Les missions de chantiers - Marc Riopel Histoire Québec - Érudit

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Les missions de chantiers - Marc Riopel Histoire Québec - Érudit
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Histoire Québec

Les missions de chantiers
Marc Riopel

Volume 8, Number 3, March 2003

URI: https://id.erudit.org/iderudit/11212ac

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Publisher(s)
La Fédération des sociétés d'histoire du Québec

ISSN
1201-4710 (print)
1923-2101 (digital)

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Riopel, M. (2003). Les missions de chantiers. Histoire Québec, 8(3), 32–36.

Tous droits réservés © La Fédération des sociétés d'histoire du Québec, 2003   This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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Les missions de chantiers - Marc Riopel Histoire Québec - Érudit
AU LAC TEMISCAMINGUE                                                                           la Pointe-à-la-Barbe, à quelques milles au
                                                                                                sud de la mission Saint-Claude. M. Bonin
                                                                                                et son cuisinier, Jean-Thomas Hébert, s'ins-

Les missions de chantiers                                                                       tallent à la rivière Montréal. L'année sui-
                                                                                                vante, Edouard Piché, embauché par Tho-
                                                                                                mas Murray de Pembroke, coupe du bois
                                  Par MARC RIOPEL, historien                                    dans le canton Guigues. L'activité des mar-
                                                                                                chands de bois s'intensifie de manière qu'en
                                                                                                1863, lorsque les pères oblats construisent
  Ce texte est tiré de la brochure suivante : Marc Riopel, Sur les traces des Robes noires      la mission Saint-Claude, cinq chantiers sont
  au Témiscamingue, Ville-Marie, Société d'histoire du Témiscamingue, Collection Mai-           en opération. Pendant l'été 1863, Joseph
  son du Colon no 3,1991, 58 pages. Cette brochure décrit le processus d'implantation           Miron arrive avec sa famille à Opémica,
  du catholicisme sur les rives du lac Témiscamingue, au XIXe siècle. Elle présente le          pour faire le commerce du bois. En 1865,
  travail des missionnaires auprès des j^lgonquins, des bûcherons et des colons. Nous           M. Humphry fait le commerce du bois dans
  avons retenu ici un volet, celui des missions des chantiers forestiers.                       la partie supérieure du lac et construit son
                                                                                                dépôt à l'endroit connu aujourd'hui sous le
                                                                                                nom d'Haileybury. Un peu plus tard,
k e travail des missionnaires au lac             faut attendre en 1836 avant de revoir des      Humphry construit un autre dépôt à la dé-
Témiscamingue comporte un autre volet,           marchands de bois sur les rives du lac         charge de la rivière Kipawa pour approvi-
la mission des chantiers forestiers. Autant      Témiscamingue. Il s'agit des frères            sionner ses chantiers de ce secteur. En
il était important pour le clergé québécois      McConnell qui coupent des arbres à la          1866, les McLaren exploitent à leur tour des
de prendre pied dans des terres dites infi-      pointe Opémica, sur la rive ontarienne du      chantiers sur la rive ontarienne. En 1873,
dèles, autant il s'avérait important de pro-     lac, connu aujourd'hui sous le nom             un entrepreneur construit un premier mou-
téger ses acquis et de poursuivre l'encadre-     McLaren's Bay. En 1840, la Compagnie de        lin à scie au lac Témiscamingue. Propriété
ment religieux auprès des bûcherons ca-          la Baie-d'Hudson diversifie ses activités et   d'Olivier Latour, ce moulin se situe un peu
nadiens-français. D'autant plus que le           se lance dans l'exploitation forestière au     au nord de la décharge de la rivière Kipawa.
temps de l'année où se déroulent les mis-        Témiscamingue. Elle exerce cette activité      Latour fabrique des rames servant à des-
sions des chantiers favorisent l'ajout de        à peine cinq ans. Les bas prix payés pour      cendre les radeaux de bois.
