Énergie Est : une menace à l'eau potable - Equiterre
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Énergie Est : une menace à l’eau potable AVRIL 2016 EN COLLABORATION AVEC : COPRODUIT PAR : Conservation Council of New Brunswick Équiterre Greenpeace Canada Northwatch Manitoba Energy Justice Coalition
MENTIONS Énergie Est : Une menace à l’eau potable UN RAPPORT COPRODUIT PAR : EN COLLABORATION AVEC : © Droits d’auteur détenus par ENVIRONMENTAL DEFENCE CANADA, avril 2016 Ce rapport peut être reproduit ou diffusé, en tout ou en partie, gratuitement, quel que soit le format ou le support, sans obtenir d’autorisation préalable. ENVIRONMENTAL DEFENCE assume la responsabilité d’éventuelles erreurs ou omissions. À PROPOS D’ENVIRONMENTAL DEFENCE ENVIRONMENTAL DEFENCE est l’organisation environnementale la plus efficace au Canada. Nous incitons le changement et nous inspirons le gouvernement, les entreprises et la population afin d’assurer à tous un avenir écologiquement viable, en santé et prospère. ENVIRONMENTAL DEFENCE 116, avenue Spadina, bureau 300 Toronto (Ontario) M5V 2K6 Visitez le site environmentaldefence.ca pour plus d’information. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 2
TABLE DES MATIÈRES 4 SOMMAIRE 7 MÉTHODOLOGIE 8 BILAN – NOMBRE DE CANADIENS DONT L’EAU POTABLE EST MENACÉE 8 Manitoba 9 Ontario 9 Québec 10 Nouveau-Brunswick 12 Aperçu des Canadiens affectés, par province 13 ÉTUDES DE CAS – DES COLLECTIVITÉS MISES EN PÉRIL 13 Winnipeg 14 Nipigon et le lac Supérieur 15 North Bay 16 L’aquifère Oxford et l’est de l’Ontario 17 La région de Montréal 19 Le fleuve Saint-Jean et le Nouveau-Brunswick 22 LES RISQUES ASSOCIÉS AUX DIFFÉRENTS TYPES DE DÉVERSEMENT 22 Les déversements dans les plans d’eau 23 Les ruptures sur terre ferme 24 D’AUTRES RISQUES ASSOCIÉS AU PROJET ÉNERGIE EST 24 Le tracé hasardeux du pipeline Énergie Est 24 Le sombre bilan des déversements de TransCanada 26 CONCLUSION 27 RÉFÉRENCES ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 3
SOMMAIRE Le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada menace la qualité de l’eau potable de plus de cinq millions de Canadiens. Ce chiffre inquiétant est le résultat d’un examen minutieux du tracé que devrait suivre ce pipeline à travers le Canada, par rapport aux sources d’approvisionnement en eau potable de diverses localités. Du Manitoba au Nouveau-Brunswick, près de 3 000 lacs, cours d’eau et aquifères dont dépendent des millions de Canadiens pour s’approvisionner en eau potable seraient menacés de déversements d’hydrocarbures. Une seule rupture de pipeline dans l’un ou l’autre de ces endroits fragiles risque de contaminer les sources d’eau potable pendant des années. Le projet Énergie Est menace la qualité de l’eau potable de plus de cinq millions de Canadiennes et Canadiens. Ce rapport documente la proximité des prises d’eau potable de plusieurs agglomérations et communautés canadiennes par rapport au projet Énergie Est de TransCanada. Selon le tracé envisagé, le pipeline menacerait la qualité de l’eau potable d’une partie significative de la population du Canada (voir figure 1). Figure 1 : Les Canadiens dont l’eau potable est menacée par Énergie Est Province Nombre de personnes concernées Manitoba 676 613 Ontario 1 040 788 Québec 3 213 353 Nouveau-Brunswick 130 679 Nombre total de Canadiens concernés 5 061 433 Le projet Énergie Est deviendrait le plus grand oléoduc de sables bitumineux jamais construit en Amérique du Nord. La canalisation transporterait du pétrole brut sous pression sur une distance de 4 600 km de l’Alberta au Nouveau-Brunswick, franchissant sur son parcours 2 963 plans d’eau reconnus des commissions de toponymie et une infinité d’autres cours d’eau et milieux humides de petite taille. Le projet Énergie Est transporterait jusqu’à 1,1 million de barils (175 millions de litres) de pétrole chaque jour, éclipsant les autres grands projets récents comme Northern Gateway ou Keystone XL. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 4
Compte tenu du volume colossal de brut Le pipeline Énergie Est ne transporterait pas transporté, même un déversement de courte uniquement du pétrole brut conventionnel. durée risque de répandre de grandes quantités Cette canalisation transporterait également d’hydrocarbures dans l’environnement et pourrait d’importants volumes de bitume dilué. Les tests causer des dommages considérables. en laboratoire et les accidents survenus dans le passé montrent que, lors d’un déversement, ce On arrive rarement à nettoyer complètement bitume ultralourd se sépare de ses diluants et les fuites de brut dans l’environnement. coule au fond de l’eau9,10,11. Généralement, quand un grand déversement survient dans l’eau, seule une fraction du pétrole La rupture de la ligne 6b d’Enbridge en 2010 est récupérée1,2,3,4. De tels accidents polluent montre combien il est difficile de nettoyer un durablement l’eau, le sol et les sédiments, déversement de bitume dilué. Plus de 3 millions ce qui expose les gens et les écosystèmes de litres de bitume dilué se sont déversés dans à des hydrocarbures toxiques. Rappelons un ruisseau et ont atteint la rivière Kalamazoo, que l’exposition intense ou chronique aux près de Marshall au Michigan. Les équipes hydrocarbures peut avoir des effets nocifs d’intervention n’étaient pas préparées à ce genre considérables sur la santé humaine et celle des de nettoyage et le bitume a atteint le fond de écosystèmes5,6,7,8. la rivière et du ruisseau. Le déversement s’est ÉNERGIE EST EN BREF 4 600 km de long 3 000 km 1 600 km D’ANCIEN DE CANALISATION GAZODUC NEUVE ! Menace l’approvision- Au moins 2 963 nement en eau potable de plus de 5 millions de Canadiens plans d’eau sur le tracé, dont plus de 1 200 en Ontario ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 5
