MADAME FAVART - Opéra Comique

La page est créée Jérémy Bouvier
 
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MADAME FAVART - Opéra Comique
MADAME FAVART
MADAME FAVART - Opéra Comique
MADAME FAVART
   JACQUES OFFENBACH

   20, 22, 24, 26, 28 et 30 JUIN 2019

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MADAME FAVART - Opéra Comique
MADAME FAVART
                                                                                                Opéra-comique en trois actes de Jacques Offenbach. Livret d’Alfred Duru et Henri Chivot.
                                                                                                                                     Créé aux Folies-Dramatiques le 28 décembre 1878.
                                                                                                                                                        Direction musicale - Laurent Campellone
                                                                                                                                Mise en scène - Anne Kessler - sociétaire de la Comédie-Française
                                                                                                                                                                    Dramaturgie - Guy Zilberstein
                                                                                                                                                               Scénographie - Andrew D. Edwards
                                                                                                                                                                    Costumes - Bernadette Villard
                                                                                                                                                                  Chorégraphie - Glyslein Lefever
                                                                                                                                                                           Lumières - Arnaud Jung
                                                                                                                                                       Cheffe de chant - Marine Thoreau La Salle
                                                                                                                                                            Assistante musicale - Béatrice Berrut
                                                                                                                                                              Assistant chorégraphie - Mikaël Fau
                                                                                                                                               Assistante mise en scène - Jeanne Pansard-Besson
                                                                                                                                                         Assistante costumes - Alice Cambournac
                                                                                                                                                                Madame Favart - Marion Lebègue
                                                                                                                                                        Charles-Simon Favart - Christian Helmer
                                                          Production Opéra Comique
                                                          Coproduction Bru Zane, Opéra de Limoges, Théâtre de Caen                                                Suzanne - Anne-Catherine Gillet
                                                          Dans le cadre du 7e Festival Palazzetto Bru Zane Paris                                           Hector de Boispréau - François Rougier
                                                          Partitions éditées et mises à dispostion par le Palazzetto Bru Zane                               Le major Cotignac - Franck Leguérinel
                                                                                                                                                            Le marquis de Pontsablé - Éric Huchet
                                                                                                                                                                          Biscotin - Lionel Peintre
    AVEC L'AIMABLE PARTICIPATION DE   PARTENARIAT MÉDIA   Durée estimée : 2h30, entracte compris
                                                          Spectacle en français, surtitré en français et en anglais                                          Le sergent Larose - Raphaël Brémard
                                                                                                                                                  Enfant - Solal Dages-Des-Houx (20, 22, 30 juin) /
                                                                                                                                                              Colin Renoir-Buisson (24, 26, 28 juin),
                                                             Rencontre avec les artistes de la production mardi                                           Maîtrise populaire de l’Opéra Comique
                                                             4 juin à 19h | Introduction au spectacle, 45 min.
                                                                                                                                                                   Chœur de l’Opéra de Limoges
                                                             avant la représentation | Chantez Madame Favart,
                                                             45 min. avant la représentation                                                                   Direction Edward Ananian-Cooper
                                                                                                                                                                  Orchestre de Chambre de Paris

2                                                                                                                                                                                                       3
MADAME FAVART - Opéra Comique
À LIRE AVANT LE SPECTACLE                                                                                                                Lorsqu’au XIXe siècle, on désignait
                                                                                                                                             l’Opéra Comique – à la Chambre
                                                                                                                                             des députés, au gouvernement, dans
                                                                                                                                                                                                          « Ma foi, il n’y a plus que l’Opéra Comique qui
                                                                                                                                                                                                                 soutienne la réputation de la France. »
                                                                                                                                             la presse – comme « le théâtre du genre
                                                                                                                                             éminemment national », on y associait                                       Voltaire à Justine Favart, lettre du 14 décembre 1765
    Par Agnès Terrier                                                                                                                        les Favart. Sur leur scène parisienne,
                                                                                                                                             ils avaient peint leur époque, mais          Les personnages de fiction sont                  et même trissés. 200 représentations
                                                                                                                                             aussi reconstitué des images du monde        ingénieusement conçus par Chivot                 se succédèrent, suivies par des reprises
                                                                                                                                             – la Chine, la Turquie. Leurs idées et       et Duru (librettistes entre autres de            aux Bouffes-Parisiens en 1884, aux
    À propos de son arrière-grand-père,          Pays-Bas autrichiens à la tête de l’armée      le couple. Après sa mort, son mari (le                                                    La Fille du tambour-major d’Offenbach,           Menus-Plaisirs en 1888, à l’Apollo en 1911
                                                                                                                                             leurs pièces avait séduit Gluck, Haydn,
    le maréchal de Saxe, George Sand             française lors de la Guerre de Succession      « Molière de l’opéra » d’après Voltaire)                                                  des Chevaliers de la Table ronde                 et 1913. Entretemps l’œuvre avait paru
                                                                                                                                             Mozart… Pendant que l’Europe des
    écrivait : « Madame Favart est un gros       d’Autriche. Quand il engagea en 1746           avait cessé d’écrire. Elle le dominait       monarchies se déchirait, ils participaient   d’Hervé, des Cent Vierges de Lecoq,              en 1879 à Vienne, Leipzig et Berlin, puis
    péché dans sa vie, un péché que Dieu         les Favart à venir diriger son « théâtre aux   encore dans la mémoire collective,           à l’Europe de la culture.                    de La Mascotte d’Audran). L’intrigue             à Londres et New York.
    seul a pu lui pardonner. »                   armées », puis la Monnaie de Bruxelles,        à travers récits biographiques et                                                         est impeccablement échevelée –                   Mais la mort d’Offenbach en 1880 avait
    Madame Favart – nom de scène                 il avait gagné le surnom de « Vainqueur        adaptations théâtrales. Cette                Lorsqu’Offenbach, musicien européen s’il     mais moins que les authentiques                  été suivie de près par la création des
    de Justine Duronceray, épouse Favart         de Fontenoy » par son autorité et son          intellectuelle, amie de Crébillon et         en fut, décida de résumer sa démarche        tribulations de Justine et Charles-              Contes d’Hoffmann à l’Opéra Comique.
    – était connue des romantiques qui           génie tactique. Il était aussi « le plus bel   de Voltaire, cette autrice et actrice        artistique et de dire son amour              Simon. Chaque scène est prétexte                 Ce chef-d’œuvre testamentaire conquit
    raffolaient des histoires d’artistes et de   homme de son temps » (Grimm). Actrices         vedette, réformatrice en France du jeu       à la France, il écrivit Madame Favart.       à déployer les arts du spectacle,                rapidement les scènes internationales
    théâtre, où réalité et fiction se mêlent     et danseuses ne lui résistaient pas plus       dramatique et du costume de scène,           Cet opéra-comique présente une facture       jusqu’aux coulisses de La Chercheuse             et éclipsa peu à peu des ouvrages
    dans un vertigineux mais éclairant           que les bataillons impériaux.                  était restée fidèle à son mari : quel        classique avec 23 numéros musicaux –         d’esprit, un opéra-comique de 1743               comme Madame Favart.
    désordre. Sand mit tout son talent dans      À part Madame Favart, dont la conquête         modèle pour les épouses ! Un tel             certains typiques d'Offenbach,               signé Favart et Trial, donné à l'acte III.       Le bicentenaire du compositeur a incité
    Consuelo (1842), vie d’une cantatrice        même demeure incertaine.                       dévouement relativisait presque 27 ans       d'autres inspirés de l’art forain des        Une précision historique cependant :             l’Opéra Comique, accompagné par
    dans l’Europe des Lumières, tandis           Or les romantiques prisaient aussi             de carrière et 42 créations.                 Favart. Au cœur de l’œuvre, une              q u o i q u e p r é t e n d e l ’ h e u re u x   le Palazzetto Bru Zane, à ranimer cette
    qu’au théâtre triomphaient Kean (1836)       l’héroïsme des faibles, surtout celui des                                                   artiste transformiste mais probe,            dénouement, Favart n’a jamais reçu               œuvre inspirée de son histoire, mais
    de Dumas, puis Adrienne Lecouvreur           femmes endurant épreuves et dangers            La rue Favart était connue des Parisiens.    charismatique mais solidaire, gaie           du roi ses mandats à la tête de                  jamais jouée dans ses murs. Anne Kessler,
    (1849) de Scribe et Legouvé.                 pour sauver leur couple. De Leonore-           Elle desservait la salle de l’Opéra          mais intrépide. En écho à Flaubert,          l’Opéra Comique, alors troupe foraine            femme de théâtre comme Justine, fait
    Lecouvreur avait été, avant Justine          Fidelio à Floria Tosca, en passant par         Comique depuis son édification en 1783.      Offenbach a dû affirmer : « Madame           et non théâtre officiel. Que Justine ait         le pari de la comédie en conservant
    Favart, la grande passion du maréchal        nombre d’égéries d’opéra-comique et du         Justine était alors décédée depuis 11 ans,   Favart, c’est moi ! »                        en revanche assisté Charles-Simon                tous les dialogues parlés. Laurent
    de Saxe. Cet aristocrate avait tout pour     boulevard, que de courageuses fiancées         mais Charles-Simon l’avait associée à        Caractérisation des personnages              dans cette tâche ne fait aucun doute.            Campellone, qui a réhabilité Fantasio,
    devenir, lui aussi, un personnage de         et épouses attendrissaient les publics !       l’hommage – une idée du duc de Choiseul,     historiques et paroles des chansons                                                           restitue la profondeur de cette partition
    fiction, d’abord parce que Saxon, donc       Justine avait formé avec Charles-Simon         donateur du terrain. Le couple Favart        doivent à l’étude de Pilgrim et Gozlan       Le Théâtre des Folies-Dramatiques                éclectique. Les chanteurs de la Nouvelle
    n’affectant pas l’image de la France.        Favart un couple trop idéal pour n’être        avait joué un rôle-clé dans l’évolution      parue en 1858. Maurice de Saxe               produisit Madame Favart le 28 décembre           Troupe Favart y déploient la polyvalence
    Ce fils adultérin du roi de Pologne,         pas célébré par une société fondée sur         et le rayonnement de l’institution :         n’apparaît pas, remplacé par un              1878, avec une excellente distribution.          artistique qu’implique le genre, et dont
    entré au service de Louis XV, envahit les    le mariage. Tant pis si elle avait dominé      il appartenait au patrimoine français.       gouverneur d'opérette, plus truculent.       De nombreux numéros furent bissés,               jouait si bien notre héroïne.

