Virus Ebola Afrique de l'Ouest Guinée, Libéria et Sierra Leone (juin 2014)
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Virus Ebola Afrique de l’Ouest Ebola Guinée, Libéria et Sierra Leone Unité VICAR - DCAR (juin 2014) La maladie à virus Ebola (appelée aussi fièvre avant la survenue d’une épidémie en Guinée en hémorragique à virus Ebola) est l’une des maladies mars 2014, seule la Côte d’Ivoire avait rapporté un les plus graves connues chez l’homme. Elle est cas isolé en 1994. apparue pour la première fois en 1976, responsable Entre 1976 et 2012, une vingtaine d’épidémies ont de deux épidémies simultanées au Soudan, à Nzara été décrites dans des régions forestières ou et en République démocratique du Congo (RDC), à avoisinantes au Gabon, en RDC, au Soudan, en Yambuku1. Sa létalité peut atteindre 90%. Depuis le Ouganda et dans la République du Congo. 22 mars 2014, la maladie à virus Ebola est Transmission : La transmission se fait responsable pour la première fois d’une épidémie essentiellement de personne à personne, par majeure en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. contact direct avec le sang et/ou les sécrétions corporelles des sujets ou des animaux malades, ou 1. GENERALITES en manipulant sans précautions des cadavres contaminés, lors de soins médicaux et des rites Genre : Ebolavirus est un des trois genres funéraires3. La transmission peut s’effectuer appartenant à la famille des filovirus à laquelle également par voie sexuelle1. A la phase précoce de appartient également la fièvre hémorragique à virus la maladie, les patients symptomatiques même en de Marburg. Il existe 5 sous-types distincts cas d’exposition à haut risque présentent un faible identifiés en Afrique sub-saharienne : Bundibugyo risque de transmission4. (BDBV), Zaïre (EBOV), Reston (RESTV), Soudan (SUDV) et Forêt de Taï (Taï Forest TAFV). 2. CLINIQUE ET BIOLOGIE Réservoir : Le réservoir naturel du virus Ebola n’a pas encore été formellement identifié mais semble Période d’incubation : La période d’incubation varie se trouver dans les forêts tropicales d’Afrique et du de 2 à 21 jours, avec une moyenne de 8 à 10 jours5. Pacifique occidental. Le virus est capable de se Clinique : Elle est souvent caractérisée par une répliquer chez certaines espèces de chauve-souris apparition brutale de fièvre, avec asthénie intense, provenant des régions où le virus est présent ; par accompagnées de myalgies, de céphalées et de conséquent, certaines de ces espèces pourraient douleurs pharyngées. Ces symptômes peuvent être être les hôtes naturels du virus2. suivis de vomissements, de diarrhées, d'éruptions Répartition géographique (cf. carte 1 et 2): cutanées, d'une insuffisance rénale et hépatique et, Le virus circule de manière endémo-épidémique dans certains cas, d'hémorragies internes et dans un certain nombre de pays d’Afrique sub- externes. saharienne. Des flambées épidémiques surviennent Dans les formes hémorragiques, le décès survient principalement en Afrique centrale et en Afrique de dans 80 % des cas en moyenne 8 jours après l’Est. Les derniers cas décrits dans cette région l’apparition de la fièvre. remontent à 2012 en RDC (cf. BHI n°361) et en Ouganda (cf. BHI n°374). En Afrique de l’Ouest, 6 Nkoghe D., Kone M.L., Yada A., Leroy E. (2011) ‘A limited 1 outbreak of Ebola haemorrhagic fever in Etoumbi, Republic of Muyembe-Tamfum J.J., Mulangu S., Masumu J., Kayembe J.M., Kemp A., Janusz T. Paweska (2012)’Ebola virus outbreaks Congo, 2005’, Trans R Soc Trop Med Hyg, 105(8):466-72 4 in Africa: Past and present’, Onderstepoort J Vet Res, 79(2), Art. Gildsdorf A., Morgan D. and Leitmeyer K. (2012) ‘Guidance #451, 8 pages for contact tracing of cases of Lassa fever, Ebola or Marburg 2 haemorrhagic fever on an airplane: results of a European expert Leroy E.M., Kumulungui B., Pourrut X., Rouquet P., Hassanin A., Yaba P., Délicat A., Paweska J.T., Gonzalez J.P., Swanepoel consultation’. BMC Public Health, 12:1014 5 R. (2005) ‘Fruit bats as reservoirs of Ebola virus.’ Nature, http://www.cdc.gov/vhf/ebola/symptoms/index.html (consulté 438(7068):575-576 le 13 juin 2014) 1 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
