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LE JEU VIDÉO, ENTRE OBJET CULTUREL ET OBJET DE CULTURE MASTER MULTIMÉDIA par Gautier Rumpler SOUS LA DIRECTION DE M.GOULON Université de Strasbourg 2014-2015
AVANT-PROPOS Baignant depuis jeune dans l’univers du jeu vidéo, ce mémoire est une opportunité pour moi de pouvoir aller plus loin dans mon expérience vidéoludique. J’en profite pour remercier Madame Estelle Dalleu qui m’a éclairée sur certains points clés et Monsieur Benjamin Goulon pour l’accompagnement qu’il nous a apporté tout au long de ces deux années.
INTRODUCTION Si je vous parle de "Pong", vous me répondrez probablement qu’il s’agit du premier jeu vidéo au monde. Si ce dernier possède une telle réputation, c’est parce qu’il a permis à la pratique du jeu vidéo de se démocratiser, et ainsi se commercialiser. En vérité, les premiers "jeux vidéo" remontent aux années 1950. À cette époque les premiers essais d’interaction ludique, via une interface de type écrans d’ordinateur, ou encore grâce à des contrôleurs de types manettes, sont fructueux. Cependant, ce n’est que 20 ans plus tard, que le célèbre "Pong" popularise les bornes d’arcades dans un monde qui découvre alors la puissance des ordinateurs. Aujourd’hui, le jeu vidéo est totalement démocratisé, allant de la découverte, la passion, le passe-temps ou même le jeu vidéo professionnel; chacun y trouve son compte. Si le jeu vidéo séduit, c’est parce qu’il a évolué et qu’il touche maintenant des cibles bien plus vastes de manière plus efficace et plus abordable qu’à l’époque. Cette évolution marque notre société et influence des domaines étroitement liés à la pratique du jeu vidéo, c’est pourquoi on peut se poser la question suivante, comment le jeu vidéo a-t-il évolué pour passer d’un objet culturel, à un objet de culture ? Les techniques de conception du jeu vidéo se sont adaptées aux évolutions toujours croissantes en matière de technologie et de moyens. Elles ont entraîné la naissance de nouveaux modes de création pour séduire une cible qui devient de plus en plus ouverte et intéressée par le monde du jeu vidéo. Le jeu vidéo en tant qu’objet culturel s’est défini dans la création d’un univers qui lui est propre et dans sa relation avec les arts visuels, la musique ou encore la littérature, jusqu’à créer ses propres singularités. Maintenant bien ancrée dans notre société, la discipline trouve un nouvel horizon pour répondre à des attentes jusqu’alors non soupçonnées, on utilise le jeu vidéo comme un nouveau média, un vecteur de culture qui semble tout à fait remplir son rôle... p.5 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
SOMMAIRE INTRODUCTION p.5 SOMMAIRE p.6 I. LE JEU VIDÉO D’HIER À AUJOURD’HUI p.8 1) LA CRÉATION D’UN JEU VIDÉO p.8 a) Pourquoi jouer ? b) L’évolution du développement d’un jeu vidéo 2) (R)ÉVOLUTION DU JEU VIDÉO p.10 a) L’influence des évolutions technologiques dans notre société b) Un nouveau support de jeu vidéo, le mobile c) Dématérialisation et nouveaux modes de distribution 3) JOUEUR, ACTEUR DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA VIE DU JEU p.16 a) La collaboration 2.0 b) Le futur du jeu fini 4) L’AVENIR DU JEU VIDÉO ET DE SA PLACE DANS LA SOCIÉTÉ p.19 a) Le futur du jeu vidéo b) La place du jeu vidéo dans la société II. DIALOGUE ET PERCEPTION DU JEU VIDÉO p.22 1) LE DIALOGUE DU JEU VIDÉO AVEC SON ENVIRONNEMENT p.22 a) Jeu vidéo et Arts visuels b) La culture Jeu vidéo c) Le jeu vidéo et ses singularités p.6 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
2) PERCEPTION ET POLÉMIQUE p.29 a) Jeu vidéo et Médias b) Jeu vidéo et Politique III. LE JEU AU SERVICE DE L’HOMME, DE p.34 LA CULTURE ET DU PATRIMOINE 1) UNE SOCIÉTÉ VIDÉO-LUDIQUE p.34 a) La gamification ou ludification b) La gamification, une solution universelle ? 2) LE SERIOUS-GAME p.38 a) Définition, origines et principes b) Ce que les jeux vidéo ont à nous apprendre c) Le serious-game, un avenir possible ? 3) LE JEU, LA CULTURE ET LE PATRIMOINE p.43 a) L’évolution des musées et de la culture b) Jeu et patrimoine IV. QUAND LE JEU SERT LA CULTURE p.48 CONCLUSION p.79 BIBLIOGRAPHIE p.80 ANNEXES p.81 p.7 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
I. LE JEU VIDÉO D’HIER À AUJOURD’HUI Vous l’aurez bien compris, le jeu vidéo a beaucoup évolué depuis sa création. La génération internet et les outils de créations ont changé par rapport à la fin du 20e siècle, ce qui a entraîné une véritable (r)évolution tant socialement, que techniquement. En effet, les cibles ont évolué en même temps que les besoins, et les modes de développement et de consommation se sont pliés aux nouvelles lois économiques qui régissent le monde numérique. 1) LA CRÉATION D’UN JEU VIDÉO a) Pourquoi jouer ? La notion de divertissement est universelle et propre à l’être humain. Certains utilisaient le divertissement pour occuper la population, d’autres y voyaient un mode d’évasion et de détente, permettant une véritable déconnexion avec le monde. La société actuelle nous baigne dans un stress quotidien qui requiert parfois un exutoire conséquent pour nous en extirper. Le jeu vidéo fait partie de ces expédients qui ont séduit le plus de Français, ainsi 50%1 des Français se déclarent joueurs, et c’est 30% de plus que dans les années 2000. Bien entendu si le jeu vidéo est un formidable exutoire, c’est parce que ses bienfaits ne sont plus un mystère. Jouer, de manière générale, représente un besoin fondamental pour l’enfant, l’adolescent, et l’adulte. Le jeu développe le sens social. En jouant, on communique, on crée un contact avec les personnes qui nous entourent tout en découvrant notre personnalité et la manière dont on interagit en groupe. Le jeu développe l’apprentissage. Nous avons tous subi l’épreuve des pochoirs à formes dans notre jeunesse, ce qui nous a permis d’appréhender, de toucher le monde physique qui nous entoure, mais surtout de le comprendre. Jouer développe les émotions et l’intellect. Certains jeux malmènent notre sens de l’orientation, de la réflexion, et nous obligent à trouver des solutions aux problèmes qui nous font face. Ils suscitent aussi joies, rires, colères et 1 Source, l’AFJV, l’Agence française pour le Jeu vidéo en date du 10 février 2015. p.8 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