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MADAME FAVART - Opéra Comique
ARGUMENT

    ACTE I                                       ACTE II                                      ACTE III
    Alors que le maréchal de Saxe assiège        À Douai, Hector va fêter sa prise            Au camp de Fontenoy, le maréchal
    Tournai avec l’armée française,              de fonction. Les Favart jouent les           souffrant n’a pas encore constaté
    débarquent dans une auberge d’Arras          domestiques. Mais le gouverneur              l’absence de sa comédienne préférée.
    le major Cotignac et sa fille Suzanne.       Pontsablé survient, à la poursuite           Cotignac attend avec les soldats
    Cotignac veut obtenir du gouverneur          de Madame Favart sur ordre du                le spectacle que doivent donner les
    Pontsablé un poste de lieutenant de police   maréchal – en fait pour revoir celle qu’il   Favart, en présence de Louis XV.
    pour son futur gendre. Mais Suzanne aime     prend pour l’épouse d’Hector. Justine        Or Suzanne n’est pas comédienne
    un greffier, Hector de Boispréau, prêt à     le mystifie, mais doit révéler comment       et Favart n'est pas inspiré !
    briguer le poste pour obtenir sa main.       elle a obtenu la charge d’Hector.            Justine et Hector paraissent, travestis
    L’aubergiste Biscotin cache Favart, ex-      Suzanne craint de lui céder sa place         en marchands. Justine va révéler au roi
    directeur de théâtre que le maréchal         d’épouse et se travestit en domestique.      les persécutions qu’elle subit. Elle est
    de Saxe veut emprisonner pour lui ravir      Forcée de subir la cour de Pontsablé,        priée de monter en scène, tandis que
    son épouse, la comédienne Justine.           Justine apprend que la t ante                Suzanne et Hector s’éclipsent.
    Or Justine vient rejoindre son mari sous     d’Hector pourrait l’identifier car elle      Pendant le spectacle, Cotignac révèle
    l’habit d’une chanteuse des rues. Après      l’a vue jouer à Paris. Elle se travestit     à Pontsablé que celle qu’il a courtisée
    avoir charmé les clients de l’auberge,       donc en douairière pour envoyer              n’est pas sa fille. Pontsablé fait rattraper
    elle retrouve Hector, son ami d’enfance.     Pontsablé sur une fausse piste.              Suzanne et Hector. Mais Justine obtient
    Son art du travestissement met les           Hélas, la véritable tante survient           un triomphe, et le roi la gratifie de deux
    soldats en déroute. Puis elle embobine       et annonce que Madame Favart                 cadeaux : la révocation de Pontsablé
    le gouverneur : convaincu d’avoir affaire    se dissimule sous le costume d’une           et la nomination de Favart à la tête
    à l’épouse d’Hector, il lui concède          servante. Pontsablé embarque donc            de l’Opéra Comique.
    le poste convoité. Hector peut emmener       Suzanne, avec Favart.
    Suzanne à Douai, avec les Favart qu’il
    fait passer pour ses domestiques.

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MADAME FAVART - Opéra Comique
INTENTIONS
    Les maîtres d’œuvre du spectacle se livrent à un entretien croisé

                                            MADAME FAVART EST UNE ŒUVRE DE LA MATURITÉ :         musical incroyable et si savoureux,     ou des comédies musicales à venir.
                                            QUELLES SONT SES CARACTÉRISTIQUES ?                  avec la dextérité des cordes            Sa simplicité apparente, pour
                                                                                                 (évoquant la légèreté d’une             dire le rapport vital de l’homme
                                                                                                 génoise) et la répétition de certains   à la lumière du jour – et à l’amour
                                                                                                 mots : on dirait vraiment un gâteau     –, est irrésistible. Mais le plus
                                                                                                 en musique.                             bel air est à mon sens le menuet
                                                             Laurent Campellone :                                                        de la vieille que chante Madame
                                                             Madame Favart présente              Les récitatifs sont parmi les plus      Favart à l’acte II. Avec cette danse
                                                             une homogénéité d’inspiration       accomplis qu’Offenbach ait              de cour, Offenbach regarde avec
                                                      particulièrement remarquable sur les       composés avec ceux de Fantasio.         tendresse en arrière, dit son amour
                                                      trois actes. On sent qu’Offenbach a        D’une grande économie de moyens,        des maîtres du passé, comme
                                                      soigné sa partition et que son savoir-     ils sont très expressifs, préparent     Rameau.
                                     Anne Kessler     faire y est à son apogée. Il utilise des   remarquablement les airs et
                                     Mise en scène    recettes qu’il maîtrise à la perfection    les transitions, sans une note
                                                      et qu’il parvient encore à magnifier,      superflue.
                                                      comme les couplets – forme obligée
                                                                                                                                                               Laurent Campellone
                                                      pour un sujet XVIIIe –, la tyrolienne,     Beaucoup d’airs sont splendides.
                                                                                                                                                               Direction musicale
                                                      la chanson de garnison, le duo             Celui de Favart à l’acte III,
                                                      d’amour, les ensembles virtuoses           la romance « Quand je cherche
                                                      et rapides – trio, quatuor. D’autres       dans ma cervelle », est sublime.
                                                      morceaux sont d’une grande                 Ici nous tenons une excellente
                                                      subtilité : l’air de l’échaudé             chanson, d’une facture tout à fait
                                                      par exemple, d’un raffinement              proche des chansons populaires

