Clin d'oeil Avec concours lecteurs - Point fort: gestion du quotidien - SBV-FSA
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Table des matières Éditorial 3 La vie de la fédération 20 Point de vue 20 Forum 4 75 ans de l’Unitas 21 Être de ce monde du travail 4 Le cœur ou la raison? Les gens 6 Un vrai dilemme! 25 Michael Tönz – «Ne pas avancer, Manifestations27 c’est reculer!» 6 Point fort 10 FSA interne 30 «Les voyants ne peuvent pas non plus Assemblée des délégués 2021 et tout faire!» 10 renouvellement du Comité 30 Accompagnement pour un quotidien APPEL à signaler tout incident retrouvé13 sur les trottoirs! 30 Pierre angulaire de la formation des Le Prix spécial de médiation 2021 experts pour le handicap visuel 15 à quatre bibliothèques spécialisées 31 Le tricot pour alléger le quotidien 17 Concours lecteurs 31 Statut d’employeur bientôt reconnu 18 Impressum Journal de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants. Paraît 4 fois par année en grands caractères, en braille, sur CD en format DAISY, sur www.sbv-fsa.ch, sur VoiceNet rubrique 2 5 1, sur le kiosque électronique et par e-mail, en français et en allemand («der Weg»). Membres FSA: inclus dans le statut de membre, non-membres (Suisse): CHF 28.–, (étranger) CHF 34.– Éditeur: Fédération suisse des aveugles et malvoyants FSA, Könizstrasse 23, CP, 3001 Berne, www.sbv-fsa.ch Rédaction: FSA, 3001 Berne, 031 390 88 00, redaction@sbv-fsa.ch, Hervé Richoz (hr), Roland Erne (rer) Traduction: Apostroph Bern AG Photo page titre: Lorsque Michael Tönz (43 ans) se déplace à Coire, seul en centre- ville, de son travail à son domicile, il peut compter sur les stratégies mises en place lors de sa formation d’une vingtaine d’heures avec la spécialiste FSA en locomotion Gabriele Burghart. Photo: Sibylle Meier ISSN: 2296-1925 (écriture noire), 2296-1933 (braille), 2296-1941 (CD) Layout et impression: Ediprim SA, Bienne Version braille: Bibliothèque Braille Romande (BBR) Version audio: Bibliothèque Sonore Romande (BSR) Délai de rédaction pour la prochaine édition de «Clin d’œil»: vendredi 30 avril 2021 Imprimé sur papier FSC 2 respectueux de l’environnement
Éditorial Chères lectrices, chers lecteurs, Je n’aime ni cette pandémie, ni le chan- gement, ou plutôt devrais-je dire: «Je n’aimais pas le changement.» C’est humain! Plus que toutes autres, les personnes affectées par des maladies dégénérescentes sont confrontées à un quotidien qui ne sera plus tout à fait Hervé Richoz. le même demain. En ma qualité de Photo: Isabelle coach, j’ai appris que l’«on ne change Favre que quand ne pas changer est plus douloureux que de changer». Inutile de malement», ce que chacun vous ra- s’apitoyer, de pester ou de s’emporter, conte à sa manière dans leurs témoi- car au final c’est toujours la vie qui gnages. «Avancer pour ne pas reculer» gagne et nous embarque dans des est la devise de Michael Tönz (43 ans) expériences dont on ne verra que plus dont le portrait nous apprend toute tard le véritable sens. J’ai dû faire l’importance du quotidien pour la famille mienne la citation de Winston Churchill: et son plaisir d’être physiothérapeute. «Mieux vaut prendre le changement Le quotidien imprègne l’activité des par la main avant qu’il ne nous prenne sections et de leurs comités qui nous par la gorge.» Et c’est précisément surprennent par leur capacité à réagir. dans cette mise en œuvre que nous Le changement est aussi affaire de pouvons compter sur des profession- préparation. C’est la mission du comité nels qui nous accompagnent dans nos de la section tessinoise «Unitas» qui petits et grands projets, dans nos chan- célèbre ses 75 ans et qui nous parle de gements. Activités de la vie journalière l’élaboration d’une vision 2030… Mario (AVJ), voilà le fil rouge de cette nou- Vicari, son président, nous confie com- velle édition de Clin d’œil! Pour les ment préserver des valeurs fortes tout accomplir, les particuliers vont faire en imaginant le meilleur pour l’avenir de appel à des spécialistes en basse vi- ses membres. L’avenir est aussi à l’ordre sion. La bienveillance et le regard des du jour du calendrier FSA qui renouvelle professionnels sur nos potentiels in- en juin son comité fédératif et élira son soupçonnés est un des marqueurs de futur président. En matière de chance, notre évolution, au moins de notre c’est l’heure de la tenter en participant autonomie retrouvée. Une filière de au concours lecteurs. formation les prépare à cela. C’est bien Je vous souhaite une agréable lecture. leur contribution qui a permis à Giusi, Norbert, Joelle et Mario de vivre «nor- Hervé Richoz, rédacteur «Clin d’œil» 3
Forum Être de ce monde du travail Roland Erne, rédacteur «der Weg» Après des années sur le marché sociale des personnes en situation de primaire du travail, Denise Kammer- handicap physique et mental. Au mann et Patrik Ledergerber font service téléphonique inbound (appels depuis longtemps partie de l’équipe entrants), ils répondent aux appels de de base du service téléphonique de divers clients, renseignent, notent des la fondation zurichoise ESPAS, qui rendez-vous, prennent des commandes propose des emplois adaptés aux et transmettent des messages. Autant personnes en situation de handicap de tâches en moins pour les entre- et les accompagne pour retrouver prises et institutions, voire les cabinets une activité lucrative. Visite. d’avocats ou de médecins, qui dévient vers ESPAS les appels reçus. Leur parcours est marqué par des «Nous veillons à ce que l’activité des expériences similaires: Denise Kam- collaborateurs corresponde au plus mermann (53 ans) et Patrik Lederger- près au marché primaire du travail», ber (47 ans), tous deux aveugles de précise Jasmine Panday, cheffe de