LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève

La page est créée Severine Etienne
 
CONTINUER À LIRE
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
LE JARDIN
         200 ANS
         DE PASSION

Genève,
Ville verte
www.cjb-geneve.ch
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
2
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
Introduction            3

 Historique du Jardin    7
botanique de Genève

 Le Jardin,              9
200 ans de passion

 Une exposition          11
en 16 dates clés
 Dans les coulisses      44
de l’exposition
 L’étiquetage            52
des plantes

 Anecdotes du Jardin     54

 Le Jardin aujourd’hui   61

 Impressum               63
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
2
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
Introduction
Les Conservatoire et Jardin           fruitière et l’école botanique de
botaniques de la Ville de Genève      Candolle, les Rocailles dessi-
fêtent leur bicentenaire en cette     nées par Jules Allemand en 1904,
année 2017 ! « Le Jardin, 200         la construction du Jardin d’hi-
ans de passion » est une expo-        ver et de l’emblématique Serre
sition-promenade qui invite le        tempérée, un jardin potager de
visiteur à (re)découvrir l’histoire   conservation, une parcelle de
du Jardin botanique de Genève,        roses… Deux cents ans de pas-
de sa création au Parc des Bas-       sion au service des plantes et du
tions en 1817, au Jardin BIO          public vous sont présentés en une
d’aujourd’hui. Une mise en scène      exposition de plein air, réalisée
originale et diversifiée investit,    par des jardiniers… passionnés!
le temps d’une saison, la tradi-
tionnelle descente des massifs        Ce catalogue accompagne et
fleuris. Imaginée comme une           illustre l’exposition «Le Jar-
promenade chronologique, 16           din, 200 ans de passion» avec
massifs illustrent le savoir-faire    une version enrichie des textes
des jardiniers et les différentes     et de l’iconographie qui la
techniques horticoles déve-           composent. Le lecteur décou-
loppées à travers deux siècles        vrira également en images
de botanique à Genève. Le visi-       les coulisses du montage de
teur découvre ainsi la collection     l’exposition par les jardiniers.

                                                                          3
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
4
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
Historique
du Jardin botanique
de Genève
Première période

Le Jardin botanique, créé en 1817 par Augustin-              l’entrée de ce jardin par des plates-bandes desti-
Pyramus de Candolle (1778-1841), a vu le jour dans un        nées aux essais de culture, avant d’arriver à ce grand
espace périphérique de la cité tout à fait particulier.      espace formel orné d’un bassin rond en son centre, que
L’emplacement choisi se situait entre deux enceintes         l’on traversait en longeant une orangerie flanquée de
des fortifications de la ville, comme emprisonné de          serres sur le côté du jardin qui s’appuyait à la muraille.
murailles.                                                   A l’extrémité, vers le Palais Eynard en construction,
                                                             se trouvaient les collections agronomiques, dont le
L’endroit avait connu de meilleurs jours au XVIIIe siècle    catalogue paru en 1820 annonçait déjà plus de 300
sous l’appellation de « Belle Promenade », aux allées        variétés de vignes et près de 400 variétés d’arbres
régulières plantées de marronniers, ce qui en faisait le     fruitiers, véritable offre d’enrichissement de la biodi-
premier parc public de la ville par sa taille. Les vicis-    versité alimentaire auprès des cultivateurs.
situdes de l’époque révolutionnaire ayant peu à peu
transformé ce parc en friche impénétrable, il fallut         Cet ensemble déjà très riche dès son départ fut le fruit
abattre les arbres et travailler le terrain en profondeur.   d’une préparation minutieuse par son concepteur,
L’idée d’y cultiver des pommes de terre fut un moyen         animé d’une activité prodigieuse, enthousiaste et
pratique de lutter contre le chômage et la disette qui       contagieuse. Il faut se représenter cet espace de plus
sévissait à l’époque, tout en améliorant le terrain.         de 8000 mètres carrés, intensivement et uniquement
                                                             exploité par le directeur, un jardinier et deux orphelins
Le projet d’Ecole botanique au centre du nouveau             confiés par l’Hospice Général.
Jardin imposa un alignement de 50 plates-bandes
rectilignes, bordées de buis, pour recevoir les repré-       Cette première période très brillante du Jardin
sentants des nombreuses familles botaniques des-             botanique, qui s’insère aussitôt dans un réseau inter-
tinées à l’enseignement: plus de 3000 semis sont             national, sera extrêmement féconde scientifique-
effectués dès 1818 à cet effet ! Il faut imaginer            ment et très populaire ; elle se termine après la mort
                                                             de son fondateur en 1841 et la démission de son fils
Jardin botanique des Bastions 1824                           Alphonse de Candolle en 1849, par des temps difficiles.
©BGE, Ville de Genève

                                                                                                                          5
LE JARDIN 200 ANS DE PASSION - Ville de Genève
Bastions, vers 1909
                                                                                            ©BGE, Ville de Genève

    Temps difficiles                                           œuvre pour préparer ce transfert et établir le nouveau
                                                               Jardin, qui sera inauguré avec le tout nouveau Conser-
    En effet, le Jardin botanique sera dirigé successive-      vatoire botanique à la Console en 1904.
    ment par Georges Reuter, Jacques Brun et Jean Müller
    Argoviensis de 1849 à 1896, sans qu’ils n’arrivent à le    Au cours des années suivantes, l’Arboretum sera
    maintenir en l’état en raison de décisions municipales     fortement amputé avec l’agrandissement du réseau
    inappropriées. La tutelle politique change de structure    routier et les serres seront transférées au centre du
    et d’attitude, l’importance ornementale des cultures       Jardin. L’Ecole botanique et son entretien fastidieux
    prend le pas sur le caractère scientifique et botanique    seront supprimés au profit d’une grande collection de
    des collections. Les postes du directeur et du jardinier   plantes médicinales et officinales, plus en phase avec
    ne sont pas toujours renouvelés à temps (deux ans          l’intérêt du public. Toutefois, la passion pour la flore
    sans direction) et le Jardin passe sous la tutelle du      alpine longuement promue par Henry Correvon se
    Service des Parcs de 1865 à 1881.                          confirme de plus en plus, le grand public étant forte-
                                                               ment sensible à la mode des excursions en montagne.
    Deuxième période                                           Albert Zimmermann est le grand spécialiste de toute
                                                               cette période. Jardinier-botaniste de grand talent,
    Dès l’avènement de John Briquet à la direction en          il va initier la protection des plantes en site naturel,
    1896, le Jardin prend un essor tout à fait extraordi-      amplifier la construction de rocailles et compléter
    naire que l’on peut qualifier de renaissance de l’ins-     les collections alpines et tropicales avec ses récoltes
    titution, avec le relogement proposé à l’Ariana, pro-      ramenées de l’Himalaya au cours de deux expéditions
    priété léguée par Gustave-Henri Revilliod. Le plan de      en 1952 et 1954. On peut encore mettre à son actif
    grande ampleur réalisé par Jules Allemand, paysa-          la construction d’une grande orangerie en 1951 et la
    giste renommé ayant collaboré avec Edouard André           création d’un petit parc animalier après la réunion de
    à Paris, proposera entre autres un magnifique jardin       la campagne du Chêne en 1954. Sa carrière culminera
    alpin, un arboretum important et une grande serre, ce      avec le succès considérable remporté aux Floralies de
    qui manquait à l’ancien Jardin. Le Jardinier-chef Pierre   Nantes en 1967, où il aura construit de toutes pièces
    Grandjean mettra ses nombreuses compétences en             un authentique jardin alpin en un temps record.

