Note de position des associations environnementales sur le fond et la forme du futur débat sur la transition énergétique

 
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Note de position des associations environnementales sur le
         fond et la forme du futur débat sur la transition énergétique

L’urgence de la crise climatique, les risques et       Pour répondre à l’ensemble de ces défis et sortir
les coûts liés à la poursuite du nucléaire, notre      notre système énergétique de l’impasse dans
dépendance toujours plus forte aux énergies            laquelle il se trouve, la transition énergétique
fossiles (et le coût qui y est associé, 61 milliards   est plus que jamais nécessaire et urgente. Elle
d’euros en 2011, soit 32% d’augmentation par           est aussi la seule stratégie crédible de sortie
rapport à 2010), les opportunités offertes par la      par le haut de la crise sociale et économique
maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables,   majeure à laquelle nous sommes confrontés.
le nombre croissant de citoyens exposés à la           La France a donc besoin d’un débat ouvert
précarité énergétique, militent pour une refonte       et transparent, associant impérativement les
de notre système énergétique national. Ce              citoyens et toutes les parties prenantes, pour
dernier est aujourd’hui insuffisamment adapté          amorcer cette transition.
aux enjeux de notre temps, notamment du fait
de la centralisation des capacités de production       Lors de la campagne présidentielle, le Président
électrique et du manque de moyens et de                de la République s’est engagé à organiser un
compétences des collectivités territoriales. Ces       tel débat, les modalités d’organisation de celui-
compétences, faiblement articulées entre les           ci devant être discutées lors de la conférence
échelons territoriaux, ne permettent pas aux           environnementale. C’est dans ce contexte
territoires de contribuer pleinement à l’atteinte      que, par la présente note, nos associations
des objectifs de réduction des émissions               respectives souhaitent faire part d’un certain
de gaz à effet de serre et de limitation de la         nombre de principes et de conditions qui
vulnérabilité énergétique des citoyens face au         doivent à leurs yeux présider à l’organisation de
renchérissement du coût des énergies fossiles.         ce débat.

Cette note interassociative est soutenue par :

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Note de position des associations environnementales sur le
           fond et la forme du futur débat sur la transition énergétique

LE CADRE DU DEBAT : D’ABORD RESPECTER LES ENGAGEMENTS DEJA PRIS SANS
NOUS ENFERMER DAnS UN DEBAT FRANCO-FRANÇAIS
Notre pays a déjà pris de nombreux engagements relatifs         horizon de temps suffisamment lointain pour être certain
à l’énergie, que ce soit au niveau international, européen      qu’elles aient réellement un effet structurant pour tous les
et national. La France a pris un retard considérable face       secteurs économiques concernés.
à ces engagements et l’on ne peut que déplorer que les          Enfin, le débat ne peut se limiter à une vision strictement
mesures prises par les gouvernements précédents pour            franco-française. Au niveau européen, la France doit,
les atteindre soient de toute évidence insuffisantes.           avant même les conclusions du débat national sur l’éner-
Le premier objectif du débat doit donc être de trouver les      gie, militer en faveur d’un objectif plus ambitieux de ré-
moyens de remplir les engagements déjà souscrits, à sa-         duction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020,
voir le facteur 4 en 2050, la baisse de l’intensité énergé-     d’au moins -30% au lieu des -20% actuels ; au niveau in-
tique (loi POPE), et, à l’horizon 2020, une réduction de        ternational, elle doit contribuer activement à la recherche
20% de la consommation d’énergie (cadre dans lequel             de solutions durables pour la fourniture de services éner-
se situe la directive efficacité énergétique), une baisse de    gétiques modernes aux populations les plus pauvres de la
20% des émissions de gaz à effet de serre, une proportion       planète, dimension dans laquelle devra s’inscrire la coo-
d’énergies renouvelables de 23% dont 27% pour l’électri-        pération d’une nation soucieuse de contribuer au déve-
cité renouvelable.                                              loppement économique et social des peuples.
Cependant, nous savons que ces engagements ne se-               Ainsi, le débat sur la transition énergétique ne saurait se
ront pas suffisants pour répondre aux enjeux climatiques        limiter à l’engagement du Président de la République de
et énergétiques auxquels l’humanité doit faire face : soit      réduire la part de l’électricité nucléaire de 75% à 50% d’ici
ils sont trop généraux et trop faibles (cas du « facteur 4 en   2025 : cet engagement étant pris, il doit a minima être
2050 » ou encore de l’objectif de réduction de 20% des          tenu. Mais le débat doit avant tout se concentrer sur les
émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020), soit il    objectifs et les moyens à mettre en œuvre en termes de ré-
sont limités dans le temps (cas des 3 X 20% pour 2020).         duction de la consommation d’énergie, d’efficacité éner-
Le deuxième objectif du débat doit être de définir des me-      gétique, de développement des énergies renouvelables et
sures de court et de moyen terme en se situant dans un          de diminution des émissions de gaz à effet de serre.

