LE MONDE ENTIER DÉTESTE LA POLICE - sa brutalité, son racisme, son sexisme - CNT
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ÉTÉ 2020/N°453 2€ Lutte syndicale LE MONDE ENTIER l Pressions et répression à l’inspection du travail. La mise à pied d’Anthony Smith. P3 DÉTESTE LA POLICE l Renault veut sacrifier Choisy. Le site de Val-de-Marne voué à fermer... Garder l’usine Renault et ses emplois. P4 sa brutalité, son racisme, l La reprise des hostilités sociales. De l’éducation, de la santé, des services publics ! P5 son sexisme l Il y a dix ans, la lutte contre la crèche à profit « People & Baby » P6 l Creacion de un seccion sindicala a l’escòla. Une section CNT dans l’école en occitan de Toulouse. P8 Ici et maintenant l Le monde entier déteste la police. George Floyd victime de la police raciste et meurtrière. P2 l Intox et théories complotistes masquées, sous couvert de critique de gestion calamiteuse de la crise. P7 l La Covid-19 assigne les marins au travail. Contrats d’embarque- ment prolongés sans rapatriement : les marins de commerce soumis aux armateurs. P10&11 l Vive les vacances et crosse en l’air ! Pandémié·es , confiné·es, sacrifié·es, révolté·es … P12&13 International l Amériques, Turquie, USA. P 14 à 19 Culture À partir de 2 tableaux de Jean-Michel Basquiat l Te plains pas, c’est pas l’usine. L’exploitation en milieu associatif. Lily Zalzett et Stella Fihn. l Viva l’anarchie ! Bruno et Corentin Loth. l Philémon, vieux de la vieille, Lucien Descaves. l Lucky Losers, Laurent Malot. l Hommage à Hélène Châtelain. P20 à 23
Ici et maintenant Communiqué Confédéral Le monde entier déteste la police George Floyd, énième d’une très longue liste de victimes de la police raciste et meurtrière. e 25 mai, George Floyd, 46 ans, contrôle routier à Falcon Heights, exigent le droit à la dignité. L décède lors de son interpel- lation, le genou du policier La ségrégation n’est supprimée que sur le papier. Le racisme de- posé sur la gorge en murmurant meure une gangrène véhiculée « Je ne peux plus respirer ». Il a fallu par les suprémacistes blancs, les trois nuits d’émeute pour que le nostalgiques du Ku Klux Klan. policier soit inculpé. Cette mort C’est désormais avec l’uniforme s’ajoute à une longue liste. de la police, à visage découvert Chaque année aux États-Unis, et en toute impunité, qu’on exé- territoire autoproclamé « paradis cute au coin d’une rue ou dans de la démocratie », un millier un commissariat. Bénéficiant de de personnes, majoritairement nombreux soutiens dans la mou- afro-américaines, meurt sous les vance suprémaciste blanche, coups de la police. Toujours le Trump a tweetté « Si des émeutes même scénario macabre : le 23 fé- commencent, on commencera à ti- vrier 2020, Brünswick, Géorgie : rer ». La triste phrase du chef de Ahmud Arbery, jeune homme la police de Miami à la fin des noir faisant du jogging est abat- années 60, lors de violences ra- tu par deux blancs, un ancien ciales dans cette ville. policier et son fils, qui n’ont été L’histoire rappelle de quelle inculpés qu’après une mobilisa- violence l’État américain est tion. La personne qui a filmé les capable. Agressions à la bombe faits subit des pressions. En 2016, contre des militants des Black à Bâton-Rouge, Louisiane, deux Panthers, provocations et peines policiers tuent Alton Sterling, trois Minnesota. Un an après, le policier de prisons à vie contre ceux et celles balles chacun. En 2015, Eric Garner responsable du meurtre est acquitté. qui osent résister. Léonard Peltier, mi- meurt entre les mains de la police En avril 2015 à Baltimore, des litant de la cause indienne, en prison new-yorkaise, acte qui amplifiera le émeutes éclatent après la mort du depuis 40 ans. Mumia Abu-Jamal, mouvement Black Lives Matter (« Les jeune Freddie Gray…. Dans la plupart en prison depuis plus de 37 ans. Les vies noires comptent »), mouvement de des cas, la justice relaxe et acquitte les militant·es du syndicat des Industrial défense des victimes de violences po- auteurs de ces assassinats policiers ra- Workers of the World pourchassé·es, licières. Le policier échappe à toute cistes dont les victimes appartiennent emprisonné·es, exécuté·es comme condamnation. aux catégories sociales exploitées et ce fut le cas de Joe Hill. La liste est Le 24 avril 2015, banlieue de Dal- opprimées, sur fond de société où les longue... las : Jordan Edwards, 15 ans, est tué discriminations ont force de loi. Internationaliste, notre syndica- par un policier. Face à des actes ignobles, l’émeute lisme de classe exprime naturelle- En juillet 2016, Philando Castile est une réaction immédiate, un geste ment toute sa solidarité avec les vic- est abattu par un policier lors d’un de survie des catégories sociales qui times de la répression. Nous savons que la pouvoir américain attise les Directrice de la publication Impression sur papier certifié divisions parmi les travailleuses et les Marie-Pierre Aiello PEFC N° de CPPAP : 0623 S 0651 Imprimerie Étoile travailleurs pour mieux exploiter et Rédaction opprimer. C’est ce qu’avaient com- combat-syndicaliste@cnt-f.org Za Sainte Anne 61190 Tourouvre pris les Black Panthers qui menaient CS c/o CNT Stics 13 Les tâches amenant le Combat c/o 1 000 Bâbords syndicaliste dans votre boîte aux lettres une lutte antiraciste radicale du point 61, rue Consolat 13001 Marseille sont effectuées par des syndiqué.es de vue de la lutte des classes. Au- Administration après leurs journées de travail. Toutes cs-administration@cnt-f.org jourd’hui le peuple, uni, est dans la C/O CNT 18 Avenue de Sierre vos idées d’articles sont les bienvenues. Le bouclage se faisant aux environs rue. Solidarité avec les victimes de 07200 Aubenas violences policières, à Minneapolis et Abonnements du 15, il est important que vos articles cs-administration@cnt-f.org arrivent à la rédaction quelques jours partout ailleurs. l C/O CNT 18 Avenue de Sierre avant, le plus tôt possible, cela évite le stress. Merci à tou.tes ! La CNT 07200 Aubenas 2 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
