LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo

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LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
LES CHINOISERIES
                      DE VICTOR HUGO
                         L
                                            a première rencontre de Victor Hugo avec la Chine,
                                            ou plutôt les arts décoratifs chinois, a lieu en 1811 en
                                            Espagne. C’est l’émerveillement d’un garçon de 9 ans à
                                        l’imagination déjà débridée face à un monde peut-être plus
                                        riche d’étrangetés que tout ce qu’il a rêvé. Dans Victor Hugo
                                        raconté par un témoin de sa vie, Adèle Hugo fait le récit de
                                        la découverte d’une grande civilisation par le futur grand
                                        homme : « Ce n’étaient que dorures, sculptures, écrit-elle,
                                        verres de Bohème, lustres de Venise, vases de Chine et du
                                        Japon. Il y avait particulièrement, dans la galerie, deux vases
                                        de Chine d’une taille invraisemblable et comme M. Victor
                                        Hugo n’en a jamais revus depuis. »

                                        Plus tard, lorsqu’il quitte le toit maternel pour se marier, Victor
                                        Hugo peut exprimer son penchant pour les objets décoratifs
                                        venant de Chine ou inspirés de l’art chinois. L’intérieur de
                                        la maison que les Hugo occupent d’octobre 1848 à décembre
                                        1851 est connu grâce à la description que Théophile Gautier,
                                        ami de longue date des Hugo, fait de la vente des biens de
                                        la famille Hugo après la proscription du poète. Ce mobilier,
                                        transfuge de l’appartement de la Place Royale qu’Adèle Hugo
                                        juge trop agité pour y élever ses enfants, est un assemblage
                                        hétéroclite de meubles et d’objets décoratifs de différentes
                                        époques et provenances. Hugo mêle le style gothique à
                                        l’exotique au gré de sa fantaisie et de ses découvertes chez
Temple oriental, Victor Hugo            les antiquaires.

Dans ces œuvres d’alors, la Chine est parfois évoquée et mélangée, de la même manière, à
tout un imaginaire de fantaisie. Dans « Ma Chambre », poème inséré plus tard dans Toute
la lyre (V, 8), il dit :

« […] Partout, autour de moi, sur maints vieux parchemins,
Sur le satin fleuri, sur les pots, sur les laques,
Vivent confusément les djinns, les brucolaques,
Les dragons, les magots, et ces démons chinois
Forts laids, mais pétillants de malice et de flamme,
Qui doivent ressembler aux rêves d’une femme […]

Ce décor sans style précis et dont on peut douter du bon goût, est la préfiguration de ce que
sera Hauteville House, la maison d’exil de Guernesey.

                                                     Théophile Gautier, qui entretient des liens
                                                     particuliers avec la Chine, reprend, dans le
                                                     chapitre Vente du mobilier de Victor Hugo en
                                                     1852, publié dans son Histoire du romantisme, le
                                                     texte de la brochure annonçant la vente :

                                                     « Catalogue sommaire d’un bon mobilier,
                                                     d’objets d’art et de curiosité, meubles anciens
                                                     en bois de chêne sculpté, bois doré et laque
                                                     du Japon, pendule en marqueterie de Boule,
                                                     bronzes, porcelaine de Saxe, de Chine, du Japon,
                                                     faïences anciennes, verreries de Venise, terres
                                                     cuite, bustes en marbre, médaillons en bronze,
                                                     tableaux, dessins, livres, Voyage en Égypte, armes
                                                     anciennes, rideaux, tentures, tapis et tapisseries,
                                                     couchers, porcelaines, batterie de cuisine, etc.,
                                                     dont la vente aux enchères publiques aura lieu
                                                     pour cause du départ de M. Victor Hugo, rue de
                                                     la Tour-d’Auvergne, n° 37 (…) »

                                                     Gautier, romancier et poète de talent, qualifie
Prospectus de la vente des biens de Victor Hugo
                                                     déjà cet intérieur de « poème domestique (…)
                                                     vendu hémistiche par hémistiche ».
                                                                                                              Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

Temple chinois et pagode, Victor Hugo                 Paysage oriental, Victor Hugo
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
LES LUMIÈRES, LA CHINE
           ET LES JÉSUITES
L
    es jésuites jouent, jusqu’à la dissolution de
    l’ordre en 1773, un rôle essentiel dans la
    connaissance mutuelle de la France et de
la Chine. Chaque État découvre un mode de
pensée totalement différent, une société tout
aussi structurée et fonctionnelle mais fondée
sur des bases opposées. La confrontation de
ces modes de pensée, de ces philosophies
différentes contribue au développement de
l’esprit et de la philosophie des Lumières.

La connaissance plus poussée de la culture
chinoise et de sa richesse est une des causes
de la remise en question de la pensée unique
telle qu’elle est pratiquée dans une Europe
largement dominée par la culture française. Si
une autre civilisation a pu se développer sans
aucun contact avec l’Europe et atteindre un tel
raffinement avec un mode de pensée et de vie
si différent, peut-être l’Occident ne détient-il
pas la vérité ?

Par quel mystère, un empereur qualifié de
« barbare » par certains, a-t-il fait preuve de
suffisamment d’ouverture d’esprit pour tolérer
les jésuites et leur culte sur son territoire
alors que Louis XIV vient de faire révoquer
l’édit de Nantes ? De telles interrogations
sapent progressivement les fondements de la
                                                                Illustration pour L'Orphelin de la Chine, tragédie de Voltaire
monarchie absolue de droit divin.

                                           Les philosophes des Lumières sont tous lecteurs des
                                           descriptions que les jésuites font de la Chine et les utilisent
                                           à leur profit. Montesquieu est embarrassé par le régime
                                           politique chinois qu’il ne parvient pas à faire entrer dans son
                                           système de pensée. Dans L’Esprit des lois (1748) il déclare que
                                           la Chine « est une objection qu’on peut faire à tout ce [qu’il a]
                                           dit jusqu’ici ». Voltaire, qui n’aime pas Montesquieu, exalte
                                           la vertu et la morale chinoises face à la « force aveugle et
                                           barbare ». Alors qu’il est poursuivi par la justice, il va jusqu’à
                                           prétendre vouloir trouver asile dans l’Empire du Milieu.
                                           Rousseau, qui n’aime pas Voltaire, s’en prend violemment à
                                           la Chine (Discours sur les sciences et les arts, 1750) : « Il n’y a
                                           point de vice qui ne domine [les Chinois], point de crime qui
Montesquieu, De l'Esprit des lois
                                           ne leur soit familier. »

                                                          Les échanges sont pourtant freinés car la
                                                          Chine impériale cultive l’isolement et interdit
                                                          les voyages en dehors de ses frontières. Par
                                                          exemple, en trois siècles, moins d’une dizaine
                                                          de Chinois voyagent jusqu’en Europe et toujours
                                                          en fraude, dans les bagages des missionnaires…
                                                          C’est donc uniquement par le regard des
                                                          Européens voyageurs que se développe le
                                                          « goût de la Chine » qui, au 18e siècle, envahit
                                                          le quotidien des Européens en général et des
                                                          Français en particulier. Fascinés par cette
                                                          puissance culturelle et économique tellement
                                                          différente de leur monde, les éléments de décor
                                                          chinois sont partout présents.
Rousseau, Discours sur les sciences et les arts

Des céramiques hollandaises de
Delft, à celles de Rouen ou de
Forges, les motifs chinois sont
les plus reproduits. De même
pour ce qui est du tissage des
étoffes ou des motifs de tentures
                                                                                                                                 Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

et de papiers peints. Les objets
et le mobilier en provenance
de Chine se mêlent dans les
intérieurs     européens     aux
créations locales “enchinoisées”.

