Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso

 
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Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso
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Revue          Trimestrielle           de     la   S E PA N S O               N       120-121

                                                      Les invasions
                                                      d'espèces

Fédération des Sociétés pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest

Réalisé grâce à la
participation de :
Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso
SUD-OUEST NATURE
                                      édité par la

                                      SEPANSO
                                      Fédération des Sociétés pour l'Etude, la Protection
                                      et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest
                                      Association loi 1901 à but non lucratif

                    e
                                      Affiliée à France Nature Environnement - Reconnue d'utilité publique

      S o m m a i r
                                         Editorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
     UN PHÉNOMÈNE MONDIAL                La mondialisation des invasives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
                                         Les espèces végétales introduites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
                                         La salicaire, ange ou démon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
                                         Modes et raisons d'introduction des espèces exogènes . . . . . . . . . 8
     LES PARASITES EXOGÈNES              Les parasites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
                                         Anguillicola crassus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
     LE COMMERCE INTERNATIONAL           Quelques chiffres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
                                         Sondage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
                                         Trachémyde à tempes rouges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
     LES EXOTIQUES DANS LA VILLE         Invisibles mais présents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
                                         Un scorpion dans la ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
                                         Le tigre du platane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
     IMPACT SUR LES INDIGÈNES            Les exotiques en villégiature sur le Bassin . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
                                         Les écrevisses exotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
                                         Compétition entre visons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
     LECTURES                            Pour parfaire vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
     LES "PESTES" VÉGÉTALES              Les plantes introduites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .          30
                                         Plantes aquatiques exotiques et Réserves naturelles . . . . . . . . . .                          32
     LA RÉGLEMENTATION                   L'encadrement juridique des invasions d'espèces . . . . . . . . . . . .                          38
                                         Modifications anthropiques des peuplements halieutiques . . . . .                                42
     L'ORGANISATION DE LA LUTTE          L'absence de moyens de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                  44
                                         La grenouille taureau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .          45
                                         Le ragondin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .      46
                                         Deux expériences de gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                48
                                         Aux prises avec l'envahisseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .              49
     QUELLES INVASIVES DEMAIN ?          Les oiseaux aussi... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .         50
                                         L'Ibis sacré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   50
     LES MOTS POUR COMPRENDRE            Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .    52

                                                                                                   1er-2ème trimestres 2003
En couverture :
Aquarelle représentant plusieurs   L’idée de ce Sud-Ouest Nature spécial, relatif aux "espèces invasives", revient à
espèces invasives : (de gauche à   Stéphane Builles, chargé de l’animation sur les Réserves naturelles que gère no-
droite et de haut en bas)          tre association, la SEPANSO. Après avoir organisé plusieurs chantiers bénévoles de
Buddleia, Ibis sacré, Baccharis,   contrôle de Myriophylle du Brésil ou d’Ecrevisse de Louisiane dans la Réserve na-
Myriophylle du Brésil, Jussie,     turelle des marais de Bruges, il a, plus que tout autre, mesuré l’ampleur de ce pro-
Ragondin, Tortue de Floride,       blème. Loin de se décourager, il nous a proposé de poursuivre cette action en pre-
Poisson-chat, Perche soleil,
                                   nant la responsabilité de cette publication. Qu’il en soit ici vivement remercié.
Moule zébrée
(Valérie MARACHE)
                                   Les auteurs conservent l'entière responsabilité des opinions exprimées dans les articles de ce numéro. La
                                   reproduction, partielle ou intégrale, des textes et illustrations est acceptée après autorisation préalable.
Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso
E D I TO R I A L
avant-propos
                                                     Les espèces invasives                                       *
En éditant ce numéro spécial de
Sud-Ouest Nature, la SEPANSO ap-
porte sa contribution de manière glo-
bale et fédérative à une préoccupa-
tion majeure, bien qu’ancienne, de
                                                      u début du XXème siècle, vers 1920, des fourmis

                                             A
notre époque. En effet, les introduc-
tions d’espèces animales et végéta-                   d’Argentine arrivèrent en Europe, on ne sait au juste
les ne sont-elles pas désormais                       comment. Sans doute avec des marchandises véhicu-
considérées comme la deuxième                lées dans la cale des navires. Elles connaissent depuis une ex-
cause d’appauvrissement de la bio-
                                             pansion extraordinaire, formant une gigantesque colonie du
diversité, juste après la destruction
des habitats ?                               Nord de l’Italie aux rivages atlantiques de l’Espagne. Aucune
                                             agressivité entre les membres de cette immense famille, qui
De plus, ne sommes-nous pas, ici
dans le Sud-Ouest, particulièrement
                                             entretiennent entre eux des relations des plus amicales. Mais
concernés ? Jussie, Ecrevisse de             il n’en est pas de même avec les fourmis autochtones, auxquel-
Louisiane, Grenouille taureau... Oui,        les elles livrent des guerres sans pitié. Et les autochtones re-
particulièrement concernés, par leurs        culent, submergées par la vague.
impacts, directs et indirects. Je ne
peux m’empêcher de prendre com-                 Le même scénario se développe avec la jacinthe d’eau.
me exemple le prestigieux Vison              Originaire du Venezuela, elle vit en équilibre sur des plans
d’Europe, encore présent notam-
                                             d’eau de cette région avec un charançon qui s’en nourrit. Mais
ment au Nord de Bordeaux, dans la
Réserve naturelle des marais de              la jacinthe a aussi quitté son aire d’origine pour se répandre
Bruges et aux alentours. Il est dou-         sur les lacs, canaux et rivières du monde intertropical où sa
blement victime et il n’avait pas be-        capacité d’envahissement est tout simplement prodigieuse ;
soin de cela. Tout d’abord de son            une propagation qui se fait exclusivement par voie végétative
cousin, le Vison américain, échappé
                                             à partir de fragments car, paradoxalement, les fleurs sont
d’élevages et porteur d’un virus qui
lui est fatal. Ensuite, de la bromadio-      stériles. La jacinthe pose les pires problèmes aux pêcheurs et
lone, anticoagulant utilisé jusqu’à          au tourisme fluvial, car il faut sans cesse dégager les surfa-
présent dans la lutte contre le ragon-       ces aquatiques de son envahissante présence.
din, lui aussi échappé d’élevages,
mais parfois introduit comme ce fut             Le développement du tourisme à longue distance et la mon-
le cas à l'époque au bord de certains        dialisation modifient radicalement les modalités de l’évolution
étangs landais par un ingénieur en
                                             et en particulier la diffusion et la propagation naturelles des
chef du GREF, pour lutter contre les
plantes rivulaires trop envahissantes.       espèces. Les hommes, par leur mobilité, sont désormais un
                                             facteur de déséquilibre pour de nombreux écosystèmes, soit
Des espèces rares sont menacées,
des territoires remarquables, proté-
                                             directement par leur action sur la nature, soit indirectement
gés ou non, aussi. Le temps presse,          en introduisant des espèces extérieures dont la prolifération
mais attention, le remède pourrait           peut s’avérer mortelle pour des endémiques peu aptes à faire
être pire que le mal... Je pense entre       face à de telles agressions compétitives.
autres à la menace d’éradication chi-
mique de la Jussie... Nous devons               Sans aller jusqu’à l’éradication complète des vagabondes,
rester vigilants !                           telle qu’actuellement pratiquée en Afrique du Sud, il nous ap-
Que ce Sud-Ouest Nature spécial              partient de gérer au mieux les équilibres instables que nous
“Espèces invasives” déclenche une            générons en limitant autant que faire se peut la prolifération
réelle prise de conscience à tous les
                                             intempestive des espèces invasives.
niveaux, aboutissant à des mesures
concrètes, tel est mon vœu le plus
cher.                                                            Jean-Marie PELT
Et que soient vivement remerciés les                             Président de l’Institut Européen d’Ecologie,
auteurs des nombreux articles.                                   Professeur émérite de l’université de Metz

