Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre

 
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Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
Énergie Est :
             une menace à l’eau potable

AVRIL 2016
                              EN COLLABORATION AVEC :
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                              Conservation Council of New Brunswick
                              Équiterre
                              Greenpeace Canada
                              Northwatch
                              Manitoba Energy Justice Coalition
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
MENTIONS
Énergie Est : Une menace à l’eau potable

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Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
TABLE DES MATIÈRES

4   SOMMAIRE

7   MÉTHODOLOGIE

8	BILAN – NOMBRE DE CANADIENS DONT L’EAU POTABLE
   EST MENACÉE
    8   Manitoba
    9   Ontario
    9   Québec
    10 Nouveau-Brunswick
    12 Aperçu des Canadiens affectés, par province

13 ÉTUDES DE CAS – DES COLLECTIVITÉS MISES EN PÉRIL
    13 Winnipeg
    14 Nipigon et le lac Supérieur
    15 North Bay
    16 L’aquifère Oxford et l’est de l’Ontario
    17 La région de Montréal
    19 Le fleuve Saint-Jean et le Nouveau-Brunswick

22	
   LES RISQUES ASSOCIÉS AUX DIFFÉRENTS TYPES
   DE DÉVERSEMENT
    22 Les déversements dans les plans d’eau
    23 Les ruptures sur terre ferme

24 D’AUTRES RISQUES ASSOCIÉS AU PROJET ÉNERGIE EST
    24 Le tracé hasardeux du pipeline Énergie Est
    24 Le sombre bilan des déversements de TransCanada

26 CONCLUSION

27 RÉFÉRENCES

                               ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable   3
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
SOMMAIRE
Le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada menace la qualité
de l’eau potable de plus de cinq millions de Canadiens. Ce chiffre
inquiétant est le résultat d’un examen minutieux du tracé que devrait
suivre ce pipeline à travers le Canada, par rapport aux sources
d’approvisionnement en eau potable de diverses localités.
Du Manitoba au Nouveau-Brunswick, près de 3 000 lacs, cours
d’eau et aquifères dont dépendent des millions de Canadiens pour
s’approvisionner en eau potable seraient menacés de déversements
d’hydrocarbures. Une seule rupture de pipeline dans l’un ou l’autre de
ces endroits fragiles risque de contaminer les sources d’eau potable
pendant des années.

Le projet Énergie Est menace la qualité de
l’eau potable de plus de cinq millions de
Canadiennes et Canadiens.

Ce rapport documente la proximité des prises d’eau potable de
plusieurs agglomérations et communautés canadiennes par rapport au
projet Énergie Est de TransCanada. Selon le tracé envisagé, le pipeline
menacerait la qualité de l’eau potable d’une partie significative de la
population du Canada (voir figure 1).

Figure 1 : Les Canadiens dont l’eau potable est menacée par
            Énergie Est

Province                          Nombre de personnes concernées

Manitoba                          676 613

Ontario                           1 040 788

Québec                            3 213 353

Nouveau-Brunswick                 130 679

Nombre total de Canadiens
concernés                         5 061 433

Le projet Énergie Est deviendrait le plus grand oléoduc de sables
bitumineux jamais construit en Amérique du Nord. La canalisation
transporterait du pétrole brut sous pression sur une distance de
4 600 km de l’Alberta au Nouveau-Brunswick, franchissant sur son
parcours 2 963 plans d’eau reconnus des commissions de toponymie
et une infinité d’autres cours d’eau et milieux humides de petite taille.
Le projet Énergie Est transporterait jusqu’à 1,1 million de barils
(175 millions de litres) de pétrole chaque jour, éclipsant les autres
grands projets récents comme Northern Gateway ou Keystone XL.

                                ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable     4
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
Compte tenu du volume colossal de brut               Le pipeline Énergie Est ne transporterait pas
transporté, même un déversement de courte            uniquement du pétrole brut conventionnel.
durée risque de répandre de grandes quantités        Cette canalisation transporterait également
d’hydrocarbures dans l’environnement et pourrait     d’importants volumes de bitume dilué. Les tests
causer des dommages considérables.                   en laboratoire et les accidents survenus dans le
                                                     passé montrent que, lors d’un déversement, ce
On arrive rarement à nettoyer complètement
                                                     bitume ultralourd se sépare de ses diluants et
les fuites de brut dans l’environnement.
                                                     coule au fond de l’eau9,10,11.
Généralement, quand un grand déversement
survient dans l’eau, seule une fraction du pétrole   La rupture de la ligne 6b d’Enbridge en 2010
est récupérée1,2,3,4. De tels accidents polluent     montre combien il est difficile de nettoyer un
durablement l’eau, le sol et les sédiments,          déversement de bitume dilué. Plus de 3 millions
ce qui expose les gens et les écosystèmes            de litres de bitume dilué se sont déversés dans
à des hydrocarbures toxiques. Rappelons              un ruisseau et ont atteint la rivière Kalamazoo,
que l’exposition intense ou chronique aux            près de Marshall au Michigan. Les équipes
hydrocarbures peut avoir des effets nocifs           d’intervention n’étaient pas préparées à ce genre
considérables sur la santé humaine et celle des      de nettoyage et le bitume a atteint le fond de
écosystèmes5,6,7,8.                                  la rivière et du ruisseau. Le déversement s’est

ÉNERGIE EST
EN BREF                                               4 600 km de long
                 3 000 km                                      1 600 km
                 D’ANCIEN                                 DE CANALISATION
                 GAZODUC                                           NEUVE

         !
     Menace
 l’approvision-                                              Au moins
                                                             2  963
nement en eau
   potable de
    plus de
5 millions de
   Canadiens                                                 plans d’eau sur le
                                                             tracé, dont plus de
                                                             1 200 en Ontario