naissance, ont suivi leur formation de groupe Service Prestations. Elle et les base à l’école pour enfants aveugles deux autres responsables de groupe de Zollikofen resp. Sonnenberg Baar, sont notamment chargés de la planifi- ont été formés à Bâle au métier de cation et de la formation (à long terme), téléphoniste et ont longtemps exercé qui est forcément intensive, ainsi que sur le marché primaire du travail avant de l’assistance technique – avec le de perdre leur emploi pour cause de concours d’Accesstech SA, portée par rationalisation et restructuration. Tous la FSA. L’objectif d’une prise en charge deux connaissent donc les affres du sûre des appels de tous les clients en marketing (outbound) qui vise à allemand, français et anglais nécessite «vendre quelque chose» à la personne un suivi constant et rapproché, notam- contactée au nom du client. «J’ai déjà ment pour les personnes aveugles frôlé le burn-out», avoue Denise Kam- comme Denise et Patrik. La devise est mermann. toujours la même: «La qualité prime la quantité», assure Sarah Beugger, éga- Loin d’une thérapie par l’occupation lement cheffe de groupe et éducatrice Ils ont été aidés par la fondation spécialisée, avant notre visite fin no- ESPAS, active dans la région zuri- vembre. Outre la rente AI, et parfois choise, qui s’engage depuis 30 ans aussi les prestations complémentaires, pour l’intégration professionnelle et les personnes employées touchent 4
Forum Service téléphonique de la fondation ESPAS: Denise Kammermann et Patrik Ledergerber pilotent leur ordinateur, avec clavier et ligne braille. Photos: Roland Erne auprès d’ESPAS un salaire relevant un e-mail groupé. Pour l’heure, plutôt «de l’argent de poche». Pour les «Bryce», une chienne labrador de deux membres de longue date de la 3 ans, somnole à ses côtés, comme FSA, ce sont les tâches «variées» et si le bureau paysager à Zurich Höngg en grande partie autonomes au ser- était déjà depuis longtemps son vice téléphonique qui comptent. Et ils second foyer. s’en acquittent avec plaisir. Contrairement à Patrik Ledergerber, de Saint-Gall, qui aimerait rester chez Oser à nouveau faire un pas ESPAS, sa collègue, qui habite depuis Comme Patrik Ledergerber, qui est peu à Schlieren (ZH) après avoir gran- depuis longtemps féru d’informatique, di à Auenstein (AG), souhaite retrouver Denise Kammermann est assise ce le marché primaire du travail. Alors vendredi matin avec un casque que le service de consultation de la d’écoute devant son PC et sa ligne FSA à Zurich l’a aidée à l’époque pour braille. Le téléphone sonne à l’instant. sa recherche d’appartement, elle peut Elle y répond de manière chaleureuse compter désormais sur le soutien du et attentive, et saisit de manière routi- Job Coaching propre à la fondation, nière la demande formulée. Elle pourra qui a été approuvé par l’AI pour une ainsi l’envoyer par e-mail à la collabo- durée déterminée. Elle espère franchir ratrice spécialisée et au client concer- bientôt cette étape, évidemment en né. Celui-ci reçoit en outre en soirée compagnie de «Bryce». 5
Les gens Michael Tönz «Ne pas avancer, c’est reculer!» Roland Erne, rédacteur «der Weg» Il y a deux ans, Michael Tönz a obte- spécialistes du centre ophtalmologique nu ce qu’il voulait: ouvrir son propre de Saint-Gall qui ont confirmé qu’il était cabinet de physiothérapie. Et c’est atteint de dégénérescence rétinienne. pratiquement au même moment qu’une dégénérescence rétinienne Un soutien qui n’a pas de prix incurable lui a été diagnostiquée. Michael Tönz avoue que c’est le confi- Mais pas question pour lui de renon- nement dû à la pandémie qui l’a aidé à cer à son projet – bien au contraire. accepter son sort. Et surtout, il s’es- Soutenu par sa famille et avec l’aide time «chanceux» d’être soutenu par sa de la FSA, il envisage en dépit des famille et ses quatre frères, mais aussi limitations un avenir aussi limpide par un cercle d’amis et de collègues que prometteur. Portrait. sur qui il peut compter – un soutien qui n’a pas de prix. Son épouse Avant même d’avoir échangé le moin- Yvonne l’aide aussi à gérer le cabinet dre mot avec Michael Tönz, rencontré qu’ils exploitent ensemble, s’appuyant mi-décembre 2020 dans son cabinet depuis le début de l’année sur un pro- de physiothérapie, une première im- gramme de facturation cofinancé par pression s’impose: voilà un homme l’AI pour effectuer le travail de bureau bien dans sa peau. Et pourtant, cela fait qu’elle a récemment repris à 100%. quelques mois à peine que cet habitant Michael Tönz ne cache pas que l’ordi- de Coire (GR) de 43 ans a appris le nateur lui demande de plus en plus diagnostic: il souffre d’une rétinite pig- d’efforts: sans un curseur de souris mentaire (RP) qui pourrait même le extra-grand et un fond d’écran sombre, rendre aveugle. Il y a sept ans environ, il n’y arrive plus. S’il peut encore se il a commencé par ignorer les premiers servir de sa tablette, il préfère désor- signes de sa maladie et ce n’est qu’il y mais utiliser son smartphone. Quant a deux ans que les manifestations sont au reste des activités liées à son cabi- devenues si évidentes qu’il n’a plus été net, ce père de famille très proche de possible pour lui de nier que son la nature arrive encore à les gérer de champ visuel se restreignait progressi- manière autonome, car il connaît tout vement. Après avoir consulté son mé- «par cœur». Même si nettoyer son decin de famille fin 2019, puis un oph- cabinet lui prend maintenant nettement talmologue, ce sont finalement les davantage de temps. 6