                     Pierre DAVANT,
           Président de la SEPANSO           * Espèces exogènes entraînant des bouleversements des écosystèmes (lire p. 52)

                                          S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso
Un phénomène mondial
2

                             La mondialisation des invasives

    L
         'introduction des espèces n'est pas un problème uniquement franco-français, mais bien
         mondial. De nombreuses plantes et animaux invasifs présents sur notre territoire pro-
         viennent de pays Sud-américains ou asiatiques qui eux-mêmes ont maille à partir avec
    des espèces européennes. Depuis 1492, 4.500 espèces dont 1.500 insectes ont déferlé sur
    les Etats-Unis ; en France, sur les 40 à 50.000 espèces d’insectes recensées, 2.000 à 2.500
    relèvent d’une origine étrangère.

    La moule zébrée est un mollusque bivalve originaire de la Mer Noire et de la Mer Caspienne,
    son apparition dans la région des grands lacs aux Etats-Unis date de la fin des années 80
    (elle serait sans doute arrivée à l’état de larve dans les eaux de ballast de navires européens
    qui remontent le Saint-Laurent depuis 1959). Sa prolifération (des densités atteignent plus de
    700.000 individus/m²) a des répercussions biologiques et économiques très importantes. Près
    de 5 milliards de dollars sont dépensés chaque année par l’industrie Nord-américaine pour li-
    miter le colmatage et l’érosion des prises d’eau et des conduites, notamment au moyen de
    traitements chimiques à base de chlore très néfastes pour l’environnement.

    Certains espaces comme les milieux insulaires sont plus sujets aux invasions, avec souvent
    des conséquences écologiques irréversibles. Les marins ont involontairement introduit les rats
    puis, pour s’en débarrasser, ils ont libéré des mangoustes, des chats et parfois même des
    chiens pour limiter la prolifération des félins. La flore n’a pas été épargnée avec l’arrivée de
    chèvres, chevaux, lapins... qui détruisent le couvert végétal et facilitent ainsi l’érosion des
    sols.

    L’impact sur les espèces indigènes est souvent catastrophique (200 oiseaux sur les 268 espè-
    ces éteintes à travers le monde vivaient sur des îles). En Nouvelle-Calédonie, sur les 8.200
    espèces recensées (85 % des végétaux sont endémiques), 900 espèces sont introduites.

                                                                                                SB

                   S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
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Un phénomène mondial
                                                                                                                                    3

     Les espèces végétales introduites                                                                         Virginie COTTIN,
                                                                                                            Fédération SEPANSO

    L'introduction d'espèces exogè-
    nes commence à être bien
    connue car de plus en plus mé-
    diatisée, mais ce phénomène
    n'est pas nouveau.

    D
             e chasseur-cueilleur, l'hom-
             me devient, il y a environ
             14.000 ans, cultivateur-éle-
    veur. Selon ses activités agricoles et       ORIGINE ET DATE D'INTRODUCTION EN FRANCE DES FRUITS ET LÉGUMES
    ses migrations, de nombreuses espè-            FRUITS - LEGUMES                     ORIGINE                         DATE
    ces opportunistes circulent et s'intro-
                                                   Abricot                  Chine                              XVème   siècle
    duisent dans ses cultures.
                                                   Ail                      Asie Centrale                      XIème   siècle
       Une preuve nous en est donnée               Artichaut                Bassin méditerranéen               XVIème siècle
    par l'étude ci-contre, concernant l'ori-
    gine des fruits et légumes courants.           Aubergine                Inde                               XVème siècle
                                                   Brocoli                  Rivages méditerranéens             XVIème siècle
       Le problème actuel ne vient donc
                                                   Carotte                  ?                                  2000 av. JC
    pas de l'introduction en elle-même
    mais bel et bien du caractère prolifé-         Cerise                   ?                                  3000 av. JC
    rant de certaines espèces.                     Chou                     Frange littorale océanique

        En effet, quelques plantes s'avè-          Chou-fleur               Proche-Orient                      Fin XVIIème siècle
    rent dotées d'une capacité à prospérer         Concombre                Inde                               IXème siècle
    dans un milieu qui n'est pas le leur. Or       Courgette                Amérique Centrale                  1920
    ceci implique une série complexe
    d'interactions entre la biologie des           Echalotte                ?                                  XVème siècle

    végétaux et l'environnement.                   Epinard                  Caucase ou Afghanistan             XIIème siècle
                                                   Framboise                Zones montagneuses européennes
       Voici une énumération des exi-
    gences requises à l'invasion, en gar-          Haricot grain            Amériques                          1740
    dant à l'esprit le fait qu'un seul facteur     Haricot vert             Amérique du Sud                    1540
    peut devenir limitant et donc réguler
                                                   Mâche                    France
    une population végétale :
                                                   Maïs                     Amérique du Sud                    1523
!   La plante doit être introduite en quan-
                                                   Melon                    Inde                               XVIème siècle
    tité suffisante dans un milieu aux
    conditions écologiques proches de              Noisette                 Corse
    celles de son pays d'origine.                  Oignon                   ?                                  XVème siècle
                                                   Pêche                    Chine                              XVème siècle
!   Reproduction importante et modes
    originaux de propagation :                     Poire                    Asie Centrale                      Néolithique

    - La multiplication végétative est le          Poireau                  ?                                  XVème siècle
      principal mode de reproduction               Pomme de terre           Cordillère des Andes               XVIème siècle
      pour les plantes aquatiques : frag-
                                                   Radis                    Extrême-Orient                     VIIIème siècle
      mentation de tiges porteuses de
      nœud (Myriophylle du Brésil My-              Tomate                   Mexique                            1750