répandu sur une soixantaine de kilomètres en aval jusqu’à un barrage qui a empêché de justesse que L’oléoduc Keystone le bitume contamine le lac Michigan. Le bitume gisant au fond de l’eau a compliqué le nettoyage. 1 de TransCanada a Il a fallu réaliser d’importants travaux de dragage, fui 71 fois au cours un procédé qui a duré des années et coûté plus d’un milliard $12. La rivière demeure détériorée des deux premières aujourd’hui, en raison des contaminants qui s’y trouvent toujours. années suivant sa En décembre 2015, l’Académie nationale des mise en service. sciences des États-Unis a fait paraître une étude montrant à quel point le bitume dilué se distingue Étant donné les risques particuliers associés aux des autres produits pétroliers normalement déversements de bitume dilué et le désastreux transportés par pipeline. Les propriétés bilan de sécurité de TransCanada, il semble physicochimiques du bitume dilué entraînent des prudent d’évaluer la menace que fait planer le déversements uniques et complexes : après une projet Énergie Est sur les sources d’eau potable courte période de dégradation, le bitume coule des Canadiens. Notons toutefois que les risques et s’accumule au fond du plan d’eau, exactement évalués dans ce rapport sont modérés. La comme à Kalamazoo. L’étude conclut sur la possibilité que survienne un déversement plus nécessité d’élaborer des tactiques et stratégies important que les scénarios envisagés ici est particulières pour réagir adéquatement aux réelle. En général, nous avons évalué les risques déversements de bitume dilué. Malheureusement, aux systèmes d’approvisionnement en eau de tels moyens n’existent pas encore au Canada potable uniquement pour les agglomérations ou aux États-Unis. Personne n’est actuellement d’une certaine taille. La qualité de l’eau de en mesure de réagir adéquatement à ce type nombreuses autres collectivités éloignées ou d’incident; ni le secteur des oléoducs, ni les de petite taille et celle de communautés de agences gouvernementales, ni les équipes Premières Nations situées sur le parcours du d’intervention13,14. pipeline est également menacée, bien que ces Lors d’audiences publiques ainsi que dans endroits ne figurent pas dans le présent rapport. leur documentation, les organismes de Notons encore que le pétrole du pipeline réglementation canadiens, les pétrolières Énergie Est serait destiné à l’exportation : jusqu’à et les sociétés pipelinières, dont fait partie 90 % du volume transporté devrait être envoyé TransCanada, refusent obstinément de outremer non raffiné19. Ainsi, le pipeline Énergie reconnaître les risques accrus que pose le Est contribuerait peu à l’économie canadienne transport de bitume dilué15,16. Mais refuser et créerait très peu d’emplois permanents. d’admettre leur existence n’élimine pas les En contrepartie, on demande à plus de cinq risques. millions de Canadiens d’accepter les risques. Les inquiétudes entourant la sécurité du Avoir accès à de l’eau potable propre et de projet sont accentuées par le piètre bilan qualité est essentiel à la santé publique. L’eau est de TransCanada en matière de fuites et de un élément constitutif de la vie. La protection de déversements. La conduite de gaz naturel qui l’eau n’est pas qu’un simple argument politique; doit être reconvertie en oléoduc dans le cadre c’est un devoir collectif. du projet Énergie Est a connu 10 ruptures au cours des 25 dernières années17. L’installation Tous les paliers de gouvernement devraient Keystone (phase 1) de TransCanada, qui est aussi admettre que la protection des sources d’eau constituée d’un ancien gazoduc et de sections potable vient loin devant les intérêts de quelques d’oléoduc neuves et qui inclut les stations de sociétés pétrolières et pipelinières. Il est temps pompage, a connu 71 fuites en Canada au cours pour les Canadiens de rejeter le projet Énergie Est. de ses deux premières années de service.18 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 6
MÉTHODOLOGIE Le présent rapport montre que le projet Énergie Est de TransCanada menace la qualité de l’eau potable de plus de cinq millions de Canadiens. Comme nous l’avons mentionné, ce chiffre constitue une estimation prudente. Au cours de notre étude, nous avons évalué les zones d’eau souterraine menacées au cas par la sécurité des sources d’approvisionnement cas, en fonction de la topographie et d’autres en eau potable de 28 municipalités et régions caractéristiques physiques sur place. Nous avons canadiennes qui risquent d’être directement aussi tenu compte des politiques locales, comme touchées par un déversement du pipeline les plans de sauvegarde de l’eau souterraine ou Énergie Est (voir les tableaux plus loin). les règlements municipaux sur la qualité de l’eau. Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive; Pour une question d’uniformité, nous avons utilisé l’eau potable de plusieurs autres localités, les données démographiques du plus récent villages, populations rurales et communautés recensement fédéral (2011), sauf pour Saint-Jean, de Premières Nations est aussi menacée par N.-B., où le conseil municipal considère que l’eau Énergie Est. potable de 45 450 personnes est menacée (sur Aux fins de la présente étude, nous avons une population de 70 063, selon le recensement considéré que le risque à la qualité de l’eau de 2011). Ceci nous donne une estimation potable est fonction de la distance entre un conservatrice, étant donné que les populations de plan d’eau et l’oléoduc. Tout plan d’eau dans un Montréal et de Laval ont augmenté de 373 948 rayon de 60 km en aval du tracé du pipeline est en tout pour 2015. Pour le Québec, nous avons considéré comme « menacé ». Dans plusieurs utilisé le Répertoire des réseaux municipaux des cas figurant dans les tableaux ci-dessous, de distribution d’eau potable du Ministère du les plans d’eau se trouveraient à moins de 20 km Développement durable21, Environnement et de la canalisation. Ce critère de 60 km de rayon Lutte contre les changements