Ce goût perdure jusqu’au début
du 19e siècle et Victor Hugo
grandit dans une atmosphère
mêlée de détails chinois, même
                                                              Les bains chinois à Paris érigés par Samson-Nicolas Lenoir
s’il n’en a pas conscience.

Les motifs décoratifs chinois et une vision fantasmée de la Chine imprègnent l’inconscient
et l’imaginaire de plusieurs générations. La Chine est synonyme de mystère et de
“bizarrerie”.
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
PRISES DE GUERRE
S
    eules quelques rares consciences éclairées s’émeuvent du pillage et de la destruction
    du Palais d’été, au moment des faits. Parmi eux, le baron de Chassignon qualifie l’acte
    de « barbare parce que nous sommes au 19e siècle et que, malgré moi, rapprochement
fatal, il me ramène brusquement à ces Normands du 11e siècle, débarquant sur les rives de
la Seine pour y brûler, saccager et se jeter ensuite sur leurs barques, chargés de butin ».

Mais l’opinion française ne s’est jamais véritablement intéressée à cette expédition
lointaine dont la France sort victorieuse, confortée dans son statut de puissance coloniale.
Les soupçons d’enrichissement personnel des militaires ayant participé à cette expédition
sont source de plus d’indignation que les destructions commises !

Nombre des objets ramenés par la commission mixte franco-anglaise, créée sur place, sont
offerts par l’armée à l’Empereur français. Parmi ces objets offerts à Napoléon III figurent :
- deux bâtons de commandement en or aux extrémités de jade
- un costume complet de l’empereur de Chine en soie lamé or, en acier
- une pagode en bronze doré
- deux énormes chimères en cuivre doré
- des bagues, des colliers, des coupes, des laques, des porcelaines, etc.

                                                              Dès le retour de l’expédition, des ventes aux
                                                              enchères publiques se succèdent à Paris
                                                              comme à Londres à l’initiative des officiers
                                                              et pour leur propre compte. Elles aggravent
                                                              la mauvaise image de l’expédition dans le
                                                              public. Une commission d’enquête de la Cour
                                                              des comptes se penche même sur les prises de
                                                              guerre en Chine mais conclut qu’il n’y a rien
                                                              à redire : le partage des prises de guerre est
                                                              réglementaire. Ce qui est inhabituel, ce n’est
                                                              pas le procédé mais l’importance du butin.
La fontaine avec les têtes restituées

Hugo proteste violemment contre ces faits mais son comportement est plus étonnant. Le
poète, établi à Guernesey en novembre 1865, aime toujours visiter les antiquaires et l’île
n’en manque pas. Les six agendas qu’il tient de novembre 1855 à avril 1865 nous apprennent
qu’en moins de dix ans, Hugo achète quarante-huit objets chinois et dépense pour cela, plus
de trois mille francs. Ces objets : soieries, paravent, porcelaines, chimères… enrichissent la
décoration de sa maison d’Hauteville House, notamment dans les salons rouge et bleu,
mais aussi celle d’Hauteville Fairy, demeure achetée par Hugo pour Juliette Drouet.

Certaines de ces antiquités chinoises
proviennent bien du Palais d’été et Hugo
le sait, comme en témoigne son agenda
en date du 23 février 1865 : « acheté tout
le lot de soieries de Chine vendu par un
officier anglais qui était de l’expédition et
qui l’a pris au palais d’été de l’Empereur de
Chine ». Pourtant, Hugo écrit dans la lettre
au capitaine Butler : « J’espère qu’un jour
viendra où la France, délivrée et nettoyée,
renverra ce butin à la Chine spoliée ».
                                                                  Le nouveau musee chinois de l'impératrice Eugénie. 1863

Les objets offerts à l’Empereur par le corps expéditionnaire français sont d’abord exposés
aux Tuileries dès avril 1861 avant d’être transférés au château de Fontainebleau où ils
complètent avantageusement le salon et le musée chinois de l’Impératrice. 22 de ces pièces
(sur plus de 300) sont dérobées en 2005.

                                                      Enfin, le 23 février 2009, la collection d’art réunie
                                                      par Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé est mise aux
                                                      enchères. Parmi les lots figurent une tête de rat et
                                                      une tête de lapin en bronze issues du pillage du
                                                      Palais d’été. Ces deux têtes faisaient partie d’une
                                                      fontaine à eau qui se dressait devant l’un des
                                                      palais de l’empereur Qianlong. Le gouvernement
                                                      chinois demande la restitution des deux objets en
                                                      pure perte. Les deux têtes d’animaux sont adjugées
                                                      pour 34 millions de dollars à un acheteur chinois,
                                                      mandaté par son pays, et qui refuse de payer. C’est
                                                      finalement la famille Pinault qui rachète ces deux
Bronze chinois de la collection Saint Laurent-Bergé
                                                      têtes à Pierre Bergé et qui les restitue à la Chine.
                                                                                                                            Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

                                                                   Réception des ambassadeurs du Siam par Napoléon III
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
SUITE DES CHINOISERIES
L
    es références à la Chine ponctuent les œuvres de Victor Hugo et sont toujours présentes
    dans sa décoration. Pourtant, Victor Hugo ne rencontre qu’une seule fois des représentants
    de la nation chinoise. Cette rencontre a lieu à Bruxelles, au tout début de l’exil.

Une famille composée d’un homme, sa belle-sœur, ses deux épouses et une servante est
à cette époque montrée aux habitants des capitales européennes comme une curiosité.
Cette façon de traiter les étrangers, si elle nous choque aujourd’hui, est totalement admise
au 19e siècle. Le chef de famille chinois tirant un revenu substantiel de la situation (le
public paie pour avoir le droit d’admirer ces personnages exotiques) s’en accommode très
bien et considère sans doute les Occidentaux avec la même curiosité mêlée de dédain.

Ces Chinois sont en tournée à Paris à l’automne 1851 mais se déplacent vers la Belgique au
moment des troubles liés au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, chemin que prend
Hugo un peu plus tard.

Le journal L’Illustration du 18 octobre 1851, publie une gravure représentant les cinq
Chinois et dit : « Autre invention : la Chine ! une Chine authentique, avérée, irrécusable,
celle qui miroite dans les keepsake, la fête du caprice, la Chine peinte sur émail, nuancée
comme un arc-en-ciel, historiée de figures bizarres et de lanternes bariolées, peuplées
de trois ou quatre femmes aux pieds mignons et aussi bien mises que des sultanes, voilà
l’invention ! »

Figure de fantaisie, Victor Hugo

C’est, en quelques lignes, une définition parfaite de ce qu’est la Chine pour les Européens
de l’époque : un ensemble d’images et d’idées tenant bien plus du rêve que d’une quelconque
connaissance de la culture chinoise.

