"Nouvelles" maladies infectieuses en Suisse à cause du changement climatique?

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«Nouvelles» maladies infectieuses en Suisse
à cause du changement climatique?
Stefano Bassetti
Medizinische Klinik, Kantonsspital Olten

                                                                                            mises par vecteurs ont été responsables de 22,8% des
                                                                                            manifestations de maladies infectieuses nouvelles/impré-
Quintessence
                                                                                            vues. Leur incidence a significativement augmenté. Elle
P Suite au réchauffement climatique, il faut s’attendre en Suisse à une                     est en corrélation avec les changements climatiques
augmentation de maladies infectieuses déjà présentes ou nouvelles.                          constatés depuis 1990. L’apparition de maladies infec-
                                                                                            tieuses nouvelles ou imprévues est en relation significa-
P Les infections à virus West Nile, éventuellement même la dengue ou le
chikungunya et la leishmaniose par ex., pourraient devenir autochtones
                                                                                            tive avec des facteurs non seulement environnementaux
en Suisse.
                                                                                            mais socioéconomiques (par ex. densité de population,
                                                                                            techniques agricoles, utilisation d’antibiotiques) [3]. Il
P L’évolution de maladies à tiques telles que la méningo-encéphalite                        faut donc s’attendre en Suisse aussi à voir apparaître
verno-estivale (MEVE) et la borréliose de Lyme dépend probablement                          des maladies infectieuses nouvelles ou imprévues. Cer-
plus de facteurs socioéconomiques que des changements climatiques.                          taines d’entre elles seront discutées ci-dessous.
Selon certains modèles, la MEVE pourrait même disparaître de Suisse
vers 2020 en raison de ces changements climatiques.
P La dissémination de maladies telles que malaria et choléra est impro-                     Maladies infectieuses transmises
bable en Suisse. Mais il pourrait y avoir plus souvent des cas autochtones                  par des tiques
de malaria sous forme d’«airport malaria».
                                                                                            Les tiques de l’espèce Ixodes, et surtout Ixodes ricinus,
P Les mesures préventives ne doivent pas se focaliser sur tel ou tel patho-                 sont les plus importants vecteurs de maladies à tiques en
gène mais améliorer de manière générale l’infrastructure (fourniture                        Europe. En Suisse, les plus importantes maladies trans-
d’eau, installations sanitaires, contrôle des vecteurs) et la surveillance                  mises par des tiques sont la méningo-encéphalite verno-
(système de déclaration des maladies infectieuses).                                         estivale (MEVE) et la borréliose de Lyme. Les Ixodes
                                                                                            peuvent également transmettre d’autres maladies en
                                                                                            Europe centrale, dont l’ehrlichiose, la babésiose, l’ana-
                                                                                            plasmose et la tularémie [4]. Dans le bassin méditerra-
                     Introduction                                                           néen et d’autres régions, d’autres espèces de tiques
                                                                                            jouent un rôle important. La tique brune du chien
                     Le réchauffement de la surface terrestre est confirmé par               (Rhipicephalus sanguineus) par ex. est le vecteur de
                     de nombreuses mesures et observations du monde en-                     Rickettsia conorii, pathogène de la fièvre boutonneuse
                     tier [1]. L’analyse des variations thermiques en Suisse                méditerranéenne, impliquée en outre dans le cycle de
                     entre 1864 et 2005 montre une tendance linéaire avec                   transmission de Coxiella burnetii, pathogène de la
                     une augmentation de 1,1 °C par 100 ans [2] (fig. 1 x).                  fièvre Q [5].
                     D’ici 2100, il faut s’attendre en Suisse à une augmenta-               Des températures hivernales élevées favorisent la survie
                     tion des températures estivales de 3,5 à 7 °C par rapport              des tiques et de leurs hôtes, leur permettant ainsi de
                     à 1990 si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas            coloniser des zones à plus haute altitude. L’humidité est
                     rapidement réduites [1] (fig. 2 x).                                     elle aussi très importante pour la survie des Ixodes.
