LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
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Introduction 3 Historique du Jardin 7 botanique de Genève Le Jardin, 9 200 ans de passion Une exposition 11 en 16 dates clés Dans les coulisses 44 de l’exposition L’étiquetage 52 des plantes Anecdotes du Jardin 54 Le Jardin aujourd’hui 61 Impressum 63
Introduction Les Conservatoire et Jardin fruitière et l’école botanique de botaniques de la Ville de Genève Candolle, les Rocailles dessi- fêtent leur bicentenaire en cette nées par Jules Allemand en 1904, année 2017 ! « Le Jardin, 200 la construction du Jardin d’hi- ans de passion » est une expo- ver et de l’emblématique Serre sition-promenade qui invite le tempérée, un jardin potager de visiteur à (re)découvrir l’histoire conservation, une parcelle de du Jardin botanique de Genève, roses… Deux cents ans de pas- de sa création au Parc des Bas- sion au service des plantes et du tions en 1817, au Jardin BIO public vous sont présentés en une d’aujourd’hui. Une mise en scène exposition de plein air, réalisée originale et diversifiée investit, par des jardiniers… passionnés! le temps d’une saison, la tradi- tionnelle descente des massifs Ce catalogue accompagne et fleuris. Imaginée comme une illustre l’exposition «Le Jar- promenade chronologique, 16 din, 200 ans de passion» avec massifs illustrent le savoir-faire une version enrichie des textes des jardiniers et les différentes et de l’iconographie qui la techniques horticoles déve- composent. Le lecteur décou- loppées à travers deux siècles vrira également en images de botanique à Genève. Le visi- les coulisses du montage de teur découvre ainsi la collection l’exposition par les jardiniers. 3
Historique du Jardin botanique de Genève Première période Le Jardin botanique, créé en 1817 par Augustin- l’entrée de ce jardin par des plates-bandes desti- Pyramus de Candolle (1778-1841), a vu le jour dans un nées aux essais de culture, avant d’arriver à ce grand espace périphérique de la cité tout à fait particulier. espace formel orné d’un bassin rond en son centre, que L’emplacement choisi se situait entre deux enceintes l’on traversait en longeant une orangerie flanquée de des fortifications de la ville, comme emprisonné de serres sur le côté du jardin qui s’appuyait à la muraille. murailles. A l’extrémité, vers le Palais Eynard en construction, se trouvaient les collections agronomiques, dont le L’endroit avait connu de meilleurs jours au XVIIIe siècle catalogue paru en 1820 annonçait déjà plus de 300 sous l’appellation de « Belle Promenade », aux allées variétés de vignes et près de 400 variétés d’arbres régulières plantées de marronniers, ce qui en faisait le fruitiers, véritable offre d’enrichissement de la biodi- premier parc public de la ville par sa taille. Les vicis- versité alimentaire auprès des cultivateurs. situdes de l’époque révolutionnaire ayant peu à peu transformé ce parc en friche impénétrable, il fallut Cet ensemble déjà très riche dès son départ fut le fruit abattre les arbres et travailler le terrain en profondeur. d’une préparation minutieuse par son concepteur, L’idée d’y cultiver des pommes de terre fut un moyen animé d’une activité prodigieuse, enthousiaste et pratique de lutter contre le chômage et la disette qui contagieuse. Il faut se représenter cet espace de plus sévissait à l’époque, tout en améliorant le terrain. de 8000 mètres carrés, intensivement et uniquement exploité par le directeur, un jardinier et deux orphelins Le projet d’Ecole botanique au centre du nouveau confiés par l’Hospice Général. Jardin imposa un alignement de 50 plates-bandes rectilignes, bordées de buis, pour recevoir les repré- Cette première période très brillante du Jardin sentants des nombreuses familles botaniques des- botanique, qui s’insère aussitôt dans un réseau inter- tinées à l’enseignement: plus de 3000 semis sont national, sera extrêmement féconde scientifique- effectués dès 1818 à cet effet ! Il faut imaginer ment et très populaire ; elle se termine après la mort de son fondateur en 1841 et la démission de son fils Jardin botanique des Bastions 1824 Alphonse de Candolle en 1849, par des temps difficiles. ©BGE, Ville de Genève 5
Bastions, vers 1909 ©BGE, Ville de Genève Temps difficiles œuvre pour préparer ce transfert et établir le nouveau Jardin, qui sera inauguré avec le tout nouveau Conser- En effet, le Jardin botanique sera dirigé successive- vatoire botanique à la Console en 1904. ment par Georges Reuter, Jacques Brun et Jean Müller Argoviensis de 1849 à 1896, sans qu’ils n’arrivent à le Au cours des années suivantes, l’Arboretum sera maintenir en l’état en raison de décisions municipales fortement amputé avec l’agrandissement du réseau inappropriées. La tutelle politique change de structure routier et les serres seront transférées au centre du et d’attitude, l’importance ornementale des cultures Jardin. L’Ecole botanique et son entretien fastidieux prend le pas sur le caractère scientifique et botanique seront supprimés au profit d’une grande collection de des collections. Les postes du directeur et du jardinier plantes médicinales et officinales, plus en phase avec ne sont pas toujours renouvelés à temps (deux ans l’intérêt du public. Toutefois, la passion pour la flore sans direction) et le Jardin passe sous la tutelle du alpine longuement promue par Henry Correvon se Service des Parcs de 1865 à 1881. confirme de plus en plus, le grand public étant forte- ment sensible à la mode des excursions en montagne. Deuxième période Albert Zimmermann est le grand spécialiste de toute cette période. Jardinier-botaniste de grand talent, Dès l’avènement de John Briquet à la direction en il va initier la protection des plantes en site naturel, 1896, le Jardin prend un essor tout à fait extraordi- amplifier