Mémoire de fin d'études : "L'exode urbain et les enjeux de la redécouverte du milieu rural"
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https://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be Mémoire de fin d'études : "L'exode urbain et les enjeux de la redécouverte du milieu rural" Auteur : Pauwels, Sammy Promoteur(s) : Durnez, Sibrine Faculté : Faculté d'Architecture Diplôme : Master en architecture, à finalité spécialisée en art de bâtir et urbanisme Année académique : 2020-2021 URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/12500 Avertissement à l'attention des usagers : Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite. Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.
UNIVERSITÉ DE LIÈGE – FACULTÉ D’ARCHITECTURE L’exode urbain et les enjeux de la redécouverte du milieu rural Travail de fin d’études présenté par Sammy PAUWELS en vue de l’obtention du grade de Master en Architecture Sous la direction de Sibrine DURNEZ Année académique 2020-21 1
Remerciements J’aimerais commencer par remercier ma promotrice, Madame Sibrine Durnez, non seulement pour l’aide qu’elle m’a accordé pour l’élaboration de ce travail, mais également pour ses conseils et les savoirs qu’elle a pu me transmettre tout au long de mon parcours universitaire. En particulier ces deux dernières années dans le cadre de l’atelier de projet de ruralité qu’elle a organisée aux côtés de Monsieur Norbert Nelles. Je remercie aussi les membres de mon jury, Madame Anne Dengis et Madame Virginie Pigeon pour avoir généreusement acceptées d’êtres lectrices et juges de mon travail. J’espère qu’elles trouveront de l’intérêt et du plaisir dans leur lecture. Je tiens également à remercier Monsieur Norbert Nelles pour m’avoir transmis une part de son enthousiasme et de son amour pour le milieu rural au travers de l’atelier ruralité. J’ai pu y découvrir un champ d’action de l’architecture dont les valeurs se rapprochent des miennes et dans lequel je suis impatient de pouvoir intervenir à l’avenir. Enfin, je remercie mes parents, sans l’aide desquels je n’aurais pu poursuivre cette voie. 2
« Exil, exode, les mots ont un sens et la charge symbolique de ces termes pèse lourd. Il ne faut pas négliger que la décision de quitter les campagnes a longtemps reposé sur la nécessité, plus que sur le désir simple, de construire ailleurs. Il existe bien un idéal, un mythe positif qui l’accompagne, partir en ville pour réussir, s’extraire de sa condition sociale, de son cercle familial, trouver un(e) partenaire, fonder une famille, tendre vers un avenir meilleur que celui qui s’écrit sur son lieu de naissance : la ville comme sauf-conduit de l’individu, promesse d’une vie épanouie, prospère et libre. Pourtant, le terme d’exode, renvoyant aux périodes de guerre ou de crises graves – accélérateurs de ces mouvements de population – marque un mouvement contraint et une ampleur particulière » Claire Desmares-Poirrier [DP20] 3
Table des matières : Partie 1 : Vers une planète urbaine 1 Introduction 6 2 Définir la ville et la campagne 7 3 L’urbanisation du monde 9 4 L’exode rural et la croissance des villes 11 4.1 La révolution industrielle 12 4.2 L’attractivité des villes aujourd’hui 18 Partie 2 : La ville remise en cause 1 Introduction 21 2 Bilan écologique mondial 22 3 Les grands secteurs problématiques 24 3.1 L’industrie de l’énergie et le résidentiel / tertiaire 24 3.2 Le secteur de la construction 27 3.3 L’agriculture et l’élevage 30 4 L’urbanisation et l’agriculture 32 4.1 L’agriculture urbaine, une solution viable ? 34 4.2 Le développement durable en ville 35 5 La gentrification 37 5.1 Modes opératoires 37 5.2 La transformation : l’exemple du quartier des Guillemins 38 5.3 La revitalisation : L’exemple des quartiers centraux Bruxellois 39 5.4 La ville à trois vitesses 41 5.5 Mixité et tensions sociales 41 5.6 Conclusion 43 4
6 La criminalité dans les villes 44 6.1 La baisse du crime, la hausse du sentiment d’insécurité 44 6.2 Les « gated communities » 46 7 La ville en opposition à la nature 50 7.1 Le rapport entre l’Homme et la nature 50 7.2 La végétalisation des villes 52 8 Conclusion 55 Partie 3 : Vers une nouvelle ruralité 1 Introduction 57 2 L’emploi en milieu rural 58 3 Les différentes manières de revaloriser le milieu rural 60 3.1 La croissance des villages 60 3.2 Revoir le modèle traditionnel 62 3.3 L’activité économique 64 3.4 La culture rurale 65 3.5 L’infrastructure et les services 67 3.6 L’environnement 67 4 La néo-ruralité : étude de cas 68 4.1 La ferme et le café-librairie : Claire Desmares-Poirier 69 4.2 Hof Prädikow, lieu de vie et de travail communautaire 73 5 Conclusion générale 79 Bibliographie 5
Partie 1 : Vers une planète urbaine 1 Introduction La production architecturale, à travers les âges, peut être caractérisée par son impact sur l’environnement ainsi que sa façon de se placer et d’agir dans un contexte physique et sociétal. Elle est un moteur important pour l’évolution de la société, de sorte qu’étudier l’architecture c’est également explorer l’Histoire des êtres humains et leur façon de vivre. La ville étant un regroupement dense de personnes issues de classes sociales et d’ethnies différentes, on peut dire que « L’histoire de la ville devient alors l’histoire de la société » [DBB04] Les villes ont depuis longtemps séduit les individus grâce au mode de vie et les perspectives qu’elles leur promettent. Par leur croissance et leur développement, elles continuent, à ce jour, d’êtres les symboles de l’avancement de nos sociétés modernes. Pourtant, le modèle mondialisé