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Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso
Un phénomène mondial
    4

      riophyllum aquaticum ou Lagarosi- ! Les milieux anthropisés. Il ne faut pas               tira d'elle même ?
      phon Lagarosiphon major), rhizo-    oublier non plus les facteurs humains
                                                                                                   Le sujet actuel est préoccupant
      mes qui permettent une grande ré-   qui interviennent grandement dans le
                                                                                                car, par leur développement excessif,
      sistance hivernale (Renouée du Ja-  processus. On constate que les fossés,
                                                                                                ces Attilas végétaux perturbent gra-
      pon Fallopia japonica), bourgeons   les terrains vagues... sont des sites pri-
                                                                                                vement les milieux.
      dormants ou hibernacles (Elodées)   vilégiés. On retrouve le Séneçon du
      et tubercules axillaires et souter- Cap (Senecio inaequidens) sur des                        Certains prônent la non interven-
      rains (Potamots).                   terrains ayant subi des brûlis ; ainsi à              tion et taxent les personnes favora-
    - Le mode de propagation. Les grai-   Nohèdes (Pyrénées-Orientales), après                  bles à la régulation des invasions d'é-
      nes du Séneçon du Cap (Senecio in-  2 incendies en 1992 et 1993, les prés                 cologistes extrémistes. Mais jusqu'à
      aequidens) sont dotées de papus,    en sont infestés à 90 %.                              quand nos écosystèmes, déjà affectés
      organes permettant une dissémina-                                                         par de nombreux maux, pourront-ils
                                                     Une espèce exogène trouvant un
      tion éolienne. Une petite fougère                                                         endurer ces introductions massives ?
                                                  milieu adéquat et possédant tous les
      aquatique, l'Azolla fausse fougère          caractères requis au phénomène d'in-              Les biocénoses sont en perpétuel-
      (Azolla filiculoïdes), s'accroche fa-       vasion deviendra rapidement maîtres-          le évolution mais ces changements
      cilement à tout ce qui passe à sa           se de ces lieux.                              rapides émanent directement des acti-
      portée que ce soit oiseaux, mammi-                                                        vités humaines.
      fères, amphibiens, insectes aqua-              Or, la probabilité qu'une plante re-
      tiques, bétail, tracteur ou bateau.         quière l'ensemble des paramètres né-             L'homme, en mettant en contact
                                                  cessaires est minime. Selon une étude         des espèces biogéologiquement éloi-
!   La plante est peu appétante pour le bé-
                                                  sur le devenir des espèces introduites,       gnées, joue à l'apprenti sorcier et met
    tail et rarement consommée par l'en-
                                                  seulement 1 % deviendront invasives.          en péril de nombreuses espèces.
    tomofaune. De plus, elle peut fabri-
    quer des toxines. Caulerpa (Caulerpa             Faut-il s'inquiéter de ce faible               Il n'est pas question de faire du ca-
    taxifolia) réunit ces 2 atouts : elle pro-    pourcentage ou penser que les espè-           tastrophisme mais il faut prendre
    duit la caulerpenyne et, de plus, n'est       ces exogènes envahissantes ont tou-           conscience de l'impact écologique de
    pas consommée par les poissons. Le            jours existé et que la nature s'en sor-       ces actes et en limiter les effets. "
    Séneçon du Cap (Senecio inaequi-
    dens) est toxique pour le bétail et ses
    racines transmettent des substances
    toxiques pour les graines alentours.
!   La morphologie va également jouer                                      9%
    un rôle important dans le processus
    d'invasion. Le caractère couvrant d'u-
    ne espèce lui donnera l'avantage sur
    les autres ainsi privées de lumière.                                      90 %
    C'est le cas des Jussies ou des Lem-
    nacées (famille de l'Azolla) par
    exemple. La phénoplasticité (allon-
    gement des entre-nœuds, intensifica-
    tion des ramifications en surface...)
    de certaines plantes aquatiques leur
    donne le moyen de s'adapter à la dy-
    namique du milieu. Ainsi les tiges du         - Biologie et écologie des espèces végétales proliférant en France, 1997, Les études de
    Myriophylle du Brésil (Myriophyl-               l'Agence de l'Eau, n° 68, 220 p.
    lum aquaticum) peuvent atteindre              - Les introductions d'espèces dans les milieux aquatiques continentaux en métropole,
    jusqu'à 3 m de long et s'élever à 40            1996, Connaissance et gestion du patrimoine aquatique, BFPP, 500 p.
    cm au-dessus de la surface. Enfin cer-        - Conserv'Actions, juin 2000, Revue inter-réseaux pour la conservation du patrimoine
    taines espèces à l'enracinement pro-            naturel, n° 0, 40 p.
    fond sont assurées d'un ancrage soli-         - Les végétaux aquatiques, janvier 2000, Vivre avec la rivière, Agence de l'Eau Adour-
    de et sûr comme la Renouée du Japon             Garonne, 15 p.
    (Fallopia japonica) dont le système           - Faculté des sciences de Luminy de Marseille : www.luminy.univ-mrs.fr
    racinaire forme un réseau profond de          - Ecole Supérieure d'Informatique de Gestion de Genève : www.esigge.ch
    1 m et s'étend sur 15 à 20 m.                 - Saveurs du monde : www.saveurs.sympatico.ca

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Un phénomène mondial
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    Article paru dans
    "La Garance Voyageuse" n° 48
    Texte : Jean-Roger WATTEZ (Amiens)
                                                   La salicaire, ange ou démon
    Dessins : Jean-Philippe SOLLELIET
                                                  Chacun connaît la salicaire, une belle plan-
                                                  te que l'on rencontre dans de nombreux
                                                  lieux humides. Si cette espèce est tout à
                                                  fait à sa place dans les écosystèmes euro-
                                                  péens, son introduction en Amérique est
                                                  source de gros problèmes écologiques.

                                                  et les herbes indigènes ont               Il peut arriver que cette plante
                                                  disparu, tout comme la végéta-        constitue des peuplements homogè-
                                                  tion aquatique flottante et sub-      nes, pauvres en espèces en certains si-
                                                  mergée.                               tes ; on peut le constater dans l’Ouest
                                                                                        et le Centre-Ouest de la France où les
                                                     Si vous fréquentez cet endroit     fossés peu profonds peuvent être co-
                                                depuis cinq à dix ans, vous aurez       lonisés sur quelques dizaines de mèt-
                                                constaté que la mort de ce milieu       res, mais surtout certains îlots boueux
                                               humide a été graduelle. Quelle en        du lit mineur de la Loire sont parfois
                                               est la raison ?                          recouverts de peuplements quasi purs
                                                   Il n’y a pas de mystère. La meur-    de salicaire.
                                              trière est la Salicaire pourpre (Ly-          Toutefois, cette extension locale