Le tableau clinique proche d’autres fièvres Traitement / Vaccin – Prophylaxie : Actuellement, il hémorragiques virales (Lassa, virus de Marburg) n’existe pas de traitement spécifique ni de vaccin. peut poser des difficultés diagnostiques. Le tableau La prise en charge de l’infection à virus Ebola est 1 décrit les signes cliniques le plus souvent basée sur l’isolement des patients et le traitement rapportés dans ces 3 diagnostics différentiels. symptomatique (réhydratation). La prise en charge Biologie : Les caractéristiques biologiques sont psychologique doit également être intégrée à la moins bien connus que la présentation clinique. prise en charge par les professionnels de santé. Toutefois, chez quelques cas, on peut observer une Prévention : En l'absence de traitement curatif et de leucopénie, une thrombopénie, et une élévation vaccin, la prévention de la transmission des enzymes hépatiques6. interhumaine du virus Ebola passe par des mesures de contrôle adaptées : Tableau 1 : Clinique comparée des fièvres hémorragiques – - Isolement et suivi des personnes susceptibles Ebola, Lassa et virus de Marburg d’avoir été exposées au virus pendant 21 jours, Symptômes Ebola Lassa Marburg - Port de vêtements protecteurs (blouse, gants, Fièvre +++ ++ +++ masque, lunette), Asthénie ++++ ++ ++++ Myalgies/arthralgies +++ ++ +++ - Recherche active de cas en communauté. Céphalées +++ ++ +++ Le respect de mesures adaptées dans les Maux de gorge +++ 0 0 Diarrhées ++ 0 ++ établissements de soins est un élément central dans Vomissements ++ ++ ++ le contrôle des épidémies. Eruption cutanée ++ 0 ++ Des messages de prévention à destination de la Hémorragies + + ++ population en matière de réduction du risque Sources: Institut Pasteur, OMS (consulté le 22 mai 2014) (transmission interhumaine, contact avec des animaux par exemple) doivent être également Diagnostic : La confirmation du diagnostic se fait diffusés. soit par détection du matériel génétique du virus Ebola par Polymerase Chain Reaction (PCR) ou par la détection des anticorps IgM ou IgG spécifiques 3. HISTORIQUE DES EPIDEMIES par des méthodes sérologiques de type ELISA. Dès les premiers stades de l’infection, la RT-PCR permet Le tableau 2 répertorie les épidémies de FHV liées d’établir le diagnostic. Il a en effet été démontré au virus Ebola dans le monde entre 1976 et 2014. une corrélation entre l’apparition des premiers Dans plus de la moitié des épidémies déjà décrites, symptômes chez le patient et la virémie. Chez les le sous-type Zaïre est incriminé et se manifeste par patients qui survivent à l’infection, la virémie est une virulence particulièrement accrue (létalité 60- indétectable dès la fin de la deuxième semaine de 90%). la maladie7. L’utilisation de la sérologie est moins En 1995, il fut responsable d’une importante adaptée au contexte d’urgence (apparition trop épidémie dans la province de Bandundu (RDC), à tardive des IgM et IgG) qui nécessite une détection Kikwit. Au total, 310 cas et 254 décès ont été précoce pour la mise en place des mesures de rapportés soit une létalité observée de 81%8. contrôle mais reste une technique intéressante En 2001, 2003 et en 2005, plusieurs flambées pour mesurer l’ampleur et l’extension de l’épidémie épidémiques du sous-type Zaïre ont été décrites en à défaut de PCR. République du Congo avec au total, 249 cas et 211 décès, soit une létalité observée de 84%8. Dans les dernières épidémies rapportées en 2012 en 6 Ouganda, c’est la souche Soudan qui a été décrite8. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs103/fr/ (consulté le 26 juin 2014) 7 Kortepeter M.G., Bausch D.G. and Bray M. (2011) ‘Basic 8 clinical and laboratory features of filoviral hemorrhagic fever’. http://www.cdc.gov/vhf/ebola/resources/outbreak-table.html JID, 204:S810-S816 (consulté le 13 juin 2014) 2 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
