Marines : le salon Euronaval 2020, uniquement en ligne

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Marines : le salon Euronaval 2020, uniquement en ligne
Marines : le salon Euronaval 2020,
uniquement en ligne

Malgré la pandémie du Covid-19, l’édition 2020 d’Euronaval, salon international
de l’industrie navale, a été maintenue, via internet, du 19 au 25 octobre 2020 à
Paris-Le-Bourget.

Euronaval a été inauguré le 19 octobre par : Florence Parly, ministre des
Armées ; Joël Barre, délégué général pour l’Armement ; l’amiral Pierre Vandier,
chef d’état-major de la Marine ; Hervé Guillou, président d’Euronaval et du Gican
(Groupement des industries de construction et activités navales). Ce dernier a
présenté le contexte, au cours d’une visioconférence de presse le 14 octobre
2020, avec Hughes d’Argentré, directeur général d’Euronaval online.

Incertitude sur l’industrie navale. Le Gican regroupe 197 industriels français,
dont 65 % de petites et moyennes entreprises (PME), 25 % d’entreprises de taille
intermédiaire, 10 % de grands groupes et 12 startups, rappelle son président. Il a
réalisé un chiffre d’affaires de 12,3 Mds€ en 2019 (+ 9 % en un an), dont 6,5
Mds€ pour la défense (près de 50 % à l’export), soit la moitié des exportations
d’armement. Les activités civiles ont totalisé 5,8 Mds€, dont 95 % à l’export.
L’industrie navale a assuré 48.100 emplois directs (47.000 en 2018). Ce progrès
s’explique par la loi de programmation militaire 2019-2025 (LPM), garantissant
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un plan de charge satisfaisant dans les chantiers français, et le succès à
l’exportation avec les grands contrats en Australie, Belgique, Pays-Bas, Egypte,
Emirats arabes unis, Brésil, Inde et Malaisie. La crise du Covid-19 a marqué un
arrêt brutal dans la production industrielle et les contacts commerciaux.
Pourtant, la capacité de résilience des industriels a permis à la Marine nationale
et ses partenaires étrangers de poursuivre leurs missions. Toutefois, la difficulté
de se déplacer se répercute sur l’exportation, alors que les concurrents restent
actifs. S’y ajoute le décalage ou l’annulation des programmes, où les industriels
français étaient en bonne position. Le manque de liquidités affecte les PME,
malgré le soutien massif du gouvernement français qu’il faudra rembourser. Cette
fragilité financière de PME stratégiques engendre un risque d’offres publiques
d’achat agressives émanant de groupes étrangers. Environ 5-10 % des
commandes perdues ou suspendues aujourd’hui auront un impact sur le plan de
charge de demain ou d’après-demain et donc sur l’emploi. A court terme, les
commandes de la LPM permettront de sécuriser la situation et, à moyen terme,
celles à l’export. A long terme, l’investissement portera sur les grands projets
comme le sous-marin nucléaire de 3ème génération. Dès le 14 mai, le Gican avait
lancé un plan de relance avec 50 propositions autour de 4 axes : commandes par
l’accélération de la LPM ; transformation de l’offre par l’innovation ; politique
industrielle ; soutien de l’Etat à l’export par le biais de la Direction générale de
l’armement et l’organisme Business France. S’y ajoutent le maintien des crédits
de maintien en condition opérationnelle et les prestations de maintenance avec le
Service de soutien de la flotte. Les « études amont » nécessitent un effort
constant pour conserver l’avance technologique et créer le navire du futur, plus
efficace sur le plan énergétique et plus « intelligent » grâce à l’innovation par un
dialogue constant entre les secteurs militaire et civil.

Euronaval on line. Selon Hughes d’Argentré, l’Euronaval numérique rassemble
300 exposants et 70 délégations officielles. Il inclut visites de stands, vidéos de
personnalités, conférences, ateliers et tables rondes ainsi que des entretiens
« BtoB » (industriels) et « BtoG » (délégations).

Loïc Salmon

Marine nationale : SNA Suffren, campagne d’essais à la mer

Défense : budget 2021, commandes et livraisons
Marines : le salon Euronaval 2020, uniquement en ligne
Economie : préserver les savoir-faire des entreprises de défense

Sous-marins militaires

Armement de référence, le sous-marin d’attaque, à propulsion diesel-électrique ou
nucléaire, maintient un équilibre de forces en mer. Le sous-marin nucléaire
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lanceur d’engins atomiques (SNLE) constitue l’essentiel de la dissuasion par sa
capacité de frappe en second, après une agression nucléaire.