la construction de rocailles et compléter naire que l’on peut qualifier de renaissance de l’ins- les collections alpines et tropicales avec ses récoltes titution, avec le relogement proposé à l’Ariana, pro- ramenées de l’Himalaya au cours de deux expéditions priété léguée par Gustave-Henri Revilliod. Le plan de en 1952 et 1954. On peut encore mettre à son actif grande ampleur réalisé par Jules Allemand, paysa- la construction d’une grande orangerie en 1951 et la giste renommé ayant collaboré avec Edouard André création d’un petit parc animalier après la réunion de à Paris, proposera entre autres un magnifique jardin la campagne du Chêne en 1954. Sa carrière culminera alpin, un arboretum important et une grande serre, ce avec le succès considérable remporté aux Floralies de qui manquait à l’ancien Jardin. Le Jardinier-chef Pierre Nantes en 1967, où il aura construit de toutes pièces Grandjean mettra ses nombreuses compétences en un authentique jardin alpin en un temps record. 6
Lithographie aquarellée et gouachée d’Alfred Guesdon. © BGE, centre d’iconographie genevoise, Vue de Genève, vers 1858 Troisième période Les collections s’étant fortement développées, le la rénovation du Jardin d’hiver. La création d’un Jardin Conservatoire botanique comme les plantes de serres des senteurs et du toucher ainsi que d’une Roseraie se sentent à l’étroit et aspirent à d’autres horizons. historique, puis le contrat d’entretien du domaine du Une période très importante de métamorphose du château de Penthes feront passer la surface du Jardin Jardin botanique prend alors forme sous la direction de 12 hectares en 1977, à près de 30 hectares à ce jour. du professeur Jacques Miège. Très en phase avec les autorités politiques de son temps, et dès sa venue Depuis 1992, le Jardin collabore avec la fondation en 1965, il créera avec ses collaborateurs un plan ProSpecieRara sur des projets de conservation de directeur qui va révéler un programme très complet: la biodiversité cultivée. Les jardiniers assurent la construction d’un nouveau Conservatoire botanique multiplication de semences d’anciennes variétés pour abriter les collections de l’Herbier et de la Biblio- de légumes et la conservation d’un patrimoine frui- thèque qui ont considérablement augmenté, création tier historique. Le parc animalier présente une large d’une volière, extension du Jardin botanique avec l’ac- sélection de races en voie de disparition, comme les quisition de la Terre de Pregny, construction de tout chèvres Capra Grigia, les moutons d’Engadine ou les un ensemble de nouvelles serres et de la Maison des poules huppées d’Appenzell. jardiniers. Le Jardin a traversé tout récemment une importante Malgré ces dépenses considérables, la Ville assu- période de travaux, qui a consisté successivement à mera aussitôt la prise en charge des Serres de Pre- l’extension de l’Herbier, la construction d’un nouvel gny en 1986, mises à disposition de l’Etat par le baron espace d’accueil du public comprenant un restaurant Edmond de Rothschild, qui arrivent à point pour rem- et un magasin, la rénovation du Conservatoire histo- placer l’orangerie et l’unité de production horticole. rique de la Console et la restauration complète de la Elles seront restaurées en 1994 , et en 1996 s’ensuivra Bibliothèque. 7
Les jardiniers, 1935 Jean Iff, grainier, 1960 Plantations aux Rocailles, 1952 8
Le Jardin, 200 ans de passion Deux cent ans de jardin, ça se fête ! Montpellier en véritable agronome, autant qu’en botaniste d’envergure. A 40 ans, il sait quasiment tout Surtout qu’il ne s’agit pas de n’importe faire et le réalise à Genève dans « son Jardin », comme jardin: c’est celui de Candolle. il se plaît à le dire. On y cultive des plantes sauvages afin d’enseigner la « Je passe tout mon temps depuis botanique, voilà qui ouvre les esprits ! Deux cents ans un mois à semer, à planter, enfin à d’acclimatation d’orchidées et d’arbres exotiques, et presser un peu tantôt les hommes c’est tout l’horizon du jardinier qui prend le large ! et tantôt les choses pour arriver à organiser cet établissement qui par Dès 1817, cette passion commence avec Augustin-Py- sa position et sa nature est susceptible ramus de Candolle. La passion, il en a à revendre, et de faire honneur à notre pays » .2 cela commence tôt : Candolle est devenu ce que l’on pourrait appeler un « J’ai déjà un petit herbier de mousses véritable Homme-Jardin. Réunissant les savoirs assez joli et outre cela, je tiens sur ma scientifiques et agronomiques, aussi bien que l’art fenêtre des assiettes humectées où je du paysage, il va les transmettre avec profit aux jardi- transplante toutes celles que je trouve niers, à une époque où Genève n’offre quasiment rien et où je me forme un petit jardin d’un en formation horticole. genre tout particulier » .1 La trace qu’il a laissée s’est transformée en sillon. Aujourd’hui, on retient de Candolle ce que la tradition Celui-ci a beaucoup embelli l’histoire des Bastions a quasiment transformé en hagiographie. Il a entre- depuis la Restauration, l’apparition du Jardin bota- pris de décrire toutes les plantes connues de la pla- nique ayant effacé les mauvais souvenirs de la Révo- nète dans le « Prodromus », cette œuvre immense qui lution genevoise de 1792. Il va fructifier de plus belle a occupé la fin de sa vie. Elle donne de lui l’image d’un encore avec son déménagement à l’emplacement grand savant, pourtant on découvre qu’il fut encore actuel en 1904. L’extension constante de ce Jardin et beaucoup plus que cela. l’expansion de ses activités démontrent la fécondité de ce sillon qui nous a mené jusqu’à l’exposition C’est riche d’expérience pratique qu’il aborde la « LE JARDIN, 200 ANS DE PASSION ». création du Jardin botanique de Genève. Sa passion est contagieuse sur bien des plans et il en tire parti. 1 Lettre d’Augustin-Pyramus de Candolle à son père, Il a tellement accumulé d’expérience au cours des 18 janvier 1795, il a 17 ans. enquêtes agronomiques sur tout le territoire fran- 2 Lettre d’Augustin-Pyramus de Candolle au Dr Marcet, çais, qu’il peut agir ensuite au Jardin botanique de à Londres, mai 1818. 9