Communiqué Confédéral Pressions et répression à l’inspection du travail La mise à pied d’Anthony Smith, à la demande directe de l’employeur visé par un référé, illustre la soumission de l’inspection du travail au patronat. nspecteur du travail dans la leur activité) et d’avoir fait des rap- en main de l’Inspection du travail I Marne, Anthony Smith a agi pour protéger la santé et n’ont été aussi généralisés et violents depuis la Seconde la sécurité de salarié·es de l’aide Guerre mondiale. Ce gou- à domicile pendant le confine- vernement utilise la crise ment. Le 15 avril, sa hiérarchie sanitaire comme cheval de l’a interdit de travail. La mise à Troie pour mettre sous tu- pied d’un inspecteur du travail telle l’Inspection du travail vise la mise au pas de tout·es ses et la réduire à un organisme collègues. En plein état de guerre croupion chargé de faire de contre la pandémie, la sanction l’accompagnement gouver- sonne comme une déclaration nemental des entreprises, de guerre à l’Inspection du tra- dans la continuité de l’acti- vail et à l’ensemble du monde du vité économique prônée à travail. Deux mois plus tard, la tout prix. sanction n’est toujours pas levée. Au-delà de l’action de Le ministère est passé des pres- l’Inspection du travail, de sions à la répression avec la sus- nouvelles ordonnances at- pension de l’inspecteur du travail taquent une fois de plus les et compagnon de lutte Anthony droits des travailleur·euses. Smith. Sa faute ? Avoir osé en- Durée du travail, congés gager une procédure de référé à pels de la réglementation à d’autres payés, jours fériés… le l’encontre d’une entreprise et pour boîtes de son secteur, demandant là message est clair : c’est aux travail- faire respecter des conditions sa- leur·euses de payer les conséquences encore notamment des équipements nitaires satisfaisantes pour la santé sociales de la crise sanitaire. Le de protection individuelle pour les et la sécurité des travailleur·euses. monde d’après s’affirme et s’an- salarié·es. Traduit par le ministère du travail, nonce encore plus violent pour les Ce dernier coup s’inscrit en effet la faute serait d’avoir « méconnu de salarié·s si nous ne luttons pas pour dans une longue liste de pressions, manière délibérée, grave et répétée les ins- inverser cette tendance mortifère. intimidations, ordres illégaux qui tructions de l’autorité centrale du système Si le ministère du travail a pour d’inspection du travail concernant l’ac- foulent au pied la convention inter- seul objectif la sauvegarde des pro- tion de l’inspection durant l’épidémie de nationale n°81 de l’Organisation in- fits, les agent·es de l’Inspection du Covid-19 ».. ternationale du travail garantissant travail, en continuant à exercer leur les droits et missions des agent·es de missions de sauvegarde de la santé n Un référé sans en référer l’Inspection du travail, notamment et la sécurité des travailleur.es, n’en- leur indépendance. tendent pas se laisser instrumentali- En fait, après le rappel des obli- ser ni céder aux pressions patronales gations légales resté sans effet, il a n Mise à pied, reprise en main ou politiques. simplement initié sans l’aval de sa Nous appelons l’ensemble du hiérarchie une procédure de référé Toutes les plaintes patronales, monde du travail à se mobiliser afin que soient notamment prescrits politiques, préfectorales sont au- contre cette nouvelle attaque portée des masques pour les salariées d’une jourd’hui relayées en interne pour à l’indépendance de l’Inspection du structure d’aide à domicile (particu- faire pression sur les agent·es. Jamais travail au service des salarié·es. l lièrement exposées au virus de par le flicage et la volonté de reprise La CNT 3
Lutte syndicale Soumission Renault veut sacrifier passive son morceau Choisy L’atonie forcée, admise Le site de Val-de-Marne voué à fermer... sans résistance pendant le Garder l’usine Renault et ses emplois. confinement. Billet d’humeur amère. L es médias, unanimes, ont égrené le grand nombre de morts résultants d’une seule et même maladie dite pandémie. À ce motif, les dictateurs imposent arbitrairement l’interdiction de circulation. Et nous nous soumet- tons, moi le premier, au-delà de ce que nous aurions pu imaginer ! Et pire, nous nous soumettrons aux mesures suivantes prises en conséquence de nos incuries collectives. Aucun moyen citoyen n’existe, semble-t-il, ou n’a existé pour contrer les effets des diktats gouvernementaux médiatisés. L’atonie frappant toutes les paroles, aucune contestation, même latente, ne pouvait se faire entendre... Puis la fin de la récréation a été sif- flée et la fin du jeu décidée pour le ur les 14 sites que compte le L’activité et l’usine sont reconnues 11 mai. Les promenades syndicales du 1er mai pour la première fois S groupe Renault en France, seul celui de Choisy (Val-de- rentables par ceux qui veulent au- jourd’hui la liquider ! * n’ont pas eu droit à la médiatisa- Marne) est menacé de fermeture Vouloir transférer les activités de tion. Oubliée la parade signifiante. Et le 11, les valets de servitude, définitive à l’horizon 2022. Renault Choisy à Flins, c’est mettre encore bons petits soldats et pères de envisage de transférer son activité à des travailleurs sur les routes ou plu- familles, ont du reprendre le Flins (Yvelines), mais ce site serait tôt sur la route, celle de Pôle Emploi chemin de la consommation servile lui aussi menacé à terme, avec la fin car… qui ferait 150 à 200 km aller-re- tandis que les porte-paroles des de la fabrication du modèle Zoé. tour tous les jours ? À la prétention organisations représentatives, En recyclant et reconditionnant de la direction de Renault d’en finir ceux des ministères et des plateaux les moteurs et boîtes de vitesse, Re- avec le site de Choisy (ouvert en télé, piaillaient à qui mieux- nault Choisy travaille pour un pré- 1949), les salariés doivent opposer mieux leurs sentences, menaces sent qui évite le gaspillage. C’est la solidarité de la population. Non ou prétentions. Et nous, infanti- déjà ça... Avec ses 263 salarié·es, lisés, ne serons ni plus ni mieux à la fermeture de l’usine Renault de sans compter les intérimaires, c’est Choisy ! Il faut en finir avec