de société urbaine est aujourd’hui remis en cause pour des raisons diverses. Face aux problématiques urbaines et planétaires actuelles, un nombre croissant d’individus, majoritairement issus des pays occidentaux développés, se tournent vers le passé afin de tenter de comprendre là où les choses ont mal tournées. Le rejet d’une croissance sociétale urbaine s’accompagne, chez eux, d’une émergence de l’intérêt porté aux milieux ruraux qui ont été progressivement « oubliés » ces deux derniers siècles. Ce nouvel intérêt n’est pas sans dangers. En effet, on ne retourne pas vers les campagnes que nous avons quittées autrefois, les modes de vie et les besoins y ont changés et de nouveaux enjeux se dégagent ainsi. Nous commencerons par faire le point sur l’urbanisation croissante du monde en rappelant d’abord la manière dont celle-ci s’est déroulée dans le passé. Mais également certaines des raisons qui expliquent l’attractivité des villes aujourd’hui. Ensuite, nous situerons notre modèle de vie urbain par rapport aux problématiques sociétales et planétaires auxquelles nous faisons face à l’heure actuelle. Ainsi, nous pourrons tenter de mieux comprendre les facteurs motivant certains individus à vouloir changer de mode de vie en migrant vers les campagnes. Enfin, nous adresserons certains des enjeux de la redécouverte du milieu rural car celle-ci peut se faire de manière maladroite et dangereuse. A cette fin, nous évoquerons et étudierons des projets exemplaires, témoins d’une néo-ruralité positive. 6
2 Définir la ville et la campagne En préambule, il convient de préciser ce que nous entendons par milieu urbain (les villes) et milieu rural (les campagnes et les villages). La tâche est loin d’être évidente. La réalité est que, s’il existe des définitions pour la ville et la campagne, celles-ci sont souvent imprécises et généralistes et sont donc loin d’être satisfaisantes. Le monde n’est pas noir ou blanc mais est constitué d’une nuance de gris, la même chose est vraie lorsque l’on étudie un territoire. Ainsi, toutes les villes ne sont pas les mêmes, et c’est également vrai en ce qui concerne les zones périurbaines et les campagnes. En fonction du continent, de la région, de la superficie, de la densité de population et de tous les autres facteurs qui peuvent caractériser un lieu, le ressenti peut varier fortement. Rappelons aussi qu’une ville à elle seule n’est pas une entité homogène et que l’expérience peut fortement différer selon le quartier. On peut donc difficilement généraliser et dire exactement ce qu’est une ville et s’attendre à ce que cette définition s’applique à toutes les villes du monde. Il en est de même pour les campagnes. La difficulté repose également dans la recherche d’une délimitation nette entre ville et campagne. A nouveau, il n’existe pas seulement une limite permettant de les distinguer clairement l’une de l’autre mais plusieurs. Elles sont souvent tellement nombreuses que l’on ne peut en choisir une et prétendre qu’elle est la bonne. Tout est une question de point de vue. Ainsi, les régions et communes vont poser des limites administratives (plan de secteur, cadastre, etc.) qui sont fictives et créées afin de mettre en place un contexte juridique clair. Tandis que les urbanistes, eux, préfèrent étudier ce qui fait la qualité d’un lieu et travaillent au cas par cas plutôt qu’en se référant à des normes chiffrées de densité de bâti ou d’habitants au km². Mais il existera toujours des lieux constituants un entre-deux dont la nature est difficilement identifiable. Ainsi, l’urbanisation de certains villages pose un souci car ceux-ci peuvent alors perdre leur spécificité rurale mais ne sont pourtant pas suffisamment urbanisés pour pouvoir être considérés comme des petites villes. Ce statut ambigu on le retrouve également chez certaines citées constituées de bâtiments hauts implantées dans des milieux ruraux mais qui n’ont pourtant rien d’un village. A l’inverse, certaines villes, par leur taille, faible densité ou le type de bâti, ressemblent plus à des grands villages qu’à l’image traditionnelle que l’on a du milieu urbain. 7
Il va donc de soi que lorsque l’on traite de sujets se rapportant à la ville ou la campagne, on généralise fortement ce que ces termes signifient afin de pouvoir transmettre l’information de façon clair et rapide. Pour une étude plus approfondie, il faudrait analyser une ville ou une région au cas par cas. Cela peut révéler beaucoup d’éléments sur ce lieu en particulier mais n’est pas forcément très utile lorsqu’il s’agit de se pencher sur un sujet d’étude à plus grande échelle. En Belgique, et plus précisément en Wallonie, le PwDR* (programme wallon de développement rural) a définit des indicateurs permettant de distinguer une zone rurale d’une zone urbaine. La règle veut qu’une commune soit rurale si plus de 80 % de sa surface totale est non bâtie ou que la densité de sa population est inférieure à 150 habitants au km². La Direction générale opérationnelle agriculture, ressources naturelles et environnement (DGO3) à crée une nouvelle forme de classification typologique à partir des indicateurs du PwDR. Plutôt que d’étudier les communes, elle se focalise sur les secteurs statistiques, c’est-à-dire les territoires résultants de la subdivision des communes en vue d’offrir des statistiques plus précises qu’au niveau communal. La DGO3 définit ainsi un secteur statistique comme territoire rural si 80 % de sa surface totale est constituée d’espace ruraux tel que définis dans le classement territorial de la carte d’occupation du