                     Une conséquence possible du réchauffement climatique                   C’est pourquoi des étés chauds et secs peuvent faire dimi-
                     est l’expansion de maladies infectieuses. Certains patho-              nuer les populations d’Ixodes et les maladies qu’elles
                     gènes, comme Vibrio cholerae ou Vibrio vulnificus se                    transmettent.
                     multiplient et se disséminent plus rapidement dans les
                     eaux chaudes. Les températures plus élevées favorisent                 MEVE et borréliose de Lyme
                     en outre la multiplication et la dissémination de germes               Le virus de la MEVE est présent en Europe et en Asie
                     pathogènes et de vecteurs (mouches et tiques), qui ont                 entre le 42e et le 63e parallèle. Il ne circule cependant que
                     besoin d’une certaine température minimale pour leur                   dans des foyers dits naturels. En Suisse, une augmenta-
Stefano Bassetti     développement. Des températures plus élevées pour-                     tion très nette des cas de MEVE a été observée jusqu’en
                     raient aussi faire naître de nouveaux vecteurs et in-                  2006. Dans d’autres pays aussi (par ex. Allemagne,
                     fluencer la présence d’animaux jouant un rôle important                 Suède, pays baltes), une augmentation nette des MEVE
L’auteur certifie     comme hôtes dans les zoonoses (par ex. les rongeurs).                  a été enregistrée depuis les années 1980 [6, 7].
qu’aucun conflit      Une analyse des maladies infectieuses nouvelles ou im-                 La borréliose de Lyme est présente dans toutes les zones
d’intérêt n’est
                     prévues entre 1940 et 2004 a montré qu’elles sont en                   tempérées de l’hémisphère Nord et n’a pas de foyers
lié à cet article.
                     majorité (60%) des zoonoses et que les maladies trans-                 naturels, ce qui fait qu’elle est présente partout en
                     Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article
                     à la page 903 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch.                                        Forum Med Suisse 2009;9(50):905      905
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Figure 1

Figure 2

Suisse (en dessous de 1500 m). Le nombre de cas a aug-      contesté. L’augmentation de l’incidence de la MEVE à
menté ces dernières années aux Etats-Unis et dans plu-      partir de 1984 dans la région de Stockholm a par ex. été
sieurs pays d’Europe [6, 7].                                associée à des températures hivernales plus élevées que
Certaines études ont décrit une relation significative       d’habitude. L’augmentation des tiques et de leur activité
entre ascension des températures hivernales, augmen-        pourrait aussi résulter de l’augmentation de la popula-
tation de la population de tiques pendant les hivers doux   tion de chevreuils, hôtes les plus importants des tiques
et nombre de maladies transmises par elles [6]. Il est      adultes, observée dans cette région depuis 1982. Cette
donc possible que le réchauffement climatique soit res-     multiplication est quant à elle explicable par la diminu-
ponsable de l’augmentation de maladies telles que la        tion des ennemis naturels des chevreuils, une épidémie
MEVE et la borréliose de Lyme. Ce postulat est cependant    de gale ayant décimé les renards [7]. Cette interpréta-

                                                                              Forum Med Suisse 2009;9(50):906   906
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                                                                         semblent plus importants, de même que ceux des habi-
 Tableau 1. Exemples d’espèces de moustiques présents
                                                                         tudes de vie de l’être humain (par ex. séjours plus fré-
 en Suisse et pouvant servir de vecteurs de pathogènes
 infectieux [6, 11–16].
                                                                         quents dans les forêts avec le jogging, la promenade,
                                                                         etc.) [7] et de certains facteurs socioéconomiques (par
 Espèce                         Vecteur potentiel pour                   ex. changement dans l’agriculture et l’entretien des
 Culex pipiens                  Virus West Nile                          forêts) [9].