6
Lithographie aquarellée et gouachée d’Alfred Guesdon. © BGE, centre d’iconographie genevoise, Vue de Genève, vers 1858

  Troisième période

Les collections s’étant fortement développées, le                  la rénovation du Jardin d’hiver. La création d’un Jardin
Conservatoire botanique comme les plantes de serres                des senteurs et du toucher ainsi que d’une Roseraie
se sentent à l’étroit et aspirent à d’autres horizons.             historique, puis le contrat d’entretien du domaine du
Une période très importante de métamorphose du                     château de Penthes feront passer la surface du Jardin
Jardin botanique prend alors forme sous la direction               de 12 hectares en 1977, à près de 30 hectares à ce jour.
du professeur Jacques Miège. Très en phase avec les
autorités politiques de son temps, et dès sa venue                 Depuis 1992, le Jardin collabore avec la fondation
en 1965, il créera avec ses collaborateurs un plan                 ProSpecieRara sur des projets de conservation de
directeur qui va révéler un programme très complet:                la biodiversité cultivée. Les jardiniers assurent la
construction d’un nouveau Conservatoire botanique                  multiplication de semences d’anciennes variétés
pour abriter les collections de l’Herbier et de la Biblio-         de légumes et la conservation d’un patrimoine frui-
thèque qui ont considérablement augmenté, création                 tier historique. Le parc animalier présente une large
d’une volière, extension du Jardin botanique avec l’ac-            sélection de races en voie de disparition, comme les
quisition de la Terre de Pregny, construction de tout              chèvres Capra Grigia, les moutons d’Engadine ou les
un ensemble de nouvelles serres et de la Maison des                poules huppées d’Appenzell.
jardiniers.
                                                                   Le Jardin a traversé tout récemment une importante
Malgré ces dépenses considérables, la Ville assu-                  période de travaux, qui a consisté successivement à
mera aussitôt la prise en charge des Serres de Pre-                l’extension de l’Herbier, la construction d’un nouvel
gny en 1986, mises à disposition de l’Etat par le baron            espace d’accueil du public comprenant un restaurant
Edmond de Rothschild, qui arrivent à point pour rem-               et un magasin, la rénovation du Conservatoire histo-
placer l’orangerie et l’unité de production horticole.             rique de la Console et la restauration complète de la
Elles seront restaurées en 1994 , et en 1996 s’ensuivra            Bibliothèque.

                                                                                                                              7
Les jardiniers, 1935

    Jean Iff, grainier, 1960

                               Plantations aux Rocailles, 1952

8
Le Jardin,
200 ans de passion
Deux cent ans de jardin, ça se fête !                       Montpellier en véritable agronome, autant qu’en
                                                            botaniste d’envergure. A 40 ans, il sait quasiment tout
Surtout qu’il ne s’agit pas de n’importe                    faire et le réalise à Genève dans « son Jardin », comme
jardin: c’est celui de Candolle.                            il se plaît à le dire.

On y cultive des plantes sauvages afin d’enseigner la       « Je passe tout mon temps depuis
botanique, voilà qui ouvre les esprits ! Deux cents ans     un mois à semer, à planter, enfin à
d’acclimatation d’orchidées et d’arbres exotiques, et       presser un peu tantôt les hommes
c’est tout l’horizon du jardinier qui prend le large !      et tantôt les choses pour arriver à
                                                            organiser cet établissement qui par
Dès 1817, cette passion commence avec Augustin-Py-          sa position et sa nature est susceptible
ramus de Candolle. La passion, il en a à revendre, et       de faire honneur à notre pays » .2
cela commence tôt :
                                                            Candolle est devenu ce que l’on pourrait appeler un
« J’ai déjà un petit herbier de mousses                     véritable Homme-Jardin. Réunissant les savoirs
assez joli et outre cela, je tiens sur ma                   scientifiques et agronomiques, aussi bien que l’art
fenêtre des assiettes humectées où je                       du paysage, il va les transmettre avec profit aux jardi-
transplante toutes celles que je trouve                     niers, à une époque où Genève n’offre quasiment rien
et où je me forme un petit jardin d’un                      en formation horticole.
genre tout particulier » .1
                                                            La trace qu’il a laissée s’est transformée en sillon.
Aujourd’hui, on retient de Candolle ce que la tradition     Celui-ci a beaucoup embelli l’histoire des Bastions
a quasiment transformé en hagiographie. Il a entre-         depuis la Restauration, l’apparition du Jardin bota-
pris de décrire toutes les plantes connues de la pla-       nique ayant effacé les mauvais souvenirs de la Révo-
nète dans le « Prodromus », cette œuvre immense qui         lution genevoise de 1792. Il va fructifier de plus belle
a occupé la fin de sa vie. Elle donne de lui l’image d’un   encore avec son déménagement à l’emplacement
grand savant, pourtant on découvre qu’il fut encore         actuel en 1904. L’extension constante de ce Jardin et
beaucoup plus que cela.                                     l’expansion de ses activités démontrent la fécondité
                                                            de ce sillon qui nous a mené jusqu’à l’exposition
C’est riche d’expérience pratique qu’il aborde la           « LE JARDIN, 200 ANS DE PASSION  ».
création du Jardin botanique de Genève. Sa passion
est contagieuse sur bien des plans et il en tire parti.
                                                            1
                                                             Lettre d’Augustin-Pyramus de Candolle à son père,
Il a tellement accumulé d’expérience au cours des
                                                            18 janvier 1795, il a 17 ans.
enquêtes agronomiques sur tout le territoire fran-          2
                                                             Lettre d’Augustin-Pyramus de Candolle au Dr Marcet,
çais, qu’il peut agir ensuite au Jardin botanique de        à Londres, mai 1818.