l’éco- considérés qu’avant car l’adage une usine à taille humaine, avec des le dit : « Jamais mieux servis que nomie au service du profit. C’est ici par nous-mêmes ». Désillusions et compétences professionnelles re- et maintenant, à Choisy, que peut dérisions font mon ressentiment, connues, saluée comme une « usine commencer une économie de proxi- pour tous ces silences et inactions, y formidable » par la direction géné- mité au service de la collectivité compris les miennes ! l rale du groupe il y a quelques mois. humaine et dans l’intérêt des travail- Charles, CNT interco 7l/58 leur·euses.l UL CNT Choisy-le-Roi * Mais le groupe Renault affronte des difficultés finan- cières dans un contexte d’effondrement du marché au- tomobile. Fin mai, Renault, qui va bénéficier d’un prêt de 5 milliards d’euros garanti par l’État, a annoncé la sup- pression de 15 000 emplois dans le monde dont 4 600 en France (soit près de 10 % des effectifs français). Ce programme présenté « sans licenciements » en privilé- giant les « départs volontaires » s’inscrit dans le cadre d’un plan d’économie de plus de 2 milliards d’euros jusqu’en 2023.. 4 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
Lutte syndicale La reprise des hostilités sociales Des profs, pas des profits. De l’éducation, de la santé, des services publics ! ordonnances liberticides et préca- risent davantage le monde du tra- vail : vol de congés payés et RTT, suppression des 35 h, 60 h hebdo- madaires dans certains secteurs, nouvelles affectations arbitraires, plans de licenciements massifs, poursuite des répressions de tous ordres contre les travailleur∙euses (Inspection du travail, les « trois de Melle », profs sanctionnés pour s’être mobilisés début février contre les réformes et le bac sauce Blanquer…). S’appliquent aussi les ordonnances « travail » du gouver- nement Valls lancées par Macron, alors ministre de l’Économie. Re- fuser des baisses de salaires, c’est donc risquer le licenciement. Tout a reprise, quelle reprise ? Celle trices, accentuant la pression d’un le droit du travail est attaqué. Et L des excédents bruts d’exploi- tation, des profits et du re- management vertical au sein de nos écoles. Évaluer dès la reprise pour les travailleur∙euses renvoyé∙es dos à dos, avec le chantage de suspension tout uniformiser et soumettre nos du chômage partiel s’il on ne eut tour des dividendes ? Pour nous, le pratiques : Blanquer ne change rien. prouver l’impossibilité pour l’école temps est à la reprise de la lutte ! À d’accueillir son enfant, créant des l’heure de la relance économique Sans compter les projets de rentrée tensions entre parents et personnel dans tous les secteurs, les nouvelles numérique de la maternelle à l’uni- enseignant. Diviser pour mieux ré- normes sanitaires bouleversent les versité qui font saliver les capita- gner, l’idée n’est pas neuve. organisations de travail, entraînant listes. La stratégie du choc ompte des risques physiques et psycho-so- bien tirer profit des crises pour faire n Faire face à la casse ciaux pour tous les travailleurs et avancer les vieilles lubies du libéra- des services publics toutes les travailleuses. Commencée lisme et de son monde-marchandise. avant le confinement, la casse de Conscient∙es que les attaques notre métier et des services publics n Moins d’élèves par classe, contre le service public hospitalier se poursuit. toujours mieux sont une étape dans le démantè- Au ministère de l’Éducation na- lement de tous les services publics tionale comme ailleurs, la pression Le confinement a montré que plus et face au monde qu’on nous pré- managériale continue à faire loi. La jamais nos revendications sont d’ac- pare, plus que jamais nous devons course aux chiffres pour faire ren- tualité : pour une école coopérative construire un rapport de force. trer le plus d’élèves possible ne tient avec moins d’élèves par classe, sans Les soignant∙es dans la rue le 16 compte d’aucune considération pé- fermeture de classes ni d’écoles, tout juin, les dizaines de milliers de sans dagogique. Pire encore, profitant en titularisant les précaires de l’édu- papiers le 30 mai, de jeunes contre de la crise pour relancer un projet cation. le racisme et les violences policières défait par la lutte l’année dernière, Au-delà de la communication avec le comité Adama le 2 juin, ont des député∙es LREM prévoient de d’unité nationale que nous refusons, montré comment retrouver le che- créer un statut de supérieur hiérar- Macron et son monde profitent de min de la rue et du collectif. l chique pour les directeurs et direc- la crise pour faire passer des lois et STE 75 5
Lutte syndicale La crèche qui mise sur l’optimisé Il y a dix ans, la lutte contre la crèche à profit « People & Baby ». es crèches soumises à la rentabili- People & Baby confirma les licencie- chiques et physiologiques fondamen- L té comme les hostos ? People & Baby l’a fait. ments malgré les objections de l’Inspec- tion et du Ministère du Travail. Toute taux, absolument incompatibles avec une gestion libérale et marchande**. La Il y a 10 ans , une section CNT y se- la section CNT fut donc licenciée et course au remplissage et l’optimisation mait la contradiction et lançait une lutte le code du travail bafoué. Finalement, du taux d’occupation vont de pair avec qui sera finalement victorieuse. Contre People & Baby a été condamnée des la dégradation des conditions d’accueil. le patronat, on n’oublie pas ! années plus tard par les Prud’hommes Le souci de rentabilité et le travail à flux à verser des indemnités financières aux tendu nuit à la sécurité et au dévelop- Il y a dix ans, la section CNT Petite cinq professionnelles virées abusive- pement physique et mental des enfants enfance en lutte occupait jour et nuit ment. Aujourd’hui encore pour ouvrir confiés par les familles. les locaux de l’entreprise People & Baby des crèches, des municipalités et des dans les quartiers bourgeois du VIIIe ar- entreprises continuent d’accorder leur Souvent méprisées, les travailleuses rondissement, avec les camarades de la confiance cette entreprise condam- de la petite enfance ne font pas seule- confédération