sol de Wallonie (COSW) et/ou sa population est inférieure à 150 habitants au km². Cet indicateur plus précis permet de classer les communes en trois catégories. Les rurales avec plus de 85 % de surface totale composée de territoires ruraux. Les semi-rurales avec 60 à 85 % de surface totale composée de territoires ruraux et les non-rurales avec moins de 60 %. [PWDR20] [SB21] *Le PwDR est le programme wallon de développement rural qui a été approuvé par la commission Européenne ainsi que le gouvernement Wallon en 2015. Le PwDR a comme objectif principal d’adresser les problèmes que rencontrent les zones rurales wallonnes notamment en termes d’activités socio-économique, de services et d’environnement. Le PwDR s’adresse principalement au secteur agricole (80 % des aides) mais également les communes, les parcs naturels, les organismes de tourisme local, les petites et moyennes entreprises, etc. [PWDR20] 8
3 L’urbanisation du monde Le monde fait face à une augmentation continue inquiétante de la population des zones urbanisées. ENABEL, l’agence de développement durable du gouvernement fédéral belge, estime que d’ici l’année 2050, près de 70 % de la population mondiale vivra dans des milieux urbanisés et que d’ici 2030, 60 % de cette population urbaine aura moins de 18 ans. [ENBL20] Le Robert définit l’urbanisation comme la « Concentration croissante de la population autour des agglomérations urbaines existantes ». [LR21] De manière générale, on peut la décrire comme un phénomène caractérisé par une croissance des villes et de leur périphérie qui va de pair avec une détérioration des zones rurales. L’urbanisation d’un territoire est évaluée en fonction de quatre critères principaux : - La densité de population - L’expansion des zones plus ou moins densément bâties - Le rapport entre le pourcentage de population urbaine et de population rurale - La mutation des modes de vie [YMW19] La forte croissance des villes n’est pas un phénomène nouveau. En réalité, elle est en marche depuis la création des premières villes de la fin du Néolithique (6000 à 2200 av JC dans nos régions). Le moyen âge a connu une accentuation de l’urbanisation mais c’est l’exode rural, c’est-à-dire le rejet de la campagne au profit d’un lieu de vie et de travail plus urbanisé, causé par la révolution industrielle (1760 en Angleterre, milieu du 18ème en France et Belgique) qui a véritablement fait exploser la croissance des villes. Le taux de population urbaine dans le monde est ainsi passée de moins de 4 % au début du 19ème à 15 % en l’espace d’un siècle. Puis à 30 % en 1950. En 2007, Elle est passée à 50 % de la population mondiale. Ces chiffres sont bien-évidement dû en partie au simple fait que le 20ème siècle a vu la population mondiale quasi quadruplée. Mais cela ne suffit en aucun cas à justifier que celle des villes c’est accru d’un facteur de 20. [YMW19] Si, comme dit précédemment, l’on estime que le taux de population urbaine mondiale risque d’atteindre les 70 % d’ici 2050, il est important de rappeler que de nombreux pays tels que la France, le Royaume Uni, l’Espagne, les Etats-Unis, le Canada et bien plus encore ont aujourd’hui dépassés les 80 %. [LBM20] 9
La Belgique, elle, a atteint les 98 % en 2019, la plaçant ainsi en douzième place des pays au plus grand taux de population urbaine du monde. Taux de population urbaine dans le monde [LBM20] Nous remarquons cependant que, malgré le fait qu’elle continue de croitre, cette croissance de la population urbaine mondiale est aujourd’hui moins forte que durant les dernières décennies. En Europe, la grande majorité des pays ont une croissance annuelle inférieure à 1 % (0.7 % en Belgique en 2019) Croissance annuelle de la population urbaine mondiale [LBM20A] 10
Ces chiffres aident à prendre du recul par rapport au phénomène d’exode urbain dont nous allons traiter. S’il est vrai que de plus en plus de citadins requestionnent leur mode de vie et expriment le souhait de quitter la ville pour s’installer en zone rurale, ceux-ci constituent une très petite minorité à l’échelle de nos pays et du monde. Ainsi on pourrait même aller jusqu’à dire que le terme « exode urbain » est utopique et sensationnel, créé en opposition à l’exode rural qui a été une réalité et qui continue de l’être dans de nombreuses régions du monde, particulièrement dans les pays en voie de développement. On pourrait, cependant, soutenir le fait que le mouvement de population des centres urbains vers les banlieues pavillonnaires constitue une sorte d’exode urbain. Et que ce phénomène s’est, en revanche, déroulé à plus grande échelle, légitimisant ainsi l’appellation. Pourtant, ce mouvement de population ne constitue pas réellement une coupure avec la ville. En effet, ces zones en périphérie sont souvent dépendantes de la ville au niveau économique et culturel et constituent, en réalité, le prolongement et l’étalement du tissu urbain. Il ne s’agit donc pas, dans ce cas, d’un véritable exode urbain car la dépendance et la proximité à la ville reste trop grande. 4 L’exode rural et la croissance des villes L’exode rural et l’exode urbain sont essentiellement des phénomènes de migration parmi tant d’autres. Le Larousse définit la migration comme un « déplacement volontaire d’individus ou de populations d’un pays dans un autre ou d’une région dans une autre pour des raisons économiques, politiques ou culturelles. » [LL21] En règle générale, l’étude de la migration se base sur le modèle des facteurs « push-pull ». Les individus sont poussés ‘push’ à quitter leur région, pays, suite à des conditions défavorables comme par exemple les guerres, la famine, les crises politiques, les crises religieuses, le faible niveau de vie, etc. A la fois, ils sont attirés ‘pull’ par des milieux de vie présentant des conditions plus favorables. Plus grandes libertés, meilleur niveau de vie, recherche de travailleurs, etc. [WA17] Avant de pouvoir se pencher sur le phénomène d’exode urbain, il est nécessaire d’étudier, dans un premier temps, le phénomène d’exode rural, c’est-à-dire, le rejet de la campagne au profit d’un lieu de vie, de travail plus urbanisé. Cet exode rural ne s’est pas déroulé partout de la 11