1817 Naissance du Jardin botanique de Genève, le contexte est explosif ! Destruction des marchandises introduites en fraude et répression pendant le blocus français, au pied de la statue de Rousseau, début 19e. © BGE - Bibliothèque de Genève, Centre d’iconographie genevoise 10
1816, l’année sans été Emeute des pommes de terre Le Jardin botanique voit le jour durant Pourtant, l’émeute éclate le 15 octobre : une période de disette peu commune, « une scène séditieuse eut lieu à la place qui a commencé en 1816. du Molard, dont le but apparent était de se plaindre du haut prix des pommes Une année sans été, des pluies froides de terre, par suite de plusieurs en plaine et de la neige dans toutes accaparements ».4 les vallées ont anéanti les récoltes, mais personne ne se doute encore Saladin de Budé, qui est un témoin de tout premier que l’explosion gigantesque du volcan plan, assiste à la retraite de la troupe armée devant Tambora en Indonésie, avec ses 150 les factieux, aux « cris tout à fait révolution- kilomètres cubes de cendres envoyées naires ».5 dans les airs, est à l’origine de ce phénomène. Création du Jardin botanique La disette et le chômage: Au Jardin botanique, la récolte des pommes de terre un contexte social explosif ! donnera 235 coupes (une coupe équivaut à environ 77 litres, soit un total de 12600 kg). De qualité médiocre, Mais en 1817, le climat social à Genève est explosif elle sera distribuée à la troupe. Après quoi, Augus- lui aussi. La création du Jardin botanique a nécessité tin-Pyramus de Candolle fait tracer toutes les plates- le défrichement de la Belle Promenade, quasiment bandes du Jardin : abandonnée depuis les exactions révolutionnaires de la Terreur. En effet, Augustin-Pyramus de Candolle « Le 19 novembre, j’engageai le premier réussit assez facilement à convaincre le gouverne- Syndic, M. Delarive, à venir avec les ment de créer ce Jardin, indispensable à l’enseigne- membres de la commission du Jardin à ment de la botanique. assister à la plantation de la première plante de l’Ecole botanique ».6 « Le Conseil vit là, avant tout, un moyen de parer au chômage Plus de 600 espèces seront déjà assez fort qui menaçait la ville ».3 plantées avant l’hiver ! Ils vont abattre les arbres, labourer le terrain et 3 Henri Friderich, A travers Genève, p. 57, 1925 y planter des pommes de terre, aussi bien pour 4 Abraham-Auguste Saladin de Budé, Journal (manuscrit AEGE) améliorer le sol que pour subvenir aux besoins ali- 5 Ibid. mentaires de la population. 6 Augustin-Pyramus de Candolle, Ed. 2004, Mémoires et souve- nirs, p.349, la première espèce selon l’ordre du Prodrome sera une clématite 11
1820 Collections de vignes et d’arbres fruitiers près du Palais Eynard, premier quart 19e siècle ©BGE, Ville de Genève Projet par A.-P. de Candolle pour le Jardin botanique aux Bastions en 1816 © BGE, Ville de Genève 12
La Collection L’Ecole botanique constitue la pièce fruitière maîtresse du nouveau Jardin, mais les collections agronomiques programmées depuis Montpellier revêtent une grande importance. Pour Candolle, la botanique doit être utile en mettant son savoir à disposition de l’agriculture. Candolle: l’Homme-Jardin Dès l’inauguration du 19 novembre 1817, Candolle va mettre les bouchées doubles. Véritable homme- orchestre, sa prodigieuse énergie va propulser la réal- isation de son projet : 600 espèces offertes par le pub- lic et les pépinières sont plantées en deux mois. Dès le printemps, 3077 espèces sont élevées en cul- ture pour peupler l’Ecole botanique. Un jardinier vient d’être engagé le 20 février. Il s’appelle Louis Gay, de Mies. C’est un travailleur de force, mais il ne connaît pas la botanique et encore moins les noms des plan- tes à étiqueter. Pour l’instant, il est seul pour aider Candolle avec quelques bénévoles. Candolle avec quelques bénévoles Après la pénurie de 1816-1817, Candolle constitue rapidement une collection d’environ 1000 variétés agronomiques, pour subvenir aux besoins alimen- taires de la population. Les vignes et les arbres fruit- iers sont en première ligne, pour que les agriculteurs puissent s’approvisionner en greffons et en jeunes plants. Le catalogue de cette collection en 1820 sera donc la première publication botanique éditée par Candolle Page-titre du catalogue fruitiers 1820 à Genève. 13
1820-1840 Augustin-Pyramus de Candolle par Pierre-Louis Bouvier, 1822 © Société des Arts de Genève 14
L’Ecole botanique La création du Jardin botanique constitue un élément essentiel des tractations de Candolle avec les autorités genevoises, pour son retour Dans son art d’enseigner, Candolle est novateur par sa à Genève et sa nomination de profes- constante improvisation. Son attitude aussi est atyp- seur à l’Académie. Candolle considère ique pour l’époque et cela lui donne l’image d’un pro- le Jardin botanique comme un livre fesseur libéral et efficace. Le bonheur de transmettre ouvert, dont la fonction principale est d’Augustin-Pyramus s’exprime également à travers de servir à l’enseignement. Il installe son aisance dans les rapports humains : donc l’Ecole botanique au centre géographique du Jardin, vers lequel « L’affection de mes élèves m’en a convergent toutes les activités. récompensé, et sous ce rapport, ma carrière professorale a été vraiment « On fait d’un Jardin une espèce de livre douce et heureuse ».9 vivant que chacun consulte avec fruit ».7 L’herbier Moritzi, L’enseignement de Candolle a laissé de nombreuses témoin de l’Ecole botanique traces tant dans les archives