climatiques et se fonde sur un cas réel : il s’agit de la distance nous avons identifié les municipalités dont parcourue par le bitume dilué lors du déversement l’eau potable était puisée à moins de 60 km dans la rivière Kalamazoo, en juillet 201020. en aval de l’oléoduc. Nous avons soustrait de cette population le nombre de personnes dont Cette étude considère tout l’eau potable provient d’une source souterraine municipale. plan d’eau situé dans un rayon Pour notre estimation de la population affectée de 60 km en aval du tracé du dans la région de Montréal, nous avons examiné pipeline comme menacé. Il les 91 municipalités et communautés comprises dans la Région métropolitaine de recensement s’agit de la distance parcourue de Montréal et nous avons par la suite utilisé les par le bitume dilué lors du mêmes critères pour soustraire les municipalités qui avaient moins de chance d’être affectées déversement dans la rivière par un déversement. Nous avons complété notre analyse avec les données d’un rapport Kalamazoo, en juillet 2010 produit pour la Communauté métropolitaine de En ce qui concerne l’eau souterraine, il est Montréal (CMM)22. D’une population de 3 824 221 très difficile de définir précisément une « zone personnes en 2011 selon Statistique Canada, nous menacée » par des déversements terrestres avons identifié un total de 2 888 416 personnes parce que la géographie et l’hydrologie diffèrent dont l’eau potable serait à risque dans la grande d’un lieu à l’autre. Nous avons donc déterminé région de Montréal. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 7
BILAN – NOMBRE DE CANADIENS DONT L’EAU POTABLE EST MENACÉE MANITOBA NEWFOUNDLAND 676 613 QUÉBEC & LABRADOR 3 213 353 NOUVEAU BRUNSWICK 130 679 WINNIPEG PEI EI NIPIGON CHARLOTTETOWN FREDERICTON QUEBEC CI THUNDER BAY LAKE SUPERIOR HALIFAX SUDBURY NORTH BAY MONTREAL SHERBROOKE SAINT JOHN OTTAWA ONTARIO GEORGIAN BAY CORNWALL POPULATION TOTALE MENACÉE 1 040 788 LAKE HURON TORONTO LAKE LAKE ONTARIO 5 millions MICHIGAN LAKE ERIE Voici les résultats des évaluations SOURCES D’APPROVISIONNEMENT EN EAU faites selon la Aquifère : Couches poreuses de roches saturées d’eau souterraine. On peut extraire l’eau des aquifères au moyen de méthode décrite puits forés dans ces couches. ci-dessus. Nos Champ de captage : Une zone regroupant plusieurs puits qui, ensemble, tirent l’eau d’un même aquifère pour évaluations l’approvisionnement d’un réseau d’aqueduc public. montrent que le Secteur protégé d’un champ de captage : Zone définie comportant un champ de captage et sa périphérie, à l’intérieur pipeline Énergie de laquelle les puits se rechargent et où des restrictions au Est menace la développement s’appliquent afin de garantir la qualité de l’eau. Secteur protégé d’un bassin hydrographique : Un bassin qualité de l’eau déterminé d’où proviennent les eaux de surface servant potable de millions à l’approvisionnement municipal d’eau potable et où des restrictions au développement s’appliquent afin de garantir la de Canadiens. Les qualité de l’eau. tableaux ci-dessous Zone de protection des sources d’eau : En Ontario, zone où dressent le portrait les sources d’eau potable sont protégées par une autorité de conservation, en vertu de la loi ontarienne sur les offices de détaillé de nos protection de la nature. évaluations. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 8
Manitoba Municipalité Population Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est La rivière Assiniboine : Le pipeline traverserait la rivière juste en aval du canal de dérivation de Portage. Ce canal de 29 km dévie l’eau de la rivière Portage La Prairie 23 12 996 Assiniboine, la source d’eau potable de la ville, et la conduit jusqu’au lac Manitoba. Le lac Shoal : L’oléoduc passerait à travers la portion nord du bassin du lac Shoal, en amont de la prise d’eau potable de Winnipeg, dans la baie Indian (à Winnipeg24,25,26 663 617 l’ouest du lac des Bois). Énergie Est menacerait aussi, sur toute sa longueur, l’aqueduc qui conduit l’eau du lac jusqu’au réservoir Deacon à Winnipeg. Population totale menacée au Manitoba 676 613 Ontario Municipalité Population Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est Le lac des Bois : La conduite franchirait la portion supérieure du bassin de la rivière Winnipeg, aux abords du lac des Bois, menaçant des dizaines de milliers de puits en zone rurale et des prises d’eau privées à même le lac. Kenora27,28,29 15 348 La ville de Kenora pourrait voir son eau contaminée par un déversement terrestre ou de l’infiltration souterraine qui atteindrait la prise d’eau municipale, au nord du lac. La rivière Nipigon (qui se jette dans la baie Nipigon, dans le lac Supérieur, près de Thunder Bay) : Le pipeline traverserait la rivière en amont de la prise d’eau de la ville, dans la baie Nipigon, considérée comme une zone Nipigon30,31 1 631 critique et où d’importants travaux de réhabilitation ont été réalisés, avec l’aide des gouvernements ontarien et fédéral, afin d’atténuer les effets laissés par des décennies de pollution industrielle. Le lac Trout : Le pipeline couperait la zone protégée d’approvisionnement en eau de North Bay, qui s’étend à l’est de la rivière Mattawa, en traversant l’escarpement qui longe la rive nord du lac, à moins de 6 km de la principale prise d’eau de la ville dans la baie Delaney. La conduite met en péril les zones de recharge des eaux de surface et des eaux souterraines du bassin versant du lac Trout. Les sections ouest et centrale du bassin, North Bay32,33 53 651 couvertes de profonds dépôts de sable et de gravier, seraient coupées par le pipeline. Un bris dans ces zones contaminerait les eaux souterraines. Dans la portion est du bassin, la canalisation reposerait sur le roc dans un secteur fortement pentu. Une fuite à cet endroit dévalerait la pente et atteindrait rapidement la baie Four Mile, à une distance variant entre 2 km