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MADAME FAVART - Opéra Comique
À QUASI 60 ANS, OFFENBACH SE RETOURNE
     AVEC PLAISIR ET TENDRESSE VERS LE PASSÉ…                                        Christian Helmer
                                                                                     Charles-Simon Favart

              Laurent Campellone :            et des Contes d’Hoffmann.
              Avec ce menuet,                 Elle s’adresse en effet à un
              parenthèse magique              petit orchestre mozartien, doté
      d’une incursion baroque, le petit       d’un unique hautbois, d’un
      diable des boulevards, qui              basson, de deux cors. Certes,
      s’amusait si souvent du passé,          contrairement aux deux titres
      rend un hommage sincère et              cités, Madame Favart n’était pas
      splendide au grand classicisme.         destiné à l’Opéra Comique, dont
                                                                                                  Glyslein Lefever                       Marion Lebègue
      Et puis le sujet de cet air, les        l’orchestre présentaient d’amples
                                                                                                  Chorégraphie                           Madame Favart
      quatre saisons de l’amour, évoque       proportions. Mais Offenbach
      Vivaldi, Arcimboldo, mais sans          opère ici un choix stylistique,
      mélancolie. Offenbach nous dit          lié au XVIIIe siècle de l’action
      qu’il faut être reconnaissant à         dramatique, et aussi au fond du
      l’égard du passé, se réjouir de         sujet, qui raconte la naissance
      vivre encore par ses souvenirs,         du projet théâtral des Favart.                                                       Guy Zilberstein :       Favart en 2019, il est
                                                                                                       Lionel Peintre
      se féliciter qu’à l’inspiration de la   Offenbach a vécu une aventure                                                  Avec Madame Favart,          question, pour le XXIe
                                                                                                       Biscotin
      jeunesse succède l’expérience de        similaire avec l’opérette.                                                créé en 1878, le XIXe siècle           siècle de l’incertitude
      la maturité. Je retrouve tout à fait    Il se souvient qu’il n’avait                                                   de la frivolité regarde            et de l’interrogation,
      Offenbach dans cet optimisme            le droit, aux Bouffes-Parisiens                                               le XVIIIe des guerres et          de contempler le XIXe
      et dans ce rapport joyeux               de 1855, qu’à des effectifs réduits.                                           des lumières, d’un œil                qui s’interroge sur
      au passé qui va bien au-delà            On l’appelait alors « le petit                                            à la fois intrigué et amusé.           celui qui l’a précédé :
      de la mélancolie.                       Mozart des Champs-Élysées ».                                                     L’Europe, où se situe        exercice vertigineux qui
                                              L’orchestration de Madame                                                      l’action, est un champ          contraint à une mise en
      L’orchestration de l’œuvre              Favart en dit long sur sa nostalgie,                                      de bataille, et le maréchal       perspective, qui exige une
      s’en ressent, très étonnante            à l’égard de ses succès de                                                        de Saxe se partage         forme dramaturgique et
      à une époque d’orchestrations           jeunesse comme à l’égard                                                     entre stratégie militaire        scénographique sortant
      pléthoriques, et aussi comparée         du XVIIIe siècle qui a nourri                                                et stratégie amoureuse.            du cadre de référence
      aux grandes partitions de Fantasio      son art.                                                                        En montant Madame               ordinairement retenu.

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MADAME FAVART - Opéra Comique
L’ŒUVRE MET D’AILLEURS
                         LE PROCESSUS CRÉATIF EN SCÈNE,
                         MONTRANT QUE LES FAVART
                         ONT FAIT DE LA VIE UN THÉÂTRE.

                                    Anne Kessler : Madame Favart est
                                    un personnage très humain. Elle a beau
                          diriger le mouvement et paraître sous les                           Marine Thoreau La Salle
                          projecteurs, elle ne relègue pas Favart au                                 Cheffe de chant
                          second plan. On le voit dans l’ombre ou près
                          de la coulisse, écrivant, commentant, produisant.
                          Il n’est pas écrasé et l’incarnation le fait vivre                      Guy Zilberstein :
                          pleinement. Le rôle de Madame Favart a quant             Anne Kessler a inscrit le récit
                          à lui des dimensions imposantes, mais n’est pas             des aventures du couple Favart
                          écrasant. Il est solaire, et le personnage montre                  dans l’atelier de couture de
                          tant de couleurs et de facettes qu’il nourrit               l’Opéra Comique. Ce sont alors
                          l’interprète autant que l’inverse.                              les couturières et les tailleurs,
                                                                                     occupés à produire les costumes
                          Madame Favart est un hymne à la femme,                         de ce qui sera prochainement
                          mais pour une fois moins à l’inspiratrice qu’à                    le spectacle, qui deviennent
                          la créatrice. On y voit Charles-Simon apprendre              les personnages de l’œuvre, qui
                          ou réapprendre le théâtre auprès de Justine.              se propulsent dans l’action, et qui
                          Elle est sa muse, et il n’est en rien son Pygmalion.          s’emparent de la parole. S’agit-
                          Ceci étant, l’admiration de son époux est peut-              il d’évoquer une bataille, et l’on
                          être son moteur à elle ! N’a-t-elle pas besoin             assiste à sa reconstitution, par le
                          de lui comme spectateur ? Elle change sans cesse       fils d’une des couturières, sagement
                          de costumes, mais elle lui reste fidèle et demeure            présent dans l’atelier, avec ses
                          la vertu incarnée. Travestissement après                soldats de plomb. Nous ne sommes
     Franck Leguérinel    travestissement, quelles preuves d’amour elle lui      pas dans la métaphore, plutôt dans
     Le major Cotignac    offre ! À ce jeune couple très amoureux, le roi             l’art de la transposition qu’Anne
                          a bien raison de donner un théâtre : ils incarnent            Kessler et Andrew. D. Edwards
                          toutes les facettes du spectacle vivant.                               ont choisi de pratiquer.

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MADAME FAVART - Opéra Comique
Anne-Catherine Gillet
                                                                                                                             Suzanne
                                                                                     Raphaël Brémard
                                                                                     Le sergent Larose

                                                                                                                                                     François Rougier
                                                                                                                                                     Hector de Boispreau

     MADAME FAVART EST
     AUSSI UN AUTHENTIQUE
     OPÉRA-COMIQUE :
     COMMENT S’ÉQUILIBRENT
     THÉÂTRE ET MUSIQUE ?