Le premier submersible, construit par le Hollandais Cornelis Drebbel à Londres
en1623, a parcouru une courte distance sous la surface de la Tamise, propulsé
par douze rameurs. En 1696, le Français Denis Papin invente une pompe à air
pour contrôler la flottaison d’un submersible. L’ère des sous-marins militaires
commence en 1776 avec le déploiement du Turtle dans le port de New York
pendant la guerre d’indépendance. Durant la Guerre de Sécession (1860-1865), le
sous-marin intervient sur le plan tactique avec la torpille autopropulsée en 1866.
En 1890, le Français Gustave Zédé, à bord du sous-marin Gymnote, parvient à
forcer un blocus, en passant sous un navire de combat sans être détecté. Cela
conduit la Marine à développer la lutte anti sous-marine. La propulsion évolue :
moteur à explosion pour la navigation en surface ; moteur électrique alimenté par
des batteries en plongée. Pendant la première guerre mondiale, le blocus de ses
ports par la Marine britannique contraint l’Empire allemand à riposter par la
guerre sous-marine à outrance contre les navires de commerce (3,2 Mt de
marchandises coulées en 1917). En 1943, l’invention du schnorchel permet aux
submersibles de la Kriegsmarine d’évoluer en surface, tout en utilisant son
moteur diesel pour recharger ses batteries. En 1950, la mise au point des missiles
et du réacteur nucléaire compact permet au SNLE de rester discret pendant de
très longues périodes. Pour en arriver là, la construction et la technologie navales
ont constamment innové. L’invention de la double coque remonte à 1906. La
coque externe peut emprunter une forme plus hydrodynamique pour accroître la
vitesse et obtenir une meilleure tenue à la mer en surface. Des renforts de
structure entre les deux coques améliorent la résistance à la pression. En général,
les sous-marins naviguaient en surface de nuit et en plongée de jour. L’attaque
« en meute » des U-Boots allemands en 1917-1918 se fait en deux phases. Un
« limier » repère un convoi, transmet sa position au PC terrestre, qui coordonne
les opérations avec les autres. Chaque commandant de submersible peut tirer
plusieurs torpilles en éventail, loin des escorteurs, ou se faufiler au milieu du
convoi pour attaquer à courte distance tous les navires de proximité. Dès 1928, la
Marine japonaise utilise des torpilles plus performantes que celles des Marines
des autres pays. Fonctionnant à l’oxygène pur, pour brûler le kérosène, au lieu de
l’air et l’alcool, elles portent à 12 km, le double des autres, avec un sillage plus
réduit et difficile à détecter. En 1930, deux sous-marins américains de 113 m de
long sont construits pour transporter chacun cent soldats pour une opération de
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débarquement, mais leurs performances se trouvent vite dépassées dans tous les
domaines. Avec l’apparition de la propulsion nucléaire, les sous-marins s’insèrent
dans une coordination entre unités navales, aériennes et terrestres. Durant la
guerre froide (1947-1991), certains sous-marins nucléaires américains d’attaque
sont dédiés aux missions secrètes. Dès 1974, le missile antinavire Exocet-SM 39,
tiré d’un sous-marin en plongée, file vers sa cible au ras des flots à Mach 0,9,
guidé par un radar autodirecteur.

Loïc Salmon

« Sous-marins militaires » par David Ross. Éditions E-T-A-I, nombreuses
illustrations, 224 pages, 49,00 €.

Le sous-marin, composante fondamentale de l’action navale

Le sous-marin nucléaire d’attaque : aller loin et durer

DCNS : défense aérienne pour sous-marins et FREMM-ER

Défense  :     budget                                              2021,
commandes et livraisons
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Le budget 2021 du ministère des Armées se monte à 39,2 Mds€, en hausse pour
la 3ème année consécutive, soit +1,7 Md€ (+ 4,5 %) en un an. Outre les livraisons
prévues, des commandes ont été anticipées dans le cadre du plan gouvernemental
de relance économique.

Le tout a été présenté, le 30 septembre 2020 à Paris, à la presse. Geneviève
Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, a expliqué le
budget des anciens combattants (photo).

Projet de loi de finances 2021. La « Mission Défense » prévoit près de 40 Mds€
d’engagements pour investir. En raison de la pandémie du Covid-19, le budget du
Service de santé des armées augmente de 27 %. Par ailleurs, 901 M€ sont
consacrés à l’innovation et au cyber. En outre, 300 postes seront créés dans le
renseignement et le cyber. Le budget de la « Mission Anciens Combattants » se
monte à 2 Mds€, dont 851 M€ de pensions militaires d’invalidité et 645 M€ pour
la retraite du combattant. L’Institution nationale des Invalides reçoit 16 M€ et
l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre 56 M€. Enfin,18
M€ sont destinés à la politique de mémoire.
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Commandes 2020-2021. Dans le cadre de la loi de programmation militaire
(LPM) 2019-2025, l’armée de Terre a commandé en 2020 : 271 blindés Griffon ;
50 chars Leclerc rénovés ; 42 blindés Jaguar ; 364 blindés Serval ; 14 hélicoptères
Tigre rénovés ; 12.000 fusils d’assaut HK 416F. Pour 2021, elle prévoit de
commander : 120 véhicules blindés légers régénérés ; 21 hélicoptères
interarmées légers (HIL) ; 7.300 équipements radio pour véhicules terrestres
contact ; 2.900 équipements radio portatifs contact ; 12.000 fusils d’assaut HK
416F. La Marine nationale a commandé en 2020 : 3 avions de surveillance
Hawkeye E2D ; 7 avions de surveillance et d’intervention maritime ; 2 modules de
lutte contre les mines. Pour 2021, elle prévoit de commander : 1 frégate de
défense et d’intervention ; 8 HIL ; 45 kits missiles Exocet mer-mer 40 Block 3C ;
la 3ème phase des infrastructures d’accueil et de soutien des sous-marins
Barracuda. L’armée de l’Air et de l’Espace a commandé en 2020 : 4 systèmes de
drones MALE européens ; 12 stations sol utilisateurs Syracuse IV
(télécommunications par satellite) ; 3 radars Satam (orbitographie) rénovés. Pour
2021, elle prévoit de commander : 13 stations sol utilisateurs Syracuse IV ; 1
HIL ; 367 missiles air-air Mica NG ; 150 missiles d’entraînement Mica NG ; le
lancement de la réalisation de mentor d’avions d’entraînement ; le lancement du
démonstrateur du système de combat aérien du futur. Le plan de soutien à
l’aéronautique prévoit des commandes anticipées : 3 Airbus A330 à convertir en
avions ravitailleurs multi-rôles (MRTT) Phénix ; 8 hélicoptères Caracal ; 1 avion
léger de surveillance et de reconnaissance ; 1 système de drone aérien pour la
Marine ; 10 systèmes de mini-drones Marine.