concentration. Tant de caractères que l’on retrouve dans le jeu vidéo et qui séduisent les intéressés. Si l’objectif du jeu (vidéo) semble ne pas avoir changé, la manière dont celui-ci est développé a beaucoup évolué grâce à internet et à la puissance des ordinateurs. b) L’évolution du développement d’un jeu vidéo Comparons le développement d’un jeu vidéo en 1990 à celui de 2015. En 1990, on pourrait synthétiser la création d’un jeu vidéo avec le schéma ci-dessous. Studio de développement Éditeur Produit disponible en magasin dans une version matérialisée Exemple synthétique du développement d’un jeu vidéo à la fin du XXIe siècle Un studio de développement, composé d’une équipe de développeurs, de graphistes 2D, 3D, d’animateurs, d’ingénieurs son, etc. créé un jeu vidéo. Cette équipe est financée par un éditeur, qui aura été convaincu au préalable par le projet, et qui souhaite investir dans son développement. Cet éditeur est une structure indépendante qui s’occupera alors de la partie marketing, lancera des campagnes de publicité, du financement et de l’approvisionnement des magasins distributeurs. Ces derniers proposeront ainsi une quantité x de versions du jeu vidéo disponibles physiquement, on les appelle communément les "versions boîtes". En 2015, les évolutions technologiques ont entraîné un bouleversement dans les modes de développement et de consommation. Regardons plus précisément ces modifications à travers le schéma ci après. p.9 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
Aspect collaboratif Kickstarter, levée de fonds Studios de développement Disponible sur Internet indépendants et reconnus version dématérialisée Éditeur Disponible en magasin version matérialisée Exemple synthétique du développement d’un jeu vidéo au début du XXe siècle Premièrement, on observe l’apparition de studios de développement indépendants. Ces derniers s’appellent ainsi parce qu’ils peuvent être indépendants face aux éditeurs souvent inéquitables dans le financement. A contrario, on voit aussi la naissance de studios de développement renommés qui eux sont couvés par des éditeurs eux aussi reconnus. Ainsi, nous avons une concurrence déloyale qui se crée, mais qui va être contournée grâce à des modes de financement et de diffusion propre à cette génération. Les indépendants font souvent appel à une collecte de fonds via des interfaces web de type Kickstarter, un site d’appel au don qui propose de récompenser les donateurs à la hauteur de leur générosité pour leur participation au développement. Le joueur intègre alors littéralement l’engrenage de la création du jeu vidéo, en prenant le rôle d’une "fraction d’éditeur". 2) (R)ÉVOLUTION DU JEU VIDÉO a) L’influence des évolutions technologiques dans notre société Les découvertes technologiques sont de plus en plus nombreuses. L’ère de la miniaturisation et du numérique a fait naître des objets connectés qui vivent avec nous au quotidien. Ces objets p.10 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
se sont nourris des précurseurs en matière de technique et de technologie. Ainsi la démocratisation du tactile vient étroitement se lier à l’apparition des consoles tactiles. Le tracking via les webcams, va entraîner des ressources utilisables en matière d’UX2 comme l’eyetracking. Autant dire que le jeu vidéo est précurseur en la matière, dans certains domaines. Le premier impact des nouvelles technologies va venir bouleverser la chaîne de développement du jeu vidéo. La naissance des studios indépendants n’est pas un hasard. Concrètement, n’importe qui pourrait ouvrir un studio de développement indépendant. L’évolution d’internet et des aspects collaboratifs comme Kickstarter permet d’offrir les ressources nécessaires à la création de ce type de projet. De nombreux tutoriels sont disponibles sur la toile pour former quiconque s’intéresse au développement du jeu vidéo, et ce en toute gratuité. Certains moteurs de jeux performants sont disponibles gratuitement, d’autres, plus puissants, sont même disponibles à la location, proposant un tarif plus qu’abordable, de l’ordre de 10€/mois pour le Cryengine. Pour vous donner une notion d’estimation, la licence complète du moteur Cryengine aurait été rachetée par Amazon pour 70 millions d’euros. Si ces moteurs peuvent se permettre d’être aussi performants, c’est parce que nos ordinateurs sont beaucoup plus puissants et sont donc capables de faire tourner des moteurs de rendus eux aussi beaucoup plus puissants. Cela permet ainsi d’avoir des jeux vidéo de qualité supérieure, ayant des graphismes proches du photo-réalisme. En effet, le jeu vidéo s’inspire du monde qui l’entoure et puise dans les nouveautés technologiques pour améliorer l’expérience utilisateur. Ainsi il s’approprie différents outils et techniques pour le bien du joueur. Mais ce n’est pas tout, car le monde numérique s’est aussi grandement inspiré des découvertes technologiques ayant eu lieu dans le monde du jeu vidéo. Prenons l’exemple du tactile. Aujourd’hui le tactile est répandu à l’échelle mondiale. 2 User Experience, c'est le ressenti émotionnel d'un utilisateur face à une interface, un objet ou un service p.11 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