               Anne Kessler : Offenbach        Les situations scéniques               Quoique la partition comporte des
               sait magnifiquement             se prolongent dans le chant, qui       airs sublimes – c’est une véritable
      bien raconter des histoires en           apporte la profondeur et l’émotion,    machine à tubes –, je ne perçois
      combinant musique et dialogues.          l’enthousiasme dans l’expression.      pas cette pièce comme le prétexte
      Le rapport entre le parlé                Quand le cœur explose, la parole       à une suite de numéros brillants,
      et le chanté est extrêmement             parlée n’est plus possible !           appelant les applaudissements
      équilibré. Le dialogue, qui ne sonne     Il me semble que le chant est          qui interrompraient le mouvement
      jamais désuet, pose habilement           à la parole ce que le vol est          dramatique, mais comme un
      les situations et les personnages,       à la marche… Avec une note bien        tout organique. Les situations
      tout en finesse et en humour.            placée, on exprime une émotion         partent d’une vérité et nécessitent
      Les personnages s’y dessinent bien,      qui dépasse tout, qui emporte          de jouer de façon très authentique.
      avec dignité : aucun n’a besoin d’être   l’auditeur. Puis, après le chant,      C’est assez difficile dans la mesure
      nourri pour exister, aucun ne vient      la parole se reprend très bien.        où le tempo de l’action est rapide.
      « servir la soupe ». Les répliques                                              Mais nous avons une très belle
      permettent de croire à leur sincérité    La fluidité entre parole et chant      troupe d’interprètes qui savent
      et à leur enthousiasme.                  se renforce au fil des répétitions.    s’écouter et coexister.

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MADAME FAVART - Opéra Comique
LE CHŒUR JOUE-T-IL UN RÔLE IMPORTANT ?

            Laurent Campellone :             qui emporte et étourdit alors
            La partition présente            la société, avec le développement
     un usage du chœur que je n’avais        des transports, la circulation plus
     jusqu’à présent jamais vu chez          rapide des biens, des personnes,
     Offenbach. Non seulement il est         des idées. La partition traduit cette
     présent dans plus de la moitié          irruption de la vitesse dans le XIXe
     des numéros de la partition             siècle finissant, et le chœur en est
     (une proportion haute chez              en quelque sorte le thermomètre.
     Offenbach), mais il est presque         Musicalement, c’est un défi pour
     toujours utilisé allegro – le premier   les choristes, habituellement gâtés
     passage legato n’apparaissant           par les partitions de cette époque,
     que huit mesures dans le finale         y compris celles d’Offenbach.
     de l’acte 2. Ce chœur vif, frénétique   Eux qui ont toujours les moyens
     évoque très bien la fuite en avant      d’exprimer beaucoup de couleurs
     des personnages, poursuivis par         sont ici confrontés à une écriture
     les hommes du maréchal de Saxe.         très rythmique, avec peu
     Mais il reflète aussi la frénésie       de valeurs longues. Il nous faut
     propre au théâtre de boulevard          travailler la variété des intentions
     contemporain. Car Offenbach,            afin de ne pas tout chanter                         Éric Huchet
     comme Feydeau et Courteline,            de la même façon.                       Le marquis de Ponsablé
     sent et traduit l’accélération

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MADAME FAVART PEUT-IL ÊTRE MIS
     EN RAPPORT AVEC LES CONTES
     D’HOFFMANN, OUVRAGE
     CONTEMPORAIN D’OFFENBACH ?

              Laurent Campellone : Le livret
              de Madame Favart me fait penser
      au Mariage de Figaro avec ses deux couples,
      leur chassé-croisé, le personnage d’amoureuse
      qu’est Suzanne… Pontsablé, lui, serait plutôt
      un genre de baron Ochs du Rosenkavalier,
      concentrant le pire du XVIIIe aristocratique.

      Mais je ne peux m’empêcher non plus de mettre
      Madame Favart en rapport avec Les Contes
      d’Hoffmann : dans leur rapport aux femmes,
      Favart m’apparaît comme l’anti-Hoffmann.
      Hoffmann égrène les amours déçues et est perdu
      par les femmes, tandis que Favart ne cesse
      d’être sauvé par des femmes différentes
      qui s’avèrent toujours la même. Justine sait
      concentrer toutes les femmes qui échappent
      à Hoffmann, elle est la somme de ces figures :
      celle qui fait voyager, rêver, qui rend fou et qui
      protège. Elle est enfin la Nicklause de Favart,
      qui le sauve de tous les dangers. Favart, lui, est
      une mise en abyme du poète, qui se renferme
      pour créer, qui lutte avec l’inspiration. En miroir,
      Offenbach nous parle de ce que c’est que
      créer, et nous dit qu’à l’artiste qu’il est, il faut
      toutes ces femmes. Cette femme, qui change
      constamment, sauve en tout cas son poète, Favart.

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JACQUES OFFENBACH
                                   « Me voici sur la scène.                                                                                                                      (1819-1880)
                                   Offenbach est là, très
                                   pâle, grelottant sous
                                   un paletot d’hiver.
                                   – Je suis souffrant,
                                   me dit-il, je n’ai pas
                                   dormi... Il n’a pas fini          Fils d’un musicien de synagogue, Jacob        Offenbach décide d’imiter son confrère      les scènes officielles : à l’Opéra
                                                                     Offenbach naît à Cologne le 20 juin           Hervé qui a créé les Folies-Nouvelles       avec le ballet Le Papillon, à l’Opéra
                                   cette phrase et le voilà          1819. Sa famille envoie le jeune              en 1854. Le 5 juillet 1855, il fonde les    Comique avec Barkouf, qu’une cabale
                                   qui prend la direction            violoncelliste étudier à Paris, seule         Bouffes-Parisiens au Carré Marigny.         fait échouer. Il prend sa revanche
                                   de la répétition.                 métropole où un artiste juif peut faire       Il doit se limiter au genre de l’opérette   avec La Chanson de Fortunio, acclamé
                                   Il a soudainement                 carrière. À 14 ans, Offenbach arrive          en un acte et sans chœur, mais il profite   aux Bouffes-Parisiens. Il fait un premier
                                                                     dans la ville dont il va assimiler l’esprit   de l’Exposition universelle qui se tient    voyage à Vienne où sa musique
                                   retrouvé le mouvement,            et devenir l’incarnation musicale.            en face. Le succès est immédiat. L’hiver    connaît une grande vogue, d’où sortira
                                   la force, la vie. Il ôte son                                                    venu, il installe son théâtre dans          l’opérette viennoise.
                                   paletot et l’envoie sur           Après un an au Conservatoire puis             le passage Choiseul et ouvre avec Ba-
                                   le fauteuil, il bat la mesure     deux dans l’orchestre de l’Opéra              Ta-Clan. En 1856, il lance un concours      Avec le duc de Morny, il écrit
                                                                     Comique, le jeune musicien fait jouer         d’opérette dont les lauréats sont           M. Choufleuri restera chez lui le… et raille
                                   à tour de bras, tenant et         en 1836 au Jardin Turc des valses             Bizet et Lecocq. Il écrit une trentaine     le drame romantique dans Le Pont
                                   entraînant tout le monde          de sa composition, puis se lance dans         d’œuvres en un acte, et monte aussi         des soupirs. En 1862, il abandonne
                                   à la pointe de son archet.        une carrière de musicien de salon et          Rossini et Mozart.                          la ruineuse direction des Bouffes-
                                   Que d’esprit dans cette           de virtuose. Mais le théâtre lyrique                                                      Parisiens et entame une collaboration
                                                                     l’attire. Entrecoupée de retours              Offenbach obtient l’autorisation            avec le « Kursaal » de Bad Ems, station
                                   physionomie si originale !        à Cologne où on le joue aussi,                d’élargir les proportions de ses            thermale mondaine : huit ouvrages
                                   Que d’énergie dans                sa carrière piétine. Des concerts donnés      spectacles et crée Orphée aux Enfers        y seront créés jusqu’en 1867.
                                   ce petit corps si frêle,          entre 1843 et 1854 ne lui permettent          en 1858. Devenu à la mode, il est
                                   si délicat, si chétif ! »         pas d’être reçu à l’Opéra Comique.            naturalisé en 1860 et reçoit la Légion      1864 une année capitale : à Vienne,
                                                                     Sa nomination en 1850 comme                   d’honneur en 1861. Si Geneviève             l’opéra romantique Die Rheinnixen
                                   Ludovic Halévy,                   directeur de la musique à la Comédie-         de Brabant a moins réussi en 1859,          n’obtient qu’un succès d’estime
     Jacques Offenbach vers 1878   Notes et Souvenirs, Paris, 1889   Française est une solution d’attente.         Offenbach débute en 1860 sur                mais à Paris, le décret sur la liberté