                                                                                                                       9
1817                                 Naissance du Jardin
                                         botanique de Genève,
                                         le contexte est explosif  !

       Destruction des marchandises
             introduites en fraude et
        répression pendant le blocus
        français, au pied de la statue
             de Rousseau, début 19e.

     © BGE - Bibliothèque de Genève,
     Centre d’iconographie genevoise

10
1816, l’année sans été                                   Emeute des pommes de terre

Le Jardin botanique voit le jour durant                  Pourtant, l’émeute éclate le 15 octobre :
une période de disette peu commune,                      « une scène séditieuse eut lieu à la place
qui a commencé en 1816.                                  du Molard, dont le but apparent était
                                                         de se plaindre du haut prix des pommes
Une année sans été, des pluies froides                   de terre, par suite de plusieurs
en plaine et de la neige dans toutes                     accaparements ».4
les vallées ont anéanti les récoltes,
mais personne ne se doute encore                         Saladin de Budé, qui est un témoin de tout premier
que l’explosion gigantesque du volcan                    plan, assiste à la retraite de la troupe armée devant
Tambora en Indonésie, avec ses 150                       les factieux, aux « cris          tout à fait révolution-
kilomètres cubes de cendres envoyées                     naires ».5
dans les airs, est à l’origine de ce
phénomène.                                               Création du Jardin botanique

La disette et le chômage:                                Au Jardin botanique, la récolte des pommes de terre
un contexte social explosif !                            donnera 235 coupes (une coupe équivaut à environ 77
                                                         litres, soit un total de 12600 kg). De qualité médiocre,
Mais en 1817, le climat social à Genève est explosif     elle sera distribuée à la troupe. Après quoi, Augus-
lui aussi. La création du Jardin botanique a nécessité   tin-Pyramus de Candolle fait tracer toutes les plates-
le défrichement de la Belle Promenade, quasiment         bandes du Jardin :
abandonnée depuis les exactions révolutionnaires
de la Terreur. En effet, Augustin-Pyramus de Candolle    « Le 19 novembre, j’engageai le premier
réussit assez facilement à convaincre le gouverne-       Syndic, M. Delarive, à venir avec les
ment de créer ce Jardin, indispensable à l’enseigne-     membres de la commission du Jardin à
ment de la botanique.                                    assister à la plantation de la première
                                                         plante de l’Ecole botanique ».6
« Le Conseil vit là, avant tout,
un moyen de parer au chômage                             Plus de 600 espèces seront déjà
assez fort qui menaçait la ville ».3                     plantées avant l’hiver !

Ils vont abattre les arbres, labourer le terrain et      3
                                                             Henri Friderich, A travers Genève, p. 57, 1925

y planter des pommes de terre, aussi bien pour           4
                                                             Abraham-Auguste Saladin de Budé, Journal (manuscrit AEGE)

améliorer le sol que pour subvenir aux besoins ali-      5
                                                             Ibid.

mentaires de la population.                              6
                                                           Augustin-Pyramus de Candolle, Ed. 2004, Mémoires et souve-
                                                         nirs, p.349, la première espèce selon l’ordre du Prodrome sera une
                                                         clématite

                                                                                                                              11
1820

                                       Collections de vignes et d’arbres fruitiers
            près du Palais Eynard, premier quart 19e siècle ©BGE, Ville de Genève

                                              Projet par A.-P. de Candolle pour le
                                           Jardin botanique aux Bastions en 1816
                                                          © BGE, Ville de Genève

12
La Collection                          L’Ecole botanique constitue la pièce

fruitière                                maîtresse du nouveau Jardin,
                                         mais les collections agronomiques
                                         programmées depuis Montpellier
                                         revêtent une grande importance.
                                         Pour Candolle, la botanique doit
                                         être utile en mettant son savoir à
                                         disposition de l’agriculture.

                                         Candolle: l’Homme-Jardin

                                         Dès l’inauguration du 19 novembre 1817, Candolle
                                         va mettre les bouchées doubles. Véritable homme-
                                         orchestre, sa prodigieuse énergie va propulser la réal-
                                         isation de son projet : 600 espèces offertes par le pub-
                                         lic et les pépinières sont plantées en deux mois.

                                         Dès le printemps, 3077 espèces sont élevées en cul-
                                         ture pour peupler l’Ecole botanique. Un jardinier vient
                                         d’être engagé le 20 février. Il s’appelle Louis Gay, de
                                         Mies. C’est un travailleur de force, mais il ne connaît
                                         pas la botanique et encore moins les noms des plan-
                                         tes à étiqueter. Pour l’instant, il est seul pour aider
                                         Candolle avec quelques bénévoles.

                                         Candolle avec quelques bénévoles

                                         Après la pénurie de 1816-1817, Candolle constitue
                                         rapidement une collection d’environ 1000 variétés
                                         agronomiques, pour subvenir aux besoins alimen-
                                         taires de la population. Les vignes et les arbres fruit-
                                         iers sont en première ligne, pour que les agriculteurs
                                         puissent s’approvisionner en greffons et en jeunes
                                         plants.

                                         Le catalogue de cette collection en 1820 sera donc la
                                         première publication botanique éditée par Candolle
Page-titre du catalogue fruitiers 1820   à Genève.

                                                                                                    13
1820-1840

                 Augustin-Pyramus de Candolle
                  par Pierre-Louis Bouvier, 1822
                   © Société des Arts de Genève