que dans les souvenirs de ses anciens élèves. Son charisme particulier, lié à Admirateur d’Augustin-Pyramus de Candolle, le bota- une personnalité très enthousiaste, a probablement niste grison Alexander Moritzi (1806-1850) a travaillé fait tomber les barrières qui pouvaient retenir les cinq ans à Genève au service du fondateur du Jardin quelques personnes les moins attirées par cette sci- botanique, durant la décennie 1830-1840. Moritzi a ence à la mode. collecté de nombreux échantillons de plantes cul- tivées dans le Jardin de l’époque, surtout en 1839, L’émulation touchera même Saladin de Budé, ancien constituant ainsi un herbier de référence particulière- syndic en charge de la Chambre des travaux qui super- ment soigné de 600-700 espèces, aujourd’hui encore vise les constructions en cours au Jardin botanique : conservé aux CJB. « Monsieur De Candolle Professeur 7 Augustin-Pyramus de Candolle, Dictionnaire des sciences natu- relles, 1822, tome 24, p.173 d’Histoire Naturelle élémentaire ayant annoncé son cours de Botanique, je me 8 Saladin de Budé, Journal, manuscrit AEG décidai à le suivre avec exactitude ».8 9 Augustin-Pyramus de Candolle, Mémoires et souvenirs, 2004 15
16 1904
Le nouveau Jardin botanique Le nouveau Jardin botanique et son Conservatoire flambant neuf sont inaugurés en septembre 1904. Le jardin alpin est imposant pour l’époque et La mise en œuvre de ce déménagement obtiendra constitue la pièce maîtresse du projet un franc succès dans la presse locale et interna- paysager de Jules Allemand. tionale. Cette réussite est due au travail de John Briquet, directeur à l’activité prodigieuse, ainsi Un passé sans extension possible qu’aux compétences de Pierre Grandjean, jardi- nier-chef de grand talent. Après avoir mal survécu dans l’espace restreint des Bastions, le Jardin botanique qui végète depuis Le nouveau Jardin botanique peut 1850 fait l’objet de tractations diverses, chaudement se targuer de posséder un programme recommandées par Alphonse de Candolle (1806- complet de collections thématiques, 1893), fils d’Augustin Pyramus. La Ville propose une dont la pièce maîtresse sera nouvelle existence au Jardin botanique dans l’actuel le Jardin alpin Parc Mon Repos, légué à cette intention par Philippe Plantamour. Tout comme l’ensemble du projet paysager, nous devons ce monumental ensemble de rocailles à l’ar- De surface toutefois trop limitée, le projet sera aban- chitecte-paysagiste de renom Jules Allemand. Après donné au profit d’une nouvelle proposition. La Ville avoir été le collaborateur du célèbre Edmond André envisage le déménagement à l’Ariana, les construc- à Paris, il a installé le Village Suisse de l’Exposition tions devant être groupées sur la parcelle de la nationale suisse à Genève en 1896, puis celui de l’Ex- Console. position universelle à Paris en 1900. Cette immense propriété de Sécheron léguée par Gus- Pourtant, dans le projet du Jardin botanique, il ne tave-Henri Revilliod a la dimension d’une villa à l’ita- s’agira pas seulement d’imiter un paysage alpestre. lienne. Elle descend jusqu’au lac et ouvre de nouveaux John Briquet tient à exposer la diversité de la flore horizons. Malgré de nombreuses difficultés juridiques alpine avec une vision biogéographique. Avec Jules liées aux dispositions testamentaires de Revilliod, la Allemand, ils vont récidiver quelques années plus tard Ville réussira à imposer l’établissement de cette ins- pour bâtir le Jardin alpin de la Jaÿsinia, à Samoëns, titution publique avec les constructions qui lui seront lequel bénéficiera d’un suivi scientifique assuré par indispensables. John Briquet. Le chemin creux, 1904 17
Genève devient 1904 la Mecque des plantes alpines Le Jardin alpin devient rapidement le site le plus remarquable du nouveau Jardin botanique. Il est célébré dans la presse pour son ampleur, sa réussite esthétique et sa composition inhabituelle. Un passé sans extension possible L’histoire de la flore alpine à Genève démarre hâti- vement, mais elle est longtemps restée cantonnée à quelques initiatives privées. Elle commence vraiment au Jardin botanique avec le programme de Candolle, qui se préoccupe très tôt de la flore locale. Il précise que les plantes des montagnes seront placées dans la plate-bande au sud de l’Ecole botanique, près de l’al- lée des marronniers : « Je compte pendant l’été me procurer la plus grande quantité de plantes alpines que je le pourrai, afin de tenter de les avoir en assez bon état pour pouvoir dans la suite en faire un objet d’étude et d’envois ».10 Dès 1823, il effectue une longue excursion dans les Alpes vaudoises avec des botanistes, des étudiants et son fils Alphonse qui a 17 ans. Pour ce dernier, ce sera une sorte d’initiation qui va lui mettre le pied à l’étrier. Alphonse part avec deux amis herboriser dans le massif du Bargy en Haute-Savoie. C’est là qu’il va ren- contrer le guide de montagne Timothée Moënne-Loc- coz, qui deviendra le principal fournisseur de plantes alpines du Jardin botanique à partir de 1832. Timo- La grande cascade et Pierre Grandjean, 1904 thée, ainsi que son fils qui prendra le même nom, 18