Tous les appareils sortants d’usine sont désormais équipés de cette technologie, et ce grâce à une évolution majeure ayant eu lieu à l’époque où le géant Nintendo sortait sa Nintendo DS. Équipée alors de son pavé tactile et de sa mobilité, elle a inspiré plusieurs firmes qui ont tenté de sortir des concurrentes qui n’ont pas fait d’aussi bons résultats (la PSP de Sony par exemple). Ainsi la Nintendo DS voit le jour en 2004, elle impose le marché public de son accessibilité et est dotée de cette technologie qui faisait alors rêver. 3 ans plus tard, Apple ouvre la porte du tactile d’un grand coup de pied, et sort son premier iPhone qui démocratise alors la technologie tant prisée à l’époque. 2007 marque alors le début de l’ère tactile. En 2003 aussi, c’est l’EyeToy de PlayStation qui faisait son apparition. Cette petite webcam se branchait alors à sa console de salon et permettait à l’utilisateur d’interagir avec son jeu vidéo ou sa télévision par une reconnaissance des mouvements. En 2010, cette technologie est démocratisée grâce au Kinect et l’univers de l’UX va s’en approprier les techniques et la détourner pour en faire de l’eyetracking. Cette technique permet alors aux intéressés d’analyser les déplacements de l’œil, sur une page web par exemple, pour voir quels éléments sont directement vus et au contraire ceux qui ne le sont pas. La naissance de toutes ces nouvelles technologies a un impact sociétal important. La propagation de l’ordinateur dans la société facilite l’accès à l’art et à la culture. Au début des années 2000, l’écran prend une place centrale dans le quotidien des Français et leurs pratiques culturelles grâce à la diversification des équipements audiovisuels. Quinze ans plus tard, les offres et le marché se sont adaptés pour couvrir les nouveaux supports, et forcément les nouveaux besoins que ces derniers ont générés. b) Un nouveau support de jeu vidéo, le mobile Une nouvelle forme de jeu vidéo est apparue suite à l’avènement des nouvelles technologies, le mobile. Les supports évoluent et p.12 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
l’époque où Nintendo sortit sa première Gameboy est révolue. Place aux tablettes et smartphones, remplissant parfaitement le rôle des consoles de jeux portables d’antan et même plus. Le jeu Candy Crush lancé en 2012, un casse-tête revisité qui s’enorgueillit de 345 millions de joueurs dans le monde connait un succès phénoménal. Ce jeu ferait presque de l’ombre à d’autres jeux de stratégie qui se portent eux aussi à merveille, Pet Rescue, Clash of Clans, Criminal Cases et c’est sans compter les jeux de chiffres et de lettres comme le Sudoku ou bien le Scrabble. En effet, ces indémodables ont adopté une version mobile et en ligne à laquelle on peut accéder partout. Sophistication et performances des smartphones, tablettes, forfaits illimités bon marché, qualité des réseaux, ces jeux ne connaitraient pas un tel succès sans l’essor des nouvelles technologies, souligne la sociologue Catherine Lejealle3. Mais qu’est-ce que le jeu mobile a changé dans notre vie, notre mode de consommation et dans la conception des jeux ? Accessible et attractif, le jeu mobile détient une facilité d’utilisation séduisante. Quelques minutes suffisent pour démarrer une session courte, rythmée, que l’on peut arrêter pour répondre à un mail et reprendre à tout moment. Cette facilité à jouer entraîne un nouveau type de consommation qui nous pousse à dégainer notre smartphone à la moindre occasion, quand ouvrir un livre pour deux arrêts de tram n’aurait guère d’intérêt. Certains joueurs estiment même alors rentrer dans un état proche de la méditation. Le game designer Oscar Barda dit même en parlant du Solitaire ou de Candy Crush : des jeux qui font naître un état méditatif où le moi conscient s’éteint. On croit souvent à tort que la méditation consiste exclusivement à s’asseoir en tailleur et à penser à du blanc. En réalité, de très nombreuses techniques de méditation consistent plutôt à répéter des actions jusqu’à ce que le cerveau les banalise.4 Aussi, les nouvelles caractéristiques de ces jeux se retrouvent dans la manière dont ils ont été pensés et développés. En effet, 3 4 Auteur de J’arrête d’être h t t p : / / b logs.rue89. hyperconnecté ! Reussissez nouvelobs.com/extensiondu- votre détox digitale !, Eyrolles, domaine-du-jeu, dernière 2015. visite en 2015. p.13 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
un système d’alerte et de bonus (lorsqu’on ne joue pas sur son smartphone ou sa tablette pendant plusieurs jours) vient aussi placer l’utilisateur dans un état de vigilance permanente : c’est l’une des caractéristiques de ces jeux : rester continuellement présents à l’esprit des utilisateurs. Les jeux sont ainsi développés pour survivre dans la durée, là où leurs ancêtres avaient ce majeur défaut. De plus en plus de jeux sont développés à travers un système de progression qui permet à l’utilisateur d’évoluer dans des niveaux toujours plus compliqués. C’est l’idée même du marketing dit “viral” : on a besoin des autres pour avancer. C’est pourquoi on parle de jeux sociaux, à distinguer des jeux de société : ces derniers seraient créatifs, socialisants, croit-on quand les autres seraient une sorte de fuite hors de la vie sociale. Or ces jeux auxquels on joue, certes seul, créent des liens, beaucoup plus en tout