14
L’Ecole
botanique
La création du Jardin botanique
constitue un élément essentiel des
tractations de Candolle avec les
autorités genevoises, pour son retour                    Dans son art d’enseigner, Candolle est novateur par sa
à Genève et sa nomination de profes-                     constante improvisation. Son attitude aussi est atyp-
seur à l’Académie. Candolle considère                    ique pour l’époque et cela lui donne l’image d’un pro-
le Jardin botanique comme un livre                       fesseur libéral et efficace. Le bonheur de transmettre
ouvert, dont la fonction principale est                  d’Augustin-Pyramus s’exprime également à travers
de servir à l’enseignement. Il installe                  son aisance dans les rapports humains :
donc l’Ecole botanique au centre
géographique du Jardin, vers lequel                      « L’affection de mes élèves m’en a
convergent toutes les activités.                         récompensé, et sous ce rapport, ma
                                                         carrière professorale a été vraiment
« On fait d’un Jardin une espèce de livre                douce et heureuse ».9
vivant que chacun consulte avec fruit ».7
                                                         L’herbier Moritzi,
L’enseignement de Candolle a laissé de nombreuses        témoin de l’Ecole botanique
traces tant dans les archives que dans les souvenirs
de ses anciens élèves. Son charisme particulier, lié à   Admirateur d’Augustin-Pyramus de Candolle, le bota-
une personnalité très enthousiaste, a probablement       niste grison Alexander Moritzi (1806-1850) a travaillé
fait tomber les barrières qui pouvaient retenir les      cinq ans à Genève au service du fondateur du Jardin
quelques personnes les moins attirées par cette sci-     botanique, durant la décennie 1830-1840. Moritzi a
ence à la mode.                                          collecté de nombreux échantillons de plantes cul-
                                                         tivées dans le Jardin de l’époque, surtout en 1839,
L’émulation touchera même Saladin de Budé, ancien        constituant ainsi un herbier de référence particulière-
syndic en charge de la Chambre des travaux qui super-    ment soigné de 600-700 espèces, aujourd’hui encore
vise les constructions en cours au Jardin botanique :    conservé aux CJB.

« Monsieur De Candolle Professeur                        7
                                                           Augustin-Pyramus de Candolle, Dictionnaire des sciences natu-
                                                         relles, 1822, tome 24, p.173
d’Histoire Naturelle élémentaire ayant
annoncé son cours de Botanique, je me                    8
                                                             Saladin de Budé, Journal, manuscrit AEG

décidai à le suivre avec exactitude ».8                  9
                                                             Augustin-Pyramus de Candolle, Mémoires et souvenirs, 2004

                                                                                                                           15
16
     1904
Le nouveau
Jardin botanique
Le nouveau Jardin botanique et son
Conservatoire flambant neuf sont
inaugurés en septembre 1904. Le jardin
alpin est imposant pour l’époque et                        La mise en œuvre de ce déménagement obtiendra
constitue la pièce maîtresse du projet                     un franc succès dans la presse locale et interna-
paysager de Jules Allemand.                                tionale. Cette réussite est due au travail de John
                                                           Briquet, directeur à l’activité prodigieuse, ainsi
Un passé sans extension possible                           qu’aux compétences de Pierre Grandjean, jardi-
                                                           nier-chef de grand talent.
Après avoir mal survécu dans l’espace restreint
des Bastions, le Jardin botanique qui végète depuis        Le nouveau Jardin botanique peut
1850 fait l’objet de tractations diverses, chaudement      se targuer de posséder un programme
recommandées par Alphonse de Candolle (1806-               complet de collections thématiques,
1893), fils d’Augustin Pyramus. La Ville propose une       dont la pièce maîtresse sera
nouvelle existence au Jardin botanique dans l’actuel       le Jardin alpin
Parc Mon Repos, légué à cette intention par Philippe
Plantamour.                                                Tout comme l’ensemble du projet paysager, nous
                                                           devons ce monumental ensemble de rocailles à l’ar-
De surface toutefois trop limitée, le projet sera aban-    chitecte-paysagiste de renom Jules Allemand. Après
donné au profit d’une nouvelle proposition. La Ville       avoir été le collaborateur du célèbre Edmond André
envisage le déménagement à l’Ariana, les construc-         à Paris, il a installé le Village Suisse de l’Exposition
tions devant être groupées sur la parcelle de la           nationale suisse à Genève en 1896, puis celui de l’Ex-
Console.                                                   position universelle à Paris en 1900.

Cette immense propriété de Sécheron léguée par Gus-        Pourtant, dans le projet du Jardin botanique, il ne
tave-Henri Revilliod a la dimension d’une villa à l’ita-   s’agira pas seulement d’imiter un paysage alpestre.
lienne. Elle descend jusqu’au lac et ouvre de nouveaux     John Briquet tient à exposer la diversité de la flore
horizons. Malgré de nombreuses difficultés juridiques      alpine avec une vision biogéographique. Avec Jules
liées aux dispositions testamentaires de Revilliod, la     Allemand, ils vont récidiver quelques années plus tard
Ville réussira à imposer l’établissement de cette ins-     pour bâtir le Jardin alpin de la Jaÿsinia, à Samoëns,
titution publique avec les constructions qui lui seront    lequel bénéficiera d’un suivi scientifique assuré par
indispensables.                                            John Briquet.

Le chemin creux, 1904

                                                                                                                      17
Genève devient
     1904                                                 la Mecque des
                                                          plantes alpines
                                                          Le Jardin alpin devient rapidement
                                                          le site le plus remarquable du nouveau
                                                          Jardin botanique.
                                                          Il est célébré dans la presse pour son
                                                          ampleur, sa réussite esthétique et sa
                                                          composition inhabituelle.

                                                          Un passé sans extension possible

                                                          L’histoire de la flore alpine à Genève démarre hâti-
                                                          vement, mais elle est longtemps restée cantonnée à
                                                          quelques initiatives privées. Elle commence vraiment
                                                          au Jardin botanique avec le programme de Candolle,
                                                          qui se préoccupe très tôt de la flore locale. Il précise
                                                          que les plantes des montagnes seront placées dans la
                                                          plate-bande au sud de l’Ecole botanique, près de l’al-
                                                          lée des marronniers :

                                                          « Je compte pendant l’été me procurer
                                                          la plus grande quantité de plantes
                                                          alpines que je le pourrai, afin de
                                                          tenter de les avoir en assez bon état
                                                          pour pouvoir dans la suite en faire un
                                                          objet d’étude et d’envois ».10

                                                          Dès 1823, il effectue une longue excursion dans les
                                                          Alpes vaudoises avec des botanistes, des étudiants et
                                                          son fils Alphonse qui a 17 ans. Pour ce dernier, ce sera
                                                          une sorte d’initiation qui va lui mettre le pied à l’étrier.
                                                          Alphonse part avec deux amis herboriser dans le
                                                          massif du Bargy en Haute-Savoie. C’est là qu’il va ren-
                                                          contrer le guide de montagne Timothée Moënne-Loc-
                                                          coz, qui deviendra le principal fournisseur de plantes
                                                          alpines du Jardin botanique à partir de 1832. Timo-
            La grande cascade et Pierre Grandjean, 1904   thée, ainsi que son fils qui prendra le même nom,