Livraisons 2020. Dans le cadre de la LPM 2019-2025, voici les livraisons prévues
pour l’armée de Terre en 2020 : 1.001 véhicules légers tactiques polyvalents ; 90
blindés Griffon ; 4 hélicoptères Caïman Terre ; 50 postes de missiles moyenne
portée ; 12.000 fusils HK 416F. Voici celles pour la Marine nationale : 2 avions de
patrouille maritime ATL2 rénovés : 2 hélicoptères Caïman Marine ; 1 sous-marin
d’attaque Barracuda ; 1 lot de missiles Aster. Voici celles pour l’armée de l’Air et
de l’Espace : 2 avions de chasse Mirage M2000 D rénovés ; 1 avion de transport
A400M Atlas ; 1 MRTT Phénix ; 1 avion KC-130J de transport tactique et de
ravitaillement en vol ; 1 système de drone Reaper ; 1 satellite MUSIS/CSO.

Loïc Salmon

Economie : préserver les savoir-faire des entreprises de défense
Marines : le salon Euronaval 2020, uniquement en ligne
Défense : loi de finances 2020, hausse des dépenses maintenue

Défense : vers 2 % du Produit intérieur brut à l’horizon 2025

Défense : la stratégie énergétique,
un atout opérationnel pour la
résilience

L’insécurité des approvisionnements pétroliers et les dépendances technologiques
et industrielles incitent les forces armées à se préparer à la transition
énergétique : biocarburants, hybridation et hydrogène.

La « Stratégie énergétique de défense » a été présentée, le 25 septembre 2020 à
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Valenciennes-sur-Seine, par la ministre des Armées, Florence Parly. Le Service
des essences des armées devient « Service de l’énergie opérationnelle ».

Les points-clés. Impliquant un changement structurant sur plusieurs décennies,
cette stratégie vise à renforcer la souveraineté et soutenir la liberté d’action de la
France, souligne la ministre. Cette transition énergétique repose sur des
expérimentations et des recherches, préconisées par un groupe de travail. Dans
son rapport rendu public le même jour, celui-ci recommande de consommer moins
en plusieurs étapes : des mesures précises des consommations par usage ; leur
analyse ; l’amélioration et l’optimisation de la performance énergétique. Le
ministère des Armées va diffuser une culture de la sobriété énergétique au sein
des écoles et centres de formation, en cohérence avec les impératifs
opérationnels. Pour améliorer la consommation, les programmes d’armement
incluront « l’écoconception » et l’efficacité énergétique. La résilience et la
performance opérationnelle des forces devront reposer, notamment, sur
un « carburant unique » pour l’ensemble des équipements, en vue de garantir
qualité et simplicité logistiques. Le recours accru au numérique, gros
consommateur d’électricité, implique la cyberdéfense du secteur énergétique. Le
monde civil développe des innovations technologiques en matière d’énergie, mais
utilisables par les armées que sous certaines conditions : robustesse mécanique ;
sûreté de fonctionnement ; autonomie ; fonctionnement en mode dégradé. Enfin,
l’autonomie stratégique nécessite une coopération renforcée avec les partenaires
européens de la France et au sein de l’OTAN, pour développer l’interopérabilité et
le partage des savoir-faire en matière de soutien opérationnel de l’énergie.

Le milieu terrestre. Les véhicules militaires consomment de plus en plus
d’électricité, au point d’avoir atteint les limites technologiques de production
d’électricité à bord (600 ampères pour l’alternateur du Griffon). Mais
l’hybridation de la motorisation permet, parfois, une économie de carburant de
10-15 % et un gain opérationnel, dû à un surcroît de puissance électrique pour le
franchissement et une meilleure furtivité. Les biocarburants « biodiesels »,
commercialisés dans le domaine civil, sont déjà utilisés par les armées. Les engins
civils alimentés par des piles à combustibles à hydrogène, déjà en service, ne
rejettent que de l’eau. Le caractère silencieux des moteurs électriques accroît la
furtivité acoustique des équipements militaires. Cependant, le stockage et le
transport d’hydrogène dans des réservoirs sous pression ou liquéfié à très faible
température compliquent la logistique et accroît les risques sur un théâtre
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d’opération ou en espace confiné. Actuellement, la Direction générale de
l’armement et l’Agence de l’innovation de défense ont lancé trois projets à base
d’hydrogène : deux piles à combustible pour le système FELIN (fantassin à
équipements et liaisons intégrés) ; une pile pour un mini-drone. Le Service
d’infrastructure de la défense étudie l’emploi de l’hydrogène pour la production
d’électricité de forte puissance destinée au stationnement dans les camps et
casernements.

Le milieu naval. Hormis le porte-avions et les sous-marins qui utilisent surtout
l’énergie nucléaire, les autres navires dépendent du carburant diesel marine.
Ainsi, les besoins électriques d’une frégate atteignent plusieurs dizaines de
mégawatts pour la propulsion, les équipements, la vie courante à bord, les
armements et les capteurs. La supériorité opérationnelle nécessite le stockage
d’énergie à forte puissance pour les futurs radar, système de ravitaillement à la
mer, armes à énergie dirigée et catapulte électromagnétique. Par ailleurs, il
devient indispensable de réduire les émissions atmosphériques (Co2, Nox, SOx et
particules fines) pour limiter la pollution et éviter l’interdiction éventuelle d’accès
à certaines voies navigables ou ports pouvant constituer des points d’appui
logistiques. L’usage du gaz naturel liquéfié comme carburant marine a été écarté,
pour des raisons opérationnelles et des garanties insuffisantes en termes de
sécurité et d’approvisionnement. Une réduction de 20 % du carburant sur un
navire de plus de 3.000 t semble possible, grâce à la maîtrise du bilan
énergétique, l’amélioration de l’architecture des réseaux électriques, la variété
des ressources d’énergie (stockage et récupération) et des systèmes d’énergie
évolutifs. Le courant continu présente des avantages, à confirmer, en termes de
rendement, volume, discrétion et qualité de l’énergie délivrée. Une sobriété
énergétique des navires à quai améliore la résilience des réseaux de bases
d’appui.

