LUTTE DE CLASSE Union communiste internationaliste (trotskyste) - Lutte Ouvrière
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ISSN 0458-5143 ÉDITÉ PAR LUTTE OUVRIÈRE n° 218 — septembre-octobre 2021 — 2,50 € LUTTE DE CLASSE Union communiste internationaliste (trotskyste) © WALL SREET JOURNAL Afghanistan : le retour des talibans n Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe n Côte d’Ivoire : après le retour de Gbagbo n L’oppression des Palestiniens n La fin de l’ère Merkel n Feux de forêt en Californie n Le retour de l’inflation Soldats américains empêchant l’accès d’Afghans à l’aéroport de Kaboul, août 2021.
ISSN 0458-5143 ÉDITÉ PAR LUTTE OUVRIÈRE n° 218 — septembre-octobre 2021 — 2,50 € LUTTE DE CLASSE Union communiste internationaliste (trotskyste) Au sommaire de ce numéro © WALL SREET JOURNAL Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste 1 Afghanistan : le retour des Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe 6 talibans La Côte d’Ivoire après le retour de Gbagbo : vers une nouvelle crise politique ? 15 Palestine – Israël : l’oppression nourrit le chaos et renforce les courants réactionnaires 19 n Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique Allemagne : après seize ans, la fin de l’ère Merkel 26 et en Guadeloupe Côte d’Ivoire : après Feux de forêt en Californie : la crise s’aggrave 32 n le retour de Gbagbo L’oppression Le retour de l’inflation 40 n des Palestiniens n La fin de l’ère Merkel La liste des librairies vendant Lutte de classe est disponible n Feux de forêt en Californie sur notre site www.lutte-ouvriere.org n Le retour de l’inflation Soldats américains empêchant l’accès d’Afghans à l’aéroport de Kaboul, août 2021. Abonnements pour un an (8 numéros) Correspondance Plis ouverts Plis fermés Lutte ouvrière BP 20029 — 93501 PANTIN CEDEX • France, DOM-TOM 15 € • France, DOM-TOM 32 € • DOM-TOM, par avion 17 € • DOM-TOM, par avion 37 € Sur Internet • Europe 20 € • Europe (lettre prioritaire) 45 € Portail de Lutte ouvrière http://www.lutte-ouvriere.org • Monde 24 € • Monde (lettre prioritaire) 58 € Site multilingue de l’Union Chèque à l’ordre de Lutte ouvrière ou virement à : communiste internationaliste http://www.union-communiste.org Lutte ouvrière — CCP Paris 26 274 60 R 020 E-mail : IBAN FR28 2004 1000 0126 2746 0R02 087 — BIC PSSTFRPPPAR contact@union-communiste.org Qui sommes-nous ? La revue mensuelle Lutte de tiquement planifiée assurant à société libre, fraternelle et hu- classe est éditée par l’Union com- chacun de ses membres un accès maine, car ils constituent la ma- muniste (trotskyste), plus connue égal à tous les biens matériels et jorité de la population et n’ont sous le nom de son hebdoma- culturels. aucun intérêt au maintien de l’ac- daire, Lutte ouvrière. El le se revendique de la ré- tuelle société. Ils sont aussi les Lutte ouvrière est une organi- volution russe de 1917, qu’elle seuls, par leur nombre et leur sation communiste, révolution- considère comme la première et concentration, à avoir les moyens naire et internationaliste. Elle jusqu’à présent unique révolu- de contrôler le pouvoir politique est membre de l’UCI (Union com- tion où le prolétariat a pris du- issu de leur intervention. muniste internationaliste), qui rablement le pouvoir étatique Ils considèrent que les travail- reg roupe dans plusieurs pays pour tenter de transformer la leurs constituent à l’échelle du des orga n i sat ions par tagea nt société dans un sens collectiviste, monde une seule et même classe les mêmes idées et les mêmes avant d’être écarté du pouvoir sociale et que leur présence à objectifs. politique par la dictature d’une toutes les étapes de la production L’Union communiste interna- bureaucratie usurpatrice. et de la distribution des biens tionaliste est un courant qui se Les organisations qui se reven- produits leur permet de contrô- revendique de la filiation d’idées diquent de l’UCI considèrent que ler démocratiquement tous les les idées communistes doivent r ou a g e s de l ’é c onom ie , a f i n i ncarnées successivement par être réintroduites dans la classe qu’elle fonctionne pour satisfaire Marx et Engels, Rosa Luxemburg, ouvrière qui, seule, peut en faire les besoins de tous. Lénine et Trotsky. Elle considère que l’organisation capitaliste re- u ne force de t ra n s for mat ion présente le passé de la société sociale. La rev ue Lutte de classe est humaine, pas son avenir, et que Tout en participant aux luttes l’expression collective, en langue la société capitaliste basée sur q uot id iennes des travai l leurs f ra nç a i se, de l’ UC I . C h ac u ne la propriété privée, le marché, dans la mesure de leurs possi- des organisat ions q u i s’en re- la concurrence et le profit devra bilités, les militants des organi- vendiquent a, par ailleurs, ses être remplacée, à l’échelle de la sations de l’UCI défendent par- propres pu bl ic at ion s sou s l a planète, par une société basée mi ceux-ci les intérêts politiques for me d’u ne presse pol it iq ue, sur la propriété col lective des généraux de la classe ouvrière. ainsi que, pour la plupart d’entre ressources de la terre et des ins- Ils sont convaincus que les tra- elles, d’une presse ouvrière sous truments de production, ainsi vailleurs sont seuls capables de la forme de bulletins d’entreprise que sur une économie démocra- remplacer le capitalisme par une réguliers. Lutte de classe — c/o Lutte ouvrière — BP 20029 — 93501 PANTIN CEDEX • Édité par Éditions d’Avron, 6, rue Florian, 93500 Pantin. SARL au capital de 7622,45 € — Durée : 50 ans à partir du 1er janvier 2020. Gérant : Michel Rodinson. Associés : René Marmaros, Isaac Szmulewicz, Jean-Claude Hamon. Directeur de publication et responsable de la rédaction : Michel Rodinson. Impression : IMS — 93500 Pantin. Commission paritaire des publications n° 0424 D 11453. Tirage : 5 000 exemplaires.
Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste Le 15 août, les talibans se sont emparés de la capitale de l’Afghanistan, Kaboul, après avoir conquis la plus grande partie du pays, provoquant la fuite du chef du gouvernement, Ashraf Ghani, et surtout celle de milliers d’Afghans opposés au régime moyenâgeux qu’ils veulent installer. Les talibans, alliés des États-Unis avant de devenir, en 2001, des ennemis à abattre, sont donc de retour au pouvoir, après vingt années de guerre et d’occupation américaines dans un pays dévasté. MOHAMMAD ASIF KHAN AP Les talibans patrouillent à Farat, dans le Sud-Ouest, le 11 août 2021. « Les Américains ne doivent de rendre le peuple afghan res- que le peuple de ce pays n’au- pas mourir pour une cause que ponsable de la déroute amé- rait pas compris. Mais com- les Afghans ne veulent pas dé- ricaine. Les dirigeants améri- ment oublier que la vraie rai- fendre… Nous leur avons tout cains et occidentaux présentent son de cette intervention était donné. Mais nous ne pouvons aujourd’hui leur intervention de répondre aux attentats du pas leur donner la volonté de lut- comme ayant visé à établir la 11 septembre 2001, de démon- ter pour leur avenir », a déclaré paix, la démocratie et les droits trer que la puissance améri- Joe Biden le 31 août, manière de l’homme en Afghanistan, ce caine ne laisserait pas l’affront Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 1
Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste impuni et, plus généralement, Pour tenter de rétablir l’ordre, tion de l’ONU. En plusieurs se- ne laisserait personne remettre en 1993-1994, le Pakistan, avec maines, l’aviation américaine en cause sa domination ? le soutien financier de la mo- et les missiles de croisière écra- C’est bien la politique menée narchie saoudienne et l’aide de sèrent le pays sous les bombes, par les États-Unis, avant même la CIA, créa une nouvelle force les munitions à fragmentation le déclenchement de la guerre a r mée composée d’a nc ien s et le napal m. Les États-Unis en 2001 et depuis, qui est seule moudjahidines et de jeunes ré- n’envoyèrent su r le ter ra i n responsable de la situat ion. fugiés recrutés dans les camps qu’une petite force terrestre, Pour défendre sa domination, pakistanais, les talibans. Se ré- des agent s de l a C I A et des l’impérialisme est prêt à écra- clamant d’un fondamentalisme forces spéciales qui appuyèrent ser les peuples sous les bombes, religieux virulent, ceux-ci ga- les m i l ices de l’A l l ia nce du à s’appuyer sur les forces les gnèrent un soutien populaire. Nord, un groupe de seigneurs plus réactionnaires, à diviser En septem bre 1996, i ls par- de guerre ayant de longue date pour continuer à régner pour vinrent finalement au pouvoir des liens avec la CIA. Cinq se- permettre aux multinationales avec l’approbation américaine. maines plus tard, les talibans de piller la planète. Et même si Zbigniew Brzezinski, qui fut étaient chassés du pouvoir. cela peut entraîner des retours conseiller de l’ancien président La guerre avait fait des mil- de bâton, comme c’est le cas américain Carter pour les af- liers de victimes afghanes, pas aujourd’hui en Afghanistan, il faires de sécurité, et le conseil- u n soldat amér icai n n’avait ne connaît pas d’autre politique ler au x a f fa i res ét ra ngères été tué, et la démonstrat ion que cette politique de force, d’Obama lors de sa campagne semblait parfaitement réus- à l’opposé de sa propagande présidentielle, justifiait ainsi sie. Mais en fait, c’était le dé- prétendant qu’il viserait à ap- cette politique en 1998 : « Qu’est- but d’une guerre d’occupation porter dans le monde entier les ce qui est le plus important au meurtrière, que les États-Unis valeurs de la démocratie et de regard de l’histoire du monde ? ne furent pas seuls à mener. la paix. Les talibans, ou la chute de l’em- Dès la fin de l’année 2001, ils pire soviétique ? Quelques exci- réu n i rent der r ière eu x u ne tés islamistes, ou la libération de coalition de seize pays, dont IMPOSER LA DOMINATION l’Europe centrale et la fin de la la France. Le président Chirac IMPÉRIALISTE QUOI QU’IL guerre froide ? » et son Premier ministre socia- EN COÛTE liste, Lionel Jospin, emboîtèrent Le 11 septembre 2001, les at- le pas au président américain tentats contre le World Trade Dès les années 1970, alors George W. Bush en envoyant Center créaient la stupeur et que le régime de l’Afghanistan des troupes françaises. l’effroi dans le monde, et sur- était lié à l’URSS, les États-Unis tout aux États Unis. Cet attentat contribuèrent à armer, à finan- meurtrier illustrait une cer- L’ENLISEMENT cer et à former des moudjahi- taine vulnérabilité de la prin- DANS LA GUERRE dines, des seigneurs de guerre cipale puissance impérialiste. s’appuya nt su r leu r et h n ie, Aussi celle-ci devait-elle mon- voire leur tribu, et combattant trer au monde entier ce qu’il en L’instauration d’un pouvoir l’occupant soviétique au nom coûtait de la défier. Le gouver- démocratique n’était évidem- de l’islam. L’objectif était alors nement Bush et la bourgeoisie ment pas la préoccupation des d’affaiblir l’ennemi soviétique. américai ne se ser v irent i m- dirigeants américains, pas plus Lorsque l’URSS quitta finale- médiatement de cette émotion que la défense des droits des ment l’Afghanistan, en 1989, pour amener la population à ac- femmes, malgré l’intense pro- i ls continuèrent à armer les cepter de nouvelles aventures pagande qui le prétendait. Après mêmes milices pour renverser militaires au nom de la « guerre avoir asséné leur leçon à coups le gouvernement, que l’URSS contre le terrorisme ». L’Afgha- de bombes, ils cherchèrent à continuait à soutenir avec des nistan fut choisi comme cible. rétablir une certaine stabilité munitions, du carburant et des