cette tâche aux missionnaires: en effet, ces     le bois équarri sur les marchés obligent non         En 1868, l'État québécois met en
dernières missions se font pendant l'hiver       seulement la Compagnie de la Baie-d'Hud-       vente 5 664 milles carrés de concessions
tandis que celles des Algonquins se dérou-       son mais aussi les frères McConnell à aban-    forestières dans la Mauricie et dans
lent pendant l'été. En ajoutant les visites      donner leurs chantiers en 1843. La Com-        l'Outaouais supérieur. Cette dernière région
des chantiers à celles des Algonquins, le        pagnie fait un autre essai en 1845, mais       est connue sous le nom du Bloc A du Pon-
clergé concrétise son emprise religieuse sur     devant les résultats peu concluants, elle      tiac et englobe le Témiscamingue et une
les habitants du territoire du Témisca-          délaisse cette activité au lac Témisca-        partie de l'Abitibi. En 1874, d'autres con-
mingue, qu'ils soient Algonquins ou Cana-        mingue. Vers 1858, elle débute l'exploita-     cessions forestières sont mises en vente
diens.                                           tion forestière au Grand-Lac Victoria. Pen-    dans la région du Témiscamingue. Ainsi,
                                                 dant sept années consécutives, la Compa-       au milieu des années 1870, les compagnies
L'emplacement des chantiers forestiers           gnie de la Baie d'Hudson embauche des          suivantes exploitent des chantiers forestiers
Avant d'aborder le déroulement des mis-          bûcherons et des équarrisseurs pour ses        autour des lacs Kipawa et Témiscamingue:
sions des chantiers, traçons d'abord un bref     chantiers. M. Angus Cameron agit alors à       Booth, Gillies, McLaughlin et Eddy. En oc-
survol des débuts de l'exploitation forestière   titre de bourgeois du fort au Grand Lac. Les   tobre 1880, des exploitants forestiers achè-
au Témiscamingue. Au 19e siècle, deux pha-       cages de bois mettent deux ans à se rendre     tent 3 243 milles carrés de concessions si-
ses marquent la mise en valeur des forêts        au port de Québec.                             tuées dans le Bloc A. Puis en 1885 et 1905,
témiscamiennes. La première se déroule de               L'exploitation des forêts témisca-      d'autres concessions sont aussi vendues aux
1799 à 1873. Il s'agit alors des débuts timi-    miennes reprend au début des années 1860.      enchères publiques.
des de ce secteur d'activités. La seconde        En 1860, Richard McConnell et ses frères              Ainsi, en 1885,40 chantiers forestiers
phase, 1874 à 1917, se caractérise par l'af-     construisent trois chantiers forestiers au     s'activent autour des lacs Témiscamingue,
fermage de grandes superficies de conces-        même endroit qu'auparavant. Jean-Bap-          Kipawa, des Quinze, Simard et autour des
sions forestières et l'assaut de pineraies       tiste Jolicœur et Joseph Bonin viennent y      rivières Montréal et Blanche, toutes deux
témiscamiennes par les marchands de bois.        travailler la même année. En 1861, ils achè-   situées en Ontario. Deux mille voyageurs
Un premier arbre est abattu sur les rives        tent les concessions forestières de J.-R.      (des bûcherons itinérants embauchés à l'ex-
du lac Témiscamingue en 1799. Ensuite, il        Booth, situées entre la rivière Montréal et    térieur de la région) travaillent dans ces

                                                        HISTOIRE QUEBEC MARS 2003 PAfiE 32
Les missions de chantiers - Marc Riopel Histoire Québec - Érudit
chantiers. En 1900, les exploitants fores-       total, 1 459 bûcherons s'activent dans 36        Sur le lac Kipawa
tiers embauchent 5 000 hommes qui utili-         chantiers, exploités par 16 marchands de
sent 2 000 chevaux dans leurs chantiers.         bois. Le tableau 1 présente le nom du dé-       Dépôt Russell:
Les principaux marchands de bois de cette        pôt, son personnel (nom et fonction), le nom    M. Russell de Renfrew fait chantier sur les
époque se nomment: J.-R. Booth, W.-C.            du propriétaire du chantier, le nombre          limites de M. Pearley.
Edwards, Fraser & Cie, McLaren, Sheppard         d'hommes qu'il contient et dans plusieurs       Premier chantier Russell-Pearley:
& Morse, Gillies Brothers, Hawkesbury            cas, la nationalité et la religion des bûche-   28 hommes, dont 20 Canadiens, avec un
Lumber, Brownson, Klock et McLaghlin.            rons.                                           foreman, M. Duncan Camel.
