Les multiples dimensions de la coopération euro-méditerranéenne
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Les multiples dimensions de la coopération euro- méditerranéenne Par Eduardo Sánchez Monjo Monjo, IEAP, depuis 1994 L a réalité que l’on rencontre dans le cadre euro-méditerranéen est complexe, elle est le fruit d’une histoire commune qui a connu des périodes de paix mais aussi bien des vicissitudes. Elle est le résultat d’une situation politico- économico-sociale contrastée qui se caractérise par une faible interrelation économique parmi les pays appelés Partenaires méditerranéens (PM), et est marquée par des événements survenus ces dernières années qui sont encore présents dans toutes les mémoires. C’est dans ce contexte qu’un certain nombre de politiques communautaires ont été lancées pour relever les défis que représente la zone méditerranéenne. La coopération euro-méditerranéenne a été développée au travers de diverses politiques communautaires depuis les années 60 du siècle dernier, et ces politiques ont résulté dans différents programmes de coopération. Ces instruments furent à la fois de portée régionale (pour l’ensemble des Partenaires méditerranéens qui étaient au début au nombre de 12: Algérie, Autorité palestinienne, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie; depuis mai 2004, Chypre et Malte ont rejoint l’UE), et bilatérale (pour chacun d’eux pris individuellement). Ce que l’on appelle aujourd’hui le Partenariat euro-méditerranéen n’est pas une création ex-novo, mais a été précédé d’un certain nombre d’autres initiatives et est le fruit d’une décision prise en commun par l’UE et les PM. A partir des années 60, ce sont les accords commerciaux bilatéraux, au cours des années 70 les accords également bilatéraux de coopération financière et pour la période 1972-1990 la Politique globale méditerranéenne qui reposait sur deux instruments de base: les préférences tarifaires (exemptions pour certaines exportations, principalement de nature agricole) et les accords de coopération technique et financière (aides à l’industrie, à des projets de formation et de recherche). Ensuite, entre 1990 et 1996, on lança la Politique méditerranéenne rénovée qui visait à renforcer les mesures de soutien pour la réforme de l’économie des pays de la Méditerranée méridionale et orientale; encourager les investissements privés; accroître le financement bilatéral et communautaire des ajustements structurels; ouvrir l’accès au marché de l’UE; et renforcer le dialogue politique et économique. Lors du Sommet européen de Essen en décembre 1994, les chefs d’Etat et de gouvernement définirent la nouvelle stratégie de l’UE par rapport à la Méditerranée, qui se voulait plus audacieuse, suivait une approche différente et devait servir pour réaliser des objectifs plus ambitieux; ils confirmèrent l’idée d’un partenariat euro-méditerranéen et se mirent d’accord sur la tenue de la Conférence de Barcelone en novembre 1995. Cette conférence marqua le début du Processus de Barcelone et déboucha sur la Déclaration de Barcelone. EIPASCOPE Numéro spécial 25ème anniversaire 81
Eduardo Sánchez Monjo La Déclaration de Barcelone et le Partenariat euro-méditerranéen La Déclaration de Barcelone de novembre 1995 comporte 3 volets. Le volet politique et de sécurité se compose de trois parties complémentaires: le dialogue politique aux niveaux bilatéral et régional; les mesures de renforcement du partenariat et la Charte pour la paix et la stabilité. Le volet économique et financier vise la création d’une zone de prospérité partagée moyennant l’établissement d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010. Le volet culturel, social et humain souligne l’importance du dialogue entre les cultures et entre les religions; l’importance du rôle des médias dans la connaissance et la compréhension réciproques entre les cultures; et le développement des ressources humaines dans le domaine culturel. Il prévoit aussi des échanges culturels, l’apprentissage des langues et la mise en oeuvre de programmes scolaires et culturels qui respectent les identités culturelles. Quant au volet parlementaire du Processus de Barcelone, il est représenté par l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM). Cette assemblée se réunit au moins une fois par an en session plénière. Sa présidence change chaque année afin de garantir parité et alternance Nord-Sud. 120 membres de l’APEM sont issus de l’UE et 120 des 10 pays méditerranéens associés au Processus de Barcelone. Elle comporte trois commissions parlementaires: 1) Partenariat politique et de sécurité; droits de l’Homme. 2) Economie, finances, affaires sociales et éducation. 