et les parents de la crèche née pour discrimination syndicale et ment de la « garderie ». Elles ont une Giono.. non-respect du code du travail. réflexion sur leur pratique et la mettent en œuvre sur le terrain, en lien avec les n Service public privatisé Malgré les longues années à attendre autres corps de métiers de la filière (au- que la justice leur rende raison, la lutte xiliaires, CAP, infirmières, psychomotri- Révoltées par les réponses de la di- menée laisse un souvenir impérissable, ciennes, éducatrices de jeunes enfants, rection suite à leur grève (mises à pied bel exemple de solidarité interprofes- médecins...) pour l’émancipation et puis licenciements abusifs), les travail- sionnelle et de lutte des classes. leuses ont mené l’occupation pour ob- l’autonomie des enfants et l’accompa- tenir leur réintégration et de meilleures n La garde rapproche du profit gnement des familles. l CNT-RP et rédac du CS conditions de travail. Elles dénonçaient également la privatisation de la petite Aujourd’hui, la crise sanitaire montre * Société par actions simplifiées créée en 2004, gérant au- enfance menée par la Ville de Paris en que les revendications portées alors sont jourd’hui 550 crèches d’entreprise et de collectivités. Employant sous traitant à des structures telle que toujours d’actualité. Accueillir de jeunes près de 5000 personnes, l’entreprise se la joue objets connec- People & Baby, gestionnaire privé de enfants dans de bonnes conditions sani- tés, petits pots bio, crèche bilingue et « éducation positive »… crèches dans toute la France*. taires nécessite des locaux adaptés et un ** lire « Le service public de la petite enfance, une réussite nombre de professionnelles conséquent française en danger », dans le Monde diplo de février 2020 : Comme réponse, la direction de pour répondre à leurs besoins psy- www.monde-diplomatique.fr/2020/02/SHAHSHAHANI/61355 6 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
Ici et maintenant Le bouillon de culture du complot Virus, complot : une vieille complicité. Pouvoir, impact planétaire, panique, enjeux de mort : tous les éléments réunis par un La faute au pangolin illuminati virus mondial pour propager des théories du complot. Elles Intox et théories complotistes masquées, sous couvert de critique de gestion calamiteuse de la crise. ont déjà surgi avec la peste au Moyen Age (la faute aux juifs, déjà), le choléra au XIXe couvert de « cri- (machination de la bourgeoisie tiques » contre le pour anéantir le prolétariat...), gouvernement et la gestion de la crise, les le sida, Ebola (imposer une messages antisémites, tyrannie médicale...) au XXe. Il racistes, xénophobes, y a dix ans, le virus H1n1 aurait anti-scientifiques pul- inventé la « grippe Sanofi ». Avec lulent. Les fascistes ne le covid-19, les gens confinés, parlent du peuple que pour exploi- surconnectés aux réseaux ter sa colère. Leur sociaux, ont dopé la circulation seul but, c’est l’as- de ces rumeurs : le virus aurait servissement du été conçu en laboratoire, par la genre humain. CIA pour déstabiliser la Chine, Cette crise servi- ou l’industrie pharmaceutique, ra au moins de ré- dans le cadre d’un projet occulte vélateur pour celles de « dépopulation » criminelle et ceux qui faisaient à grande échelle (vaccin à mine d’être dans le venir fruit de manipulation camp de la classe ou- vrière. Ceux-là même génétiques). Des naturopathes qui parlent du peuple, mais qui ont soupçonné BigPharma de n’ont pas hésité à propager des ru- vouloir vendre ses vaccins à meurs accusant les habitant·es des outrance. La polémique sur quartiers populaires de ne pas la chloroquine a poussé dans respecter le confinement, resteront dans nos mé- le même sens : on nous cache moires. Nous n’oublie- tout, on nous embrouille. La rons pas leur réflexe de critique du discours d’autorité classe : la stigmatisation (politique, médicale) fonctionne des « classes dangereuses ». toujours à fond. Des sources L a crise sanitaire est venue saisir une société déjà fragi- Qu’ils sachent désormais qu’ils seront chassés de nos luttes une scientifiques fumeuses ou hors sujet sont appelées à la rescousse, lisée par la politique de casse des bonne fois pour toute. conquêtes sociales des travail- En jouant la carte lamentable brassant des références, souvent leur·euses. Les fascistes, plus ou d’une communication de paterna- contradictoires, qui entretiennent moins à visage découvert, en pro- liste, prenant clairement la popula- le doute. La mouvance Soral- fitaient déjà, notamment par des tion pour des enfants à qui on peut incursions plus ou moins discrètes Dieudonné a réchauffé ses thèses mentir pour leur bien, en cédant et plus ou moins déjouées dans le si souvent à la tentation autoritaire antisémites en ciblant quelques mouvement social. à défaut de prendre des mesures noms. Le complotisme le plus concrètes et efficaces, ce gouver- invraisemblable, ubuesque Par une propagande particulière- nement s’est savonné la planche, ou simpliste est toujours ment active, les plus obscurantistes offrant un boulevard aux thèses soutenu, porté, propagé par la ont poursuivi, lors du confine- conspirationnistes des forces réac- ment, un colossal travail d’intoxi- tionnaires.l faschosphère. l La rédac du CS cation et de désinformation. Sous La CNT 7