       Lors des visites des chantiers de 1885                                                    Second chantier Russell-Pearley:
et 1887, le père Mourier, un des mission-        Tableau 1: Le réseau de chan-                   28 hommes, dont 10 anglais, avec un
naires chargés de ces missions, donne des        tiers et de dépôts forestiers en                foreman, M. Steward.
détails fort pertinents sur l'emplacement        1885
des chantiers, le nom de l'exploitant, le                                                        Chantier de M. Charrest:
nombre de bûcherons et leur religion. Ces         Sur le lac Témiscamingue                       20 hommes, tous Canadiens sauf un.
données s'avèrent originales à plusieurs as-                                                     (faiseur de billots pour M. Pearley)
                                                 Dépôt d'Young:
pects. En effet, il s'agit des seules sources                                                    Dépôt de M. Edward:
                                                 Commis, M. Hollrooke, le foreman de la fer-
datant du 19e siècle à fournir autant de                                                         M.M. Ralph, agent, Donning, son beau-
                                                 me et sa dame, monsieur et madame Aylmer.
détails sur les bûcherons, leur nom, leur                                                        père, inspecteur des billots, le jeune
                                                 Premier chantier de M. Young;
nationalité, leur religion et sur les exploi-                                                    Rankin.
                                                 35 hommes, tous Canadiens à part sept et
tants forestiers ainsi que sur l'emplacement                                                     Premier chantier de M. Edward:
                                                 deux ou trois protestants, avec John
des chantiers. Habituellement, les sources                                                       34 environ, moitié anglais, moitié Cana-
                                                 Nagarty comme foreman, un catholique.
fournissent des détails sur les activités d'un                                                   diens, recrutés de la Gaspésie aux frontiè-
                                                 Deuxième chantier de M. Young:
seul marchand de bois, comme les contrats                                                        res du Haut Canada, avec un foreman, M.
                                                 35 hommes, presque tous Canadiens et ca-
d'embauché des bûcherons et des draveurs                                                         Berry.
                                                 tholiques, avec M. Steward comme
pour le compte de l'entrepreneur George
                                                 foreman, un protestant.                         Second chantier d'Edward:
Meech dans le secteur du lac Kipawa dans
                                                                                                 Une trentaine d'hommes, avec un
les années 1860,1870 et 1880. Les manus-         Dépôt de M. Olivier Latour:
                                                                                                 foreman, M. Rice.
crits des chantiers du père Mourier per-         M. Charrest, agent, M. Baril, commis, un
mettent également de valider les renseigne-      jeune du nom de Sauvé, le forgeron nommé        Dépôt de M. Eddy:
ments généraux fournis dans les ouvrages         Patenaude de Chicoutimi dans le Saguenay,       L'agent de M. Eddy est un M. Brock; le cui-
historiques. À titre d'exemple, Augustin         quelques Autrichiens.                           sinier, M. Weasel, un Suisse d'origine.
Chénier écrit, dans ses Notes historiques        Premier chantier M. Olivier Latour:             Chantier de Keesik:
publiées en 1937, qu'en 1885,40 chantiers        35 hommes, parmi lesquels un Iroquois de        25 hommes, dont six Irlandais, tous catho-
forestiers s'activent dans la région et qu'on    Caughnawagae, 3 Autrichiens, un Italien, 4      liques sauf deux, avec un foreman, M. Allan
y retrouve 2 000 bûcherons voyageurs. Les        Irlandais et les autres, Canadiens, avec un     Cameron.
données des manuscrits Mourier, une fois         foreman Irlandais, Pat Foley, et catholique,    Chantier de M. John England:
compilées, permettent d'établir le tableau       et le commis, M. McPherson, un Écossais.        Petit chantier de cinq ou six hommes, tous
1.                                                                                               Canadiens.
                                                 Deuxième chantier de Olivier Latour:
       Jetons un coup d'oeil sur ces infor-      45 hommes, dont plusieurs Autrichiens,          Chantier de M. John Thompson:
mations, concernant les chantiers forestiers     deux ou trois Irlandais et les autres, Cana-    40 hommes, moitié anglais et protestants,
autour des lacs Kipawa et Témiscamingue.         diens, foreman: Rémy Martel                     sous la direction de M. Daniel Fergusson.
Pendant la saison 1885, les marchands de         Premier chantier de M. McLaren :                Chantier de M. Séguin :
bois s'affairent dans trois grands secteurs      46 hommes, dont une vingtaine de Cana-          15 hommes, tous Canadiens et catholiques
de coupe: le lac Témiscamingue, le lac           diens et d'Irlandais, avec un foreman, Alex     (seul chantier canadien-français).