Les talibans, alors toujours au afin de pouvoir se désengager fournitures. Lorsque ce régime pouvoir, furent accusés de ca- au plus vite, du moins l’espé- tomba, la rivalité pour le pou- cher le fondateur d’al-Qaida, raient-ils. En décembre 2001, voir, opposant les différentes Ben Laden, devenu l’ennemi à ils parachutèrent au pouvoir milices, dont celles soutenues abattre après avoir été un des Hamid Karzaï, qui avait le cur- par les États-Unis, ouvrit une protégés des États-Unis. riculum vitae parfait : chef de nouvelle période de guerre ci- clan pachtoune, ethnie la plus vile. Des dizaines de milliers Le 9 octobre 2001, moins d’un importante dans le pays, an- de personnes furent tuées et mois après le 11 septembre, les cien seigneur de g uerre q ui une grande partie du pays fut bombardements massifs com- avait gardé des liens avec le dét r u ite, y compr is K abou l. mencèrent, avec la bénéd ic- régime déchu des talibans. Il 2 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste fut élu à deux reprises, en 2004 Les talibans, chassés du pou- que Biden appelle aujourd’hui et en 2009, dans des conditions voir en 2001, retournèrent dans avoir voulu « aider » un peuple frauduleuses, avant de devoir leurs zones traditionnelles d’in- à « redresser » un pays. finalement laisser la place en fluence, dans l’est et au sud du 2014 à son a nc ien m i n i st re pays, où l’ethnie pachtoune à À partir de 2014, s’ajoutèrent des Finances, Ashraf Ghani. laquelle ils appartiennent est les attentats commis par les mi- Ce gouvernement continua de majoritaire, ou au Pak istan, lices ayant fait allégeance à l’or- s’appuyer sur des seigneurs de pays frontalier. Ils y trouvèrent ganisation État islamique, pro- guerre, et d’anciens talibans, des sout iens et purent ai nsi duit pourri de l’intervention occupés à se tailler des fiefs et à impérialiste en Irak. Comme en progressivement contrôler cer- racketter la population, ce que Irak, puis en Syrie, les années taines régions, bénéficiant de les dirigeants américains ne de guerre, d’occupation, l’inter- plus, dans le sud du pays, des pouvaient ignorer. vention des diverses forces sur revenus de l’opium. Malgré l’en- lesquelles l’impérialisme s’ap- Ce pouvoir fantoche fut rapi- voi d’un nombre toujours plus puyait continua à déstabiliser dement miné par la corruption, important de soldats, jusqu’à le pays, sans pour autant venir et à tous les niveaux. Les États- 100 000 en 2011, au plus fort de à bout de la résistance talibane. Unis dépensèrent des dizaines la présence de l’armée améri- Les États-Unis s’enlisèrent ainsi de milliards pour mettre sur caine, celle-ci ne put vaincre la chaque jour un peu plus dans la pied l’armée afghane qui, of- résistance armée dans ce pays guerre. ficiellement, devait regrouper plus vaste que l’Irak. Aussi, en 300 000 soldats. Mais nombre de parallèle, l’impérialisme appli- Élu en 2008, Obama promit chefs militaires empochèrent qua ses méthodes habituelles la fin des « guerres éternelles » durant des années les salaires consistant à armer diverses mi- pour 2014. Puis Trump lui em- de milliers de soldats fictifs, lices, encadrées pour certaines boîta le pas, faisant du retour de centaines de bataillons fan- pa r des mercena i res payés des soldats américains un axe tômes. Quant aux soldats réel- par des sociétés privées amé- de sa campagne électorale. En lement existants, ils devaient ricaines. La CIA mit en place 2018, les représentants améri- souvent attendre des mois pour dès 2001 un dispositif distinct cains, toujours à la recherche être payés. Dans ces conditions, des opérations militaires amé- d’un interlocuteur solide, fi- beaucoup finissaient par re- ricaines. Afin de lutter contre nirent par jouer une autre carte joindre une des nombreuses les tali bans et al-Qaida, el le en engageant des discussions milices existantes, celle payant recruta et équipa des forces avec les tal i bans. Le mol lah le mieux ou celle qui leur per- paramilitaires afghanes qui al- Abdul Ghani Baradar, un des mettait de protéger leur village laient être accusées de tortures fondateurs du mouvement, ar- et leur famille. et de crimes de guerre. C’est ce rêté à Karachi au Pakistan en ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP Le mollah Baradar (au centre), lors de négociations à Moscou, le 18 mars 2021. Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 3
Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste PHOTO STRINGER/EPA/MAXPPP Des combattants talibans circulent dans Kaboul sans rencontrer de résistance, le 16 août 2021. 2010, fut libéré sous la pression dans nombre de provinces. loppement du pays, mais seuls américai ne pour rencontrer deux milliards ont été consa- le représentant des États-Unis, crés à l’éducation et à la san- Zalmay Khalilzad. LE RETOUR DES TALIBANS té. Seule la moitié des enfants en âge d’être scolarisés vont à Fin février 2020, un accord l’école. Cette proportion est en- dit de paix fut finalement signé Dans les villes, en particu- core plus faible pour les filles, à Doha, au Qatar. Le gouverne- lier à Kaboul, l’arrivée des ta- dont seules 38 % vont à l’école. ment afghan ne fut pas convié, li bans n’a pu que confirmer Dans nombre de villages, les sig ne q ue l’i mpér ia l isme se les craintes de la frange de la femmes n’ont de toute façon pas préparait à le lâcher. L’avancée population dont les conditions vu leur sort s’améliorer sous des talibans fut dès lors rapide, de vie s’étaient améliorées avec les précédents gouvernements. l’armée afghane, déjà bien mal la présence occidentale. C’est Pour ne citer qu’un exemple, en point, se délita. Comme le le cas des femmes des couches le baad, l’échange des femmes déclarait un haut responsable privilégiées, qui pouvaient tout pour mettre fin à des conf lits