et 500 m du pipeline. La rivière Madawaska : Le pipeline traverserait la rivière à un peu plus de Arnprior34,35 8 114 10 km en amont de la prise d’eau potable locale, juste avant l’embouchure de la Madawaska dans la rivière des Outaouais. La rivière des Outaouais et la rivière Mississippi : La ville d’Ottawa a deux prises d’eau potable, toutes deux dans la rivière des Outaouais, située dans la zone de protection des sources d’eau de Mississippi-Rideau. Cette Ottawa et ses région de protection comprend aussi plus d’une douzaine d’autres puits 962 044 environs36 municipaux, des aquifères sensibles et d’importantes zones de recharge d’eaux souterraines auxquels s’approvisionne toute la région. On trouve ici notamment l’aquifère Oxford, près de North Grenville, qui dessert 10 000 puits privés. Population totale menacée en Ontario 1 040 788 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 9
Québec Municipalité Population Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est Plusieurs rivières en aval de la rivière des Outaouais, dont le fleuve Saint-Laurent, la rivière des Mille Îles et la rivière des Prairies (ces deux dernières font partie du réseau de la rivière des Outaouais), Région de Montréal37 2 888 416 où s’approvisionnent Laval et d’autres villes de la rive nord de la RMR de Montréal. Le pipeline traverserait la rivière L’Assomption en amont de la prise d’eau de Repentigny et de L’Assomption. La rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies et le fleuve Saint- Laurent : la prise d’eau de Contrecœur se trouve à 25 km en aval des Contrecoeur 38 6 252 endroits où la canalisation franchirait les deux rivières, qui sont des affluents du fleuve. La rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies, le fleuve Saint- Laurent et potentiellement la rivière Bayonne : Les prise d’eau Prise d’eau de 8 000 de Berthierville sont à 50 km en aval de l’endroit où le pipeline Berthierville39 traverserait les rivières des Mille Îles et des Prairies, deux affluents du Saint-Laurent. La rivière des Mille Îles, la rivière des Prairies et le fleuve Saint- Laurent : La prise d’eau de Saint-Ignace-de-Loyola est à 50 km en Saint-Ignace-de-Loyola 40 1 986 aval de l’endroit où l’oléoduc traverserait les rivières des Mille Îles et des Prairies, deux affluents du Saint-Laurent. La rivière Saint-Maurice : Le pipeline passerait à travers la Trois-Rivières41 48 285 rivière Saint-Maurice à 10 km en amont de son confluent avec le Saint-Laurent. Le fleuve Saint-Laurent et la rivière Saint-Maurice : Le pipeline franchirait la rivière Saint-Maurice à 10 km en amont de son confluent Bécancour 42 12 438 avec le Saint-Laurent, ce dernier étant la source d’approvisionnement de Bécancour. La rivière Jacques-Cartier : La prise d’eau de Donnacona se trouve Donnacona43 6 283 dans la rivière Jacques-Cartier, à moins de 10 km en aval de l’endroit où la conduite traverserait la rivière. Le fleuve Saint-Laurent : La prise d’eau de Saint-Augustin-de- Saint-Augustin-de- 16 900 Desmaures se situe à 25 km en aval de l’endroit prévu pour faire passer Desmaures44 le pipeline sur la rive sud du Saint-Laurent. Sainte-Foy (un Le fleuve Saint-Laurent : La prise d’eau de Sainte-Foy est à environ arrondissement de 98 868 25 km en aval de l’endroit prévu pour faire passer le pipeline sur la rive Québec)45 sud du Saint-Laurent. continué à la page 11… ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 10
Québec (suite) Municipalité Population Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est La rivière Chaudière et le fleuve Saint-Laurent : La canalisation traverserait la rivière Chaudière, 10 à 12 km en amont de la prise Lévis 46 110 123 d’eau de Lévis, à Charny, à moins de 5 km en amont de son confluent avec le Saint-Laurent. La rivière du Sud : le pipeline passerait à environ 1 km au sud de Montmagny47 11 491 la rivière, parallèlement à celle-ci. Ce cours d’eau est la source d’approvisionnement de Montmagny. Témiscouata-sur-le- Le lac Témiscouata : Le tracé du pipeline serait parallèle au lac, à une 5 096 Lac48,49,50 distance d’au plus 15 km environ. Le lac Témiscouata : Dégelis a bénéficié d’une aide financière du gouvernement pour moderniser ses installations de prise d’eau et de Dégelis 51,52 3 051 traitement de l’eau potable à la fin de 2013. Le lac Témiscouata est menacé comme mentionné ci-haut. Population totale menacée au Québec 3 213 353 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 11
Nouveau-Brunswick Municipalité Population Plan d’eau menacé par le pipeline Énergie Est La rivière Madawaska et les secteurs protégés des champs de captage adjacents : Les champs de captage protégés Edmundston 53,54,55,56 16 032 d’Edmundston sont adjacents à la rivière, et le pipeline franchirait la rivière à moins de 30 km en amont, au Québec. Le fleuve Saint-Jean et les secteurs protégés des champs de captage adjacents : La canalisation traverserait la Grande Rivière, Saint-Léonard57 1 353 un affluent du fleuve Saint-Jean, à environ 25 km en amont de Saint-Léonard. La localité puise son eau potable d’un champ de captage protégé à proximité du fleuve Saint-Jean. La rivière Verte et les secteurs protégés des champs de captage adjacents : Le pipeline passerait à travers la rivière Verte, un affluent Sainte-Anne-de- 1 002 du fleuve Saint-Jean, à environ 30 km en amont de Sainte-Anne-de- Madawaska58 Madawaska. La localité tire son eau potable d’un champ de captage protégé à proximité du fleuve Saint-Jean. Le fleuve Saint-Jean et le secteur protégé du champ de captage adjacent : À Grand-Sault, le champ de captage protégé se trouve Grand-Sault59 5 706 juste à côté du fleuve Saint-Jean. Le pipeline traverserait la Grande Rivière, qui se jette dans le fleuve Saint-Jean, environ 30 km en amont de Grand-Sault. La rivière Canaan : Environ 30 km en amont du village de Cambridge-Narrows60 620 Cambridge-Narrows, la conduite franchirait