Kipawa et le lac des Loups. En général, les      Wills.
marchands de bois exploitent entre un et                                                         Chantier de M. Eddy:
trois chantiers et un contremaître super-        Second chantier de M. McClaren:                 62 hommes, avec un foreman, M. John
vise tous les travailleurs d'un chantier. Le     Environ quarante hommes, presque tous           McEwen.
nombre de bûcherons dans un chantier, en         Canadiens, de la région de Gatineau, avec       Chantier de M. Eddy:
1885, varie entre 5 hommes pour un très          un foreman, M. Monroe.                          36 hommes, de nationalité et de croyance
petit chantier, 40 pour un moyen et 80 pour      Chantier de M. Jodouin:                         diverses, sous la direction de M. McClaren,
un gros chantier. La moyenne de bûche-           Jodouin fait des billots pour McClaren, avec    un protestant.
rons par chantier se chiffre ainsi à 40. Au      cinq ou six hommes.

                                                        HISTOIRE QUEBEC MARS 2003 PAfiE 33
Les missions de chantiers - Marc Riopel Histoire Québec - Érudit
Sur la Magni Sipi                                 Premier chantier des Banques:                   Premier chantier Booth-Gordon:
                                                   60 hommes, de nationalités et croyances         40 hommes, sous la direction de M.
Premier chantier de M. Eddy:
                                                   diverses, sous la conduite de M. Spierman.      Fergusson.
62 hommes, en majorité Canadiens, sauf
10 Irlandais et quelques protestants, avec         Second chantier des Banques:                    Second chantier Booth-Gordon:
un foreman, M. John Foley, un Irlandais            50 hommes, tous catholiques, sous la di-        25 hommes, sous la direction de M. Taylor.
catholique.                                        rection de M. James Paul, un protestant.        Un autre groupe travaille sous la direction
                                                                                                   de Georges Laplante.
Second chantier de M. Eddy:
                                                    Sur TOstabwaninq                                                     ***
72 hommes (un des plus gros chantiers),
                                                                                                          En 1887, la situation générale ne
d'origines diverses: Canadiens, Français,          Premier chantier de M. Guilmore:
                                                                                                   change presque pas. On retrouve, toujours
Anglais, Irlandais, Écossais, et des catholi-      50 hommes, sous la direction de M.
                                                                                                   selon la mission des chantiers du père
ques et des protestants, sous la direction         McNaughten.
                                                                                                   Mourier, 1 344 bûcherons répartis dans 30
de M. O'Neill, un Irlandais catholique.            Second chantier de M. Guilmore:                 chantiers, pour une moyenne de 44 bûche-
Troisième chantier Eddy:                           58 hommes, presque tous Canadiens et ca-        rons par chantier (à noter que le nombre
52 hommes, presque tous Canadiens et ca-           tholiques, sous la direction de M. Filion.      exact de chantiers est de 34, mais pour 4
tholiques, avec un foreman, M. Ouellette,          Dépôt de M. David Moore:                        d'entre eux, le père Mourier ne fournit pas
un jeune canadien.                                 Pour agent, M. James Cox, pour mesureur         le nombre de bûcherons. De plus, dans
Dépôt de M. White:                                 et inspecteur des billots, M. Locknam et M.     quelques cas, le nombre indiqué est géné-
Un autre puissant bourgeois de chantier, M.        Draper, tous trois catholiques.                 ral, par exemple, une quarantaine de bû-
Hamelin, agent, M. Roary McDonald, ins-            Premier chantier de M. David Moore:             cherons). Dix marchands de bois s'affai-
pecteur des billots, et le cuisinier, M. Ricard.   58 hommes, de nationalité et de religion        rent dans les forêts témiscamiennes,
                                                   diverses, avec un foreman, M. McGilvray,        principalement autour de la rivière Mont-
Premier chantier White:
                                                   un protestant.                                  réal, du lac et de la rivière Kipawa, du lac
80 hommes, de nationalité et de religion
                                                                                                   Albert, du lac Bashing, du lac Bois Franc,
différentes (le plus gros des chantiers pour       Second chantier de David Moore:
                                                                                                   la rivière Mainganisipi (rivière aux Loups),
cet hiver), avec un foreman, M. Makonike.          50 hommes, sous la direction de Patrick
                                                                                                   la rivière du Jardin et le lac Hunter
Second chantier de M. White;                       Cox, frère de l'agent du dépôt de Moore.