22                                                                                                                                                                                                            23
« Tu sais si je suis accessible du côté du cœur ;
     c’est une bête de corde, lorsqu’on la touche et qu’on y fait vibrer un son,
     on peut être sûr que je réponds par une profusion d’accords. »
                                                                                                                                                         RESTAURER L’OPÉRA-COMIQUE
     Offenbach à Ludovic Halévy, lettre du 24 juillet 1869                                                                                                                        Par Jacques Offenbach
                                                                                                                                                   Le titre de mon opéra-         Madame Favart n’a point de ces
                                                                                                                                                   comique suffit à en            hautes visées. Mes prétentions
                                                                                                                                                   déterminer les véritables      se bornent à l’opéra-comique
                                                                                                                                        proportions. Justine Favart, en effet,    français tel que l’ont connu
                                                                                                                                        c’était l’incarnation de la chanson       nos pères : l’opéra-comique qui fit
     des théâtres lui ouvre de nouvelles       La guerre franco-prussienne remet            à la fois des pièces à grand spectacle      française. Un tel sujet ne pouvait        la gloire des Grétry, des Dalayrac,
     salles. La Belle Hélène inaugure une      tout en question. Offenbach, d’origine       et des opéras-bouffes. Mais ils sont        qu’inspirer une comédie à ariettes,       des Monsigny, des Nicoló [Nicolas
     période faste. Les librettistes Meilhac   allemande, est un bouc émissaire             coûteux. Quasiment ruiné, Offenbach         agrandie, développée.                     Isouard], pour ne citer que les plus
     et Halévy et les artistes Hortense        idéal. Sa musique est accusée d’avoir        effectue en 1876 une éprouvante mais                                                  illustres, et la fortune des théâtres
     Schneider et José Dupuis le secondent.    démoralisé les Français. On lui              lucrative tournée aux États-Unis.           Madame Favart porte, il est vrai,         qui l’exploitaient.
     L’opéra-bouffe devient un phénomène       reproche aussi des liens avec le pouvoir     À son retour, Le Docteur Ox et Maître       ce titre « opéra-comique », mais avec
     de société, le symbole d’une époque.      impérial – ils n’ont jamais existé.          Pétronilla sont moins bien accueillis,      Hérold, Auber, Boieldieu, Halévy,         Et nous avons tant et si bien oublié
                                                                                            tandis que Madame Favart et La Fille        Adam, et surtout depuis ces grands        la tradition qu’un retour au véritable
     En 1866 se succèdent Barbe-Bleue puis     Si le climat moral né de la défaite oblige   du tambour-major (1879) cultivent une       maîtres, l’opéra-comique s’est            opéra-comique peut sembler à bien
     La Vie parisienne. Pour l’Exposition      Offenbach à changer sa manière,              veine patriotique pour reconquérir          à ce point développé qu’il a brisé        des gens une audacieuse innovation,
     universelle de 1867 paraît La Grande-     les quarante partitions créées de 1871       le public.                                  son cadre et tend de plus en plus         alors que ce n’est à proprement
     Duchesse de Gérolstein. Offenbach         à 1881 prouvent qu’il est toujours aussi                                                 à se confondre avec un genre aux          parler qu’un essai de restauration.
     est joué dans cinq théâtres parisiens     fécond sous la République.                   Offenbach meurt le 5 octobre 1880 alors     plus grandes allures.
     à la fois, dont l’Opéra Comique avec                                                   qu’il travaille à son opéra fantastique
     Robinson Crusoé. En 1868, Le Château      Après Boule-de-Neige, nouvelle               Les Contes d’Hoffmann. Le triomphe          Depuis le vaudeville, qui fut son
     à Toto réussit moins que La Périchole.    version de Barkouf, Offenbach se             de ce 110e ouvrage scénique le 10 février   berceau, l’opéra-comique a fait
     Hervé et Lecocq ne parviennent            tourne vers la féerie au Théâtre de          1881 couronne la conquête de l’Opéra        du chemin ; la juste balance entre          Lettre au directeur du Grand-Théâtre
                                                                                                                                                                                       de Marseille, parue dans Le Figaro
     pas à détrôner Offenbach. En 1869,        la Gaîté, qu’il dirige de 1873 à 1875.       Comique, dont Fantasio constituait          le poète et le musicien a été faussée ;            du 29 janvier 1879, publiée dans
     alors que Vert-Vert est créé à la salle   Le Roi Carotte, Orphée aux Enfers            la précédente étape en 1872.                aujourd’hui la symphonie règne dans                        M. Offenbach nous écrit
     Favart, La Princesse de Trébizonde et     remanié, Geneviève de Brabant                                                            l’orchestre et le récitatif absorbe             éd. Jean-Claude Yon, Actes Sud /
     Les Brigands confirment sa domination.    remaniée, Le Voyage dans la lune sont                              Jean-Claude Yon       le dialogue.                                            Palazzetto Bru Zane, 2019
                                                                                                                                                                                                                              Page de titre de la partition piano-chant
                                                                                                                                                                                                                                  de Madame Favart, Choudens, 1879.
24
JUSTINE DURONCERAY FAVART,                                                                                                                                   Justine Favart en Bastienne dans
                                                                                                                                                        Les Amours de Bastien et Bastienne en 1753,

     UNE ARTISTE COMPLÈTE
                                                                                                                                                        gravure d’après le dessin de Carle van Loo.