La forme du débat - les grands principes
         » Quelles            instances d’organisation et d’expertise                                      ?
Le rôle du comité d’organisation du débat sera capital pour     sur la pertinence du choix des personnalités pressenties
définir les grands principes du débat, choisir la composi-      (hors celles désignées par les organisations elles-mêmes).
tion des collèges, sélectionner les sujets à verser au débat,   Ce comité d’organisation devrait par ailleurs être assorti
assurer le lien entre celui-ci et les autres processus déci-    d’un comité scientifique, composé d’experts pluridiscipli-
sionnels, la cohérence entre le débat national et territorial   naires désignés par lui-même. Ce comité aurait pour mis-
et rédiger les recommandations et conclusions du débat          sion de livrer une revue de la littérature scientifique sur les
avant de les transmettre au Parlement. La composition de        sujets en lien avec le débat et de veiller à ce que les do-
ce comité de pilotage sera donc extrêmement importante.         cuments fournis par les participants soient en phase avec
C’est pourquoi nous souhaitons vivement être étroitement        celle-ci (par exemple : scénarios énergétiques et places
associées, et ce dès le départ, à la définition de                        respectives de la sobriété et de l’efficacité énergé-
ces missions et à la composition de ce co-                                      tique, des énergies renouvelables, du gaz,
mité, et pouvoir notamment nous exprimer                                        du charbon, du nucléaire, etc.).

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» Définition              des règles du jeu

Nos associations souhaitent que les règles du jeu du débat          pour ne pas noyer les participants sous un nombre trop
soient posées avant la tenue de ce dernier. Le comité               important d’articles (cf. le Grenelle de l’environnement).
pluraliste devra donc répondre à de multiples questions :           - Comment l’impératif de transparence sera-t-il respecté
                                                                    tout au long du processus ? La participation du citoyen au
- Quels sujets seront versés au débat (en capitalisant              processus ne doit pas s’arrêter aux portes de la prise de
notamment sur les précédents débats sur l’énergie) ?                décision. Une fois le citoyen consulté et son avis donné,
- Quelles modalités seront mises en place pour veiller à la         celui-ci ainsi que les parties prenantes doivent être informés
bonne articulation entre le débat national et ceux menés en         tout au long de l’évolution du processus et des différentes
régions ?                                                              étapes jusqu’à la prise de décision finale.
- Comment synthétiser les débats et émettre des                               - Comment les contributions des uns et des
recommandations au Parlement en vue de                                                autres seront-elles prises en compte ? Un
l’élaboration d’une loi de programmation                                              principe d’obligation de justifier chaque
de la transition énergétique ?                                                          contribution qui ne serait pas retenue
- Comment les décisions seront prises                                                   devrait être acté.
in fine ? A cet égard, il nous semble                                                   - Quel sera l’effet du débat sur
important que l’unanimité ne préside pas à la prise de              les autres processus décisionnels importants qui y
décision car elle pourrait mener à la paralysie. Une majorité       sont intrinsèquement liés comme l’élaboration des
qualifiée est à définir, par exemple 4 collèges sur 6, si le vote   programmations pluriannuelles d’investissement (gaz,
a lieu par collège. Par ailleurs, la prise de décision devra se     chaleur, électricité), la grande réforme fiscale ou encore
concentrer sur un nombre restreint de grandes mesures               l’acte 3 de la décentralisation ?