Le milieu aéronautique. Le carburant liquide demeure la seule perspective à
moyen terme pour l’aviation militaire. Les carburants de synthèse, solutions de
transition entre le pétrole et l’hydrogène, présentent l’avantage de pouvoir être
mélangés aux carburants conventionnels pour alimenter les moteurs à
combustion et les turboréacteurs, sans modification technique. Le biocarburant
« biojet », quoique 3 à 4 fois plus cher que le carburéacteur conventionnel, sera, à
terme, utilisé sur les flottes actuelles et le moteur du SCAF (système de combat
aérien du futur). Des travaux portent sur des moteurs « supraconducteurs ».
L’emploi simultané de radar, d’équipements de guerre électronique et de liaisons
de données provoque des pics de consommation électrique, nécessitant des avions
plus grands, donc plus lourds et avec un rayon d’action moindre. Les missions ISR
(information, surveillance et renseignement) et de relais de communication
pourraient être confiées aux plateformes HAPS (pseudo satellite haute altitude) et
MAPS (pseudo satellite moyenne altitude), innovantes et peu carbonées.

Loïc Salmon

Plus de 60 % des échanges mondiaux de pétrole et de gaz se font par des voies
maritimes à sécuriser. La majorité des flux de pétrole transitent dans des points
de passage obligés : détroit d’Ormuz (21 millions de barils/jour, Mb/j), dans une
zone instable et sous la menace de tensions régionales et mondiales croissantes ;
détroit de Malacca (15,7 Mb/j), dans une zone de militarisation croissante et
d’atteintes à la liberté de navigation ; détroit de Bab-el-Mandeb (5,5 Mb/j) et
canal de Suez (4,6 Mb/j), menacés par la piraterie, le terrorisme ou les conflits
armés (Yémen). Des gisements de pétrole et de gaz offshore ont été découverts
dans le Canal du Mozambique (700 Mt de marchandises/an, 30 % de la production
mondiale). Première importatrice mondiale de pétrole avec plus de 13 Mb/j),
l’Union européenne s’approvisionne à 40 % auprès de la Russie et des pays de
l’ex-URSS. La Chine exerce un quasi-monopole sur les « terres rares », qui
entrent dans la fabrication des batteries, panneaux solaires, éoliennes et objets
numériques.

Défense : le climat, facteur de dérèglement géopolitique

Moyen-Orient : rivalités entre Arabie Saoudite, Iran et Turquie

Asie du Sud-Est : zone sous tension et appropriation territoriale de la mer

Malaisie : développement d’une
Base industrielle et technologique
de défense

La Malaisie inclut les transferts de technologie dans ses commandes militaires à
l’étranger, en vue de constituer sa propre base industrielle et technologique de
défense (BITD).

Coralie Trigano, cadre commercial export chez Thales Véhicules et Systèmes
tactiques, l’a expliqué au cours d’une visioconférence organisée, le 17 juin 2020 à
Paris, par l’Association de l’armement terrestre et l’association 3AED-IHEDN
(armement et économie de défense de l’Institut des hautes études de défense
nationale).
Environnement stratégique. De la péninsule Malaise au Nord de l’île de
Bornéo, la Malaisie s’étend sur 329.850 km2 avec 4.674 km de côtes et 2.670 km
de frontières terrestres. Pays musulman, elle ne connaît pas d’ennemi direct et
participe aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Toutefois, elle perçoit
des menaces sur le plan régional : tensions avec Singapour au sujet des réserves
d’eau douce ; contentieux territorial avec les Philippines ; séparatisme islamique
au Sud de la Thaïlande ; immigration clandestine et vols de biens culturels à la
frontière avec l’Indonésie ; piraterie, contrebande, trafic de stupéfiants et
immigration illégale dans le détroit de Malacca et au Nord-Ouest de Bornéo ;
terrorisme du mouvement Abou Sayyaf, proche de l’Etat islamique (Daech) et
actif aux Philippines. Néanmoins, Singapour reste son premier partenaire
économique, la Chine sa première source d’investissements et l’Union
européenne son troisième partenaire commercial (accord de partenariat et de
coopération en 2016). Le premier Livre blanc sur la défense, publié en janvier
2020, se concentre sur la protection des frontières avec trois lignes directrices :
dissuasion concentrique ; défense complète ; partenariats fiables. Le budget de la
défense se monte à 3 Mds$ (2018) et son armée professionnelle à 110.000
hommes (1.000 pour l’ONU). Les officiers supérieurs suivent une formation
poussée en Grande-Bretagne.

Montée en puissance de la BITD. La Malaisie fabrique sous licence de
l’artillerie, des véhicules et des frégates. Selon Coralie Trigano, elle dispose des
compétences pour le maintien local en condition opérationnelle, mais pas de
l’autonomie complète pour le développement et la production des composants
principaux ou de blocs d’équipements prêts à être intégrés. Les investissements
portent sur l’emploi des technologies de défense, pour augmenter la compétitivité
du secteur civil, via des « niches » comme l’équipement du soldat, les domaines
maritime et aérospatial, l’automobile, l’armement léger, les technologies de
l’information et de la communication. La Malaisie veut devenir le premier centre
d’Asie du Sud-Est pour la maintenance et la réparation. Elle organise des salons
internationaux tous les deux ans : LIMA’21 (équipements navals et
aéronautiques), 36 pays, 555 entreprises en 2019 ; DSA 2020 (services de défense
en Asie), 33 pays, 1.500 entreprises en 2018. Elle a acheté à la France : 2 sous-
marins de la classe Scorpène ; 6 corvettes Gowind (protection du littoral) ; 4
avions A400M ; 18 canons LG1 de 105 mm ; missiles anti-char Eryx ; mortiers
embarqués 2R2M de 120 mm ; équipements de communication de véhicules ;
solutions de défense aérienne. Des prospections sont en cours pour l’avion Rafale,
le canon Caesar et trois navires de soutien. Mais la concurrence augmente :
Chine, Etats-Unis, Corée du Sud, Russie, Turquie, Italie, Pays-Bas, Inde, Australie
et Grande-Bretagne, Israël étant exclu.