                                                Le reste de l’article ne va pas beaucoup
                                                plus loin dans la recherche du savoir :
                                                une description rapide et superficielle
                                                des costumes et des coutumes que le petit
                                                groupe veut bien montrer à son public,
                                                quelques détails sur leur alimentation. Le
                                                journaliste, comme les lecteurs, ne souhaite
                                                pas bousculer davantage l’image qu’il s’est
                                                construit de l’Empire du Milieu.
                                                                                                 Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

                                                À partir du 1er mars 1852, la presse belge
                                                relaie la nouvelle de la présence de cette
                                                famille de Cantonais à Bruxelles. Le
                                                30 mars, Hugo, accompagné de la fidèle
                                                Juliette Drouet, rend visite à la famille de
                                                M. Chung-Ataï. C’est par une lettre puis par
                                                le récit que Juliette fait que cette rencontre
                                                nous est connue.
 Tête de cauchemar, Victor Hugo

Les deux Français sont-ils plus délicats, plus respectueux de cette famille exilée, eux qui
sont aussi en exil ? Pas vraiment, le fossé culturel est tel qu’il est difficile pour les uns
comme pour les autres de ressentir une réelle empathie.
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
LES LAVIS

Composition abstraite, Victor Hugo (Maison Victor Hugo Paris)

L
   e goût des Européens pour les arts asiatiques et chinois, allié au plaisir que Victor
   Hugo ressent à « dénicher » des objets rares, anciens et insolites a sans doute influencé,
   même de manière inconsciente, sa pratique du dessin.

En effet, la technique du lavis est assez caractéristique des artistes chinois et il est difficile
de croire qu’un homme aussi féru d’antiquités que Victor Hugo n’ait pas eu, à plusieurs
reprises et dès sa jeunesse, l’occasion d’admirer la finesse du travail de certains maîtres
de la discipline.

                                                        Pour Hugo qui refuse jusqu’à la fin de ses jours
                                                        d’utiliser une plume métallique pour écrire et
                                                        qui aime le bruit de la plume d’oie sur le papier,
                                                        l’utilisation de l’encre, et a fortiori de l’encre
                                                        de Chine, est quotidienne et on peut aisément
                                                        imaginer le poète avec les doigts souvent noircis.

                                                        Hugo apprend le dessin dès l’enfance, comme le
                                                        veut l’éducation du début du 19e siècle. Jusqu’à
                                                        la fin des années 1840, sa pratique est souvent
                                                        destinée à ses proches ou à l’illustration de ses
                                                        carnets de voyage.

                                                        Le lavis apparaît progressivement à partir des
                                                        années 1840, d’abord comme un ajout dans le
Exemple de lavis chinois                                dessin jusqu’à devenir la nature même de la
                                                        création.

La place de plus en plus importante accordée au lavis d’encre marque en fait les périodes
de crise, d’interrogation profonde. Des moments où, peut-être, la pensée ne parvient plus
à s’exprimer par le biais des mots et où le dessin permet à l’imagination de dire certaines
émotions, certaines angoisses.

En 1848, époque charnière où le poète se fait homme politique et trouve peut-être moins
le temps de prendre la plume pour écrire, il la prend pour s’exprimer par des compositions
de plus en plus fantaisistes et abstraites. Il installe un véritable atelier dans la salle à
manger de Juliette Drouet qui s’en plaint dans ses lettres :

« […] dans le cas où tu viendrais avant moi, tu trouveras ton atelier dans le même état où
tu l’as laissé et tu n’auras qu’à demander à Suzanne ce qui te faut (sic) pour achever ton
margouillis, ton gâchis, ton infamie. » (Lettre du 28 août 1850, conservée à la BnF).

Ou encore :
« Plus je me lave les mains et plus elles
sont noires. […] Au même moment, je
m’aperçois que ma figure ressemble à
une lithographie sur papier de Chine,
mon mouchoir en est tout noir. Comment
voulez-vous après cela que je vous voie
dessiner en robe ? Mais quoique vous m’en
                                                                                                                 Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

fassiez voir de toutes les couleurs, je fais
assez grise mine à la nouvelle industrie
que vous venez de vous créer. Sans parler
des dépenses extraordinaires que cela me
forcera de faire avec mon blanchissage.
                                             La forteresse de Vianden, Victor Hugo (Maison Victor Hugo, Paris)
Tenez je crois décidément que j’aime
mieux jouer aux dames avec vous. Ça n’est pas aussi SALE et c’est plus embêtant. Vous êtes
bien heureux que votre chère bonne femme aille de mieux en mieux, car sans cela je ne
prendrais peut-être aussi philosophiquement les dégâts que vous faites dans ma maison sous
prétexte d’ART […] »

La période allant de la Seconde République à l’avènement de la Troisième coïncide avec
une véritable explosion créatrice : écriture et dessin se complètent mais sans jamais se
confondre. Les lavis de Victor Hugo sont comme ses poèmes : un condensé d’émotions, de
maîtrise sous une fausse apparence de simplicité. Et surtout, dans un cas comme dans
l’autre, ils sont l’œuvre d’un artiste visionnaire.
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
LA CONQUÊTE PAR LES ARTS
                                            L
                                                a seconde moitié du 17e siècle voit la parution de
                                                nombreux ouvrages traitant de la Chine. Le récit du
                                                Hollandais Jan Nieuhoff, publié en 1665 et richement
                                            illustré, nourrit l’imaginaire européen. C’est par le
                                            biais de ce livre que l’Occident découvre ce qu’est une
                                            pagode. La mode est bientôt lancée dans l’architecture
                                            française avec notamment la construction du Trianon
                                            de porcelaine (1670) pour Mme de Montespan, favorite
                                            de Louis XIV. Structures de bois recouvertes de
                                            carreaux de porcelaine (d’où son nom), cet ensemble
                                            de bâtiments est une étrangeté exotique au chœur
                                            d’un siècle classique. Bien avant le musée chinois de
                                            l’impératrice Eugénie à Fontainebleau, Louis XIV
Louis XIV
                                            s’enthousiasme pour les chinoiseries.

En 1667, le jésuite allemand Athanase Kircher fait paraître China Monumentis illustrata.
Suite à cette lecture, Louis XIV fait garnir son appartement de somptueuses étoffes aux
motifs d’inspiration chinoise.

                                           La manufacture royale de Beauvais produit des soieries
                                           aux motifs inspirés de cette vision idéalisée de la Chine,
                                           commune à toute l’Europe. Les objets ramenés de Chine
                                           arrivent également. Richelieu et Mazarin collectionnent
                                           les chinoiseries, preuve de l’extrême raffinement de
                                           leur propriétaire. En 1686, l’ambassade siamoise offre à
                                           Louis XIV une exceptionnelle collection de porcelaine
                                           et d’autres pièces de mobilier.