                                                               ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable   5
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
répandu sur une soixantaine de kilomètres en aval
jusqu’à un barrage qui a empêché de justesse que         L’oléoduc Keystone
le bitume contamine le lac Michigan. Le bitume
gisant au fond de l’eau a compliqué le nettoyage.
                                                         1 de TransCanada a
Il a fallu réaliser d’importants travaux de dragage,     fui 71 fois au cours
un procédé qui a duré des années et coûté plus
d’un milliard $12. La rivière demeure détériorée         des deux premières
aujourd’hui, en raison des contaminants qui s’y
trouvent toujours.
                                                         années suivant sa
En décembre 2015, l’Académie nationale des               mise en service.
sciences des États-Unis a fait paraître une étude
montrant à quel point le bitume dilué se distingue     Étant donné les risques particuliers associés aux
des autres produits pétroliers normalement             déversements de bitume dilué et le désastreux
transportés par pipeline. Les propriétés               bilan de sécurité de TransCanada, il semble
physicochimiques du bitume dilué entraînent des        prudent d’évaluer la menace que fait planer le
déversements uniques et complexes : après une          projet Énergie Est sur les sources d’eau potable
courte période de dégradation, le bitume coule         des Canadiens. Notons toutefois que les risques
et s’accumule au fond du plan d’eau, exactement        évalués dans ce rapport sont modérés. La
comme à Kalamazoo. L’étude conclut sur la              possibilité que survienne un déversement plus
nécessité d’élaborer des tactiques et stratégies       important que les scénarios envisagés ici est
particulières pour réagir adéquatement aux             réelle. En général, nous avons évalué les risques
déversements de bitume dilué. Malheureusement,         aux systèmes d’approvisionnement en eau
de tels moyens n’existent pas encore au Canada         potable uniquement pour les agglomérations
ou aux États-Unis. Personne n’est actuellement         d’une certaine taille. La qualité de l’eau de
en mesure de réagir adéquatement à ce type             nombreuses autres collectivités éloignées ou
d’incident; ni le secteur des oléoducs, ni les         de petite taille et celle de communautés de
agences gouvernementales, ni les équipes               Premières Nations situées sur le parcours du
d’intervention13,14.                                   pipeline est également menacée, bien que ces
Lors d’audiences publiques ainsi que dans              endroits ne figurent pas dans le présent rapport.
leur documentation, les organismes de                  Notons encore que le pétrole du pipeline
réglementation canadiens, les pétrolières              Énergie Est serait destiné à l’exportation : jusqu’à
et les sociétés pipelinières, dont fait partie         90 % du volume transporté devrait être envoyé
TransCanada, refusent obstinément de                   outremer non raffiné19. Ainsi, le pipeline Énergie
reconnaître les risques accrus que pose le             Est contribuerait peu à l’économie canadienne
transport de bitume dilué15,16. Mais refuser           et créerait très peu d’emplois permanents.
d’admettre leur existence n’élimine pas les            En contrepartie, on demande à plus de cinq
risques.                                               millions de Canadiens d’accepter les risques.
Les inquiétudes entourant la sécurité du               Avoir accès à de l’eau potable propre et de
projet sont accentuées par le piètre bilan             qualité est essentiel à la santé publique. L’eau est
de TransCanada en matière de fuites et de              un élément constitutif de la vie. La protection de
déversements. La conduite de gaz naturel qui           l’eau n’est pas qu’un simple argument politique;
doit être reconvertie en oléoduc dans le cadre         c’est un devoir collectif.
du projet Énergie Est a connu 10 ruptures au
cours des 25 dernières années17. L’installation        Tous les paliers de gouvernement devraient
Keystone (phase 1) de TransCanada, qui est aussi       admettre que la protection des sources d’eau
constituée d’un ancien gazoduc et de sections          potable vient loin devant les intérêts de quelques
d’oléoduc neuves et qui inclut les stations de         sociétés pétrolières et pipelinières. Il est temps
pompage, a connu 71 fuites en Canada au cours          pour les Canadiens de rejeter le projet Énergie Est.
de ses deux premières années de service.18

                                                                 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable      6
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
MÉTHODOLOGIE
 Le présent rapport montre que le projet Énergie Est
 de TransCanada menace la qualité de l’eau potable de
 plus de cinq millions de Canadiens. Comme nous l’avons
 mentionné, ce chiffre constitue une estimation prudente.
 Au cours de notre étude, nous avons évalué            les zones d’eau souterraine menacées au cas par
 la sécurité des sources d’approvisionnement           cas, en fonction de la topographie et d’autres
 en eau potable de 28 municipalités et régions         caractéristiques physiques sur place. Nous avons
 canadiennes qui risquent d’être directement           aussi tenu compte des politiques locales, comme
 touchées par un déversement du pipeline               les plans de sauvegarde de l’eau souterraine ou
 Énergie Est (voir les tableaux plus loin).            les règlements municipaux sur la qualité de l’eau.
 Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive;
                                                       Pour une question d’uniformité, nous avons utilisé
 l’eau potable de plusieurs autres localités,
                                                       les données démographiques du plus récent
 villages, populations rurales et communautés
                                                       recensement fédéral (2011), sauf pour Saint-Jean,
 de Premières Nations est aussi menacée par
                                                       N.-B., où le conseil municipal considère que l’eau
 Énergie Est.
                                                       potable de 45 450 personnes est menacée (sur
 Aux fins de la présente étude, nous avons             une population de 70 063, selon le recensement
 considéré que le risque à la qualité de l’eau         de 2011). Ceci nous donne une estimation
 potable est fonction de la distance entre un          conservatrice, étant donné que les populations de
 plan d’eau et l’oléoduc. Tout plan d’eau dans un      Montréal et de Laval ont augmenté de 373 948
 rayon de 60 km en aval du tracé du pipeline est       en tout pour 2015. Pour le Québec, nous avons
 considéré comme « menacé ». Dans plusieurs            utilisé le Répertoire des réseaux municipaux
 des cas figurant dans les tableaux ci-dessous,        de distribution d’eau potable du Ministère du
 les plans d’eau se trouveraient à moins de 20 km      Développement durable21, Environnement et
 de la canalisation. Ce critère de 60 km de rayon      Lutte contre les changements climatiques et
 se fonde sur un cas réel : il s’agit de la distance   nous avons identifié les municipalités dont
 parcourue par le bitume dilué lors du déversement     l’eau potable était puisée à moins de 60 km
 dans la rivière Kalamazoo, en juillet 201020.         en aval de l’oléoduc. Nous avons soustrait de
                                                       cette population le nombre de personnes dont
Cette étude considère tout                             l’eau potable provient d’une source souterraine
                                                       municipale.
plan d’eau situé dans un rayon
                                                       Pour notre estimation de la population affectée
de 60 km en aval du tracé du                           dans la région de Montréal, nous avons examiné
pipeline comme menacé. Il                              les 91 municipalités et communautés comprises
                                                       dans la Région métropolitaine de recensement
s’agit de la distance parcourue                        de Montréal et nous avons par la suite utilisé les
par le bitume dilué lors du                            mêmes critères pour soustraire les municipalités
                                                       qui avaient moins de chance d’être affectées
déversement dans la rivière                            par un déversement. Nous avons complété
                                                       notre analyse avec les données d’un rapport
Kalamazoo, en juillet 2010
                                                       produit pour la Communauté métropolitaine de
 En ce qui concerne l’eau souterraine, il est          Montréal (CMM)22. D’une population de 3 824 221
 très difficile de définir précisément une « zone      personnes en 2011 selon Statistique Canada, nous
 menacée » par des déversements terrestres             avons identifié un total de 2 888 416 personnes
 parce que la géographie et l’hydrologie diffèrent     dont l’eau potable serait à risque dans la grande
 d’un lieu à l’autre. Nous avons donc déterminé        région de Montréal.