    L
“         e couvert coloré et dense que      thrum salicaria L.), une plante à
          forment les fleurs pourprées                                                  n’a rien de commun avec ce qui s’est
                                            fleurs robuste d’Europe introduite ac-      produit en Amérique du Nord, princi-
          dans un grand nombre des          cidentellement en Amérique du Nord
plus belles terres humides du Canada                                                    palement dans le Nord-Est des États-
                                            au siècle dernier. Depuis la salicaire      Unis ainsi qu’au Québec. Au siècle
est d’un calme étrange. Le silence qui      a envahi, lentement mais sûrement,
règne dans ces endroits habituelle-                                                     dernier, des jardiniers amateurs de
                                            les terres humides et les voies d’eau       plantes dites “exotiques” ont impru-
ment animés frappe vos oreilles et          de l’est du Canada surtout, mais aus-
vous dit que quelque chose ne va vrai-                                                  demment introduit la salicaire afin de
                                            si de la Colombie-Britannique.”             diversifier la flore de leurs propriétés ;
ment pas.                                   (Brochure de la Fédération canadien-        ils croyaient bien faire et n’imagi-
   Vous ne voyez plus la famille de         ne de la faune)                             naient pas que cette plante allochtone
rats musqués qui faisait des rides sur          Tournons nos regards un instant en      fort esthétique allait prendre un in-
l’eau. Vous n’entendez plus le cla-         arrière, sur la terre d’origine de cette    vraisemblable développement et mé-
quement familier de la queue du cas-        espèce, notre bonne vieille Europe.         riter - hélas - d’être rangée parmi cel-
tor et la multitude d’espèces d’oi-                                                     les que l’on désigne sous le nom de
seaux chanteurs indigènes. Les œufs                                                     “pestes végétales”.
ont disparu, de même que les ratons                   Une espèce
laveurs, la sauvagine, les oiseaux de             originaire d’Europe                      Comment en est-on arrivé là ? Di-
rivage et les tortues peintes qui par-                                                  verses causes sont à envisager. Tout
                                               En Europe occidentale, la salicaire      d’abord, sa “formidable” production
tageaient cet habitat.
                                            est une espèce hygrophile, répandue         de graines... plus de 2 millions pour
   La pêche est maintenant hors de          dans les milieux humides, qui égaye         un seul pied paraît-il ! Mais aussi sa
question. Vous ne pouvez ni voir, ni        les fossés, le bord des mares et des        remarquable possibilité de multipli-
entendre, ni même toucher l’eau, car        ruisseaux grâce à ses épis de fleurs        cation végétative à l’aide de l’appareil
l’épaisse végétation vous empêche de        pourpres ; son nom spécifique (sali-        radiculaire ou même par fragmenta-
pénétrer à plus de quelques mètres          caire) lui vient de son voisinage habi-     tion des tiges. Une fois parvenue en
dans le marais. Les carex, les roseaux      tuel avec les saules (salix en latin).      un site qui lui convient rien ne peut

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Un phénomène mondial
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arrêter son extension.                       re. Quant aux ennemis naturels, on              sur le continent américain ?”
                                             pense au rôle joué par un ou plusieurs
    De surcroît, les tiges fleuries de la    insectes phytophages assurant en Eu-                Dans un premier temps, il impor-
salicaire n’offrent pas d’intérêt pour       rope une régulation naturelle des po-           tait de recenser les sites envahis grâ-
les herbivores qui les rejettent ; quant     pulations de salicaire ; compte tenu de         ce à des fiches d’enquête.
au lacis des racines, il semble être peu     l’abondante production de graines, on
efficace pour retenir les sédiments et                                                           Quant aux mesures concrètes à
                                             peut se demander si celles-ci ne re-            mettre en œuvre, elles sont diverses.
les polluants, moins en tout cas que         présentent pas “le pain quotidien”
les racines fibreuses de la flore spon-                                                      La destruction, après arrachage des
                                             d’un ou plusieurs insectes “sémino-             salicaires que l’on brûle, n’est réali-
tanée.                                       phages” présents en Europe mais in-             sable que sur des populations de
    Cette prolifération quasi illimitée      connus en Amérique du Nord.                     moyenne importance. L’usage d’her-
entraîne une régression dramatique de            À moins que de subtils mécanis-             bicides permet de traiter des colonies
la flore autochtone des milieux humi-        mes physiologiques n’interviennent              plus importantes de salicaires ; enco-
des ; non seulement les plantes indi-        dans la reproduction sexuée de la sa-           re faut-il faire usage d’un herbicide
gènes sont étouffées, mais le peu qui        licaire ; la dormance des graines se-           sélectif de façon à épargner la flore et
subsiste est brouté par les herbivores       rait-elle levée plus aisément par les           la faune aquatique et hygrophile indi-
puisque ceux-ci rejettent le feuillage       conditions climatiques de l’Amérique            gène.
et la hampe florale de la salicaire...       du Nord qu’en Europe ?                              En outre, la lutte biologique inté-
    La biodiversité des milieux humi-           Il ne faut pas exclure qu’interfè-           grée paraît représenter la méthode la
des canadiens et de l’est des U.S.A.         rent plusieurs de ces possibilités...           plus appropriée ; l’article paru dans
est ainsi considérablement amoindrie.                                                        Plant talk résume les démarches en-
                                                 Quoi qu’il en soit, devant cette in-        treprises aux U.S.A. : “Le Départe-
        L’absence de                         vraisemblable prolifération d’une               ment des ressources naturelles de l’É-
                                             espèce conquérante, il importait de             tat de l’Indiana a développé active-
    mécanisme régulateur                     réagir... ce qui fut fait, mais comme           ment un programme de contrôle bio-
    Mais pourquoi la “gentille” lysi-        l’indique un dépliant de la Fédération          logique utilisant un insecte phytopha-
maque rouge des fossés et des berges         canadienne de la faune : “le défi à re-         ge (Galerucella) ainsi qu’un charan-
de l’Europe occidentale s’est-elle           lever est de taille ; comment peut-on           çon phytophage (Hylobius). G. Jan-
transformée en une “méchan-                              se     débarrasser      des         sen du Département d’entomologie et
te” plante invasive outre-Atlan-                           milliards de salicaires           de pathologie des plantes est confiant
tique ? L’explication est vrai-                            pourpres déjà présentes           dans le succès de l’opération bien que
semblablement la sui-
vante : en Amé-
rique du Nord, les
populations de sali-                                               Portrait bot anique de la salicaire
caire ne sont pas li-
mitées dans leur exten-                                                 Le nom scientifique de la salicaire est Lythrum salicaria L.
sion par un “mécanisme                                                 Elle fait partie de la famille des Lythracées. Cette famille
régulateur”. Quel peut                                             est voisine de celle des Myrtacées où se range -entre autres
être celui-ci ? On ne le                                           - le genre Eucalyptus ; elle fait partie de l'ordre des Myrtales.
connaît pas avec pré-                                              Les autres espèces françaises du genre Lythrum sont à la
                                            fois beaucoup plus discrètes et bien moins fréquentes. La salicaire - ou lysi-
cision, mais comme il est écrit
                                            maque rouge - est une plante herbacée élégante pouvant atteindre un bon mètre
dans un article récent de la re-            de hauteur ; ses tiges élancées portent des feuilles allongées disposées de ma-
vue anglaise Plant talk : “en               nière verticillée puis opposée ; elles s'achèvent par une inflorescence allongée
Amérique du Nord, L. salicaria              regroupant de nombreuses fleurs d'un rose-violacé. La plante est mellifère et elle
n’a pas rencontré d’ennemis                 possède des vertus thérapeutiques toujours en usage ; les propriétés antidiar-
naturels ou de maladies”. En-               rhéiques de la salicaire sont appréciées par les phytothérapeutes. L'extrait fluide
                                            de salicaire figurait autrefois à la pharmacopée. Cette belle plante possède une
visageons plusieurs possibili-
                                            autre particularité : ses fleurs sont hétérostylées. Cela signifie que les stigmates
tés. En ce qui concerne les mal-            et les anthères occupent les uns par rapport aux autres des positions
adies, on imagine l’absence                 différentes ; cette particularité que la salicaire partage avec certaines primevères
d’un champignon parasite ou                 avait attiré l'attention de Darwin au XIXème siècle.
d’un virus végétal plus ou                                                                                                     JRW
moins spécifique de la salicai-