                                Virus de la fièvre de la Vallée du Rift
                                Virus de l’encéphalite de                Fièvre boutonneuse méditerranéenne
                                Saint-Louis                              («mediterranean spotted fever»)
                                Dirofilaria immitis                       La fièvre boutonneuse méditerranéenne est due à
                                Wuchereria bancrofti                     Rickettsia coronii et est caractérisée par une tempéra-
                                                                         ture élevée, céphalées, myalgies, exanthème maculopa-
                                                                         puleux et «tache noire» à l’endroit de la morsure de la
 Aedes cantans                  Virus West Nile
                                                                         tique. Le vecteur de Rickettsia coronii est Rhipicephalus
 Aedes excrucians               Virus West Nile                          sanguineus. Cette tique est endémique dans le bassin
                                Virus de la fièvre de la Vallée du Rift   méditerranéen, a besoin d’humidité et migre depuis
 Aedes vexans                   Dirofilaria immitis                       quelque temps plus au nord. Des cas autochtones spora-
                                Virus West Nile                          diques ont été décrits dans des pays tels que Belgique,
                                Virus de la fièvre de la Vallée du Rift   Allemagne et Suisse [10] et s’expliquent probablement
                                Eastern Equine Encephalitis Virus        par l’importation de chiens porteurs de tiques provenant
                                                                         du bassin méditerranéen. Mais il a été démontré que
 Aedes geniculatus              Dirofilaria immitis
                                                                         R. sanguineus s’est établi depuis quelques années dans
 Aedes albopictus*              Virus de la dengue
                                                                         le canton du Tessin [5]. Des cas véritablement autoch-
                                Virus chikungunya                        tones de maladies transmises par R. sanguineus sont
                                Virus de la fièvre jaune                  donc imaginables en Suisse aussi.

 Anopheles claviger             Plasmodium vivax
 Anopheles maculipennis         Plasmodium vivax
                                                                         Maladies infectieuses transmises
                                Virus West Nile                          par moustiques
                                Dirofilaria immitis (pas sûr)
                                                                         Il y a au moins 31 espèces de moustiques en Suisse,
 Anopheles messeae              Plasmodium vivax                         dont des anophèles pouvant transmettre la malaria [11]
                                Virus West Nile                          (tab. 1 p). De nouvelles espèces ont en outre été décou-
 Anopheles plumbeus             Plasmodium falciparum                    vertes en Suisse ces dernières années. Aedes albopictus
                                                                         (le moustique des tigres d’Asie) notamment s’est installé
 Coquillettidia richiardii      Virus West Nile                          au sud du Tessin à partir de 2007. Le premier moustique
                                                                         du tigre découvert au nord des Alpes l’a été dans le
 * Aedes albopictus s’est installé dans le canton du Tessin
 et a également été découvert dans le canton d’Argovie [14].             canton d’Argovie [14]. Ae. albopictus est un très bon
                                                                         vecteur des virus du chikungunya et de la dengue et peut
                                                                         aussi servir de vecteur au virus de la fièvre jaune. Ses
                                                                         œufs sont très résistants et peuvent survivre pendant
tion est étayée par une étude récente en Italie du Nord                  toute la saison sèche. Il s’est disséminé dans le monde
qui a identifié deux facteurs d’augmentation de la MEVE                   entier à partir de l’Asie du Sud-Est et se rencontre
dans cette région: le changement de la structure fores-                  maintenant dans le sud de l’Europe, aux Etats-Unis, en
tière et le nombre de chevreuils au km2 [8]. Il a également              Amérique du Sud, en Afrique, au Moyen-Orient, dans le
été démontré au Danemark que l’augmentation du                           Pacifique oriental et les Caraïbes. Il est probable que la
nombre de chevreuils par hectare est en corrélation                      colonisation de nouvelles zones se fait par le transport
temporelle et locale avec l’augmentation de l’incidence                  des œufs de ce moustique sur du bois ou des pneus pro-
de la neuroborréliose. L’une des causes de l’augmenta-                   venant de régions colonisées et exportés dans le monde
tion de la population de chevreuils est le reboisement                   entier [17].
depuis le début du XXe siècle [7].