                                                                 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable    7
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
BILAN –
 NOMBRE DE CANADIENS DONT L’EAU POTABLE EST MENACÉE

           MANITOBA                                                                                                            NEWFOUNDLAND
           676 613                                                     QUÉBEC                                                  & LABRADOR

                                                                       3 213 353                         NOUVEAU
                                                                                                         BRUNSWICK
                                                                                                         130 679

WINNIPEG                                                                                                               PEI
                                                                                                                        EI
                      NIPIGON                                                                                            CHARLOTTETOWN
                                                                                                               FREDERICTON
                                                                                      QUEBEC CI
               THUNDER BAY
                             LAKE SUPERIOR                                                                                HALIFAX
                                              SUDBURY               NORTH BAY MONTREAL            SHERBROOKE     SAINT JOHN
                                                                          OTTAWA
              ONTARIO                            GEORGIAN BAY                         CORNWALL    POPULATION TOTALE
                                                                                                  MENACÉE
              1 040 788
                                                 LAKE
                                                HURON   TORONTO

                                     LAKE
                                                                       LAKE ONTARIO
                                                                                                  5 millions
                                   MICHIGAN
                                                        LAKE ERIE

Voici les résultats
des évaluations                               SOURCES D’APPROVISIONNEMENT EN EAU

faites selon la                               Aquifère : Couches poreuses de roches saturées d’eau
                                              souterraine. On peut extraire l’eau des aquifères au moyen de
méthode décrite                               puits forés dans ces couches.
ci-dessus. Nos                                Champ de captage : Une zone regroupant plusieurs
                                              puits qui, ensemble, tirent l’eau d’un même aquifère pour
évaluations                                   l’approvisionnement d’un réseau d’aqueduc public.
montrent que le                               Secteur protégé d’un champ de captage : Zone définie
                                              comportant un champ de captage et sa périphérie, à l’intérieur
pipeline Énergie                              de laquelle les puits se rechargent et où des restrictions au
Est menace la                                 développement s’appliquent afin de garantir la qualité de l’eau.
                                              Secteur protégé d’un bassin hydrographique : Un bassin
qualité de l’eau                              déterminé d’où proviennent les eaux de surface servant
potable de millions                           à l’approvisionnement municipal d’eau potable et où des
                                              restrictions au développement s’appliquent afin de garantir la
de Canadiens. Les                             qualité de l’eau.
tableaux ci-dessous                           Zone de protection des sources d’eau : En Ontario, zone où
dressent le portrait                          les sources d’eau potable sont protégées par une autorité de
                                              conservation, en vertu de la loi ontarienne sur les offices de
détaillé de nos                               protection de la nature.

évaluations.
                                                                                 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable                 8
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
Manitoba
Municipalité            Population   Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est

                                     La rivière Assiniboine : Le pipeline traverserait la rivière juste en aval du
                                     canal de dérivation de Portage. Ce canal de 29 km dévie l’eau de la rivière
Portage La Prairie 23
                        12 996
                                     Assiniboine, la source d’eau potable de la ville, et la conduit jusqu’au lac
                                     Manitoba.

                                     Le lac Shoal : L’oléoduc passerait à travers la portion nord du bassin du lac
                                     Shoal, en amont de la prise d’eau potable de Winnipeg, dans la baie Indian (à
Winnipeg24,25,26        663 617
                                     l’ouest du lac des Bois). Énergie Est menacerait aussi, sur toute sa longueur,
                                     l’aqueduc qui conduit l’eau du lac jusqu’au réservoir Deacon à Winnipeg.

Population totale
menacée au Manitoba     676 613

Ontario
Municipalité            Population   Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est

                                     Le lac des Bois : La conduite franchirait la portion supérieure du bassin de
                                     la rivière Winnipeg, aux abords du lac des Bois, menaçant des dizaines de
                                     milliers de puits en zone rurale et des prises d’eau privées à même le lac.
Kenora27,28,29          15 348
                                     La ville de Kenora pourrait voir son eau contaminée par un déversement
                                     terrestre ou de l’infiltration souterraine qui atteindrait la prise d’eau
                                     municipale, au nord du lac.

                                     La rivière Nipigon (qui se jette dans la baie Nipigon, dans le lac Supérieur,
                                     près de Thunder Bay) : Le pipeline traverserait la rivière en amont de la
                                     prise d’eau de la ville, dans la baie Nipigon, considérée comme une zone
Nipigon30,31            1 631
                                     critique et où d’importants travaux de réhabilitation ont été réalisés, avec
                                     l’aide des gouvernements ontarien et fédéral, afin d’atténuer les effets
                                     laissés par des décennies de pollution industrielle.

                                     Le lac Trout : Le pipeline couperait la zone protégée d’approvisionnement
                                     en eau de North Bay, qui s’étend à l’est de la rivière Mattawa, en traversant
                                     l’escarpement qui longe la rive nord du lac, à moins de 6 km de la
                                     principale prise d’eau de la ville dans la baie Delaney. La conduite met en
                                     péril les zones de recharge des eaux de surface et des eaux souterraines
                                     du bassin versant du lac Trout. Les sections ouest et centrale du bassin,
North Bay32,33          53 651
                                     couvertes de profonds dépôts de sable et de gravier, seraient coupées par
                                     le pipeline. Un bris dans ces zones contaminerait les eaux souterraines.
                                     Dans la portion est du bassin, la canalisation reposerait sur le roc dans
                                     un secteur fortement pentu. Une fuite à cet endroit dévalerait la pente et
                                     atteindrait rapidement la baie Four Mile, à une distance variant entre 2 km
                                     et 500 m du pipeline.
                                     La rivière Madawaska : Le pipeline traverserait la rivière à un peu plus de
Arnprior34,35           8 114        10 km en amont de la prise d’eau potable locale, juste avant l’embouchure
                                     de la Madawaska dans la rivière des Outaouais.
                                     La rivière des Outaouais et la rivière Mississippi : La ville d’Ottawa a deux
                                     prises d’eau potable, toutes deux dans la rivière des Outaouais, située
                                     dans la zone de protection des sources d’eau de Mississippi-Rideau. Cette
Ottawa et ses                        région de protection comprend aussi plus d’une douzaine d’autres puits
                        962 044
environs36                           municipaux, des aquifères sensibles et d’importantes zones de recharge
                                     d’eaux souterraines auxquels s’approvisionne toute la région. On trouve ici
                                     notamment l’aquifère Oxford, près de North Grenville, qui dessert 10 000
                                     puits privés.