cas que la réussite porteuse des valeurs cultes des années 80 (individualisme et réussite)5. C’est donc une réelle révolution sociale qui apparaît grâce aux jeux vidéo mobiles, autrement appelée le “social-gaming . Il y a de nouveaux supports de jeu, donc de nouvelles interfaces et modes d’utilisation. Le mobile induit donc une nouvelle interface, qui va venir bouleverser les différents supports, mais surtout, et à notre grande surprise, les interfaces web. Si le mobile est un excellent vecteur de créations d’applications ludiques, il reste aussi un moyen supplémentaire de visibilité pour certaines entreprises et cela va bouleverser la chaîne de développement. L’apparition du “responsive design”6 est étroitement liée à la naissance du mobile qui va proposer des interfaces adaptatives selon le support sur lequel on navigue. Cette évolution des interfaces est maintenant démocratisée à tel point qu’il en est devenu une norme et que toutes les grandes firmes s’y sont pliées. Cela a eu un impact économique important, mais a surtout entraîné l’ère de la connectivité, où la relation entre les différents supports doit être primordiale. Il n’y a rien de plus simple de nos jours que de communiquer entre son smartphone, tablette et ordinateur via des 5 6 Nicolas Neuveux, spécialisé La conception d'un site web dans les thérapies comporte- pour que son contenu s'adapte mentales et cognitives, auteur automatiquement à la résolu- sur http://e-psychiatrie.fr/ tion écran du terminal qui est utilisé pour le visionner. On peut également parler de site adaptatif. p.14 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
interfaces et des applications développées à cette fin. L’objectif étant toujours d’avoir une accessibilité et une simplicité dans la relation entre les différents supports qui viennent s’installer chez les particuliers comme chez les professionnels. c) Dématérialisation et nouveaux modes de distribution Si par chance le studio indépendant recueille assez de fonds pour lancer son projet et le finaliser, il pourra choisir de le vendre sur des plateformes de distribution dématérialisée comme Steam ou Origin par exemple. Steam est une plateforme développée par un éditeur reconnu (grâce au jeu vidéo Half-Life et Half-Life 2), Valve. Née en 2003, elle permet depuis aux studios reconnus comme indépendants de vendre leurs jeux vidéo à des prix défiants toute concurrence. Ainsi, Steam propose plus de 4500 jeux vidéo, téléchargeables en ligne, de quoi séduire les 125 millions d’utilisateurs actifs. Alors pourquoi la dématérialisation séduit-elle autant ? Tout d’abord pour des raisons économiques. Les prix des boîtes, des Cds, représentent un coût non négligeable à une certaine échelle. Jeu vidéo physique 8% 52% 20% 20% Prix total du jeu ≈ 50€ Modèle mobile 70% 30% Prix total du jeu ≈ 3€ Modèle en ligne 100% Prix total du jeu ≈ 10-20€ Développeur Éditeur Distributeur Détaillant Joueur Chaînes de valeur du jeu vidéo physique et du jeu vidéo dématérialisé source : European Games Developer Federation (EGDF) p.15 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
Avec la dématérialisation des jeux, la chaîne de valeur est simplifiée. La désintermédiation allège la distribution. Un seul distributeur en ligne assure la rencontre entre le jeu et les joueurs, quand il fallait un ou plusieurs grossistes et un détaillant dans le monde physique. Le modèle le plus simple est un modèle sans intermédiaires, dans lequel le développeur/éditeur vend directement le jeu en ligne aux joueurs. On peut la résumer sous deux formes, selon que l’on se trouve dans le cas du jeu sur mobile ou en ligne (hors mobile). L’aspect écologique est aussi à prendre en compte. Les transports se font par camions pleins, la création de boîtes et de Cds utilise des matières fossiles, tant d’arguments qui ont forcé la fermeture de nombreux magasins et la création de ces fameuses plateformes de distribution. La proximité est aussi un argument à prendre en compte, on peut dorénavant acheter son jeu vidéo en quelques clics, chez soi, et l’installation se fait alors tout aussi rapidement. 3) JOUEUR, ACTEUR DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA VIE DU JEU a) La collaboration 2.0 Pour en revenir aux notions vues précédemment, l’aspect collaboratif naît principalement de l’évolution des supports de communication. Si les studios indépendants se font de plus en plus nombreux, c’est parce qu’il y a de plus en plus de joueurs prêts à investir dans un projet personnalisé. L’univers du jeu vidéo a lui aussi été bouleversé par cette nouvelle communication. Le fait que ces produits soient disponibles en ligne facilite le partage et le dialogue entre les développeurs et les joueurs. Des outils sont créés au sein même des plateformes comme Steam pour permettre aux joueurs de déposer un commentaire suite à l’expérience qu’ils ont vécu sur le jeu, permettant ainsi de donner leurs avis, mais aussi de rentrer en contact avec l’équipe de développement . Ainsi, lorsqu’un jeu effectue de très bonnes ventes, que sa communauté est assez grande pour évoluer, il n’est pas rare de voir apparaître des contenus additionnels suite à la demande des p.16 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