3) Promotion de la qualité de vie, des échanges humains et de la culture. Après la Déclaration de Barcelone, la Commission européenne a lancé deux grandes initiatives représentées par les documents “Agenda 2000” et la “Politique de nouveau voisinage” (en 2003) en vue de renforcer le partenariat euro-méditerranéen. En ce qui concerne l’Agenda 2000, on envisageait des mesures destinées à renforcer les liens entre l’UE et les PM, et le développement durable chez les PM; ce dernier était un défi à relever et pour ce faire il fallait s’appuyer sur les mesures contenues dans la Déclaration de Barcelone, en tout cas pour stimuler les liens Sud-Sud et l’accroissement des échanges commerciaux. La Politique européenne de voisinage (PEV), a pour objectifs généraux la réduction de la pauvreté, la création d’un espace de prospérité, en n’oubliant pas la nécessité de conduire des réformes économiques en vue de la mise à niveau de ces pays dans la perspective de leur participation au Marché intérieur, avec le rapprochement des normes et des règles compatibles. L’un des éléments clés de la PEV repose sur les plans d’action PEV bilatéraux approuvés bilatéralement par l’UE et par chacun des pays partenaires. Ceux-ci définissent un programme de réformes économiques et politiques avec des priorités à court et à moyen terme. A présent, la mise en oeuvre des premiers plans d’action approuvés début 2005 a commencé (Israël, Jordanie, Maroc, Autorité palestinienne et Tunisie) et d’autres plans d’action sont en cours de négociation, notamment avec l’Egypte et le Liban. Les objectifs de réforme convenus par l’UE et le pays partenaire embrassent plusieurs domaines, notamment la coopération sur les questions politiques et de sécurité; des problèmes économiques et commerciaux, un souci écologique commun, l’intégration des réseaux de transport et d’énergie ou la coopération culturelle et scientifique. Dans le cadre de ces accords, l’UE apporte une assistance technique et financière à la mise en oeuvre de ces objectifs et soutient ainsi les efforts réalisés par nos partenaires. Dès 2007, dans le cadre de la réforme des instruments d’assistance communautaire, les programmes MEDA et TACIS seront remplacés par un instrument unique: l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). La PEV peut être vue comme un type d’accord “à la carte” qui donne aux partenaires pris individuellement la liberté d’une intégration plus profonde avec l’UE sur certains plans de l’acquis communautaire qu’ils souhaitent appliquer dans leur propre contexte. La PEV propose une approche fondée principalement sur la différenciation entre les pays. L’idée est que chaque partenaire est conscient de ses capacités propres, de ses institutions, de ses priorités et de ses besoins d’harmonisation avec l’UE. 82 www.eipa.eu
Les multiples dimensions de la coopération euro-méditerranéenne La contribution du Centre Européen des Régions (CER) Depuis ses débuts, le CER a toujours eu une vocation euro-méditerranéenne. Quelques mois après le lancement du Processus de Barcelone, le CER présenta à la CE et au Comité euromed une initiative appelée “Formation des administrations et institutions publiques des PM dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen 2001-2003”. Dans la suite de cet article, on présentera 3 programmes euro-méditerranéens que le CER, constitué en tant qu’Unité de gestion du programme (UGP), gère depuis Barcelone, en étroite collaboration avec la Direction générale EuropeAid Office de coopération de la Commission européenne. Ces trois programmes de la CE financés au titre du Programme MEDA sont: le Programme EuroMed Marché; le Programme EuroMed Formation des Administrations publiques; et le Programme EuroMed Justice. Les bénéficiaires directs de ces programmes sont les participants venant des Partenaires méditerranéens; cependant, ces programmes sont également ouverts à la participation d’experts des 25 Etats membres de l’UE. (1) Le Programme EuroMed Marché. Ce programme de coopération industrielle et marché intérieur de la Commission européenne (CE) de portée régionale pour l’ensemble des 27 Partenaires euro-méditerranéens (35 depuis mai 2004), doté d’une enveloppe budgétaire de 9,2 millions d’euros et d’une durée initiale de 3 ans, s’inscrit dans le volet 2 de la Déclaration de Barcelone de novembre 1995 visant la création dans le pourtour méditerranéen d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010. Lancé en juin 2002, ce programme devait normalement se terminer en mai 2005. Cependant, la Commission européenne a décidé à deux reprises de le prolonger d’un an, tout d’abord jusqu’à mai 2006 et ensuite jusqu’à mai 2007. Par conséquent, la durée totale du programme sera de 5 ans. Dans ce programme régional, une série de 8 domaines prioritaires relatifs au Marché intérieur ont été définis, présentés et débattus: Libre circulation des marchandises; Douanes, fiscalité et règles d’origine; Marchés publics; Droits de propriété intellectuelle; Protection des données personnelles et commerce électronique; Audit et comptabilité; Services financiers; et Règles de concurrence. Ce programme entend, entre autres, contribuer à