     À L’ÉPOQUE DES LUMIÈRES                                                                                                                                  « Messieurs, ces sabots
                                                                                                                                                              donneront des souliers
     Entretien avec Raphaëlle Legrand                                                                                                                              aux comédiens ! »

               QUI ÉTAIT « MADAME                 lui permettait de jouer toutes sortes         la mort de son épouse. Dans ces pages          Proche de l ’étymologie latine
               FAVART » ?                         de personnages, dont les travestis,           émouvantes, le dramaturge rend                 (consuetudo, habitude) par le biais
                                                  de chanter aussi bien en style français       hommage à l’actrice, insistant sur             de l’italien (costume, coutume),
     Née en 1727 en Avignon de parents            qu’en style italien. À 37 ans, elle s’était   ses innovations scéniques.                     prononcé à l’italienne (« Costoumé »
     musiciens, élevée à la cour de Stanislas     reconvertie dans les rôles de jeunes                                                         précise en 1740 le Dictionnaire
     Leszczynski à Lunéville, en Lorraine,        mères conçus pour elle.                          QUELLE RÔLE A-T-ELLE JOUÉ                   de l’Académie), le terme désignait
     Marie-Justine-Benoîte Duronceray                                                           DANS L’HISTOIRE DU COSTUME                     en peinture l’« usage des différents
     était une enfant de la balle. Danseuse,      Pendant sa carrière, en 1762, la Comédie      DE SCÈNE ?                                     temps, des différents lieux auxquels
     actrice et chanteuse, s’accompagnant         Italienne fusionna avec l’Opéra                                                              le peintre est obligé de se conformer. »
     au clavecin, à la harpe et à la guitare,     Comique. À la Foire comme dans la             Charles-Simon affirmait : « Ce fut
     elle débuta à 18 ans à l’Opéra Comique       nouvelle institution, qui prit le nom         e l l e q u i l a p re m i è re o b s e r va   Quand on évoque la réforme du costume
     de la Foire Saint-Germain, sous le nom       de Comédie Italienne, Justine Favart          le costume : elle osa sacrifier les            théâtral au xviii e siècle, on cite
     de mademoiselle Chantilly. Elle épousa       triompha dans les opéras-comiques             agréments de la figure à la vérité             généralement à la fois la Clairon et Lekain
     quelques mois plus tard le dramaturge        en vaudevilles, agrémentés d’ariettes         des caractères. » Autrement dit : elle         à la Comédie Française, la Saint-Huberty
     Charles-Simon Favart, qu’elle suivit         de style italien à partir des années          renonça à la coquetterie au profit             à l’Opéra, Justine Favart et parfois
     à Bruxelles. De retour à Paris, elle fut     1750 – notamment dans les œuvres de           de la représentation réaliste des              Joseph Caillot à la Comédie Italienne.
     reçue à la Comédie Italienne en 1749, et     son mari, et dans les siennes propres.        personnages. Le mot « costume » ne             Ces interprètes ont en effet joué un rôle
     y tint la vedette jusqu’à sa mort en 1772,   La première biographie de Justine fut         désignait pas uniquement les « habits »,       majeur dans l’invention d’une nouvelle
     soit de 22 à 45 ans. Son style polyvalent    rédigée par Charles-Simon peu après           mais aussi les accessoires et la gestique.     conception de l’illusion théâtrale.

26                                                                                                                                                                                                    27
« On doit pardonner tous les torts,
     Justine Favart en Roxelane
      dans Soliman II ou les Trois   excepté celui d’être ennuyeux :
                                                                                         la Comédie Italienne propose                Ainsi que Justine l’exposait dans                COMMENT JUSTINE
         Sultanes en 1761, dessin    celui-là est irréparable. »                         sa parodie, Les Amours de Bastien et        le prologue de la Fête d’Amour, elle         S’EST-ELLE DÉMARQUÉE
            par Coeuré, gravure
                  par Prud’hon.                                                          Bastienne, comme elle le fait pour les      concevait le plan de ses pièces,             DE ROUSSEAU DANS BASTIEN
                                     Justine Favart, Il eut tort
                                                                                         titres à succès de l’Opéra. Très proche     choisissait les effets comiques,             ET BASTIENNE ?
                                                                                         du Devin, cette parodie est davantage       sélectionnait les vaudevilles – ces airs
                                                                                         un hommage et un prolongement               connus qui agrémentaient chaque              La peinture des mœurs paysannes
                                                                                         qu’une satire. Fait exceptionnel, elle      pièce sur de nouvelles paroles. Puis elle    y est plus précise, et Bastien et
                                              Mais la pionnière, c’est Justine.          remporte un succès tel qu’elle devient      donnait son canevas en prose à versifier     Bastienne disent dans un style
                                              Dans une lettre au directeur des           une pièce autonome. Jusqu’à être            à un ami lettré, et faisait relire le tout   patoisant ce que Colin et Colette
                                              spectacles à Vienne, Charles-Simon         jouée à Vienne, en français, puis dans      par Charles-Simon. Justine est donc          exprimaient dans la langue élégante
                                              Favart le clame : « J’ose dire que ma      une traduction allemande. Dont le           bien l’autrice principale du tome V de       de Rousseau. Les épisodes nouveaux
                                              femme a été la première en France          jeune Mozart fera un singspiel en 1768.     ce Théâtre, comme en attesta Charles-        orientent l’innocence des amours
                                              qui ait eu le courage de se mettre                                                     Simon. Il est dommage que, dans              au village vers la grivoiserie légère
                                              comme on doit être, lorsqu’on              Or la pièce est de Justine. Elle            le fichier de la Bibliothèque nationale      et ambiguë que Favart développait
                                              la vit avec des sabots dans Bastien        figure dans le tome V du Théâtre de         de France, la confusion règne                dans son œuvre depuis La Chercheuse
                                              et Bastienne. »                            M. Favart, publié par Charles-Simon         dans les attributions. L’autrice est         d’esprit. Comme interprète, Justine
                                              De fait, la Clairon s’inspira du costume   en 1763 : il s’agit en réalité du recueil   invisibilisée par son mari dramaturge.       met en œuvre un réalisme très
                                              de sultane de Justine pour jouer Roxane    des six pièces (quatre parodies, deux       Si bien qu’en 2010, l’Opéra Comique          nouveau, portant une véritable robe
                                              dans Bajazet à la Comédie Française.       originales) dont Justine a revendiqué       a programmé La Fille mal gardée              de villageoise, des sabots et une
                                              Et l’Opéra l’imita à son tour pour une     l’auctorialité. Écrites en collaboration    de Favart, une pièce… de Justine !           petite croix d’or, fixés par la célèbre
                                              reprise en 1763, à Fontainebleau, de       avec Harni de Guerville, Lourdet            Il faudrait par ailleurs s’interroger sur    gravure de Van Loo. Ces éléments de
                                              Scanderberg, qui met en scène le héros     de Santerre ou Guérin de Frémicourt,        la contribution de Justine aux pièces        trivialisation créent un « effet de réel
                                              albanais face à l’expansion ottomane.      ces pièces illustrent l’« écriture en       de Charles-Simon, lorsqu'elle en a créé      » : les Favart concilient le désir de faire
                                                                                         société » courante dans ce répertoire.      le personnage principal…                     rire et le désir de « faire vrai ».
                                                 BASTIEN ET BASTIENNE
                                              FAIT LE LIEN ENTRE
                                              JUSTINE ET MOZART…
                                                                                                                   « Madame Favart fait les délices de tout Paris, et si elle n’a pas
                                              Le Devin du village de Rousseau                             entièrement créé le genre dans lequel elle excelle, elle l’a du moins porté
                                              avait été représenté à l’Opéra                                       à un degré de perfection qu’il n’était pas possible d’imaginer. »
                                              le 1 er mars 1753, après sa création
                                              à Fontainebleau. Le 4 août 1753,                                                                                                          Mercure de France, octobre 1754