          » Centralisé                ou/et décentralisé                    ?
La production, le transport, la distribution et la consommation     représentants du Premier Ministre afin d’éviter en bout
d’énergie se déclinent aujourd’hui à plusieurs échelons,            de course des arbitrages contredisant les principales
chacun d’entre eux ayant un rôle essentiel, complémentaire          conclusions du débat.
mais aussi parfois conflictuel à exercer.
Au regard du rôle majeur qu’exercent déjà les collectivités         Le cœur du débat lui–même, dont les modalités de mise
territoriales en matière d’énergie et de lutte contre les           en œuvre seront définies par le comité pluraliste évoqué
changements climatiques – rôle qui devra être renforcé              précédemment, devra faire une large part à l’intervention
à l’avenir – nous considérons qu’il est essentiel que le            et à la participation directe des citoyens. Des modalités
futur débat sur l’énergie puisse prendre place, au-delà du          comme les conventions de citoyens pourront faire partie
niveau national, dans les territoires.                              de ces méthodes participatives. Sur la forme, ce débat
   > Propositions quant à l’organisation du débat, suivant          citoyen pourrait s’organiser sur la base de plusieurs
   l’échelon considéré :                                            conférences de citoyens qui seraient saisies d’une
                                                                    question particulière du débat. Enfin, la CNDP devrait être
Au niveau national :                                                partie prenante de l’organisation de ce débat car, avec la
Le débat devra associer des représentants de l’ensemble             méthode des cahiers d’acteurs et grâce au site où tout est
des composantes de la société française. Il faudra donc             mis en ligne sans aucune rétention, chacun peut intervenir
conserver le principe des cinq collèges issus du Grenelle           pour poser des questions et donner un avis.
de l’environnement mais en réunissant les principaux
acteurs concernés par la transition énergétique (y compris          Au niveau territorial :
les experts non institutionnels) et y adjoindre :                   La plupart des acteurs concernés par le débat sur l’énergie
* tel que vous le proposez un collège regroupant les                s’accordent sur l’importance de lui donner un caractère
parlementaires                                                      décentralisé à la fois pour une meilleure appropriation par
* et d’autres parties prenantes concernées au premier
plan par les questions de transition énergétique telles
que les associations de consommateurs ou encore celles
travaillant sur la lutte contre la précarité énergétique (qui
sont par ailleurs membres du CNDDGE).
Il sera également crucial d’associer d’emblée des

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les citoyens et les acteurs des territoires, mais aussi afin        même en marche dans un nombre croissant de territoires
d’assurer la cohérence entre le débat sur l’énergie et la loi       français et européens.
de décentralisation qui a été annoncée et dont il a été dit         - collecter les attentes des acteurs de terrains, qu’ils soient
à plusieurs reprises qu’elle inclurait l’énergie.                   citoyens, collectivités ou entreprises, pour libérer le potentiel
Cependant, le risque est grand de limiter cette                     d’économies d’énergie et de production renouvelable.
décentralisation à la tenue de débats à l’ordre du jour
flou et aux attendus plus ou moins clairs dans quelques             Ainsi, la question qui serait posée aux territoires pourrait
grandes villes françaises. Cela n’apporterait rien et               se formuler ainsi : quels moyens, quelles méthodes,
générerait de la frustration. Il faut donc veiller à ce que         quelles expériences, quels objectifs pour rendre votre
les débats décentralisés comportent des objectifs précis.           territoire plus robuste et plus résilient face aux crises
                                                                    énergétiques qui vont survenir et lui rendre ainsi des
Nous proposons que se tiennent, à l’échelle des régions             marges d’autonomie pour construire son avenir ?
ou de groupes de régions (le comité pluraliste déjà évoqué
pourrait proposer ce regroupement en liaison avec les               Ces «bonnes pratiques» et «cahiers de doléance»
régions), des débats qui auront pour objectifs de :                 devront faire l’objet d’une synthèse précise qui sera un
- capitaliser sur des expériences concrètes qui montrent            des principaux apports au débat. La CNDP pourrait être
que la transition énergétique est possible, et qu’elle est          associée afin de faciliter la conduite de ces débats.

          » Quelle            durée du débat                  ?
Un juste milieu doit être trouvé entre :                                    énergétique supposant qu’une nouvelle loi puisse
- la nécessité d’organiser un débat de qualité et                           être adoptée et mise en œuvre sans tarder.
donc de se laisser du temps pour mener à bien la                            C’est par souci de concilier ces deux exigences
réflexion et la concertation nécessaire ;                                  que nos associations considèrent qu’une durée
- la nécessité de ne pas diluer le débat sur une                            d’au minimum six mois est nécessaire pour la
trop longue période, l’urgence de la transition                             conduite d’un débat de qualité.

Le Fond du débat - les grands Sujets
          » Consommation, production, gouvernance : les grands thèmes
Nos associations estiment qu’il est indispensable de conduire       nécessaires à la satisfaction d’un besoin), en évaluant
une réflexion d’abord centrée sur nos besoins énergétiques,         notamment le rôle des instruments
et donc notre consommation, avant d’entamer une discussion          fiscaux comme la contribution climat-
sur les moyens dont nous disposons pour y faire face.               énergie ou encore les dispositifs
Jusqu’à aujourd’hui, les discussions sur l’offre énergétique        fiscaux qui aujourd’hui encouragent la
ont été largement pilotées par des scénarios surestimant            consommation d’énergie ;
massivement les besoins, comme en témoignent les                    - Sur les questions économiques et
exercices des PPI et PIP (programmations pluriannuelles des         financières connexes en s’intéressant
investissements sur la chaleur et l’électricité et plan indicatif   en particulier aux volumes des
                           pluriannuel des investissements          investissements nécessaires à la
                           gaz), sans réflexion sur la              sobriété et l’efficacité et la répartition
                           demande et les investissements           des charges entre consommateurs,
                           à mettre en œuvre pour réduire           collectivités, Etat, Union européenne.
                           les consommations énergétiques
                           des différents secteurs (bâtiment,       Ces échanges ne devront pas se
                                                                                                              Faire les choix énergétiques
                           transport, industrie, agriculture...).   résumer à l’expression d’une préférence
                                                                                                              qui s’imposent
                                                                    parmi 3 scénarios de consommation
Réduire la consommation
                              Le processus devra donc débuter       globaux (grande sobriété, médian,
par des échanges portant sur notre consommation, au                 tendanciel) mais devront aborder les besoins, secteur par
travers de deux grands thèmes :                                     secteur.
- La sobriété et l’efficacité énergétique (arrêt des gaspillages
puis optimisation des transformations énergétiques                  La question du mix énergétique doit venir dans un