                          S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
Les invasions d'espèces - Fédération des Sociétés pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest - Sepanso
Un phénomène mondial
                                                                                                                        7

la régression des populations soit va-       des “Américaines” se sont implantées

                                                                                              Breve
riable... Cette démarche n’éliminera         en Europe occidentale et méritent el-
pas la salicaire mais limitera son ex-       les aussi l’appellation de “pestes vé-
pansion et permettra aux espèces in-         gétales”.
digènes de se maintenir.”
                                                Le Jonc ténu (Juncus tenuis
    Il reste à envisager des mesures         Willd.), par exemple, est présent dés-
                                                                                        AUTRE EXEMPLE
sur le plan administratif ; évoquons         ormais dans presque tous les chemins
celles qui ont été prises aux U.S.A. :       forestiers.                                Voici un extrait de ce que rappor-
“désormais 28 États des U.S.A. for-                                                     tait le journal "Le Monde" dans son
mant une large ceinture s’étendant de            Quant à la flore dite “canadienne”,    édition des 18-19 mai 2003 : "... On
l’Oregon à la Caroline du nord ont           elle aussi a colonisé le vieux conti-      retrouve donc Etienne-Léopold
                                             nent ; trois exemples le rappelleront.     Trouvelot aux Etats-Unis, plus
interdit la plantation de la salicaire ;
                                             L’Elodée du Canada (Elodea cana-           précisément à Medford, dans la
plusieurs États (Tennessee, Indiana)                                                    banlieue de Boston (Massachu-
ont étendu cette interdiction à d’aut-       densis Rich.) s’est implantée dans
                                                                                        setts), où il s'installe en 1860.
res espèces non indigènes (aux               tous les fleuves, rivières, fossés,
                                                                                        Touche-à-tout, ce dessinateur ta-
                                             étangs d’Europe occidentale à partir
U.S.A.) de salicaires”, probablement                                                    lentueux se passionne pour l'éleva-
aussi à certains cultivars de salicaire.     des années 1840 ; on l’a désignée an-      ge du ver à soie. Il élève les che-
Il en est vraisemblablement de même          térieurement sous le nom de “peste         nilles d'un papillon indigène, le
au Canada.                                   d’eau” ! Curieusement, sa présence         Polyphème d'Amérique. Mais, dési-
                                             est en recul et deux autres élodées la     reux d'améliorer la production, il
    Tel est le bilan consternant et son      remplacent peu à peu.                      rapporte d'un voyage en Europe
impact économique très lourd - com-                                                     des œufs d'un autre papillon, le
me on peut l’imaginer ! - de l’intro-           La Vergerette du Canada (Erige-         Bombyx disparate, inexistant out-
                                             ron canadense L.) est une espèce ru-       re-Atlantique. Dès lors, une catas-
duction malencontreuse, volontaire
                                             dérale plutôt xérophile apparue en         trophe écologique était prévisible.
et/ou accidentelle de Lythrum salica-                                                   Contée en 1896 dans les pages du
ria en Amérique du Nord au XIXème            Europe dès le XVIIIème siècle ; elle
                                                                                        magazine Sky and Telescope, la
                                             colonise les friches, terrains vagues et
siècle !                                                                                chronique dit que, par une nuit de
                                             cultures (après la moisson) et conti-      grand vent, des œufs s'envolèrent
                                             nue à s’étendre.                           par une fenêtre ouverte. Conscient
       Des échanges de                                                                  du danger, Trouvelot prévint ses
      pestes bilatéraux !                       Enfin, la Verge d’or du canada (So-
                                                                                        voisins, mais ceux-ci ne s'inquiétè-
                                             lidago canadensis L.) forme des peu-       rent pas pour des larves d'insec-
   Ajoutons toutefois que les migra-         plements denses, homogènes en              tes. Mal leur en prit. Il fallut une
tions de plantes allochtones invasives       maints endroits ; au moins ceux-ci         vingtaine d'années au Bombyx
ne se font pas “à sens unique” ; bien        ont-ils l’avantage d’être photogé-         disparate pour s'acclimater et
                                             niques ! "                                 proliférer, mais, une fois l'adapta-
                                                                                        tion faite, la bestiole se mua en vé-
                                                                                        ritable cauchemar. Elle colonisa
                                                                                        une bonne partie de l'Amérique du
                                                                                        Nord, où, aujourd'hui encore, ses
                                                                                        chenilles ravagent des forêts en-
                                                                                        tières en dévorant les feuilles des
                                                                                        arbres. De ce point de vue, Etien-
                                                                                        ne-Léopold Trouvelot n'a pas vrai-
                                                                                        ment laissé un bon souvenir aux
                                                                                        Etats-Unis. Mais le Français devait
                                                                                        rapidement renoncer à la séricicul-
                                                                                        ture et aux petites bêtes pour se
                                                                                        tourner vers l'infiniment grand..."
                                                                                        Précisons que les chenilles dispo-
                                                                                        sent d'une adaptation remarqua-
                                                                                        ble pour faciliter leur dispersion
                                                                                        par le vent : des poils aérophores
                                                                                        qui portent un renflement globu-
                                                                                        leux près de la base. Elles peuvent
                                                                                        ainsi monter à plusieurs centaines
                                                                                        de mètres de hauteur et parcourir
                                                                                        plus de 50 kilomètres.

   S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
Un phénomène mondial
 8

   Stéphane BUILLES,
   Responsable animation
   des Réserves naturelles
                                             Modes et raisons d'int
   de la SEPANSO

        L'homme est un grand vecteur d'introduction d'espèces
         depuis très longtemps, souvent à des fins alimentaires.