Population totale
menacée en Ontario      1 040 788

                                                                     ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable          9
Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
Québec

Municipalité                Population   Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est

                                         Plusieurs rivières en aval de la rivière des Outaouais, dont le fleuve
                                         Saint-Laurent, la rivière des Mille Îles et la rivière des Prairies (ces
                                         deux dernières font partie du réseau de la rivière des Outaouais),
Région de Montréal37        2 888 416
                                         où s’approvisionnent Laval et d’autres villes de la rive nord de la
                                         RMR de Montréal. Le pipeline traverserait la rivière L’Assomption en
                                         amont de la prise d’eau de Repentigny et de L’Assomption.

                                         La rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies et le fleuve Saint-
                                         Laurent : la prise d’eau de Contrecœur se trouve à 25 km en aval des
Contrecoeur     38
                            6 252
                                         endroits où la canalisation franchirait les deux rivières, qui sont des
                                         affluents du fleuve.

                                         La rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies, le fleuve Saint-
                                         Laurent et potentiellement la rivière Bayonne : Les prise d’eau
Prise d’eau de
                            8 000        de Berthierville sont à 50 km en aval de l’endroit où le pipeline
Berthierville39
                                         traverserait les rivières des Mille Îles et des Prairies, deux affluents
                                         du Saint-Laurent.

                                         La rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies et le fleuve Saint-
                                         Laurent : La prise d’eau de Saint-Ignace-de-Loyola est à 50 km en
Saint-Ignace-de-Loyola 40
                            1 986
                                         aval de l’endroit où l’oléoduc traverserait les rivières des Mille Îles et
                                         des Prairies, deux affluents du Saint-Laurent.

                                         La rivière Saint-Maurice : Le pipeline passerait à travers la
Trois-Rivières41            48 285       rivière Saint-Maurice à 10 km en amont de son confluent avec
                                         le Saint-Laurent.

                                         Le fleuve Saint-Laurent et la rivière Saint-Maurice : Le pipeline
                                         franchirait la rivière Saint-Maurice à 10 km en amont de son confluent
Bécancour  42
                            12 438
                                         avec le Saint-Laurent, ce dernier étant la source d’approvisionnement
                                         de Bécancour.

                                         La rivière Jacques-Cartier : La prise d’eau de Donnacona se trouve
Donnacona43                 6 283        dans la rivière Jacques-Cartier, à moins de 10 km en aval de l’endroit où
                                         la conduite traverserait la rivière.

                                         Le fleuve Saint-Laurent : La prise d’eau de Saint-Augustin-de-
Saint-Augustin-de-
                            16 900       Desmaures se situe à 25 km en aval de l’endroit prévu pour faire passer
Desmaures44
                                         le pipeline sur la rive sud du Saint-Laurent.

Sainte-Foy (un                           Le fleuve Saint-Laurent : La prise d’eau de Sainte-Foy est à environ
arrondissement de           98 868       25 km en aval de l’endroit prévu pour faire passer le pipeline sur la rive
Québec)45                                sud du Saint-Laurent.

                                                                                       continué à la page 11…

                                                                    ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable           10
Québec (suite)

Municipalité          Population   Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est

                                   La rivière Chaudière et le fleuve Saint-Laurent : La canalisation
                                   traverserait la rivière Chaudière, 10 à 12 km en amont de la prise
Lévis
    46
                      110 123
                                   d’eau de Lévis, à Charny, à moins de 5 km en amont de son
                                   confluent avec le Saint-Laurent.

                                   La rivière du Sud : le pipeline passerait à environ 1 km au sud de
Montmagny47           11 491       la rivière, parallèlement à celle-ci. Ce cours d’eau est la source
                                   d’approvisionnement de Montmagny.

Témiscouata-sur-le-                Le lac Témiscouata : Le tracé du pipeline serait parallèle au lac, à une
                      5 096
Lac48,49,50                        distance d’au plus 15 km environ.

                                   Le lac Témiscouata : Dégelis a bénéficié d’une aide financière du
                                   gouvernement pour moderniser ses installations de prise d’eau et de
Dégelis  51,52
                      3 051
                                   traitement de l’eau potable à la fin de 2013. Le lac Témiscouata est
                                   menacé comme mentionné ci-haut.

Population totale
menacée au Québec     3 213 353

                                                             ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable          11
Nouveau-Brunswick

Municipalité                 Population   Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est

                                          La rivière Madawaska et les secteurs protégés des champs
                                          de captage adjacents : Les champs de captage protégés
Edmundston     53,54,55,56
                             16 032
                                          d’Edmundston sont adjacents à la rivière, et le pipeline franchirait
                                          la rivière à moins de 30 km en amont, au Québec.

                                          Le fleuve Saint-Jean et les secteurs protégés des champs de
                                          captage adjacents : La canalisation traverserait la Grande Rivière,
Saint-Léonard57              1 353        un affluent du fleuve Saint-Jean, à environ 25 km en amont de
                                          Saint-Léonard. La localité puise son eau potable d’un champ de
                                          captage protégé à proximité du fleuve Saint-Jean.

                                          La rivière Verte et les secteurs protégés des champs de captage
                                          adjacents : Le pipeline passerait à travers la rivière Verte, un affluent
Sainte-Anne-de-
                             1 002        du fleuve Saint-Jean, à environ 30 km en amont de Sainte-Anne-de-
Madawaska58
                                          Madawaska. La localité tire son eau potable d’un champ de captage
                                          protégé à proximité du fleuve Saint-Jean.

                                          Le fleuve Saint-Jean et le secteur protégé du champ de captage
                                          adjacent : À Grand-Sault, le champ de captage protégé se trouve
Grand-Sault59                5 706        juste à côté du fleuve Saint-Jean. Le pipeline traverserait la Grande
                                          Rivière, qui se jette dans le fleuve Saint-Jean, environ 30 km en
                                          amont de Grand-Sault.

                                          La rivière Canaan : Environ 30 km en amont du village de
Cambridge-Narrows60          620          Cambridge-Narrows, la conduite franchirait la rivière Canaan, d’où
                                          la localité puise son eau potable.

                                          La rivière Kennebecasis et les marais de Hampton : Le pipeline
                                          traverserait la rivière Kennebecasis à environ 12 km en amont de
Hampton   61
                             4 292
                                          Hampton et de ses marais naturels. La collectivité tire son eau
                                          potable de puits privés déployés sur le bassin versant.