28                                                                                                                                                                                                                              29
« C’est à Justine Favart, à son initiative, qu’on doit les premiers                                                                                                                    La différence d’âge était importante
     essais qui aboutirent à la transformation de la Comédie Italienne                                                                                                                      entre les époux : lors de leur mariage,
                                                                                                                                                                                            Justine avait 18 ans et Charles-Simon 35.
     en une seconde scène lyrique vouée au genre de l’opéra-comique. »                                                                                                                      Charles-Simon pouvait ainsi se donner
                                                                                                                                                                                            des allures de Pygmalion. Formé d’un
     Arthur Pougin, Madame Favart, 1912
                                                                                                                                                                                            dramaturge et d’une actrice, le couple
                                                                                                                                                                                            semblait fonctionner sur le mode
                                                                                                                                                                                            de la complémentarité :
     Le choix musical amusa le public           On la découvre dans le tome 2                en société, et dont on louait la faculté
     averti, qui connaissait les originaux,     du Théâtre de M. Favart, regroupant          d’improviser des couplets jusque sur                                                           « Le joli couple à mon avis,
     avec des hommages à Rousseau, des          les pièces de la période 1752-1754. Dans     son lit de mort, a participé à la création                                                     Que Favart et sa femme !                     RAPHAËLLE LEGRAND
     citations de Mondonville et de Rameau      Tircis et Doristée, pièce en vaudevilles,    musicale de toutes ses pièces.                                                                 Quel auteur met dans ses écrits
     – considérés alors, en pleine querelle     deux airs lui sont attribués : « Air :                                                                                                      Plus d’esprit et plus d’âme ?                Musicologue et professeure
     des Bouffons, comme les champions          De Madame Favart » et « Air : De Justine        QUEL STATUT AVAIENT                                                                         Est-il pour l’exécution                      à Sorbonne-Université,
     de la musique française. Quelques          ». Ces airs miniatures sont réduits à une    AU MILIEU DU XVIIIe SIÈCLE                                                                     Actrice plus jolie ?                         Raphaëlle Legrand y a fondé
     mois avant la parution de la Lettre        mélodie sans basse continue, propre          LES FEMMES INTERPRÈTES ?                                                                       On prendrait l’un pour Apollon               et co-dirige le Groupe de
     sur la musique française de Rousseau       à l’édition, et ne conservent donc pas                                                                                                      Et l’autre pour Thalie. »                    Recherche Interdisciplinaire
     et des Observations sur notre instinct     la mémoire de l’arrangement orchestral       Les chanteuses lyriques étaient                                                                (Gabriel-Charles de Lattaignant, 1761)       sur la Musique et les Arts
     pour la musique de Rameau, ce pot-         qui les accompagnait. La nécrologie          les plus visibles des musiciennes            Justine Favart en vieille fée                                                                  du Spectacle et le Centre
     pourri plaçait Rousseau au niveau des      publiée dans les Spectacles de Paris         professionnelles. Leurs talents étaient      dans La Fée Urgèle en 1765.                       En réalité, Justine n’était pas la Galatée   de Recherche Interdisciplinaire
     compositeurs français les plus renommés.   après la mort de Justine précise :           appréciés à l’égal de ceux des hommes,                                                         de son Pygmalion mais bien plutôt            sur les Musiciennes.
     En pleine querelle, la Comédie Italienne   « Son mérite en ce genre était peu           et leurs salaires se révélaient souvent      Pa r m i e l l e s f i g u re n t l e s p l u s   sa collaboratrice. Charles-Simon             Ses recherches portent
     proposait donc une parodie promouvant      connu, parce que sa modestie                 identiques. Leur indépendance                importantes de la seconde moitié du               d’ailleurs n’aura plus le goût d’écrire      sur l’opéra et l’opéra-comique
     Le Devin du village. L’opéra-comique       l’empêchait d’en tirer avantage. »           financière offrait aux plus réputées         XVIIIe siècle, toutes connues sous leur           après la mort de son épouse. On doit         en France au XVIIIe siècle,
     préparait sa mutation vers la comédie                                                   le choix entre mariage et célibat.           nom d’épouses : Justine Favart, Marie-            considérer cette artiste comme une           notamment Rameau.
     mêlée d’ariettes de Monsigny, Philidor,    D’une façon générale, je soutiens que        Cependant, l’excommunication les             Thérèse Laruette (1744-1837), Marie-              créatrice polyvalente, engagée sur           Elle a publié Comprendre
     Grétry et Dalayrac.                        la personne qui choisit les vaudevilles      frappait à l’instar des actrices. Tandis     Jeanne Trial (1746-1818) et Rose Dugazon          tous les fronts, actrice, chanteuse,         la musique baroque à travers
                                                dans un opéra-comique, en puisant            que bien des chanteuses mariées              (1755-1821). Leurs carrières furent               musicienne, dramaturge et compositrice.      ses formes (Harmonia Mundi,
       JUSTINE ÉTAIT PAR AILLEURS               dans un fonds commun de mélodies             renonçaient à la scène, les « filles         stables, comme la vie théâtrale d’alors,          Au XIXe siècle, ces aspects de son           1997), Regards sur l’opéra-
     COMPOSITRICE À SES HEURES.                 attribuées ou anonymes, en devient           d’opéra » menaient généralement              régie par le système des privilèges.              activité ont été gommés pour ne garder       comique, trois siècles de vie
                                                en quelque sorte, et partiellement,          une vie de libertinage. À la Comédie         Justine exerça pendant 23 ans. Dans               que l’image plus conventionnelle d’une       théâtrale (CNRS Éditions,
     Alors qu’elle revendiquait son statut      l’autrice. À ce titre, Justine Favart, qui   Italienne, comme sur les scènes              les comptes rendus de spectacle,                  interprète, certes pleine d’esprit.          2002, avec N. Wild), Rameau
     d’autrice, elle n’a pas fait de même       revendiquait cette part de l’invention       foraines, les chanteuses mariées à des       son prénom disparut derrière                      Beaucoup d’autres femmes des Lumières        et le pouvoir de l’harmonie
     pour son activité de compositrice.         dans les pièces qu’elle écrivait             artistes étaient assez nombreuses.           la dénomination « Madame Favart ».                sont à remettre ainsi en lumière.            (Cité de la Musique, 2007).

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PORTAIT DE MADAME FAVART                                                                                                                                                             Justine Favart vers 1760,
                                                                                                                                                                                        pastel de Maurice Quentin

     PAR SON MARI
                                                                                                                                                                                         de La Tour, Saint-Quentin,
                                                                                                                                                                                           musée Antoine Lécuyer.