                                                                                                   (Hunter's Point). Robert Hurdmann est le
50 hommes, de nationalité et de religion                                                           marchand le plus actif en 1887 avec 14
différentes, sous la conduite de M. James           Sur le lac Kipawa
                                                                                                   chantiers, suivi de Eza Butler Eddy avec
McClean, le commis est un jeune homme              Dépôt II uni m a n n:                           sept, six autres possèdent deux chantiers
du nom de Owens.                                   L'agent M. Spriggs, ancien capitaine du Ja-     chacun (Pearley, Russell, Moore, Gordon,
                                                   son Gould, bateau à vapeur sur le Muskat        Edward, Thompson) et M. Griers en ex-
 Rivière du Jardin                                                                                 ploite un seul.
                                                   Lake près de Pembroke.
Chantier de M. Griers:                             Premier chantier de M. Il uni m ami :                 Lorsque l'hiver est bien installé, les
25 hommes de métier, sous la conduite de           50 hommes, de nationalité et de religion        missionnaires vont rendre visite à ces hom-
M. Haring.                                         diverses, sous la direction de M. Eddy.         mes des chantiers forestiers.
                                                   Second chantier de M. Hurdmann:
 Sur la Kippawa                                    54 hommes, presque tous Canadiens et ca-        Le déroulement des missions de chantiers
                                                   tholiques, sous la direction de M. Kanady,      Vers le milieu du mois de janvier, lorsque la
Dépôt de M. Olivier Latour:
                                                   un catholique.                                  neige couvre les chemins et que la glace
Le cuisinier du dépôt est un nommé Blon-
                                                                                                   porte solidement les lacs et rivières, sonne
din, de Hull, et il y a aussi un Prussien.
                                                                                                   le départ des missionnaires pour la mission
Premier chantier de M. Olivier Latour:              Lac Bois Franc
                                                                                                   des chantiers. Deux missionnaires partent
28 hommes, avec un foreman, M. Laporte,            Dépôt Booth-Gordon:                             pour plusieurs semaines, se rendant de
un Canadien.                                       Une vraie petite tour de Babel: une famille     chantier en chantier donner la mission ca-
Second chantier de M. Olivier Latour :             sauvage résidante sur le lac, la famille de     tholique aux bûcherons. Ils entreprennent
31 hommes, tous Canadiens, sous la direc-          Sévère Férusse, Pierre Pitanamo chef des        un long périple, s'étendant de janvier à mars,
tion de M. Cyrille Larocque.                       Algonquins du lac Kippawa, un Arabe-Sy-         soit avant la période de la fonte des glaces.
                                                   rien tombé là je ne sais trop comment, un              Les missions des chantiers du Témis-
 Sur le Skunk Lake                                 Irlandais nommé Fits-Henry, deux Cana-          camingue débutent à compter de 1864, lors
                                                   diens, Vachon, Morin, un Français,un jon-       du premier hiver passé dans la région par
Dépôt des Banques:                                 glais, M. Gordon junior, avec plusieurs char-   les Missionnaires oblats de la mission Saint-
M. John Thompson est agent et M. McLean,           retiers protestants.                            Claude. Par contre, la présence de bûche-
commis.
                                                          IIIS101 Kl QUEBEC MARS 2003 PAfiE 34
Les missions de chantiers - Marc Riopel Histoire Québec - Érudit
rons catholiques canadiens-français parmi         utiliser des raquettes pour se rendre d'un        le missionnaire mange avec les bûcherons
des îlots de protestants préoccupe les mis-       chantier à l'autre. Utilisant les raquettes       et débute lentement sa préparation pour
sionnaires depuis fort longtemps. Cette            pour la première fois, les pères trouvent        la mission. Vers 21 h 00, la mission com-
préoccupation remonte en fait au début des        l'expérience particulièrement pénible. Une        mence avec le chant de cantiques, l'instruc-
missions algonquines, dans les années 1830.        fois la visite de ces chantiers terminée, ils    tion religieuse, la prière du soir et, la tâ-
L'exploitation forestière s'intensifie, à cette   prennent la direction d'Opémican où s'élè-        che la plus longue, les confessions qui se
époque, dans l'Outaouais où s'activent plu-       vent d'autres chantiers forestiers. Le re-        terminent vers minuit. On installe un con-
sieurs bûcherons dans les chantiers. Les          tour à la mission Saint-Claude s'effectue         fessionnal de fortune à l'aide de deux cou-
missionnaires craignent pour la moralité des      dans des conditions difficiles, une tempête       vertes tendues dans un coin du chantier.