Loïc Salmon

Asie du Sud-Est : zone sous tension et appropriation territoriale de la mer

Asie-Pacifique : zone d’intérêt stratégique pour la France

Armement : baisse des exportations françaises en 2019

Economie : préserver les savoir-
faire des entreprises de défense
Dans le cadre du plan de relance gouvernemental consécutif à la pandémie du
Covid-19, la Direction générale de l’armement (DGA) soutient la Base industrielle
et technologique de défense (BITD), constituée d’entreprises actives dans les
secteurs militaire et civil et très dépendantes de l’exportation.

Cette assistance de l’Etat a été présentée à la presse le 3 septembre 2020 à Paris
par : l’ingénieur général de l’armement Vincent Imbert (photo) pour le cadre
global des actions du ministère des Armées ; l’ingénieur de l’armement, chef du
bureau du développement des petites et moyennes entreprises, de l’action
régionale et du soutien à l’export au sein du Service des affaires industrielles et
de l’intelligence économique, pour le dispositif et les mesures de soutien ; Franck
Poirrier, président-directeur général de l’entreprise SODERN qui en a bénéficié ;
Hervé Grandjean, conseiller de la ministre des Armées pour les affaires
industrielles, pour le plan de relance gouvernemental.

Le dispositif de sauvegarde. La crise sanitaire du Covid-19 n’a pas remis en
cause les besoins des armées, contrairement aux transports et au secteur civil,
souligne l’ingénieur général Imbert. La BITD, qui concourt à la conception, au
développement, à la production et au maintien en condition opérationnelle des
systèmes d’armes, emploie environ 200.000 personnes et réalise un chiffre
d’affaires de 17 Mds€/an. Elle regroupe des grands maîtres d’œuvres industriels
et donneurs d’ordres comme Thales (électronique), Dassault (aéronautique),
Airbus (aéronautique), Nexter (matériels militaires), Safran (aéronautique et
espace) et MBDA (missiles) ainsi que 4.000 entreprises de tailles moyenne,
intermédiaire et petite, dont plusieurs centaines exercent des activités
stratégiques ou critiques. La crise sanitaire a eu pour conséquences : le
ralentissement des commandes ; la mise en place de mesures de sauvegarde
spécifiques à chaque entreprise avec un impact sur les sous-traitants les plus
fragiles ; des capacités de production limitée pendant plusieurs mois ;
l’indisponibilité des pièces ; la fermeture d’entreprises ; le ralentissement des
exportations. En outre, alors que la France a décrété le confinement, l’Autriche,
l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ont laissé leurs entreprises d’armement
poursuivre leurs activités. En conséquence, début mai, le ministère des Armées a
mis en place une « Task Force » de sauvegarde de la BITD, après avoir recueilli
des informations auprès des fédérations professionnelles GICAN (construction et
activités navales), GIFAS (aéronautique et espace) et GICAT (équipements
terrestres et aéroterrestres). Ce dispositif réunit des correspondants de la DGA,
de la Direction générale des entreprises, de l’Agence des participations de l’Etat,
du Service de l’information stratégique et de la sécurité économique, du Conseil
général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et enfin de
la Banque publique d’investissements. Parmi les mesures d’aides aux petites et
moyennes entreprises, figure le dispositif RAPID pour les entreprises de moins de
2.000 salariés. Il permet d’obtenir des commandes directes de prestations ou des
attributions de subventions de soutien à l’innovation, afin de produire un effet
immédiat sur le maintien de l’activité. Le ministère des Armées soutient le
développement des petites et moyennes entreprises au moyen d’une participation
durable à leur capital par le biais du fonds d’investissement Def’Invest, doté
initialement de 50 M€ sur cinq ans, ressource portée à 100 M€. La situation
pouvant évoluer en octobre et novembre, la Task Force restera en service au
moins jusqu’à la fin de l’année pour pallier toute nouvelle situation d’urgence.
Enfin, l’avenir se prépare en imaginant les emplois de demain et les performances
de systèmes d’armes.

L’exemple de SODERN. Franck Poirrier a témoigné que l’aide de l’Etat a permis
à la société SODERN, qu’il dirige, de sortir de la crise. Spécialisée dans le
domaine spatial, cette entreprise emploie 450 personnes, dont 120 recrutées au
cours des trois dernières années, et a réalisé un chiffre d’affaires de 76 M€ en
2019. Filiale d’ArianeGroup, elle figure parmi les leaders mondiaux de la
production des « viseurs d’étoiles », qui permettent notamment aux missiles
intercontinentaux M51 des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de s’orienter
dans l’espace. En outre, le tiers des satellites actuellement en orbite sont équipés
de viseurs d’étoiles. SODERN participe également à des programmes
scientifiques d’exploration spatiale pour la NASA (planète mars) et l’Agence
européenne de l’espace (planète Jupiter). Cette activité perdure tant que ses
bureaux d’études inventent dans la technologie de pointe, grâce à un auto-
investissement dans la recherche de l’ordre de 6-7 % du chiffre d’affaires. Cela
nécessite de l’argent frais sinon SODERN risque de quitter le marché civil, qui
représente 60 % à 70 % de son chiffre d’affaires. Or la crise a asséché sa
trésorerie, qui a été renflouée par une subvention de 1 M€. L’intervention de la
DGA a permis à SODERN d’éviter la faillite à court terme et de préparer les
produits technologiques de demain sur un, deux ou trois ans, en vue de rester en
tête au niveau mondial.

