Les scénarios de scission des banques

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Fiche 4

                  Les scénarios de scission des banques
La question de la «scission» éventuelle d’EDF est                 On espérait donc, dans ce contexte, que le
née le 22 mars 2016 d’une audition d’Emmanuel                     Ministre de l’économie désignerait clairement
Macron, alors Ministre de l’économie. Il évoquait                 la cause principale des déséquilibres écono-
: «Quant à la régulation du prix du nucléaire, je ne              miques et financiers de l’entreprise : le marché
l’exclus pas : c’est une voie intéressante pour le nou-           libéralisé de l’électricité mis en place par les
veau nucléaire ; c’est d’ailleurs celle qu’empruntent             directives européennes depuis 1996 n’est tout
les Britanniques. Mais elle est difficile à envisager             simplement pas adapté au secteur électrique et
pour le parc historique, en raison des dérégulations              constitue une menace pour l’existence des opé-
qui nous ont été imposées. La solution d’une sortie               rateurs et pour la sécurité d’approvisionnement
d’EDF de la Bourse n’est pas privilégiée aujourd’hui.             des consommateurs. Il est urgent de soustraire
Je suis prêt à en examiner le principe, mais j’appelle            le parc nucléaire d’EDF aux effets dévastateurs
votre attention sur le fait qu’elle n’aurait de sens que          de ces dérèglements. Les problèmes financiers
pour la partie «nucléaire France», et pas pour le reste           que traverse l’entreprise ne trouveront aucune
d’EDF : elle impliquerait donc un démantèlement                   solution durable sans le retour à une forme de
du groupe […] Le statut d’objet coté du nucléaire                 régulation des prix de vente de l’électricité nu-
français n’est pas satisfaisant […] compte tenu des               cléaire.
contraintes de production, du parc installé, de la ré-
gulation, de la fixation des tarifs par l’État et les liens       Si ces constats, depuis longtemps portés par la
incestueux entre l’État actionnaire, l’État régulateur            FNME CGT, font aujourd’hui l’unanimité, force
et l’entreprise».                                                 est de constater qu’Emmanuel Macron men-
                                                                  tionne l’éventualité d’une régulation des prix
La déclaration du Ministre révèle les ambiguïtés d’un             avec beaucoup de prudence, et en insistant
scénario de scission. Il y est question pêle-mêle de              avant tout sur les obstacles juridiques que sou-
réguler le prix du nucléaire en France, de retirer EDF            lèverait un tel projet. On notera aussi que les ta-
de la cotation boursière, ou encore de surmonter les              rifs réglementés de vente pour les entreprises
contradictions entre Etat régulateur et Etat action-              (tarifs «jaunes» et «verts») ont été supprimés
naire. Mais l’articulation de ces différents objectifs            sous le ministère d’Emmanuel Macron.
n’est pas claire, et leur lien avec un projet de scission
n’est pas davantage explicité. De fait, si les «fuites»           De fait, face à la crise de confiance menaçant la
distillées dans la presse ont évoqué divers montages              stabilité financière d’EDF, l’Etat s’est strictement
financiers, aucune n’a répondu à la question : à quoi             borné à recapitaliser l’entreprise et à exiger en
servirait une scission d’EDF ?                                    contrepartie un plan d’économies, portant no-
                                                                  tamment sur les effectifs. Emmanuel Macron
Il importe avant tout de rappeler le contexte                     a ainsi beau jeu de pointer les contradictions
des déclarations d’Emmanuel Macron, début                         entre Etat régulateur et Etat actionnaire. Sous
2016 : une inquiétude grandissante quant à la                     son ministère, l’Etat s’est strictement cantonné
situation financière d’EDF, la démission du di-                   dans un rôle classique d’actionnaire, refusant
recteur financier du groupe, qui alerte sur le ni-                d’assumer sa responsabilité de régulateur. Une
veau de la dette, la fébrilité grandissante d’une                 énième occasion manquée pour le pouvoir po-
partie des dirigeants et des administrateurs au-                  litique.