                                           Comme souvent, le goût de la Cour finit par atteindre les
                                           classes bourgeoises et la vente de porcelaine de Chine,
Johan Nieuhof
                                           introduites par les Hollandais, explose en France entre
                                           1680 et 1700.

Louis XIV, sous l’influence de jésuites, ressent la nécessité d’asseoir son pouvoir au
delà des frontières de l’Europe. Pour cela, des sommes importantes sont investies dans
le développement d’une flotte navale qui devient, en 1664, la Compagnie française des
Indes orientales. Celle-ci poursuit ses activités commerciales tournées vers l’Océan Indien
jusqu’à la Révolution française.

Louis XIV ressent la nécessité
d’approfondir les connaissances
géographiques et scientifiques. Il
se tourne alors vers les jésuites,
déjà bien introduits en Chine
pour poursuivre cette mission.
Philippe Couplet, jésuite en
mission depuis 20 ans en Chine
et qui vient de rentrer en France,
se voit chargé de cette tâche par
l’Académie des sciences, sous
couvert du Roi. Le champ de
ses recherches est large et lui et
les autres jésuites envoyés par
Louis XIV fondent en 1680 la                                                        Le Trianon de porcelaine
Mission française de Pékin.

Louis XIV initie parallèlement un dialogue privilégié avec l’Empereur chinois, notamment
par l’envoi de scientifiques devant éclairer la cour chinoise à propos des avancées
occidentales. Cet acte politique fort, qui reconnaît la souveraineté et la grandeur de l’empire
chinois et instaure une diplomatie franco-chinoise, permet la promulgation par l’empereur
Kangxi d’un édit de tolérance autorisant la libre prédication du christianisme en Chine.

C’est la victoire des jésuites : leurs liens avec l’empire chinois sont renforcés.

L’intelligence politique de Louis XIV et la réelle curiosité mutuelle des deux souverains,
entretenues de chaque côté du globe par les jésuites, permettent à la France de regagner,
en 1700, le terrain qu’elle avait laissé aux Portugais.

                                                            De l’autre côté du fil tendu par les jésuites
                                                                                                               Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

                                                            entre la France et la Chine, la lecture
                                                            des Vues des plus beaux bâtiments
                                                            de France donne l’envie à l’empereur
                                                            Qianlong de construire des bâtiments
                                                            d’inspiration européenne. C’est ainsi
                                                            que naît le Xianglou ou « palais de
                                                            l’Océan occidental ». Suivent « le palais
                                                            des Délices de l’harmonie » et « le
                                                            palais de la Mer calme ». Enfin, pour
                                                            accueillir un ensemble de six tapisseries
Le Yuanyingguan par Guiseppe Castiglione
                                                            de Beauvais de la série chinoise, le
                                                            Yuanyingguan ou « Observatoire des
                                                            océans lointains ». Tous sont édifiés
                                                            dans l’enceinte du Yuanmingyuan.
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
POSTÉRITÉ DE VICTOR
            HUGO EN CHINE
                     E
                                                              n 1903, Lu Xun, considéré en
                                                              Chine comme le porte-drapeau
                                                              de la littérature chinoise
                                                          contemporaine et premier auteur
                                                          à écrire en mandarin moderne,
                                                          traduit le premier un texte de Victor
                                                          Hugo. Rebaptisé « La Poussière
                                                          du tragique », traduit à partir de
                                                          la version japonaise - Lu Xun ne
                                                          connaît pas le Français - La Vie de
                                                          Fantine est adaptée d’une partie
                                                          des Misérables. Ce roman marque
                                                          le point de départ de l’influence de
                                                          Victor Hugo sur la Chine moderne.

                                                           Durant les trois décennies qui
                                                           vont suivre, Victor Hugo est
                                                           l’écrivain occidental le plus
                                                           traduit et le plus commenté.
                                                           Cette époque est celle d’un grand
                                                           changement politique en Chine : la
                                                           République est instaurée en 1911
                                                           et la révolution se poursuit en 1919
                                                           avec le mouvement culturel du
                                                           4 mai. La Chine ouvre ses portes
                                                           à la littérature étrangère et surtout
                                                           occidentale. Il s’ensuit un essor
Un des panneaux peints par Victor Hugo.                    sans précédent de la traduction
                                                           littéraire avec une prédilection
pour les « romans sociaux », l’idée étant chez les réformateurs chinois de trouver dans
cette littérature, l’inspiration, l’élan pour l’œuvre de modernisation à accomplir. C’est dans
cette perspective que Hugo va devenir une référence chez les intellectuels chinois.

À compter de la première traduction par Lu Xun, seuls des extraits des Misérables sont
traduits en chinois, notamment par le poète anarchiste Su Manshu. Ce n’est qu’en 1931
que la traduction complète du roman est achevée par Li Dan et Fang Yu.

Les Misérables connaissent une
extraordinaire carrière en Chine,
comme       précédemment       dans
d’autres pays du monde mais
d’autres romans sont traduits
durant cette même période :
L’homme qui rit et Bug Jargal
en 1905, Le Dernier jour d’un
condamné en 1906, Quatre-vingt-
treize en 1913, Notre-Dame de Paris
en 1923 et enfin Les Travaillleurs
de la mer en 1928. C’est l’écrivain
Zeng Pu qui réalise la traduction de
l’œuvre théâtrale de Victor Hugo :
Hernani, Ruy Blas, Lucrèce Borgia et
Angelo Tyran de Padoue entre 1927
et 1934.

La traduction des poèmes de Hugo
ne débute que bien plus tardivement,
peut-être parce que cet aspect de
l’œuvre est moins en phase avec
l’image que la société chinoise se
fait de l’humaniste Hugo. De plus, la
poésie est un des genres littéraires
les plus délicats à faire passer d’une
langue à une autre. Il faut donc
attendre la célébration du centenaire
de la mort de V. Hugo en 1985 pour
que Shen Baoji et Cheng Zenghou se
                                                                                                             Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

                                                          Victor Hugo un vecteur d’amitié franco-chinoise.
consacrent à cette tâche.

Victor Hugo demeure l’écrivain occidental le plus connu en Chine. Il a exercé et exerce
encore une influence considérable sur la construction de la pensée chinoise moderne et
son œuvre a servi de référence aux réformateurs chinois dans leur entreprise visant à
extraire leur société du système féodal qui était encore le sien à l’aube du 20e siècle.

Lu Xun écrivait en 1903 : « Assez souvent l’homme est victime de son fanatisme, de ses
habitudes et de son milieu. Ainsi le dogme religieux peut tuer, les lois peuvent étouffer, le
milieu peut opprimer. (…) Fantine, un des personnages des Misérables, est née pauvre, sans
recours. Qui plus est, elle a le tort de donner jour à un enfant. Quel malheur pour elle d’être
mère. Elle se trouve prise dans le piège tendu par une société cruelle… Hélas ! Ces pièges,
nous les retrouvons partout dans le monde, en Asie comme en Europe ! Si Hugo vivait
encore, pourrait-il s’arrêter de décrire ces misères ? Quand le pourrait-il ? ».