                                          Le ruisseau Cross et d’autres tributaires de la rivière Nashwaak :
                                          Le pipeline couperait le ruisseau Cross et d’autres tributaires de la
                                          rivière Nashwaak à environ 50 km en amont de Fredericton. La rivière
                                          Nashwaak converge avec le fleuve Saint-Jean sur la rive nord de celui-
Fredericton62                56 224       ci, à Fredericton. Bien que la zone protégée d’approvisionnement en
                                          eau de Fredericton soit sur la rive sud du fleuve Saint-Jean, la ville
                                          puise son eau potable à proximité du fleuve. Il serait souhaitable de
                                          pousser l’étude des risques à la qualité de l’eau potable de la ville à
                                          l’aide de modèles de dispersion hydrologique.

                                          Le bassin hydrographique du Loch Lomond, le lac Latimore et la
                                          rivière Mispec : Le pipeline contournerait la zone protégée du bassin
Saint-Jean63,64              45 450       versant du Loch Lomond, à seulement 3 km de distance. L’oléoduc
                                          passerait aussi à moins de 3 km de la prise d’eau municipale, au lac
                                          Latimore, au même endroit où il franchirait la rivière Mispec.

Population totale
menacée au                   130 679
Nouveau-Brunswick

                                                                    ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable           12
ÉTUDES DE CAS
DES COLLECTIVITÉS MISES EN PÉRIL

WINNIPEG ET LE SUD DU MANITOBA

                                                                                                               PHOTO: AJ BATAC
  WINNIPEG, MANITOBA

                                                         Le pipeline Énergie Est
Le pipeline Énergie Est menacerait les sources           menacerait les sources
d’approvisionnement en eau potable du sud
du Manitoba, y compris la ville de Winnipeg. La
                                                         d’approvisionnement en
conduite franchirait plusieurs plans d’eau, des          eau potable du sud du
fossés et des canaux de drainage aux alentours
de Winnipeg, de même que les principales rivières        Manitoba, y compris la ville
dont ceux-ci sont les affluents. Ce sont les rivières    de Winnipeg.
Rouge, La Salle, Assiniboine et la Seine d’où les
municipalités de Portage La Prairie, Starbuck,
Sanford, Kenton, Rivers, La Salle, Brandon, Selkirk     mais aussi aux fuites, plus petites, plus fréquentes
et Sioux Valley puisent leur eau potable.               et non décelées, qui peuvent survenir entre Falcon
                                                        Lake et Hadashville, là où l’aqueduc et le pipeline
Winnipeg puise son eau potable du lac Shoal, à          sont très près l’un de l’autre. Une fuite dans le
l’ouest du bassin du lac des Bois dans le nord-         pipeline Énergie Est, même de toute petite taille
ouest de l’Ontario, au moyen d’un aqueduc de            mais qui passerait longtemps inaperçue, pourrait
100 km de long65.                                       faire en sorte que des hydrocarbures s’infiltrent
À plusieurs endroits entre le lac Shoal et              dans l’aqueduc par les pores et les fissures de la
Winnipeg, le pipeline Énergie Est et deux autres        canalisation.
conduites de gaz naturel se trouvent à moins            Le service des travaux publics de Winnipeg prend
de deux mètres de cet aqueduc. Le potentiel de          cette menace au sérieux et a consacré 1 million de
contamination de l’aqueduc n’est pas seulement          dollars à l’étude de ce problème66.
lié au risque qu’une des conduites de gaz explose,

                                                                  ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable                        13
NIPIGON ET LE LAC SUPÉRIEUR

                                                       En 1990, un glissement de
  NIPIGON, ONTARIO                                     terrain aux abords de la rivière
                                                       Nipigon a exposé 75 m d’un
Tout juste au nord de Nipigon, le pipeline             gazoduc de TransCanada,
traverserait la rivière Nipigon (en amont de
l’agglomération), d’où les 1 600 habitants
                                                       laissant la conduite suspendue
puisent leur eau potable. À environ 10 km au           au-dessus du sol, sans support.
sud, la rivière se jette dans le lac Supérieur, le
troisième plus grand lac d’eau douce au monde
quant au volume.                                     L’endroit où le pipeline franchirait la rivière
                                                     Nipigon est l’un des plus reculés de tout le
Nipigon se trouve dans une région géologique
                                                     parcours. Il se trouve en forêt, sur un terrain
très dynamique, où les tremblements de terre
                                                     accidenté et difficile d’accès. Une fuite à cet
de faible amplitude ne sont pas rares67. De plus,
                                                     endroit, même détectée rapidement, pourrait
les berges de la rivière peuvent être instables
                                                     rejeter des millions de litres de bitume dilué qui
pendant le dégel printanier ou lorsque le niveau
                                                     s’écouleraient dans la rivière Nipigon jusqu’au lac
des eaux souterraines est élevé68. En 1990, un
                                                     Supérieur, contaminant le plus vaste des Grands
glissement de terrain aux abords de la rivière
                                                     Lacs nord-américains.
a exposé 75 m d’un gazoduc de TransCanada,
laissant la conduite suspendue au-dessus du          Le maire de Nipigon, Richard Harvey, fait
sol, sans support. S’il s’était agi d’un pipeline    remarquer que, contrairement à une fuite de gaz
transportant du pétrole, la canalisation se serait   naturel, un déversement du pipeline Énergie Est
probablement rompue sous le poids du fluide,         serait « très difficile à nettoyer, particulièrement
contaminant la rivière.                              dans un cours d’eau »69.