Les gens À propos de ses filles, âgées de sept apprécie beaucoup être tempéré par ans et quatre ans et demi, Michael Yvonne et ses bonnes intuitions. En- Tönz explique en riant qu’elles semble, ils forment un duo harmonieux abordent son handicap visuel de ma- qui a du succès. Michael raconte qu’il nière très «ludique», allant jusqu’à est devenu indépendant il y a près de imiter le compagnon à quatre pattes deux ans, fidèle une fois de plus à sa qui les rejoindra bientôt. La famille a en devise «Ne pas avancer, c’est reculer!» effet décidé récemment de demander qui lui a déjà servi souvent. Pour lui, il un chien-guide à Allschwil. Un premier faut tirer le meilleur parti de chaque entretien a déjà eu lieu, avant lequel situation, et c’est d’autant plus vrai Michael Tönz a visité le zoo de Bâle en pour sa RP. Peu avant notre ren- famille – guidé d’ailleurs par sa fille dez-vous, on lui a proposé de re- aînée, pendant que la plus jeune se prendre un grand cabinet. Avec sa servait de sa canne blanche, comme il femme, ils ont décidé de refuser l’offre; le raconte en souriant. En fait, il aime- mais un certain nombre d’aménage- rait, malgré le COVID, pouvoir suivre le ments sont déjà prévus dans son plus tôt possible le cours d’initiation, propre cabinet, qui doit notamment sachant aussi que cette aide de la part devenir accessible en fauteuil roulant. d’un chien-guide rythmera son quoti- Michael Tönz se fie depuis longtemps dien: «Il est indispensable de se fixer à sa devise qui consiste à regarder un cadre temporel!» vers l’avant. Sa scolarité obligatoire terminée et un apprentissage de me- Tirer le meilleur parti de toutes les nuisier en poche, il a vite compris que situations ce métier n’était pas fait pour lui, pas Les décisions importantes concernant plus que la formation d’infirmier qu’il a la famille et l’activité professionnelle, commencée par la suite. C’est après Michael et Yvonne Tönz les prennent avoir travaillé quelque temps à la Poste ensemble. Lui qui a tendance à se qu’il a pris, à l’âge de 29 ans, la déci- lancer tête baissée dans des projets sion déterminante d’entamer une for- Michael Tönz, avec son épouse Yvonne, heu- reux dans son cabinet de physiothérapie et concentré à sa table de massage. Photos: Sibylle Meier 7
Les gens mation de physiothérapeute à la HES de Landquart, dans le prolongement de la maturité professionnelle obtenue deux ans plus tôt; formation financée par un emploi à 30% comme caissier à la Migros et une activité de physiothé- rapeute pour le club de hockey de Coire. Il l’a su instantanément: «Cette fois-ci, c’est la bonne!» Car sa future vie professionnelle devait être une activité d’indépendant et en lien avec le sport, qu’il a d’ailleurs toujours prati- qué, notamment le mountain bike, le judo et le ski – et même en compétition amateur. Le ski, tout comme la luge et les randonnées, devront aussi en faire partie, et pas seulement sur la mon- tagne locale facilement accessible, le «Brambrüesch». Continuer à faire ensemble des tours à vélo, sous une forme ou sous une autre, reste un grand souhait pour toute la famille. Ce que Michael Tönz apprécie particu- lièrement dans le métier qu’il a choisi, c’est le contact avec les patients qu’il veut aussi encourager individuellement à «aller plus loin» en leur donnant la motivation nécessaire, par exemple en pratiquant une thérapie active en plus des soins sur la table de traitement. Il a acheté l’équipement nécessaire dans des cabinets de Suisse centrale et à l’hôpital cantonal de Zoug, mais aussi dans le cadre de ses activités de phy- Gabriele Burghart, experte O+M siothérapeute qu’il a exercé pour des au service de consultation de la FSA clubs de hockey, de foot et de handball, de Coire, entraîne et observe avant que ce natif de Vals (GR) ne re- Michael Tönz dans ses stratégies tourne en 2019 avec sa femme à Coire, de totale autonomie en centre-ville. où il a grandi. Et il en fait le constat: Photos: Sibylle Meier 8
Les gens «Tous les jours, je me lève satisfait et O+M, car il se serait senti «perdu», j’ai du plaisir à aller au travail.» avec ses gares souterraines et autres difficultés. D’une manière générale, il Soutien fondamental de la FSA explique que dans un environnement Afin que ce plaisir perdure en dépit de inconnu, il doit s’en remettre par sa RP, Michael Tönz a suivi le conseil exemple à sa femme, pour qu’elle le d’Arno Tschudi, le président de la sec- guide par la main. De plus, il a fait tion Grisons qu’il a contacté peu de appel récemment à Gianetta Lech- temps après son diagnostic, en suivant mann pour un conseil en basse vision, quelque 25 entraînements O+M avec dans le but de réduire les effets Gabriele Burghart, experte auprès du d’éblouissement grâce à des lentilles service de consultation de la FSA de filtrantes. Il a maintenant beaucoup de Coire, une femme enthousiaste qui ne peine à lire des lettres noires sur fond transmet pas forcément l’envie de bleu ou jaunes sur fond blanc et a dû s’apitoyer sur soi-même: «C’est la meil- constater qu’il a de plus en plus de leure chose qui pouvait m’arriver. Elle difficultés à lire des livres d’histoires m’a permis de retrouver de l’autonomie quand le texte est réparti sur des et une plus grande assurance.» Ce qui pages entières. Par contre, jouer à l’a aidé, c’est notamment apprendre à des jeux de société comme «Brändi utiliser systématiquement la canne Dog» en version mini lui semble plus blanche, par exemple dans la salle de facile. l’hôtel de ville de Coire et même dans les escaliers, à marcher dans des rues Un sens tactile de plus en plus fictives et donc aussi dans des zones marqué piétonnes avec véhicules de livraison, Michael Tönz pense déjà de nouveau ou encore s’entraîner à traverser plu- au futur, habitué qu’il est à devoir sieurs voies en centre-ville – avec pour s’organiser différemment et mettre but principal de maîtriser le plus sûre- en avant son sens tactile de diverses ment possible le trajet entre son appar- façons dans son travail quotidien. tement et son cabinet. Dès lors, pourquoi ne pas apprendre Un séjour début décembre 2020 pour le braille, pour continuer à lire des une formation continue à Vienne lui a romans fantastiques ou historiques, ou montré l’importance fondamentale de encore des biographies, et ne pas cet accompagnement proposé par le dépendre du choix des livres audio qui service de consultation de la FSA de ne «laissent pas autant libre cours à Coire. Dans cette ville où Michael Tönz l’imagination»? Une prochaine étape s’était déjà rendu plusieurs fois pour mûrement réfléchie, comme bien des vacances et où habite l’un de ses d’autres choix innovants qu’il a été frères, il a dû faire appel à une experte forcé de faire jusqu’à ce jour. 9