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second temps, une fois évalués les besoins. Aucun sujet à             collectivités, l’Etat et l’Union
cet égard ne devra être préempté, ni écarté, comme celui              européenne en ce domaine. A
de la production d’électricité nucléaire ou l’expérimentation         titre d’exemple, les réflexions
sur les hydrocarbures non conventionnels. La question                 menées à l’heure actuelle par
des impacts environnementaux (dont climat, biodiversité,              la Commission européenne sur
risques sanitaires…) des usages et des moyens de                      le fléchage de 20% des crédits
production d’énergie doit être traitée en toute objectivité.          des « Fonds structurels »
Ainsi, la balance « coût/bénéfices » environnementaux devra           (à l’image du FEDER ) sur
apparaître clairement pour chacune des filières.                      la thématique de l’efficacité         Accompagner la specificité
                                                                      énergétique offre de belles           énergétique des territoires
Enfin, le troisième axe majeur du débat devra porter sur              perspectives si les régions
les questions de gouvernance. En effet, la gouvernance                (à l’image des autres pays de l’Union) étaient en mesure
de notre modèle énergétique actuel, trop centralisée,                 d’utiliser directement ces crédits pour accompagner
entrave la mise en place de solutions locales de maîtrise             et soutenir des projets et des initiatives des territoires
de la consommation et de développement des énergies                   (réhabilitation énergétique du parc social, privé et tertiaire
renouvelables. Il est crucial que ce débat traite de l’optimisation   public, installations de production d’énergie renouvelable,
de la répartition des compétences et des moyens entre les             élaboration et animation des PCET, espaces info-énergie...).

Issue du débat ET MISE EN ŒUVRE DE SES CONCLUSIONS
Il est légitime que le débat conduise à l’adoption par le             Par ailleurs, comme le démontrent des expériences
Parlement d’une loi de programmation de la transition                 passées, l’adoption d’une loi n’est rien sans les décrets
énergétique reprenant les recommandations et conclusions              d’application qui l’accompagnent pour sa mise en œuvre
du débat. L’association de représentants de parlementaires            effective et à la hauteur des ambitions initiales. Il est à
dès le début des discussions facilitera probablement                  ce titre capital qu’une évaluation régulière, au minimum
l’adoption d’une loi dans les meilleurs délais.                       annuelle, de la mise en œuvre de la loi puisse être réalisée
                                                                      afin de remédier à d’éventuels retards ou carences. Le
Cependant, il faudra préciser au préalable les éléments               CNDDGE s’il est profondément rénové et redynamisé
sur lesquels le législateur devra se prononcer à l’issue du           pourrait être chargé de cette évaluation régulière qui sera
débat.                                                                rendue publique.

Nos associations ne souhaitent pas qu’une fois encore des             Enfin, nos associations considèrent qu’un tel débat doit
objectifs soient fixés dans le domaine de l’énergie et du             s’inscrire dans la continuité et qu’il faudrait dès à présent étudier
climat, sans que des moyens, des politiques et mesures                les opportunités de renouveler le processus à échéances
adéquats ne soient mis en face pour les respecter.                    régulières (par exemple tous les cinq ans) afin d’une part,
C’est pourquoi la future loi devra avoir pour principales             d’évaluer l’avancée du travail accompli et l’atteinte ou non
composantes :                                                         des objectifs fixés, et d’autre part, de ne pas déconnecter la
- De nouveaux objectifs permettant de tracer l’itinéraire de          démarche de la politique énergétique à plus long terme.
la transition énergétique ;
- Des mesures et politiques permettant à court terme de
jalonner la voie vers l’atteinte des objectifs fixés ;
- Des moyens financiers permettant de faire face aux
investissements à consentir pour atteindre les objectifs
retenus.
                                                                                                                                              Conception : Marc Mossalgue / RAC-F

Cette note interassociative est soutenue par :

                                                                                                                                                                 5
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