américain 1 : « Donneriez-vous de même étudier, voire accéder familiaux, est toujours prati- votre vie pour des dirigeants à des postes de responsabilité qué. Dans les villages parfois qui ne vous paient pas à temps et à des droits pour lesquels détruits à plusieurs reprises, et sont plus intéressés par leur certaines ont encore manifesté où des familles entières ont dû propre avenir ? » Les autorités courageusement à Hérat et dans subir bien des fois les exactions locales, bien conscientes du la capitale début septembre. des groupes armés, les talibans changement de rapport de force Mais pour tous ceux qui vivent peuvent ne pas sem bler les sur le terrain, se ralliaient sou- dans les campagnes, soit les pires. vent sans combat aux talibans, trois quarts des Afghans, le pro- en éc ha nge de la promesse blème essentiel reste la misère. Fin août, à peine quinze jours de ne pas être inquiétées. La L’Afghanistan est aujourd’hui après la prise du pouvoir par les méfiance et surtout la haine un des pays les plus pauvres de talibans, la première puissance de la population à l’égard des la planète. Un Afghan sur trois impérialiste a donc finalement États-Unis et du gouvernement souffre de la faim. Entre 2001 dû plier bagage au cours d’un afghan, l’espoi r de v iv re de et 2010, le pays a reçu près de retrait chaotique. Durant ces nouveau en sécurité, aidaient 26 milliards de dollars, théo- vingt ans de guerre, 160 000 ci- les talibans à gagner du terrain riquement destinés au déve- vils ont été tués, et autant bles- 1 Cité par Reuters le 15 août. 4 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
Afghanistan : le retour des talibans, résultat de vingt ans de guerre impérialiste sés. Des centaines de milliers quel peut être l’avenir ? Durant té un coût de plus en plus éle- d’Afghans ont dû fuir les zones ces vingt années de guerre en vé, et l’Afghanistan n’est pas le de combat, 395 000 durant les A fghanistan, les principales premier pays qui le paye de sa seules trois dernières années, forces politiques qui ont tenu destruction. selon le ministère des Réfugiés tête aux armées impérialistes Abattre l’impérialisme était et du Rapatriement. Dans la sont des fondamentalistes reli- au programme de la révolution précipitation de leur départ, gieux, dont le projet est d’impo- russe de 1917 et de l’Interna- les dirigeants américains ont ser une dictature basée sur la tionale communiste à laquelle abandonné une bonne partie charia. Le seul choix qui a été elle avait donné naissance. Une de ceux qui les avaient aidés, offert au peuple afghan a été telle Internationale, regroupant comme ils l’avaient fait au Viet- entre l’occupation américaine des partis communistes réelle- nam à la fin d’une guerre per- et ses ravages, et le retour à ment implantés dans la classe due elle aussi, comme l’avaient une barbarie moyenâgeuse. Il ouvrière, n’existe plus depuis fait les dirigeants français à la n’a émergé aucune force poli- longtemps. Ce sont de tels par- fin de la guerre d’Algérie avec tique dont la perspective soit tis qu’il faut reconstruire. C’est les harkis. C’est bien sûr pour de renverser l’impérialisme, ce ce programme et ce drapeau du l’impérialisme américain un système de domination du capi- communisme qu’il faut relever échec. Mais, s’il est gênant, c’est de nouveau, pour offrir au x talisme financier qui s’impose su r tout pou r l’i mage désas- peuples du monde entier une à la planète en s’appuyant sur treuse qu’il donne à sa propre véritable perspective face aux d’énormes moyens militaires, population. Pour le reste, il s’en diverses formes de barbarie et qui est responsable de toute remettra. qui les menacent. cette barbarie. Le maintien de Et pou r le peuple afghan, ce système a pour l’humani- 8 septembre 2021 ANDEW QUILTY AGENCE VU POUR LE MONDE À l’aéroport de Kaboul, le 24 août. Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 5
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe Cet article de nos camarades de Combat ouvrier, qui militent en Martinique et en Guadeloupe, revient sur leur politique vis-à-vis des mobilisations importantes contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale, à la suite des décisions gouvernementales annoncées par Macron lors de son allocution le 12 juillet. Les conditions sanitaires et travailleurs, comme les menaces minorité de travailleurs qui a plus largement sociales et poli- de suspension, voire de licen- choisi d’exprimer son méconten- tiques de la Martinique et de la ciement, qui pèsent sur les non- tement en participant à ces ma- Guadeloupe présentent des dif- vaccinés. Elles ont pour préoc- nifestations – avaient-ils d’ail- férences avec celles de la métro- cupation de se saisir de l’intérêt leurs un autre choix, venant du pole : les mobilisations y étaient suscité parmi les travailleurs mouvement syndical ? –, mais plus massives, relativement à par leur propre mobilisation en nous démarquant des aspects la population, et la quatrième pour élever leur conscience de réactionnaires du mouvement, vague de l’épidémie les a frap- classe, en montrant qu’au-delà notamment l’hostilité au vaccin pées plus tard mais de façon plus du passe sanitaire, ils subissent lui-même. virulente que dans la plupart des des attaques de la part du patro- régions de l’Hexagone. nat dans une multitude de do- Il s’agissait de s’appuyer sur maines. La seule façon de se dé- le mécontentement, en cherchant Dans ces contextes différents, fendre efficacement réside dans à dégager une perspective qui Combat ouvrier et Lutte ouvrière la lutte collective, ce qui est aux corresponde aux intérêts de la ont suivi la même démarche antipodes de la « liberté indivi- classe ouvrière, en s’opposant à politique, celle d’exprimer les duelle » de se faire vacciner ou tout ce qui