Point fort «Les voyants ne peuvent pas non plus tout faire!» Roland Erne, rédacteur «der Weg» Comment gérer le quotidien sans voir? Quelles sont les stratégies utiles? Pour Giuseppina Barone et son compagnon Norbert Müller, l’essentiel reste d’apprendre et de décider soi-même tout en faisant ses propres expériences. Rencontre. Giuseppina Barone sait depuis son Bâle, où les repas sont servis dans le enfance ce que signifie se débrouiller noir et où elle a rencontré Norbert sans voir. Elle distinguait encore à Müller, qui sera plus tard rédacteur l’époque les couleurs et silhouettes et VoiceNet pour la Suisse alémanique. pouvait différencier le clair de l’obscur, Depuis 2007, elle travaille à temps mais elle a toujours été «considérée partiel dans les relations publiques aveugle» par ses médecins. Les en- pour l’école de chiens-guides fants fortement malvoyants ou d’Allschwil. Outre les tâches adminis- aveugles doivent beaucoup toucher tratives à l’ordinateur avec une ligne et, transgressant les consignes paren- braille, en télétravail suite à la pandé- tales, découvrir surtout par eux- mie, elle est en premier lieu chargée mêmes «comme pour identifier les des visites, par exemple des classes étiquettes des pulls ou autres vête- scolaires. Pour Giuseppina Barone, ments», se rappelle-t-elle. Si elle a cette expérience est «chaque fois toujours accepté de l’aide de bon enrichissante». cœur, elle tient à pouvoir décider par elle-même et affirme: «J’apprécie Répartition judicieuse des tâches d’avoir plusieurs options». Dans les années 1990, elle s’est déci- Fille de parents siciliens, elle a grandi dée à prendre un chien-guide, se ren- à Grellingen (BL), fréquenté une école dant compte qu’elle distinguait de de jour adaptée aux personnes mal- moins en moins les véhicules sur les voyantes et suivi ensuite une formation trottoirs et autres obstacles. Actuelle- de téléphoniste à Bâle, ce qui n’était ment c’est «Zorrino», son troisième pas le métier de ses rêves. Après avoir labrador noir, sur qui elle peut compter. suivi une formation d’enseignante de L’entraide se vit aussi depuis long- braille, elle a déménagé en Suisse temps par une répartition judicieuse romande où elle a donné des cours des tâches avec son partenaire Nor- privés de braille. Après son retour en bert Müller pour tout ce qui concerne 2005, Giuseppina Barone a été ser- les activités de la vie journalière (AVJ). veuse au restaurant «blindekuh» à Cuisiner, nettoyer, laver le linge et 10
Point fort autres tâches ménagères: tout est sous contrôle. Elle cuisine volontiers, se sert du lave-linge muni de points d’orientation ou manie l’aspirateur, et lui se charge de la vaisselle, transcrit en braille le courrier postal numérisé et utilise son iPhone pour lire avec des apps les indications pour entretenir la machine à café ou celles placées sur la porte d’entrée par la conciergerie. Pour relever ensemble les défis du quotidien, ils utilisent aussi des dispo- sitifs comme un appareil de reconnais- sance des couleurs (choix des habits), une balance parlante ou les livres de cuisine Betty Bossi édités en braille par la FSA, notamment pour les bis- cuits de Noël. Le pragmatisme est également de mise. Sachant qu’elle a peu de chance de réussir certains plats, comme les röstis, Giuseppina Barone préfère la simplicité et commande parfois un menu correspondant au restaurant du quartier. Sa conclusion: «Les voyants ne peuvent pas non plus tout faire!» Norbert Müller, quant à lui, se rappelle de la manière dont on lui a appris à se servir d’un couteau – ou «outil d’orien- Pour lire, Giuseppina Barone prend tation» – et d’une fourchette ou à cou- volontiers place à la cuisine avec per seul sa viande. Il connaît lui aussi sa ligne braille – et «Zorrino» à ses le doute en dorant des bâtonnets de côtés. Photo: Roland Erne poisson: «Les ai-je déjà tournés ou non?» Tous deux confirment que les repassage ou pour des achats qu’ils personnes aveugles et malvoyantes réalisent le plus souvent seuls au mar- sont en général plus prudentes. Elles ché. Des bénévoles les aident enfin à ne cassent pourtant que rarement de régler leurs factures sans erreur, sans la vaisselle. Une aide-ménagère leur recourir à des solutions d’e-banking prête main-forte pour le ménage, le «lourdes». 11