bûcherons catholiques, puisqu'ils côtoient        de neige ayant complètement effacé les tra-       Une fois les confessions terminées, le mis-
à chaque jour des protestants et qu'ils n'ont     ces de leurs chevaux.                             sionnaire va se coucher sur un lit fait de
aucune église ou école à proximité pour ren-              Certains chantiers forestiers se si-      bois équarri, recouvert de branches de sa-
forcer leurs principes catholiques.               tuent à proximité de la mission Saint-            pin comme matelas. À 4 h 00, sonne l'heure
       La peur que les catholiques ne prati-      Claude sur le lac Témiscamingue, tandis           du lever et du début de la messe, à laquelle
quent plus et abandonnent leur religion,          que d'autres, la majorité en fait, s'élèvent      communient les hommes confessés la veille.
hante les missionnaires qui recommandent          beaucoup plus loin. Les missionnaires doi-        Un baril de lard ou de farine sert d'autel.
à leur évêque de s'établir parmi eux ou en-       vent alors préparer leurs affaires et leur        Le missionnaire prêche encore, reçoit ses
core de les envoyer les visiter. Ainsi, dans      traîneau pour un long voyage. Ils reçoivent       auditeurs dans les associations du Saint-
les années 1830 et 1840, débute sur une           l'aide des sœurs Grises à cette fin. Ces der-     Rosaire et de la tempérance. Il fait aussi
base régulière les missions auprès des bû-        nières préparent les habits des missionnai-       une quête parmi les bûcherons. Une fois le
cherons. Ces missions se limitent, dans ces       res, les couvertures, le linge sacré, les li-     jour levé, les bûcherons se rendent à leur
années-là, à la région de l'Outaouais.            vres religieux, le vin de messe et l'autel        travail et le missionnaire reprend la route
       Au début des missions de chantiers,        portatif. Une fois le matériel préparé et les     vers un autre chantier.
le centre des activités des missionnaires est     missionnaires prêts à partir, un charretier              Dans la majorité des chantiers fores-
établi à Ottawa. Par la suite, il déménage à      attelle les chevaux au traîneau et prend la       tiers, les missionnaires sont très bien re-
Maniwaki, puis à la mission Saint-Claude          direction des chantiers. Le frère Moffette        çus, tant de la part des bûcherons que des
du lac Témiscamingue, à compter de 1864,          agit souvent à titre de conducteur des mis-       contremaîtres. Par contre, il arrive que le
et à Mattawa, en 1868. En 1877, trois grou-       sionnaires des chantiers. L'équipage              missionnaire ne se sente pas à l'aise dans
pes de missionnaires se partagent les mis-        s'aventure dans les forêts, utilisant des         un chantier et qu'il y rencontre de l'oppo-
sions des chantiers. Un premier groupe vi-        chemins peu pratiqués, vaguement connus,          sition lorsque celui-ci se compose en ma-
site les rivières Coulonge, Rivière Noire,        dont les pistes sont souvent recouvertes de       jorité de gens d'autres religions. Ainsi, ra-
Dumoine et des Outaouais, de Pembroke à           neige. Le voyage se faisant par une tempé-        conte le père Mourier, un jour il se rend
la Roche Capitaine. Un second groupe se           rature assez froide, il arrive fréquemment        dans un chantier composé de 10 catholi-
voit confier le secteur formé des lacs            que les missionnaires se gèlent les pieds,        ques et de 20 protestants. La mission du
Témiscamingue et Kipawa, des rivières             les doigts ou encore la figure. Le voyage         soir et les confessions se déroulent bien.
Maganasipi, Mattawa et des Outaouais, de          d'un chantier à l'autre se fait pendant le        Le lendemain matin, le père Mourier se
la Roche Capitaine à la tête du lac Témis-        jour. Parti tôt le matin d'un chantier, l'équi-   prépare à chanter la messe, au milieu des
camingue et du lac Nipissing. Finalement,         page arrive à la fin de l'après-midi à un         rires et des discussions des protestants,
un troisième groupe se charge, à partir de        autre campement. Une fois rendu dans un           ayant même, précise-t-il, gardé leur tuque
Hull du même territoire que le premier            secteur précis en forêt, les deux mission-        et la pipe au bec. Lorsqu'arrive le temps
groupe, en plus des rivières Madawaska,           naires se séparent les chantiers à visiter.       de la messe, l'atmosphère ne change pas.