la rivière Canaan, d’où la localité puise son eau potable. La rivière Kennebecasis et les marais de Hampton : Le pipeline traverserait la rivière Kennebecasis à environ 12 km en amont de Hampton 61 4 292 Hampton et de ses marais naturels. La collectivité tire son eau potable de puits privés déployés sur le bassin versant. Le ruisseau Cross et d’autres tributaires de la rivière Nashwaak : Le pipeline couperait le ruisseau Cross et d’autres tributaires de la rivière Nashwaak à environ 50 km en amont de Fredericton. La rivière Nashwaak converge avec le fleuve Saint-Jean sur la rive nord de celui- Fredericton62 56 224 ci, à Fredericton. Bien que la zone protégée d’approvisionnement en eau de Fredericton soit sur la rive sud du fleuve Saint-Jean, la ville puise son eau potable à proximité du fleuve. Il serait souhaitable de pousser l’étude des risques à la qualité de l’eau potable de la ville à l’aide de modèles de dispersion hydrologique. Le bassin hydrographique du Loch Lomond, le lac Latimore et la rivière Mispec : Le pipeline contournerait la zone protégée du bassin Saint-Jean63,64 45 450 versant du Loch Lomond, à seulement 3 km de distance. L’oléoduc passerait aussi à moins de 3 km de la prise d’eau municipale, au lac Latimore, au même endroit où il franchirait la rivière Mispec. Population totale menacée au 130 679 Nouveau-Brunswick ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 12
ÉTUDES DE CAS DES COLLECTIVITÉS MISES EN PÉRIL WINNIPEG ET LE SUD DU MANITOBA PHOTO: AJ BATAC WINNIPEG, MANITOBA Le pipeline Énergie Est Le pipeline Énergie Est menacerait les sources menacerait les sources d’approvisionnement en eau potable du sud du Manitoba, y compris la ville de Winnipeg. La d’approvisionnement en conduite franchirait plusieurs plans d’eau, des eau potable du sud du fossés et des canaux de drainage aux alentours de Winnipeg, de même que les principales rivières Manitoba, y compris la ville dont ceux-ci sont les affluents. Ce sont les rivières de Winnipeg. Rouge, La Salle, Assiniboine et la Seine d’où les municipalités de Portage La Prairie, Starbuck, Sanford, Kenton, Rivers, La Salle, Brandon, Selkirk mais aussi aux fuites, plus petites, plus fréquentes et Sioux Valley puisent leur eau potable. et non décelées, qui peuvent survenir entre Falcon Lake et Hadashville, là où l’aqueduc et le pipeline Winnipeg puise son eau potable du lac Shoal, à sont très près l’un de l’autre. Une fuite dans le l’ouest du bassin du lac des Bois dans le nord- pipeline Énergie Est, même de toute petite taille ouest de l’Ontario, au moyen d’un aqueduc de mais qui passerait longtemps inaperçue, pourrait 100 km de long65. faire en sorte que des hydrocarbures s’infiltrent À plusieurs endroits entre le lac Shoal et dans l’aqueduc par les pores et les fissures de la Winnipeg, le pipeline Énergie Est et deux autres canalisation. conduites de gaz naturel se trouvent à moins Le service des travaux publics de Winnipeg prend de deux mètres de cet aqueduc. Le potentiel de cette menace au sérieux et a consacré 1 million de contamination de l’aqueduc n’est pas seulement dollars à l’étude de ce problème66. lié au risque qu’une des conduites de gaz explose, ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 13
NIPIGON ET LE LAC SUPÉRIEUR En 1990, un glissement de NIPIGON, ONTARIO terrain aux abords de la rivière Nipigon a exposé 75 m d’un Tout juste au nord de Nipigon, le pipeline gazoduc de TransCanada, traverserait la rivière Nipigon (en amont de l’agglomération), d’où les 1 600 habitants laissant la conduite suspendue puisent leur eau potable. À environ 10 km au au-dessus du sol, sans support. sud, la rivière se jette dans le lac Supérieur, le troisième plus grand lac d’eau douce au monde quant au volume. L’endroit où le pipeline franchirait la rivière Nipigon est l’un des plus reculés de tout le Nipigon se trouve dans une région géologique parcours. Il se trouve en forêt, sur un terrain très dynamique, où les tremblements de terre accidenté et difficile d’accès. Une fuite à cet de faible amplitude ne sont pas rares67. De plus, endroit, même détectée rapidement, pourrait les berges de la rivière peuvent être instables rejeter des millions de litres de bitume dilué qui pendant le dégel printanier ou lorsque le niveau s’écouleraient dans la rivière Nipigon jusqu’au lac des eaux souterraines est élevé68. En 1990, un Supérieur, contaminant le plus vaste des Grands glissement de terrain aux abords de la rivière Lacs nord-américains. a exposé 75 m d’un gazoduc de TransCanada, laissant la conduite suspendue au-dessus du Le maire de Nipigon, Richard Harvey, fait sol, sans support. S’il s’était agi d’un pipeline remarquer que, contrairement à une fuite de gaz transportant du pétrole, la canalisation se serait naturel, un déversement du pipeline Énergie Est probablement rompue sous le poids du fluide, serait « très difficile à nettoyer, particulièrement contaminant la rivière. dans un cours d’eau »69. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 14
NORTH BAY PHOTO: JEFF BORDEN LAC TROUT, NORTH BAY, ONTARIO La contamination du Le projet Énergie Est pose une menace directe lac par un déversement à l’approvisionnement en eau potable de la compromettrait durablement municipalité de North Bay, dans le nord-est de l’Ontario. Le gazoduc qui serait converti pour le l’approvisionnement en eau transport du pétrole contourne la rive nord du potable de North Bay. lac Trout. Normalement, un tel tracé ne serait pas autorisé pour le transport de pétrole brut. Les prises d’eau potable de plus de 50 000 composer avec la difficulté additionnelle que personnes se trouvent au fond du lac Trout, à poserait un déversement en hiver. Le froid peut l’est de la ville. Plusieurs résidents du canton couvrir d’une bonne épaisseur de glace un plan de Widdifield, sur l’escarpement qui longe la d’eau comme le lac Trout ou la rivière Mattawa, rive nord du