même manière ou avec la même intensité mais on peut, néanmoins, le retrouver dans toutes les parties du monde et à toutes les époques. On observe ainsi des traces de grand mouvement de population datant des premières citées grecques et égyptiennes. Dans l’histoire plus récente, l’exode rural, à travers le monde, a été causé en grande partie par la révolution industrielle qui a bouleversé, en l’espace d’un siècle, notre façon de vivre, de travailler et de consommer. Comme nous l’avons vu, notre monde continue encore aujourd’hui à s’urbaniser et l’exode rural est donc loin d’être un phénomène appartenant au passé. 4.1 La révolution industrielle Le développement de la technologie moderne fut un des facteurs principaux donnant aux villes la capacité de croitre de façon exponentielle. La première invention influente fût certainement celle du canon dont l’utilisation devint courante vers la fin du 18ème siècle. L’apparition de cet outil de destruction ainsi que les nouvelles tactiques militaires ayant vu le jour à cette époque changèrent complétement la manière dont les grandes puissances se firent la guerre. Les batailles ne se déroulèrent désormais plus dans les villes mais dans les campagnes. Le modèle moyenâgeux de la ville fortifié fut donc progressivement abandonné, facilitant ainsi l’expansion des centres urbains. Mais il fallut attendre le début du 19ème siècle et la révolution industrielle pour assister à la façon dont la technologie changea à jamais nos villes occidentales. [RA17] Effectivement, la période de la révolution industrielle a été le témoin d'un avancement majeur dans les techniques de production. Des sources d'énergie nouvelles, en particulier le charbon et la vapeur, ont remplacé le vent et l'eau pour créer des machines nécessitant beaucoup moins de travail manuel humain et animal et qui, en même temps, ont augmenté le niveau de production ainsi que le rendement. En retour, les machines ont induit des nouvelles façons d'organiser le travail afin de maximiser leur productivité. Les usines ont alors progressivement remplacé les ateliers et les petits artisans travaillant dans leurs maisons. Nombreuses de ces premières usines étaient des endroits terribles avec des conditions de travail particulièrement difficiles. [SJ14] L'Europe est ainsi passée d'une économie traditionnelle basée sur l'agriculture et l'artisanat, à une économie plus capitaliste, basée sur la fabrication par machines, d’une main-d'œuvre spécialisée et nécessitant des infrastructures et du capital bien plus conséquent. 12
Bien que la révolution industrielle ait mis des décennies à se répandre à travers l’Europe puis le monde, elle a été véritablement révolutionnaire dans la mesure où elle a fondamentalement changé nos sociétés occidentales et notre relation avec le reste du monde. Le développement des grandes usines en ville a engendré un mouvement massif de personnes originaires de la campagne vers les zones urbaines où la coexistence impersonnelle a remplacé l'intimité de la vie rurale. Cette migration massive de la population en recherche d’un travail et d’un mode de vie urbain est ce que l’on appelle l’exode rural. [SJ14] Des niveaux de productivité plus élevés ont conduit à la recherche de nouvelles sources de matières premières, de nouveaux modes de consommation et de nouvelles technologies. Parallèlement, une révolution dans les transports, grâce à l’invention de la locomotive à vapeur en 1814, a permis à ces matières premières ainsi qu’aux biens produits d'être transportés rapidement à travers le monde. La révolution industrielle a également bouleversé le système de classes sociales par l’émergence de la classe des riches industriels (propriétaires et gérants des grandes usines), et du prolétariat (la nouvelle classe ouvrière). [SJ14] Bien qu’il ait fallu attendre le vingtième siècle pour que l’Europe devienne majoritairement urbaine, les villes s’étaient déjà développées de façon spectaculaire au cours de la première moitié du dix-neuvième siècle suite à l’industrialisation. L’invention de la machine à vapeur a permis aux industriels d’installer leurs usines proches des centres urbains où ils pouvaient facilement accéder aux moyens de transports (train, bateau) ainsi qu’à la main d’œuvre paysanne venant en ville à la recherche de travail. Ainsi, les villes, qui étaient des lieux de commerce, de gouvernance et de culte, se sont progressivement transformées en zones de production industrielle. [SJ14] La révolution industrielle a également menée à des inventions qui ont facilitées la croissance physique des villes. L’invention du métro et du tramway durant la seconde moitié du 19ème siècle ont, par exemple, permis le développement urbain horizontal tout en assurant une connexion rapide entre les centres-villes et les nouvelles banlieues en périphérie. L’invention de l’ascenseur en 1853, du béton armé et des grands éléments de structure en fonte (puis en acier) permirent aux villes de se développer verticalement. Aux Etats-Unis, et en particulier à Chicago et New-York, les villes furent les premières à utiliser ces inventions pour changer radicalement leur manière de croitre. [RA17] 13