Bonnechère et Petewawa.                                   Si le missionnaire arrive assez tôt au    Le père Mourier leur dit alors de rester
       Au Témiscamingue, les missionnai-          chantier, il accueille les bûcherons à leur       polis, de respecter le silence pendant l'of-
res exercent la mission des chantiers de-         retour du travail, vers 16 h 00 ou 17 h 00.       fice religieux, d'enlever leur tuque et de
puis leur établissement sur lesrivesdu lac        Il discute avec eux, s'informe de leur état       serrer leur pipe. Les protestants obéissent
Témiscamingue, soit à l'hiver 1864. Cet           civil, de leur provenance. Certains mission-      alors sans riposter. Les missionnaires clas-
hiver-là, les pères Lebret et Pian rendent        naires se livrent même à quelques jeux            sified les chantiers selon trois catégories:
visite aux bûcherons des chantiers du lac         avec les bûcherons, notamment le tir au           les bons, les douteux et les mauvais. Dans
Kipawa et du lac Témiscamingue. Ils par-          poignet. Le père Louis Reboul, un des plus        certains cas, le missionnaire refuse de dire
tent de la mission Saint-Claude en traîneau,      célèbres missionnaires des chantiers de           la messe le lendemain si les hommes ne se
tiré par des chevaux, jusqu'au lac Kipawa,        Mattawa, adore particulièrement le tir au         sont pas confessés la veille. Plusieurs bû-
guidés et accompagnés par un Algonquin.           poignet et, selon les sources consultées, il      cherons, au travail dans la région, sont
Les deux missionnaires doivent ensuite            perd rarement une confrontation. Ensuite,         anglophones et protestants. Il arrive que

                                                          HISTOIRE QUEBEC MARS 2003 PAfiE 35
des chantiers réunissent uniquement de ces       Tableau 2: Les missionnaires                    missionnaires entreprennent les missions
gens d'autre religion, alors le missionnaire     des chantiers, 1863-1881                        des chantiers forestiers, afin de rappeler
ne rencontre pas d'oreilles attentives à ses     1863    Pian et Mourier                         aux bûcherons catholiques leurs origines
propos.                                          1864    Pian et Mourier                         et leurs principes religieux.
      Malgré quelques accrochages occa-          1865    Pian et Lebret                                 Les écrits des pères oblats indiquent
sionnels de ce genre, les missionnaires ne       1866    Lebret et Guéguen                       que les missions de chantiers connaissent
rencontrent pas de grande résistance au          1867    Lebret et Guéguen                       des succès intéressants, tant au niveau spi-
déroulement de la mission catholique. Dans       1868    Lebret et Guéguen                       rituel que matériel. En effet, concernant le
un rapport daté de 1872, le père Vanden-         1869    Pian et Nédelec; Guéguen seul;          spirituel, les bûcherons catholiques parti-
berghe écrit que les visites de chantiers                Nédelec et Poitras                      cipent, en général, assidûment à la mission
rapportent l'année précédente à la congré-       1870    Guéguen et Nédelec                      et les bûcherons protestants n'entravent
gation la somme de 1 532$. Dans une let-         1871    Poitras et Guéguen                      pas le travail du missionnaire, sauf en quel-
                                                 1872    Pian et Guéguen; Guéguen et
tre adressée au provincial des oblats en                                                         ques occasions. Les contremaîtres de chan-
                                                         Nédelec
1886, le père Therrien, directeur de la mis-                                                     tiers, la majorité du temps protestants, ne
                                                 1873    Guéguen et Poitras
sion Saint-Claude, écrit que la mission des                                                      s'opposent pas à la venue du prêtre catho-
                                                 1874    Nédelec et Poitras; Guéguen et
chantiers rapporte annuellement 1 000$,                  Nédelec                                 lique, lui facilitant même le travail en le
somme qui sert à entretenir la résidence         1875    Guéguen et Nédelec                      logeant et le nourrissant. Les plus gros îlots
du lac Témiscamingue.                            1876    Guéguen et Prévost                      de résistance se situent dans les chantiers
       Les visites des travailleurs forestiers   1877    Poitras et Guéguen, conduit par le      composés presqu'uniquement de protes-
ne s'arrêtent pas uniquement aux bûche-                  frère Moffette                          tants. Mais encore là, ce n'est pas tragique