En conséquence des étés plus chauds et secs et de leur                   Malaria
impact sur le cycle complexe du virus de la MEVE, il est                 Plusieurs prévisions ont été publiées ces dernières années,
prévu que ce virus va envahir des régions plus au nord                   prédisant une expansion de la malaria en Europe cen-
et à plus haute altitude. Mais il est également prévu que                trale et du Nord, de même qu’en Amérique du Nord à
le virus de la MEVE disparaîtra de pays tels que Suisse,                 cause du réchauffement climatique. L’histoire de la mala-
France, Croatie, Slovénie et Hongrie d’ici 2020 [7].                     ria en Europe ainsi que des études très sérieuses [18] ré-
La fréquence du contact entre être humain et tique est                   futent ces prédictions et montrent que certains facteurs
le facteur commun le plus important de l’incidence des                   socioéconomiques ont une plus grande influence sur la
maladies à tiques. Sa variation n’est donc que partielle-                malaria que l’ascension des températures annuelles.
ment due aux changements climatiques. Les change-                        Jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, la malaria était
ments de l’habitat et du cycle de vie des hôtes des tiques               endémique dans tous les pays du Nord de l’Europe, et

                                                                                            Forum Med Suisse 2009;9(50):907    907
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                                                                              sieurs épidémies ont été décrites ces dernières années
Tableau 2. Quelques exemples d’épidémies à virus West Nile                    (tab. 2 p). Le virus West Nile est transmis essentielle-
chez l’être humain [13, 21].
                                                                              ment par des moustiques, les ornithophiles (amateurs
Année           Pays             Région            Cas confirmés       Décès   d’oiseaux) jouant le plus grand rôle. En Europe, Culex
1962–1966       France           Camargue             14                1     pipiens et Coquillettidia richiardii (présents en Suisse),
1974            Afrique du Sud                      307                 0     de même que Culex modestus en sont les principaux vec-
1994            Algérie                               17                8
                                                                              teurs. Ce virus a déjà pu être isolé chez plus de 75 espèces
                                                                              de moustiques. La réplication des flavivirus chez les
1994            Roumanie         Bucarest           393                17     moustiques est plus élevée lorsqu’il fait chaud. Les hôtes
1997            Tunisie                              173                8     principaux du virus West Nile sont les oiseaux, mais il
1999            Russie           Volgograd           183               40     a été isolé chez plus de 30 autres espèces animales
                                                                              (mammifères, amphibiens, reptiles). Humains, chevaux
1999            Etats-Unis       New York             62                7
                                                                              (qui peuvent également développer une encéphalite) et
2000            Israël                               417               35
                                                                              autres mammifères sont les hôtes finaux, car ils n’ont
2002            Canada                              340                20     pas suffisamment de virus dans leur sang pour infecter
                                                                              les moustiques. On pense que le virus West Nile a été in-
2008*           Etats-Unis                         1338                43
                                                                              troduit aux Etats-Unis en 1999 par une personne infec-
* De 2002 à 2007, entre 2537 et 9862 cas ont été déclarés chaque année aux    tée. Ensuite de quoi les oiseaux migrateurs l’ont dissé-
Etats-Unis.
                                                                              miné [13, 21]. En principe, les conditions d’entretien
                                                                              d’une épidémie à virus West Nile sont présentes en
                  même parfois épidémique près du cercle polaire. La          Suisse (hôtes principaux, vecteurs). Le réchauffement du
                  malaria a été présente en Suisse dans les cantons de        climat pourrait accroître le risque d’une telle épidémie
                  Genève, Valais, Vaud, Neuchâtel, Bâle-Ville, St-Gall,       par multiplication des moustiques et réplication plus
                  Grisons et Tessin [11]. Elle fut une cause importante de    rapide des virus à des températures plus élevées.
                  maladie et de décès dans plusieurs régions d’Angleterre
                  entre 1564 et 1730 env., c.-à-d. pendant la phase la plus   Dengue et fièvre jaune
                  froide de la brève saison des glaces. Les transmissions     Les virus de la dengue et de la fièvre jaune sont des flavi-
                  dans ces régions n’ont massivement diminué qu’à partir      virus transmis par Aedes aegypti. D’autres moustiques,
                  de 1880, alors que le réchauffement climatique était déjà   dont Ae. albopictus, peuvent également servir de vec-
                  en route. Les causes de cette diminution et finalement       teurs. Les virus de la dengue se transmettent dans
                  de l’élimination de la malaria en Europe ont été notam-     toutes les régions tropicales (entre le 35e parallèle nord
                  ment la disparition des zones humides, l’amélioration       et le 35e sud), ce qui correspond à la présence d’Ae.