Le jardin alpin et la demeure de Gustave Revilliod, 1904 travailleront ensuite beaucoup avec Reuter et ses Ses activités commerciales seront parfois en porte-à- successeurs. La culture des plantes alpines s’affine faux avec une réelle protection des espèces. Nous lui peu à peu et en 1846, Alphonse relate le grand suc- devons une grande partie de l’éradication des sabots cès obtenu en culture sur pierres de tuf, que son jar- de Vénus (Cypripedium calceolus L.) de toute la région. dinier Louis Gay de Vandœuvres et lui-même ont mis au point. Cette méthode sera largement imitée par Nous connaissons mieux tout le talent que Pierre Boissier en son jardin de Valleyres et aussi par Henry Grandjean mettra au service de la flore alpine durant Correvon dans le futur. sa carrière au Jardin botanique, avant de laisser pré- maturément la relève à Charles Larderaz. Georges Reuter, conservateur de l’herbier de Candolle, est engagé par Augustin-Pyramus pour déterminer les Avec Albert Zimmermann, le Jardin alpin va débuter plantes au Jardin botanique. Il se liera d’amitié avec une nouvelle vie très active avec la construction de Edmond Boissier, avec qui il va parcourir de nom- nouveaux groupes de rocailles très importants, qui breuses montagnes, récolter des plantes et finale- vont compléter le projet original de Jules Allemand. ment devenir conservateur de son herbier. Les groupes d’Orient, des Pyrénées, de l’Himalaya, du Japon et d’Amérique seront construits au cours Nommé directeur intérimaire du Jardin botanique en des années 1950 à 1952. Zimmermann possède un 1850, il amplifiera les rocailles des Bastions, à l’aide immense talent et un sens certain de l’architecture du de ses nombreuses récoltes sur le terrain, étant paysage, inspiré de la connaissance approfondie des devenu entretemps un des meilleurs connaisseurs de massifs géologiques montagneux. la flore locale. En 1881, Henry Correvon est nommé Jardinier-chef mais ne le reste que deux ans, s’affran- Ses expéditions en Himalaya de 1952 et 1954 vont chissant rapidement pour fonder sa propre entreprise apporter de nombreuses récoltes au Jardin. Il perfec- de vente de plantes alpines. Jardinier-botaniste extrê- tionnera la culture sur murs de tuf, autour de la ter- mement talentueux, il sera visionnaire pour la protec- rasse du Jardin d’hiver, et couronnera sa carrière avec tion des plantes, et le chantre de la flore alpine à bien l’obtention du premier prix aux Floralies de Nantes en des égards, créant plusieurs jardins expérimentaux 1963, avec la reconstitution d’un jardin alpin. d’altitude. Sans nul doute, il aura considérablement bénéficié des expériences de ses prédécesseurs 10 Lettre d’Augustin-Pyramus de Candolle à André Thouin, profes- au Jardin botanique, ce qu’il mettra peu en avant. seur au Jardin des Plantes à Paris, mai 1818 19
1911 Vue intérieure de 1922 Vue intérieure de 2007 20
Le Jardin d’hiver Le nouveau Jardin botanique inauguré en 1904 ne possède pas encore de serres. On utilise encore les serres de l’ancien Jardin des Bastions, qui seront démolies en 1909 pour laisser la place au Mur des Réformateurs. Une serre qui voyage Tout d’abord prévu pour être construit au bord du lac, La destinée du Jardin d’hiver sera trop vite con- le Jardin d’hiver qui sera la première serre de l’Ariana trariée par l’évolution rapide de tout ce quartier. Il destinée au public est toutefois édifié à l’ouest du Jar- sera déplacé sur le site actuel en 1935, pour laisser din, dans une exposition plus ensoleillée. place à la création de l’avenue de la Paix, et recevra à ce moment-là une deuxième aile que le plan d’origine Le choix de son architecture, dont l’élégance et la avait déjà prévu. finesse sont très abouties, appartient résolument à l’époque victorienne des palmariums. Sa silhouette L’intérieur de cette serre a longtemps été séparé en ainsi que le verre martelé dont elle est recouverte trois parties, la coupole centrale n’abritant jusqu’alors l’apparentent beaucoup à la grande serre d’Auteuil à que des espèces des régions tempérées ou subtrop- Paris. Son architecte Henri Juvet a probablement dû icales. C’est en 1951 qu’Albert Zimmermann a entre- s’en inspirer. pris de grands travaux pour constituer une véritable serre tropicale, avec un sous-sol muni d’un chauffage Les finances municipales de l’époque ne permettent pour tempérer le voisinage des racines de palmi- d’en construire qu’une partie. C’est aussi le cas pour ers. Restauré en 1998, le Jardin d’hiver conserve sa les petites serres de collection, construites près du vocation d’accueil pour dépayser le public durant la chemin des Mines, en 1907 et 1908. saison hivernale. Son décor de jardin ornemental des tropiques, agrémenté d’un espace consacré aux plan- Lueurs de l’aurore au travers du vitrage, 2000 tes alimentaires exotiques, invite toujours au voyage. 21
22 1940
Jardin des plantes officinales La collection de plantes médicinales est créée en 1940 à la demande du professeur de pharmacognosie Lendner. A cette époque, on utilise un matériel abondant pour illustrer les cours à l’Université, ainsi que pour les travaux pratiques des étudiants. Les plantes médicinales dans l’histoire Cette collection s’implante dans les plates-bandes de du Jardin botanique la systématique et les espèces sont aussi classées par familles. Toutefois, on prend bien garde de situer Le Jardin botanique des Bastions possédait une col- cette collection hors de l’ombre portée des grands lection de ce type dès sa fondation. Elle faisait partie platanes. du programme de Candolle dès 1816. Dès 1947, toute l’ancienne systématique en plates- Les plantes médicinales étaient déjà cultivées par bandes carrées est modifiée. Elle était l’héritière de Jean Bauhin en Vieille-Ville au XVIe siècle. Surnommé l’Ecole botanique des Bastions, mais on constate peu « le père de la botanique »11, ce médecin huguenot à peu un désintérêt croissant de l’Université pour ce réfugié à Genève fut engagé comme « médecin de la type de collection par familles. Cela est peut-être Seigneurerie »12. Il ne resta à Genève que de 1568 à aussi dû à l’éloignement géographique. Albert Zim- 1570, le temps de trois saisons de culture pour réunir mermann redessine toute la parcelle en harmonisant des plantes médicinales à l’usage de l’enseignement. les cheminements avec le style du parc créé par Jules Ces quelques plates-bandes, trop hâtivement qual- Allemand. ifiées de « premier jardin botanique »13 de Genève étaient situées à Saint-Aspre, juste à côté de l’hôtel Désormais, la collection des plantes médicinales n’est de ville. Il s’agissait d’une terrasse emprisonnée entre plus organisée par familles, mais par le type d’utilisa- l’enceinte de la cité et le mur qui surplombe la rampe tion qu’on fait des espèces. De plus, on y adjoint en de la Treille, de dimension assez réduite. La culture de 1948 les groupes de plantes utilisées en parfumerie, ces plantes médicinales fut peu à peu abandonnée en cuisine, en teinture et dans l’industrie. Cette col- après le départ de Bauhin pour Montbéliard. lection se rapproche ainsi d’une vulgarisation plus ethnobotanique et prendra le titre de collection des 11 Le développement de la botanique à Genève, H. M. Burdet, H. Greppin et R. Spichiger, Botanica Helvetica 100/3, 1990 Plantes Officinales. 12 Ibid. Collection des plantes officinales, vers 1950 13 Ibid. 23