Cette croissance énorme des villes a engendré des conditions de vie misérables pour de nombreux habitants issus de la classe ouvrière. Bien sûr, la qualité de vie avait été mauvaise depuis des siècles pour une grande partie de la population des villes européennes, mais l'urbanisation rapide associée à l’industrialisation a intensifiée les problèmes et a rendu ces conditions bien plus graves encore. Les autorités municipales se sentaient peu responsables de ces problèmes ou, plus fréquemment, n'avaient pas les compétences nécessaires pour faire face aux enjeux complexes et nouveaux associés à une croissance démographique aussi rapide. Dans de nombreux cas, les autorités municipales étaient composées de propriétaires d'usines qui n’avaient pas le bien-être public comme priorité. Comme nous allons le voir, leur position face à la situation changera lorsqu’ils se rendront compte que celle-ci affecte directement le rendement et la viabilité de leurs entreprises. [SJ14] Ruelle ouvrière Old vennel, Glasgow, Ecosse, 1868 [AT68] Les conditions sanitaires dans de nombreuses villes d’Europe étaient donc épouvantables. L’afflux soudain d’un grand nombre d’individus mena à une concentration démographique trop élevé et donc à un entassement de la population. Les rues des quartiers populaires, devenus de réels taudis, étaient souvent utilisées comme égouts et drains à ciel ouvert, les gens y jetaient leurs déchets divers ainsi que leurs eaux sales. Dans de nombreux cas, les villes n’avaient pas de réseau d’égout adapté et elles étaient donc insalubres et sentaient mauvais. Tout comme les périodes de pestes que connurent les villes du moyen-âge, l’insalubrité et la forte densité de population menèrent à l’apparition de nombreuses maladies tels que le choléra et la tuberculose. Le taux de mortalité était d’ailleurs, dans beaucoup de villes d’Europe de la première moitié du dix-neuvième siècle, plus grand que le taux de 14
natalité. Seul un afflux de travailleurs venus des campagnes leur permettait de continuer de croitre démographiquement. [SJ14] En réponse à l’arrivée massive de main d’œuvre dans les villes et de l’insalubrité présente dans les quartiers ouvriers, certains grands industriels se sont lancés dans la construction de nouveaux ensembles d’habitats proche de leurs usines. Ces citées ouvrières étaient exclusivement réservées aux travailleurs et leurs familles et avaient comme objectif d’améliorer leurs conditions de vie tout en gardant la main d’œuvre à proximité. C’est ainsi qu’apparait un nouveau rapport entre le patron et ses employés. Celui-ci est non seulement offreur d’emploi mais également propriétaire de leur habitat familial. Il a donc le contrôle sur la totalité de leur quotidien. Cette nouvelle manière de faire, qui est souvent qualifiée de paternaliste, prends source dans les travaux utopiques tels que le phalanstère de Fourrier, le panoptique de Bentham et le mouvement hygiéniste. [FJP95] La cité minière du Grand Hornu, proche de Mons, Belgique, milieu du 19ème siècle [CM94] L’hygiénisme est un mouvement apparu au 19ème siècle en occident suite aux nombreux problèmes sanitaires. L’objectif était de développer et gérer les villes et les sociétés sur base des principes modernes d’hygiène afin de préserver la santé publique. Il se basait notamment sur les avancées faites dans la science et la médecine à cette époque (épidémiologie). L’exemple le plus connu de projet incorporant la pensée hygiéniste étant probablement la reconstruction de Paris planifiée par le Baron Hausmann de 1853 à 1870. [BP01] 15
Haussmann, chargé de la transformation de la ville dans le but de rendre celle-ci plus propre et saine, décida d’élargir les voies de circulation, par la création de grandes artères répondant aux exigences économiques et sociales de l’époque. Néanmoins ce projet brime la classe ouvrière et dérange les bourgeois car pour concevoir ces grandes percées il est nécessaire de démolir les habitations existantes. Le projet d’Haussmann planifie de relocaliser les industries vers les faubourgs de la ville. Les coûts sociaux et économiques liés à l’activité industrielle (bruit, pollution, afflux de population) seront donc exportés en banlieue proche. Les banlieues ouvrières deviennent alors synonymes d’insalubrité. [BS13] Avenue de l’opéra, Paris, France, 1877 et 2010 [DM10] Durant les années 1820, Charles Fourier (1772-1837) un intellectuel français travaille et élabore le concept utopique du phalanstère. Il s’agit d’un regroupement de 400 logements familiaux partageant des lieux communautaires (grandes cours, jardins, potager, vergers, circulations chauffées, etc.) Le tout dans le but de créer un idéal de vie harmonieuse et saine et d’une micro-société appelée « phalange ». Il se base, pour la forme, sur le palais de Versailles mais le transforme en palais pour le peuple. Une autre influence de Fourrier est le complexe de la Saline royale d’Arc-et-Senans (1775-1779) conçue par l’architecte et urbaniste français Claude Nicolas Ledoux (1736-1806). Une citée quasi indépendante unifiant logement ouvrier et travail et offrant des activités et des espaces partagés. Le tout conçu sur base de principes strictes de formes géométriques simples et de symétrie. [RA17] 16