Lutte syndicale Creacion de un seccion sindicala a l’escòla Une section CNT dans l’école en occitan de Toulouse. a Calandreta* de Garoneta les salarié·es sont très mal considé- chaque salarié·e (en poste avant sep- L est une école associative d’en- seignement privé sous contrat ré·es. L’association a usé et abusé tembre 2019), et des pertes d’ancien- avec l’État et un centre de loisirs ad- ministrés par les parents d’élèves qui sont les employeurs des 16 salarié·es. L’enseignement est fait en immer- sion en occitan dès la maternelle, les enfants apprennent à lire et à écrire en langue d’oc, puis en français à partir du CE1 en comparaison avec l’occitan qu’ils et elles maîtrisent d’abord. Pédagogie institutionnelle issue de Célestin Freinet et de Jean Oury notamment. Malgré un effectif de plus de dix, aucune élection de représentant·es du personnel n’y a jamais été organisée. n C’est quand les élections ? Et la première réunion ? En août 2019, avec l’embauche de contrats courts (animateurs en neté, de jours enfants malades… de huit animateur·rices (en CDI CDD) et de contrats aidés, man- De plus, le travail des salarié·es intermittent sur les temps CLAE quant parfois à ses obligations, no- n’est pas reconnu : des missions sont et CLSH), le personnel a fait la de- tamment de formation du personnel données oralement à certain·es mais mande d’élections du CSE. Adhé- en contrats CUI ou CAE. L’asso- sans le salaire intégrant ces respon- rent·es à la CNT31, les deux candi- ciation a dénoncé la convention sabilités (indice inférieur aux tâches dat·es, Gregory (titulaire) et Laëtitia collective de l’animation en sep- effectuées). (suppléante) ont monté une section tembre 2018, pour revenir au droit Lors du confinement obligeant à syndicale fin 2019. Malgré la fri- du travail (en y ajoutant un accord l’arrêt de l’activité, les salaires ont losité des membres du bureau de de branche permettant une semaine été maintenus pour mars puis ré- l’association (des parents d’élèves et de congés de plus). Décision prise duits en avril, déclarés en chômage enseignant·es), ces élections ont été par obligation légale selon le bureau partiel malgré le fait que la mairie organisées le 14 janvier 2020 (1er et le comptable et pour simplifier la de Toulouse et la CAF aient assuré à tour). Quatre mois et demi après gestion des salarié·es. L’association l’asso que les financements seraient l’élection, aucune réunion n’a eu a surtout fait des économies sur le maintenus comme pour 2019. Nous lieu entre les élu.es et le président dos de ses employé·es. Mais en sep- serons particulièrement vigilant·es du CSE, dont le règlement n’a pas tembre 2019, le bureau décide du sur le montant des subventions pour été rédigé : le président du CSE (et retour à la convention collective de nous assurer que nos salaires ne président de l’asso) a chargé Grégory l’animation (comme quoi l’obliga- soient amputés, les finances de l’as- de le rédiger ! tion du retour au droit du travail, sociation n’ayant pas baissé.l c’ était faux) ! CNT Calandreta Garoneta n Contrats courts, aidés, Ces décisions changeantes ont * « Petite alouette » en occitan. La zone du parler occitan convention collective ou pas entraîné de grosses lourdeurs ad- (à peu près la moitié sud de la France) compte 64 écoles ministratives : trois changements associatives occitanes (dont 2 à Toulouse), 4 collèges Depuis de nombreuses années, de contrat de travail en un an pour (dont 1 à Toulouse), un lycée calandreta. 8 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
Les « jean-foutre » se rebiffent Une section CNT créée à la mairie de Cluny (Saône-et-Loire). E n 2014 à Cluny, un maire La DGS main- « sans étiquette » divers tient en poste droite prend les rênes d’une les directeurs et collectivité de 110 agent·es et an- place les autres nonce par voie de presse vouloir re- en ASA, Auto- mettre les fonctionnaires au boulot. risation spéciale Il s’adjoint les services d’une DGS, d’absence. À furie de la mise au pas de ces «jean- leur retour, elle foutre de fonctionnaires ». Les ennuis se focalise sur les commencent. Sa méthode ? La ter- services culture reur. Des agents et directeurs sont et communica- mis au placard, poussés dehors ou tion, dont l’acti- changés de poste, peu importent vité ne pouvait leurs compétences, leur expérience. reprendre faute On enlève des missions, on dénigre d’autorisation de le travail, on moque les agents, on rassemblement. déstructure les services, on fait table Hors tout cadre rase de tout pour bien montrer qui légal, elle réat- est le chef, et on place de nouveaux tribue de nou- pions aux postes d’encadrement, veaux postes, avec ou sans compétence. inadaptés. Exemple : une n Béni oui oui ou persécuté·es infographiste catégorie B se Pour le style, c’est humiliation, retrouve en po- intimidation, menace, division. In- lice municipale, terdit de contredire, interdit de s’ex- payée à ne rien primer. La seule posture autorisée est faire. Adhérente le « oui », avec le sourire de préfé- à la CNT, elle rence. La démolition se fait avec le mobilise ses col- consentement muet du maire, vau- lègues et ouvre dire « qu’elle n’est pas un monstre ». La tré dans l’illusion que ça bosse en- une section à laquelle adhèrent cinq CNT riposte par un courrier de rap- fin. La DGS s’en prenait aux agents agent·es*. Treize témoignages de har- pel du rôle et les missions des délé- isolément, jamais à un service en cèlement et des risques psycho-so- gués du personnel et dénonce aussi entier, afin d’empêcher une action ciaux au sein de la collectivité depuis l’absence de registre. Quelle que soit collective. Des agents attaqué·es ont 2014 sont collectés, accompagnant l’issue des élections, le combat com- bien tenté de se défendre mais aucun un courrier d’alerte co-signé CNT/ dossier n’a abouti, les témoignages CFDT envoyé au maire, au CHSCT, mencé se poursuivra afin de mettre manquant, par peur de représailles. au centre de gestion, au préfet et au un terme à ces agissements nuisibles D’autres sont parti·es, ont été en procureur. Furieuse de ce retour- aux agent·es et contre-productif arrêt pour dépression ou burn-out, nement mettant en évidence son pour la collectivité. C’est déjà une d’autres encore ont capitulé après management par la terreur, la DGS belle victoire pour la CNT qui s’est s’être fait démolir psychologique- diligente une enquête sous couvert imposée comme un syndicat plei- ment. du CHSCT (dont aucun membre nement dans son rôle. Les suivants n’a été informé) et convoque par ce n’ont qu’à bien se tenir, la section n Chuis pas un monstre biais les agent·es soupçonné·es d’in- veillera à ce que le CHSCT soit un soumission. La convocation étant organe neutre, libre et efficace au Le 15 mars, le premier tour des élec- irrégulière, personne ne se présente service des agents. l tions est défavorable au maire. Mais à l’entretien. Devant l’échec, la DGS Syndicat CNT SSCT 71 confinement oblige, les agents se envoie un membre du CHSCT re- * Après des années de syndicalisme mou représenté par retrouvent coincés entre deux tours. cueillir des témoignages pour faire FO, CGT et CFDT. 9