                                                         Rites sacrés
P
        arties du Moyen-Orient, les                                                      - Ragondin Myocastor coypus : des in-
        cultures céréalières ont pro-                                                      dividus ont été relâchés sans grand
        gressivement gagné le Bassin          Dès le néolithique, l'homme a em-            succès pour faucarder la végétation
méditerranéen, et avec elles de nom-       porté dans les îles du Bassin méditerra-        aquatique.
breuses espèces qualifiées aujourd'hui     néen des espèces domestiques (mou-
                                           tons, chèvres, bœufs...) mais il a égale-
                                                                                                    Philosophie
de plantes messicoles (Nielle des blés
Agrostemma githago, Coquelicot Pa-         ment introduit des espèces sauvages
paver rhoeas...). Le rythme des intro-     (Renard Vulpes vulpes, Hérisson Erina-            Au 19ème siècle, les membres de la
ductions s'est accéléré considérable-      ceus europaeus, Fouine Martes foina...).      Société d'acclimatation (cet organisme
ment avec la découverte du "nouveau                                                      allait devenir la Société Nationale de
                                               Ces animaux n'ont pas pu voyager
monde" et surtout, depuis ces 150 der-                                                   Protection de la Nature) recevaient des
                                           clandestinement car les embarcations
nières années, avec l'amélioration                                                       primes lorsqu'ils réussissaient à accli-
                                           étaient de petite taille, ils étaient peut-
constante des échanges. Les déplace-                                                     mater une espèce. On jouait déjà en
                                           être utilisés lors de cérémonies ?
ments d'espèces se sont accrus et com-                                                   quelque sorte à l'apprenti sorcier.
plexifiés.                                     En quelques milliers d'années,
   Ces transferts volontaires d'espèces
                                           l'homme a fait disparaître la faune in-                Chasse-pêche
                                           digène (originaire du tertiaire) au pro-
ne sont plus uniquement faits à des fins
                                           fit d'une faune moderne.                          Près de 27 espèces de poissons ont
alimentaires ou scientifiques, mais de
                                                                                         été introduites dans les eaux douces
plus en plus pour approvisionner le
marché de l'horticulture et de l'animal             Lutte biologique                     françaises, essentiellement pour la pê-
                                                                                         che de loisir et l'aquaculture (quelques
de compagnie.
                                           - Un crapaud, introduit en Australie          lâchers accidentels sont survenus, et
    La circulation de nombreuses espè-       tropicale dans les années 30 pour lut-      notamment celui du poisson chat
ces passe souvent inaperçue. Elle profi-     ter contre les insectes ravageurs de la     Ameuirus nebulosus : en 1871, un ou-
te de nos moyens de transports sur mer,      canne à sucre, s'est attaqué aux lé-        vrier de la compagnie transatlantique
terre et air et du volume considérable       zards, poissons...                          fait don de quelques individus au Mu-
des denrées et produits de toutes sortes   - Le Gambusie Gambusia affinis est un         séum d'Histoire Naturelle de Paris,
échangés à l'échelle de la planète.          petit poisson originaire d'Amérique         certains se seraient enfuis des aqua-
                                             du Nord très abondant en Aquitaine. Il      riums et répandus dans la Seine par le

 DES
                                                                                         biais des égouts).
          INTRODUCTIONS                      a été introduit en France en 1921 com-
                                             me auxiliaire des campagnes de dé-              50 % de ces espèces ont un impact
     INTENTIONNELLES                         moustication. Cette introduction est un     direct ou indirect sur les écosystèmes.
                                             échec car, dans les eaux européennes,       Cela se traduit souvent par une com-
                                             il s'alimente surtout de micro-crusta-      pétition interspécifique : la Perche so-
             Nostalgie                       cés et non de larves de moustiques.         leil Lepomis gibbosus consomme les
                                             Toutefois, il rentre dans le régime ali-    œufs d'autres espèces ; le Black bass
- Les colons ont souvent essayé de re-       mentaire de nombreuses espèces, et no-
  constituer un environnement familier                                                   Micropterus salmoïdes s'attaque plu-
                                             tamment des oiseaux piscivores com-         tôt aux alevins.
  en amenant dans leurs bagages des          me le Martin pêcheur Alcedo atthis, le
  espèces de leur pays.                      Héron cendré Ardea cinerea, la Spa-             Plusieurs espèces, aujourd'hui par-
- Raton laveur Procyon lotor : certains      tule blanche Platalea leucorodia...         faitement acclimatées, sont classées
  individus seraient arrivés en Europe       Cette espèce prolifique est utilisée en     gibier. C'est notamment le cas du Fai-
  par le biais des bases militaires qui      écotoxicologie pour apprécier l'im-         san colchide Phasianus colchicus, ori-
  les possédaient comme mascottes.           pact des polluants sur la reproduction.     ginaire d'Asie.

                         S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
Un phénomène mondial
                                                                                                                                9