Le Phalanstère de fourrier [FC20] Les Salinnes royales d’Arc-et-Senans [SR17] Le modèle fictif du phalanstère mis en place par Fourier fût la source d’inspiration première pour Jean-Baptiste André Godin (1817-1888) un industriel et homme politique idéaliste français. Pour remédier à la détérioration physique et mentale du prolétariat dans les villes industrielles, Godin conçoit le familistère de Guise (1859-1884) dans le département de l’Aisne en France puis le familistère de Laeken (1887-1888) à Bruxelles en Belgique. Il s’agit d’ensembles d’habitations où se côtoient toutes les classes sociales présentes dans l’industrie : ingénieurs, patrons, travailleurs. Le but est d’élever le niveaux moral et intellectuel des classes ouvrières en les faisant cohabiter avec les classes plus nanties. Tout en donnant accès aux ménages à l’eau et la lumière, permettant une bonne hygiène de vie et également d’offrir une éducation aux enfants. Un modèle qui a première vue semble irréprochable. Le Familistère de Guise [FG21] Cependant les familistères fonctionnent tels des prisons, la vie de chacun y est exposée à la vue de tous, la régulation des comportements se fait par les habitants eux-mêmes. Ceux qui enfreignent les règles établies sont dénoncés et punis, en cas de récidive le nom de la personne 17
concernée est affiché sur un tableau et les indésirables sont expulsés. Des valeurs ascétiques et répressives se cachent derrière le projet aimable de Fourier. L’échec s’explique par la coupure avec la réalité socio-économique et par le caractère contraignant et paternaliste de cette organisation qui permet aux classes aisées de contrôler la classe ouvrière et de la faire rentrer dans un modèle qu’elles désignent. [DSJ16] De manière générale, on peut dire que les modèles de citées ouvrières sont un échec sur le long terme. Si elles ont permis de soulager la misère des centres urbains au début de la révolution industrielle, elles n’ont, dans de nombreux cas, fait que déplacer le problème de la pauvreté ouvrière. La concentration du prolétariat en un lieu dédié à lui seul a également contribué à sa stigmatisation et du rejet opéré par les classes aisées habitant les beaux quartiers. Leur caractère paternaliste en ont fait des lieux idéaux pour l’oppression des ouvriers. Enfin, leur architecture et implantation souvent pauvre et standardisée ont eu un impact non-négligeable sur le paysage. Le passage de la société de l’ancien monde à une société industrielle urbaine ne s’est donc pas fait sans encombre. Les difficultés auxquelles font actuellement face les villes et leur périphérie sont indéniablement liés aux crises économiques et sociales que nous avons connues et continuons de vivre. Pourtant, une partie de ces problèmes peuvent également être attribués aux erreurs urbanistiques du passé. La ville est, en effet, souvent comparée à un palimpseste. Le tissu urbain, de la même façon que ces manuscrits, est porteur des traces du passé qui ne peuvent jamais être totalement effacées. C’est ce qui contribue d’ailleurs à la beauté d’une ville et est une des raisons pour lesquelles les villes anciennes d’Europe sont généralement considérées comme plus belles et authentiques que leurs homologues plus jeunes du nouveau monde. Mais c’est également ce qui rend les interventions en villes délicates et nous empêche parfois de nous défaire des erreurs de planifications urbaines du passé souvent causées par la transformation trop rapide de nos villes ces deux derniers siècles. 4.2 L’attractivité des villes aujourd’hui Comme nous venons de le voir, l’époque de la révolution industrielle a transformée nos villes en des pôles économiques très attractifs pour la masse de travailleurs ruraux et leurs familles qui, après avoir migré vers les centres urbains, c’est transformé en une nouvelle classe ouvrière appelée le prolétariat. Bien que l’exode rural du 19ème et 20ème siècle fait désormais partie du 18
passé de nos sociétés occidentales, il n’empêche que la plupart de nos villes restent, encore aujourd’hui, des pôles d’attraction très forts. Dans les pays en voie de développement d’Asie, d’Amérique du sud et d’Afrique, l’économie des villes continuent de dépendre d’un modèle de production industrielle. Ces pays connaissent actuellement un exode rural similaire à celui que nous avons vécu. Il est fréquent d’y trouver une pauvreté ouvrière, des quartiers insalubres, des bidonvilles et des maladies qui ne sont pas sans rappeler notre passé. Ces dernières décennies, nos villes occidentales, ont quant à elles, faites une transition vers le secteur tertiaire (les services). Si nous avons donc progressivement désindustrialisés nos pays pour délocaliser la production à l’étranger, l’emploi reste néanmoins à ce jour un des facteurs principaux motivant les individus à vivre dans ou à proximité des centres urbains. Les villes grâce à leur grand nombre d’habitants sont en effet des lieux idéaux pour l’implantation d’une activité économique. La densité et la diversité de population induit une main d’œuvre nombreuse et variée. Mais également une large sélection de consommateurs potentiels. Il y a donc une abondance de besoins dans les villes que les entreprises peuvent exploiter. La proximité à l’emploi permet aux citadins d’être moins dépendants d’une mobilité. Cela induit un mode de vie différent des personnes vivant à l’extérieur des villes qui doivent parfois se déplacer sur de longues distances pour se rendre sur leur lieu de travail. Le temps que gagnent les personnes habitant proche de leur travail peut alors être consacré à d’autres activités ou à la vie sociale et familiale. Pourtant, comme nous