l’adoption de toute une série de mesures pour soutenir le bon fonctionnement de la zone de libre- échange: rapprochement législatif, règlements, procédures, adoption de normes communes entre les Partenaires méditerranéens et les Etats membres de l’UE; en outre, il est prévu de mettre en place des structures et organes de surveillance afin de favoriser les échanges. Ce programme comporte des activités d’information sur la situation dans l’UE et les pays méditerranéens dans les domaines susmentionnés et des activités de formation et de mise en réseau moyennant 55 séminaires, ateliers, conférences ou activités de formation de formateurs, 60 visites d’études, et 5 missions d’experts (assistance technique ciblée). Il prévoit aussi la réalisation de 4 études comparatives, respectivement sur la propriété intellectuelle, la promotion du commerce, la concurrence et les marchés publics. Les deux premières études sont à présent terminées. Parmi les autres actions déployées dans ce cadre, signalons 8 études comparatives sur les 8 domaines prioritaires, 3 publications et de nombreux cédéroms contenant de la documentation ad hoc. Les participants au programme (environ 1900 au total) sont des experts des administrations publiques pour la plupart, et aussi du secteur privé, des 35 Partenaires euro- méditerranéens. Normalement, ils sont issus des ministères de l’Industrie, du Commerce, de l’Economie, des Finances, Transports et Communication, Affaires étrangères, etc. A signaler également que ce programme possède son propre site Internet (euromedmarche.org) qui est un outil d’information et de mise en réseau parmi les participants. Bien que de portée régionale, ce programme comporte aussi des activités de portée intrarégionale et bilatérale. Si les activités organisées à l’intention de l’ensemble des 10 PM ont lieu presque toujours dans les Etats membres de EIPASCOPE Numéro spécial 25ème anniversaire 83
Eduardo Sánchez Monjo l’UE, celles de portée intrarégionale se tiennent généralement dans les pays partenaires méditerranéens, en veillant à une juste répartition des sièges. Il est à souligner qu’un certain nombre d’activités ont été réalisées pour les pays signataires de l’Accord d’Agadir (Egypte, Jordanie, Maroc et Tunisie) et que chacun de ces pays a accueilli une ou plusieurs activités de ce type. En ce qui concerne les activités bilatérales, on a organisé des visites d’études d’experts provenant des PM dans les administrations des Etats membres de l’UE et des missions d’experts européens dans les administrations de certains PM. (2) Le “Programme de formation et conseil en administration publique pour les Partenaires méditerranéens” (Programme EuroMed Formation des Administrations publiques) de la Commission européenne est financé au titre du Programme MEDA. Il y a lieu de préciser que ce programme est le prolongement de l’initiative prise par la Commission européenne dès l’année 2000 et qui se traduisit par la tenue d’une conférence organisée par le CER à Barcelone les 7 et 8 février 2000 sous le titre “Réunion des représentants des administrations publiques des Partenaires euro-méditerranéens dans le cadre du Partenariat euro- méditerranéen”. Ce programme s’inscrit dans le volet 2 de la Déclaration de Barcelone de novembre 1995 et vise à dispenser une formation sur les affaires européennes à des fonctionnaires du Sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient; il envisage aussi la création d’un réseau de centres de formation en administration publique entre les Partenaires euro-méditerranéens. D’une durée de 3 ans (janvier 2004-janvier 2007), prolongé de 6 mois (jusqu’à juillet 2007) et doté d’une enveloppe budgétaire de 6 millions d’euros, ce programme s’adresse aux 10 Partenaires méditerranéens. Il comporte 4 modules: 1) Connaissances de base sur l’UE; 2) Connaissances approfondies sur l’UE (notamment libre circulation des marchandises, concurrence, politique agricole commune, marchés publics, union économique et monétaire, etc.); 3) Gestion de programmes communautaires; 4) Actions de formation de formateurs; ainsi que la création d’un réseau de centres de formation en administration publique. L’objectif est de faciliter la création de la zone de libre-échange en 2010, renforcer la capacité institutionnelle et administrative et les aptitudes gestionnaires par rapport aux questions présentant une dimension Séminaire dans le cadre du Programme EuroMed communautaire, accroître la capacité d’absorption des programmes, Justice sur “Les échanges d’information non judiciaire promouvoir la coopération inter et intrarégionale, faire connaître les affaires et leur exploitation de procédure”, Bruxelles, 15-18 mai 2006. communautaires ainsi que la situation chez les PM. De gauche à droite: Khaled Abouali, Juriste et Le groupe cible est composé de fonctionnaires provenant de différents criminologue, Attaché au Service du Président, Service ministères des