troduction des espèces exogènes
  DES       INTRODUCTIONS                      qu'il va se mettre à proliférer. Une
                                               date marquante est l'apparition du
                                                                                                Animaux parasités
       INVOLONTAIRES                           chemin de fer qui va intensifier les          La Lucilie bouchère : elle est sans
                                               échanges entre l'Est et l'Ouest et lui     doute arrivée sur le continent africain
                                               permettre de gagner progressive-           avec l'importation de moutons vivants
           Les squatters                       ment la côte atlantique. Il s'embarque     uruguayens infestés de larves.
                                               clandestinement en 1876 et atteint
 - Coques et ballasts des navires : les ba-                                                  Cette mouche pond sur les plaies
                                               les rivages de l'Allemagne où il est
   teaux sont l'un des vecteurs les plus                                                  des animaux et des hommes (une
                                               exterminé. Il effectue une deuxième
   importants pour le transport d'espè-                                                   micro-plaie peut lui suffire) ou à défaut
                                               tentative en 1917 et débarque à Bor-
   ces, les coques sont assié-                                                                    sur les orifices naturels.
   gées par une multitude de
   squatters. Les bateaux de                                                                        Ouvrages humains :
   type transporteur, lorsqu'ils
   ont leurs cales vides, doivent                                                                    le canal de Suez
   pour garder leur stabilité                                                                          Avec l'ouverture du canal
   remplir leurs ballasts d'eau                                                                    de Suez reliant la Mer Rouge
   de mer. Des organismes                                                                          à la Méditerranée, on parle de
   planctoniques (larves, grai-                                                                    migration Lessepsienne. Près
   nes, zooplanctons...) seront                                                                    de 325 espèces de la Mer
   rejetés parfois à plusieurs                                                                     Rouge remplacent peu à peu
   milliers de kilomètres de                                                                       les espèces autochtones des
   leur lieu d'origine. Les fleu-                                                                  côtes égyptiennes ou syrien-
   ves aquitains abritent le cra-                                                                  nes (44 espèces de poissons,
   be chinois Eriocheir sinensis                                                                   71 mollusques...).
   ou crabe à mitaine (du fait de
   l'abondante pilosité de ses
   pinces), arrivé sans doute sur les cô-      deaux en compagnie des alliés amé-           Les évadés des élevages
   tes européennes à l'état de larve dans      ricains. Cette fois, notre coléoptère         et lâchers accidentels
   les eaux des ballasts. Ses mœurs car-       progresse rapidement et atteint la
   nivores et terricoles lui ont valu d'êt-    Méditerranée en 1922, toute la Fran-           La plupart des mammifères alloch-
   re classé nuisible, mais depuis une         ce est colonisée à la fin des années       tones (Rat musqué Ondatra zibethicus,
   quarantaine d'années on assiste à une       1920. Fin des années 30, alors que les     Vison d'Amérique Mustela vison...)
   diminution des peuplements.                 troupes allemandes envahissent l'Eu-       proviennent d'individus échappés d'éle-
                                               rope, le doryphore, lui, déferle sur       vages pour la pelleterie. Les introduc-
 - Un "as" des transports, le Doryphore                                                   tions ont eu lieu principalement entre
   Leptinotarsa decemlineata : les Bor-        l'Allemagne et les pays de l'Est. Tou-
                                               te l'Europe est rapidement colonisée.      la fin du siècle dernier et les années 60.
   delais sont parfois qualifiés de "dory-
   phores", mais combien de personnes         - Aedes albopictus est un petit mous-           Le commerce de la fourrure est tel-
   connaissent encore l'origine de ce           tique japonais qui a gagné les Etats-     lement florissant au 19ème siècle que
   surnom ? L'histoire commence aux             Unis en 1985 lors d'importations de       l'on s'inquiète de la raréfaction du Ra-
   pieds des Rocheuses, notre petit co-         pneus usés (il a voyagé dans de l'eau     gondin Myocastor coypus en Argenti-
   léoptère jaune aux bandes rouges             de pluie contenue dans la gaine           ne, pourtant le berceau de l'espèce.
   coule des jours heureux au milieu des        interne du pneu). Il transmet une
   diverses solanacées dont il se délec-        maladie hémorragique, la dengue, et           Extrait de l'encyclopédie d'A.E.
   te. Mais en 1850, la ruée vers l'or va       est également le vecteur de plusieurs     Brehm, "La vie des animaux", datant de
   entraîner la plantation massive de           autres arbovirus responsables d'en-       la deuxième moitié du 19ème siècle :
   pommes de terre pour répondre aux            céphalites. Il s'est propagé très rapi-   "C'est principalement pour en avoir la
   besoins alimentaires croissants. Le          dement, notamment grâce aux vases         peau que l'on chasse Coypou, d'après
   doryphore va particulièrement appré-         des cimetières qui sont ses sites de      les relevés officiels de la douane de Bue-
   cier cette nouvelle venue, à tel point       ponte privilégiés.                        nos-Ayres, la seule province d'Entre-

                           S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
Un phénomène mondial
10

rios fournit 300.000 peaux. Peu         qu'à Bordeaux, où il demeura
à peu il diminua, et aujourd'hui,       plusieurs jours. Au retour, pen-
il faut en quelque sorte le proté-      dant la descente du fleuve, les                      Les parasites
ger aux environs de Buenos-Ay-          huîtres qui se trouvaient dans un

                                                                                     L
res pour le préserver d'une des-        état de putréfaction assez avan-
                                                                                          es parasites sont souvent igno-
truction complète. Sa chair blan-       cé exhalèrent une odeur pesti-
                                                                                          rés, pourtant ils jouent un rôle
che, succulente, est mangée dans        lentielle ; l'équipage incommo-
                                                                                          majeur dans le contrôle des
quelques localités par les indi-        dé n'hésita pas à se débarrasser             populations tant animales que végé-
gènes ; en d'autres endroits, on        au plus tôt des mollusques. L'o-             tales, bien plus que les prédateurs
la dédaigne. Dans les pays ca-          pération se poursuivit en Giron-             sans doute qui ne pourraient subsis-
tholiques, on la sert, en carême,       de entre Richard et Le Verdon.               ter sans la présence de proies infec-
en guise de chair de poisson."          Quelques huîtres avaient survé-              tées.
                                        cu et c'est ainsi que fut créé l'im-
                                                                                     L'un des facteurs de prolifération
   L'installation des                   mense gisement huîtrier naturel
                                                                                     des espèces invasives est l'absence
                                        qui s'étend sur 30 kilomètres, de
  Huîtres portugaises                   la rive gauche de la Gironde,
                                                                                     de la communauté de parasites qui
                                                                                     les affectent habituellement dans
    dans l'estuaire                     depuis Saint-Christoly jusqu'à               leur aire de répartition.
                                        la pointe de Grave et au-delà,
    L'ouvrage paru en 1909 de           envahissant même les huîtrières              Beaucoup d'endoparasites ont, au
Charles Boubée, "L'ostréicult-          de l'île d'Oléron."                          cours de millions d'années, dévelop-
ure àArcachon", nous donne une                                                       pé des cycles très complexes qui
version de l'origine de l'huître                                                     nécessitent à chaque stade larvaire
portugaise sur les côtes girondi-        Phénomènes naturels                         un hôte spécifique (en moyenne, un
nes : "Vers 1866-1867, M. Co-                                                        cycle complet requiert 3 à 4 espè-
                                           La mite asiatique aborda l'A-
ycault, ostréiculteur, fut autori-                                                   ces différentes) ; si l'un vient à
                                        mérique en 1992 avec l'ouragan
sé par l'administration à s'ap-                                                      manquer, le parasite ne peut se re-
                                        Andrews. Elle affecte des                    produire et donc se développer.
provisionner d'huîtres du Tage,         milliers d'arbres fruitiers en Flo-
au Portugal, afin de procéder à         ride, Californie, Texas, Nou-                Ces parasites exogènes peuvent
leur élevage sur le parc dont il        veau Mexique.                                parfois affecter également des espè-
était concessionnaire aux cras-                                                      ces indigènes ; c'est le cas notam-
sats des Grahudes, en vertu d'un                                                     ment d'un plathelminthe Bucephalus
arrêté du préfet maritime du 17                 Mouvements                           polymorphus, responsable de la bu-
décembre 1866. L'abondance de                   des armées                           céphalose, une parasitose qui en-
ce mollusque permettait de l'ac-                                                     traîne une mortalité importante
quérir à des prix très bas dans             Il y a parfois des modes de              chez les cyprinidae européens.
le pays d'origine. Le navire por-       dissémination anthropochore
                                        très surprenants. C'est le cas des           Ce ver est apparu avec l'introduc-
teur de la cargaison, “Le Mor-                                                       tion du Sandre (Stizostedion lucio-
laisien”, chassé par la tempête,        plantes propagées lors des mou-
                                                                                     perca) et de la Moule zébrée (Dreis-
                                        vements des armées parce qu'el-
fut dans l'impossibilité de fran-                                                    sena polymorpha) durant le 19ème
chir les passes du Bassin d'Ar-         les composaient le fourrage des              siècle, deux espèces originaires
cachon, vint chercher un refuge         animaux. On parle de plantes                 d'Europe centrale et de l'Est qui ont
dans la Gironde et remonta jus-         obsidionales. "                              progressé vers l'Ouest en emprun-
                                                                                     tant les nombreux canaux qui re-
                                                                                     lient les bassins fluviaux (le sandre
- Bulletin de la Société Archéologique d'Arcachon, 1981.                             a bénéficié également de nombreux
- Les invasions biologiques, par François Breton, Courrier de                        lâchers).
  l'Environnement de l'INRA n° 32, 1997.
                                                                                     Le cycle est le suivant : le premier
- Biologie et écologie des espèces végétales proliférant en France, Les
                                                                                     hôte intermédiaire est le mollusque,
  Etudes de l'Agence de l'Eau n° 68, 1997.
                                                                                     le second des cyprinidae (Brème
- Les introductions d'espèces dans les milieux aquatiques continentaux en
                                                                                     Blicca bjoerkna, Gardon Rutilus ruti-
  métropole, Bulletin Français de la Pêche et de la Protection des Milieux
                                                                                     lus, Vandoise Leuciscus Leuciscus)
  Aquatiques n° 344-345, 1997.
                                                                                     qui seront consommés par l'hôte
- Les introductions végétales : facteur d'accroissement de la biodiversité
                                                                                     définitif, le Sandre.
  ou menace pour la protection de la nature ? Jacques Lambinon,
  Bioscome Mésogéen 15 (1), 1998.                                                                                   SB
- Les insectes et les hommes, Michel Lamy, Albin Michel.
- Les mouches, Martin Monestier, Le Cherche Midi Editeur.