4. EPIDEMIE EN GUINEE, AU LIBERIA ET EN SIERRA La Sierra Leone est située entre la Guinée (au nord- LEONE (2014) - Point au 24 juin 2014 ouest) et le Libéria et bordée au sud-ouest par l'océan Atlantique. Sa population est de 5,979 Le 22 mars 2014, le ministère de la santé guinéen a millions d’habitants (recensement de 20129). notifié à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) En Sierra Leone, au 24 juin11, la situation une épidémie de FHV liée au virus Ebola, souche épidémiologique fait état de 158 cas (147 « Zaïre », dans le sud de la Guinée. C’est l’espèce la confirmés biologiquement) dont 34 décès (létalité plus virulente parmi les 5 sous-types déjà décrits. observée de 21,5%). Les districts touchés sont les La Guinée se trouve sur la côte atlantique de suivants : Kailahun, Kambia, Port Loko, Kenema, l’Afrique de l'Ouest. Sa population est de 11,45 Western et Freetown, la capitale (5cas et 0 décès). millions d’habitants (recensement de 20129). La majorité des premiers cas rapportés au Libéria et Initialement, des cas de d’Ebola sont rapportés dans en Sierra Leone ont un lien épidémiologique avec 3 districts du sud-est (Guékédou, Macenta et des cas guinéen. Kissidougou), zone forestière et épicentre de Il est important de rappeler que, dans cette région l’épidémie. Par la suite, l’épidémie s’est étendue à d’Afrique de l’Ouest, d’autres pathologies trois districts du Haut-Guinée (Dabola, Djingaraye endémiques telles que le paludisme ou d’autres et Kouroussa), à Conakry, la capitale et à trois virus responsables de FHV circulent et peuvent districts du nord-ouest du pays (Boffa, Télimélé et compliquer le diagnostic comme la FHV de Lassa ou Dubréka). la fièvre jaune. Au 24 juin, en Guinée, le bilan épidémiologique10 fait état de 390 cas dont 270 sont décédés (létalité observée de 69,2%). Parmi ces cas, 260 ont été 5. CONDUITE A TENIR AUTOUR DES CAS SUSPECTS confirmés biologiquement. Depuis le début de DE FIEVRE HEMORRAGIQUE EBOLA EN FRANCE : l’épidémie, plus de 2/3 des cas ont été rapportés en RECOMMANDATIONS DU HAUT CONSEIL DE Guinée forestière, dans les districts du sud, SANTE PUBLIQUE (HCSP) : majoritairement à Guékédou. Dans la capitale Conakry, 65 cas suspects dont au moins 40 cas Selon le HCSP, un patient revenant depuis moins de confirmés biologiquement ont été rapportés. Parmi 21 jours d'un pays où circule le FHV Ebola, ces cas, 33 sont décédés. Concernant les souffrant d'une fièvre supérieure à 38,5°C, doit être professionnels de santé, au moins 25 cas ont été considéré comme suspect à l'infection par le FHV rapportés dont 16 sont décédés. Ebola. Au 24 juin 2014, les zones considérées à risque sont la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone Le Libéria est un pays d'Afrique de l'Ouest bordé au en raison de la difficulté à définir une limite sud par l'océan Atlantique, au nord-ouest par la géographique précise dans un contexte d’épidémie Sierra Leone, au nord par la Guinée et à l’est par la en cours d’évolution. Côte d’Ivoire. Sa population est de 4,19 millions Le HCSP émet des recommandations11 adaptées d’habitants (recensement de 20129). aux différentes situations : Au Libéria, en date du 24 juin11, la situation Pour les personnes asymptomatiques de retour de épidémiologique fait état de 51 cas, dont 34 ont été la zone à risque, aucune mesure d’éviction n’est confirmés biologiquement. Parmi ces cas, 34 sont requise. décédés (létalité observée de 66,7%). Les districts Les patients symptomatiques doivent être classés touchés sont les suivants : Lofa (frontalier avec les en « cas exclu » ou « cas possible » selon la districts de Guékédou et Macenta en Guinée), définition de cas en vigueur, grâce à l’appui Montserrado (où se trouve la capitale Monrovia), scientifique de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et Margibi et Nimba. le Centre national de référence (CNR), en 11 Avis relatif à la conduite à tenir autour des cas suspects de 9 Banque mondiale, 2012 (consulté le 27 mai 2014) maladie Ebola - HCSP, 10 avril 2014 (disponible sous 10 http://who.int/csr/don/2014_06_24_ebola/en/ (consulté le 25 http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=414 et juin 2014) consulté le 27 mai 2014) 3 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