Ici et maintenant La Covid-19 assigne les marins au travail Contrats d’embarquement prolongés sans rapatriement : les marins de commerce soumis aux armateurs. elon l’Organisation interna- son domicile. Les marins restent marin dans un pays où il sera mise en S tionale du travail, de 150 000 à 200 000 marins sont actuel- donc à bord et continuent de travail- ler, certains embarqués depuis plus quarantaine une ou deux semaines et où il ne sera pas en mesure de rentrer chez lement rete- lui faute de liaisons aé- nus à bord des na- riennes ». La solution vires. Ils ne peuvent L’emploi maritime : un monde à part ? Qu’ils continuent pas rejoindre leur à trimer. Tout bénef famille après leurs Les marins ne sont pas embauchés par les compagnies pour les armateurs. contrats et sont te- maritimes, mais généralement employés avec un contrat Les navires n’ayant nus de rester à bord. jamais autant été Un exemple d’ou- court par une agence d’emploi spécialisée, appelée société de utilisés pour appro- bliés de la crise sa- manning, qui fournit la main d’œuvre à l’armement. Dans le visionner les popula- nitaire. monde, la majorité des marins vient d’Asie, principalement tions en denrées de première nécessité, Le 1er mai à midi, Philippins, Indiens, Indonésiens, là où le syndicalisme est les profits du premier tous les navires en faible. En France, difficile de connaître le nombre de marins trimestre augmentent mer et dans les ports opérant sur des navires de commerce. « Armateurs de France alors qu’en 2019, les ont fait sonner leur mêmes armateurs af- », l’organisation patronale donne des chiffres qui regroupent fichaient des pertes corne de brume une minute. Objectif pêche, commerce et grande plaisance. En moyenne, chaque colossales. Et une fin : alerter du drame année, une centaine d’étudiants entre en formation pour devenir de contrat implique des marins de la ma- officiers de marine marchande. Ils obtiennent un diplôme en parfois des primes de rine marchande. Les retour, que les arma- mesures de confine- cinq ans avec un niveau d’ingénieur. Seuls 20% et 30% font une teurs décalent dans le ment sont difficiles carrière de marin. Les autres visent plutôt des métiers à terre. temps. Jackpot ! à digérer pour ces Rien d’étonnant quand on voit la façon dont ils sont traités. En France, l’inter- marins. syndicale des marins En effet, les res- C G T- C F D T- F O - trictions de dépla- de six mois, parfois neuf. CFE CGC-CFTC cements internationaux leur inter- s’est inquiétée dès mars : « Nos orga- disent de débarquer à la fin de leur Les armateurs ont en apparence nisations syndicales apportent tout leur contrat prévu pour deux, trois ou six exprimé de la compassion. Dans les soutien à ces femmes et hommes embar- mois. Un contrat qui oblige pour- faits, ils se retranchent derrière les qués qui n’ont pour la plupart aucune tant l’armement à rapatrier le marin décisions des différents gouverne- perspective d’un retour auprès de leurs au lieu d’embauche, généralement ments : « Impossible de débarquer un proches et se retrouvent aussi dans la 10 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
crainte d’un isolement sanitaire en cas d’Algésiras à Gibraltar, il fallait passer heures par jour sans discontinuer de difficultés médicales à bord, quelles par l’Espagne qui a refusé d’ouvrir depuis des mois. Des cas d’automu- qu’elles soient ». ses frontières. Rajouter une escale tilation et des tentatives de suicide pour débarquer ces marins ? Trop ont été signalés. Les syndicats ont demandé au cher pour les armateurs. La santé et L’ensemble des organisations in- gouvernement la mise à l’arrêt des le moral des marins attendront. ternationales du travail et maritime navires pour les missions non essen- La crise du Covid-19 tend à se ré- demande que le statut de marin soit tielles à la Nation, l’économie des sorber mais rien n’a changé pour les inscrit comme « travailleur essen- produits manufacturés restant décla- tiel » qui exempterait des restrictions marins. Ce 8 juin, l’OIT a renouvelé rée essentielle alors que les magasins de voyage, pour rentrer à terre, et étaient fermés, tout comme l’import son appel d’urgence aux gouverne- embarquer l’équipage de relève. d’hydrocarbures alors que les stocks ments : « Il est inacceptable d’obliger des Quant aux marins dont le contrat affichaient des taux d’occupation de marins épuisés à continuer de travailler devait démarrer lors du confine- plus de 100%. plus de quatre mois après la fin de leur ment, ils sont sans emploi, sans res- Un plan de continuation pour contrat. Cela met en danger leur santé et sources, sans protection sociale ni les remorqueurs pour se centrer la sécurité maritime... ». indemnités de chômage. l sur les missions de sécurité et de Epuisés, les marins travaillent huit Elie Raby manœuvres prioritaires (une notion qui n’a jamais été définie) ? Il n’y a pas eu de plan. Les syndicats ont revendiqué un dépistage de santé avant embar- quement, l’interdiction de quaran- taine non règlementaire dans des chambres d’hôtel avant embarque- ment sur l’initiative de l’employeur, une consultation des CSE des plans de prévention de Covid à bord des navires... Fin avril, l’OIT a interpellé les gouvernements pour le retour à terre des marins. Peu se sont mobilisés. En Europe, Gibraltar a accepté le débarquement des marins mais c’est avant tout un port militaire, voisin d’Algésiras, très fréquenté par des navires de tous types. Pour aller 11