                  des conditions d’habitation (avec diminution des contacts   aegypti. La fièvre jaune par contre ne se voit que dans
                  avec les moustiques), le développement de l’élevage bo-     les régions tropicales d’Amérique du Sud et d’Afrique
                  vin (ce qui a fait que les moustiques zoophiles ont moins   (au sud du Sahara), mais pas en Asie. Les raisons de cette
                  recherché les humains), les traitements antimalariques      distribution ne sont pas claires. La dengue est l’une des
                  efficaces (raccourcissant la persistance des plasmo-         plus importantes maladies infectieuses en progression
                  diums chez l’hôte humain) et, après la Seconde Guerre       dans le monde entier. Les cas actuels et épidémies de
                  mondiale, le DDT contre les moustiques [19]. Le risque      dengue dans des régions dont elle avait disparu depuis
                  que la malaria redevienne endémique en Suisse et en         plusieurs décennies, comme Hawaii ou entre le Texas et
                  Europe occidentale est donc très faible. Mais les tempé-    le Mexique, confirment cette expansion. Le réchauffe-
                  ratures plus élevées peuvent favoriser la survie de mous-   ment climatique joue un rôle important car, comme nous
                  tiques importés en Suisse par avion à partir de régions     l’avons déjà vu, les températures élevées accélèrent la
                  endémiques. Ils peuvent alors provoquer des cas au-         multiplication des virus dans les moustiques infectés et le
                  tochtones de malaria («airport malaria») [20]. Ces cas      réchauffement climatique a permis l’infestation de nou-
                  peuvent également se présenter si des anophèles autoch-     velles régions par Ae. albopictus, vecteur secondaire
                  tones transmettent des plasmodiums de voyageurs ayant       des virus de la dengue et de la fièvre jaune [22, 23].
                  contracté une malaria [6].
                                                                              Chikungunya
                  Virus West Nile                                             Le virus chikungunya est un arbovirus de la famille des
                  Le virus West Nile est un arbovirus de la famille des       togavirus transmis par des moustiques Aedes, notam-
                  flavivirus, actuellement répandu en Afrique, en Asie, en     ment Ae. aegypti (principal vecteur dans les épidémies
                  Europe, au Moyen-Orient, en Australie et en Amérique        urbaines en Afrique et Asie), et Ae. albopictus (principal
                  du Nord (depuis 1999). L’infection est asymptomatique       vecteur dans les épidémies de la région de l’océan
                  dans env. 80% des cas. Environ 20% des personnes in-        Indien). La première épidémie de chikungunya a été dé-
                  fectées présentent un syndrome de type dengue avec          crite en 1952 en Tanzanie. D’autres épidémies se sont
                  forte fièvre, céphalées, dorsalgies, arthralgies, myalgies   déclarées en Afrique occidentale et du Sud, en Inde, en
                  et douleurs rétro-orbitaires. 25–50% des patients ont       Asie du Sud-Est, aux Philippines et dans certaines îles
                  un exanthème. Moins de 1% développe des symptômes           de l’océan Indien (2005–2006: La Réunion, Maurice,
                  neurologiques (par ex. méningo-encéphalite, paralysie       Seychelles, Mayotte). L’infection à virus chikungunya est
                  flasque aiguë de type poliomyélite). La mortalité est de     caractérisée par une forte fièvre, des myalgies, un exan-
                  4 à 15%, plus élevée chez les patients âgés [21]. Plu-      thème et de violentes arthralgies («chikungunya» veut

                                                                                                 Forum Med Suisse 2009;9(50):908     908
curriculum

Tableau 3. Exemples d’éventuelles maladies infectieuses émergentes en Suisse.     gène de la leishmaniose viscérale en Europe, infecte éga-
                                                                                  lement les chiens, qui sont également malades (env.