lac, tirent leur eau potable de puits mais de l’eau liquide continue d’y circuler en forés dans les dépôts de sable et de gravier dessous. Une fuite de bitume dilué dans un lac ou de la principale zone de recharge du lac Trout. un cours d’eau couvert de glace a peu de chance Il serait extrêmement difficile de remédier à d’être détectée par reconnaissance aérienne ou une contamination de ces dépôts, et la qualité au sol avant des mois. Pendant ce temps, les de l’eau serait compromise durablement si un contaminants migrent avec les courants. accident survenait. « Si un accident impliquant le pipeline Énergie Une rupture du pipeline à cet endroit rejetterait Est arrivait ici, s’il y avait un déversement, nous des hydrocarbures dans la zone de protection serions foutus », affirme le maire de North Bay, des sources d’eau de l’Office de protection de Al McDonald. « Qui voudrait venir ici après un la nature de North Bay–Mattawa et les polluants désastre pareil? »70 atteindraient la prise d’eau dans la baie Delaney Le ministère de l’Environnement et de l’Action en en quelques heures. La contamination du lac par matière de changement climatique de l’Ontario un déversement aurait un impact à long terme termine actuellement une étude en vertu de la sur l’approvisionnement en eau de North Bay. Loi sur l’eau saine afin d’évaluer les risques que Comme plusieurs autres localités canadiennes représente le projet Énergie Est pour cette source nordiques sur le tracé du pipeline, North Bay doit d’eau potable protégée. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 15
L’AQUIFÈRE OXFORD ET L’EST DE L’ONTARIO En 1991, une fuite d’un solvant pour le nettoyage à sec a contaminé durablement 74 puits d’eau potable à Manotick, en Ontario. fuite pourrait passer inaperçue très longtemps, et KEMPTVILLE, ONTARIO entraîner une infiltration dans l’aquifère. Le tracé du pipeline croise aussi une importante zone de recharge d’eau souterraine à North Dans la municipalité de North Grenville, dans l’est Grenville. Les zones de recharge sont des de l’Ontario, 70 % des 15 000 résidents tirent leur formations naturelles où la pluie et l’eau de fonte eau potable de leur puits privé foré sur l’aquifère peuvent s’infiltrer facilement dans un aquifère75. Oxford71. Ces puits privés se trouvent à moins Compte tenu de la facilité avec laquelle le bitume de 1,6 km du tracé envisagé, sur une distance de se sépare de ses diluants, un déversement dans 55,6 km72. cette zone de recharge pourrait aisément atteindre Dans sa demande, TransCanada prétend que le l’aquifère Oxford. TransCanada ne mentionne pas risque de contamination de l’eau de puits est faible ce risque dans son analyse. puisque, d’après l’entreprise, une fuite de pétrole Le manque de jugement de TransCanada est migrerait sur une distance de 100 m tout au plus particulièrement troublant, quand on sait qu’une dans les eaux souterraines. On ne peut cependant étude provinciale parue en 2014 indique qu’une pas être aussi catégorique. Au lendemain de la simple fuite d’un réservoir de combustible de crise de Walkerton, le gouvernement ontarien a chauffage domestique représente un risque réel classé l’aquifère Oxford comme « très sensible de contamination76. En 1991, dans la localité de à la pollution », la cote qui décrit la plus grande Manotick (ancienne banlieue d’Ottawa, aujourd’hui vulnérabilité. Cette fragilité de l’aquifère s’explique fusionnée à la capitale, à une quarantaine de par le fait que le sol qui le recouvre est très mince kilomètres au nord de North Grenville), une fuite de et serait vite saturé en cas de déversement. De perchloroéthylène (un solvant pour le nettoyage à plus, la roche sous-jacente est criblée de crevasses sec considéré comme cancérigène) a contaminé et de fissures. Ainsi, les liquides à la surface – durablement 74 puits d’eau potable. La petite même du pétrole ou du bitume dilué – peuvent ville avait alors dû modifier son réseau d’aqueduc s’y infiltrer et contaminer cette importante réserve pour se brancher sur le réseau d’Ottawa; des d’eau potable73. L’infiltration de bitume dilué dans travaux qui ont coûté plusieurs millions de la roche poreuse sur les sites d’extraction in situ dollars. Encore aujourd’hui, 25 ans plus tard, (où on injecte de la vapeur dans le sol pour séparer Manotick prend son eau d’Ottawa parce que les le bitume des sables bitumineux) en Alberta est un sources d’approvisionnement locales ne sont pas fait bien documenté74. En outre, une toute petite sécuritaires77,78,79. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 16
LA RÉGION DE MONTRÉAL Le tracé du pipeline passe par plusieurs municipalités du grand Montréal : Mirabel, Sainte-Anne-des-Plaines, Terrebonne, Mascouche, Repentigny, L’Assomption, Saint- Sulpice, Laval et Montréal même. Dans cette région, l’oléoduc franchirait trois rivières importantes, soit la rivière des Outaouais, la rivière des Mille Îles et la rivière des Prairies (ces deux dernières constituant ni plus ni moins la partie terminale de la rivière des Outaouais). Les consultations publiques ont conduit les 82 municipalités qui forment la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) à s’opposer au projet Énergie Est en janvier 2016. Les MONTRÉAL, QUÉBEC représentants de la CMM considèrent que la menace à la qualité de l’eau potable est un problème majeur du projet80. MODÉLISATION D’UN DÉVERSEMENT DANS LA RÉGION MONTRÉALAISE MONTRANT LE PANACHE DE CONTAMINANTS EN AVAL DU TRACÉ ENVISAGÉ POUR LE PIPELINE81 ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 17