Cette interrogation est encore d’actualité.
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
LES GUERRES DE L’OPIUM
   ET L’EXPÉDITION FRANCO-
     BRITANNIQUE DE 1860
            L’
                                          Angleterre, grande puissance maritime et com-
                                          merciale, n’est pas satisfaite de la situation dans la
                                          région chinoise puisqu’elle n’est pas à son avantage.
                                      L’Empire du Milieu considère les autres pays comme
                                      barbares et cultive son autarcie. L’Angleterre cherche à
                                      rééquilibrer à son profit ses relations commerciales avec
                                      la Chine qui demeure méfiante et protège son économie.
                                      Le protectionnisme économique chinois irrite les Anglais,
                                      habitués à imposer leur domination.

Portrait de l’empereur Qianlong.La Compagnie anglaise des Indes orientales, très bien
                                installée et peu regardante sur les moyens mis en œuvre,
n’hésite pas à écouler, dès 1830, des quantités considérables d’opium provenant d’Inde et
d’Afghanistan. Le prix de l’opium est élevé et son volume faible, ce qui en fait un produit
commercial idéal.

En Chine, fumer du tabac est moralement condamné. L’opium apparaît donc d’abord comme
un moyen, pour la jeunesse aisée, de contourner une interdiction. Très vite la Chine voit
sa balance commerciale avec l’Angleterre s’inverser et constate les ravages provoqués sur
sa population par cette drogue appelée « la boue étrangère ». Ce sont surtout les classes
supérieures et dirigeantes du pays qui sont touchées par ce fléau. Ceci provoque la colère
des paysans chinois qui n’ont plus confiance en leurs dirigeants.

La réaction de la Chine face à cette agression déguisée est à l’origine
de la première guerre de l’opium de 1856 à 1859. Un second conflit
suit en 1860 mené cette fois par un corps expéditionnaire franco-
britannique avec à sa tête Lord Elgin pour l’Angleterre et le Général
de Cousin-Montauban pour la France. En France, ces campagnes
militaires sont considérées comme des réussites à tout point de vue :
peu de pertes humaines et accès aux trésors de la Chine. L’armée
accentue cette impression en imprimant une série de mouchoirs
d’instruction militaire, vantant les victoires des troupes françaises.
                                                                    Lord Elgin par Theophile Hamel en 1849

                        Parallèlement, et alors même que le commerce perverti les relations
                        franco-chinoises et que la curiosité pour l’Extrême Orient laisse place au
                        cynisme, un petit groupe d’esprits éclairés défend la connaissance de la
                        culture chinoise. En France, Abel Rémusat est à l’origine de la première
                        chaire de langue et de littérature chinoises au Collège de France. En
                        1843, le Chinois est introduit à l’École des langues orientales. Les bases
                        de l’école française de sinologie sont posées.
Abel Rémusat

                                                                                           Prise de Pekin,
                                                                                           image d’Epinal
                                                                                                             Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
LA LETTRE
               AU CAPITAINE BUTLER
L
   e 25 novembre 1861, Victor Hugo, dans un texte de deux pages adressé au capitaine
   Butler, dénonce le pillage du Palais d’été du Yuanming Yuan. D’autres avant lui se sont
   élevés contre cet acte de destruction. Mais moins connus que le célèbre exilé, leurs
écrits n’ont pas le même poids.

                                      Les motivations politiques pèsent fortement dans
                                        l’éclatement de cette colère. Comment résister en effet,
                                          à la tentation de fustiger une fois de plus les méfaits
                                           de « Napoléon le petit » ? Mais il ne faut pas sous-
                                             estimer l’émotion et la colère sincères qu’éprouve
                                              Hugo face à cette tragédie. Nombreuses sont ses
                                                prises de position, tout au long de sa vie, pour
                                                 dénoncer des destructions d’édifices dictées,
                                                 la plupart du temps, par des considérations
Au Capitaine Butler, lettre gravée.               matérielles. Il écrit, par exemple, à propos
                                                  de l’abbaye cauchoise de Saint-Wandrille
« Le cloître si beau de Saint-Wandrille (…) est débité, pièce par pièce, par je ne sais quel
propriétaire ignorant et stupide, qui ne voit dans le monument qu’une carrière à pierres. »
Tel un lanceur d’alertes, il multiplie les mises en garde et préconise une loi pour protéger
le patrimoine historique et naturel. En France, ce texte voit le jour le 30 mars 1887.

QUI ÉTAIT LE CAPITAINE BUTLER ?
On sait peu de choses sur ses liens avec Victor
Hugo. William Francis Butler ne rencontre
Victor Hugo à Guernesey qu’à partir de 1866
(comme en témoignent les agendas du poète)
alors qu’il vient d’y être envoyé avec son
régiment. La lettre « Au capitaine Butler »,
datée du 25 novembre 1861 et adressée à un
correspondant rencontré cinq ans après est
donc assez mystérieuse. La lettre, publiée en
1875, figure dans le volume II du recueil Actes
et Paroles, compilation de textes révélant la
pensée et les engagements de Hugo durant la
période de l’exil.                                                       Buste de Victor Hugo près de la lettre Au capitaine Butler

Les doutes concernant la date exacte de la rédaction du texte et même sur la réalité de
son destinataire ne comptent guère finalement. Demeure un texte fort, une louange à la
beauté d’un site rêvé par Hugo et au peuple qui l’a bâti, une condamnation des « deux
bandits », la France et l’Angleterre, qui l’ont détruit.