divise les travailleurs sentiments des travailleurs op- pas, brandie par tous ceux qui en mouvement, entre vaccinés et posés à la politique gouverne- visent à orienter la contestation non-vaccinés. mentale, excédés par l’arrogance de Macron et par sa tentative dans un sens limité à la seule Il s’agit de mener notre agi- de se dédouaner de l’incurie de obligation vaccinale. tation non seulement contre l’État face au Covid en désignant Combat ouvrier et Lutte ou- Macron , mais contre tout le comme boucs émissaires les soi- vrière se sont opposés à ceux qui, système capitaliste, de lier la gnants non vaccinés et en profi- par démagogie ou par préjugés colère qui s’est de plus en plus tant de l’occasion pour tenter de réactionnaires, ont combattu focalisée sur la seule obligation mettre au pas la population. non seulement le passe sanitaire vaccinale pour l’élargir contre Les deu x orga ni sation s mais la vaccination elle-même. l’ensemble des aspects de l’offen- s’élè vent résolu ment cont re Notre démarche était de nous sive du grand capital contre les toutes les attaques visant les adresser au x nôtres, à cette travailleurs. 8 septembre 2021 La pa ndém ie de Cov id-19 a parfois approché les 2 000 semaines, les Urgences furent a pris une tournure tragique cas pour 100 000 habitants. De- débordées. Les morgues des hô- aux Antilles françaises à partir puis, on observe une tendance pitaux n’ont pas suffi à stocker du mois d’août 2021. En Marti- à la baisse des contaminations. les corps. Il a fallu aménager nique et en Guadeloupe la pan- Mais les hôpitaux restent bon- des conteneurs. Les entreprises démie, plus ou moins contenue dés de malades du Covid, et en de pompes funèbres sont dé- jusque-là, s’est brusquement particulier les services de réa- bordées. Des familles sont dé- accélérée. Le taux d’incidence nimation. Pendant plusieurs cimées. Sur 731 000 habitants 6 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe DR dans les deux îles, on compte 1 154 décès du Covid en milieu hospital ier entre le 1er mars 2020 et le 3 septembre 2021, soit une moyenne de 76 morts par mois. Au cours du mois d’août, on a compté 633 décès sur les deux îles, c’est-à-dire huit fois plus. Sans compter les morts à domicile qui sont nombreux. UNE CATASTROPHE PRÉVISIBLE Q ue lq ues ma l ades t ra n s - portables sont acheminés par avions spéciaux vers la France pour soulager les services de réanimation. Mais les médecins déclarent être obligés de pra- tiquer une médecine de catas- trophe, c’est-à-dire de trier les malades. Les plus aptes à sur- vivre ont été mis en réanima- tion, c’est-à-dire les plus jeunes avec moins de comorbidités. Beaucoup d’autres n’ont pas eu cette chance et sont morts. On sait par exemple que certains malades de 70 ans et plus ont dû être renvoyés chez eux ou laissés en si mple ser v ice de médecine, faute d’oxygène dis- ponible ou de moyens de leur en administrer. Ainsi, quand CHU de Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre : dans l’hôpital surchargé, l’isolement bien même l’oxygène était en des malades du Covid n’est qu’un mot. Ici, fin août quantité suffisante, les tuyaux étaient parfois trop petits pour CO insuffler le débit d’oxygène né- cessaire aux malades, rédui- sant les chances de les sauver. Beaucoup l’ont payé de leur vie. Au cours du premier confine- ment, les grands hôpitaux de l’Hexagone con nu rent aussi une forte surmortalité. Mais dans des proportions moindres. Il faut savoir que, d’une ma- n ière généra le, les couc hes popu laires des A nti l les con naissent les mêmes pro - blèmes que cel les de l’Hexa- gone, mais toujours en plus grave. C’est un fait constant à tous les niveaux, dû aux sé- quelles du colonialisme. Des malades sont aussi morts À l’entrée du CHU, une banderole anti-vaccin, mais surtout anti-obligation chez eux, car il n’y avait plus et anti-sanctions : pas question de « nous licencier à cause du vaccin ». Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 7
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe CO Manifestation du 24 juillet à Pointe-à-Pitre. assez de concentrateurs d’oxy- puis des années. Le manque de certes, mais le fait est là. C’était gène à installer à domicile. personnel qualifié, en particu- connu depuis de longs mois par Cer tes, la très grande ma- lier en service de réanimation, les autorités. Et les couches les jorité des décès, comme par- se fait cruellement sentir. Le plus pauvres, les plus précaires tout aujourd’hui, touchent des personnel est épuisé. de la population sont les plus gens non vaccinés. Car si les réfractaires au vaccin. Le gouvernement dépêche personnes vaccinées peuvent des équipes de renfort à par- Jusqu’à cette crise mortifère, être aussi contaminées, la très tir de l’Hexagone pour prêter au début du mois d’août, seu- grande majorité sont épargnées main-forte à celles des Antilles. lement 20 % de la population par les for mes g raves de la Le professeur Louis Bernard, était vaccinée contre le Covid. maladie. venu du CHRU de Tours au CHU Aujourd’hui on peut estimer ce Cependant, dans bien des cas de Guadeloupe, a déclaré à son taux à 40 % de décès, la non-vaccination retour en France : « En plus de Comment expliquer que cer- était loin d’être la seule cause. trente ans de métier, je n’ai ja- tains disent préférer mourir S’y ajoutait l’insuffisance des mais connu ça dans un dépar- que de « prendre le vaccin » ? soins dans des CHU mal organi- tement français » et : « J’ai en- Pour beaucoup, c’est le vaccin sés. Les responsables n’en sont core des idées noires face aux qui tue. L’influence des thèses pas les soignants, dont le dé- afflux massifs de patients, aux complot istes q u i foisonnent vouement est considérable. Les gens restant pendant 24 heures sur les réseaux sociaux a ac- principaux