18
Le jardin alpin et la demeure de Gustave Revilliod, 1904

travailleront ensuite beaucoup avec Reuter et ses           Ses activités commerciales seront parfois en porte-à-
successeurs. La culture des plantes alpines s’affine        faux avec une réelle protection des espèces. Nous lui
peu à peu et en 1846, Alphonse relate le grand suc-         devons une grande partie de l’éradication des sabots
cès obtenu en culture sur pierres de tuf, que son jar-      de Vénus (Cypripedium calceolus L.) de toute la région.
dinier Louis Gay de Vandœuvres et lui-même ont mis
au point. Cette méthode sera largement imitée par           Nous connaissons mieux tout le talent que Pierre
Boissier en son jardin de Valleyres et aussi par Henry      Grandjean mettra au service de la flore alpine durant
Correvon dans le futur.                                     sa carrière au Jardin botanique, avant de laisser pré-
                                                            maturément la relève à Charles Larderaz.
Georges Reuter, conservateur de l’herbier de Candolle,
est engagé par Augustin-Pyramus pour déterminer les         Avec Albert Zimmermann, le Jardin alpin va débuter
plantes au Jardin botanique. Il se liera d’amitié avec      une nouvelle vie très active avec la construction de
Edmond Boissier, avec qui il va parcourir de nom-           nouveaux groupes de rocailles très importants, qui
breuses montagnes, récolter des plantes et finale-          vont compléter le projet original de Jules Allemand.
ment devenir conservateur de son herbier.                   Les groupes d’Orient, des Pyrénées, de l’Himalaya,
                                                            du Japon et d’Amérique seront construits au cours
Nommé directeur intérimaire du Jardin botanique en          des années 1950 à 1952. Zimmermann possède un
1850, il amplifiera les rocailles des Bastions, à l’aide    immense talent et un sens certain de l’architecture du
de ses nombreuses récoltes sur le terrain, étant            paysage, inspiré de la connaissance approfondie des
devenu entretemps un des meilleurs connaisseurs de          massifs géologiques montagneux.
la flore locale. En 1881, Henry Correvon est nommé
Jardinier-chef mais ne le reste que deux ans, s’affran-     Ses expéditions en Himalaya de 1952 et 1954 vont
chissant rapidement pour fonder sa propre entreprise        apporter de nombreuses récoltes au Jardin. Il perfec-
de vente de plantes alpines. Jardinier-botaniste extrê-     tionnera la culture sur murs de tuf, autour de la ter-
mement talentueux, il sera visionnaire pour la protec-      rasse du Jardin d’hiver, et couronnera sa carrière avec
tion des plantes, et le chantre de la flore alpine à bien   l’obtention du premier prix aux Floralies de Nantes en
des égards, créant plusieurs jardins expérimentaux          1963, avec la reconstitution d’un jardin alpin.
d’altitude. Sans nul doute, il aura considérablement
bénéficié des expériences de ses prédécesseurs              10
                                                              Lettre d’Augustin-Pyramus de Candolle à André Thouin, profes-
au Jardin botanique, ce qu’il mettra peu en avant.          seur au Jardin des Plantes à Paris, mai 1818

                                                                                                                              19
1911

            Vue intérieure de 1922   Vue intérieure de 2007

20
Le Jardin d’hiver
Le nouveau Jardin botanique inauguré
en 1904 ne possède pas encore de
serres. On utilise encore les serres de
l’ancien Jardin des Bastions, qui seront
démolies en 1909 pour laisser la place
au Mur des Réformateurs.                                    Une serre qui voyage

Tout d’abord prévu pour être construit au bord du lac,      La destinée du Jardin d’hiver sera trop vite con-
le Jardin d’hiver qui sera la première serre de l’Ariana    trariée par l’évolution rapide de tout ce quartier. Il
destinée au public est toutefois édifié à l’ouest du Jar-   sera déplacé sur le site actuel en 1935, pour laisser
din, dans une exposition plus ensoleillée.                  place à la création de l’avenue de la Paix, et recevra à
                                                            ce moment-là une deuxième aile que le plan d’origine
Le choix de son architecture, dont l’élégance et la         avait déjà prévu.
finesse sont très abouties, appartient résolument à
l’époque victorienne des palmariums. Sa silhouette          L’intérieur de cette serre a longtemps été séparé en
ainsi que le verre martelé dont elle est recouverte         trois parties, la coupole centrale n’abritant jusqu’alors
l’apparentent beaucoup à la grande serre d’Auteuil à        que des espèces des régions tempérées ou subtrop-
Paris. Son architecte Henri Juvet a probablement dû         icales. C’est en 1951 qu’Albert Zimmermann a entre-
s’en inspirer.                                              pris de grands travaux pour constituer une véritable
                                                            serre tropicale, avec un sous-sol muni d’un chauffage
Les finances municipales de l’époque ne permettent          pour tempérer le voisinage des racines de palmi-
d’en construire qu’une partie. C’est aussi le cas pour      ers. Restauré en 1998, le Jardin d’hiver conserve sa
les petites serres de collection, construites près du       vocation d’accueil pour dépayser le public durant la
chemin des Mines, en 1907 et 1908.                          saison hivernale. Son décor de jardin ornemental des
                                                            tropiques, agrémenté d’un espace consacré aux plan-
Lueurs de l’aurore au travers du vitrage, 2000              tes alimentaires exotiques, invite toujours au voyage.

                                                                                                                        21
22
     1940
Jardin des plantes
officinales
La collection de plantes médicinales
est créée en 1940 à la demande
du professeur de pharmacognosie
Lendner. A cette époque, on utilise un
matériel abondant pour illustrer les
cours à l’Université, ainsi que pour les
travaux pratiques des étudiants.
                                                           Les plantes médicinales dans l’histoire
Cette collection s’implante dans les plates-bandes de      du Jardin botanique
la systématique et les espèces sont aussi classées
par familles. Toutefois, on prend bien garde de situer     Le Jardin botanique des Bastions possédait une col-
cette collection hors de l’ombre portée des grands         lection de ce type dès sa fondation. Elle faisait partie
platanes.                                                  du programme de Candolle dès 1816.