1954 L’Orangerie en 1955 Démolition de l’Orangerie en 1983 24
L’Orangerie La nouvelle Orangerie abrite une collection d’arbres en bacs, dont un bel oranger qui symbolise par son nom la fonction de ce genre de bâtiment, très répandus dès le XVIIIe siècle. L’orangerie des Bastions sera démolie en 1909 pour laisser la place au Mur des Réformateurs. La collec- En hiver, les orangeries abritent des essences exo- tion d’arbres est successivement hébergée dans plu- tiques qui ne supportent pas le gel. Certains arbres sieurs locaux de fortune, n’ayant toujours pas d’en- de notre collection sont âgés, comme nos deux Podo- droit adéquat pour la loger convenablement. carpus qui proviennent de l’ancien Jardin botanique des Bastions. Il s’agit de deux conifères primitifs, dont La Ville de Genève se décide pourtant à leur dédier ce on ne sait avec précision si c’est encore Alphonse de nouvel édifice en 1954, bien marqué par son époque, Candolle qui les a semés, ou un de ses successeurs. tout de béton massif. Déjà imposants par leur taille, ils sont conservés comme d’antiques bonsaïs de croissance assez lente. Pourtant, sa conception ne laissera pas d’inquiéter Ils constituent de vénérables reliques des temps peu à peu les spécialistes, qui font le constat d’une anciens de l’évolution végétale. importante condensation intérieure. Telle une énorme conque aveugle, elle ne reçoit efficacement de la lu- La première orangerie est bâtie mière que sur une face, la deuxième étant semi-ajou- aux Bastions en 1818 par rée. Il faudra installer une sous toiture de tôles pour Guillaume-Henri Dufour éviter que l’eau ne goutte partout à l’intérieur. Rappelons que le fondateur du Jardin a prévu de Bâtie deux fois, démolie deux fois construire ce bâtiment avant les autres et il en confie la réalisation à Dufour. L’histoire se répète ; cette orangerie jugée peu effi- cace au fil des années sera démolie en 1983, pour Ce polytechnicien n’a pas encore la stature de celui faire place à l’actuelle Maison des Jardiniers. qui deviendra le célèbre général capable de résoudre la guerre civile du Sonderbund. Pourtant, il montre Les plus grands exemplaires de la collection d’arbres déjà la mesure de ses multiples talents. Architecte en bacs sont désormais abrités à la Serre tempérée, pour le Jardin botanique, il est aussi un ingénieur et les autres aux Serres de Pregny. audacieux lorsqu’il entreprend la construction du premier pont suspendu. C’est un petit groupe de pro- Ces plantes continuent de voyager à plusieurs moteurs soucieux de libérer Genève de son carcan de endroits du Jardin au cours des ans, pour apporter à fortifications qui va le solliciter. Le plus actif d’entre l’époque estivale une apparence exotique à laquelle eux est Augustin-Pyramus de Candolle. le public s’est désormais habitué. 25
1960 Villa Le Chêne, été 1965 Serres historiques de Pregny 26
Des massifs horticoles plébiscités par nos visiteurs Les cultivars horticoles En complément des espèces botaniques sauvages des cinq continents, le Jardin présente également des cultivars horticoles. Les massifs horticoles Si Carl von Linné en 1751, et Lamarck en 1778, les considéraient comme des « formes monstrueuses qui Dans les années 1960, à l’ouverture du parc animalier, sortaient de l’ordre de la nature », Gilbert Bocquet, dans le secteur voisin à vocation d’accueil et d’ani- ancien directeur des CJBG de 1979 à 1986, était beau- mation, un espace de présentation fut dédié à ces coup plus élogieux : « Un jardin botanique ne saurait plantes décoratives aux caractères exceptionnels se désintéresser de ces fleurs qui nous ont accompa- et appréciés par les visiteurs (floribondité, durée de gnés parfois depuis l’antiquité. Ces espèces, nous les floraison, fleurs doubles, panachures, résistances...). avons arrachées à leur milieu naturel. Par croisement, Dès 1960, des essais de culture de tagètes y furent par sélection nous les avons modifiées. Nous en avons menés pour la Société Genevoise d’Horticulture. fait une nature tout à fait adaptée à nos maisons et à nos jardins ». Au fil du temps, les massifs furent pérennisés par une délimitation en pavé, puis une deuxième zone fut Hors murs, le Jardin botanique a également participé aménagée autour du bassin rectangulaire de l’espla- avec ses plantes fleuries à diverses présentations nade des serres. horticoles comme les Journées Paysannes (grand prix d’honneur en 1961), les manifestations Fleurs Sujets aux différentes modes, les massifs qui étaient et Campagne (années 1980), les Floralies de Genève jadis plantés en grandes taches monochromes et (années 2000) et encore bien d’autres rendez-vous monospécifiques, ont maintenant tendance à présen- notamment en France. ter des mélanges plus harmonieux, avec une présence plus importante de plantes vivaces. En 1982, un guide intitulé « Favorites des balcons et jardins », (série documentaire n°7 des Conserva- L’établissement horticole toire et Jardin botaniques de la Ville de Genève) a été réalisé par notre institution en collaboration avec le Les plantes nécessaires à ces présentations sont Laboratoire de techniques agricoles et horticoles de élevées en culture biologique dans notre centre de Genève. Le but était de mieux faire connaître une cin- production horticole de Pregny, récemment construit quantaine de plantes horticoles de jardin à cultiver dans l’enceinte des serres historiques léguées par le sous notre climat. Baron de Rotschild. 27