Le plan de relance pour les armées. Le plan gouvernemental de relance
prévoit 110 Mds€ d’investissement pour le ministère des Armées pour les années
2019-2023, conformément à la loi de programmation 2019-2025, indique Hervé
Grandjean. Le financement à court terme des trésoreries d’entreprises en
difficultés est assuré par des prêts bancaires garantis par l’Etat. Le soutien à
l’export se fait en lien avec les ambassades, afin de faire pression sur les clients
en arriérés de paiements. Dans le respect de la loi de finances 2020, trois Airbus
A330 de transport stratégique ont été commandés par anticipation. Un budget de
60 M€ est dédié à de futurs appels d’offres dans le domaine spatial militaire :
télécommunications (système Syracuse 4 C pour 2028) ; observation ; contre-
mesures de brouillage pour la navigation de systèmes par satellite. Le ministère
des Armées peut concrétiser rapidement des projets, en vue de sauver des
emplois au sein de la BITD.

Loïc Salmon

De mai à août 2020, la Direction générale de l’armement a réalisé une
cartographie des entreprises critiques de défense, puis a évalué les conséquences
de la crise du Covid-19 sur la poursuite de leur activité. Selon l’ingénieur chef du
bureau du développement des petites et moyennes entreprises, elle a ensuite
mobilisé 90 agents sur tout le territoire pour interroger les dirigeants de 1.236
entreprises sur leur situation et leur demander de remplir un questionnaire, dont
les données ont été évaluées par une équipe de 15 agents du ministère des
Armées à Paris. Sur les 792 retours obtenus, 92 entreprises ont été aidées, dont
80 % de tailles moyenne intermédiaire et petite. Parmi elles, 47 sont considérées
comme des « chantiers de remédiation achevés », c’est-à-dire qu’elles ont gagné
quelques mois de répit en réalisant les travaux les plus urgents. Par filières, il
s’agit de 35 % des entreprises actives dans l’aéronautique, 19 % dans
l’électronique, 16 % dans l’industrie navale ; 14 % dans les équipements
terrestres, 11 % dans les missiles ; 11 % dans l’espace.

Défense : les industriels pendant la crise du Covid-19

Economie : les PME de défense, la crise du Covid-19 et après

Armement : baisse des exportations françaises en 2019
Marine nationale : les BRF pour
durer en mer face aux menaces,
nouvelles ou lointaines

Les futurs bâtiments ravitailleurs de forces (BRF) devront rejoindre, sans escorte,
un théâtre d’opération, parfois très lointain, pour soutenir des frégates, le groupe
aéronaval, le groupe amphibie ou l’interopérabilité en coalition.

Le capitaine de frégate Teisseire, chargé du domaine capacitaire Projection-
Mobilité-Soutien, l’a expliqué au cours d’une visioconférence organisée, le 29 juin
2020 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Evolution stratégique. Dès 1917, la Marine américaine pré-positionne des
pétroliers au Sud du Groenland pour ravitailler, en mer, ses convois en
provenance des Etats-Unis, entrés dans la première guerre mondiale. Pendant la
seconde, la Marine britannique en utilise en Atlantique pour allonger son rayon
d’action dans la lutte contre les sous-marins allemands. La Marine américaine en
emploie pour ravitailler sa flotte du Pacifique. Après 1945, la Marine française
s’en sert pour ravitailler ses escadres en vivres, pétrole, carburant aviation et
munitions. La crise de Suez (1956) aura pour conséquences la pérennité des
pétroliers-ravitailleurs (PR), la nécessité des porte-avions et l’accélération du
programme nucléaire pour garantir l’indépendance stratégique de la France.
Dans les années 1960, la flotte, concentrée à 40 % dans le Pacifique pour
protéger le site de Mururoa, a besoin de PR et de navires-ateliers. Lors des
opérations extérieures postérieures à 1970, elle se recentre vers l’océan Indien,
autour de la base navale de Djibouti et des porte-avions Foch et Clemenceau. Ce
dernier et ses navires d’escorte (32 avec les relèves) y restent 14 mois en
1987-1988, pour protéger les navires de commerce français pendant le conflit
Irak-Iran. Depuis 2016, le Charles-de-Gaulle, à propulsion nucléaire, dispose d’un
groupe aérien « tout Rafale » à l’allonge très supérieure à celle du Super-
Etendard modernisé. Une présence navale, forte et durable, dissuade les
tentatives du fait accompli, tactique de certains Etats. A l’horizon 2040, les
nouvelles frégates de taille intermédiaire et le porte-avions de nouvelle
génération seront en service.

Mutation technique. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et l’Italie
développent des BRF. Dans le cadre de son programme « Flotte logistique », la
Marine française va remplacer ses PR anciens par quatre BRF, dérivés du
Vulcano italien et construits par Naval Group et les Chantiers de l’Atlantique
(Saint-Nazaire). Leur entrée en service s’échelonnera entre 2022 et 2029. Armé
d’un canon de 40 mm pour contrer les menaces simultanées, de type asymétrique
de surface ou aérienne et le missile antinavire, chacun aura une longueur de 194
m, un déplacement de 31.000 t à pleine charge, une autonomie d’environ 15.000
km et un équipage de 130 marins. Conformément aux normes environnementales
internationales, il disposera d’une double coque et récupérera les déchets des
bâtiments ravitaillés. Il pourra embarquer 60 passagers, le futur système de
guerre des mines et de nouveaux armements. Il sera équipé d’un drone et d’un
hélicoptère NH90, complémentaires pour les norias avec les autres bâtiments.
Son pont d’envol pourra accueillir le V-22 Osprey américain à rotors basculants
(photo), dont la grande capacité d’emport permettra de réduire les allers-retours
vers la flotte. Equipé d’une imprimante 3 D, un BRF pourra fournir des pièces de
rechange aux autres bâtiments, très « numérisés » et automatisés. Les BRF
effectueront des norias entre le point d’appui logistique à terre et la force en
mer…jusqu’en 2069 !