joueurs. Les studios de développement sont maintenant conscients de ce nouveau mode de collaboration et prennent en compte ce facteur dès le début d’un nouveau projet de jeu vidéo. Cependant, une certaine contrainte est possible. Je vais prendre l’exemple de DayZ. DayZ est un jeu dans lequel on crée son avatar dans un monde post-apocalyptique où il faut survivre face à la faim, les zombies et les maladies. DayZ, en cours de développement (donc un produit non fini), est d’ores et déjà disponible. En l’achetant, on peut bénéficier d’un accès à "l’avant-première" permettant ainsi d’y jouer. Cependant, le produit étant non fini, il est stipulé que vous, en tant que joueur, prendriez toute responsabilité en cas de bugs, d’erreurs de démarrage ou de plantages. L’écran d’accueil dans le jeu DayZ p.17 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
C’est ce qu’on appelle la phase Alpha du développement. Celle- ci correspond à la première phase de développement (après le prototypage), elle précède la phase Beta, qui elle précède la version fonctionnelle et potentiellement commercialisable. De nombreux jeux proposent désormais d’avoir accès à la phase Alpha ou Beta à coût réduit pour faire participer le joueur dans la phase de développement. Ainsi le joueur prend parti au projet, et aide l’équipe de développement tout en profitant de l'avant-première. Mais un autre type de collaboration et de partage est né de cet échange. b) Le futur du jeu fini À l’époque lorsque le jeu vidéo en tant que produit fini était commercialisé en version boîte, on achetait son CD et y jouait chez soi. Une fois terminé, ce dernier était replacé dans sa boîte puis rangé, souvent sans être rouvert. Il était possible de se rendre en magasin pour acheter la version suivante mais il n’était pas possible d’ajouter du contenu supplémentaire. Les consoles faisaient office de lecteur DVD, elles n’avaient pas de disque dur interne ou de connexion qui permettait d’ajouter des mises à jour. Cette époque est révolue grâce aux évolutions massives dans le domaine du net, et du transfert de données. Elle permet d’offrir à un jeu fini une seconde vie grâce à des DLC7 ajoutés par les développeurs, ou les joueurs. Certains outils développés par Steam par exemple, comme le Steam Workshop, permettent d’ajouter du contenu (des personnages, des modèles, des armes, des cartes, des sons, etc...) créés par la communauté pour le bien de la survie d’un jeu qui aura connu un franc succès. Ainsi les développeurs travaillent de pair avec les équipes de Steam pour mettre en place ce type de système très apprécié des joueurs, puisqu’il permet littéralement d’offrir une durée de vie illimitée à un jeu vidéo tout en permettant la personnalisation de ce dernier. 7 DLC : Downloadable Content , Contenus téléchargeables p.18 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
Cette "loi" de la mise à jour et du contenu additionnel gouverne désormais notre monde numérique. De plus en plus d’appareils sont maintenant connectés à internet et sont entretenus grâce à des mises à jour régulières, qui corrigent, modifient et optimisent le programme à la guise des utilisateurs, qui n’hésitent pas à se manifester. Ces derniers, puisqu’ils peuvent communiquer leurs besoins plus efficacement, sont plus facilement ciblés et l’industrie du jeu vidéo ne reste pas de marbre et s’adapte à cette demande croissante et inédite. 4) L’AVENIR DU JEU VIDÉO ET DE SA PLACE DANS LA SOCIÉTÉ a) Le futur du jeu vidéo Pragmatiquement, l’avenir du jeu vidéo est un sujet fondé sur les progrès techniques des nouvelles technologies issues de l’informatique. Son objectif étant principalement basé sur la qualité du jeu, tant graphiquement que dans le gameplay ou la durée de vie du jeu. Le jeu vidéo puise dans la puissance des machines dernier cri pour s’exprimer à plein potentiel mais son avenir dans notre société est bien plus ciblé. J'aimerai développer deux visions du jeu vidéo et de ses objectifs. Premièrement, il s’agit d’aborder le jeu vidéo comme vecteur d’avancement technologique. Le jeu vidéo puise dans les nouveautés technologiques pour améliorer l’expérience utilisateur. Catalyseur d’avancée technologique, son objectif principal est d’augmenter et d’améliorer toujours plus la puissance des machines pour proposer une expérience vidéo ludique plus riche et proche du photo- réalisme. Des jeux vidéo plus riches, plus longs et graphiquement plus gourmands. Les techniques émergentes sont alors amenées à plus ou moins court terme, à se démocratiser à la fois dans les jeux vidéo mais aussi dans la société. On l’a vu précédemment avec les disques durs optiques, qui sont maintenant présents dans chaque console mais aussi dans nos lecteurs de DVD, la technologie p.19 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
des écrans est aussi mise au service de la société, l’apparition des cristaux liquides à l’époque laisse maintenant place à des technologies plus puissantes permettant des affichages de très haute qualité. Aujourd’hui, c’est la réalité virtuelle qui s’impose comme le futur du jeu vidéo et des détournements sont d’ores et déjà développés sous forme de prototypes pour nous accompagner dans notre vie de tous les jours, dans les foyers et pourquoi pas même dans les entreprises ! Deuxièmement, parlons de l’avenir du jeu vidéo mobile. Si ce dernier est démocratisé, c’est grâce à son accessibilité et à son faible coût. À vrai dire, ce dernier ne coûte souvent rien (au début), le mobile a créé la tendance du F2P8, repris maintenant sur d’autres consoles ou sur ordinateurs. Cependant, l’aspect ludique du mobile pourrait avoir des fins beaucoup plus axées sur l’apprentissage et la découverte. Ainsi, nombreuses sont les applications qui ont su puiser dans les codes du jeu vidéo pour satisfaire des demandes particulières. L’apprentissage des langues sous forme de jeux ou bien faire de la cuisine virtuelle aurait des bénéfices sur notre manière de découvrir des aptitudes qui auraient parfois