Ici et maintenant Vive les vacances et crosse en l’air ! Pandémié·es , confiné·es, sacrifié·es, révolté·es … vril 2020, le confinement. La crable. On est loin de la réforme des en dépend... A guerre mondiale est déclarée. Il a donc fallu se confiner mais retraites, des grèves, des manifs et autres mouvements sociaux. « Nos » On nous a promis du sang et larmes, une fois la pandémie pas- surtout sauver l’économie. gouvernants ont déjà retaillé le cos- sée. Maintenant il faut sauver le Du coup, nous les capitalisme, relâcher le « confinis » devions libre échange, aider les comprendre contre banques, soutenir l’État. toute évidence que On nous l’a fait tant de tous les charpen- fois ! Après avoir démo- tiers, caissières, soi- li les services publics - et gnant·es, facteurs, tout particulièrement bonnes sœurs et le système hospitalier-, tant d’autres pou- l’État redevenu pour un vaient goûter aux instant providence nous joies du télétravail, exhorte à ingurgiter ce rêve de bobo cette promesse mais… libéral. Bon d’ac- il vous faudra payer. cord, impossible. Après la guerre, Il a fallu aller au l’Union sacrée, et l’en- charbon même fouissement dans les sans moyen de pro- tranchées domestiques, tection sanitaire. l’intérêt général, ce Après tout, c’est la concept patriotard guerre, et l’écono- brandi pour nous ame- mie de guerre, c’est ner à voler au secours, pas les vacances. en rangs serrés et do- Le droit de retrait ciles, des intérêts très a été mis en avant particuliers des banques par de nombreux et des fonds de pension. syndicats, y com- L’État providence pris la CNT, face à de retour fait marcher cette « mobilisation la planche à billets. générale » qui veut Les sommes engagées son lot de victimes. donnent le tournis alors De quoi reprendre qu’il y a quelques se- le cri des mutins maines, il était impos- des boucheries sible de débloquer des militaires : crosse fonds pour le service en l’air ! Des fré- public ou pour les re- missements de so- traites. Réinjectés dans lidarité se sont fait jour au delà de tard du droit du travail au-delà de l’économie, les dizaines de milliards la sphère étatique : restaurateurs et toutes les espérances du patronat. Et d’euros providentiels devront être employé·es servant des plats aux soi- voilà de nouveaux les laborieux com- remboursés rubis sur l’ongle. L’ad- gnant·es, aux entreprises et à leurs sa- plètements déshabillés, totalement à dition revenant aux besogneux à larié·es, changeant leurs productions poil. Finies les 35h, on peut passer qui on demande une fois encore non indispensables en fabrication aux 60h, travailler le dimanche, 7j/7, de transpirer. Les bénéficiaires des de masques, etc. Et si après on conti- avec des dates de congés imposées dividendes bancaires quant à eux nuait comme ça ? par les employeurs. C’est la grande resteront confinés dans les paradis Gouvernement, État et patrons braderie ! Pour la durée de la pandé- fiscaux. nous l’ont fait savoir: nous sauve- mie ou plus, pas de date de péremp- Des fois que la sortie momenta- rons l’économie et la désertion n’est tion. Il faut savoir prolonger une née du salariat, du travail contraint pas tolérable, l’insoumission exé- guerre si la pérennité du libéralisme nous ferait voyager vers des rivages 12 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
exotiques... Des fois que nous en profiterions pour faire autre chose, autrement, penser différemment, envisager d’autres modes de pro- duction, d’autres rapports au travail, d’autres rapports humains plus soli- daires, moins mortifères... Des fois à contribution par l’État : un hôpi- rer sur la sueur et la misère du plus qu’on aurait des envies de ne pas tal de campagne installé dans l’Est grand nombre. revenir à la « normalité » dont il faut avec une capacité d’accueil de... 30 - Autoritarisme : guère plus ap- justement se débarrasser. lits, des rotations héliportées pour pétissant : l’État ayant expérimenté L’économie mondiale est en crise : exfiltrer moins d’une centaine de avec succès des mesures contrai- qu’elle crève ! En plus de vingt malades des zones à risque vers des gnantes, prolongerait, bien au delà siècles, le génie humain n’aurait-il lieux plus cléments. On est assez de la pandémie, le flicage et les limi- accouché que de ce système capi- loin de la ligne Maginot qui pour- tations des droits individuels et col- taliste mortifère, prétendu incon- tant avait fait ses preuves, un peu lectifs, la mise en berne du droit de tournable ? Nous saurons inventer controversées sans doute. Bientôt, réunion et de manifestation, la dé- une autre civilisation. « Oui mais ça patience, nos paras sauteront sur Ju- molition du droit du travail. Éven- branle dans le manche » : les utopies vizy ou sur Vélizy, enfin partout où tuellement avec le soutien d’une la guerre fait rage. population tétanisée. Après tout, le vivantes sont à portée de main. Elles Sur le front, les décisions des pou- coronavirus, c’était quoi d’autre que seront saisies « dès que les pauvres s’y voirs politiques sont incohérentes, la chienlit ? Après la peur, il serait mettront ». Aura-t-il suffi d’un virus la communication gouvernementale bon que l’ordre règne. La tentation minus pour nous en rendre compte ? dérisoire, ubuesque. Mais c’est de la autoritaire n’est pas loin et avec elle Par contre, nous constatons la va- communication de guerre, donc de avec la fermeture des frontières, le cance des pouvoirs fondés sur cette la propagande. Des demi-mensonges repli nationaliste érigé comme bar- économie libérale qui se suffirait à avec tous ces « replis sur des positions rière sanitaire, l’avènement possible elle-même. stratégiques préparées à l’avance ». d’un populisme roi, la xénophobie. C’est aussi la vacance de l’État, un Quelques organes de presse en La tentation fascisante ne tarderait bref instant sur le devant de la scène continu, la voie de leur maître, en pas à suivre. pour renflouer comme à chaque font le relais indéfectible : Radio Pa- - L’ambition à portée de main : oui, fois le capitalisme. L’État tout dé- ris ment, Radio Paris ment ... une révolution sociale est possible. voué aux intérêts libéraux, sauveur Trois scenarii sont envisageables Il nous appartient, à nous libertaires, des temps de crise, qui, s’il inter- pour l’après pandémie : anarcho-syndicalistes, pleinement vient aujourd’hui, saura redonner - Comme avant : retour « à la nor- conscient.es de la maigreur de nos au moment voulu ses prérogatives male » si nous nous retroussons les forces, de nous y atteler encore da- aux intérêts capitalistes après nous manches. De nouveau