Dès 1947, toute l’ancienne systématique en plates-         Les plantes médicinales étaient déjà cultivées par
bandes carrées est modifiée. Elle était l’héritière de     Jean Bauhin en Vieille-Ville au XVIe siècle. Surnommé
l’Ecole botanique des Bastions, mais on constate peu       « le père de la botanique »11, ce médecin huguenot
à peu un désintérêt croissant de l’Université pour ce      réfugié à Genève fut engagé comme « médecin de la
type de collection par familles. Cela est peut-être        Seigneurerie »12. Il ne resta à Genève que de 1568 à
aussi dû à l’éloignement géographique. Albert Zim-         1570, le temps de trois saisons de culture pour réunir
mermann redessine toute la parcelle en harmonisant         des plantes médicinales à l’usage de l’enseignement.
les cheminements avec le style du parc créé par Jules      Ces quelques plates-bandes, trop hâtivement qual-
Allemand.                                                  ifiées de « premier jardin botanique »13 de Genève
                                                           étaient situées à Saint-Aspre, juste à côté de l’hôtel
Désormais, la collection des plantes médicinales n’est     de ville. Il s’agissait d’une terrasse emprisonnée entre
plus organisée par familles, mais par le type d’utilisa-   l’enceinte de la cité et le mur qui surplombe la rampe
tion qu’on fait des espèces. De plus, on y adjoint en      de la Treille, de dimension assez réduite. La culture de
1948 les groupes de plantes utilisées en parfumerie,       ces plantes médicinales fut peu à peu abandonnée
en cuisine, en teinture et dans l’industrie. Cette col-    après le départ de Bauhin pour Montbéliard.
lection se rapproche ainsi d’une vulgarisation plus
ethnobotanique et prendra le titre de collection des       11
                                                              Le développement de la botanique à Genève, H. M. Burdet, H.
                                                           Greppin et R. Spichiger, Botanica Helvetica 100/3, 1990
Plantes Officinales.
                                                           12
                                                                Ibid.

Collection des plantes officinales, vers 1950              13
                                                                Ibid.

                                                                                                                            23
1954

                         L’Orangerie en 1955

            Démolition de l’Orangerie en 1983

24
L’Orangerie
La nouvelle Orangerie abrite une
collection d’arbres en bacs, dont un
bel oranger qui symbolise par son nom
la fonction de ce genre de bâtiment,
très répandus dès le XVIIIe siècle.                          L’orangerie des Bastions sera démolie en 1909 pour
                                                             laisser la place au Mur des Réformateurs. La collec-
En hiver, les orangeries abritent des essences exo-          tion d’arbres est successivement hébergée dans plu-
tiques qui ne supportent pas le gel. Certains arbres         sieurs locaux de fortune, n’ayant toujours pas d’en-
de notre collection sont âgés, comme nos deux Podo-          droit adéquat pour la loger convenablement.
carpus qui proviennent de l’ancien Jardin botanique
des Bastions. Il s’agit de deux conifères primitifs, dont    La Ville de Genève se décide pourtant à leur dédier ce
on ne sait avec précision si c’est encore Alphonse de        nouvel édifice en 1954, bien marqué par son époque,
Candolle qui les a semés, ou un de ses successeurs.          tout de béton massif.
Déjà imposants par leur taille, ils sont conservés
comme d’antiques bonsaïs de croissance assez lente.          Pourtant, sa conception ne laissera pas d’inquiéter
Ils constituent de vénérables reliques des temps             peu à peu les spécialistes, qui font le constat d’une
anciens de l’évolution végétale.                             importante condensation intérieure. Telle une énorme
                                                             conque aveugle, elle ne reçoit efficacement de la lu-
La première orangerie est bâtie                              mière que sur une face, la deuxième étant semi-ajou-
aux Bastions en 1818 par                                     rée. Il faudra installer une sous toiture de tôles pour
Guillaume-Henri Dufour                                       éviter que l’eau ne goutte partout à l’intérieur.

Rappelons que le fondateur du Jardin a prévu de              Bâtie deux fois, démolie deux fois
construire ce bâtiment avant les autres et il en confie
la réalisation à Dufour.                                     L’histoire se répète ; cette orangerie jugée peu effi-
                                                             cace au fil des années sera démolie en 1983, pour
Ce polytechnicien n’a pas encore la stature de celui         faire place à l’actuelle Maison des Jardiniers.
qui deviendra le célèbre général capable de résoudre
la guerre civile du Sonderbund. Pourtant, il montre          Les plus grands exemplaires de la collection d’arbres
déjà la mesure de ses multiples talents. Architecte          en bacs sont désormais abrités à la Serre tempérée,
pour le Jardin botanique, il est aussi un ingénieur          et les autres aux Serres de Pregny.
audacieux lorsqu’il entreprend la construction du
premier pont suspendu. C’est un petit groupe de pro-         Ces plantes continuent de voyager à plusieurs
moteurs soucieux de libérer Genève de son carcan de          endroits du Jardin au cours des ans, pour apporter à
fortifications qui va le solliciter. Le plus actif d’entre   l’époque estivale une apparence exotique à laquelle
eux est Augustin-Pyramus de Candolle.                        le public s’est désormais habitué.

                                                                                                                       25
1960

                   Villa Le Chêne, été 1965

            Serres historiques de Pregny

26
Des massifs horticoles
plébiscités par nos visiteurs
Les cultivars horticoles

En complément des espèces botaniques sauvages
des cinq continents, le Jardin présente également des
cultivars horticoles.
                                                          Les massifs horticoles
Si Carl von Linné en 1751, et Lamarck en 1778, les
considéraient comme des « formes monstrueuses qui         Dans les années 1960, à l’ouverture du parc animalier,
sortaient de l’ordre de la nature », Gilbert Bocquet,     dans le secteur voisin à vocation d’accueil et d’ani-
ancien directeur des CJBG de 1979 à 1986, était beau-     mation, un espace de présentation fut dédié à ces
coup plus élogieux : « Un jardin botanique ne saurait     plantes décoratives aux caractères exceptionnels
se désintéresser de ces fleurs qui nous ont accompa-      et appréciés par les visiteurs (floribondité, durée de
gnés parfois depuis l’antiquité. Ces espèces, nous les    floraison, fleurs doubles, panachures, résistances...).
avons arrachées à leur milieu naturel. Par croisement,    Dès 1960, des essais de culture de tagètes y furent
par sélection nous les avons modifiées. Nous en avons     menés pour la Société Genevoise d’Horticulture.
fait une nature tout à fait adaptée à nos maisons et à
nos jardins ».                                            Au fil du temps, les massifs furent pérennisés par
                                                          une délimitation en pavé, puis une deuxième zone fut
Hors murs, le Jardin botanique a également participé      aménagée autour du bassin rectangulaire de l’espla-
avec ses plantes fleuries à diverses présentations        nade des serres.
horticoles comme les Journées Paysannes (grand
prix d’honneur en 1961), les manifestations Fleurs        Sujets aux différentes modes, les massifs qui étaient
et Campagne (années 1980), les Floralies de Genève        jadis plantés en grandes taches monochromes et
(années 2000) et encore bien d’autres rendez-vous         monospécifiques, ont maintenant tendance à présen-
notamment en France.                                      ter des mélanges plus harmonieux, avec une présence
                                                          plus importante de plantes vivaces.
En 1982, un guide intitulé « Favorites des balcons
et jardins », (série documentaire n°7 des Conserva-       L’établissement horticole
toire et Jardin botaniques de la Ville de Genève) a été
réalisé par notre institution en collaboration avec le    Les plantes nécessaires à ces présentations sont
Laboratoire de techniques agricoles et horticoles de      élevées en culture biologique dans notre centre de
Genève. Le but était de mieux faire connaître une cin-    production horticole de Pregny, récemment construit
quantaine de plantes horticoles de jardin à cultiver      dans l’enceinte des serres historiques léguées par le
sous notre climat.                                        Baron de Rotschild.