Apparition en Suisse possible:
                                                                                  5000 cas par an en France uniquement), servent de ré-
Maladies transmises par Aedes albopictus:                                         servoir et font courir un risque à l’être humain. L’ascen-
– Virus West Nile                                                                 sion des températures pourrait faire que la mouche des
– (Dengue)                                                                        sables et les leishmanies envahissent des régions plus au
– (Chikungunya)                                                                   nord. Des cas de leishmaniose viscérale autochtone ont
Leishmaniose                                                                      déjà été décrits dans le Nord de l’Italie et le Sud de l’Alle-
Toscanavirus («sand fly fever»)                                                    magne [25]. La mouche des sables Phlebotomus perni-
                                                                                  ciosus [11] est présente au Sud du Tessin, qui sert de vec-
Augmentation des cas ou apparition en Suisse possible, mais en fonction
plus de facteurs socioéconomiques que des variations climatiques:                 teur pour L. infantum mais aussi pour le toscanavirus,
                                                                                  un phlébovirus («sand fly fever virus») de la famille des
Maladies transmises par des tiques:
                                                                                  bunyavirus, cause la plus fréquente de méningites asep-
– Méningo-encéphalite verno-estivale (MEVE)
                                                                                  tiques dans la région de Florence de mai à octobre [6].
– Borréliose de Lyme
– Rickettsioses (par ex. fièvre boutonneuse méditerranéenne)
Augmentation des cas ou apparition en Suisse improbable:                          Perspectives
– Malaria (mais les cas isolés autochtones tels qu’«airport malaria»
  pourraient augmenter)                                                           Les variations du climat ont des conséquences très com-
– Choléra                                                                         plexes. Des facteurs socioéconomiques sont tout aussi
                                                                                  importants pour l’épidémiologie des maladies infec-
                                                                                  tieuses [26, 27]. Comme les pronostics sont difficiles
                    dire en swahili «celui qui marche courbé»). Ce sont elles
                                                                                  dans un système à ce point complexe (tab. 3 p) les me-
                    qui distinguent le chikungunya de la dengue [17]. En
                                                                                  sures de prévention ne doivent pas être focalisées sur
                    2007, une épidémie de chikungunya s’est déclarée dans
                                                                                  tel ou tel pathogène, mais doivent viser à améliorer de
                    le Nord-Est de l’Italie (province de Ravenne) avec 205 cas.
                                                                                  manière générale l’infrastructure (fourniture d’eau,
                    Le cas index a probablement été un homme qui s’était
                                                                                  installations sanitaires, contrôle des vecteurs) et la sur-
                    infecté en Inde et qui est tombé malade deux jours après
                                                                                  veillance (système de déclaration des maladies infec-
                    son arrivée en Italie. Un important facteur de cette épi-
                                                                                  tieuses).
                    démie a été la densité d’Ae. albopictus dans cette région
                    lorsque ce cas index virémique y a séjourné [24].
                                                                                  Remerciement
                    Leishmaniose et «sand fly fever»
                                                                                  L’auteur remercie MétéoSuisse pour les deux figures.
                    Les leishmanies sont des protozoaires transmis par la
                    mouche des sables («sand fly»). L’infection peut se mani-      Correspondance:
                    fester par des lésions ulcérées de la peau ou des mu-         Prof. Stefano Bassetti
                    queuses (formes cutanée et mucocutanée) ou des symp-          Medizinische Klinik
                    tômes systémiques tels que fièvre, perte pondérale,            Kantonsspital Olten
                    hépatosplénomégalie, anémie, leuco- et thrombocyto-           CH-4600 Olten
                    pénie dans sa forme viscérale (kala-azar). En Europe,         stefano.bassetti@spital.so.ch
                    la leishmaniose est endémique dans tous les pays médi-
                    terranéens où env. 700 nouveaux cas sont déclarés
                                                                                  Références recommandées
                    chaque année. C’est aussi un important problème de            Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la
                    médecine vétérinaire car Leishmania infantum, le patho-       version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch.

                                                                                                        Forum Med Suisse 2009;9(50):909         909
«Neue» Infektionskrankheiten in der Schweiz durch den
Klimawandel? / «Nouvelles» maladies infectieuses en Suisse à
cause du changement climatique?
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