Point fort Annonce Vivre le plus possible en fondation AccessAbility autonomie fondation d’utilité publique pour Pour Giuseppina Barone (54 ans) et malvoyants et aveugles Norbert Müller (68 ans), le service de consultation de la FSA à Bâle, avant Au centre de nos préoccupations: sa fermeture en 2016, a été bien utile, vous, touché par le handicap visuel. par exemple pour la formation O+M, Nous sommes un centre de conseil la recherche d’appartement et le dé- indépendant des fabricants, qui teste ménagement ou pour trouver des pour vous les aides informatiques, pilotes de tandem. Ils apprécient aus- électroniques et toutes les innovations. si beaucoup l’aide que leur apportent les collaborateurs de la fondation Compact 10 HD Speech, AccessAbility, avec un service d’as- il fonctionne avec la lecture à haute sistance à distance en cas de pro- voix! La caméra dépliable permet de capturer facilement un document blème informatique, ou à domicile au format A4 et garantit ainsi un si nécessaire. Pour leurs loisirs, le résultat de lecture à haute voix couple peut compter sur un «cercle d’une qualité unique. Le nouveau de bons amis» et leur famille ainsi que lecteur d’écran 10" permet également de prendre des notes et sur la pratique d’activités comme les de visualiser des objets. Compact randonnées de la section Suisse du 10 est un produit Optelec. Nord-ouest. Ils aiment en effet mar- cher dans la nature, régulièrement aussi en Sarre, avant la crise sani- taire. Giuseppina Barone, qui est férue de lecture, recourt par ailleurs à l’offre de la SBS et dispose d’une ligne braille portative, alors que Nor- bert Müller s’adonne à la radio ama- teur et prépare des cartes à jouer avec revêtement en braille pour les personnes aveugles – ne serait-ce Aujourd’hui, venez tester le futur dans toutes les succursales de la que pour le club de jeu de la section fondation. qu’il a fondé en 2015. Pour le couple, Informez-vous à: l’essentiel était et reste de faire ses Lucerne 041 552 14 52 propres expériences et d’en tirer les Saint-Gall 071 552 14 52 leçons qui s’imposent pour mener Berne 031 552 14 52 une vie aussi autonome que possible, Neuchâtel 032 552 14 52 qui se différencie peu de celle des www.accessability.ch info@accessability.ch voyants malgré les limitations. 12
Point fort Accompagnement pour un quotidien retrouvé Hervé Richoz, rédacteur «Clin d’œil» Source de fierté ou d’accomplisse- ment, les activités de la vie journa- lière (AVJ) sont un des domaines de vie où chacun aspire à sa plus grande autonomie. Plus justement nommées «Lebenspraktiche Fähig- keiten (LPF)» en allemand, elles mettent en lumière nos «compé- tences pratiques de vie». Elles ré- Ravies de nous voir de plus en plus vèlent l’importance des profession- autonomes au quotidien: les spécia- nels qui accompagnent nos listes en basse vision Marie-Anne nouveaux gestes. Rencontre avec Passerel (Genève) et Aurélie Tenky une profession singulière. (Lausanne). Photos: m.à.d. Lorsqu’il recevait, Pierre a toujours mis prendre que dans chaque canton, les un point d’honneur à se rendre seul personnes concernées peuvent faire dans son cellier et revenir avec le vin le appel à la compétence professionnelle mieux assorti; Gerda ne pouvait imagi- de spécialistes en AVJ, basse vision et ner une soirée sans tricoter en regar- orientation+mobilité. Pour peu que l’on dant la télé; Emile aimait cette am- accepte de se confier à eux, ces biance fébrile lorsqu’il déposait son spécialistes ont appris à identifier les nell sur le tapis de jass; Fanny était la ressources parfois méconnues qui reine des douceurs et aimait à ré- sont en nous et nous guident dans la pondre aux invitations en apportant le mise en œuvre de nouvelles straté- dessert; Fritz avait toujours rêvé de gies. Proposant sans imposer, ils jouer du cor des Alpes. La vue bais- valident nos propres solutions, ces sant, toutes ces personnes ont enten- biais qui nous ramènent au plaisir. du les propos maladroits d’un entou- Cas éclairants avec les spécialistes rage démuni: «laisse, je vais faire» ou Marie-Anne Passerel et Aurélie Tenky. «ne prends rien, de toute façon il y a toujours assez» ou encore «ma foi, Approche rééducative faut accepter». Pensant leur vie «fi- Charismatique et compétente, Marie- chue» et s’imaginant devoir renoncer à Anne Passerel accompagne les «faire selon leurs envies», tous met- membres de la FSA depuis 6 ans, tront un peu de temps avant d’ap- d’abord à Lausanne et depuis 3 ans 13
Point fort au Centre d’information et de réadap- t’accueillent chez eux.» L’experte pose tation de Genève. Auparavant, à un regard affûté: «Mon terrain d’ap- l’ARAMAV de Nîmes, elle a travaillé proche est bien sûr leur vision mais durant 9 ans au développement des surtout leur quotidien.» La spécialiste sens compensatoires dans une ap- aura vite noté d’imperceptibles détails proche rééducative. Ses patients sur lesquels s’appuyer pour rebondir d’alors - défigurés, ayant perdu la vue et suggérer. Quand bien plus tard elle ou ayant subi des traumatismes lourds les recroise toutes rayonnantes, elle – effectuaient des séjours dans cette sait alors que ces personnes ont su clinique de réadaptation et rééducation puiser dans leur propre «boîte à outils» pour déficients visuels. Elle y pratiquait et dit : «Travailler avec des personnes les activités de la vie quotidienne aveugles et malvoyantes est une (AVQ) avec ses patients pris en charge richesse de tous les jours». par des équipes pluridisciplinaires (médicales, paramédicales et de soins.) La même chose autrement Elle précise: «Les AVJ incluent les Ergothérapeute diplômée et nouvelle solutions de basse vision et de mobili- venue dans le service de réadaptation té, visant plus à mobiliser le potentiel lausannois de l’hôpital ophtalmique, résiduel encore exploitable.» Aurélie Tenky est passionnée. Elle se En arrivant en Suisse, elle découvre la met volontiers «en situation» pour diversité que représente la démarche à appréhender, évaluer les adaptations domicile pour rencontrer les personnes et surtout pouvoir les expliquer. Illus- dans leur environnement et observe: trant les AVJ, elle nous parle du cas «Les gens doivent te faire confiance. Ils d’Edmond* (*nom d’emprunt) pour En cuisine et comme pour tout, une stra tégie validée par un expert AVJ est un gage d’autonomie au quotidien. Photo: m.à.d 14