                                                               ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable      14
NORTH BAY

                                                                                                           PHOTO: JEFF BORDEN
  LAC TROUT, NORTH BAY, ONTARIO

                                                       La contamination du
Le projet Énergie Est pose une menace directe          lac par un déversement
à l’approvisionnement en eau potable de la             compromettrait durablement
municipalité de North Bay, dans le nord-est de
l’Ontario. Le gazoduc qui serait converti pour le      l’approvisionnement en eau
transport du pétrole contourne la rive nord du         potable de North Bay.
lac Trout. Normalement, un tel tracé ne serait pas
autorisé pour le transport de pétrole brut.
Les prises d’eau potable de plus de 50 000           composer avec la difficulté additionnelle que
personnes se trouvent au fond du lac Trout, à        poserait un déversement en hiver. Le froid peut
l’est de la ville. Plusieurs résidents du canton     couvrir d’une bonne épaisseur de glace un plan
de Widdifield, sur l’escarpement qui longe la        d’eau comme le lac Trout ou la rivière Mattawa,
rive nord du lac, tirent leur eau potable de puits   mais de l’eau liquide continue d’y circuler en
forés dans les dépôts de sable et de gravier         dessous. Une fuite de bitume dilué dans un lac ou
de la principale zone de recharge du lac Trout.      un cours d’eau couvert de glace a peu de chance
Il serait extrêmement difficile de remédier à        d’être détectée par reconnaissance aérienne ou
une contamination de ces dépôts, et la qualité       au sol avant des mois. Pendant ce temps, les
de l’eau serait compromise durablement si un         contaminants migrent avec les courants.
accident survenait.
                                                     « Si un accident impliquant le pipeline Énergie
Une rupture du pipeline à cet endroit rejetterait    Est arrivait ici, s’il y avait un déversement, nous
des hydrocarbures dans la zone de protection         serions foutus », affirme le maire de North Bay,
des sources d’eau de l’Office de protection de       Al McDonald. « Qui voudrait venir ici après un
la nature de North Bay–Mattawa et les polluants      désastre pareil? »70
atteindraient la prise d’eau dans la baie Delaney
                                                     Le ministère de l’Environnement et de l’Action en
en quelques heures. La contamination du lac par
                                                     matière de changement climatique de l’Ontario
un déversement aurait un impact à long terme
                                                     termine actuellement une étude en vertu de la
sur l’approvisionnement en eau de North Bay.
                                                     Loi sur l’eau saine afin d’évaluer les risques que
Comme plusieurs autres localités canadiennes         représente le projet Énergie Est pour cette source
nordiques sur le tracé du pipeline, North Bay doit   d’eau potable protégée.

                                                                ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable                         15
L’AQUIFÈRE OXFORD ET L’EST DE L’ONTARIO

                                                      En 1991, une fuite d’un solvant pour
                                                      le nettoyage à sec a contaminé
                                                      durablement 74 puits d’eau potable
                                                      à Manotick, en Ontario.

                                                          fuite pourrait passer inaperçue très longtemps, et
   KEMPTVILLE, ONTARIO
                                                          entraîner une infiltration dans l’aquifère.
                                                          Le tracé du pipeline croise aussi une importante
                                                          zone de recharge d’eau souterraine à North
Dans la municipalité de North Grenville, dans l’est
                                                          Grenville. Les zones de recharge sont des
de l’Ontario, 70 % des 15 000 résidents tirent leur
                                                          formations naturelles où la pluie et l’eau de fonte
eau potable de leur puits privé foré sur l’aquifère
                                                          peuvent s’infiltrer facilement dans un aquifère75.
Oxford71. Ces puits privés se trouvent à moins
                                                          Compte tenu de la facilité avec laquelle le bitume
de 1,6 km du tracé envisagé, sur une distance de
                                                          se sépare de ses diluants, un déversement dans
55,6 km72.
                                                          cette zone de recharge pourrait aisément atteindre
Dans sa demande, TransCanada prétend que le               l’aquifère Oxford. TransCanada ne mentionne pas
risque de contamination de l’eau de puits est faible      ce risque dans son analyse.
puisque, d’après l’entreprise, une fuite de pétrole
                                                          Le manque de jugement de TransCanada est
migrerait sur une distance de 100 m tout au plus
                                                          particulièrement troublant, quand on sait qu’une
dans les eaux souterraines. On ne peut cependant
                                                          étude provinciale parue en 2014 indique qu’une
pas être aussi catégorique. Au lendemain de la
                                                          simple fuite d’un réservoir de combustible de
crise de Walkerton, le gouvernement ontarien a
                                                          chauffage domestique représente un risque réel
classé l’aquifère Oxford comme « très sensible
                                                          de contamination76. En 1991, dans la localité de
à la pollution », la cote qui décrit la plus grande
                                                          Manotick (ancienne banlieue d’Ottawa, aujourd’hui
vulnérabilité. Cette fragilité de l’aquifère s’explique
                                                          fusionnée à la capitale, à une quarantaine de
par le fait que le sol qui le recouvre est très mince
                                                          kilomètres au nord de North Grenville), une fuite de
et serait vite saturé en cas de déversement. De
                                                          perchloroéthylène (un solvant pour le nettoyage à
plus, la roche sous-jacente est criblée de crevasses
                                                          sec considéré comme cancérigène) a contaminé
et de fissures. Ainsi, les liquides à la surface –
                                                          durablement 74 puits d’eau potable. La petite
même du pétrole ou du bitume dilué – peuvent
                                                          ville avait alors dû modifier son réseau d’aqueduc
s’y infiltrer et contaminer cette importante réserve
                                                          pour se brancher sur le réseau d’Ottawa; des
d’eau potable73. L’infiltration de bitume dilué dans
                                                          travaux qui ont coûté plusieurs millions de
la roche poreuse sur les sites d’extraction in situ
                                                          dollars. Encore aujourd’hui, 25 ans plus tard,
(où on injecte de la vapeur dans le sol pour séparer
                                                          Manotick prend son eau d’Ottawa parce que les
le bitume des sables bitumineux) en Alberta est un
                                                          sources d’approvisionnement locales ne sont pas
fait bien documenté74. En outre, une toute petite
                                                          sécuritaires77,78,79.

                                                                    ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable      16
LA RÉGION DE MONTRÉAL

Le tracé du pipeline passe par plusieurs
municipalités du grand Montréal : Mirabel,
Sainte-Anne-des-Plaines, Terrebonne,
Mascouche, Repentigny, L’Assomption, Saint-
Sulpice, Laval et Montréal même. Dans cette
région, l’oléoduc franchirait trois rivières
importantes, soit la rivière des Outaouais, la
rivière des Mille Îles et la rivière des Prairies (ces
deux dernières constituant ni plus ni moins la
partie terminale de la rivière des Outaouais).
Les consultations publiques ont conduit les
82 municipalités qui forment la Communauté
métropolitaine de Montréal (CMM) à s’opposer
au projet Énergie Est en janvier 2016. Les               MONTRÉAL, QUÉBEC
représentants de la CMM considèrent que la
menace à la qualité de l’eau potable est un
problème majeur du projet80.