demandé bien plus de temps et d’argent. Ainsi le jeu vidéo mobile de manière détournée sert à l’apprentissage, à la culture et à la découverte. b) La place du jeu vidéo dans notre société Le jeu vidéo a maintenant réussi à s’intégrer comme une discipline à part entière grâce à l’arrivée des nouvelles technologies qui lui ont permis sa démocratisation dans le foyer des Français. La discipline possède un environnement riche autour duquel elle peut construire des relations complémentaires. Il n’est plus rare d’observer l’étroite relation qu’entretient la discipline avec les domaines culturels comme le cinéma, la musique, la littérature ou encore l’art. Le partage des univers, les inspirations mutuelles, sans oublier la naissance de médias 8 Le F2P ou Free To Play sont des jeux gratuits au téléchargement. p.20 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
hybrides comme les films interactifs, ou “tale game”9. Quelle relation le jeu vidéo entretient-il avec le monde culturel et quelle force en tire-t-il ? Conclusion Pour synthétiser les points vus précédemment, on pourra dire que les évolutions des technologies et du jeu vidéo sont étroitement liées et qu’elles ont donné naissance à de nouveaux supports (le mobile) et de nouveaux modes de consommations (la dématérialisation) et une nouvelle approche de la culture. Aussi, le jeu vidéo à un avenir prometteur au sein de notre société, et son intégration n’est plus à vérifier tant il a participé au développement de cette dernière. 9 Les Tales Game sont apparus en 2007, et sont dorénavant un succès grâce à certaines adaptations comme Games of Thrones ou Walking Dead. Ce type de jeu plonge le spectateur dans le rôle d’un acteur et peut interagir avec l’environnement qui l’entoure à la manière d’un Point’n’Click. p.21 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
II. DIALOGUE ET PERCEPTION DU JEU VIDÉO 1) LE DIALOGUE DU JEU VIDÉO AVEC SON ENVIRONNEMENT Le jeu vidéo entretient une étroite relation avec les domaines culturels qu’il s’agisse du cinéma, de la musique, de la littérature ou encore de l’art; ce dernier interagit avec eux dans une relation de partage. Pourquoi ces univers sont-ils si proches du jeu vidéo ? a) Jeu vidéo et arts visuels Tout d’abord, les univers cinématographiques et artistiques partagent des points communs avec ceux du jeu vidéo. Le monde de la science-fiction ou les univers fantastiques se retrouvent au centre des attentions dans les médias artistiques grâce aux avancements en matière de 3D et d’effets spéciaux. Ainsi, on voit fleurir des influences mutuelles entre le monde du jeu vidéo et du cinéma, qui vont se partager la création de certains titres, d’abord adapté au cinéma puis en jeu vidéo, ou inversement. C’est le cas de Silent Hill, Tomb Raider, Mortal Kombat ou encore Resident Evil. À noter que l’univers de ces jeux est propice au développement cinématographique, attractif par leurs ambiances (horreur avec Silent Hill ou Resident Evil) ou de par leur univers fantastique (avec Prince of Persia ou Spiderman). Certains films abordent le thème du jeu vidéo au sein de leur scénario comme “Wreck-It Ralph” de Disney. Cependant, l’évolution des technologies et du jeu vidéo a entraîné la naissance de nouveaux types de média, une sorte de bébé hybride, qui glisse le joueur/ spectateur au centre du scénario et lui propose d’interagir avec ce dernier. C’est le Tale Game, un dérivé du Point’n’click qui trouve son succès grâce à la réadaptation de grandes séries telles que Game of Thrones ou encore Walking Dead. Enfin, il n’est plus rare de voir le nom d’un grand réalisateur comme Michael Bay être chargé de l’adaptation cinématographique de p.22 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
grands jeux vidéo. Ainsi la conception d’un film sera réfléchie pour répondre à des attentes purement cinématographiques, mais aussi pour correspondre le plus à de futures adaptations vidéo ludiques. Il en va de même pour la musique. Il n’est pas rare de retrouver des orchestres symphoniques (nés de production cinématographique) pour réaliser la bande sonore de certains jeux vidéo. Avec Hollywood en ligne de mire, les musiques de jeux (d’aventure ou d’action) ont cependant tendance à s’uniformiser. Le recours à l’orchestre symphonique se systématise. C’est à la mode, et le style pompeux, ça peut rapidement gaver, estime Sylvain Brunet, directeur artistique Son chez Ubisoft. À force de vouloir copier les BO des films, les musiques de jeux manquent souvent de caractère et d’originalité10. Ainsi la composition musicale des jeux vidéo serait directement influencée par des musiques de film. Cependant, n’oublions pas les prémices de la musique dans les jeux vidéo, composés principalement via les technologies 8 bits et 16 bits, elles ont impacté les musiciens contemporains jusqu’à créer un mouvement de musique électronique appelé “chiptune”. Mais ce dernier tire aussi ses univers dans de grands classiques de la littérature comme le célèbre Seigneur des Anneaux, écrit par J.R.R. Tolkien. En effet, l’univers fantastique se prête beaucoup à la retransmission cinématographique ou vidéoludique. Nombreux sont les jeux qui partagent cet univers, c’est notamment le cas de World Of Warcraft, qui a connu un succès dans la littérature, le jeu vidéo et probablement au cinéma. Le monde artistique aime s’approprier les nouvelles technologies et techniques pour toucher le plus grand nombre de personnes. Mais ce n’est pas tout, le monde artistique a puisé dans les ressources du jeu vidéo et a effectué des détournements qui nous questionnent sur le rapport que nous entretenons avec ces plateformes vidéo 10 Lechner (Marie), Mélodies en consoles , Libération, 3 sep- tembre 2004, consultable en ligne sur : http://next.liberation.fr/ next/0101500421-melodies- en-consoles p.23 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