Loïc Salmon

Marines : outils politiques et de projection de puissance
L’appropriation des mers

Marine Nationale : 40 bâtiments en permanence à la mer

Armement       :   baisse    des
exportations françaises en 2019
Les prises de commandes (contrats signés et entrés en vigueur) d’armements
français à l’export ont atteint 8,3 Mds€ en 2019, selon le rapport du ministère des
Armées remis au Parlement le 2 juin 2020. Elles avaient dépassé 9 Mds€ en 2018.
L’Europe de la défense. En préambule, la ministre des Armées, Florence Parly,
souligne le renforcement des partenariats européens pour constituer une base
industrielle et technologique de défense (BITD) commune. Ainsi, ces partenariats
ont représenté 42 % des prises de commandes. Parmi les cinq principaux contrats
entrés en vigueur en 2019, trois concernent des Etats membres de l’Union
européenne (UE) : 12 bâtiments de guerre des mines (2.730 t et plateforme pour
hélicoptères) pour la Belgique ; 16 hélicoptères H 225 M et 20 hélicoptères H 145
M pour la Hongrie ; 2 satellites de communications pour l’Espagne. Les deux
autres grands contrats portent sur 2 corvettes Gowind (2.700 t) pour les Emirats
arabes unis (EAU) et la conception de sous-marins pour l’Australie. L’objectif de
cette BITD, souligne la ministre, est de favoriser des coopérations, la création
d’un marché européen de la défense et l’interopérabilité des armées européennes,
en vue d’agir ensemble. Il s’agit de doter le Fonds européen de défense d’un
budget conséquent, de développer les financements européens pour les
acquisitions d’équipements, de favoriser les projets européens sans dépendance
extérieure et de lever les freins à l’exportation pour les capacités développées
entre pays européens. Cette recherche de l’autonomie stratégique se concrétise
par les travaux, poursuivis en 2019, sur le programme de renseignement MUSIS
(système multinational d’imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance
et l’observation), réalisé en commun par l’Allemagne, la Belgique, l’Italie,
l’Espagne, la Grèce et la France.

Le bilan des exportations. Le secteur naval a représenté la moitié des prises de
commandes, contre 10 % en moyenne les années précédentes. Plus de 40 %
concerne le renouvellement des chasseurs de mines des Marines belge et
néerlandaise, dont le contrat est piloté par la Belgique (voir plus haut). Les
exportations françaises disposent d’un socle de contrats inférieurs à 200 M€ et
qui ont totalisé 3,7 Md€ en 2019. Ce socle, stable et récurrent, correspond à du
maintien en condition opérationnelle, de la formation ou de la modernisation
d’équipements acquis dans le cadre des grands contrats des dix dernières années.
Sur ce marché, de nouveaux concurrents proposent des matériels similaires à bas
coût, grâce aux transferts de technologie et de production. L’Inde, les EAU et
l’Arabie saoudite développent ainsi leur propre BITD. En 2019, la part des
exportations françaises en Afrique et au Moyen-Orient (à l’exception des EAU) n’a
été que de 30 %, contre 50 % en 2018. Celle en Asie-Pacifique reste stable à
environ 18 %. Outre les Etats-Unis et la Russie, la Chine, Israël et la Turquie
accentuent la concurrence internationale.
Les embargos. Selon les engagements internationaux de la France, le Premier
ministre peut suspendre, modifier, abroger ou retirer les licences d’exportation
déjà délivrées. Au 1er avril 2020, l’ONU et l’UE imposent un embargo sur les
armes pour certains Etats : Libye ; Darfour ; République centrafricaine ;
République démocratique du Congo ; Somalie ; Soudan du Sud ; Yémen ; Irak ;
Iran ; Corée du Nord. L’UE en a ajouté : Soudan ; Zimbabwe ; Syrie ; Biélorussie ;
Russie ; Chine ; Birmanie ; Venezuela.

Loïc Salmon

Armement : hausse de 30 % des exportations françaises en 2018

Défense : coopérations et BITD en Europe du Nord

Défense : montée en puissance de l’Initiative européenne d’intervention

Economie : les PME de défense, la
crise du Covid-19 et après
Malgré les conséquences de la crise du Covid-19, les petites et moyennes
entreprises (PME) de défense disposent d’une trésorerie suffisante jusqu’à
l’automne. Ensuite, elles devront obtenir des commandes de l’Etat pour survivre.

C’est ce qui ressort d’une visioconférence-débat organisée, le 20 mai 2020 à
Paris, par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et animée par Hélène
Masson, maître de recherche. Y sont intervenus : Jean Belin, maître de conférence
à l’Université de Bordeaux ; Thierry Gaïffe, président du Groupe Elno, spécialisé
dans les systèmes audio et technologies électro-acoustiques pour la défense, la
sécurité, le transport, l’aéronautique et l’industrie ; Pascal Lagarde, directeur
exécutif de BPI France (Banque publique d’investissement pour les entreprises).

Précarité contenue. Une PME réalise un chiffre d’affaires (CA) annuel inférieur
à 30 Md€ avec 200-250 personnes, rappelle Jean Belin. Celles liées à la défense se
caractérisent par un personnel hautement qualifié et une intense activité en
recherche et développement (R&D), bien essentiellement immatériel, facteur de
performance à l’export et créateur de richesse, mais qui coûte très cher. Or, les
délais de paiement de l’Etat sont très longs et les financements externes plus
difficiles à obtenir, en raison de leur faible rentabilité et des risques. La crise due
au Covid-19, la plus importante depuis 1945, s’est répercutée sur leur activité et
leurs recettes. A partir du 17 mars, indique Thierry Gaïffe les effectifs des PME de
défense se sont répartis en un tiers actif sur place, un tiers en télétravail et un
tiers absent (chômage partiel, contamination Covid-19 ou garde d’enfants).
Depuis le 11 mai, la proportion est passée à un quart d’absents et trois quarts en
activité, dont 50 % en télétravail. L’export (moitié du CA) et les achats de
fournitures aux pays asiatiques, du Maghreb et d’Europe de l’Est ont subi la
fermeture des frontières. Outre les mesures étatiques (chômage partiel, report
des échéances et assurance-crédit), quelque 1.500 PME bénéficient de
l’assistance de la Direction générale de l’armement, avec l’ouverture d’une ligne
directe par téléphone et courriel. De plus, l’Agence de l’innovation de défense
(AID) finance 40 projets sur le Covid-19. Suite à l’arrêt de l’économie pendant
deux mois, l’Etat a apporté une garantie de prêts bancaires de 300 Mds€, indique
Pascal Lagarde. Connecté aux banques, BPI en valide les frais techniques et a mis
en place des plateformes régionales pour l’obtention de prêts de petits montants.