RÉGION DE MONTRÉAL (suite) L’analyse d’un groupe d’experts RIVIÈRE DES MILLE ÎLES révèle que les prises d’eau de Montréal, de Laval et d’autres municipalités de la rive sud Ils fondent leur opposition sur des recherches menées au sujet des risques associés aux seraient compromises si un déversements et leurs impacts sur l’eau. Les déversement survenait. conséquences d’un déversement sont en fonction du volume d’hydrocarbure rejeté, du temps de réaction et du temps d’intervention82. Le groupe d’experts employé par la CMM Montréal rendrait les opérations de nettoyage a analysé la propagation d’un panache encore plus difficiles et coûteuses84,85. d’hydrocarbure grâce à un modèle de dispersion hydrologique. L’exercice a montré que les prises Les conséquences économiques et écologiques d’eau de la ville de Montréal sont menacées, associées à une dégradation de la qualité de mais aussi celles de Laval et de plusieurs autres l’eau dans cette région ne s’arrêteraient pas là. localités de la rive sud. Les activités de plaisance et le trafic commercial sur le Saint-Laurent pourraient être touchés, Si un déversement majeur survenait, plusieurs voire interrompus. Les entreprises agricoles et sources d’approvisionnement en eau seraient les industries qui dépendent de l’eau provenant touchées. Dans les plus récentes options de d’une de ces rivières pourraient aussi en tracé envisagées, le pipeline traverserait la rivière souffrir. Une eau contaminée aurait des effets des Outaouais, dans laquelle des dizaines de néfastes sur les écosystèmes aquatiques et milliers de personnes de la région montréalaise terrestres. De la même manière, un déversement puisent leur eau potable. Ce sont environ 90 pourrait diminuer les bienfaits écologiques que 000 résidents de Terrebonne et 400 000 autres procurent les bassins hydrographiques de la des municipalités du nord de Montréal qui région, comme la séquestration du carbone, dépendent de la rivière des Mille Îles pour leur la régulation des crues, la lutte contre les îlots approvisionnement en eau. de chaleur, la pollinisation, etc.. Ensemble, Une étude récente révélait que la section du en termes économiques, ces bienfaits sont pipeline qui passerait sur la rive nord du Saint- évalués à 4 milliards de dollars par année. Voilà Laurent compte 19 endroits où les risques de quelques-uns des risques mentionnés par le glissement de terrain sont élevés en raison de maire de Montréal, Denis Coderre, au nom l’instabilité des berges83. Le couvert de glace des 82 municipalités de la CMM lorsque qu’il sur les cours d’eau en hiver dans la région de expliquait leur rejet du projet Énergie Est86. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 18
LE FLEUVE SAINT-JEAN ET LE NOUVEAU-BRUNSWICK PHOTO: MACIEJ ŻMUDZIŃSKI LE PONT REVERSING RAPIDS (SAINT-JEAN, N.-B.) Un déversement à proximité du lac Latimore aurait de Plus de 60 % de la population du Nouveau- graves conséquences pour Brunswick comble ses besoins d’eau potable grâce à de l’eau souterraine. Les 40 % restant l’approvisionnement en eau s’approvisionnent de plans d’eau de surface, de Saint-Jean. surtout des lacs. Il existe au Nouveau-Brunswick une loi provinciale sur la protection de l’eau potable. Les mesures de protection comptent pipeline ne franchirait pas le fleuve directement, des champs de captage protégés et des bassins mais devrait couper un grand nombre de ses hydrographiques protégés87,88. Le Décret de affluents importants, comme la rivière Salmon. La désignation du secteur protégé d’un champ de canalisation devrait en outre suivre le fleuve, ce qui captage du Nouveau-Brunswick définit trois augmente les risques de contamination de l’eau. zones atour des puits municipaux. À chacune Plusieurs champs de captage protégés des zones correspond une série d’interdictions se trouvent dans des endroits sujets à quant à certaines pratiques et utilisations du sol la contamination d’un déversement qui qui risquent de contaminer l’eau potable. Ces atteindrait un affluent du fleuve Saint-Jean, à interdictions concernent entre autres des agents une trentaine de kilomètres en amont. Cette chimiques contenus dans certains produits situation concerne les sources d’eau potable pétroliers, comme le benzène et les xylènes89. d’Edmundston, de Grand-Sault, de Sainte- De la même manière, le Décret de désignation Anne-de-Madawaska et de Saint-Léonard. Dans du secteur protégé d’un bassin hydrographique chacune de ces municipalités, les champs de définit trois zones atour des bassins versants captage jouxtent le fleuve. Un déversement servant à approvisionner un réseau d’aqueduc dans le cours d’eau pourrait atteindre le rivage (ou autour de certaines parties de ceux- et menacer de contaminer l’eau souterraine. On ci) à l’intérieur desquelles les activités et le doit aussi s’inquiéter de la difficulté qu’auraient développement sont réduits ou interdits. certaines localités à trouver une autre source Le fleuve Saint-Jean agit comme une zone d’approvisionnement en cas de contamination. de recharge pour les champs de captage et C’est le cas d’Edmundston, notamment90. les bassins versants qui lui sont adjacents. Le ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 19
LE FLEUVE SAINT-JEAN ET LE NOUVEAU-BRUNSWICK (suite) Le tracé prévu franchit la rivière Kennebecasis de niveau tout au long de l’année. Si un à environ 12 km en amont de Hampton et déversement survenait en pleine crue, ses de ses incomparables marais naturels. Cette effets seraient particulièrement néfastes92. Les municipalité comporte une vaste superficie résidents de la localité tirent leur eau potable de de terres agricoles dont plusieurs ont un puits privés. Certains de ces puits sont situés à contact direct avec la rivière91. Les marais de proximité du tracé que devrait suivre le pipeline Hampton sont connus pour leurs fortes crues et d’autres se trouvent près de la rivière, ce qui au printemps et pour leur grande variabilité avive les inquiétudes quant à l’éventualité d’un ILLUSTRATION D’UN SECTEUR PROTÉGÉ D’UN CHAMP DE CAPTAGE Puits municipal La Zone A: Cette zone est la plus proche de la tête de puits et est la plus environnementalement sensible. C’est dans cette zone que le risque de pollution est le plus élevé. Le Décret de désignation précise que les fosses septiques, les canalisations d’égout, les produits pétroliers, les solvants chlorés, les pesticides et les produits chimiques semblables ou autres activités sont réglementés ou dans certains cas, limités dans cette zone. La Zone B: Les risques de contamination par des bactéries à partir des utilisations des terres sont grandement réduits, mais les risques de pollution par les produits pétroliers, les solvants chlorés et d’autres produits chimiques persistants ou autres activités, sont encore importants. La Zone C: Les mesures de réglementation de certains produits chimiques ou activités sont beaucoup moins rigoureuses dans cette zone, mais elles sont encore nécessaires pour les solvants chlorés et les produits pétroliers. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 20