fautifs sont l’admi- sur des brancards dans une hy- cr u et confor té le sentiment nistration des hôpitaux et toute giène précaire, aux décès nom- antivaccination. leur hiérarchie jusqu’au gou- breux dans les services… » Il a Il existe une peur irraison- vernement. Au CHU de Guade- parlé de « maltraitance sani- née du vaccin au sein de la po- loupe, des patients contaminés taire » en Guadeloupe, et dé- pulation. Derrière cette peur ont été bien souvent mis dans claré que ce qu’il a vu là « au- avouée, il y a aussi une forme de les mêmes salles ou les mêmes rait déclenché des émeutes en remise en cause de la parole des chambres que les autres. Seine-Saint-Denis ». milieux officiels : préfet, agence Dans les CHU des Antilles, régionale de santé, gouverne- le manque de personnel et de LA CRAINTE POPULAIRE ment. Une sorte de rébellion matériel est criant. Même en DE LA VACCINATION morale mal orientée contre les période normale, des produits conseils du pouvoir sur la vac- parmi les plus basiques, comme cination. Du reste, la popula- la Bétadine, peuvent manquer. Dans sa très grande majori- tion dans son ensemble devient Les personnels et les syndicats té, la population des Antilles sceptique sur à peu près tous les dénoncent cette situation de- est opposée au vaccin, à tort, problèmes. Elle a déjà été telle- 8 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe ment trompée qu’elle ne croit arrivé là, c’est parce qu’il n’y a les capitalistes de l’industrie plus en grand-chose. C’est ain- pas de véritable plan de santé agroalimentaire et de la grande si qu’aux dernières élections publique audacieux, général distribution pour réaliser tou- régionales 70 % n’ont pas voté, et permanent pour soigner la jours plus de profits. Rendre la parce que « ça ne sert à rien ». population en temps normal. population accro au sucre, c’est La situation nourrit le scepti- Pire, ces maladies sont parfois criminel, mais ça rapporte ! cisme général envers le pouvoir aggravées par le surdosage en D’une part, la catastrophe central. Par exemple la pénurie sucre de produits de la grande sanitaire actuel le était donc d’eau, surtout en Guadeloupe, distribution, sous prétexte que prévisible, car une catastrophe en particulier d’eau potable. « les Antillais aiment le sucre ». rampante est induite depuis L’eau est dans certaines com- Le Canard enchaîné du 25 août toujours par ces comorbidités munes chargée de chlordécone, der n ier révèle les résu ltats mal soignées. un pesticide puissant et très d’une enquête de la Direction nocif. Ce produit, interdit aux générale de la concurrence, de D’autre part, le manque de USA et en métropole, a été au- la consommation et de la ré- prévoyance et d’anticipation, torisé aux Antilles françaises pression des fraudes (DGCCRF) : combiné à des économies cri- pendant plusieurs années en- « Non seulement les yaourts et minelles réalisées de longue core, sous la pression des riches les sodas restent la plupart du date sur la santé publique, sur planteurs békés. temps plus chargés en sucres, les hôpitaux, a été une cause mais en prime leur consomma- importante de la catastrophe tion est plus élevée. Par exemple, sanitaire. UNE POPULATION VICTIME à l a Gu a d el ou p e , on s i rote DE COMORBIDITÉS GRAVES 57 % plus de boissons sucrées. Conséquence de cette surdose LE MOUVEMENT CONTRE en sucres, 11 % des Guadelou- L’OBLIGATION VACCINALE Depuis toujours, la popula- ET LE PASSE SANITAIRE péens et 14 % des Réunionnais tion antillaise est victime de souffrent de diabète sucré, une malad ies endémiq ues. Cette prévalence de deux à trois fois situation s’aggrave avec le vieil- Depuis plus d’un mois, en plus forte que dans l’Hexagone. lissement démographique. Le Guadeloupe, une trentaine d’or- À la Guadeloupe et à la Marti- diabète, l’hy pertension arté- ganisations, partis politiques nique, le taux d’obésité grimpe à rielle, l’obésité, la drépanocy- et associations ont décidé de ainsi à 27,8 % contre 14,5 % dans tose, les cancers de la prostate pr ote s te r e n s e m ble c ont r e le reste de la France, ce qui, sur dus aussi au chlordécone, aux- l’obl i gat ion vacc i na le et le fond d’épidémie de Covid, accroît quels s’ajoutent la dengue, le passe sanitaire imposés par le le risque pour un non-vacciné de chikungunya et autre Zika font gouvernement. Selon la loi du partir en réa. » des ravages dans la population. 5 août 2021, ces mesures sont Voi là donc un exemple de assorties de sanctions possibles En Guadeloupe, 11 % de la po- ce que sont capables de faire pour les soignants et pour les pulation est diabétique, contre un peu plus de 4 % en France. CO L’ h y p e r t e n s i o n a r t é r i e l l e touche 40 % des habitants (31 % en France). En Martinique, ces taux sont aussi très importants. De plus, tout le monde n’est pas égal face à ces maladies : les couches pauvres ont beaucoup moins de moyens de se faire soigner correctement que les couches aisées. Avec 25 % de chômage en moyenne, 30 % de gens vivant au-dessous du seuil de pauv reté, prat iq uement deux fois plus que dans l’Hexa- gone, on mesu re les con sé - quences sociales sur la santé et les soins aux Antilles. Ces comorbidités ont favorisé les formes graves du Covid et Rassemblement avec les pompiers en grève le 1er septembre à la caserne la surmortalité. Et si on en est des Abymes. Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 9