                                                                                                                    27
28
     1980
Dahlias
et collections horticoles
Les collections
horticoles                                                      Dahlia

Dans les années 1980, les grandes présentations                 Si l’on retrouve trace en 1959 d’une exposition de
horticoles étaient constituées de tulipes en avril              Dahlia aux CJBG, les périodes phares pour ces mas-
(50000 bulbes), de plantes annuelles en juillet-août et         sifs réputés furent les années 1980. Des liens étroits
de dahlias en septembre.                                        avec la Maison Lecerf (GE) permettaient un assorti-
                                                                ment automnal spectaculaire.
D’autres collections botaniques comme celle des rho-
dodendrons en mai et celle des rocailles en mai-juin            Originaire du Mexique principalement, de la famille
enrichissaient la gamme de ces belles présentations             des Astéracées, le genre Dahlia a été décrit en 1650
saisonnières.                                                   pour la 1ère fois, et baptisé en 1789 en l’honneur du
                                                                botaniste suédois Andreas Dahl.
Les essais variétaux
                                                                La plante a conquis peu à peu l’Europe sans que son
Nombre de massifs horticoles avec des collections de            utilisation soit bien définie: elle a longtemps été
chrysanthèmes, tulipes, dahlias, pensées etc. étaient           considérée comme un légume racine. Les horticul-
en réalité des essais de culture soumis au jugement             teurs ont de leur côté expérimenté des croisements
des horticulteurs et du public. Issus de contacts               de sorte qu’en 1830, 454 cultivars étaient catalogués.
étroits avec le Groupement Technique Horticole (GTH),           Les fleurs doubles apparurent en 1816 au Royaume-
le Service des Espaces Verts, l’Ecole d’Horticulture de         Uni, celles en pompons en 1850 en Allemagne, les
Lullier, l’Association Genevoise des Marchands Grai-            fleurs de cactus en 1872 en Hollande et celles à
niers (MM. Baud, Berthet, Besson, Brasier, Comte,               collerette en 1899 en France. Le genre comprend
Dufournet, Mock, Lecerf et le Comptoir grainier) ou             aujourd’hui plus de 20000 cultivars issus principa-
même le semencier vaudois Blank, ces massifs met-               lement des espèces de Dahlia pinnata, D. rosea et D.
taient en valeur l’effort fourni par les sélectionneurs         coccinea.
de tous les continents dans le domaine des nouvelles
obtentions.                                                     La « fleur » de Dahlia est en réalité un capitule consti-
                                                                tué d’un ensemble de très petites fleurs groupées
Chaque année, le GTH proposait les plantes pour deux            sur un réceptacle et dont certaines ont l’aspect
essais variétaux de 150 m2, à charge des CJBG de                d’étamines, de pistils ou de pétales. Plante vivace,
mettre à disposition les massifs, d’effectuer les plan-         le Dahlia possède des racines fasciculées charnues
tations, les arrosages et les soins nécessaires.                – improprement appelées tubercules – à tiges her-
                                                                bacées rarement ligneuses que détruisent les pre-
Essais de cultures horticoles (tulipes, annuelles et dahlias)   mières gelées.

                                                                                                                            29
30
     1988
La Serre
tempérée
Elle abrite aujourd’hui des plantes
de climats tempérés, et remplace
l’ancienne orangerie démolie en 1983.

Cette serre monumentale est signée Jean-Marc
Lamunière. Cet architecte a marqué Genève par une
carrière parsemée de nombreuses réalisations. On lui        Les plus démonstratifs passent de l’univers humide
devait déjà notre bibliothèque de style pavillonnaire       des fougères arborescentes aux régions relative-
et nos herbiers, mais cette serre se démarque totale-       ment sèches du monde, la part belle étant dévolue
ment de ses autres constructions par son évocation          aux convergences morphologiques des plantes suc-
palladienne. Cette projection très classique a revêtu       culentes avec les Cactus cierges d’Amérique et les
un aspect grandiose pour répondre au souhait de nos         grandes Euphorbes candélabres d’Afrique, pour
autorités, qui désiraient un bâtiment remarquable           n’évoquer que les plus évidentes.
pour signaler le Jardin botanique à l’entrée de la ville.
                                                            La passerelle perchée à huit mètres de hauteur
Elle s’adresse au grand public dans la plus pure tra-       offre au public une vision insolite sur le sommet
dition britannique, qui décline ici les aspects de la       des plantes, alors que les sentiers intérieurs des
végétation des zones tempérées de la planète. Son           plantations, quant à eux, proposent une proximité
espace au sol est certes restreint, si l’on considère sa    inhabituelle et plus intimiste avec des espèces peu
hauteur majestueuse, mais on y trouve toutefois les         fréquentes, dont les troncs et autres stipes ont des
évocations de biotopes très contrastés.                     textures très variées au toucher.