SAINT JOHN ET NOUVEAU BRUNSWICK (suite) FREDERICTON, NOUVEAU-BRUNSWICK déversement93. Les craintes de la population ou d’une rupture de conduite, les hydrocarbures locale n’ont toutefois pas ému TransCanada atteindraient facilement le bassin versant. qui refuse de modifier le tracé de son Une autre prise d’eau de la ville se situe dans le oléoduc. Également, cette portion de la rivière lac Latimore, à environ 3 km de l’endroit prévu Kennebecasis est soumise à l’influence des pour faire passer la canalisation sur la rivière marées de la baie de Fundy. Autrement dit, si un Mispec95. Une fois de plus, un déversement déversement survenait à proximité de l’endroit survenant à proximité de cet endroit aurait de où le pipeline croise la rivière, il risquerait de graves conséquences pour l’approvisionnement contaminer la baie Kennebecasis, qui forme un en eau de la ville de Saint-Jean. fjord à l’estuaire du fleuve Saint-Jean. La Ville mentionne aussi 450 habitants du Dans sa demande d’information adressée à lotissement Harbourview qui tirent leur eau dans TransCanada, la ville de Saint-Jean mentionne des puits. Ce lotissement se trouve à l’intérieur que 45 000 personnes sur ses 70 063 résidents d’une bande de 3 km du tracé envisagé. prennent leur eau potable du bassin du Actuellement, un pipeline de la compagnie Irving Loch Lomond, à l’est de l’agglomération. La Oil traverse déjà ce champ de captage protégé. cartographie préliminaire réalisée par la Ville montre qu’une section de l’oléoduc franchirait La Ville investit beaucoup pour moderniser une colline qui touche l’extrémité est du bassin son réseau d’aqueduc et pour construire une du Loch Lomond, et passerait à 3 km de la limite nouvelle usine de traitement d’eau potable d’une de l’aire protégée du bassin, là où se trouvent capacité de 75 millions de litres par jour. Ces trois prises d’eau de la ville94. En cas d’une fuite travaux devraient être terminés en 2018. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 21
LES RISQUES ASSOCIÉS AUX DIFFÉRENTS TYPES DE DÉVERSEMENT Lorsqu’on lui demande d’évaluer et d’expliquer les risques que pose le pipeline Énergie Est aux plans d’eau et aux sources d’eau potable des Canadiens, TransCanada occulte ou minimise les possibles impacts négatifs de son projet. L’entreprise a soumis à l’Office national de l’énergie une analyse sommaire où n’étaient indiquées que les traverses de cours d’eau qu’elle considère comme risquées96. L’évaluation de TransCanada se limite aux endroits où de forts courants ou l’instabilité des berges menaceraient la portion immergée de la canalisation. Les risques que représente un déversement pour les sources d’eau potable sont toutefois plus complexes que ce que décrit l’analyse de TransCanada. L’attitude de l’entreprise sur ces questions a de quoi inquiéter. Afin de bien comprendre les risques encourus, il importe de distinguer les différents types de déversement, c’est pourquoi ils seront abordés ici en détail. PHOTO: REBECCA COOK La portion nouvellement construite de l’oléoduc / GREENPEACE franchirait 1 094 cours d’eau. La portion reconvertie en croiserait 1 869. LES DÉVERSEMENTS DANS LES PLANS D’EAU Les eaux de surfaces sont particulièrement Dans certains cas, les cours d’eau seraient menacés sensibles aux endroits où le pipeline les franchit. soit parce que le pipeline les franchirait directement Les hydrocarbures déversés dans un cours d’eau ou parce qu’il couperait un de leurs affluents en considérable peuvent être entraînés sur des amont (comme c’était le cas lors du déversement dizaines, voire des centaines de kilomètres, en dans la rivière Kalamazoo, par l’intermédiaire du fonction du volume de la fuite et du débit du ruisseau Talmadge), ou parce qu’il passerait par une cours d’eau. zone humide en amont. Dans les déversements qui Dans sa demande d’autorisation, TransCanada surviennent dans des affluents, les hydrocarbures décrit 1 094 endroits où l’oléoduc franchirait un sont entraînés par le courant et contaminent les cours d’eau dans la portion où serait construite plus gros cours d’eau en aval. Par exemple, l’eau une canalisation neuve entre l’est de l’Ontario et le potable de Nipigon, près du lac Supérieur, serait Nouveau-Brunswick. Dans cette portion, sur les menacée si un déversement survenait à la traverse 104 km situés en Ontario, on compte 102 traversées de la rivière Nipigon, en amont de la ville. de cours d’eau. Aussi, dans la portion constituée Dans d’autres cas, comme à Dégelis et d’un ancien gazoduc reconverti, l’entreprise Témiscouata-sur-le-Lac, dans l’est du Québec, dénombre 1 869 endroits où la canalisation l’oléoduc longerait les sources d’eau potable croiserait un cours d’eau. Dans la portion municipales. Une fuite pourrait amener des reconvertie, 36 traversées font l’objet d’une étroite hydrocarbures à s’infiltrer dans le réseau et à surveillance en raison des risques modérés à élevés polluer l’eau. qu’elles représentent pour les cours d’eau97. ÉNERGIE EST: une menace à l’eau potable 22
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