allons le voir plus tard, il est tout à fait possible de trouver de l’emploi en dehors des villes dans les zones rurales. Mais la révolution industrielle a marqué à jamais l’imaginaire collectif. L’idée de la ville offreuse d’emploi et de la campagne vide et précaire continue de persister à ce jour. Cette façon de penser crée un cercle vicieux car elle induit les individus à choisir l’emploi en milieu urbain plutôt que rural et engendre donc une difficulté du développement économique des villages. L’implantation de l’enseignement supérieur dans les villes contribue également à leur attractivité mais aussi à y développer l’activité économique. En effet, les jeunes habitants les campagnes reculées sont quasiment obligés de migrer vers les villes s’ils souhaitent faire des études supérieures. Souvent, ceux-ci s’installent en ville afin d’éviter les longs trajets puis s’accommodent à leur nouveau mode de vie urbain. Lorsqu’il est temps de chercher un emploi, une fois leurs études terminées, il est alors plus simple pour eux de rester en ville car 19
l’offre d’emploi y est plus grande et diversifié. Le dynamisme des centres-urbains est également stimulant pour ces jeunes personnes. Un autre grand avantage de la vie citadine est la proximité et le grand nombre de commodités qu’elle rends accessible. Dans un premier temps, les commerces qui jouissent d’une clientèle diversifiée et nombreuse, mais également les infrastructures de sport, de loisirs et de restauration tels que les piscines, les centres sportifs, les cinémas, les cafés et les bars, les brasseries et les restaurants, et bien plus encore. Pour ce qui est de la culture, la grande majorité des investissements dans ce domaine sont faits dans des projets urbains. Cela semble logique car il y a bien plus d’habitants dans les villes et plus d’individus jouissent donc de cette offre culturelle. Les villes ont depuis toujours été le berceau de la culture et grâce à leur grande diversité de population et d’activités, elles continuent toujours d’attirer les artistes de tout genre. S’il y a, aujourd’hui, une émergence pour la culture rurale, il est indéniable que l’offre culturelle la plus forte se situe en ville. Particulièrement la « haute culture » c’est-à-dire les musés, théâtres, opéras, concerts, etc. Les villes et leur grand nombre d’habitants et d’activités semblent également être des lieux présentant un grand potentiel social. Le contact social est un besoin ressenti par la majorité des gens car il leur permet de se développer individuellement mais également en tant que société. A cette fin, la densité de personnes en ville peut donc être un réel atout. Ainsi la vie citadine facilite par exemple le fait de démarrer sa journée en croisant du monde, d’entretenir un réseau d’amis à proximité de soi, d’échanger avec les autres habitants de son quartier. Et pour les personnes originaires de la ville de garder un contact familial aisé. Enfin, le dernier grand avantage du milieu urbain est la proximité qu’il offre aux soins de santé. En particulier les hôpitaux. Cet accès rapide peut être essentiel pour certaines personnes telles que les personnes âgées qui nécessitent le plus souvent ces services. On remarque d’ailleurs que beaucoup de séniors issus des campagnes reculées migrent vers la ville ou la périphérie entre-autre pour faciliter leur accessibilité aux infrastructures médicales. Pour conclure, les raisons qui motivent aujourd’hui les individus à vivre en ville sont donc diverses. Cependant, on peut dire qu’elles trouvent quasi toutes leur source dans la densité qui caractérise les milieux urbanisés. De manière générale, c’est cette densité qui engendre une proximité et une variété de l’emploi, des services divers, de la culture et qui augmente le potentiel des contact sociaux. 20
Partie 2 : La ville remise en cause 1 Introduction Malgré les nombreux avantages qu’offrent les villes, un nouveau mouvement croissant de remise en cause du modèle de société urbaine mondialisée c’est répandu ces dernières années, particulièrement dans nos pays occidentaux développés. En effet, la mondialisation et l’urbanisation du monde sont aujourd’hui remises en cause par de nombreux individus. Les problématiques environnementales auxquelles nous faisons face sont au centre des discutions et ont changé la perception que nous avons du monde et du fonctionnement de nos sociétés modernes. Chez certaines personnes, on assiste à une sorte d’éveil de la conscience et d’un questionnement sur leur mode de vie urbain. En outre, des difficultés liées spécifiquement aux villes dérangent de plus en plus. La raison est que nos sociétés occidentales ont réussi à faire une transition positive depuis la révolution industrielle. La qualité de vie en ville c’est amélioré et ainsi surgissent de nouveaux enjeux qui étaient moins prioritaires à l’époque. Cette remise en cause du mode de vie urbain mène certains à se tourner vers le milieu rural comme alternative de vie. Il est intéressant de se pencher sur quelques-uns des facteurs qui peuvent motiver cette migration. Nous commencerons par faire le point sur la situation écologique actuelle en analysant ensuite les grands secteurs problématiques et la place des villes et des campagnes par rapport à ceux-ci. Puis nous nous pencherons sur le rapport qu’entretiennent les villes avec l’agriculture. Enfin, nous étudierons certaines raisons poussant les individus à quitter les villes tels que la gentrification des centres-urbains et les problèmes liés à ce phénomène, le sentiment croissant d’insécurité ainsi que le manque de rapport à la nature impactant le bien-être citadin. 21