MODÉLISATION D’UN DÉVERSEMENT DANS LA RÉGION MONTRÉALAISE MONTRANT LE PANACHE DE
CONTAMINANTS EN AVAL DU TRACÉ ENVISAGÉ POUR LE PIPELINE81

                                                              ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable   17
RÉGION DE MONTRÉAL (suite)

                                                          L’analyse d’un groupe d’experts
  RIVIÈRE DES MILLE ÎLES
                                                          révèle que les prises d’eau de
                                                          Montréal, de Laval et d’autres
                                                          municipalités de la rive sud
Ils fondent leur opposition sur des recherches
menées au sujet des risques associés aux                  seraient compromises si un
déversements et leurs impacts sur l’eau. Les              déversement survenait.
conséquences d’un déversement sont en
fonction du volume d’hydrocarbure rejeté, du
temps de réaction et du temps d’intervention82.
Le groupe d’experts employé par la CMM
                                                        Montréal rendrait les opérations de nettoyage
a analysé la propagation d’un panache
                                                        encore plus difficiles et coûteuses84,85.
d’hydrocarbure grâce à un modèle de dispersion
hydrologique. L’exercice a montré que les prises        Les conséquences économiques et écologiques
d’eau de la ville de Montréal sont menacées,            associées à une dégradation de la qualité de
mais aussi celles de Laval et de plusieurs autres       l’eau dans cette région ne s’arrêteraient pas là.
localités de la rive sud.                               Les activités de plaisance et le trafic commercial
                                                        sur le Saint-Laurent pourraient être touchés,
Si un déversement majeur survenait, plusieurs
                                                        voire interrompus. Les entreprises agricoles et
sources d’approvisionnement en eau seraient
                                                        les industries qui dépendent de l’eau provenant
touchées. Dans les plus récentes options de
                                                        d’une de ces rivières pourraient aussi en
tracé envisagées, le pipeline traverserait la rivière
                                                        souffrir. Une eau contaminée aurait des effets
des Outaouais, dans laquelle des dizaines de
                                                        néfastes sur les écosystèmes aquatiques et
milliers de personnes de la région montréalaise
                                                        terrestres. De la même manière, un déversement
puisent leur eau potable. Ce sont environ 90
                                                        pourrait diminuer les bienfaits écologiques que
000 résidents de Terrebonne et 400 000 autres
                                                        procurent les bassins hydrographiques de la
des municipalités du nord de Montréal qui
                                                        région, comme la séquestration du carbone,
dépendent de la rivière des Mille Îles pour leur
                                                        la régulation des crues, la lutte contre les îlots
approvisionnement en eau.
                                                        de chaleur, la pollinisation, etc.. Ensemble,
Une étude récente révélait que la section du            en termes économiques, ces bienfaits sont
pipeline qui passerait sur la rive nord du Saint-       évalués à 4 milliards de dollars par année. Voilà
Laurent compte 19 endroits où les risques de            quelques-uns des risques mentionnés par le
glissement de terrain sont élevés en raison de          maire de Montréal, Denis Coderre, au nom
l’instabilité des berges83. Le couvert de glace         des 82 municipalités de la CMM lorsque qu’il
sur les cours d’eau en hiver dans la région de          expliquait leur rejet du projet Énergie Est86.

                                                                  ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable    18
LE FLEUVE SAINT-JEAN ET LE NOUVEAU-BRUNSWICK

                                                                                                              PHOTO: MACIEJ ŻMUDZIŃSKI
  LE PONT REVERSING RAPIDS
  (SAINT-JEAN, N.-B.)                                 Un déversement à proximité
                                                      du lac Latimore aurait de
Plus de 60 % de la population du Nouveau-             graves conséquences pour
Brunswick comble ses besoins d’eau potable
grâce à de l’eau souterraine. Les 40 % restant
                                                      l’approvisionnement en eau
s’approvisionnent de plans d’eau de surface,          de Saint-Jean.
surtout des lacs. Il existe au Nouveau-Brunswick
une loi provinciale sur la protection de l’eau
potable. Les mesures de protection comptent          pipeline ne franchirait pas le fleuve directement,
des champs de captage protégés et des bassins        mais devrait couper un grand nombre de ses
hydrographiques protégés87,88. Le Décret de          affluents importants, comme la rivière Salmon. La
désignation du secteur protégé d’un champ de         canalisation devrait en outre suivre le fleuve, ce qui
captage du Nouveau-Brunswick définit trois           augmente les risques de contamination de l’eau.
zones atour des puits municipaux. À chacune          Plusieurs champs de captage protégés
des zones correspond une série d’interdictions       se trouvent dans des endroits sujets à
quant à certaines pratiques et utilisations du sol   la contamination d’un déversement qui
qui risquent de contaminer l’eau potable. Ces        atteindrait un affluent du fleuve Saint-Jean, à
interdictions concernent entre autres des agents     une trentaine de kilomètres en amont. Cette
chimiques contenus dans certains produits            situation concerne les sources d’eau potable
pétroliers, comme le benzène et les xylènes89.       d’Edmundston, de Grand-Sault, de Sainte-
De la même manière, le Décret de désignation         Anne-de-Madawaska et de Saint-Léonard. Dans
du secteur protégé d’un bassin hydrographique        chacune de ces municipalités, les champs de
définit trois zones atour des bassins versants       captage jouxtent le fleuve. Un déversement
servant à approvisionner un réseau d’aqueduc         dans le cours d’eau pourrait atteindre le rivage
(ou autour de certaines parties de ceux-             et menacer de contaminer l’eau souterraine. On
ci) à l’intérieur desquelles les activités et le     doit aussi s’inquiéter de la difficulté qu’auraient
développement sont réduits ou interdits.             certaines localités à trouver une autre source
Le fleuve Saint-Jean agit comme une zone             d’approvisionnement en cas de contamination.
de recharge pour les champs de captage et            C’est le cas d’Edmundston, notamment90.
les bassins versants qui lui sont adjacents. Le

                                                               ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable                                   19
LE FLEUVE SAINT-JEAN ET LE NOUVEAU-BRUNSWICK (suite)

Le tracé prévu franchit la rivière Kennebecasis             de niveau tout au long de l’année. Si un
à environ 12 km en amont de Hampton et                      déversement survenait en pleine crue, ses
de ses incomparables marais naturels. Cette                 effets seraient particulièrement néfastes92. Les
municipalité comporte une vaste superficie                  résidents de la localité tirent leur eau potable de
de terres agricoles dont plusieurs ont un                   puits privés. Certains de ces puits sont situés à
contact direct avec la rivière91. Les marais de             proximité du tracé que devrait suivre le pipeline
Hampton sont connus pour leurs fortes crues                 et d’autres se trouvent près de la rivière, ce qui
au printemps et pour leur grande variabilité                avive les inquiétudes quant à l’éventualité d’un

ILLUSTRATION D’UN SECTEUR PROTÉGÉ D’UN CHAMP DE CAPTAGE
       Puits municipal

	La Zone A: Cette zone est la plus proche de la tête de puits et est la plus environnementalement sensible. C’est
  dans cette zone que le risque de pollution est le plus élevé. Le Décret de désignation précise que les fosses
  septiques, les canalisations d’égout, les produits pétroliers, les solvants chlorés, les pesticides et les produits
  chimiques semblables ou autres activités sont réglementés ou dans certains cas, limités dans cette zone.