les patrons vantage. L’anarcho-syndicalisme est avoir fait payer l’addition. Toujours pourront patronner, les profiteurs un humanisme. Oui il est possible la même chanson : privatiser les pro- profiter et les classes laborieuses de réinventer des utopies vivantes, fits, collectiviser les pertes. iront au charbon dans un bel effort de construire un autre monde plus Quant à la guerre mondiale contre de redressement national. On sau- solidaire, de se débarrasser du capi- le coronaviral, ce n’est sûrement vera l’incontournable capitalisme, talisme et de l’État, de réinventer un pas la der des der. En période de on poursuivra la destruction des service public, un autre rapport au mobilisation générale, l’État met espèces, on continuera à polluer en travail, d’instaurer une véritable jus- en première ligne sa plus belle in- visant le naufrage écologique mais tice sociale sans classe, de vivre sur carnation : l’Armée, environ 200 n’est-ce pas le prix à payer pour une planète enfin affranchie des pol- 000 hommes et femmes. Le Service pouvoir remplir nos caddies dans lutions industrielles et financières, sanitaire aux armées c’est environ les temples de la grande distribu- dans une solidarité et une fraternité 15 000 personnes -plus une réserve tion ? On peut raisonnablement internationaliste. Mais pour cela il de 2000 effectifs- dont environ 2000 penser que ce scénario ne tiendra faudra beaucoup de bras. Quel choix médecins, des équipements contre pas la route longtemps mais c’est à aurions-nous d’autre ? l la guerre chimique, bactériologique voir… Le capitalisme a tellement de À Epeigné les Bois de la Tatine, avril 2020 et nucléaire. Un potentiel si peu mis fois prouvé ses capacités à se régéné- Tessi Rom, militant anarcho-syndicaliste 13
Amériques L’eau rare: un élément de plus de la fragilisation sanitaire. Des peuples en lutte face au COVID Les peuples premiers des Amériques paient très cher la pandémie. Réminiscence terrible des premières hécatombes subies avec l'arrivée des Blancs. arrivée des Européens et avec renforçant la mortalité dûe au familles, se situe à 65 km de Zapala, L’ eux de maladies hautement contagieuses en Amérique a Covid-19: diabète, hypertension, obésité... À ces conditions de la ville la plus proche. Avec la mise en place du confinement, les autorités signé une hécatombe démographique vie s’ajoutent l’éloignement des argentines ont décidé de fermer la parmi les peuples originaires. La points d’eau potable, et celui des route qui traverse la communauté pandémie de Covid-19 rappelle cet infrastructures numériques. et la ville. Privée d’accès à cette épisode particulièrement sombre de route, la communauté Mapuche ne l’histoire du continent, car la maladie De la même façon, les peuples peut donc plus s’approvisionner en touche massivement les peuples originaires d’Argentine ont été nourriture ni vendre ses élevages autochtones des différents pays, complètement laissés pour compte caprins et ovins. Le centre d’artisanat révélant une fois encore les politiques par le gouvernement péroniste Mapuche a aussi fermé. En plus de inégalitaires. « Un bon Indien est un d’Alberto Fernandez en Argentine. cette perte de revenus, l’hôpital le Indien mort » diraient certains, ou Manque de nourriture, d’eau, de plus proche est celui de Zapala : il est qu’on laisse mourir en l’abandonnant médicaments et exclusion de la donc devenu impossible pour cette à des conditions de vie insalubres. société. Les Wichis, présents dans communauté de bénéficier de soins Aux États-Unis, au Brésil, le Chaco, dans les provinces de de santé. Pour Hugo Lican, le chef en Argentine notamment, les Formosa et Salta, vivent dans des de la communauté Ruka Choroy, communautés autochtones sont situations très précaires; huttes en les difficultés d’approvisionnement parmi les plus touchées (les Navajos terre cuite ou en bois, dont le toit en bois de chauffage, constituent un de l’ouest des Etats-Unis constituent est souvent fait de tôle ondulée. Et véritable problème avec l’hiver qui le foyer le plus important après la la cohabitation intergénérationnelle arrive. Les communautés Guaranies, ville de New York). Elles doivent dans un espace restreint surchauffé au nord ouest du pays, ont dû faire lutter sur tous les fronts: la maladie constitue un obstacle au confinement. face à des difficultés semblables elle-même (sans les moyens mis en D’habitude chasseurs et pêcheurs, Les populations indigènes ont oeuvre par l’État ou la région), les les Wichis perdent une importante également des difficultés à obtenir difficultés d’approvisionnement et source d’alimentation suite aux les aides économiques mises en place de subsistance, les attaques de leur restrictions de mobilités imposées par l’État argentin pour faire face au territoire. par le gouvernement. Par ailleurs, coronavirus. Pour le mois d’avril, ces populations étaient habituées le revenu familial d’urgence (IFE) n Du nord au sud, des conditions à aller chercher leurs ressources a été déployé pour permettre aux de vie précaires d’eau en ville, n’ayant pas de station travailleurs autonomes et à ceux dont d’épuuration à proximité. Enfin, les revenus sont informels, de pallier Dans la réserve navajo qui s’étend les Wichis ont perdu leur principale les pertes économiques engendrées sur 71000 km2 (la taille de l’Écosse), source de revenus puisqu’ils ne par la pandémie. Cette aide s’élève douze centres de santé seulement peuvent plus vendre d’artisanat. à un montant d’environ 200 euros. permettent de venir en aide aux Cette situation désastreuse est Au total, 1 687 communautés habitants1. La pauvreté omniprésente, également vécue par les Mapuches, indigènes pourraient potentiellement dans des foyers qui abritent souvent présents en Patagonie. Dans la en bénéficier. Mais beaucoup de trois ou quatre générations, est à province de Neuquén, la communauté communautés n’ont pas accès à la source de maladies chroniques Lof Cayupan, composée de 150 Internet ou sont trop éloignées des 14 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail ÉTÉ 2020
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