tour du projet Hinkley Point C ; le tout sur fond
de difficultés industrielles et financières d’ARE-                Les analystes financiers, toujours à l’affût des
VA et de sauvetage par EDF, sur injonction de                     scénarios pouvant alimenter la spéculation sur
l’Etat. Ces inquiétants soubresauts avaient alors                 le titre EDF, se sont néanmoins emparés de
motivé l’audition du Ministre de l’économie par                   l’idée d’une scission de l’entreprise. Cepen-
les députés.                                                      dant, les ambigüités de l’ancien Ministre de

                         12 novembre 2018 - Conférence de presse FNME CGT
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l’économie pouvaient nourrir des interprétations          Au plan financier, la régulation des prix confère-
diverses. Les notes d’analystes pourraient ainsi être     rait à France Nucléaire un profil d’emprunteur
classées en deux écoles : certaines prônent une           sûr, avec une forte capacité d’endettement. Na-
scission couplée à une régulation des prix du nu-         tixis propose donc que «France Nucléaire» re-
cléaire, tandis que d’autres, inspirées par le modèle     prenne une grande partie de la dette actuelle
des groupes allemands (RWE et E.ON) portent l’idée        d’EDF SA. Observons que ce transfert néces-
d’une restructuration «sèche», sans régulation des        site l’accord des détenteurs d’obligations. Dans
prix du nucléaire.                                        le scénario le plus favorable, France Nucléaire
                                                          pourrait reprendre 16 Mds € de dette, ce qui
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Le scénario Natixis                                       21,6 Mds €.
Les analystes de Natixis, JP. Morgan ou Oddo BHF
reconnaissent la nécessité d’engager un chantier          D’autre part, le nouveau EDF SA n’aurait plus
juridique de régulation des prix du nucléaire, ce         à souffrir de l’exposition du parc nucléaire aux
qui constitue le fondement de leur analyse. Néan-         prix des marchés de gros de l’électricité. Ain-
moins, au-delà de ce constat partagé, leurs scéna-        si, avec une dette allégée et un profil de risque
rios diffèrent.                                           amélioré, EDF SA recouvrerait une forte capaci-
                                                          té d’investissement.
Natixis semble privilégier l’idée d’une régulation
étendue à la totalité de la production nucléaire (en-     L’amélioration du profil financier d’EDF SA se
viron 400 TWh), c’est-à-dire au-delà des 100 TWh          traduirait par une revalorisation du titre com-
d’ARENH actuels. Un prix régulé de vente de 48 €/         prise (dans les scénarios les plus probables)
MWh (contre 42 €/MWh pour l’actuel ARENH) serait          entre +65 et +95 %. L’Etat pourrait ainsi céder
nécessaire pour couvrir les coûts.                        8 % du capital de l’entreprise et réaliser un pro-
                                                          duit de l’ordre de 4 à 5 Mds €.
En pratique, cette régulation prendrait la forme du
«modèle italien». Nous comprenons par là qu’un un Ce scénario laisse perplexe à plus d’un titre.
acheteur unique acquerrait la production nucléaire D’abord, le modèle régulation proposé («à l’ita-
à un prix régulé et le revendrait aux fournisseurs.    lienne») paraît confus et peu adapté à la pro-
                                                       blématique du nucléaire français.
Cependant, un tel dispositif serait qualifié d’aide
d’Etat au regard du droit européen, et soumis à ce D’autre part, l’idée qu’un renforcement de la ré-
titre au contrôle de la commission européenne. Se- gulation implique obligatoirement une scission
lon les analystes de Natixis, il faudrait donc séparer est éminemment contestable. Du reste, d’autres
la production nucléaire en France des autres acti- analystes financiers ne partagent pas ce point
vités d’EDF. Natixis imagine sur cette base la créa- de vue. Cet enjeu paraît davantage politique
tion d’une entité «France Nucléaire», qui passerait (capacité de la France à faire accepter ses choix
à 100 % dans le giron de l’Etat. La société EDF SA, par la commission et les Etats membres) que
qui continuerait de porter les autres activités du juridique (le droit européen n’interdit pas des
groupe, resterait, elle, cotée.                        formes de régulation du secteur électrique).

Dans cette perspective, il serait nécessaire de sépa-     En outre, le schéma de scission envisagé est
rer les activités de commercialisation et les activités   pour le moins radical. Il ne s’agit pas d’une
production du parc nucléaire. La direction com-           simple filialisation d’activités. On comprend
merce d’EDF acquerrait donc de l’électricité auprès       que France Nucléaire et le nouvel EDF n’au-
de «France Nucléaire» aux mêmes conditions que            raient plus aucun lien en capital ; autrement dit,
les fournisseurs concurrents. Les tarifs réglementés      France Nucléaire ne serait ni une filiale ni la so-
de vente deviendraient ainsi caducs.                      ciété-mère du nouvel EDF.