	La Zone B: Les risques de contamination par des bactéries à partir des utilisations des terres sont
  grandement réduits, mais les risques de pollution par les produits pétroliers, les solvants chlorés et d’autres
  produits chimiques persistants ou autres activités, sont encore importants.

	La Zone C: Les mesures de réglementation de certains produits chimiques ou activités sont beaucoup moins
  rigoureuses dans cette zone, mais elles sont encore nécessaires pour les solvants chlorés et les produits
  pétroliers.

                                                                       ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable          20
SAINT JOHN ET NOUVEAU BRUNSWICK (suite)

  FREDERICTON, NOUVEAU-BRUNSWICK

déversement93. Les craintes de la population           ou d’une rupture de conduite, les hydrocarbures
locale n’ont toutefois pas ému TransCanada             atteindraient facilement le bassin versant.
qui refuse de modifier le tracé de son
                                                       Une autre prise d’eau de la ville se situe dans le
oléoduc. Également, cette portion de la rivière
                                                       lac Latimore, à environ 3 km de l’endroit prévu
Kennebecasis est soumise à l’influence des
                                                       pour faire passer la canalisation sur la rivière
marées de la baie de Fundy. Autrement dit, si un
                                                       Mispec95. Une fois de plus, un déversement
déversement survenait à proximité de l’endroit
                                                       survenant à proximité de cet endroit aurait de
où le pipeline croise la rivière, il risquerait de
                                                       graves conséquences pour l’approvisionnement
contaminer la baie Kennebecasis, qui forme un
                                                       en eau de la ville de Saint-Jean.
fjord à l’estuaire du fleuve Saint-Jean.
                                                       La Ville mentionne aussi 450 habitants du
Dans sa demande d’information adressée à
                                                       lotissement Harbourview qui tirent leur eau dans
TransCanada, la ville de Saint-Jean mentionne
                                                       des puits. Ce lotissement se trouve à l’intérieur
que 45 000 personnes sur ses 70 063 résidents
                                                       d’une bande de 3 km du tracé envisagé.
prennent leur eau potable du bassin du
                                                       Actuellement, un pipeline de la compagnie Irving
Loch Lomond, à l’est de l’agglomération. La
                                                       Oil traverse déjà ce champ de captage protégé.
cartographie préliminaire réalisée par la Ville
montre qu’une section de l’oléoduc franchirait         La Ville investit beaucoup pour moderniser
une colline qui touche l’extrémité est du bassin       son réseau d’aqueduc et pour construire une
du Loch Lomond, et passerait à 3 km de la limite       nouvelle usine de traitement d’eau potable d’une
de l’aire protégée du bassin, là où se trouvent        capacité de 75 millions de litres par jour. Ces
trois prises d’eau de la ville94. En cas d’une fuite   travaux devraient être terminés en 2018.

                                                                 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable    21
LES RISQUES ASSOCIÉS
                      AUX DIFFÉRENTS TYPES
                      DE DÉVERSEMENT
                      Lorsqu’on lui demande d’évaluer et d’expliquer les risques que pose le pipeline Énergie Est aux plans
                      d’eau et aux sources d’eau potable des Canadiens, TransCanada occulte ou minimise les possibles
                      impacts négatifs de son projet.
                      L’entreprise a soumis à l’Office national de l’énergie une analyse sommaire où n’étaient indiquées
                      que les traverses de cours d’eau qu’elle considère comme risquées96. L’évaluation de TransCanada se
                      limite aux endroits où de forts courants ou l’instabilité des berges menaceraient la portion immergée
                      de la canalisation. Les risques que représente un déversement pour les sources d’eau potable sont
                      toutefois plus complexes que ce que décrit l’analyse de TransCanada. L’attitude de l’entreprise sur ces
                      questions a de quoi inquiéter. Afin de bien comprendre les risques encourus, il importe de distinguer
                      les différents types de déversement, c’est pourquoi ils seront abordés ici en détail.
PHOTO: REBECCA COOK

                                                                                 La portion nouvellement
                                                                                 construite de l’oléoduc
/ GREENPEACE

                                                                                 franchirait 1 094 cours d’eau.
                                                                                 La portion reconvertie en
                                                                                 croiserait 1 869.
                      LES DÉVERSEMENTS DANS
                      LES PLANS D’EAU
                                                                               Les eaux de surfaces sont particulièrement
                      Dans certains cas, les cours d’eau seraient menacés      sensibles aux endroits où le pipeline les franchit.
                      soit parce que le pipeline les franchirait directement   Les hydrocarbures déversés dans un cours d’eau
                      ou parce qu’il couperait un de leurs affluents en        considérable peuvent être entraînés sur des
                      amont (comme c’était le cas lors du déversement          dizaines, voire des centaines de kilomètres, en
                      dans la rivière Kalamazoo, par l’intermédiaire du        fonction du volume de la fuite et du débit du
                      ruisseau Talmadge), ou parce qu’il passerait par une     cours d’eau.
                      zone humide en amont. Dans les déversements qui          Dans sa demande d’autorisation, TransCanada
                      surviennent dans des affluents, les hydrocarbures        décrit 1 094 endroits où l’oléoduc franchirait un
                      sont entraînés par le courant et contaminent les         cours d’eau dans la portion où serait construite
                      plus gros cours d’eau en aval. Par exemple, l’eau        une canalisation neuve entre l’est de l’Ontario et le
                      potable de Nipigon, près du lac Supérieur, serait        Nouveau-Brunswick. Dans cette portion, sur les
                      menacée si un déversement survenait à la traverse        104 km situés en Ontario, on compte 102 traversées
                      de la rivière Nipigon, en amont de la ville.             de cours d’eau. Aussi, dans la portion constituée
                      Dans d’autres cas, comme à Dégelis et                    d’un ancien gazoduc reconverti, l’entreprise
                      Témiscouata-sur-le-Lac, dans l’est du Québec,            dénombre 1 869 endroits où la canalisation
                      l’oléoduc longerait les sources d’eau potable            croiserait un cours d’eau. Dans la portion
                      municipales. Une fuite pourrait amener des               reconvertie, 36 traversées font l’objet d’une étroite
                      hydrocarbures à s’infiltrer dans le réseau et à          surveillance en raison des risques modérés à élevés
                      polluer l’eau.                                           qu’elles représentent pour les cours d’eau97.

                                                                                         ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable       22
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