2 Bilan écologique mondial Tous les chiffres pointent vers la même direction : l’humanité fonce droit sur un mur et l’impact sera catastrophique. Si nous voulons continuer d’évoluer en tant qu’espèce, il est donc impératif que nous remettions en question notre façon de vivre, de produire et de consommer. En l’espace d’un siècle, à peine, la température moyenne sur terre a augmenté de 0.85° Celsius par rapport à l’ère préindustrielle (1850-1900). Le GIEC, c’est-à-dire le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (prix Nobel pour la paix 2007), pour des questions de rigueur scientifique, se base sur cette période pour comparer les données qu’elle collecte car elle représente bien la stabilité du climat sur les 7000 dernières années. [GIEC14] Cette augmentation de la température terrestre, plus communément appelé réchauffement climatique est principalement due à l’émission des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ces gaz proviennent majoritairement de l’extraction, de la transformation et de la combustion du charbon, du gaz et du pétrole. L’utilisation de ces trois ressources a augmentée de façon exponentielle suite à la révolution industrielle qui a touché nos régions à partir du début du 19ème siècle. Elle a surtout explosé à partir des années 1970 et nous n’en avons jamais autant consommé qu’à ce jour. Aujourd’hui, la concentration de CO², le gaz à effet de serre le plus répandu, augmente dix fois plus rapidement que ce que la terre à connue ces dernières 800 000 années. Le changement climatique global mesuré depuis les années 1970, se déroule près de 200 fois plus vite que ces 7000 dernières années. Les causes principales sont la mondialisation, l’explosion de la population terrestre et tout ce que cela a engendré : augmentation de la production industrielle, du besoin en énergie, de la construction de l’agriculture et de l’élevage. [GIEC14] Le GIEC a mesuré les impacts potentiels que ce changement climatique va impliquer à l’horizon 2050 et au-delà. Voici un bref résumé de ce que nos régions en Europe centrale vont connaitre dans les années à venir. Dans l’entièreté des régions : -Une très forte augmentation du nombre de jours de vague de chaleur en été 22
-Une plus forte évaporation des sources d’eau douce menant à une diminution du débit d’étiage des cours d’eau. -Une chute du rendement agricole dû à ces problèmes. Aux littoraux : -Une augmentation des risques d’érosion, de submersion et salinisation des sources d’eau lié à la montée du niveau des mers. -Plus grand risque d’inondation des polders (Les Pays-Bas étant les plus fortement touchés) -Inondations menaçant les ports et les industries portuaires. -Diminution du rendement du secteur de la pêche due à la baisse et/ou la disparition des espèces aquatiques. Dans les forêts : -Très forte augmentation des risques de feu de forêt due à la sècheresse menant à la destruction de nombreux biotopes et habitats. Dans les montagnes : -Réduction de la surface des zones enneigées en hiver. -Disparition progressive des glaciers. -Modification de la répartition des espèces avec pour conséquence la rupture de chaînes alimentaires et l’extinction de certaines espèces. -Risques accrus de dangers naturels (coulées de débris, glissements de terrain, inondations). Dans les villes : -Augmentation du risque d’inondations (débordement des réseaux d’égouts, inondation des réseaux souterrains). -Forte augmentation des vagues de chaleur intense ayant un impact sur la consommation énergétique (systèmes de refroidissement nécessaires pour le confort de vie). [GIEC14] Ce scénario semble tout droit sorti d’un film de catastrophe hollywoodien mais, selon le GIEC, c’est pourtant l’avenir vers lequel nous semblons nous diriger si nous n’adressons pas le problème de l’émission des gaz à effet de serre. 23
3 Les grands secteurs problématiques Emission de GES dans l’UE en 2016 en % [AEE16] Le graphique ci-dessus nous montre la portion que chaque secteur représente dans l’émission des gaz à effet de serre dans L’Union Européenne. Outre le problème de l’industrie de l’énergie qui est le principal pollueur, les quatre grands secteurs qui doivent être adressés sont ceux du transport, du résidentiel / tertiaire, de la construction et de l’agriculture. Notons que la portion dédiée à certains secteurs ne prend pas en compte le transport ni la construction des infrastructures nécessaires à ce secteur ce qui veut donc dire que l’impact réel est encore plus grand. Par exemple, l’agriculture et la construction utilisent une grosse part des transport effectués dans le monde. Nous n’adresserons pas spécifiquement les transports car ceux-ci seront évoqués lorsque nous étudierons les autres grands secteurs. 3.1 L’industrie de l’énergie et le résidentiel / tertiaire Lorsque l’on parle de l’industrie de l’énergie on ne parle pas de l’utilisation de l’énergie dans notre quotidien mais plutôt de la pollution engendrée par les dispositifs nécessaires à extraire et transformer les ressources naturelles en énergie. Le résidentiel / tertiaire au contraire représente les émissions liées à l’habitat et aux activités économiques (entreprises, commerces, services publics, etc.). Notamment l’énergie nécessaire à chauffer ou réfrigérer les bâtiments, l’énergie utilisé par les appareils électriques divers, la consommation de carburant liée à l’entretien des espaces extérieurs (parcs, jardins, places, etc.). [CITEPA] 24
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