Une prise de position en faveur de la Chine tout entière, méprisée par l’Occident, est
résumée dans ce « J’accuse » hugolien par cette seule phrase :
                   一八六一年
                    远征中国                                   « Nous européens, nous sommes les civilisés, et
                   致巴特勒上尉
                                                           pour nous les chinois sont les barbares. Voilà ce
  先生,你征求我对远征中国的意见。你认为这次远征是体面的,出色的,                         que la civilisation a fait à la barbarie. »
多谢你对我的想法予以重视;在你看来,打着维多利亚女王和拿破仑皇帝双重
旗号对中国的远征,是由法国和英国分享的光荣,而你很想知道,我对这次英
法的胜利又想给予多少赞赏。
  既然你想了解我的意见,以下就是:
  在世界的某个角落,曾有一个世界奇迹;这个奇迹叫圆明园。艺术有两种
                                                           Cette phrase est restée dans la mémoire collective
起源,一是理想,理想产生欧洲艺术,一是幻想,幻想产生东方艺术。圆明园
在幻想艺术中的地位,就如同巴特农神庙1在理想艺术中的地位。一个几乎是超
                                                           du peuple chinois qui ne s’y est pas trompé. Par ce
人民族的想象力所能产生的成就尽在于此。这不是一件绝无仅有的、独一无二
的作品,如同巴特农神庙那样;这是幻想的某种规模巨大的典范,如果幻想能
                                                           texte, Hugo est considéré comme l’ami du peuple
有典范的话。请想象一下,有言语无法形容的建筑物,有某种月宫般的建筑物,
这就是圆明园。请用大理石、美玉、青铜和瓷器建造一个梦境,请用雪松做这
                                                           chinois. Peuple qui ressentit et ressent encore la
梦境的屋架,上上下下铺满宝石,披上绸缎,这儿建庙宇,那儿造后宫,盖城
楼,里面放上神像,放上异兽,饰以琉璃,饰以珐琅,饰以黄金,施以脂粉,
                                                           destruction du palais d’été comme une offense.
请又是诗人的建筑师建造一千零一夜的一千零一个梦,再添上一座座花园,一
片片水池,一眼眼喷泉,加上成群的天鹅、朱鹭和孔雀,总而言之,请假设有
某种人类异想天开产生的令人眼花缭乱的洞府,而其外观是神庙,是宫殿,这
就是这座园林。为了创建圆明园,曾需要一代又一代人的漫长劳动。这座大得
                                                           Le site est aujourd’hui un lieu de pèlerinage et le
犹如一座城市的建筑物,是由世世代代建造而成的,为谁建造?为了各国人民。
因为,岁月完成的事物是属于人类的。艺术家,诗人,哲学家,都知道圆明园;
                                                           symbole du patriotisme chinois qui pourrait se
伏尔泰谈到过圆明园。我们过去说:希腊有巴特农神庙,埃及有金字塔,罗马
有斗兽场,巴黎有圣母院,东方有圆明园。如果说,大家没有看见过它,大家
                                                           résumer par : « Plus jamais ça ».
也梦见过它。这曾是某种令人惊骇的不知名的杰作,在不可名状的晨曦中依稀
可见,如同在欧洲文明的地平线上瞥见亚洲文明的剪影。
  这个奇迹已经消失了。
  有一天,两个强盗进入了圆明园。一个强盗洗劫,另一个强盗放火。看来,
                                                           Il n’est donc qu’à demi surprenant de retrouver,
胜利女神可能是个窃贼。对圆明园进行了规模巨大的劫掠,由两个战胜者分享。
我们看到,这整个事件中还与额尔金2的名字有关,这注定又会使人想起巴特农
                                                           gravé dans le marbre, le cri de colère de Victor
神庙。从前对巴特农神庙怎么干,现在对圆明园也怎么干,干得更彻底,更漂
亮,以致于荡然无存。即使把我们所有大教堂的所有财宝加在一起,也抵不上
                                                           Hugo sur les lieux du saccage.
东方这座了不起的富丽堂皇的博物馆。园中不仅仅有艺术珍品,还有成堆的金
银制品。丰功伟绩,收获巨大。两个胜利者,一个塞满了口袋,另一个看见了
便装满箱箧;他们手挽手,笑嘻嘻地回到了欧洲。这就是两个强盗的故事。
  我们欧洲人,我们是文明人,中国人对我们是野蛮人。这就是文明对野蛮

1
巴特农神庙(le Parthénon),《简明不列颠百科全书》译成“帕台农神庙”,是希腊最负盛名的古建筑,位
 于雅典的卫城之上,公元前 447 – 432 建成,原为供奉雅典娜女神的神庙。
2
托马斯·额尔金是英国外交官,在他 1799 年 – 1802 年任驻土耳其大使时,参与毁坏巴特农神庙,并私自
盗走大批神庙精美的大理石石雕。其子詹姆斯·额尔金是英法联军焚毁圆明园时的英国大使,是焚烧圆            La traduction chinoise de Au capitiane Butler
明园的主要罪魁祸首。
                              1
                                                                                                                                      Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

                                                                                               Ruines du Palais d’été après 1870
LES CHINOISERIES DE VICTOR HUGO - Musée Victor Hugo
IL ÉTAIT UNE FOIS
                   LA CHINE…
                         1492.
                                                                 Pour nous, cette date est
                                                                 celle de la découverte du
                                                                 Nouveau Monde. Pourtant,
                                                  Christophe Colomb, inspiré par un autre
                                                  grand explorateur Marco Polo, cherche
                                                  une nouvelle route de la soie et des
                                                  épices : une route vers la Chine. Avec la
                                                  Renaissance, les Européens, Espagnols et
                                                  Portugais en tête, partent à la conquête du
                                                  monde et de l’Orient.
Matteo Ricci

En 1514, les Portugais abordent près de Canton. Leur comportement conquérant et
méprisant vis-à-vis des populations locales fait de cette première prise de contact un échec
qui a des conséquences à très long terme sur les relations porto-chinoises.

Suite à cette incursion, tout contact avec l’Europe est suspendu durant plusieurs décennies
et c’est la lutte contre la piraterie japonaise en mer de Chine qui permet l’installation des
Portugais sur la presqu’île de Macao. Il ne s’agit cependant que d’une tolérance : Macao
est séparée du reste de l’Empire chinois par une muraille. Au-dessus du portail, cette
inscription sans ambiguïté : « Craignez notre grandeur et respectez notre vertu ».

Le commerce déjà dense dans la mer de Chine s’intensifie. Malgré la réticence chinoise,
les intérêts commerciaux prennent le pas sur le protectionnisme. Pour la Chine, c’est la
possibilité d’avoir accès au métal argent venu d’Amérique et qui sert d’étalon monétaire.
Il est d’abord question d’infiltrer le marché chinois mais l’exportation de produits chinois
vers l’Europe devient progressivement essentielle. Dès lors, les Hollandais et les Anglais
tentent de poser leurs jalons en Chine.

En 1582, l’arrivée en Chine du jésuite Matteo Ricci fait
évoluer l’intérêt occidental vers la culture chinoise et
plus seulement le commerce. Pour les premiers jésuites
arrivés, il s’agit de comprendre la civilisation chinoise
et de devenir « Chinois parmi les Chinois ». Grâce à
cette attitude respectueuse, l’Empereur chinois va
tolérer leur présence.

Alors que les Compagnies des Indes anglaise et
hollandaise ne cessent de se développer et que le reste
de l’Europe part à la conquête du Nouveau Monde, la
France est absente de cette frénésie d’Orient. Louis XIV,
symbole inégalé de la monarchie de droit divin,
concentre les pouvoirs et agit comme un pôle d’attraction
qui influence la vie politique et économique. Le royaume
de France vise une expansion continentale et se montre
peu enclin à la conquête de territoires non-européens,                         Matteo Ricci et un jésuite
hormis quelques incursions au Canada et aux Antilles.

Mais si la France est absente du territoire chinois, la Chine n’est pas absente de France.
Les Français, déjà plus penseurs qu’aventuriers au 17e siècle, sont fascinés par le récit
de Marco Polo puis par celui du moine Juan Gonzalez de Mendoza, auteur du premier
livre « moderne » sur l’Empire du milieu, L’Histoire du grand royaume de la Chine. Publié
en France en 1588, le succès est immédiat et l’ouvrage devient la référence de tous les
lettrés de France sur le sujet. Il est le seul témoignage sur la Chine auquel accède toute
une génération. Le tableau est idéalisé, dans la droite ligne de Marco Polo, et marque
profondément l’imaginaire collectif.