PM qui sont chargés de dossiers communautaires dans leur des relations internationales, Service public fédéral travail quotidien. Justice, Belgique; Eduardo Sánchez Monjo, Directeur de l’IEAP-CER; Laurette Onkelinx, Vice-Premier ministre Les Etats membres de l’Union européenne sont aussi impliqués dans ce et Ministre de la Justice, Belgique; Anna Abariotou, programme par des fonctions de conseil, de participation dans la formation Administrateur principal du Programme EuroMed en cas de besoin ainsi qu’à travers leur participation au réseau de centres de Justice, DG Office de coopération EuropeAid, formation des administrations publiques. Commission européenne. Au total, quelque 1550 personnes devraient bénéficier des 40 activités (séminaires, ateliers et conférences) de ce programme. (3) Le Programme EuroMed Justice est financé par le Programme MEDA de la CE (2 millions d’euros) et s’inscrit dans le volet 1 de la Déclaration de Barcelone: le volet politique et de sécurité. Il vise à créer une communauté interprofessionnelle de juges, magistrats, procureurs, avocats et greffiers au service d’une justice ouverte et moderne renforçant l’Etat de droit et la poursuite effective des droits de l’Homme. Ce programme de formation a une durée de 30 mois, de janvier 2005 à juin 2007, période qui verra l’organisation de 20 séminaires et 5 réunions préparatoires. Les 10 Partenaires méditerranéens participent aux séminaires avec une délégation composée de 2 membres des professions judiciaires, généralement des magistrats et/ou procureurs. Au total, ce programme devrait profiter à quelque 400 membres des professions judiciaires. Les séminaires sont regroupés en 5 thèmes et chaque thème comporte 4 84 www.eipa.eu
Les multiples dimensions de la coopération euro-méditerranéenne séminaires. Ces thèmes sont: (1) Initiation et formation à la coopération et l’entraide judiciaire internationale en matière pénale. (2) Terrorisme et interconnexion des réseaux criminels. (3) Dimension internationale des procédures financières; criminalité économique et financière, en particulier le blanchiment d’argent. (4) Initiation et formation à la coopération et l’entraide judiciaire internationale en matière civile. (5) Gestion et administration de la justice: gestion des procédures, informatisation. Compte tenu de l’évidente dimension internationale des thèmes judiciaires aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de renforcer la coopération et l’entraide judiciaire, mais pour cela il nous faut: mieux connaître nos systèmes et la législation judiciaires tout en tenant compte des spécificités propres à chaque pays et de la souveraineté de chaque gouvernement. Le programme n’entend pas réformer la formation chez les PM, mais vise plutôt à promouvoir des échanges d’expériences et d’information, à travailler ensemble et à mieux se connaître en vue d’une bonne coopération; il vise aussi à créer des liens personnels et institutionnels parmi les participants aux activités. En guise de conclusion Cette politique de grande envergure, telle qu’elle a été conçue par le Partenariat euro-méditerranéen, qui fut lancée par l’UE, a été confirmée et réaffirmée 10 ans plus tard par tous les gouvernements de la région et les institutions communautaires à l’occasion du Sommet européen de Barcelone en novembre 2005. Toutes les autorités présentes ont souligné la nécessité et l’importance de ce forum unique, dans lequel les 10 PM sont assis aux côtés des Européens autour d’une même table pour connaître et débattre de questions d’intérêt commun tendant à améliorer les conditions de la région. Grâce aux programmes et initiatives euro-méditerranéens d’information et de formation, de portée bilatérale mais aussi régionale, financés par le Programme MEDA (à partir de l’année prochaine par l’IEVP), les responsables et experts des 10 PM débattent de questions générales ou sectorielles les intéressant afin d’améliorer leurs connaissances techniques. Cet échange d’expériences et ce travail en commun conduisent également à des rencontres personnelles qui facilitent à leur tour l’échange d’expériences et le développement de réseaux. Le contexte international et régional a été et demeure complexe et instable, ce qui a supposé une difficulté supplémentaire, mais aussi un défi qui en a valu la peine. La Méditerranée redeviendra une zone de paix et de stabilité, de prospérité partagée dans laquelle prévaudront le dialogue, le respect et la compréhension mutuelle. Note: Pour de plus amples informations sur le Partenariat euro-méditerranéen, consulter le site europa.eu, plus particulièrement le site d’EuropeAid Office de coopération, ainsi que le site de la Politique européenne de voisinage. :: Note * Eduardo Sánchez Monjo, Directeur du Centre européen des régions (IEAP-CER), Antenne de l’IEAP à Barcelone. EIPASCOPE Numéro spécial 25ème anniversaire 85
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