Attractivité à relancer. Environ 95 % des PME de défense travaillent avec 7
grands maîtres d’œuvre, indique Thierry Gaïffe. Le plan de relance de la DGA vise
à préserver la base industrielle et de technologique de défense. L’ensemble de la
gestion de la chaîne logistique devra être renouvelée. Les méthodes de travail se
trouvent modifiées par la crise du Covid-19. Par ailleurs, estime Pascal Lagarde,
le plan de relance devra porter sur le financement à long terme et le soutien
méthodologique pour s’adapter au changement climatique. Faute de création de
très petites entreprises, l’industrie et la R&D devront élever leurs niveaux de
numérisation. L’AID s’intéresse à toutes les entreprises présentant un intérêt
pour les armées, notamment la cybersécurité. L’investissement en R&D doit être
maintenu, souligne Jean Belin, car la réactivation d’un projet suspendu prend des
années. Il faut aussi des « fonds duaux », car les PME de défense développent des
technologies civiles (espace et intelligence artificielle) avec des retombées pour
les armées.

Loïc Salmon

Défense : les industriels pendant la crise du Covid-19

DGA : valoriser l’audace et l’innovation de terrain

Défense : l’AID, interlocutrice des porteurs d’innovation
Défense : les industriels pendant
la crise du Covid-19

Malgré la précarité des chaînes d’approvisionnements, la solidarité entre les
grands groupes et leurs sous-traitants ainsi que le dialogue avec les partenaires
sociaux ont permis aux industriels de défense de surmonter la crise due à la
pandémie du Covid-19.

C’est ce qui ressort d’une visioconférence-débat organisée, le 18 mai 2020 à
Paris, par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et animée par Hélène
Masson, maître de recherche. Y sont intervenus : Hervé Guillou, président du
Groupement des industries de construction et activités navales et du Comité
stratégique de filière des industries de la mer ; Jean-Pierre Devaux, président du
cabinet conseil en stratégie Inovstra, spécialisé dans l’aéronautique, l’espace, les
missiles et l’architecture de systèmes de défense.

Les enseignements. L’industrie a fait preuve d’une résilience exceptionnelle
pour soutenir les besoins de souveraineté en matière de défense, souligne Hervé
Guillou. Le trépied Etat-major des armées, Direction générale de l’armement
(DGA) et industriels a bien fonctionné. La résilience s’est manifestée aussi dans la
recherche en France, Allemagne, Grande-Bretagne et Norvège. La politique
industrielle de défense repose sur le long terme, que les opérationnels ont
tendance à sacrifier en temps de crise, et la confiance préexistante entre
direction, syndicats et personnels. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont
redémarré plus vite que les grands groupes. La DGA a confectionné des masques
et réalisé les certifications en une dizaine de jours. Des accords entre les
industries de défense et de la métallurgie ont été obtenus en cinq semaines.
Toutefois, leurs capacités de délégation de décision ont permis aux entreprises
allemandes et polonaises de s’adapter plus rapidement que les françaises. Les
commandes de défense permettent une visibilité à 2-3 ans qui rassure les
banques, indique Jean-Pierre Devaux. La reprise du dialogue avec les grands
maîtres d’œuvre évitera des difficultés de trésorerie aux PME. L’absence de
commandes risque de retarder la mise en ligne des chaînes de production. En
outre, l’insuffisance de composants électroniques au sein de leurs réseaux
européens les rend très dépendantes des fabricants américains.

La relance. La loi de programmation militaire (2019-2025) devrait permettre de
combler les « trous » dans les carnets de commandes qui dépendent à 50 % de
l’export, estime Hervé Guillou. Russie, Chine, Allemagne et Pays-Bas n’ont pas
arrêté leurs productions. Or il s’agit de maintenir les compétences pour ne pas
perdre des parts de marché. Cela passe par la revalorisation de la formation
professionnelle et une mutualisation des investissements pour faciliter l’arrivée
des flux des jeunes techniciens. En outre, l’offre de matériels doit devenir plus
numérique et plus écologique, tournant à ne pas manquer face à la concurrence
étrangère, et assurer une souveraineté, industrielle. Chine, Corée du Sud et
Russie restructurent leur industrie de défense et sont à l’affût d’entreprises
françaises ou européennes en difficultés. Selon Jean-Pierre Devaux, les PME
doivent atteindre une taille suffisante (200-250 personnes) et maintenir la
flexibilité de leurs bureaux d’études pour rester très compétitives. En lien avec la
DGA, elles doivent pouvoir sortir de la sous-traitance pour fournir de l’innovation
aux grands groupes, car l’autofinancement devient difficile à réaliser. La Chine,
où la dette ne pose pas de problème, investit dans la technologie et le rachat de
sociétés innovantes. Les Etats-Unis disposent de moyens financiers plus
importants.

Loïc Salmon
DGA : une industrie d’armement forte, pilier de la souveraineté

DGA : la révolution numérique et industrielle de l’impression 3D

Armement : exposition virtuelle de 50 ans d’innovations
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