À la même époque, les jésuites reprennent le travail d’évangélisation en Chine. Afin de
susciter des vocations de missionnaires ainsi que pour obtenir des financements, ils
contribuent, par leurs récits et leurs témoignages, à faire de la Chine le pays de toutes les
richesses et de tous les possibles. Nicolas Trigault, jésuite né à Douai et œuvrant selon les
mêmes principes que Matteo Ricci, développe une véritable « propagande missionnaire ».

Il traduit et édite le témoignage de Ricci, fait le tour des cours européennes où son récit
suscite une curiosité de plus en plus grande : le « rêve chinois » avant le « rêve américain ».

Durant cette tournée européenne, il collecte de nombreux ouvrages de référence
qui, envoyés en Chine, forment les bases de la célèbre bibliothèque des jésuites. Cette
                                                                                                            Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

bibliothèque leur permettra d’être dans les bonnes grâces de plusieurs Empereurs chinois.
Trigault ramène également en Chine une sélection d’objets issus du savoir-faire occidental
et qui suscitent l’intérêt de la Cour de l’Empereur de Chine.
                                                              Planisphère de Cantino (1502)
LE JOYAU DE LA CHINE :
           LE YUANMING YUAN
                    L
                                                    e Yuanming yuan ou « Jardin de la
                                                    Clarté Parfaite » (une des résidences
                                                    des Empereurs de Chine avec la Cité
                                                 interdite) est décrit par les contemporains
                                                 comme une des merveilles du monde.
                                                 Victor Hugo le compare au Parthénon, aux
                                                 Pyramides, au Colisée et à Notre-Dame de
                                                 Paris. Il fut construit sur 150 ans aux 17e et
                                                 18e siècles par les Empereurs mandchous
                                                 de la dynastie des Qing. Il comprend plus de
                                                 200 édifices chinois, pavillons et pagodes
                                                 rouge et or, pour la plupart en bois, répartis
                                                 sur 350 hectares.

                                                 Voilà ce qu’en disait le Général de
                                                 Montauban au Ministre de la guerre dans
                                                 une lettre datée du 12 octobre 1860, publiée
                                                 dans le Journal des débats du 30 décembre
                                                 1860 :

                                                 « Il me serait impossible, Monsieur le
                                                 Maréchal, de vous dire la magnificence des
                                                 constructions nombreuses qui se succèdent
                                                 sur une étendue de quatre lieues, et que
                                                 l’on appelle le Palais d’été de l’empereur :
                                                 succession de pagodes renfermant toutes
                                                 des dieux d’or et d’argent ou de bronze d’une
                                                 dimension gigantesque. Ainsi un seul dieu en
                                                 bronze, un Bouddha, à une hauteur d’environ
                                                 70 pieds, et tout le reste est à l’avenant : jardins,
                                                 lacs et objets curieux entassés depuis des
                                                 siècles dans des bâtiments en marbre blanc,
                                                 couverts de tuiles éblouissantes, vernies et
                                                 de toutes couleurs : ajouter à cela des points
                                                 de vue d’une campagne admirable, et Votre
                                                 Excellence n’aura qu’une faible idée de ce
                                                 que nous avons vu.

                                                 Dans chacune des pagodes il existe, non pas
                                                 des objets, mais des magasins d’objets de
                                                 toutes espèces. Pour ne vous parler que d’un
                                                 seul fait, il existe tant de soieries du tissu le
                                                 plus fin, que nous avons fait emballer avec
                                                 des pièces de soie tous les objets que je fais
                                                 expédier à Sa Majesté.* »
Vues du Palais d'été de l'Empereur de Chine
                                                                             * l’impératrice Eugénie.

EXTRAITS DES SOUVENIRS DU MÊME GÉNÉRAL, COMTE DE PALIKAO,
SUR L’EXPÉDITION DE CHINE. 1860
La prise du Palais d’été
« Ce que l’on appelait le Palais d’été était un grand terrain carré d’environ 4 lieues de tour,
planté de beaux arbres et arrosé par des cours d’eau qui, sur certains points, formaient
quelques pièces d’eau sur lesquelles on pouvait se promener en bateau. Vingt palais destinés
à divers usages existaient sur ce terrain, enceint d’un mur, dégradé sur quelques points.
Ces vingt palais avaient des destinations diverses. Le premier, le plus important et le plus
élégant, était destiné à l’habitation de l’Empereur. Un autre renfermait des paons et des
oiseaux rares ; il avait le nom de palais des paons. Un troisième renfermait des quantités
nombreuses de pièces d’étoffe de soie ; on m’a dit que chaque fabricant de soierie était obligé
de faire hommage à l’Empereur d’une pièce de soie, d’une valeur déterminée ; à voir ce que
renfermait ce palais, on eût pu croire que l’Empereur fournissait de soie tous ses sujets. Je
pense qu’en outre de l’habillement des gens de sa maison, ces étoffes étaient données par
l’Empereur à ses principaux mandarins.

Je parlerai encore d’un palais dont je déplore le pillage ; c’était
                                                                                                          Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

celui qui renfermait les archives de la Chine, consistant en de
nombreux tableaux carrés de cinquante centimètres de côté,
avec un cartouche indiquant le sujet auquel se rapportait le
dessin du tableau ; l’histoire de la Chine devait se trouver tout
entière dans cette collection de dessins dont les couleurs étaient
encore aussi vives que s’ils venaient de sortir du pinceau. J’ai pu
rapporter seulement quelques-uns de ces tableaux, et plusieurs
officiers ont fait comme moi. »

Bernard Brizay, historien, auteur de l’ouvrage Le sac du Palais
d’été - Seconde guerre de l’opium, risque cette comparaison :
« (…) sa disparition, par la faute des troupes anglo-françaises,
serait équivalente à celle de Versailles, mais aussi du musée du
Louvre et de la Bibliothèque nationale du fait des Prussiens, si                Le général de Montauban
ces derniers en avaient décidé ainsi (…) »
LA BATAILLE DÉCISIVE
DE PALIKAO ET LE PILLAGE
     DU PALAIS D’ÉTÉ
G
    râce à une victoire
    remportée sans gloire le
    21 septembre 1860 sur
des troupes chinoises mal
armées - la bataille du Pont
de Palikao八里桥 - la route de
Pékin est ouverte aux troupes
occidentales.        L’Empereur
Xiangfen s’enfuit. Les Chinois
prennent      en     otage    des
prisonniers anglais et français.
Devant le refus de les libérer
opposé à plusieurs reprises
par le Prince Gong, frère
de l’Empereur et désormais                                   La Guerre de Chine - Grand panorama illustré.

seul interlocuteur du corps
expéditionnaire           franco-
britannique, ceux-ci décident
d’investir, le 6 octobre 1860, le
Palais d’été de l’Empereur, le
Yuanming yuan.

La magnificence du lieu qu’ils
découvrent dépasse de loin
ce que l’on peut imaginer. Les
tentatives de description de
ce site sont nombreuses mais
(aux dires mêmes de leurs
auteurs) ne rendent pas justice
à sa beauté.

