Mittag jeweils im
Die Crêperie bietet einen Arbeitsplatz, die-    Handumdrehen besetzt. Die Kundschaft          SucréSalé hat – zusammen mit Swisscom
                                                                                              und der Migros – 2011 den Ethikpreis der
ser ist aber den Umständen angepasst: IV-       bestellt ab Menükarten, die in Comic-         Hochschule für Ingenieurwesen und Ma-
Rentenbezüger arbeiten maximal 4½ Stun-         bände hineingeklebt sind. Den einen steht     nagement des Kantons Waadt erhalten; und
den», führt Sylvie Moullet, die andere          der Sinn nach salzigen Crêpes, anderen        letztes Jahr wurde der Crêperie von der
Co-Leiterin des Unternehmens, aus.              wiederum nach vegetarischen oder süssen       UBS Stiftung für Soziales und Ausbildung
    Zu Beginn stellten sich im Zusam-           Crêpes. Es hat aber auch Salate, Suppen       ein Check in der Höhe von 20 000 Franken
                                                                                              überreicht.
menhang mit der IV Fragen in Bezug auf          oder Waffeln im Angebot.

                                                                                                                    8/13   Caritas.mag   15
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