                       12 novembre 2018 - Conférence de presse FNME CGT
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Ce schéma est en partie dicté par une contrainte       car le modèle stratégique d’EDF continue, malgré
que s’imposent les auteurs du scénario : reti-         les vicissitudes de la libéralisation, de reposer sur
rer le parc nucléaire de la cote boursière. Les        l’intégration de ses différentes activités. Plus spé-
analystes de Natixis épousent ainsi sans ré-           cifiquement, le choix de dénouer tous les liens ca-
serve la thèse avancée par Emmanuel Macron             pitalistiques qui unissent le parc nucléaire français
en 2016, selon laquelle «le statut d’objet coté        à Framatome et aux activités nucléaires en Grande
du nucléaire français n’est pas satisfaisant». Il      Bretagne constituerait un revirement stratégique
faut ici comprendre que les investisseurs bour-        incompréhensible. En appelant EDF au secours de
siers ne montreraient plus d’appétence pour            Framatome (ex-AREVA NP) en 2016, l’Etat a défendu
le nucléaire, ce qui poserait des problèmes de         le choix industriel et commercial d’une filière inté-
financement à l’entreprise.                            grée, avec une ingénierie (Framatome) adossée à un
                                                       exploitant (parcs nucléaires français et anglais) et un
Mais cette thèse est fausse. La désaffection de        chef de file unique. Alors même que le chantier de
la bourse pour le nucléaire est en grande par-         réorganisation de la filière nucléaire est en cours, un
tie conjoncturelle, liée à la chute des prix de        revirement de ce type pourrait bien lui porter un ul-
l’électricité sur les marchés de gros. Du reste, la    time coup de poignard.
remontée actuelle de ces prix a déjà entraîné
un retour des spéculateurs et une hausse du
cours de l’action EDF. Il est également signi-         Les scénarios JP. Morgan et Oddo BHF
ficatif que l’augmentation de capital de mars          Les analystes de JP. Morgan partagent, avec
2017 ait été souscrite en totalité. La part réser-     ceux de Natixis, l’idée qu’une «re-régulation» du
vée aux actionnaires
                 -       minoritaires a même été       nucléaire (afin de pallier les défauts actuels de
sursouscrite. Ce succès a démenti, a posteriori,       l’ARENH) serait nécessaire.
l’affirmation d’Emmanuel Macron.
                                                       En revanche, selon eux, la scission ne serait pas
D’autre part, il est évident que dans un scéna-        une condition nécessaire pour que la régulation
rio de régulation des prix tel que celui porté         soit acceptée par les instances européennes. Les
par Natixis, le nucléaire français retrouverait        analystes fondent cette opinion sur le fait que le
immédiatement les faveurs des investisseurs.           parc nucléaire français deviendra de plus en plus
Ces derniers montrent en effet une forte appé-         indispensable à l’équilibre du réseau électrique
tence pour les activités régulées. Ces activités,      européen, au fur et à mesure que les EnR inter-
dès lors qu’elles sont livrées à la finance, offrent   mittentes vont poursuivre leur développement. La
en effet des opportunités de placement peu             France tiendrait là un argument de poids pour faire
risqués et rémunérateurs. Le raisonnement de           admettre aux autres Etats de l’UE le principe d’une
Natixis est ici aberrant : on ne peut pas à la fois    révision de la régulation économique du nucléaire.
porter un scénario de régulation du nucléaire
et affirmer que bourse et nucléaire sont irré- De fait, le schéma de re-régulation envisagé par JP.
conciliables.                                        Morgan est nettement moins lourd que le «modèle
                                                     italien» prôné par Natixis et pourrait être qualifié
Il va sans dire que la FNME CGT n’a jamais été de réforme de l’ARENH a minima :
partisane de livrer EDF à la spéculation. Mais
il serait scandaleux que l’on tronçonne l’entre- -         Le volume actuel d’ARENH de 100 TWh serait
prise au prétexte (fallacieux) que les spécula-            conservé ; la régulation du prix de vente ne
teurs sont rebutés le nucléaire.                           serait donc pas appliquée à l’ensemble de la
                                                           production nucléaire, contrairement au scéna-
Enfin, les analystes de Natixis commettent des             rio de Natixis. Il faut souligner que dans cette
contresens stratégiques majeurs. De façon gé-              hypothèse, le parc nucléaire resterait partielle-
nérale, toute forme de scission juridique risque           ment exposé au risque de prix du marché de
d’entraîner des désoptimisations opérationnelles,          gros de l’électricité.