Point fort lequel elle a travaillé «le retour à domi- qu’Edmond* a pris à cœur. Aurélie cile complet». Hospitalisé en raison Tenky: «Si besoin, je le guide dans ses d’une pathologie aigüe, Edmond* (88 gestes pour qu’il puisse se les appro- ans) en ressortira aveugle deux se- prier.». À ce stade il faut contenir le maines plus tard. Aurélie Tenky de réflexe incitant à aider, ce qui aboutirait préciser: «J’ai repris la situation d’une à l’inverse de ce qui est souhaité et collègue qui s’était occupée de sa Aurélie Tenky de conclure: «Nos inter- sortie d’hôpital, de sa transition et de ventions sont la preuve que beaucoup l’évaluation postulant qu’un retour à de choses sont encore possibles et domicile était possible. Pour Edmond* que la vie ne s’arrête pas.» tout est différent. Veuf, il doit s’appro- prier de nouveaux gestes et modifier Chaque canton dispose d’un service ses stratégies. Aurélie Tenky a travaillé de consultation et de spécialistes avec lui la prise en charge et la gestion indépendants en basse vision qui des repas organisés avec le CMS proposent des prestations en AVJ, (recevoir, réchauffer). Préparer sa basse vision et orientation+mobilité. place et aménager tout ce qui tourne La FSA gère ceux de Fribourg, Delé- autour de l’alimentation (positionne- mont et Sion (avec un volet assistan- ment de la nourriture, découpe de la ce sociale). viande) est un vrai enjeu d’autonomie Pierre angulaire de la formation des experts pour le handicap visuel Gerda Frischknecht, responsable Formation et recherche UCBAVEUGLES Depuis 2011, la formation d’experte domaines professionnels de la forma- ou expert en réadaptation pour tion, de la santé ou des sciences les personnes aveugles ou mal- sociales. Cela couvre des métiers très voyantes permet d’obtenir un différents, par exemple opticienne/ diplôme fédéral. Il faut toutefois opticien, enseignante/enseignant, infir- remplir certaines conditions pour mière diplômée/infirmier diplômé, ergo- l’admission aux examens. thérapeute ou éducatrice sociale/édu- cateur social. La formation étant conçue Pour prétendre suivre la formation cou- pour être suivie en cours d’emploi, les ronnée par un examen supérieur, il faut spécialistes suivent des cours en bloc avoir terminé avec succès au moins un pouvant durer jusqu’à 3 semaines apprentissage ou des études dans les selon la spécialisation. Entretemps, 15
Point fort ils travaillent parfois plusieurs mois à médicales du handicap visuel» ou se leur poste d’experte/expert en réadapta- mettent à la place des personnes tion et peuvent alors compter sur l’expé- concernées, notamment avec des lu- rience d’experts reconnus. La formation nettes de simulation, avant de suivre est fortement orientée sur la pratique et un cursus en formation d’adultes puis repose sur les compétences d’action de viser l’une des spécialisations en qui ont été définies avec les experts basse vision, orientation et mobilité expérimentés des domaines de spécia- (O+M) ou activités de la vie journalière lisation concernés. Ces compétences (AVJ). Le point commun de toutes ces servent de fil rouge pour la formation activités est de toujours chercher à ainsi que les examens fédéraux supé- répondre aux besoins des clients et de rieurs qui suivent. définir avec eux ce que les mesures de Dans le module de base, les futurs réadaptation doivent permettre d’obte- expertes et experts en réadaptation nir. Il arrive que seule une collaboration acquièrent les connaissances de base interdisciplinaire permette d’obtenir le théoriques, par exemple les «bases résultat escompté. Annonce Blindshell Classic Lite – le téléphone mobile parlant Téléphonez et écrivez des SMS de manière sûre avec la technologie 4G jusqu’en 2030 (comprend la synthèse vocale). Commandez au 021 345 00 66 ou par e-mail à materiel@ucba.ch. Prix: CHF 269.– Langues disponibles: allemand, français, italien Remplacez votre ancien téléphone* *la technologie 2G s’est arrêtée le 31.12.2020 16
Point fort Le tricot pour alléger le quotidien Hervé Richoz, rédacteur «Clin d’œil» Les soubresauts de la crise sani- peur de m’infecter». La réalité rejoint le taire ont un impact significatif sur handicap. l’environnement des personnes en situation de handicap visuel vivant La crise éloigne les gens seules. Les activités de la vie jour- Volontaire et un peu casse-cou, Joelle nalière sont devenues différentes Beuret a complètement perdu son reste pour Joelle Beuret qui a emménagé de vue peu avant la pandémie et a dû à Sierre il y a quatre ans et qui fait revisiter tous les actes de la vie quoti- partie de la catégorie dite «à dienne avec l’aide de Denise Javet, sa risque». Vécu. spécialiste en basse vision indépen- dante. Même si elle se convainc «qu’on La promenade piétonne du Clos peut encore avoir une vie normale», conduit aux six entrées de bâtiments elle se confronte à une foule de nou- situés au bas de la «Maison rouge», velles «barrières», comme à la Migros une petite bâtisse-pressoir construite avec la vitre en plexiglas, les lecteurs au milieu des vignes et emblème de la Cité du soleil. Masquée et maîtrisant parfaitement le dispositif «TomPouce» installé sur sa canne blanche, la valai- sanne d’origine peut identifier les volumes et retrouver seule la porte d’entrée de l’immeuble. Elle retrouve son appartement traversant baigné de lumière qu’elle ne voit plus désormais. Elle a toujours veillé à son autonomie et s’est forcée d’aller vers les gens. Réceptionniste au CICR, elle décide de revenir en Valais en 2016 avec sa fille qui entame une formation en soins à Sion. Elle vit aujourd’hui seule puisque sa fille est entrée dans la vie active et s’est mise en ménage à Tricoter des chaussettes pour les quelques rues de là. Émue, elle chanoines du Grand-Saint-Bernard confesse: «Vu leur domaine d’activité, comble la solitude de Joelle Beuret. ma fille et son ami ne viennent pas par Photo: Hervé Richoz 17