     Une gaieté franche et naturelle                   Au retour d’un voyage en Lorraine, elle fut      Dans Bastienne, elle mit un habit            En un mot, elle n'épargnait et ne négligeait
     rendait son jeu agréable et piquant.              arrêtée aux barrières de Paris vêtue d'une       de laine tel que les villageoises            rien pour augmenter le prestige de l'illusion
     Elle n'eut point de modèles, et en servit.        robe de Perse. On en trouva deux autres          le portent ; une chevelure plate, une        théâtrale.
     Propre à tous les caractères, elle les            dans ses coffres. Ces étoffes étaient alors      simple croix d'or, les bras nus et des
     rendait avec une vérité surprenante.              sévèrement prohibées. On voulut les              sabots. Cette nouveauté déplut               Les talents qu'elle possédait n'étaient rien
     Soubrettes, amoureuses, paysannes,                saisir, mais elle eut la présence d'esprit       à quelques critiques du parterre mais        en comparaison des qualités de son cœur :
     rôles naïfs, rôles de caractère, tout             de dire, dans un baragouin moitié français       un homme sensé les fit taire en disant :     une âme sensible, une probité intacte, une
     lui devenait propre. En un mot, elle              moitié allemand, qu’elle était étrangère,        « Messieurs, ces sabots-là donneront         générosité peu commune, un fond de gaieté
     se multipliait à l'infini, et l'on était étonné   qu’elle ne savait pas les usages de France       des souliers aux comédiens ! »               inaltérable, une philosophie douce constituaient
     de lui voir jouer, le même jour, dans quatre      et qu’elle s’habillait à la façon de son pays.   Dans la comédie des Sultanes, on vit         son caractère. Elle ne s'occupait que des moyens
     pièces différentes, des rôles entièrement         Elle persuada si bien que le premier             pour la première fois les véritables         de rendre service, elle en cherchait toutes les
     opposés. La Servante maîtresse, Bastien           commis de la barrière, qui était resté           habits des dames turques : ils avaient       occasions, et quoiqu'elle fût souvent payée
     et Bastienne, Ninette à la cour,                  plusieurs années en Allemagne, pris              été fabriqués à Constantinople avec          d'ingratitude, elle disait : « On a beau faire,
     Les Sultanes, Annette et Lubin, La Fée            sa défense, la laissa passer et lui fit          les étoffes du pays. Cet habillement,        on ne m'ôtera point la satisfaction que je sens
     Urgèle, Les Moissonneurs, etc., ont prouvé        beaucoup d'excuses.                              tout à la fois décent et voluptueux,         à obliger. » Elle n'employait jamais son crédit pour
     qu'elle saisissait toutes les nuances ;                                                            trouva encore des contradicteurs. […]        elle-même, mais pour être utile aux autres. […]
     et que n'étant jamais semblable à elle-           Ce fut elle qui, la première, observa            Dans l'intermède intitulé Les Chinois,       Elle ne cherchait point à faire sa cour, elle
     même, elle se transformait et paraissait          le costume : elle osa sacrifier                  représenté à la Comédie Italienne, elle      s'occupait de sa profession : sa harpe, son
     réellement tous les personnages                   les agréments de la figure à la vérité           parut, ainsi que les autres acteurs, vêtue   clavecin, la lecture étaient ses seuls amusements.
     qu'elle représentait. Elle imitait                des caractères. Avant elle, les actrices         exactement selon l'usage de la Chine :
     si parfaitement les différents idiomes            qui représentaient des soubrettes, des           les habits qu'elle s'était procurés                                 Charles-Simon Favart,
     et dialectes que les personnes dont               paysannes, paraissaient avec de grands           avaient été faits dans ce pays, de même      témoignage du 15 mai 1762, publié dans le vol. I
     elle empruntait l'accent la croyaient             paniers, la tête surchargée de diamants          que les accessoires et les décorations,         de Mémoires et correspondance littéraires
     leur compatriote.                                 et gantées jusqu'aux coudes.                     qui avaient été dessinés sur les lieux.             et anecdotiques de Favart, Paris, 1808

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CHARLES-SIMON FAVART
     EN PERSONNAGE PRINCIPAL
     Entretien avec Flora Mele

               QUEL AUTEUR ÉTAIT                 Le théâtre était une question               d’explorer ses collaborations avec de
               FAVART ?                          de technique plutôt que pure                nombreux collègues : sa femme Justine,
                                                 invention. Favar t s’ét ait créé            son secrétaire Monsieur Chevalier,
     Charles-Simon Favart (1710-1792)            un véritable « laboratoire à pièces »,      Fagan, Voisenon, Lourdet de Santerre…
     était principalement joué à l’Opéra         une bibliothèque où il conservait les
     Comique, dont il fut directeur,             papiers d’auteurs comme Fuzelier            Car Favart pratiquait l’écriture
     puis à la Comédie Italienne après           et Pannard. Après leur création, les        en équipe. Plus exactement, ce travail
     la fusion des deux troupes en 1762.         pièces devenaient en effet la propriété     collectif allait de la conception,                                                                                                     Charles-Simon Favart en 1760, par Duronceray,
     Mais deux de ses pièces furent aussi        de la troupe, ce que Beaumarchais           en passant par l’écriture, jusqu’à                                                                                           frère de Justine, et Justine Favart en 1753 par Cochin fils.
     jouées à l’Opéra : le ballet comique        allait changer en 1777 en créant            la « mise en spectacle ». Impliquer des
     Don Quichotte chez la Duchesse en           la Société des Auteurs dramatiques.         acteurs à toutes les étapes et y associer    Dans une lettre du 30 janvier 1762,             Française, théâtre « d’auteurs ».            cette pièce. Tout ce déchaînement
     1743, avec une partition de Boismortier,    Favart savait exploiter les idées qu’il y   une artiste polyvalente comme Justine        Favart raconte : « Je croyais que d’après       Deux mois plus tard, la fusion de l’Opéra    des auteurs jaloux n’ayant pu nuire
     et l’opéra-ballet Cythère assiégée          trouvait pour ses spectacles de l’Opéra     garantissaient la réussite du spectacle.     le joli conte de M. de Marmontel, il était      Comique avec la Comédie Italienne            à son succès, on a eu recours aux écrits
     en 1775, avec des musiques signées          Comique ; on procédait de même                                                           aisé de faire un petit rien agréable, pour      a lieu : « La réunion de l’Opéra Comique     satiriques et à des horreurs auxquelles
     Gluck et Berton. Il publia de 1763 à 1772   à la Foire et aux Italiens. Par ailleurs,       FAVART ÉTAIT TRÈS POPULAIRE.            peu qu’on eût l’adresse de le rendre            attire toujours beaucoup de monde aux        on est toujours en butte quand
     ses « comédies, parodies et opéras-         la plume recherchée de Favart                                                            théâtral ; mais je ne m’attendais pas que       Italiens, mais surtout Annette et Lubin.     on a le bonheur de réussir. Misérable
     comiques », dans les dix tomes de son       se nourrissait d’une grande connaissance    Plusieurs créations ont connu un succès      cette bagatelle eût pu réussir au point         C’est un succès fou. On nous reproche        métier que celui d’un auteur ! Si ses
     Théâtre de M. Favart et Mme Favart,         de chefs-d’œuvre littéraires tels           mémorable, comme Annette et Lubin,           de faire déserter les autres théâtres.          qu’il y a trop d’esprit ; mais je réponds    ouvrages tombent, on le méprise ;
     Justine étant l’autrice du cinquième.       que Le Roman comique, Le Roland             opéra-comique parodique de Justine,          C’est une espèce d’enthousiasme […].            à cela que nous n’avons pas eu le temps      s’ils ont du succès on veut l’en punir. »
     Pour ce directeur de théâtre,               Furieux, Don Quichotte…                     inspiré de faits réels mis en conte          Toutes les loges sont toujours louées           d’être plus bêtes. »
     l ’a r t d ra m at i q u e re l eva i t     Ses manuscrits nous sont parvenus           moral par Marmontel, puis remanié par        d’avance ; et, dès trois heures, il n’y         Cependant, le succès fait des                Ce travail proche des réalités
     d’un artisanat , du « recyclage             presque intégralement. Ce fonds,            Justine dans l’auto-parodie L’Amour naïf     a plus de billets. » Par « autres théâtres »,   jaloux : en mai 1762, « Jamais un bon        scéniques avait rendu Favart, grâce
     permanent » de matériaux divers.            conservé entre autres à la BnF, permet      (dont j’ai analysé le précieux manuscrit).   il faut comprendre la Comédie                   ouvrage n’a excité plus de cabale que        aussi à Justine, si attentif aux questions

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