                                                          Prise de la résidence d’été de l’Empereur de Chine.

Le général de Montauban écrit : « Rien dans notre Europe ne peut donner l’idée d’un luxe
pareil, dont il m’est impossible de vous décrire les splendeurs dans ces quelques lignes et
surtout sous l’impression de l’éblouissement que m’a causé la vue de tant de merveilles ».

                                                         Triste routine des prises de guerre, le
                                                         Palais d’été est mis à sac de manière
                                                         méthodique les 7 et 8 octobre, par
                                                         les Français et les Anglais qui se
                                                         partagent les trésors pillés. Une
                                                         commission est même créée afin
                                                         de « faire choix des objets les plus
                                                         remarquables pour être envoyés à sa
                                                         Majesté l’Empereur et à sa Majesté
                                                         britannique ». Le trésor est partagé
                                                         en deux, 400 000 francs pour les
                                                         Français et autant pour les Anglais.
                                                         La commission française, après que
Le Monde illustré - Exposition des curiosités chinoises.
                                                         chacun de ses membres se soient
                                                         abondamment servi, décide de faire
cadeau de la plupart des objets précieux à l’impératrice Eugénie. Bon nombre de ces pièces
sont encore visibles dans le salon chinois du château de Fontainebleau.

À côté de ce pillage organisé, la soldatesque, des officiers supérieurs aux simples troupiers,
ne se prive pas pour se servir.

La catastrophe ne s’arrête pas là. Le retour des otages franco-anglais morts ou torturés
provoque l’incendie du Palais d’été les 18 et 19 octobre 1860, par les troupes anglaises : les
Français s’étaient désolidarisés de cette entreprise.
                                                                                                                Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

Le capitaine Charles Gordon, à la tête des troupes anglaises
chargées de l’incendie écrit : « On peut difficilement
imaginer la beauté et la magnificence des endroits que
nous avons incendiés. Cela vous fait saigner le cœur que
de les brûler (…) Ce fut un travail démoralisant pour une
armée. Tout le monde était fou de pillage. »

Le lieutenant-colonel Wolseley écrit : « quand nous
sommes entrés la première fois dans ces jardins, ils nous
rappelaient ces endroits magiques décrits dans les contes
de fées. Nous en sommes partis le 19 octobre, laissant
dernière nous un terrain vague, lugubre, parsemé de ruines
qui ne ressemblaient plus à rien.»

                                                                                   Général Charles Gordon
LE PLUS CHINOIS DES
             PROSCRITS FRANÇAIS
A
   près le départ de Jersey et l’achat de Hauteville House sur l’île de Guernesey, Hugo
   s’installe pour la première fois dans une demeure dont il est propriétaire. En homme
   passionné, il s’implique totalement dans l’aménagement et la décoration de cette
maison et reproduit ce même schéma dans la maison qu’il achète pour la fidèle Juliette
Drouet : Hauteville Fairy ou Hauteville II.

                                                      Comme dans ses domiciles précédents, une
                                                      juxtaposition d’objets, de pièces de mobilier
                                                      de styles divers prend place dans les deux
                                                      maisons et les chinoiseries sont très bien
                                                      représentées.

                                                      De la même manière que le dessin lui permet
                                                      de s’exprimer sans mot, la décoration est
                                                      un moyen d’expression supplémentaire
                                                      qui devient un écrin, un décor dans lequel
                                                      son imagination trouve un terrain de jeu
                                                      presque illimité. Le génie parle et se met en
                                                      scène dans un seul mouvement. Hauteville
                                                      House est une œuvre, une création à part et
                                                      à part entière, dans l’univers du génie.

                                                      Véritable parcours dans l’imaginaire
                                                      hugolien, ces deux maisons, et plus
                                                      particulièrement Hauteville House qui peut
                                                      encore être admirée, entraînent le visiteur
                                                      dans une nouvelle dimension créatrice.
L’offrande à la belle, Victor Hugo

Hugo achète, pour meubler les deux demeures, de nombreuses pièces de mobilier et objets
décoratifs importés de Chine et notamment du Palais d’été mais pas seulement. Là encore,
son génie créateur s’approprie le motif et presque l’esprit figuratif des artistes et artisans
chinois pour en faire des décors surprenants où il recrée de toutes pièces cette Chine de
fantaisie tant aimée des Européens.

Ainsi, de nombreux panneaux peints et pyrogravés (technique qu’il décline sur les
ornements des cadres de certains de ses lavis) sont dessinés par Hugo et se mêlent avec
une fantaisie et un humour manifestes aux authentiques soieries des empereurs de Chine.

À Hauteville II, Suzanne, la fidèle cuisinière de Juliette Drouet, prend les traits d’un
chinois caricatural dans une composition appelée « SHU-ZAN » tandis que sur d’autres
panneaux, les initiales des deux amants se dévoilent pour qui sait ouvrir l’œil.

Les deux panneaux pyrogravés reproduits ici ont été imaginés par Hugo et pour sa
chambre. On peut encore les y voir. Ils servaient de support au poète pour inventer des
récits fantastiques à l’intention de Georges et Jeanne, ses deux uniques petits-enfants :

« Cachant d’un côté sa toilette,
de l’autre une armoire, deux
panneaux de bois sculptés et
peints par lui. C’est l’histoire
d’une belle, d’un chevalier et
d’une bête. Ces dessins nous
intriguaient au point que nous
emmenions parfois Papapa dans
cette chambre pour qu’il nous les
racontât. Et il nous disait comme
le chevalier, qui aimait la belle,
devait, pour se faire aimer d’elle,
tuer le dragon et lui rapporter la
tête. Ajoutant la parole au dessin,
il nous décrivait le combat du
chevalier avec le monstre aux
griffes crochues, dont la queue
annelée se tord avec rage ;
comment l’amoureux, monté
sur un oiseau fantastique, d’un
                                                                                                             Conception, réalisation : Département de la Seine-Maritime - Direction de la Communication et de l’Information

coup de lance dans la gueule,
avait tué le dragon. Puis, devant
l’élégante silhouette de la belle au
profil innocent et aux longs yeux
                                                       La Lutte du chevalier contre le dragon, Victor Hugo
d’Orientale, il nous disait l’ardeur
du jeune guerrier agenouillé, coiffé d’une capeline, cuirassé de bleu et d’or, gorgerin et
cuissards enrichis d’arabesques ; et que cette fleur que tenait la belle en un geste de petite
idole, était le symbole de l’amour pur qu’elle donnait à son amant. Nous nous réjouissions
alors de la mort du dragon dont la tête coupée, hideusement verte, les yeux gonflés et clos,
la bouche baveuse, pendait au bras tendu du chevalier ».

Cet extrait de Mon grand-père de Georges Hugo n’est-il pas la plus belle illustration du
dialogue entre les formes de création chez Victor Hugo ? Son choix de dormir auprès de
cette évocation de la Chine et de ses mythes prouve la place particulière de la Chine dans
son imaginaire.
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