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe CO travailleurs en général, comme la suspension de traitement et du contrat de travail dans les hôpitaux et les entreprises. L’ac t ion com mu ne cont re l’obl i gat ion vacc i na le et le passe sanitai re a été lancée en Guadeloupe par deux orga- nisations nationalistes, indé- pendantistes : l’UGTG (Union générale des travai l leurs de Guadeloupe), le plus i mpor- tant syndicat de Guadeloupe, et le LKP (Lyannaj kont pwofi- tasyon). On peut citer comme participants, notamment : la CGTG, FO, la FSU, Combat ou- vrier (notre organisation), le Par ti communiste guadelou- péen (PCG), l’UPLG (Union po- pulaire pour la libération de la Guadeloupe) et plusieurs autres regroupements et associations nationalistes. Le 17 juillet, la manifestation avait rassemblé près de 8 000 personnes. Chiffre très important pour la Guade- loupe (376 000 habitants). Puis, par la suite, chaque samedi, pas moins de 1 000 manifestants, au plus bas, ont protesté dans les rues de différentes villes de la Guadeloupe. Entre ces mani- festations du samedi, des mee- Entrée de la maison des syndicats tings se tiennent une fois par à Fort-de-France. semaine, avec pas moins de 200 ganisations intitulé Matini k 31 juillet, eurent lieu d’autres participants au plus bas dans lib. manifestations. Le 12 août, à différentes villes. Les syndicats l’occasion de la venue des mi- appellent à la grève générale Cette manifestation fut suivie nistres Lecornu et Véran, plus à partir du 9 septembre pour de deux nuits d’émeute, de pil- de 200 travailleurs de la santé l’abrogation de la loi sur l’obli- lage et d’opposition aux forces leur ont fait savoir leur mé- gat ion vacci na le et le passe de l’ordre dans les quartiers sanitaire. contentement en manifestant pauvres de Fort-de-France. Des devant le CHU de Martinique. En Martinique, après l’allo- jeunes de ces quartiers, aidés de cution de Macron du 12 juillet, jeunes activistes indépendan- Cependant ces man i festa- dans laquelle il annonçait ses tistes, y exprimaient ainsi leur tions dans les deux îles se sont mesures d’obligation vaccinale révolte contre l’obligation vac- vite transformées en manifes- et de passe sanitaire, il y eut cinale mais aussi contre leur tations antivaccin. Aux dires de nombreuses réactions. Le condition sociale misérable. de nombreux militants et di- lendemain, deux à trois cents rigeants nationalistes, c’est ce personnes se massaient autour Le 21 juillet, les personnels vaccin qui serait responsable de la préfecture pour protes- soignants et les différents syn- de nombreux décès, plus même ter. Puis le 17 juillet, 3 000 per- d icats de la santé ont déf i lé que le Covid. Les dirigeants syn- sonnes manifestaient dans les dans les rues de Fort-de-France dicaux nationalistes, par déma- rues de Fort-de-France contre à plus d’un millier en direc- gogie populiste, ont surfé sur les mesures Macron, à l’appel tion de l’ARS pour y présenter le sentiment antivaccin de la d’un collectif nationaliste d’or- leurs protestations. Les 24 et population et l’ont suralimenté. 10 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe LA POSITION dirigeants du capitalisme fran- certains nationalistes, la lutte DE COMBAT OUVRIER çais et de son variant colonial, contre l’obligation vaccinale et Macron, son gouvernement et le passe sanitaire se résume à ceux qu’ils ser vent, les capi- une lutte contre le vaccin. Combat ouvrier a toujours talistes, les gros possédants, été favorable aux vaccins an- Ils opposent par exemple à qui veulent utiliser la crise sa- ce dernier la pharmacopée lo- ti-Covid-19, depuis leur sortie, nitaire pour mettre au pas les considérant avec raison que cale et donnent carrément dans travailleurs avec des mesures l’obscurantisme. D’autres mili- c‘est une protection. Il recom- d iscipl i nai res accr ues. Cela mande à ses militants et sym- tants nationalistes, principale- participe de l’état d’esprit per- ment en dehors du mouvement pathisants de se faire vacciner. manent avec lequel le patronat Nous le faisons tout en sachant ouvrier, effrayés par l’ampleur voudrait tenir en respect les tra- du désastre, ont récemment que nous sommes minoritaires vailleurs dans les entreprises. pour l’instant sur ce point au pris position pour le vaccin. sein de la population, y compris Les dirigeants syndicalistes À Combat ouvrier, nous nous parmi nos camarades dans les nationalistes ne posent pas le opposons à l’obligation vacci- entreprises. problème en ces termes. Ils s’op- nale et au passe sanitaire d’un posent à l’obligation vaccinale point de vue de classe, celui de Notre participation à la mo- et au passe sanitaire au nom de la classe ouvrière. Ce qui est bilisation contre l’obligation « la liberté », pour en faire un inadmissible, ce sont les sanc- vaccinale et le passe sanitaire, nouveau sujet d’opposition avec tions lourdes qu’on fait planer assor tis de sanctions graves « le colonialisme français ». Ce au-dessus de la tête des travail- pour les travailleurs, n’a donc vaccin étant celui de l’impéria- leurs. Nous pensons que les tra- rien à voir avec on ne sait quelle lisme, ou celui des Blancs, il se- vailleurs ont intérêt à s’opposer lutte contre le vaccin. rait donc mauvais. Ceux contre aux injonctions militaires du L’ennemi, ce n’est pas le vac- la tuberculose, la fièvre jaune pouvoir qui brandit une ma- cin, c’est le capitalisme et son ou le tétanos seraient donc meil- traque au-dessus de leurs têtes. variant colonial. leurs ? On est plongé en pleine Car c’est de cette façon que l’on Car ce sont précisément les contradiction surréaliste. Pour veut leur faire accepter de force l’exploitation au quotidien et les contraintes à venir ! CO C’est cette façon de faire, cet état d’esprit constant des classes dom i n a ntes , q u i sont ceu x d’une dictature de classe contre les travailleurs, c’est cela que nous rejetons et combattons. En particulier, Macron et le gouver nement veu lent fai re accepter aux travailleurs un plan d’attaques contre eux, no- tamment l’allongement de l’âge de la retraite à 64 ans, la ré- forme de l’allocation chômage. Ils veulent faire accepter par les travailleurs toutes ces ré- formes et l’état permanent de leur situation d’exploités : plus de réductions de dépenses pour la santé et les services publics en général, des suppressions d’emploi s massives da n s la fonction publique, les licencie- ments, le chômage, la précarité, le mal-logement. L e g ou v e r ne me nt e t s on chef ont utilisé à fond la crise pour arroser le grand patronat Meeting au CHU de Guadeloupe, avant le départ à coups de centaines de mil- en manifestation, le 24 juillet 2021. liards au titre du « quoi qu’il Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 11
Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe en coûte », pour prétendument des pays les plus attractifs pour termes de morts par manque faire face à la crise. C’est ainsi les capitaux étrangers ! de soins, afin que prospèrent qu’aux dires des patrons eux- les bou r geoi s , beaucoup le mêmes leurs affaires vont bien, Mais le « quoi qu’il en coûte » connaissent dans l’Hexagone, la situation est bonne, le CAC 40 inversé, c’est-à-dire quoi qu’il et encore plus aux Antilles et progresse et, avec tout l’argent en coûte en ter mes de sou f- dans les Outre-mer. que l’on distribue au grand pa- frances des travailleurs de la tronat, la France devient l’un santé et des autres secteurs, en 7 septembre 2021 Au premier jour de l’appel à la grève générale en Guadeloupe. Après un mois de défilés de qui v ise leur délég ué sy ndi- ment. Samedi 11 un rassemble- rue, et de meetings, presque cal. Ils poursuivent d’autant ment et un défilé sont prévus à tous les syndicats de Guade- plus aujourd’hui. Les salariés partir du palais de la Mutualité loupe ont lancé un appel à la de l’institut médico-éducatif à Pointe-à-Pitre à 8 heures. grève générale à partir du jeu- du Moule sont en grève, ainsi Il est vrai que, dans cette am- di 9 septembre, en Guadeloupe. que les agents hospitaliers du biance mortuaire où un cer- La CGTG a publié dès le 9 au CHU et de 14 établissements tai n nombre de travai l leurs matin un appel à la grève gé- hos pita l ier s. Les agent s du obser vent le deu i l d’u n pa- nérale illimitée. Les syndicats centre hospital ier de Capes- rent, la grève n’est peut-être sont soutenus par les autres terre-Belle-Eau sont entrés en pas la préoccupation première organisations politiques et as- grève et font savoir leur pro- aujourd’hui. sociations qui ont participé à testation en installant un bar- la campagne contre l’obliga- rage routier filtrant au rond- Mais au moins une fraction tion vaccinale et le passe sa- point de Saint-Sauveur. Il est de travailleurs entend donner nitaire et les sanctions annon- possible que la grève s’étende l‘exemple et espère entraîner cées contre les travailleurs non dans d’autres entreprises. Mais d’autres camarades dans les vaccinés. là où ce ne sera pas possible jours qui viennent et aussi sur de faire g rève, cer tai ns tra- leurs propres revendications. En cette matinée du 9 sep- Leurs voix se font entendre sur tembre, un certain nombre de vailleurs pensent montrer leur mécontentement sous diverses le terrain, sur les ondes. Les travailleurs ont répondu à l’ap- grèves en cours sont déjà une pel pour le moment. Les em- formes. première réponse aux attaques ployés de Pôle emploi sont en Vend red i 10 septem bre à du pouvoir au service du grand grève et en piquet devant leur 8 heures un rassemblement est patronat. ent repr ise. Les t ravai l leu rs prévu devant le CHU de Pointe- d’Arcelor Mittal sont déjà en à-Pitre avec tous ceux qui sont Combat ouvrier grève depuis deux jours pour en grève ou qui entendent faire jeudi 9 septembre. protester contre une attaque con na ît re leu r mécontente - 12 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
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Désastre sanitaire et mobilisation sociale en Martinique et en Guadeloupe 14 Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021
La Côte d’Ivoire après le retour de Gbagbo : vers une nouvelle crise politique ? L’article ci-après est extrait du Pouvoir aux Travailleurs, mensuel publié par l’UATCI (Union africaine des travailleurs communistes internationalistes) en Côte d’Ivoire le 4 septembre. Après la crise politique de 2010-2011, à la suite de la réélection contestée de Gbagbo, celui-ci a été renversé par les forces armées de Ouattara avec le soutien politique et militaire de l’impérialisme français qui possède une base mili- taire à Abidjan. Gbagbo a été capturé puis envoyé à la prison de La Haye, aux Pays-Bas, pour être jugé pour crimes contre l’humanité. Après un long procès qui a duré près de dix ans, il a été acquitté et a reçu le droit de revenir en Côte d’Ivoire, tout en étant sous le coup d’une autre condamnation par le tribunal ivoirien concernant une autre affaire, celle dite du « casse de la BCEAO » (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) dans laquelle il est accusé d’avoir fait ouvrir de force les coffres de cette banque pen- dant la crise politique 2010-2011. Il encourt une peine de vingt ans de prison et une amende de 500 mil- lions d’euros. Dix ans se sont écoulés après cette crise politique qui s’est soldée par au moins 3 000 morts, des cen- taines de blessés et de femmes violées, et des dizaines de milliers de personnes qui ont été obligées de fuir leurs villes, leurs villages et leurs champs. Le retour de Gbagbo sur le sol ivoirien, en juin dernier, et sa volonté de reprendre sa place dans le jeu politique contribuent à modifier le rapport de force entre les principaux protagonistes en compétition pour le pouvoir. DR En 2014 à Daoukro (de gauche à droite) : Guillaume Soro, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, unis pour faire élire ce dernier. Lutte de classe n° 218 • septembre-octobre 2021 15
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