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-   Le prix de vente régulé du nucléaire se-
    rait rehaussé à 50-60 €/MWh (contre 42 €/           lidarité financière entre le nucléaire et les
    MWh pour l’ARENH) et déterminé selon                activités génératrices d'excédents finan-
    une approche «base d’actifs régulée» ana-           ciers, cela fragiliserait le financement du
    logue à celle appliquée aux réseaux.                parc. Il deviendrait alors d'autant plus im-
                                                        pératif de changer le modèle économique
-   La régulation deviendrait «symétrique».             du nucléaire.
    Cela pourrait, par exemple, consister en       JP. Morgan estime que son scénario de «re-ré-
    un système de «contract for difference»        gulation» du nucléaire porterait le cours de l’ac-
    analogue à celui de Hinkley Point : EDF        tion EDF à un niveau compris entre 20 et 30 €,
    vendrait 100 TWh d’électricité d’origine       soit une hausse de 32 % à 103 % par rapport au
    nucléaire sur les marchés de gros, et          cours constaté à la date de rédaction de la note
    l’entreprise percevrait ou verserait, pour     (15,13 € au 28 septembre 2018).
    chaque MWh vendu, un montant corres-
    pondant à l’écart, positif ou négatif, entre   Les scénarios de JP. Morgan et Oddo BHF pré-
    le prix cible (régulé) et le prix du marché    sentent un double intérêt :
    de gros. Ce scénario de régulation a éga-
    lement la faveur d’Oddo BHF.                   -   Ils affirment avec force que le redressement
                                                       financier d’EDF ne peut être envisagé sans le
                                                       retour à une forme de régulation économique
Nous comprenons par ailleurs que ce dispositif
                                                       du nucléaire, afin de pallier la défaillance du
n’impliquerait pas nécessairement la dispari-
                                                       marché libéralisé de l’électricité.
tion des tarifs réglementés de vente pour les
clients particuliers.
                                                   -   Contrairement à Natixis, ces analystes ne
                                                       conditionnent pas obligatoirement la régu-
Les analystes de JP. Morgan et Oddo BHF esti-
                                                       lation du nucléaire à un démantèlement du
ment néanmoins qu’une scission d’EDF serait
                                                       groupe. Ils considèrent à juste titre que cette
créatrice de valeur pour les actionnaires, mais
                                                       question est bien davantage politique que ju-
à condition de renforcer la régulation des prix
                                                       ridique. Le droit européen, en soi, n’est pas in-
du nucléaire. Ce point de vue est notamment
                                                       compatible avec l’existence de tarifs et de prix
étayé par les considérations suivantes :
                                                       réglementés, de «contracts for difference» à
-   La thèse de la «décote de holding» : la            l’anglaise ou autres acheteurs uniques à l’ita-
    solidarité financière entre les différentes        lienne. Il appartient donc aux représentants
    activités du groupe ne permet pas de               de l’Etat français de résister à la volonté de la
    maximiser la valeur de chacune. Il est pos-        commission de démanteler EDF et de faire en-
    sible que les surplus financiers dégagés           tendre aux autres Etats membres qu’il y va de
    par certaines activités servent à couvrir les      la sécurité d’approvisionnement européenne.
    besoins d’activités peu profitables, au lieu
    d’être dirigés vers des investisseJments En revanche, ils prônent une scission de l’en-
    plus lucratifs ou de nourrir les dividendes. treprise répondant à une logique bien connue
                                                  des spéculateurs : le découpage de l’entreprise
-   En outre, selon JP. Morgan, le fait d’isoler créerait de la valeur actionnariale (c’est la thèse
    le parc nucléaire dans une société dis- de l’annulation de la «décote de holding»).
    tincte contribuerait à faire la transparence
    sur ses équilibres économiques et finan- Mais ce «coup financier» ne constitue pas un
    ciers. Cela militerait pour une régulation projet industriel. Comme nous l’avons indiqué,
    correctement calibrée, permettant au parc la performance industrielle d’EDF tient à l’inté-
    nucléaire de couvrir ses coûts réels (ce qui gration de ses différentes activités.
    n’est pas le cas de l’ARENH).