ludiques. Ainsi les artistes comme Palle Torsson et Tobias Bernstrup proposent une virée sanglante à l’intérieur même du musée où avait lieu l’exposition, cette dernière est construite à partir d’un détournement de Duke Nukem11. Le jeu est maintenant offert sur Internet pour les internautes pour revivre de chez soi cette expérience muséale hors du commun. D’autres artistes comme N+N Corsino utilisent les moyens développés par la technologie mobile pour écrire des chorégraphies interactives. Disponible sur l’Appstore et le Google Play cette application permet à l’utilisateur d’interagir avec son téléphone pour modifier l’environnement dans lequel le ou la chorégraphe va évoluer. Une navigation sensible entre en résonance avec l’iPhone. Une cinétique des corps et des paysages, poétique et abstraite vient s’augmenter au travers de l’outil et en retour les spécifications de l’objet dans la main s’en trouvent développées grâce aux moteurs d’interaction. Soi Moi, installation portative, donne une perception de son propre corps, celui qui tient l’iPhone, plus amicale, au sens où une véritable considération de l’intelligence physique sensible de soi n’est toujours pas advenue. Une quinzaine de séquences interactives de 1 à 11 Duke Nukem est un jeu vi- déo sanglant dans lequel il faut jouer le role d’un militaire qui se bat contre une invasion d’alien. p.24 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
2’ forment la base scénaristique. Dans Soi Moi la motion capture des séquences chorégraphiques joue avec l’invisibilité : la soustraction d’objet ou de partenaire offre des situations physiques inattendues. Les procédés techniques renforcent le propos lorsqu’ils opèrent dans la disparition. Ou plus précisément dans l’enlèvement. Enlèvement compris comme allègement ou rapt.12 Des détournements de moteurs de jeu ont aussi fait leur apparition, notamment avec le moteur d’Unreal Tournament, un jeu de combat armé futuriste. Vladimir Todorovic, utilise carrément Unreal Tournament 2004 comme environnement de production sonore, lors de parties dédiées à des performances purement sonores. Pourquoi les artistes utilisent-ils ces nouvelles technologies et ces jeux vidéo ? L’opinion populaire pourrait penser qu’il s’agit d’un moyen d’expression comme un autre, que l’art du détournement est en son essence un art à part entière. Mais les jeux vidéo sont des pratiques populaires, et sont rarement utilisés à des fins purement artistiques. Citons aussi l’exemple de l’artiste français Invader, aussi connu sous le nom de Space Invader, dont le pseudonyme fait référence au jeu éponyme. Il a pour démarche de poser des mosaïques (rappelant les pixels et autres “ sprite “ des jeux) dans les villes du monde entier, dans des endroits inaccessibles ou inattendus de l’espace urbain. 12 source : http://www.nncorsi- no.com/ p.25 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
Ces mosaïques représentent des “sprite“ de jeux vidéo de la fin des années 1970 et du début des années 1980 comme les vaisseaux extraterrestres du jeu Space Invaders, ou des personnages du jeu Pac Man ou Mario. Il a commencé ce projet artistique en 1998. Le “pixel art“ et toute cette esthétique qui rappelle les jeux vidéo se retrouvent aussi dans plusieurs créations, spécialement sur Internet, comme des images, des vidéos d’animation, ou des utilitaires qui permettent de façonner des avatars. Nous pouvons ainsi dire que ce courant artistique, qui devient presque à la mode au début des années 2000 reprend, se nourrit, et il s’inspire des jeux vidéo et de leur style graphique en deux dimensions. Ils se transforment en sorte de symboles, qui portés, affichés ou vénérés, montrent l’appartenance à un groupe (celui des joueurs), la référence à un loisir, mais aussi l’émergence de la technologie dans l’art, et des loisirs culturels à la fin du vingtième siècle. b) La culture jeu vidéo La “culture jeu vidéo” n’apparaît qu’au début des années 2000. Elle est née de l’évolution de ce loisir, des transformations de son industrie et de son intégration dans notre société. Grâce à la visibilité qu’elle obtient au fil des années, elle commence à intéresser les joueurs, les journalistes ainsi que les universitaires. L’émergence de cette culture est à rapprocher au début du 21e siècle, des développements des technologies issues du numérique qui apparaissent et se répandent dans la société, à la fois par le biais des productions culturelles et des biens de consommation. Les jeux vidéo font partie de ce “mouvement digital”, ils sont à la base d’une culture à la fois uniforme et hétérogène, dont les principaux éléments sont reconnus de la globalité de la communauté des joueurs, mais qui reflète aussi les différentes réalités de la pratique. Ainsi on peut observer un ensemble de “sous-cultures“ p.26 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