                          S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
les parasites exogènes
                                                                                                                                11

 Anguillicola crassus                                                                               Docteur Patrick GIRARD,
                                                                                                       Vétérinaire consultant

Exemple d'un nouveau parasite récemment
introduit en France, spécifique de l'anguille.

A
         nguillicola crassus, agent          quence à la fois de la migration des
         responsable de l'anguillicolose,    larves dans la paroi et des déchirures
         est un parasite spécifique de la    de l'épithélium causées par la capsu-
vessie natatoire des anguilles. Ce para-     le buccale des vers adultes qui lais-
site a été introduit en Europe, très pré-    sent des marques. Macroscopique-
cisément en Italie, au début des années      ment, cela se traduit par une opacifi-
80 à partir d'anguilles japonaises im-       cation et un épaississement de la
portées. Grâce à sa grande capacité de       paroi et une diminution du volume
colonisation, ce parasite a ensuite pro-     fonctionnel de la vessie gazeuse,
gressivement envahi la majorité des          voire sa totale dégradation.
pays européens, dont la France où il fut
détecté pour la première fois en Ca-                Conséquences
margue en 1987.
                                                 La vitesse de nage est dimi-
    Anguillicola crassus appartient à la     nuée et d'autres processus patho-
classe des Nématodes. C'est un ver           logiques peuvent être induits.
rond et lisse avec une capsule buccale       Toutefois, les conséquences de
munie d'une couronne de crochets à           l'anguillicolose sur la condition
l'extrémité antérieure. Les larves se        corporelle et sur les migrations
nourrissent de tissus organiques, les        des anguilles vers l'aire de repro-
adultes, de couleur marron noir, sont        duction ne sont pas établies avec cer-         Le cycle du parasite passe par dif-
hématophages, c'est-à-dire qu'ils se         titude à ce jour.                           férents stades larvaires : les oeufs don-
nourrissent de sang. La taille du mâle
                                                 Pour ce qui concerne les mortali-       nent naissance à des larves L1 dans
adulte est de 1 à 2 cm, alors qu'elle
                                             tés, si l'impact pathologique de l'an-      leur coque ovigère, qui vont se diffé-
peut dépasser 3 cm chez les femelles.
                                             guillicolose est bien réel sur les popu-    rencier en larves L2. Ces dernières mi-
   Anguillicola crassus est un parasite      lations d'anguilles d'élevage et se tra-    grent via le canal pneumatique vers le
spécifique et exclusif des anguilles :       duit par des mortalités parfois impor-      tube digestif de l'anguille.
japonaise (Anguilla japonica), améri-        tantes, rien n'est prouvé chez les an-          Là, elles sont excrétées dans le mi-
caine (Anguilla rostrata) et, désor-         guilles sauvages, exception faite d'an-     lieu extérieur où, libres, elles seront en-
mais, européenne (Anguilla anguilla).        guilles du lac Balaton en Hongrie où        suite ingérées par un hôte intermédiai-
                                             des mortalités ont été observées en rai-    re chez qui elles se transforment ensui-
          SYMPTÔMES                          son des fortes densités d'individus et
                                             des températures estivales élevées.
                                                                                         te en larves L3, infestantes pour les an-
                                                                                         guilles. Les anguilles s'infestent en in-
          ET LÉSIONS                                                                     gérant ces hôtes intermédiaires. Ceux-
                                                   EPIDÉMIOLOGIE                         ci peuvent être soit des crustacés planc-
   Les lésions concernent essentielle-                                                   toniques (copépodes, ostracodes), soit
ment la vessie gazeuse. Elles sont plus                                                  des petits poissons (cyprinidés), des
                                                Anguillicola crassus est un parasi-
ou moins sévères et consistent en des                                                    larves d'insectes et d'amphibiens. Les
                                             te dit “polyxène”, c'est-à-dire dont le
hémorragies, une dilatation des vais-                                                    larves L3 ingérées traversent alors la
                                             cycle nécessite le passage obligé par
seaux sanguins, une hypertrophie et un                                                   paroi du tube digestif et migrent vers la
                                             plusieurs hôtes successifs.
épaississement de la paroi de la vessie                                                  vessie natatoire. Dans les parois de cel-
gazeuse, des nécroses localisées, et            Les adultes de A. crassus sont hé-       le-ci s'opère de nouvelles métamor-
une pigmentation du conjonctif exter-        bergés dans la vessie gazeuse où ils se     phoses : d'abord en L4, puis en pré-
ne. Ces lésions correspondent à une          reproduisent. Une femelle de A. cras-       adultes et, enfin, en adultes libres dans
réaction de type inflammatoire, consé-       sus peut pondre jusqu'à 150.000 œufs.       la lumière de la vessie gazeuse.

                          S UD -O UEST N ATURE - R EVUE   TRIMESTRIELLE DE LA   SEPANSO - N° 120-121
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