                    12 novembre 2018 - Conférence de presse FNME CGT
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Mais ce «coup financier» ne constitue pas un          Le groupe pourrait ainsi se désendetter de près
projet industriel. Comme nous l’avons indiqué,        de 8 Mds €, la trésorerie acquise étant répartie à
la performance industrielle d’EDF tient à l’in-       parts égales entre EDF et sa nouvelle filiale.
tégration de ses différentes activités. Il est de
plus évident qu’un découpage de l’entreprise,         D’autre part, en partie sur principe déjà évoqué
même sous forme de filialisations, pourrait pré-      de l’annulation de la décote de conglomérat, les
luder à des formes de démantèlement plus ra-          titres d’EDF et de NewCo seraient revalorisés. La
dicales. La revalorisation des activités par annu-    capitalisation boursière du groupe passerait de
lation de la décote de conglomérat ne présente        27,7 à 42 Mds € (soit un gain de 14,3 Mds € ou
pas d’intérêt particulier pour l’Etat… à moins        +51,6 %).
de procéder à des cessions (ce qu’envisagent
Natixis ou UBS). Il manque une étape au scéna-        Le scénario d’UBS, contrairement à celui de Na-
rio de JP. Morgan : la «vente à la découpe».          tixis, prévoit de maximiser le transfert de dette
                                                      vers NewCo afin de désendetter le parc nu-
                                                      cléaire. Cette société étant jugée plus attractive
UBS                                                   pour les investisseurs, elle est en effet créditée
Nous mentionnerons pour finir un exemple de           d’une capacité d’endettement importante. Elle
scénario entièrement centré sur la création de        se verrait ainsi transférer 33,5 Mds € de dette
valeur actionnariale par la scission d’EDF, sans      nette. La société mère EDF ne conserverait de
que l’hypothèse d’une régulation du nucléaire         son côté que la dette hybride (10 Mds €). Cela
soit même évoquée. Le scénario d’UBS s’inspire        serait supposé redonner des marges financières
de l’exemple de la scission de RWE en deux en-        à EDF.
tités, cette opération étant présentée comme un
succès. En 2016, le groupe allemand a filialisé       L’impasse de ce scénario est évidente : ce mon-
ses activités de commercialisation d’énergie, de      tage laisse entier le principal problème écono-
gestion des réseaux de distribution et d’énergies     mique et financier d’EDF, à savoir l’exposition
renouvelables. Ces métiers sont désormais por-        du parc nucléaire français au risque des prix du
tés par Innogy. Cette société a été introduite en     marché de gros de l’électricité. Un désendette-
bourse à hauteur de 23 %, et son deuxième ac-         ment partiel d’EDF, tel qu’il est envisagé par UBS,
tionnaire est le fonds d’investissement américain     n’apportera aucun remède durable aux déséqui-
Blackrock.                                            libres financiers de l’entreprise tant que ce pro-
                                                      blème ne sera pas enfin pris à bras-le-corps.
UBS se contente de transposer ce schéma à
EDF, en imaginant la création d’une filiale d’EDF     D’autre part, valeur de modèle de l’opération
(«NewCo») qui serait introduite en bourse. Sur        RWE-Innogy est pour le moins discutable. De-
le modèle d’Innogy, NewCo regrouperait EDF            puis 2016, la rentabilité d’Innogy n’a pas été à
Renouvelables, Dalkia (et, plus globalement,          la hauteur des espérances initiales des investis-
les services énergétiques), ENEDIS et la Direc-       seurs, ce qui a révélé les faiblesses de ce schéma
tion Commerce.                                        financier et industriel. Le cours de l’action RWE
                                                      en a subi la sanction.
20 % du capital de NewCo seraient introduits
en bourse, à travers deux opérations :
                                                      Nous avons connu le passage de l’Etat tutelle à
-   Cession de 10 % du capital de NewCo par EDF,      l’Etat actionnaire. On passerait avec le scénario
    cette opération rapportant à EDF près de 4        UBS de l’Etat actionnaire à l’Etat spéculateur, prêt
    Mds €.                                            à vendre l’entreprise à la découpe pour réaliser
-   Augmentation de capital de NewCo à hau-           un coup boursier sans horizon industriel, comme
    teur de 10 %, réservée aux investisseurs. Cette   le ferait n’importe quel hedge fund.
    émission rapporterait près de quatre 4 Mds € à
    NewCo.
                     12 novembre 2018 - Conférence de presse FNME CGT
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