collaboration avec l’Agence régionale de santé (ARS). Les conditions de prise en charge ainsi que les précautions à prendre sont décrites dans l’avis du HCSP11. 6. CONCLUSION En dépit d’une augmentation des épidémies liées au virus Ebola depuis les années 2000 en Afrique, le risque d’une propagation plus large du virus a conduit les autorités sanitaires à intervenir rapidement en cas d’épidémie afin d’interrompre la transmission et d’endiguer les flambées épidémiques de FHV à virus Ebola à la source. A cet effet et compte-tenu de l’épidémie actuelle qui touche 3 pays d’Afrique de l’Ouest (Guinée, Libéria et Sierra Léone), les autorités sanitaires de ces pays, en lien avec l’OMS et l’ensemble des partenaires, se sont mobilisés pour prévenir l’expansion du virus à d’autres pays. Au 25 juin 2014, il s’agit de la plus importante épidémie liée au virus Ebola en termes de nombre de cas et de décès rapportés (pour les 3 pays, 599 cas et 338 décès) et du nombre de foyers actifs. Face à ce constat, l’OMS organise une réunion d’urgence sanitaire début juillet à laquelle participeront les ministres de la Santé de 11 pays (Guinée, Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire, République démocratique du Congo, Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Mali, Sénégal et Ouganda) et différents partenaires de l'organisation impliqués dans la réponse à la flambée d'Ebola, dont des représentants de Médecins Sans Frontières, de l'Institut Pasteur et de l'Union européenne. Le risque d’importation du virus Ebola par le biais des voyageurs au sein de l’Union européenne ou en France est très faible mais ne peut être totalement exclu12. Au vu de la situation épidémiologique au 25 juin 2014, la survenue de nouveaux cas d’Ebola en Guinée (Conakry et nord du pays), au Libéria et en Sierra Leone, ne peut être exclue puisqu’une nouvelle phase dans l’épidémie est apparue depuis mai 2014. 12 http://www.ecdc.europa.eu/en/publications/_layouts/forms/Public ation_DispForm.aspx?List=4f55ad51-4aed-4d32-b960- af70113dbb90&ID=1117 (consulté le 13 juin 2014) 4 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
Carte 1 : Répartition des cas d’Ebola en Guinée, Sierra Leone et Liberia au 25 juin 2014 (adaptée du CDC) 5 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
Carte 2 : Distribution des épidémies d’Ebola en Afrique, 1976-2014 6 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
Tableau 2 : Epidémies des fièvres hémorragiques à virus Ebola, 1976 à 2014 Année Pays Cas Décès Létalité Sous-type du virus 2014 Guinée 390 270 69% Ebola-Zaïre 2014 Libéria 51 34 67% Ebola-Zaïre 2014 Sierra Léone 158 34 22% Ebola-Zaïre 2012 RDC 57 29 51% Ebola-Bundibugyo 2012 Ouganda 7 4 57% Ebola-Soudan 2012 Ouganda 24 17 71% Ebola-Soudan 2011 Ouganda 1 1 100% Ebola-Soudan 2008 RDC 32 14 44% Ebola-Zaïre 2007 Ouganda 149 37 25% Ebola-Bundibugyo 2007 RDC 264 187 71% - 2005 République du Congo 12 10 83% Ebola-Zaïre 2004 Soudan 17 7 41% Ebola-Soudan 2003 République du Congo 35 29 83% Ebola-Zaïre 2002 République du Congo 143 128 90% Ebola-Zaïre 2001 République du Congo 59 44 75% Ebola-Zaïre 2001 Gabon 65 53 82% Ebola-Zaïre 2000 Ouganda 425 224 53% Ebola-Soudan 1996 Afrique du Sud 1 1 100% Ebola-Zaïre 1996 Gabon 60 45 75% Ebola-Zaïre 1996 Gabon 31 21 68% Ebola-Zaïre 1995 RDC 315 254 81% Ebola-Zaïre 1994 Côte d’Ivoire 1 0 0% Ebola-Forêt de Taï (Côte d’Ivoire) 1994 Gabon 52 31 60% Ebola-Zaïre 1979 Soudan 34 22 65% Ebola-Soudan 1977 RDC 1 1 100% Ebola-Zaïre 1976 Soudan 284 151 53% Ebola-Soudan 1976 RDC 318 280 88% Ebola-Zaïre 7 Contact : Département de Coordination des Alertes et des Régions, veille.internationale@invs.sante.fr
Vous pouvez aussi lire