Point fort de carte inatteignables…Elle n’ose plus pour traverser ou trouver l’arrêt de bus se risquer à arpenter les rayons et et ajoute: «Et ce sont généralement toucher les produits. Désormais, elle des personnes migrantes.» Au risque donne sa liste de courses à l’accueil du de s’isoler plus encore, elle préfère magasin. Elle rigole: «Les gens ne me commander en ligne sur son iPhone voient plus» déclare-t-elle en consta- qu’elle maîtrise avec brio. Pour l’heure, tant lors d’un reportage de la RTS «qu’il elle tricote des chaussettes pour les y a moins de monde dans les rues pour chanoines du Grand-Saint-Bernard et elle». Elle observe qu’une personne sur avoue: «Les contacts rapprochés cinq répond lorsqu’elle sollicite de l’aide me manquent terriblement». Statut d’employeur bientôt reconnu Hervé Richoz, rédacteur «Clin d’œil» Même si trop encore estiment ne pas être légitimes pour employer des assistants, nous sommes déjà plus de 3000 personnes en situation de handicap a avoir mis en place la contribution d’assistance proposée par l’AI. Toutes et tous voient leurs activités de la vie journalière fortement simplifiées et sont invités à rejoindre InVIEdual, une association créée en décembre 2020 pour faire entendre notre voix et nos intérêts. Éclairage avec sa créatrice Simone Leuenberger. La contribution d’assistance permet aux mettent d’être des citoyens à part bénéficiaires d’une allocation pour im- entière au quotidien, dans nos tâches et potent de l’AI, qui ont régulièrement nos envies. Nous sommes de fait des besoin d’aide et vivant à leur propre individus actifs qui votons, des entrepre- domicile, d’employer une ou plusieurs neurs qui embauchons du personnel personne-s, qui fournissent les presta- spécifique et compétent à ces fins. Et tions d’assistance nécessaires. Collabo- justement, ce statut et nos besoins spé- ratrice scientifique à Agile.ch, Simone cifiques d’employeur ne sont pas encore Leuenberger insiste: «Nous ne vivons connus des partenaires sociaux ou des pas un état temporaire et cela a un coût. assureurs, par exemple. Simone Leuen- Pour nous, chaque problématique est berger illustre le propos par un constat: un fait permanent et non une étape de «Lors de la pénurie de masques de vie.» Nous parlons ici d’une vie autodé- protection, l’administration et les poli- terminée, c’est-à-dire que nous em- tiques ne nous ont pas consultés ployons des personnes qui nous per- comme employeurs désireux de proté- 18
Annonce ger leur personnel.» InVIEdual veut changer ça avec vous à l’avenir! Rejoignez l’association Vos lunettes savent lire. InVIEdual est l’association des em- Nouvelle version sans fil! ployeurs et employeuses avec handicap vivant avec une assistance. En tant qu’organisation de branche, InVIEdual défend les intérêts de ses membres, prend ses responsabilités dans le cadre d’un partenariat social, relie entre elles les personnes vivant avec une assistan- ce et mène un travail de sensibilisation Faites-vous lire à haute voix des pour la vie avec une assistance person- textes par vos lunettes, ou lais- nelle. Ravie de son projet enfin abouti, sez-les reconnaître les visages de vos vis-à-vis, des objets, des Simone Leuenberger déclare: «Avec couleurs et des billets! vous et le nouveau comité, InVIEdual Désignez simplement du doigt du entend porter notre voix, faire entendre texte dans des journaux ou des nos préoccupations et valoriser la nou- revues, dans des livres ou sur la carte du menu au restaurant, velle profession d’«assistant-e de per- sur les descriptions des produits, sonne avec handicap». sur les écriteaux dans la rue, etc. OrCam MyEye vous fait la lecture à haute voix par un petit haut- parleur directement dans l’oreille. OrCam MyEye est une petite Vu et reconnu caméra qui peut être fixée à la Puisque le han- monture d’une paire de lunettes. dicap n’est pas OrCam MyEye est disponible en une profession français, en allemand, en italien et en anglais. et que l’assistan- ce n’est pas un modèle économique, Essayez OrCam MyEye dans votre service de consultation, nous vous invitons à soutenir la mise chez Accesstech ou directement en réseau de toutes les personnes dans l’une des filiales de la concernées qui vivent avec une as- fondation AccessAbility. sistance en adhérant à l’association Neuchâtel 032 552 14 52 et en parlant d’une seule Lucerne 041 552 14 52 voix. Saint-Gall 071 552 14 52 Berne 031 552 14 52 Code QR pour inscription https://www.inviedual.ch www.accessability.ch romandie@accessability.ch 19
La vie de la fédération Point de vue Mario Vicari, président de la section Unitas Chères Lectrices, chers Lecteurs, Actuel président, je suis depuis 37 ans membre du comité de l’Unitas. Pour- quoi tant d’années de militantisme? Voici ma réponse: il est important de cultiver la mémoire historique d’une association qui, née il y a 75 ans, a grandi petit à petit. J’ai eu la chance de me nourrir de l’exemple de mes prédé- cesseurs: Tarcisio Bisi, le fondateur et Mario Vicari. visionnaire; Sandro Molinari, le promo- Photo: hr teur du développement des structures et des services (avec l’actuel conseiller Lecture, cours, «apéros culturels», d’État Manuele Bertoli en tant que voyages annuels sont autant de mo- directeur) et enfin Corinne Bianchi, qui ments d’enrichissement personnel et a apporté un souffle de jeunesse. de convivialité. L’Unitas d’aujourd’hui Faire partie d’un comité est un appren- est désormais devenue une moyenne tissage continu qui nous invite à être entreprise. Néanmoins