lié à la diversité de la discipline, la présence de multiples machines de jeux (ordinateur d’un côté, console de l’autre et maintenant le mobile), ainsi qu’aux genres de jeux existants. Cette variété se répercute sur les joueurs et se reflète dans leurs profils et leurs connaissances. Mais cette culture est appuyée par des éléments externes qui vont venir l’enrichir et la faire vivre. L’apparition notamment dans les médias de chaînes télévisuelles13, de la presse spécialisée14 ou de site web destiné uniquement à cet univers vidéoludique. La naissance du Pro-gaming avec des tournois à l’échelle mondiale, on parle d’“e-sport“. On peut aussi noter l’apparition d’un jargon propre à la culture du “gaming”. Ainsi, des termes spécifiques sont employés en ce qui concerne par exemple les jeux de combats ou les jeux de rôle massivement multijoueur (en ligne). Toutefois, les joueurs peuvent aussi les utiliser dans un cadre plus général. Citons, par exemple, “afk : away from keyboard”, pour préciser qu’ils sont littéralement “absents du clavier”, donc qu’ils ne sont plus derrière leurs écrans. Économiquement parlant, le marché du jeu vidéo s’est lui aussi développé avec l’apparition de revendeurs spécialisés dans le domaine et proposant une gamme de produits spécialement développée pour répondre aux attentes des joueurs, débutants jusqu’à expert. Fini les ordinateurs “classiques“, apparaissent des PC d’une puissance redoutable au design futuriste, sans parler des claviers, souris, casques et autres gadgets derniers cris, une manière aussi de créer une véritable communauté qui se reconnaitra à hauteur de leur investissement. De toute cette culture, le jeu vidéo développe ainsi, de manière indépendante, des singularités qui lui sont propres et qui viennent renforcer cette idée de “culture jeu vidéo“. 13 14 Avec l’émission Game One, Le magazine JoyPad par une des premières a aborder exemple le thème du jeu vidéo à la télévision p.27 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
c) Le jeu vidéo et ses singularités On l’a vu précédemment, le jeu vidéo est en dialogue constant avec les médias culturels et les arts visuels, c’est un constat. En dehors du fait qu’il existe une relation avec le cinéma, la littérature ou la musique, le jeu vidéo doit aussi être considéré dans sa catégorie propre et soulève lui-même ses singularités. Cependant, naissant de cette culture et des relations qui ne sont plus à prouver avec le monde cinématographique, le jeu vidéo ne s’est pas créé ex nihilo. Au même titre que le cinéma pouvait être pensé à sa naissance comme la synthèse de tous les arts mettant en mouvement les arts plastiques, le jeu vidéo lui aussi est défini par ces caractéristiques et on pourra dire sournoisement, l’interactivité en plus. Ce qu’il faut comprendre c’est que le jeu vidéo s’est construit techniquement et culturellement, indépendamment des formes qui existaient auparavant. Fini l’utilisation des boites de projection, place aux lignes de codes qui vont entraîner une course effrénée vers la photo-réalité, mais ce n’est pas tout. Là, où développeurs et joueurs se sont acharnés pour construire des univers des plus réalistes (on peut penser à Far Cry15) apparaissent, et toute la singularité réside en ce point, des jeux qui prennent leur essence dans cet indépendantisme pour sublimer les caractéristiques premières d’un jeu vidéo, à savoir le gameplay, les graphismes, l’histoire, la durée de vie et l’expérience du joueur. C’est le cas de Limbo16, qui dans un univers 2D, entraîne le joueur dans un monde sombre, noir et blanc, accrochant et sensible, narrant l’histoire d’un petit garçon, une silhouette noire et deux points lumineux en guise d’yeux. Ce type de jeux qui se démocratise, nés, au-delà d’une culture maintenant bien ancrée dans notre société, des nouveaux modes de développement vus dans le premier chapitre. 15 16 Far Cry est une série de Limbo: Limbo est un jeu jeux vidéo de tir à la première vidéo de plates-formes et de personne, un des premiers jeu réflexion. C’est le premier titre à proposer des graphismes développé par le studio danois époustouflants (pour l’époque). Playdead. p.28 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
2) PERCEPTION ET POLÉMIQUE a) Jeu vidéo et médias Le jeu vidéo est perçu de différentes manières suivant son évolution dans notre société. Caractérisé à la fin des années 2000 comme un outil permettant l’intégration de l’ordinateur dans les foyers, le jeu vidéo a connu des phases d’intégration mouvementées. Tout d’abord il apparaît comme un nouveau moyen de se divertir, vu comme de la science-fiction les premières consoles marquent une nouvelle ère, liée à un nouveau millénaire. Cette image attractive va vite être revisitée, les jeux vidéo sont considérés comme un média abrutissant et violent mais vont réussir à s’intégrer dans notre société grâce à la révolution qu’a connu la discipline, au travers des nouvelles technologies, de son impact sur la population et sur la société, d’un point de vue culturel et économique. Séduisant de par son potentiel à développer des univers fictifs et fantastiques, il fait naître la polémique suite à l’apparition de certains phénomènes sociaux et sociétaux. Les thèmes, habituellement discutés ont alors attrait à la violence, à l’isolement, ou aux maladies qu’ils peuvent susciter. Le jeu vidéo a pour principal objectif le divertissement et la perception de ce dernier a évolué en même temps que la discipline. Séduisant principalement les adolescents, le jeu vidéo a l’image d’une activité infantile et parfois abrutissante. Cette image est portée par les médias et va venir soulever des questions sociétales sur les “dangers” de la pratique. On assiste alors aux premières polémiques liées au jeu vidéo dès les années 2000, avançant la thèse des dangers sanitaires. Le jeu vidéo serait-il dangereux ? Le premier reproche du jeu vidéo concerne la violence. Le débat enclenché à ce sujet est lié au fait que la plupart des jeux incitent p.29 Le jeu vidéo, entre objet culturel et objet de culture
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