rons. En effet, au printemps et à l'été, les     1878    Guéguen et Prévost, conduit par le      puisque le but de ces missions consiste plus
missionnaires visitent également les                     frère Moffette                          à protéger les âmes des catholiques qu'à
draveurs et les travailleurs du chemin de        1879    Guéguen et Prévost, conduit par le      convertir celles des protestants. Au niveau
fer. Lors d'une mission au Long-Sault à l'été            frère Moffette                          matériel, la quête ramassée dans les chan-
                                                 1880    Mourier, Guéguen et frère Verrette;     tiers se chiffre à 1 000 $ annuellement dans
1886, le père Mourier rencontre les tra-
                                                         Mourier et Nédelec                      les années 1870 et 1880. Elle sert en par-
vailleurs du chemin de fer entre Mattawa
                                                 1881    Mourier et Guéguen; Guéguen et          tie à financer l'entretien de la résidence
et le pied du lac Témiscamingue. À ces vi-               Nédelec;
sites, il ajoute celles des familles vivant à                                                    Saint-Claude et de ses habitants. Les som-
                                                         Pian et Laverlochère autour lac
l'embouchure des rivières Kipawa, Gordon                                                         mes recueillies démontrent une partie de
                                                         Témiscamingue
et Montréal, et celles du Long-Sault. Il pro-    1882    Guéguen et Nédelec                      l'appréciation des bûcherons catholiques.
fite du passage d'une cage de bois pour al-      1883    Guéguen et Paradis; Mourier                    La réussite des missions des chan-
ler y rencontrer les draveurs. Le père passe             autour du lac Témiscamingue             tiers était tout de même facile à prévoir
une journée sur cette cage de bois, à dire       1884    Guéguen et Paradis; Mourier             puisque les missionnaires travaillent en
la mission et à confesser les travailleurs. Il           autour du lac Témiscamingue             terrain connu, auprès d'une clientèle ga-
couche sous la tente levée sur ce radeau         1885    Guéguen et Mourier                      gnée à l'avance. Contrairement au travail
de bois. Tôt le lendemain matin, des jeu-        1886    Guéguen et Mourier                      auprès des Algonquins, où les missionnai-
nes hommes préparent un autel: certains          1887    Guéguen et Mourier
                                                                                                 res doivent imposer de nouvelles croyan-
coupent des arbres, amassent de la verdure       Conclusion                                      ces, la mission des chantiers fournit l'oc-
d'érable, pendant que d'autres préparent         Après l'établissement permanent au milieu       casion aux bûcherons de pratiquer leur
un petit autel rustique. Une fois la mission     des Algonquins du lac Témis-camingue, les       religion. Il faut tout de même relativiser ce
terminée, cinq hommes conduisent le père         missionnaires poursuivent leur travail          succès puisque, même s'ils participent as-
Mourier en bateau à Opémican, à l'auberge        d'implantation du catholicisme dans la ré-      sidûment à la mission, il n'est pas certain
tenue par Joseph Jodoin. Le père rencon-         gion en s'attaquant cette fois-ci à un groupe   que tous les bûcherons exercent quotidien-
tre d'autres draveurs, campés ici et là sur      connu, les bûcherons canadiens-français et      nement leur religion par des prières ou
le lac Témiscamingue. Puis, sa mission ter-      catholiques. Le but de ces missions consiste    autres gestes. Les bûcherons sont aussi
minée, il embarque à bord du Mattawan,           en la protection des valeurs et croyances       reconnus pour leur parler entrecoupé de
amarré à Opémican, et gagne la mission           catholiques des bûcherons ayant été bap-        nombreux sacres et jurons. La sortie des
Saint-Claude, marquant la fin de sa mis-         tisés et élevés selon les principes de cette    bûcherons des chantiers s'accompagne
sion d'été.                                      religion. Une fois loin de leur paroisse na-    souvent de longues soirées de fêtes, ce qui
      Dans le Codex historicus de la mis-        tale et au milieu de protestants, les mis-      tracasse à maintes reprises les missionnai-
sion Saint-Claude, le père Mourier trace un      sionnaires craignent de perdre ces bûche-       res, ainsi que leurs discours en témoignent.
tableau des missionnaires des chantiers fo-      rons au profit du protestantisme ou de
restiers de 1863 à 1881.                         l'athéisme. Pour contrer cette menace, les

                                                        HISTOIRE QUEBEC MARS 2003 PAfiE 36
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