28 1980
Dahlias et collections horticoles Les collections horticoles Dahlia Dans les années 1980, les grandes présentations Si l’on retrouve trace en 1959 d’une exposition de horticoles étaient constituées de tulipes en avril Dahlia aux CJBG, les périodes phares pour ces mas- (50000 bulbes), de plantes annuelles en juillet-août et sifs réputés furent les années 1980. Des liens étroits de dahlias en septembre. avec la Maison Lecerf (GE) permettaient un assorti- ment automnal spectaculaire. D’autres collections botaniques comme celle des rho- dodendrons en mai et celle des rocailles en mai-juin Originaire du Mexique principalement, de la famille enrichissaient la gamme de ces belles présentations des Astéracées, le genre Dahlia a été décrit en 1650 saisonnières. pour la 1ère fois, et baptisé en 1789 en l’honneur du botaniste suédois Andreas Dahl. Les essais variétaux La plante a conquis peu à peu l’Europe sans que son Nombre de massifs horticoles avec des collections de utilisation soit bien définie: elle a longtemps été chrysanthèmes, tulipes, dahlias, pensées etc. étaient considérée comme un légume racine. Les horticul- en réalité des essais de culture soumis au jugement teurs ont de leur côté expérimenté des croisements des horticulteurs et du public. Issus de contacts de sorte qu’en 1830, 454 cultivars étaient catalogués. étroits avec le Groupement Technique Horticole (GTH), Les fleurs doubles apparurent en 1816 au Royaume- le Service des Espaces Verts, l’Ecole d’Horticulture de Uni, celles en pompons en 1850 en Allemagne, les Lullier, l’Association Genevoise des Marchands Grai- fleurs de cactus en 1872 en Hollande et celles à niers (MM. Baud, Berthet, Besson, Brasier, Comte, collerette en 1899 en France. Le genre comprend Dufournet, Mock, Lecerf et le Comptoir grainier) ou aujourd’hui plus de 20000 cultivars issus principa- même le semencier vaudois Blank, ces massifs met- lement des espèces de Dahlia pinnata, D. rosea et D. taient en valeur l’effort fourni par les sélectionneurs coccinea. de tous les continents dans le domaine des nouvelles obtentions. La « fleur » de Dahlia est en réalité un capitule consti- tué d’un ensemble de très petites fleurs groupées Chaque année, le GTH proposait les plantes pour deux sur un réceptacle et dont certaines ont l’aspect essais variétaux de 150 m2, à charge des CJBG de d’étamines, de pistils ou de pétales. Plante vivace, mettre à disposition les massifs, d’effectuer les plan- le Dahlia possède des racines fasciculées charnues tations, les arrosages et les soins nécessaires. – improprement appelées tubercules – à tiges her- bacées rarement ligneuses que détruisent les pre- Essais de cultures horticoles (tulipes, annuelles et dahlias) mières gelées. 29
30 1988
La Serre tempérée Elle abrite aujourd’hui des plantes de climats tempérés, et remplace l’ancienne orangerie démolie en 1983. Cette serre monumentale est signée Jean-Marc Lamunière. Cet architecte a marqué Genève par une carrière parsemée de nombreuses réalisations. On lui Les plus démonstratifs passent de l’univers humide devait déjà notre bibliothèque de style pavillonnaire des fougères arborescentes aux régions relative- et nos herbiers, mais cette serre se démarque totale- ment sèches du monde, la part belle étant dévolue ment de ses autres constructions par son évocation aux convergences morphologiques des plantes suc- palladienne. Cette projection très classique a revêtu culentes avec les Cactus cierges d’Amérique et les un aspect grandiose pour répondre au souhait de nos grandes Euphorbes candélabres d’Afrique, pour autorités, qui désiraient un bâtiment remarquable n’évoquer que les plus évidentes. pour signaler le Jardin botanique à l’entrée de la ville. La passerelle perchée à huit mètres de hauteur Elle s’adresse au grand public dans la plus pure tra- offre au public une vision insolite sur le sommet dition britannique, qui décline ici les aspects de la des plantes, alors que les sentiers intérieurs des végétation des zones tempérées de la planète. Son plantations, quant à eux, proposent une proximité espace au sol est certes restreint, si l’on considère sa inhabituelle et plus intimiste avec des espèces peu hauteur majestueuse, mais on y trouve toutefois les fréquentes, dont les troncs et autres stipes ont des évocations de biotopes très contrastés. textures très variées au toucher. 31
32 1991
Le Jardin des Senteurs et du Toucher Sous l’impulsion du Professeur Bocquet revêtement) qui indique également la présence d’une et de la Société Romande des Amis des étiquette. Un panneau à deux pans donne le nom de Roses, un projet de jardin didactique à la plante, son origine géographique, sa famille bota- l’attention des malvoyants commence nique ainsi que certaines indications sur sa florai- à se discuter en 1984 déjà. son. Sur un côté, la taille importante du texte et le Le Jardin des Senteurs et du Toucher, contraste des couleurs (noir sur métal) permettent qui est la première réalisation de ce une lisibilité optimale. De l’autre côté, les mêmes type en Suisse, est inauguré le 17 mai informations sont données en braille. Certains de ces 1991 à la Terre de Pregny. panneaux sont munis d’un stick de parfum qui permet de sentir les odeurs des plantes lorsque la période de Sa réalisation a été entièrement conçue et pré- floraison est terminée. Ce