                                                                                                                   31
32
     1991
Le Jardin
des Senteurs
et du Toucher
Sous l’impulsion du Professeur Bocquet                     revêtement) qui indique également la présence d’une
et de la Société Romande des Amis des                      étiquette. Un panneau à deux pans donne le nom de
Roses, un projet de jardin didactique à                    la plante, son origine géographique, sa famille bota-
l’attention des malvoyants commence                        nique ainsi que certaines indications sur sa florai-
à se discuter en 1984 déjà.                                son. Sur un côté, la taille importante du texte et le
Le Jardin des Senteurs et du Toucher,                      contraste des couleurs (noir sur métal) permettent
qui est la première réalisation de ce                      une lisibilité optimale. De l’autre côté, les mêmes
type en Suisse, est inauguré le 17 mai                     informations sont données en braille. Certains de ces
1991 à la Terre de Pregny.                                 panneaux sont munis d’un stick de parfum qui permet
                                                           de sentir les odeurs des plantes lorsque la période de
Sa réalisation a été entièrement conçue et pré-            floraison est terminée. Ce jardin est également doté
vue pour faciliter l’approche du Jardin par un public      d’une fontaine en son centre (le bruit de l’eau sert de
aveugle ou malvoyant. Plus de 150 espèces de plantes       repère) et d’un plan en relief pour se situer.
ont été sélectionnées selon trois critères : le parfum
(odeur de la fleur ou des feuilles), la texture (rugo-     Le Jardin des Senteurs et du Toucher est un formi-
sité, douceur, épines) et la couleur (des bulbeuses en     dable outil didactique et reste un lieu privilégié pour
particulier). Ces plantes sont présentées dans 500m2       l’organisation de visites guidées. S’il est dessiné et
de massifs rehaussés par des murets en pierre natu-        conçu à l’origine pour les malvoyants, son caractère
relle, de manière à guider le visiteur à travers le Jar-   interactif favorise une approche tactile des plantes
din. Chaque groupe de plantes est signalé au sol par       pour tout type de public, et plus particulièrement
un aménagement pavé (changement de structure du            les scolaires.

                                                                                                                     33
1992

                         La Roseraie à son emplacement initial

            Restauration et déplacement de la Roseraie en 2015

34
Rosa canina L.                                          Rosa centifolia L.

  Une Roseraie
historique
Implantée en terre de Pregny depuis
1992, la Roseraie des CJBG retrace                      lement neuf espèces du genre Rosa ! À l’état naturel,
l’histoire de la rose, depuis l’Antiquité               les roses n’existaient que dans l’hémisphère nord. Les
jusqu’à nos jours. Classée de manière                   premières hybridations sont apparues à la fin du XVIe
chronologique, elle permet de décou-                    siècle, époque à laquelle on commence à cultiver les
vrir toute l’évolution de la rose au fil                roses dans les jardins, pour la beauté et le parfum de
du temps, à travers un échantillon des                  leurs fleurs.
quelques milliers de variétés exis-
tantes à travers le monde.                              Le véritable essor a commencé au XVIIIe siècle, avec
Lors de sa restauration complète en                     l’introduction des rosiers de Chine en Europe. Les pas-
2015, la Roseraie s’est agrandie et                     sions se sont déchaînées avec de nouvelles couleurs
a déménagé en face du Jardin des                        nuancées du jaune à l’orange, et surtout par la capa-
Senteurs et du Toucher.                                 cité remontante de ces rosiers chinois, qui offrent des
                                                        floraisons multiples allant du début du printemps
Dans la Nature, il existe un peu moins de 200 espèces   jusqu’à l’automne. Depuis lors, les horticulteurs n’ont
botaniques du genre Rosa. À de rares exceptions, les    jamais cessé de créer de nouvelles variétés, à force
rosiers sauvages sont des buissons épineux, dont les    de sélections, de croisements, et parfois aussi tout
fleurs s’épanouissent au printemps. Elles comptent      simplement de coups de chance ! Les roses sont ainsi
cinq pétales de couleur blanche ou rose. Il est inté-   devenues de plus en plus variées en termes de cou-
ressant de savoir que les dizaines de milliers de       leurs, de parfums, mais aussi de formes de la fleur
cultivars actuels sont génétiquement issus de seu-      elle-même.

                                                                                                                  35
36
     1996
ProSpecieRara
Le Jardin botanique collabore avec                        standardisées, mais aussi plus fragiles. Le patrimoine
ProSpecieRara, fondation suisse pour                      génétique que nous conservons au Jardin botanique
la diversité patrimoniale et génétique                    représente un gage de sécurité pour les éleveurs. De
liée aux végétaux et aux animaux,                         nombreux agriculteurs, en particulier en production
depuis 1992. Cette même année se                          biologique, cherchent en effet à apporter de la rusti-
tenait à Rio le fameux Sommet de                          cité dans leurs critères de sélection.
la Terre, lors duquel fut adoptée la
Convention sur la Diversité Biologique.                   Le deuxième aspect de notre collaboration s’attache
La mission principale d’un jardin                         à la conservation de la biodiversité cultivée. De nom-
botanique est de conserver et de                          breux fruits et légumes « oubliés » disparaissent des
mettre en valeur la biodiversité                          rayons des supermarchés, pour des raisons plus
telle qu’on la trouve dans la Nature.                     souvent économiques que gustatives. Nos jardiniers
ProSpecieRara s’attache à conserver                       assurent la multiplication de semences d’anciennes
la biodiversité domestiquée, animale                      variétés maraîchères dans un potager spécialement
ou végétale. Notre rapprochement                          dédié à ProSpecieRara. Les visiteurs se demandent
était donc tout naturel !                                 souvent pourquoi les légumes ne sont jamais cueil-
                                                          lis à temps dans ce jardin-là… C’est parce que l’ob-
Le point de départ de cette collaboration a été l’adop-   jectif est de récolter les graines des emblématiques
tion de chèvres et de moutons, ce qui a constitué un      cardons Epineux argentés de Plainpalais, de la bette
véritable tournant dans l’histoire de notre parc ani-     Verte lisse de Genève, ou encore des tomates Paudex
malier dès 1992. L’élevage d’animaux de rente était       ou Rouges de Marmande.
en effet nouveau pour nous, qui plus est de races
anciennes en voie de disparition. Nous présentons         Nous cultivons également un magnifique verger
aujourd’hui au public des moutons d’Engadine, de          conservatoire où s’épanouissent des arbres fruitiers
Saas, d’Oberland et Roux du Valais, des chèvres Capra     haute-tige de variétés anciennes, comme la poire
Grigia, ainsi que des poules huppées ou barbues           Sept en gueule, la pomme Api étoilé ou la cerise Noire
d’Appenzell. L’histoire récente de la sélection animale   d’Etoy. Ce verger illustre la fabuleuse diversité des
montre clairement un appauvrissement des races            fruits et leurs utilisations (fruits frais, jus, conserves,
traditionnelles, au profit de races plus productives et   confitures, liqueurs, etc…). Il permet également de
                                                          prélever des greffons pour multiplier ces variétés
                                                          anciennes dans d’autres lieux. Le bureau de ProSpe-
Mouton d’Engadine            Diversité des pommes
                                                          cieRara Suisse romande est hébergé au Jardin bota-
Cardon en fleur              Poule huppée d’Appenzell
                             © ProSpecieRara              nique depuis 1996.

                                                                                                                        37
Vous pouvez aussi lire