ne confondons ouvert aux changements au sein de pas la nécessité de se doter d’effi- l’association, reflet des changements caces outils de gestion avec une rapides et parfois abrupts de la socié- grande famille qui doit être nourrie de té. Dans le cas spécifique de l’Unitas chaleur humaine, de liens d’amitié et (voir article pages 21 à 25), il est vital de solidarité. de maintenir un équilibre entre compo- Pour finir, une note personnelle. J’ai santes stratégiques (comité) et opéra- toujours eu le privilège de travailler tionnelles (direction). Régulièrement, dans des domaines où l’Homme (avec au nom de l’entraide, du membre ou un grand «H») est le protagoniste. du besoin de s’impliquer, la tentation Chercheur en ethnolinguistique, j’ai d’empiéter sur le côté opérationnel est interviewé de nombreuses personnes, grande. Mon principe est pourtant qui m’ont guidé à la découverte de d’être actif comme promoteur d’initia- leurs patois, coutumes et traditions tives et d’être en même temps à la locales et, dans mon activité au sein disposition de la Team opérationnelle. de l’Unitas, je rencontre de nombreux Sensibiliser les membres à la culture, compagnons d’aventure qui m’ouvrent au sens large, est l’un de mes désirs. leur cœur à leur histoire de vie. 20
La vie de la fédération 75 ans de l’Unitas Hervé Richoz, rédacteur «Clin d’œil» Remarquable à plus d’un titre, «l’Unitas» est la plus grande section de la FSA. Avec Mario Vicari à la présidence et Paolo Lamberti à la direction, l’Unitas entretient le formidable élan engendré par son fondateur aveugle et éclairé Tarcisio Bisi. Survol à Tenero et Lugano d’un fourmillement d’activités et d’une vision partagée, celle d’une organisation appelée à devenir le «pôle de compétence pour l’accompagnement des malvoyants de langue italienne». Dans une lumière chaude d’un matin froid et ensoleillé de janvier, des lignes de guidage amènent au 49 de la Via San Gottardo, un des trois sites de l’Unitas. C’est l’heure du «caffè liscio» avec deux personnages très engagés. 41 ans séparent ces deux miliciens, qui évoquent leur première rencontre avec l’Unitas. C’est d’abord Vikram Shah (83 ans), ancien directeur général ad- joint de la FAO qui, démuni, découvre le «Servizio tiflologico». Aujourd’hui, il revit! Tommaso Mainardi (42 ans) a toujours entendu parler d’«Unitas» puisqu’affecté dès la naissance. Il aurait Portail vers l’autonomie: le pré- pu bénéficier d’un «Servizio giovani». sident Mario Vicari à l’entrée du Aujourd’hui, jeune père et passionné de siège principal de l’Unitas à Tenero. jazz, il est musicothérapeute à temps Photo: Hervé Richoz partiel dans la structure de jour «Casa Andreina». Complices, les deux leur autonomie. Et Mario Vicari (74 ans), membres du comité ne tarissent pas le président, de rajouter: «Les jeunes d’éloges sur l’Unitas, pour rappeler ne savent pas toujours tout ce qu’ils avant tout un riche programme d’activi- doivent à Tarcisio Bisi». Le directeur tés, de rencontres, de culture, de Paolo Lamberti en est bien conscient voyages mais aussi et surtout une puisqu’il dirige 112 personnes réparties gamme complète de prestations qui sur 3 sites et dans 7 domaines spécia permettent aux 714 membres de pallier lisés, que nous découvrons plus en aux impondérables de la vision et de avant. 21
La vie de la fédération L’œuvre d’un homme liée à Caritas Suisse pour les aveugles Né en 1924 à Tenero, Tarcisio Bisi a (CAB). Le 25 septembre 1952, l’Unitas dû interrompre ses études en raison devient section officielle de la FSA. d’une vue qui se dégradait. C’est au gré 1948 voit la création de la Bibliothèque de ses tournées de représentant que Braille du Tessin en recourant à des Tarcisio Bisi repère les personnes volontaires qui, tels des bénédictins, aveugles et malvoyantes demeurées transcrivent les livres à l’aide d’un poin- cloîtrées dans leur famille. Il imagine çon. Dès 1955, les premiers ouvrages une vie meilleure pour elles et deviendra enregistrés sont disponibles sur bande le tout premier assistant social du magnétique. Fidèlement épaulé par son Tessin. Mario Vicari (37 ans de comité) épouse et soutenu par des personnes relève: «On parle d’une époque où il bénévoles, Tarcisio Bisi organise autour était extrêmement difficile de convaincre de lui toutes les activités de sa section. l’entourage de «laisser sortir» les per- Et Mario Vicari de conclure: «Plus que sonnes avec un handicap visuel, à tel jamais, l’Unitas se doit de rester une point que, jusqu’à ces années d’immé- famille où prévaut l’entraide pour organi- diat après-guerre, les petits aveugles ser des activités, pour sensibiliser la tessinois échappaient à l’obligation population à comprendre les problèmes d’être scolarisés.» Le 28 avril 1946, de celles et ceux qui souffrent d’un han- quinze personnes fondent l’Unitas, affi- dicap visuel.» Il est épaulé dans cette tâche par ses collègues très engagés du comité, à savoir: Dante Balbo (vice-président), Antonella Bertolini, Igor Crivelli, Gabriele Ghirlanda, Michaela Lupi, Tommaso Mainardi, Michelangelo Petrolo et Vikram Shah. Sept services dédiés Au décès de Tarcisio Bisi en 1997, le volume des activités de l’Unitas était tel que le président, Sandro Molinari, a réalisé la nécessité d’une direction professionnelle. Ce nouveau poste fut confié à Manuele Bertoli, aujourd’hui Conseiller d’Etat tessinois. Le secteur Dans la Casa Tarcisio, au-dessus de (Tessin et Grisons italiens) fut divisé en Tenero, un bas-relief commémore cinq régions pour faciliter les activités l’œuvre du fondateur visionnaire de et les rencontres des membres. Depuis l’Unitas. Photo: Unitas 2017, la direction générale est l’affaire 22
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