jardin est également doté vue pour faciliter l’approche du Jardin par un public d’une fontaine en son centre (le bruit de l’eau sert de aveugle ou malvoyant. Plus de 150 espèces de plantes repère) et d’un plan en relief pour se situer. ont été sélectionnées selon trois critères : le parfum (odeur de la fleur ou des feuilles), la texture (rugo- Le Jardin des Senteurs et du Toucher est un formi- sité, douceur, épines) et la couleur (des bulbeuses en dable outil didactique et reste un lieu privilégié pour particulier). Ces plantes sont présentées dans 500m2 l’organisation de visites guidées. S’il est dessiné et de massifs rehaussés par des murets en pierre natu- conçu à l’origine pour les malvoyants, son caractère relle, de manière à guider le visiteur à travers le Jar- interactif favorise une approche tactile des plantes din. Chaque groupe de plantes est signalé au sol par pour tout type de public, et plus particulièrement un aménagement pavé (changement de structure du les scolaires. 33
1992 La Roseraie à son emplacement initial Restauration et déplacement de la Roseraie en 2015 34
Rosa canina L. Rosa centifolia L. Une Roseraie historique Implantée en terre de Pregny depuis 1992, la Roseraie des CJBG retrace lement neuf espèces du genre Rosa ! À l’état naturel, l’histoire de la rose, depuis l’Antiquité les roses n’existaient que dans l’hémisphère nord. Les jusqu’à nos jours. Classée de manière premières hybridations sont apparues à la fin du XVIe chronologique, elle permet de décou- siècle, époque à laquelle on commence à cultiver les vrir toute l’évolution de la rose au fil roses dans les jardins, pour la beauté et le parfum de du temps, à travers un échantillon des leurs fleurs. quelques milliers de variétés exis- tantes à travers le monde. Le véritable essor a commencé au XVIIIe siècle, avec Lors de sa restauration complète en l’introduction des rosiers de Chine en Europe. Les pas- 2015, la Roseraie s’est agrandie et sions se sont déchaînées avec de nouvelles couleurs a déménagé en face du Jardin des nuancées du jaune à l’orange, et surtout par la capa- Senteurs et du Toucher. cité remontante de ces rosiers chinois, qui offrent des floraisons multiples allant du début du printemps Dans la Nature, il existe un peu moins de 200 espèces jusqu’à l’automne. Depuis lors, les horticulteurs n’ont botaniques du genre Rosa. À de rares exceptions, les jamais cessé de créer de nouvelles variétés, à force rosiers sauvages sont des buissons épineux, dont les de sélections, de croisements, et parfois aussi tout fleurs s’épanouissent au printemps. Elles comptent simplement de coups de chance ! Les roses sont ainsi cinq pétales de couleur blanche ou rose. Il est inté- devenues de plus en plus variées en termes de cou- ressant de savoir que les dizaines de milliers de leurs, de parfums, mais aussi de formes de la fleur cultivars actuels sont génétiquement issus de seu- elle-même. 35
36 1996
ProSpecieRara Le Jardin botanique collabore avec standardisées, mais aussi plus fragiles. Le patrimoine ProSpecieRara, fondation suisse pour génétique que nous conservons au Jardin botanique la diversité patrimoniale et génétique représente un gage de sécurité pour les éleveurs. De liée aux végétaux et aux animaux, nombreux agriculteurs, en particulier en production depuis 1992. Cette même année se biologique, cherchent en effet à apporter de la rusti- tenait à Rio le fameux Sommet de cité dans leurs critères de sélection. la Terre, lors duquel fut adoptée la Convention sur la Diversité Biologique. Le deuxième aspect de notre collaboration s’attache La mission principale d’un jardin à la conservation de la biodiversité cultivée. De nom- botanique est de conserver et de breux fruits et légumes « oubliés » disparaissent des mettre en valeur la biodiversité rayons des supermarchés, pour des raisons plus telle qu’on la trouve dans la Nature. souvent économiques que gustatives. Nos jardiniers ProSpecieRara s’attache à conserver assurent la multiplication de semences d’anciennes la biodiversité domestiquée, animale variétés maraîchères dans un potager spécialement ou végétale. Notre rapprochement dédié à ProSpecieRara. Les visiteurs se demandent était donc tout naturel ! souvent pourquoi les légumes ne sont jamais cueil- lis à temps dans ce jardin-là… C’est parce que l’ob- Le point de départ de cette collaboration a été l’adop- jectif est de récolter les graines des emblématiques tion de chèvres et de moutons, ce qui a constitué un cardons Epineux argentés de Plainpalais, de la bette véritable tournant dans l’histoire de notre parc ani- Verte lisse de Genève, ou encore des tomates Paudex malier dès 1992. L’élevage d’animaux de rente était ou Rouges de Marmande. en effet nouveau pour nous, qui plus est de races anciennes en voie de disparition. Nous présentons Nous cultivons également un magnifique verger aujourd’hui au public des moutons d’Engadine, de conservatoire où s’épanouissent des arbres fruitiers Saas, d’Oberland et Roux du Valais, des chèvres Capra haute-tige de variétés anciennes, comme la poire Grigia, ainsi que des poules huppées ou barbues Sept en gueule, la pomme Api étoilé ou la cerise Noire d’Appenzell. L’histoire récente de la sélection animale d’Etoy. Ce verger illustre la fabuleuse diversité des montre clairement un appauvrissement des races fruits et leurs utilisations (fruits frais, jus, conserves, traditionnelles, au profit de races plus productives et confitures, liqueurs, etc…). Il permet également de prélever des greffons pour multiplier ces variétés anciennes dans d’autres lieux. Le bureau de ProSpe- Mouton d’Engadine Diversité des pommes cieRara Suisse romande est hébergé au Jardin bota- Cardon en fleur Poule huppée d’Appenzell © ProSpecieRara nique depuis 1996. 37
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